Comment aider le logiciel libre quand on ne sait pas coder

Ce n’est pas Framasoft qui vous dira le contraire, on peut contribuer au logiciel libre et faire ainsi partie de sa communauté sans être nécessairement un développeur de logiciel libre.

Rédiger de la documentation, signaler un bug, traduire, donner, etc. il y a plein de manières de participer, à commencer par les utiliser et le faire savoir.

Gozamos - CC by-sa

Comment les non-programmeurs peuvent contribuer aux projets open source

How non-programmers can contribute to open source projects

Duncan McKean – 4 juin 2013 – Blog personnel
(Traduction : « Anonymes », nos excuses car un bug Framapad empêche de citer tous les traducteurs/ices que nous remercions au passage)

Beaucoup de gens intéressés par l’idée d’apporter leur aide à des projets open source mais n’ayant absolument aucune compétence en programmation m’ont demandé ce qu’ils pouvaient faire. Eh bien, voici quelques moyens pour ces non-programmeurs de contribuer à de tels projets.

Il est important de noter qu’il est bon de contribuer aux projets des logiciels que vous utilisez. Ainsi, vous pourrez vous-même bénéficier de vos contributions.

Utilisez le logiciel

Le meilleur moyen de contribuer à des projets open source est d’utiliser les produits eux-mêmes. Écrivez votre livre avec Libre Office Writer. Dessinez vos images avec Krita. Créez des choses à imprimer en 3D avec FreeCAD ou Blender. Réservez vos tickets de concert en ligne via Firefox. Faites vos comptes avec Grisbi. Jouez à Flightgear, Battle for Wesnoth, Vega Strike, UFO : Alien Invasion.

Traquez les bugs

Maintenant que vous utilisez le logiciel, vous pouvez éventuellement rencontrer des bugs quand vous essayez de faire quelque chose. Ou alors, le logiciel peut avoir un comportement autre que celui qui était attendu.

Entrez en contact avec les développeurs et prévenez-les. Les développeurs travaillent sur les retours de leurs utilisateurs, ceci les aide à perfectionner le produit. De plus, les sources étant libres, les bugs sont en général rapidement corrigés.

Chaque projet aura un lien pour signaler un bug. Allez-y, identifiez-vous et décrivez ce bug dans les détails. N’oubliez pas d’indiquer quelle version du logiciel vous utilisez ainsi que les caractéristiques de votre ordinateur.

Écrivez de la documentation

Contribuer à écrire la documentation d’un projet pour le rendre plus clair et plus simple à comprendre.

La plupart du temps, les développeurs sont trop occupés à coder et la documentation a besoin d’un peu d’attention. Vous pouvez la mettre en forme afin qu’elle soit plus claire, ajouter des images ou des tutoriels. Si certaines parties du projet ne sont pas claires, il suffit de demander sur les listes de diffusion. Ainsi, lorsque vous recevrez une réponse, vous pourrez l’ajouter à la documentation. Dès que les personnes qui maintiennent le projet saisiront ce que vous faites, leurs réponses seront encore plus efficaces et utiles.

Traduisez

Il y a beaucoup de personnes dans le monde qui utilisent ce projet et certaines d’entre elles pourraient ne pas parler la langue dans laquelle celui-ci a été distribué. Si vous parlez couramment un langage peu connu, contactez les développeurs/l’équipe de documentation et offrez vos services. Vous pourriez participer à la traduction de l’interface, de la documentation ou encore du site web.

Offrez vos compétences

Regardez les projets individuels et voyez ce dont ils ont besoin. Vous pouvez apporter quelque chose ? Vous êtes designer sonore et pourriez créer quelques sons pour un jeu vidéo open source ? Concepteur d’interface ? Vous pourriez aider en remaniant l’interface utilisateur pour la rendre plus ergonomique. Il est également possible de lancer des entreprises viables utilisant ou formant aux logiciels open source.

Vous pouvez aussi contribuer à la culture du libre en publiant ce que vous créez sous certaines licences Creative Commons. Vos créations peuvent ainsi aider à promouvoir le logiciel pour lequel elles ont été créées. Ceci inclut :

  • les images ;
  • les programmes ;
  • les tutoriels ;
  • les manuels d’installation et de documentation ;
  • les livres.

Utilisez la licence CC BY-SA pour que chaque réutilisation de votre travail soit elle aussi placée sous licence libre, CC BY si la façon dont il est réutilisé vous importe peu. Vous trouverez plus d’informations à ce sujet sur le site des Creative Commons.

