La route est longue mais la voie est libre

Framasoft - LL de Mars - Art Libre

J’ose espérer que notre lectorat dépasse l’Hexagone pour rencontrer de temps en temps la francophonie mais ce soir, difficile d’échapper à l’actualité, la France a donc un nouveau président.

Les électeurs, et c’est heureux, ne se sont pas déterminés en fonction des seules positions des candidats sur le logiciel libre et les libertés numériques, quand bien même nous savons que cela ait pu avoir une influence chez certains d’entre nous.

Il n’empêche que si l’on passe outre nos propres (et respectueuses) opinions pour se réfèrer uniquement à l’objectif principal de Framasoft qui est de faire connaître et diffuser la culture libre en général et le logiciel libre en particulier au plus large public alors force est de constater que ce n’était pas forcément a priori le meilleur des choix.

Ce n’est pas un procès d’intention. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir et comparer les réponses des uns et des autres au questionnaire de Candidats.fr ou pour aller plus vite d’en lire la remarquable synthèse de Thomas Petazzoni sur son blog.

Pour moi cela signifie ni plus ni moins que le mouvement national de défense, reconnaissance et impulsion institutionnelles du logiciel libre et son état d’esprit va s’en trouver si ce n’est freiné du moins ralenti.

Cela signifie également que des réseaux associatifs comme le nôtre, qui n’ont pas attendu un quelconque soutien de l’Etat pour démarrer et agir, ont encore toute leur raison d’être.

La route est (peut-être un peu plus) longue, mais la voie est (plus que jamais) libre…




Microsoft ou les vertus de la monoculture

Zach Klein - CC byPensez-vous par exemple que la pléthore de distributions GNU/Linux soit une qualité de l’OS et le témoignage de la vivacité de sa communauté ou bien au contraire qu’on aboutit à une situation confuse où trop de choix tue le choix ?

Sur cette thématique assez classique de la pertinence de la pluralité du choix, voici la traduction d’un article (un peu technique mais fort intéressant) d’un développeur américain James Turner sur le site d’O’Reilly.

Extrait :

Alors, quels sont les avantages d’une monoculture et pourquoi Microsoft gagne-t-il si souvent quand les gens doivent choisir une plateforme ? C’est en grande partie à cause de ce que la communauté open source voit comme une force mais que ceux qui essaient de faire leur boulot dans le monde réel voient comme une faiblesse. Nous célébrons la diversité de choix disponibles pour résoudre un problème et nous appelons cela la liberté. Les directeurs informatiques et les patrons de la branche informatique (IT managers et CIOs en anglais) y voient du chaos, de la confusion et des doutes.

Pour ceux qui comme nous sont attachés à la liberté, avoir le choix est bien entendu une valeur fondamentale. Mais il peut en aller autrement dans le monde pragmatique de l’informatique professionnelle où c’est souvent l’efficacité qui est privilégié. Et alors dans ce contexte Microsoft conserve de sérieux atouts avec ses offres monoculturelles sécures et rassurantes[1].

Les vertus de la monoculture

The Virtues of Monoculture

James Turner – 24 avril 2007 – Opinion
(Traduction Framalang : Don Rico et Yostral)

Je ne dis certainement rien de nouveau ici, mais j’ai pensé que je pourrai partager quelques réflexions sur les raisons qui poussent les gens à suivre la voie Microsoft. J’ai récemment fait quelque chose dans mon travail de tous les jours auquel je pensais depuis longtemps, mais pour lequel je n’ai jamais vraiment pris la peine d’aller jusqu’au bout, je me suis inscrit pour participer à un projet Microsoft-centrique et pour apprendre le .NET.

J’avais fait des tentatives avortées par le passé pour apprendre à coder dans l’Univers Microsoft. J’avais fait un essai à la sale époque des COM, mais le nombre de numéros qu’on me demandait d’exécuter me demandait trop d’effort par rapport à ce que j’étais alors prêt à consentir. Depuis j’ai gardé ce mauvais goût au fond de la bouche et j’ai refusé d’ajouter une seul compétence Microsoft à mon répertoire, même si cela représentait parfois un vide dans mon curriculum vitæ.

J’ai souvent travaillé dans des environnements où il y avait ce Monsieur Microsoft, l’évangéliste qui vous répète sans cesse à quel point ça aurait été plus facile en .NET. Je les ai classés dans la catégorie adorateurs de Gates buveurs de Tang*. Mais, à la fin de la journée, je me suis dit que si je devais les critiquer je devais vraiment comprendre leur monde. Connais ton ennemi et tout ça.

J’ai passé la semaine dernière à apprendre dans l’ordre C#, .NET et VSTO (c’est Visual Studio Toolkit for Office, si les abréviations de Microsoft ne sont pas votre tasse de thé). J’ai utilisé le livre Learning C# de chez O’Reilly et j’ai fait quelque chose qui m’arrive rarement : je m’y suis mis de manière très méthodique (du moins pour la première moitié).

Et devinez quoi? Microsoft possède dans ses mains une suite de développement plutôt bonne. Pour être honnête, C# est vraiment ce que je ferai si je pouvais complètement ré-écrire Java sans me soucier de la compatibilité descendante. Il y a quelques fonctionnalités vraiment sympas, comme les mots-clés virtual, override, et new qui vous permettent de spécifier ce qu’il se passe lorsque vous transtypez une classe dans sa classe de base et que vous appelez une méthode qui est définie dans les deux.

Visual Studio est un outil habile qui vous permet vraiment de créer des applications (et avec VSTO des ajouts pour Office) en deux temps trois mouvements. ADO.NET n’est pas pire que JDBC et s’intègre de manière transparente dans Visual Studio. J’ai été capable, arrivé à la fin de la semaine, de développer des applications autonomes et des ajouts pour Office qui étaient capable de dialoguer avec les bases de données en n’ayant écrit que peu de code. D’après ce que j’en ai vu, ASP.NET réalise la même chose pour les applications web MVC (NdT : Model View Controller).

Alors, quels sont les avantages d’une monoculture et pourquoi Microsoft gagne-t-il si souvent quand les gens doivent choisir une plateforme ? C’est en grande partie à cause de ce que la communauté open source voit comme une force mais que ceux qui essaient de faire leur boulot dans le monde réel voient comme une faiblesse. Nous célébrons la diversité de choix disponibles pour résoudre un problème et nous appelons cela la liberté. Les directeurs informatiques et les patrons de la branche informatique (IT managers et CIOs en anglais) y voient du chaos, de la confusion et des doutes.