Prêchez la bonne parole

Aider à la prise de conscience des projets open-source est très important. N’agressez pas tout le monde, faites juste savoir quels projets vous utilisez. Créé avec MyPaint sous LinuxMint. Écrit en Sigil sous Ubuntu. Je suis fier d’utiliser WordPress. Toutes ces mentions sont utiles.

Faites des dons

Enfin, leur donner de l’argent. Avec de l’argent, le projet peut embaucher des développeurs supplémentaires qui pourront corriger des bugs plus rapidement, créer de nouveau outils, les améliorer pour vous. Certains projets proposent des dons occasionnels, alors que d’autres vous permettent de payer de petites sommes mensuellement. C’est une meilleure idée car cela aide les développeurs à mieux gérer leurs revenus quand ils savent quelle somme d’argent ils reçoivent de façon sûre.

Soyez professionnel

L’une des principales critiques faites aux logiciels open source est le manque de professionnalisme. Peu importe la manière dont vous contribuez à un projet open source, mettez un point d’honneur à le faire de façon professionnelle. L’élévation du niveau de qualité d’un projet commence avec ses utilisateurs. Assurez-vous que vous agissez de manière professionnelle lorsque vous discutez de projets avec d’autres et créez des contributions de qualité quand vous utilisez des logiciels open source.

Maintenant que vous savez tout ça, lancez-vous et allez aider à rendre les projets open source géniaux.

Crédit photo : Gozamos (Creative Commons By-Sa)




Wikipédia face aux institutions, par Éric Bruillard

Éric Bruillard est professeur au STEF – ENS Cachan.

L’article ci-dessous reprend une présentation faite le 15 décembre 2012 lors des Rencontres Wikimédia, à l’université Paris Descartes.

Remarque : Vous pouvez également accéder directement à la version ODT et PDF du document.

Kalexanderson - CC by

Wikipédia face aux institutions

Éric Bruillard – décembre 2012

Introduction

Il y a cinq ans, en mars 2007, j’avais écrit un article intitulé « Wikipédia : la rejeter ou la domestiquer ». J’avançais l’idée, qui a souvent été mal comprise, que Wikipédia ne pouvait pas « avoir une présence reconnue dans l’enseignement en France, ses principes mêmes (neutralité) n’étant pas compatibles avec les valeurs de l’école laïque et républicaine française, valeurs qui conduisent à privilégier certains points de vue et à en interdire d’autres ». J’ajoutais que Wikipédia pouvait cependant avoir une place, d’une part comme projet encyclopédique avec des participations actives à ce projet, comme faire écrire des articles à des élèves, et, d’autre part, comme une encyclopédie à laquelle beaucoup auraient recours, dans une posture de consommateur.

Ces deux directions ont été effectivement suivies, et des utilisations constructives sont repérables dans l’enseignement secondaire ou supérieur, quoique la « consommation » est certainement beaucoup plus développée que la participation. Mais Wikipédia aurait-elle maintenant une présence reconnue dans l’éducation ?

Dans un premier temps, nous allons tenter de situer les discours généraux sur Wikipédia, notamment dans l’éducation nationale. Ensuite, nous verrons en quoi Wikipédia est maintenant une véritable institution, statut qui n’est pas sans poser de nouvelles questions. Enfin nous traiterons la question de l’évaluation des articles de cette encyclopédie : une évaluation interne s’est installée alors que l’évaluation externe ne semble pas beaucoup progresser : serait-ce révélateur de relations encore difficiles avec un projet collectif que l’on a toujours du mal à appréhender ?

Wikipédia : quoi de neuf depuis 2007 ?

Le premier constat que l’on peut faire, sans avoir spécialement besoin de l’étayer, est celui de la croissance impressionnante du projet Wikipédia : une présence très importante (notamment via Google), des utilisations qui se multiplient, notamment dans l’éducation, de nouveaux projets associés…

Pourtant, face à ce formidable déploiement, on s’aperçoit, notamment à travers le discours d’étudiants ou d’enseignants, d’une méconnaissance persistante du fonctionnement de Wikipédia, d’idées reçues tenaces, d’utilisations contestées, d’interrogations sur la fiabilité…

Wikipedia nous aide d’ailleurs à cerner ce que qu’est une idée reçue : « une opinion, située entre le stéréotype, le cliché et le lieu commun », précisant qu’elle a « la particularité de s’admettre aisément » parce qu’elle est « très répandue, que celui qui la transmet la considère très souvent comme évidemment démontrée ; elle est agréable à admettre, parce qu’elle répond (le plus souvent simplement) à une question redondante, ou gênante, ou complexe : elle aide à ne plus réfléchir et s’impose insidieusement ». Justement, un peu de réflexion s’impose.