Est-ce que je devrais utiliser iBatis ou Hibernate? XFire ou AXIS? Perl, PHP ou Ruby? Debian, Fedora, Ubuntu ou Suse? Si vous prenez la mauvaise décision vous pouvez perdre énormément de temps, comme nous l’avons découvert sur un projet récent où nous avons gâché une semaine à essayer de faire marcher AXIS2 pour un projet de service web pour finalement nous rendre compte que XFire était ce qu’il nous fallait.

Pour Monsieur Microsoft cette confusion n’existe pas. Vous utilisez ADO.NET, ASP.NET, C# et Windows. Ils fonctionnent tous, ils sont tous bien documentés du point de vue des besoins des développeurs, sans un seul regarde le code source désobligeant. A chaque fois que je pensais que j’allais être bloqué il y avait une douzaine d’articles expliquant comment faire exactement ce que je voulais faire, avec un exemple de code qui était à jour avec les versions du logiciel que j’utilisais et qui répondait vraiment au problème que je cherchais à résoudre.

Microsoft apporte le confort de ne pas avoir à choisir. Avoir le choix n’est pas toujours bon et la communauté open source offre parfois bien trop de manières différentes de plumer un canard, des choix qui sont pris plus par fierté, ego ou entêtement que par une authentique nécessité d’avoir deux alternatives différentes. Je ne montrerai personne du doigt, tout le monde connaît des exemples.

En fait, à moins que vous ne pensiez que je me sois tourné vers le Côté Obscur, le GROS problème avec une monoculture, c’est que vous vendez plus ou moins votre âme pour la stabilité d’un ensemble de choix défriché pour vous. En empruntant le chemin .NET, en gros, vous vous y perdez à tout jamais, et ce malgré Mono. Vous travaillerez toujours sur une plateforme Windows. Vous avez le joli anneau en or, mais Sauron tire les ficelles et vous fait danser. Pour beaucoup d’entreprises, celles qui n’ont pas besoin de se soucier du déploiement dans un environnement hétérogène, c’est un pacte qu’elles sont plus que prêtes à conclure.

Voici ce que je retiens de toute cette réflexion : en quelque sorte, nous devons commencer à faire le tri. La massue de 350kg pour faire entrer certaines idées dans les têtes devrait être mise à disposition pour marteler les têtes de ceux qui fourchent (NdT : qui créent un fork une déviation indépendante d’un projet) pour la seule et unique raison qu’ils ne sont pas en accord avec la licence, ou de ceux qui prennent les décisions. Quand on entend parler de deux (ou plus) projets qui répondent à la même problématique, on devrait se demander « Pourquoi ne mettent-ils pas en commun leurs efforts pour fournir une très bonne solution? » plutôt que de célébrer la diversité uniquement pour l’amour de la diversité.

A-ton vraiment besoin de Ruby on Rails ET de Groovy on Grails? Quand ils ont annoncé le poisson d’avril de Python on Planes j’ai mis quelques secondes pour réaliser que c’était un canular, parce que c’est exactement le genre d’effort faire quelque chose pour l’amour de le faire qui fractionne la communauté des logiciels open source. Il n’y a aucun moyen d’empêcher les gens de commencer des projets en double, et nous ne le voudrions pas, mais bon sang, doit-on l’encourager activement ?

On passe beaucoup de temps à se plaindre des moyens démoniaques qu’emploie Microsoft pour s’imposer partout. En faisant cela, nous nous lavons automatiquement de toute responsabilité que nous pourrions nous-même porter pour leur succès ou nos échecs. Le fait est qu’il existe d’excellentes raisons pratiques qui poussent les gens dans les bras de la boîte à outil de Redmond et nous devons accepter ceci comme un fait et en tirer des leçons plutôt que d’agiter nos poings en blamant l’obscurantisme. Car nous avons trouvé notre ennemi et c’est nous, pas Microsoft, du moins pas tout le temps…

Notes

[1] Crédit photo : Zach Klein (Creative Commons By)




Ne signez pas chez une grande maison de disque !

Much Music - RossinaBossioB - Creative Commons BY

Traduction[1] d’un article issu du blog des Cobra Punchers. Je suis loin d’adhérer à tout ce qui est dit mais je crois qu’aucun musicien aujourd’hui ne peut faire l’économie de s’interroger sur les évolutions liées à internet et aux nouvelles technologies. Quid des licences aposées à ma musique ? Quid de sa diffusion ? Quid des contrats avec les sociétés de gestion des droits d’auteur.(type SACEM) ? Quid des contrats avec les maisons de disques (type Majors) ?

Pour ce groupe très rock’n roll ça donne un témoignage que d’aucuns trouveront peut-être excessif voire naïf mais qui a cependant le mérite de poser de bonnes questions en proposant une alternative qui pourrait bien à l’avenir être de plus en plus crédible.[2]

The Cobra Punchers - Blog - screenshot

La nouvelle industrie musicale

The New Music Industry

Ce n’est plus un secret, l’industrie musicale va mal. Ils ont changé leur modèle économique, leur principale source de revenus n’est plus la vente de musique mais les procès intentés à leurs clients. Chacun peut voir que c’est un modèle économique ridicule. Pourtant, ceux qui devraient être les mieux informés à propos du bateau en perdition qu’est l’industrie musicale aujourd’hui ignorent complètement tous les signes et grimpent à bord du Titanic avec un abandon désespéré.

Je parle des groupes, ces pauvres groupes naïfs qui pensent toujours que signer d’un contrat est comme passer la ligne d’arrivée en tête et se voir offrir tous ses rêves sur un plateau d’argent. Ces pauvres groupes naïfs qui ne lisent pas les petits caractères et qui ne parviennent pas à comprendre la partie commerciale de l’industrie dont ils désirent tant faire partie. Ces groupes qui vendent deux millions d’albums et qui se retrouvent avec une dette de centaines de milliers de dollars envers leur maison de disque qui devait rendre tous leurs rêves les plus fous réalité.

Ce sont ces gens qui devraient apprendre la nouvelle première règle de l’industrie musicale. Ne signez pas chez une grande maison de disque. J’irai même jusqu’à conseiller de ne signer avec aucune maison de disque. Je ne pense pas en avoir besoin, mais je vois très bien en quoi de nombreux groupes tireraient profit d’un contrat avec un label indépendant plus petit. Tout musicien n’a pas forcément le sens des affaires et vice versa, mais je pense que nous entrons dans une ère de la musique où le pouvoir reposera uniquement dans les mains des musiciens qui peuvent voir leur musique différemment et voir comment gagner de l’argent en faisant ce qu’ils aiment.

Voilà quelques concepts que tous les musiciens aujourd’hui devraient comprendre

1. Les gens vont partager votre musique entre eux – Ne voyez pas le partage de fichiers comme du vol. La plupart de ceux qui téléchargent de la musique ne se voient pas comme des voleurs, ils ne se voient pas comme des pirates, ils veulent juste écouter votre musique. Le but final de l’industrie de la musique est que le plus de gens possible écoutent votre musique. Quand les gens échangent de la musique entre eux, ils rendent service à ce musicien en augmentant le nombre de personnes qui l’écoutent. C’est difficile de voir le partage de fichier comme un bienfait pour les musiciens puisque la plupart des musiciens voient leur musique comme un produit à vendre sous la forme d’un album. Si les gens partagent votre musique entre eux gratuitement, comment un musicien peut-il gagner sa vie ?

2. La musique n’est plus un produit, c’est un contenu – Lorsque la musique était liée au support qui la jouait, c’était un produit de la même manière qu’un lave vaisselle ou un aspirateur est un produit. Vous achetez un aspirateur parce que c’est un produit qui nettoie votre sol. Vous achetiez un CD parce que c’est un produit qui fait des sons plaisants.

Maintenant le contenu est séparé du produit. Vous n’avez désormais plus besoin du CD pour entendre les beaux sons. Maintenant que la musique est retirée du produit, la musique existe seulement en tant que contenu. Le dilemme de comment faire de l’argent à partir de la musique devient bien plus simple à résoudre une fois que vous voyez la musique comme un contenu et pas comme un produit. Beaucoup de médias différents ont utilisé du contenu pour faire de l’argent. Le meilleur exemple est l’industrie de la télévision qui a utilisé des contenus gratuits de qualité pour faire de l’argent pendant des années.

3. Soyez le fournisseur de votre propre contenu – Il y a des centaines de sites de torrent qui amassent des fortunes en fournissant du contenu gratuit. Ils passent de la pub aux milliers de gens qui visitent leurs site. Ils attirent des milliers de visiteurs en offrant du contenu gratuit. Du contenu créé par d’autres personnes.

C’est cet argent qui devrait arriver directement dans les poches des musiciens. Les musiciens devraient être moins énervés par le fait que les gens écoutent leurs chansons gratuitement que par le fait que le trafic se dirige vers les sites de torrent plutôt que vers leur propre site web.

Le meilleur moyen de récupérer l’argent de la publicité est d’entrer directement en compétition en proposant votre propre contenu gratuitement. Placé devant deux choix, celui de naviguer dans les eaux troubles des sites de torrent peu scrupuleux à la recherche de votre dernier single ou celui de le télécharger directement depuis le site de l’artiste gratuitement, le client téléchargera le contenu depuis votre site web de manière certaine.

4. Le contenu n’est plus limité par le produit lui-même – Un CD contient 70 minutes de musique. La plupart des CD sortis par les musiciens font environ 45 minutes et contiennent entre 10 et 15 chansons. Chaque CD est vendu avec une jolie couverture, une liste des chansons, des photos du groupe et les paroles. C’est le format que presque tous les groupes ont suivi depuis que je pouvais atteindre le bouton “Play” sur la chaine HiFi de mon père.

Puisque le contenu du CD n’est plus lié à ce disque brillant de 70 minutes, la façon dont la musique est commercialisée et vendue est maintenant libérée de ce vieux format usé. Je pense qu’iTunes a commencé à paver la route pour le retour des singles. Les groupes sortent leurs chansons à un rythme plus soutenu et constant, ils pondent une chanson tous les deux mois depuis l’intimité de leur maison.

L’artiste n’aura plus besoin de faire du “remplissage” pour allonger artificiellement la durée de leur album. Les fans n’auront plus à acheter 9 chansons qu’ils n’aiment pas afin d’en avoir 3 qu’ils adorent. Les fans n’auront plus à attendre des années entre deux albums. Les fans auront une nouvelle dose du groupe qu’ils aiment à chaque fois qu’il écrit une nouvelle chanson.

Ceux qui adopteront cette idée rapidement bénéficieront grandement du fait que leur groupe sera dans les médias plus souvent. Les groupes auront plus souvent l’occasion de faire leur promotion s’ils sortent une chanson tous les mois. Les singles profiteront aussi aux musiciens qui génèrent leurs revenus par les bénéfices de la publicité. S’ils sortent plus de chansons dans l’année, leur site web aura un trafic plus constant.

Beaucoup de musiciens et de maisons de disques grinceront des dents à l’idée de distribuer la musique gratuitement, mais cela ne peut pas être évité. Grâce à Internet, partager la musique que vous aimez est devenu plus simple que d’aller au magasin l’acheter. La prochaine étape pour les groupes est de rendre le téléchargement de leur musique encore plus aisé aux fans pour qu’ils puissent contrôler le contenu qu’ils créent et gagner de l’argent par la même occasion.

Notes

[1] Merci à Olivier, Daria et Yostral pour la traduction made by Framalang.

[2] L’illustration est une photographie de RossinaBossioB intitulée Much Music issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Libérons aussi le matériel informatique !

Freedom Tunnel 10 - by Pro-Zak - CC-BY

Cet article propose la traduction[1] non officielle d’un article important de la Free Software Foundation (FSF). J’en reprends ici la limpide présentation de Thomas Petazzoni dans sa news LinuxFr du 5 mars dernier.

La Fondation pour le Logiciel Libre (FSF) a publié, ce premier mars, un document intitulé The road to hardware free from restrictions: how the hardware vendors can help the free software community, dans lequel elle invite les constructeurs de matériel à travailler avec la communauté du Logiciel Libre pour établir une relation mutuellement bénéficiaire.

La fondation propose aux constructeurs d’agir dans cinq domaines :

– Développement de pilotes libres pour le matériel, en diffusant la documentation de leurs matériels, voire en aidant la communauté du Logiciel Libre à développer les pilotes, ou en les développant en interne
– Non-verrouillage au niveau des BIOS de certaines fonctionnalités (comme les marques de cartes mini-PCI acceptées, ou les fonctionnalités de virtualisation du processeur)
– Aider au développement d’un BIOS libre, en diffusant la documentation bas-niveau du matériel voire en distribuant du matériel utilisant un BIOS libre
– Vendre des ordinateurs sans système d’exploitation pré-installé, ou avec un système d’exploitation libre
– Résister à la pression des industries de la culture souhaitant mettre en place des mesures techniques de protection au niveau matériel

Pour chaque point, la Fondation pour le Logiciel Libre liste des moyens d’actions précis pour aider la communauté du Logiciel Libre, et donne les intérêts qu’auraient les constructeurs à agir dans ce sens.

L’occasion de rappeller l’action du site detaxe.org contre la vente liée qui continue à attendre vos signatures. Et d’évoquer la toute récente et salutaire décision de Dell d’inclure très prochainement des ordinateurs sous Ubuntu dans leur offre grand public, évènement majeur en phase avec les souhaits exprimés par cet article[2].