Comme il est possible à n’importe qui de créer ou modifier le contenu d’un article, que ce n’est pas réservé à des spécialistes, il ne semble pas possible qu’il y ait des articles de qualité et on ne peut en aucun cas s’en remettre à Wikipédia. Ce discours de sagesse populaire continue à être très souvent énoncé. Prenons juste un seul exemple : “Wikipedia is a free, web-based, collaborative, multilingual encyclopedia project. Anybody is able to change, add or remove articles on Wikipedia. This of course is prone to many problems as some authors may be: biased, vandalise the article or write incorrect information.”

Les études comparatives qui ont été menées attestent du contraire et l’expérience quotidienne de nombre d’entre nous montre qu’on lui fait malgré tout confiance. Peu d’études nouvelles sont disponibles. La seule étude récente est intitulée Assessing the accuracy and quality of Wikipedia entries compared to popular online encyclopaedias A preliminary comparative study across disciplines in English, Spanish and Arabic. Mais les auteurs remercient la Wikimedia Foundation pour son soutien financier. D’autres institutions ne sont sans doute intéressées à financer une évaluation des articles de Wikipedia, préférant laisser planer le doute et les idées reçues.

Quelle présence officielle dans l’éducation ?

Si la neutralité de l’éducation nationale française l’invite à ne pas citer de marque ou de nom de produit dans ses programmes officiels, sauf exception, elle est conduite à veiller sur ce qui est proposé. Une recherche sur le site officiel Eduscol atteste de la présence de Wikipédia.

On trouve des revues de presse ; un dossier déjà ancien sur les usages pédagogiques ; des recommandations, des définitions issues de Wikipédia, le fait que Wikipedia offre une nouvelle fonctionnalité (l’exportation de pages au format epub, ce qui permet de constituer une sélection d’articles à consulter hors ligne sur une liseuse ou sur smartphone).

On trouve également référence à Wikipedia dans des sujets de bac, des ressources pour la résolution de problèmes, des dossiers pédagogiques… mais avec le plus souvent des modes de citation approximatifs (cf page 2 de ce document). Dans les ressources pour la classe terminale générale et technologique, Physique-chimie, Série S (Eduscol), on trouve 10 références à Wikipédia.

Ce bref tour d’horizon nous en apprend plus sur le système éducatif que sur Wikipédia. Cette dernière apparaît pratique et très utile, mais demeure un motif récurrent de complaintes, attestant des difficultés (ou de l’incapacité ?) du système éducatif à traiter les évolutions en cours sur les savoirs, leur diffusion, leur mise en question… Une utilisation parfois « honteuse », que l’on peut rapprocher des usages des calculatrices en collège il y a quelques années[1] : une sur utilisation, une maîtrise très diversifiée et un manque de formation des élèves. Au début du collège, utiliser la calculatrice est considéré comme une tricherie, il ne faudrait s’en servir que pour contrôler les résultats des opérations que l’on fait à la main. Mais dès la 4e, la tricherie est quelque sorte légalisée, notamment avec les fonctions trigonométriques, et ceux qui ont acquis une bonne maîtrise des calculatrices, sont alors avantagés. Le système éducatif prend peu en charge, voire pas du tout, la formation des élèves à cette maîtrise.

Wikipédia - Eduscol

Wikipédia dans le site Eduscol – 10 décembre 2012

Les objets informatiques spécifiques du système éducatif ne sont pas bien traités par Wikipédia. Ainsi, l’article ENT est encore une ébauche de piètre qualité. On retrouve une même ébauche, non signalée comme telle, sur l’expression « manuel numérique », page modifiée pour la dernière fois le 28 juin 2010[2]. C’est une version quasi « ministérielle » qui est proposée, la page « discussion » n’est pas ouverte et aucun article dans une autre langue n’est associé. Ce n’est toutefois par mieux en anglais où l’article “digital textbook” est une présentation du programme de ministère de l’éducation de Corée du Sud ! Les exemples sont coréens, avec des liens vers Toshiba et Fujitsu. Il s’agit d’un article sur le projet coréen, et pas sur l’initiative californienne par exemple.