FSF screenshot - The road to hardware

Vers du matériel sans restrictions : comment les constructeurs peuvent aider la communauté du logiciel libre

The road to hardware free from restrictions: How hardware vendors can help the free software community

par Justin Baugh et Ward Vandewege
Senior systems administrators
Free Software Foundation

Février 2007

Introduction

Le marché du matériel informatique évolue résolument vers un écosystème standardisé basé sur du matériel sans restrictions. On voit déjà des petits fournisseurs augmenter leurs ventes en s’assurant que leur matériel fonctionne de manière optimale avec les logiciels libres et que leurs pilotes sont faciles à développer et entretenir. Les géants de l’industrie ont déjà mis à profit cette recette sur le marché des serveurs mais doivent encore prendre les mêmes engagements dans le domaine du matériel grand public.

Les vendeurs qui ont compris cette évolution sauront tirer profit de l’avantage stratégique que leur donnera la communauté du logiciel libre. Les vendeurs qui ne parviennent pas à réaliser ceci seront dépassés par des concurrents plus agiles.

Les pilotes libres

L’un des plus gros problèmes auquel doit faire face la communauté du logiciel libre aujourd’hui est le manque de pilotes libres pour le matériel courant. Des avancées significatives ont été faites dans ce domaine pour les systèmes GNU/Linux, soit par le support tacite des fabriquants soit par un laborieux processus de rétro-ingéniérie. Deux bastions des pilotes propriétaires restent toujours à conquérir: les interfaces de réseaux sans fils et les cartes graphiques. La communauté s’est largement mobilisée pour obtenir des pilotes libres pour tout le matériel. (La pétition Free Drivers Petition envoyée aux fabriquants de matériel a recueilli à ce jour plus de 5000 signatures.)

Presque toutes les cartes sans fils ainsi que les dispositifs USB nécessitent soit le chargement d’un firmware par un pilote libre soit l’utilisation des pilotes Windows grâce à un programme d’émulation libre (Ndiswrapper). Ndiswrapper entraîne une utilisation supplémentaire non nécessaire du processeur. Les pilotes propriétaires qu’il utilise sont souvent de mauvaise qualité, ce qui peut conduire à des problèmes de stabilité et de grandes difficultés pour fournir de l’aide aux utilisateurs. La plupart des cartes graphiques ne fonctionneront pas à 100% de leur potentiel sans des pilotes propriétaires, particulièrement dans les applications 3D.

On retrouve là les problèmes habituels du logiciel propriétaire. Des bugs dans les pilotes propriétaires peuvent aboutir à des failles de sécurité au cœur du système qui ne peuvent être corrigées sans l’intervention du vendeur. Cela peut prendre des mois pour corriger des bugs signalés par la communauté, si toutefois un correctif arrive un jour. Souvent les vendeurs prêtent peu attention aux problèmes des utilisateurs qui ont déjà acheté leurs produits. Par exemple, dans le cas particulier des pilotes binaires NVidia, quelques failles de sécurité de la plus haute importance sont restées sans correctif pendant bien trop longtemps. Le matériel qui requiert un firmware propriétaires, utilisable grâce à un logiciel libre, évite le problème en enfermant tous les renseignements dans un boîte noire que l’utilisateur ne peut ouvrir. C’est simplement de la poudre aux yeux, cela donne l’impression que le vendeur de matériel respecte le principe du libre alors que les problèmes de la communauté restent marginalisés.

Comment les vendeurs de matériel peuvent apporter leur soutien
  • Les vendeurs de matériel pourraient imposer que la documentation technique de base complète soit rendue disponible pour le matériel utilisé dans leurs produits. Cette documentation devrait être mise à la disposition des clients sans restriction, comme c’était le cas avant.
  • Les vendeurs pourraient encourager le développement de pilotes libres pour leur matériel soit en écrivant les pilotes eux même ou en aidant l’effort de développement de la communauté.
  • Les vendeurs pourraient travailler avec la communauté pour faire inclure les pilotes directement dans la version de base du noyau, Linux. Ceci rendrait la maintenance et la mise à jour des pilotes beaucoup plus simple aussi bien pour les développeurs que pour les utilisateurs.
Qu’est ce que cela apporterait au vendeur?

Un matériel bien documenté et supporté par des pilotes libres sera significativement plus utile aux membres de la communauté du logiciel libre ainsi qu’au grand public. Une image de matériel libre amène des critiques positives, une image de marque plus forte et des ventes en augmentation. (“Dans un sondage de 1800 jeunes, publié par Cone Inc. et AMP Insights, deux compagnies de marketing de Boston, 89% des sondés disent qu’ils seraient prêts à passer d’une marque à une autre si la seconde est associée à une bonne cause.” Chronicle of Philanthropy, 2006.11.09, Peter Panepento.) Le respect de la liberté de l’utilisateur est un signe distinctif d’une compagnie qui a une certaine éthique.

Le logiciel libre est une question de liberté: les gens devraient être libre d’utiliser les logiciels de toutes les manières qui soient socialement utiles. Voir http://www.gnu.org/philosophy/

Les verrous liés aux BIOS propriétaires

Il y a un certain nombre de problèmes sérieux avec les BIOS propriétaires livrés en général avec les systèmes vendus aux particuliers par les grands vendeurs. Deux problèmes particulièrement flagrants sont:

  • Le verrou qui empêche l’utilisation de cartes au format minipci dans les ordinateurs portables.

Plusieurs vendeurs emploient des codes dans le BIOS pour restreindre l’utilisation des emplacements minipci, qui sont pourtant complètement standardisées, afin qu’elles n’acceptent que des cartes d’extension pré-approuvées. C’est un problème majeur, en particulier car les cartes pré-approuvées sont souvent conçues par des vendeurs hostiles au logiciel libre, comme Broadcom.

  • La désactivation des fonctions de virtualisation matérielle des processeurs modernes.

Il a été signalé que certaines machines se sont vues amputées des fonctions de virtualisation matérielle du processeur par le BIOS d’usine. Les raisons invoquées par un vendeur sont que la virtualisation n’a pas été testée sur ses produits, c’est pourquoi cette fonction a été désactivée. (Voir Business support forums – nw8440 – VT disabled in bios.)
Il n’y a aucun intérêt à ce que les fabriquants de carte mère OEM appliquent des restrictions similaires.

Comment les vendeurs de matériel peuvent aider

Les vendeurs ne devraient pas délibérément amputer leur matériel de certaines fonctions par le biais de cadenas ou de DRM dans le BIOS.

Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

En retirant ces restrictions artificielles, les utilisateurs seront libre d’utiliser leur matériel au maximum de ses capacités, ceci incluant la liberté de combiner les composants comme bon leur semble. Pour une grande communauté informée telle que la communauté du logiciel libre, cette liberté fait ou défait les décisions d’achat.

Le soutien des BIOS libres

Un mouvement entrain de se développer vise à remplacer les BIOS propriétaires par un BIOS libre. Le gros de l’effort fournit soutient LinuxBIOS. (Voir http://linuxbios.org/.)

Comment les vendeurs de matériel peuvent aider

Les vendeurs de matériel pourraient apporter leur soutien à la communauté en donnant accès, sous une licence permissive, à toute la documentation matériel de base nécessaire pour développer un BIOS libre pour leur système et idéalement en apportant une aide sur le plan de l’ingénierie.

Les vendeurs de matériel pourraient vendre leurs produits avec un BIOS libre plutôt qu’un BIOS propriétaire. La communauté du logiciel libre apprécie le matériel qui peut être utilisé entièrement grâce à des logiciels libres, depuis le BIOS, et est prête à payer pour cela.

Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

C’est dans l’intérêt du vendeur de matériel de supporter un BIOS libre car il offre certains avantages par rapport aux BIOS propriétaires:

  • La majeure partie du code est écrite en C, qui est beaucoup plus simple à entretenir qu’un code d’assembleur.
  • Il travaille presque entièrement en mode 32-bits protégé.
  • Plutôt que de perpétuer des décisions faites dans les années 1970 il est basé sur une architecture moderne.
  • De nouvelles possibilités révolutionnaires sont possibles, comme implanter un noyau complet dans une puce ROM.
  • Le démarrage ne prend que quelques secondes, ce qui est seulement un faible pourcentage du temps qu’un BIOS propriétaire moyen met à démarrer.
  • Le vendeur ne dépend pas uniquement d’un fournisseur de BIOS propriétaire pour les modifications et corrections à apporter au code.
  • Comme il est sous licence GPL il n’y a pas de brevet, de redevance ou de taxe de licence à payer.

La “Taxe Microsoft”

Il est quasiment impossible d’acheter du matériel sans un système d’exploitation Microsoft pré-installé. Les vendeurs qui proposent ce genre de systèmes n’encouragent pas leur achat en les cachant. Les vendeurs qui pré-installent GNU/Linux se contentent souvent de n’offrir qu’une liste de systèmes sélectionnés. En aucun cas les vendeurs n’offrent un rabais, bien qu’ils économisent de l’argent en n’incluant pas de licence OEM de Microsoft.

Comment les vendeurs peuvent aider
  • Les vendeurs pourraient proposer des machines avec l’option “sans système d’exploitation” pour chacun de leurs produits, machines pour le grand public comprises, les ordinateurs portables en particulier.
  • Quand l’option “pas de système d’exploitation” est choisie, les vendeurs devraient baisser le prix de l’ordinateur du coût de la licence OEM de Microsoft.
  • Les vendeurs pourraient proposer de pré-installer certaines distributions GNU/Linux de manière optionnelle, également pour les machines grand public et en particulier pour les ordinateurs portables. Les fonctionnalités du sous-système comme ACPI devraient être testées sur ces machines.
Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

En vendant et en faisant de la publicité pour du matériel sans système d’exploitation pré-installé, ou avec un système d’exploitation GNU/Linux, les vendeurs deviendraient moins dépendant de Microsoft. Des millions de personnes utilisent déjà des systèmes GNU/Linux. La communauté du logiciel libre assistera sans aucun doute les vendeurs qui proposent du matériel sans assujettir leurs clients à la “Taxe Microsoft”. Un coût réduit pour le vendeur signifie des prix réduits et de meilleures ventes.

Digital Restrictions Management

La communauté du logiciel libre s’oppose à l’astreinte des Digital Restrictions Management (DRM) (Mesures Techniques de Protection (MTP) en français). L’implémentation logicielle actuelle des DRM s’est montrée non sécurisée, ardue et ingérable, cette technologie anti-consommateur se déplace de plus en plus du logiciel vers le matériel. D’habitude les vendeurs de matériel encouragent l’utilisation innovante des nouvelles technologies et des nouveaux médias plutôt que de la restreindre. Cette culture de l’innovation est la base de toute l’industrie du matériel informatique.

Comment les vendeurs de matériel peuvent aider

Les vendeurs de matériel pourraient résister à la pression que leur imposent les industries du divertissement pour étouffer cette culture de l’innovation et faire pression pour obtenir des lois qui protègent les droits des consommateurs.

Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

La communauté du logiciel libre affluera vers les vendeurs qui protègent les droits des consommateurs en fournissant “du matériel libre de restrictions.” Les vendeurs qui vendent du matériel défectueux de par sa conception verront leurs ventes et le support de la communauté diminuer. En prenant la direction opposée aux DRM matériels les vendeurs resteraient également libres d’innover plutôt que de devoir attendre l’approbation des grands médias pour chaque nouveau produit.

Conclusion

En effectuant les changements recommandés dans une ou chacune de ces cinq directions (Les pilotes libres, les verrous liés aux BIOS propriétaires, le soutien des BIOS libres, la “Taxe Microsoft”, Digital Restrictions Management) les vendeurs de matériel aideront à établir une relation mutuellement bénéfique avec la communauté du logiciel libre. Les vendeurs augmenteront leurs ventes et la communauté du logiciel libre trouvera du matériel qui est conforme à ses aspirations éthiques. La Free Software Foundation est impatiente d’aider les vendeurs de matériel intéressés par les changements recommandés dans cette lettre. Les vendeurs ne devraient pas hésiter à tirer profit de cette opportunité encore très peu explorée.

Copyright © 2007 Free Software Foundation, Inc., 51 Franklin Street, Fifth Floor, Boston, MA 02110-1301, USA

La copie mot pour mot et la distribution de cet article sont permises dans le monde entier, sans redevance, sous n’importe quelle forme, à condition de préserver cette note.

Notes

[1] Merci à Olivier et GaeliX pour la traduction 🙂

[2] L’illustration est une photographie de Pro-Zak intitulée Freedom_Tunnel_10 issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Aimez-vous cette chanson ?

Un peu de teasing

Une auteur-compositeur-interprète serait prête à sortir quelques morceaux originaux et inédits de ses cartons pour en faire un album sous licence Art Libre.

Se sentir soutenue et encouragée par le communauté la motiverait encore davantage 😉

En voici un échantillon que j’ai un peu massacré auditivement parlant avec ma première mais piètre tentative d’en faire un clip diaporama (photographies BY myself sous Creative Commons BY).

Malgré la faible qualité sonore du montage, appréciez-vous quand même le potentiel ?

edit : j’ai refait le diaporama en améliorant la qualité d’image (et les transitions) mais le revers de la médaille c’est que c’est plus lourd à se charger




Mais pour qui vote le libriste ?

Difficile d’échapper à l’élection présidentielle française en ce moment. Alors je vais y aller moi aussi de mon petit couplet et d’oser vous proposer ma très fine analyse sociologico-politique à une question que vous ne vous posez pas en m’appuyant pour cela sur deux sondages en rien comparables. Vous voici donc prévenu, et si vous poursuivez la lecture de ce superficiel billet ce n’est plus de ma faute.

Kézako un libriste ?

Première difficulté c’est quoi un libriste ? Le jargon français a sa petite idée.

Libriste - Jargon Français

Un libriste serait donc un fan du logiciel libre, un peu comme on serait fan de Johnny Hallyday en somme. On a échappé au Partisan du librisme mais ça reste tout de même peu satisfaisant. Et puis il y a cette précision qui interpelle au risque de produire son effet contraire : Le terme est positif. Ouf ! nous voici rassurés parce que quand le terme est négatif ça donne généralement l’équation suivante : libriste = intégriste du libre, qui, d’après ses détracteurs, voudrait rendre libre à peu près tout ce qu’il touche au mépris le plus élémentaire du pragmatisme situationiste de nos habitudes et des règles économiques du marché.

Bon, bref, passons, ne nous écartons pas du sujet (parce qu’il y aurait beaucoup à dire sur ces habitude et ces règles du marché) et faisons un choix. On va réduire ici le libriste à… un visiteur du célèbre site linuxfr. Voilà, ça vaut ce que ça vaut, mais ça m’arrange pour la suite.

Deux sondages

Le premier sondage est tout ce qu’il y a de plus classique et pour tout vous avouer je l’ai pris un peu au pif pourvu qu’il fut récent. Il s’agit d’une enquête Ipsos/DELL difusée par SFR et Le Point auprès de 1300 personnes interrogées par téléphone le 7, 9 et 10 avril sur leur intention de vote au premier tour.

Sondage Ipsos/DELL Présidentielle

Le second est plus original puisqu’issu du site LinuxFr (vous savez, le repaire de… libristes). Il est toujours en cours et compte, en ce doux mercredi 11 avril à 23h41, exactement 2677 votes.

Sondage LinuxFr Présidentielle

Si on lui écarte les réponses qui ne correspondent pas à des votes pour des candidats, et ceci afin de pouvoir mieux le comparer au sondage précédent, ça donne alors : Royal : 24,8 %, Bayrou : 44,4 %, Sarkozy : 14,2 %, autre de gauche ; 13,8%, autre de droite ; 2,8%.

Subjectif comparatif

Les sondages, blabla, on n’a pas attendu 2002 pour cela, c’est à prendre avec des pincettes, ils ne disent que ce qu’on veut bien leur faire dire, tout ça… Ok, j’en conviens fort bien. Tout comme je reconnais, mais c’est assumé et apprécié, que les sondages LinuxFr sont beaucoup plus un pretexte à convivialité et échanges (décontractés) qu’un truc véritablement sérieux. Il suffit de consulter la liste des sondages précédents pour s’en convaincre dont le passionnant Combien de bouton(s) possède(nt) votre souris ?

Il n’empêche qu’il y a tout de même quelques différences notables entre les deux études. Alors moi, ni une ni deux, faisant fi de la moindre rigueur scientifique, d’en tirer pour notre libriste les quelques enseignements / hypothèses / élucubrations suivant(e)s.

  • Le libriste ne vote pas comme le français moyen
  • Le libriste vote deux fois plus pour Bayrou et deux fois moins pour Sarkozy que le français moyen (Royal restant stable)
  • L’axe Bayrou-Royal totalise un peu plus des 2/3 des votes ce qui tendrait à ancrer le libriste au centre gauche
  • L’axe Bayrou tout seul s’approche des 50%
  • Question connexe : Si, parait-il, Bayrou est le favori des bobos, est-ce que le libriste est lui-même un bobo ?
  • L’extrême droite est marginale chez le libriste
  • L’extrême gauche n’est pas marginale mais son score ne suffit pas à démontrer que le libriste est majoritairement un gauchiste révolutionnaire altermondialiste (comme on peut parfois le lire çà et là)
  • Le libriste s’exilera à Bangalore si Sarkozy passe

Le propos reste à affiner

Soit. Admettons cette dissymétrie. On peut alors se demander en quoi les prises de position des candidats vis-à-vis du logiciel libre influence directement le vote de notre libriste. Y accorderait-il la même importance que celles concernant l’éducation, l’économie, le chômage, l’Europe, tout ça ? Cela pourrait expliquer que Bayrou soit sa coqueluche et Sarkozy son mouton noir parce que l’un a défendu publiquement très tôt le logiciel libre tandis que l’autre se fait plutôt discret sur le sujet.

C’est possible mais ce serait un peu réducteur. Il est cependant plausible que les prises de position des candidats sur les nouvelles technologies et la société de l’information dans son ensemble (dont le récent débat autour de la DADVSI) touchent notre libriste tout comme elles touchent, et c’est logique, l‘internaute moyen (qui lui se distingue du français moyen en ce que ce dernier n’est connecté qu’à 44% au net). C’est ce que laisserait à penser un autre sondage réalisé sur le site d’Agoravox le média citoyen (la révolte du pronétariat, le cinquième pouvoir, tout ça…) dont les résultats sont très proche de ceux de LinuxFr.

Libristes et agoravoxiens, même combat donc ici. Peut-on alors étendre ces préférences au net francophone tout entier ? Et de se souvenir qu’en 2005 internet avait majoritairement dit non au référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe avec le résultat final que l’on sait…




Microsoft est mort (et le logiciel libre ne se sent pas très bien ?)

March of the Baby Turtles - Clearly Ambiguous - CC-BY

Encore une traduction (merci Olivier). Celle d’un récent article de Paul Graham au titre choc : Microsoft is dead.

Il nous a semblé intéressant d’abord parce que Paul Graham n’est pas n’importe qui dans le monde de l’informatique. Mais ensuite parce que son point de vue d’américain plongé dans les startups à la sauce web 2.0 tranche singulièrement avec celui d’un européen plongé dans le logiciel libre, comme… moi par exemple ! (sauf à s’appeler Loïc Le Meur ou Tariq Krim mais là n’est pas la question).

Graham propose quatre grandes causes à la mort du géant : Google, Ajax et le Javascript, le haut-débit et Apple. Et d’expliquer en gros que comme les applications de bureau vont toutes finir par migrer sur le web alors on n’aura plus trop besoin de se soucier de son ordinateur du moment qu’il nous fait accéder avec confort à internet. L’exemple emblématique et annonciateur serait alors de consulter ses messages sur Gmail depuis son joli laptop Apple en wi-fi grande vitesse (ce que de nombreux geeks font déjà, j’en ai vu, j’ai les noms !).

Ce qui est notable ici c’est que non seulement le logiciel libre n’est pas cité (ou alors vraiment à la marge), alors que nous sommes (étions ?) nombreux à penser depuis longtemps qu’il est l’un des premiers pour ne pas dire le premier facteur de la chute annoncée du colosse, mais qu’en plus les arguments avancés par Graham font que cela peut également changer la donne pour le logiciel libre lui-même.

En effet force est de constater qu’il est très peu présent dans ce monde encore balbutiant mais en pleine effervescence des applications de bureau taggés web 2.0 accessibles depuis internet. Mais alors, en admettant que la thèse de Graham soit valide, le logiciel libre serait-il lui aussi menacé par cette évolution ? Parce que si il est vrai que l’on arrive à faire des OpenOffice.org en lieu et place de MS Office (et des… GNU/Linux en lieu et place de Windows !), créer un "Gmail libre" me semble hors de portée de la communauté. Poussons le raisonnement jusqu’au bout pour toucher les rives de la science-fiction, entouré de technologies web 2.0 propriétaires finira-t-il par ne rester qu’un Firefox comme logiciel libre phare de nos usages ?

Nous n’en sommes pas encore là. Et à affirmer effectivement que Microsoft soit déjà mort, le macstartupien Paul Graham n’est peut-être pas l’inspecteur idéal pour en désigner seul les coupables[1].

Microsoft is dead - Screenshot

Microsoft is dead

Paul Graham – Avril 2007

Il y a quelques jours j’ai soudainement pris conscience que Microsoft était mort. Je parlais avec un jeune créateur d’une startup de la différence entre Google et Yahoo. Je disais que Yahoo a été empêtré dès sa naissance dans sa peur de Microsoft. C’est la raison pour laquelle ils se sont définis comme une compagnie de média et non une compagnie de technologie. Alors j’ai regardé son expression et j’ai vu qu’il n’avait pas compris. C’est comme si je lui avais dit à quel point les filles aimaient Barry Manilow[2] au milieu des années 80. Barry qui ?

Microsoft ? Il n’a rien dit, mais je pouvais lire que ça lui paraissait invraisemblable que quelqu’un soit encore effrayé par eux.

Microsoft projette son ombre sur le monde du logiciel depuis près de 20 ans, depuis la fin des années 80. Je me souviens qu’avant eux c’était IBM. En pratique j’ai ignoré cette ombre. Je n’ai jamais utilisé de logiciels Microsoft, donc cela ne me touchait qu’indirectement, par exemple dans les spams que je recevais. Et parce que je n’y faisais pas attention je n’ai pas remarqué que cette ombre avait disparue.

Mais elle est partie maintenant, je peux le sentir. Plus personne n’a peur de Microsoft désormais. Ils font toujours beaucoup d’argent, tout comme IBM d’ailleurs. Mais ils ne sont pas dangereux.

Quand est ce que Microsoft est mort et de quoi ? Je sais qu’ils semblaient dangereux jusqu’en 2001 parce que j’avais écrit un article alors sur le fait qu’ils étaient moins dangereux qu’il n’y semblait. Je dirais qu’ils sont mort en 2005. Je sais que lorsque nous avons lancé Y Combinator[3] nous ne nous sommes pas inquiétés de la concurrence de Microsoft quand nous avons fondé les startups. En fait, nous ne les avons même pas invités aux journées de présentation que nous avons organisées pour présenter les startups aux investisseurs. Nous avons invité Yahoo et Google et d’autres entreprises d’internet, mais nous n’avons jamais pris la peine d’inviter Microsoft, pas plus qu’ils n’ont pris la peine de nous envoyer un email. Ils font partie d’un monde différent.

Qu’est ce qui les a tués ? Quatre choses je pense, qui se sont produites en même temps au milieu des années 2000.

La raison la plus évidente est Google. Il ne peut y avoir qu’un seul géant et c’est clairement eux. Google est de loin l’entreprise la plus dangereuse, à la fois dans le bon et le mauvais sens du terme. Microsoft peut au mieux boiter pour essayer de les suivre.

Quand est-ce que Google a pris la tête? Certains diront que c’était en août 2004 lors de leur IPO[4] mais ils ne menaient pas encore la danse à cette époque. Je dirais qu’ils ont pris les commandes en 2005. Gmail leur a donné un avantage décisif. Gmail montrait qu’ils pouvaient faire plus que de la recherche.

Gmail montrait aussi l’étendue des possibilités de ce que vous pouviez réaliser avec un logiciel web si vous tiriez partie de ce qui sera plus tard appelé "Ajax". Et c’est là la deuxième cause de la mort de Microsoft : tout un chacun peut voir que l’informatique de bureau touche à sa fin. Il semble maintenant inévitable que les applications trouveront leur place sur le web, pas les emails uniquement, mais tout, jusqu’à Photoshop. Même Microsoft s’en rend compte maintenant.

Ironiquement, Microsoft sans le vouloir a aidé à la création d’Ajax. Le x de Ajax vient d’objet XMLHttpRequest, qui permet au navigateur de communiquer avec le serveur en fond de tâche tout en affichant une page. (Au départ la seule manière de communiquer avec le serveur était de lui demander une nouvelle page.) Le XMLHttpRequest a été créé par Microsoft à la fin des années 90 parce qu’ils en avaient besoin pour Outlook. Ce qu’ils n’ont pas réalisé alors est que ça s’avérerait utile à beaucoup de gens, en fait tous ceux qui voudraient faire tourner des applications web comme des applications de bureau.

L’autre élément crucial de Ajax est le Javascript, le langage de programmation qui tourne dans le navigateur. Microsoft a vu le danger que représentait le Javascript et a essayé de le maintenir caduque aussi longtemps qu’ils le pouvaient[5]. Mais finalement le monde de l’open source l’a emporté en créant des librairies Javascript qui ont poussé sur les défauts d’Explorer comme un arbre sur du fil barbelé.

La troisième cause de la mort de Microsoft a été l’accès à Internet à haut-débit. N’importe qui le désirant peut avoir une connexion rapide à Internet et plus le tuyau est large moins vous avez besoin du bureau.

Le dernier clou refermant le cercueil a été planté, parmis toutes les raisons, par Apple. Grâce à OSX Apple est revenu d’entre les morts, fait très rare dans le monde de la technologie[6]. Leur victoire est si complète que je suis aujourd’hui surpris quand je tombe sur un PC fonctionnant sous Windows. Presque toutes les personnes que nous finançons chez Y Combinator utilise des portables Apple. Le phénomène était le même dans le public d’une école de startup. Tous les ordinateurs des gens tournent sous Mac ou Linux maintenant. Windows est pour les grand-mères, comme c’était le cas pour les Mac dans les années 90. Non seulement le bureau ne compte plus mais en plus les gens se fichent des ordinateurs avec des logiciels Microsoft.

Je suis heureux que Microsoft soit mort. Ils étaient comme Neron ou Commode[7], diaboliques comme seul l’héritage du pouvoir peut vous le faire devenir. Parce que souvenez vous, le monopole de Microsoft n’a pas commencé avec Microsoft. Ils en ont hérité d’IBM. Le marché du logiciel a été contrôlé par un monopole du milieu des années 50 jusqu’à 2005. Ce qui représente pratiquement toute son existence. L’une des raisons de l’euphorie qui entour le "Web 2.0" est le sentiment, conscient ou pas, que cette ère de monopole pourrait toucher à sa fin.

Evidemment, en tant que hacker, je ne peux m’empêcher de penser à des solutions pour réparer les choses cassées. Y’aurait-il un moyen pour que Microsoft fasse un come-back ? En principe, oui. Pour comprendre comment, pensez à deux choses : (a) La somme d’argent dont Microsoft dispose et (b) Larry et Sergey[8] faisant le tour des moteurs de recherche pour vendre leur idée pour Google pour un million de dollars et se faisant rejeter par tout le monde.

La chose la plus surprenante est que les hackers ingénieux, dangereusement ingénieux, peuvent être achetés pour pas grand chose à l’échelle des entreprises riches comme Microsoft. S’il voulait redevenir un compétiteur, voilà ce qu’il devrait faire :

  1. Racheter toutes les bonnes startups du "Web 2.0". Ils pourraient presque les acheter toutes pour moins qu’ils n’ont dépensé pour Facebook[9].
  2. Les rassembler dans un immeuble dans la Silicon Valley protégé par une enceinte de plomb pour les prémunir de tout contact avec Redmond.

Je me sens à l’aise en proposant cela, parce qu’ils ne le feront jamais. Le plus grand point faible de Microsoft est qu’ils ne réalisent toujours pas à quel point ils craignent. Ils pensent toujours qu’ils peuvent écrire des logiciels en interne. Et ils le peuvent encore, selon les lois du monde de l’informatique de bureau. Mais ce monde a pris fin il y a quelques années.

Je connais déjà les réactions que recevra cet article. La moitié des lecteurs diront que Microsoft est toujours une entreprise qui dégage des bénéfices énormes et que je devrais faire plus attention quand je tire mes conclusions en me basant sur ce que quelques personnes pensent dans notre petite bulle isolée du "Web 2.0". L’autre moitié, les plus jeunes, se plaindront que cette nouvelle date.

Notes

[1] L’illustration est une photographie de Clearly Ambiguous intitulée March of the Baby Turtles issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.

[2] NdT : Barry Manilow est un compositeur, acteur, producteur et scénariste américain né le 17 juin 1943.

[3] NdT : Y Combinator est une société créée par Paul Graham permettant de fournir un premier financement aux startups.

[4] NdT : IPO pour Initial Public Offering.

[5] Vous n’avez pas besoin de faire un gros effort pour rendre un logiciel incompatible. Tout ce que vous avez à faire est de ne pas fournir trop d’efforts pour corriger les bugs, que vous produisez en quantité généreuse si vous êtes une grande entreprise. La situation est semblable à l’écriture de fausses théories littéraires. La plupart ne tentent pas de les rendre obscures, ils ne font simplement pas l’effort d’être clair. Ça ne serait pas payant.

[6] En partie parce que Steve Jobs s’est fait sortir par John Sculley d’une manière rarement vue au sein du monde de la technologie. Si les dirigeants d’Apple n’avaient pas commis cette bourde ils n’auraient pas eu à rebondir.

[7] NdT : Commode, autre empereur romain considéré comme cruel et arbitraire.

[8] NdT : Larry Page et Sergey Brin sont les fondateurs de Google.

[9] NdT : Facebook est un site web de networking destiné à rassembler les lycéens et les étudiants.




République 2.0 – Le rapport Rocard est en ligne

Guillaume Paumier - CC by-saMichel Rocard vient de remettre son rapport à Ségolène Royal[1] et c’est du lourd !

Il était certes bien accompagné (dont François Pellegrini, Jean-Baptiste Soufron ou encore Aziz Ridouan[2]) mais je suis franchement impressionné par sa capacité à pondre aussi vite un document de 73 pages dense et pertinent (sauf à imaginer qu’il savait depuis longtemps qu’une telle tâche lui serait dévolue). En tout cas c’est aussi ça un politique et on aurait parfois tendance à l’oublier…

Les technologies numériques et internet sont mis à leur juste place, c’est à dire une place essentielle dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Analyses et recommandations (au nombre de 94) se succèdent à un rythme effréné.

Surprise, le logiciel libre n’est finalement que peu souvent cité. Il y avait certainement là une volonté consensuelle de ne pas trop crisper les acteurs d’une économie propriétaire classique encore dominante. Du coup sa présence est beaucoup plus implicite qu’explicite. Il n’en demeure pas moins que son modèle et ses valeurs (comme par exemple le souci constant du bien commun) transparaissent un peu partout dans le rapport à commencer par son sous-titre qui donne le ton et la direction “Vers une société de la connaissance ouverte”.

Quand bien même irréaliste, un document que j’aurais bien vu moi sous la forme d’un pacte numérique de Michel Rocard (comme le pacte écologique de Nicolas Hulot) et d’inviter ensuite tous les candidats à se positionner et/ou le signer[3]. Il n’est adressé qu’à Ségolène Royal mais gageons que ceux qui pensaient voter pour elle s’en trouveront confortés.

Rapport Rocard – République 2.0 (pdf, 73 pages, 1,1 Mo)

Bon je vous laisse, je n’en ai pas encore achevé sa lecture…

Notes

[1] Crédit photo : Guillaume Paumier (Creative Commons By-Sa)

[2] François Pellegrini est Maitre de conférences en informatique et co-fondateur des Rencontres mondiales du logiciel libre (RMLL). Jean-Baptiste Soufron est juriste et ancien directeur juridique de la fondation Wikipedia. Aziz Ridouan est Président de l’Association des Audionautes,

[3] C’est un peu ce que tente de faire Candidats.fr avec son questionnaire remarquez.