Enfin, pour clore ce rapide tour d’horizon, un site de l’académie de Montpellier propose de « créer un manuel numérique à l’aide de Wikipédia ». Il est écrit : « Wikipédia est une excellente ressource pour construire un livre numérique dans le but d’explorer un sujet ou d’entamer une recherche documentaire. Pour inciter les étudiants à utiliser Wikipédia comme outil de départ plutôt que comme finalité d’une recherche, un enseignant peut facilement fournir à ses étudiants une collection d’articles de références sous la forme d’un livre numérique. Retrouvez les différentes étapes de création d’un livre numérique dans un mode opératoire mis à disposition sur le site “Prof Web”. »

Si on clique sur l’adresse indiquée, on retrouve le même paragraphe à la virgule près, puis un petit mode d’emploi. Tous les éléments sont présents : citation et même copié-collé. Un exemple mais avec la parapluie de la bonne pratique (il faut utiliser simplement comme point de départ). On se sert de Wikipedia mais d’une manière non risquée !!! On ne cherche pas à comprendre, mais à trouver une pratique que l’on considère légitime et que les autres ne pourront pas contester.

Cette méfiance persistante sur un projet maintenant très établi ne cache-t-elle pas des caractéristiques encore mal connues ou mal comprises. Et Wikipedia, s’il est encore regardé de travers par les institutions, ne serait-il pas aussi une institution ?

Wikipédia est une institution

En effet, pour la recherche, une simple interrogation sur Wikipedia dans Google Scholar produit de très nombreux résultats ; depuis 2011 : 45 700 résultats ; depuis 2012 : 23 100 résultats (à titre de comparaison, on obtient pour les mêmes dates concernant Britannica : 13100 / 7320). Dans les travaux auxquels on accède, il y a des études sur le fonctionnement même de Wikipédia : contenus, conflits, participation, etc. ; des outils pour Wikipédia.

Issus de son fonctionnement même, l’encyclopédie fournit des corpus très utiles pour les linguistes, notamment les paraphrases et modifications locales dans l’historique des révisions des articles, conduisant à améliorer les performances d’applications de TAL : traduction automatique, question-réponse, génération…

Encore plus intéressant, dans un processus d’institutionnalisation de Wikipédia, le projet Semanticpedia associe le ministère de la culture, l’INRIA et Wikimedia France. Cette collaboration vise à « réaliser des programmes de recherche et développement appliqués à des corpus ou des projets collaboratifs culturels, utilisant des données extraites des projets Wikimédia ». Il s’agit notamment de fournir des données culturelles accessibles à tous, dans une version Web sémantique structurée ; en gros devenir la référence pour la culture avec des modes d’interrogation très avancés dans des formes de déclaration sémantique.

Wikipédia est même vu comme un nouvel outil d’évaluation : une évaluation de la réputation ponctuelle, la fréquentation de Wikipédia étant considéré comme outil de mesure ; mais aussi, l’influence qu’une personne a sur un pays ou même sur une civilisation, qui pourrait être mesurée en fonction des liens menant à sa page Wikipédia.

Ainsi, Wikipédia est devenu outil de référence, même s’il s’en défend. C’est déjà un attracteur très puissant pour les recherches et, selon Kien Quach Tat[3] (2011), au Vietnam, Wikipédia est ce qui permet aux lycéens de valider une information trouvée sur un autre site.

Quelle implication du fait que Wikipédia est une institution ? Peut-on être en dehors de Wikipédia ? Comme elle devient la référence, peut-on continuer à l’ignorer, si une information nous concernant est fausse, peut-on encore traiter cela par le mépris ou l’absence de réaction n’est pas une sorte d’acquiescement ? En tous cas, si Wikipedia gère très efficacement les vandalismes, on sait qu’elle est mal armée pour lutter contre des organisations qui cherchent à imposer leur point de vue. Un projet d’émancipation ne s’est-il pas transformé en un instrument de domination ? On n’en est pas (encore) là ! Demeure une question clé : comment évaluer un article de Wikipédia ?

Comment évaluer un article de Wikipédia ?

En 2007, Wikipédia précisait qu’elle n’avait pas les moyens de juger de la crédibilité d’une information et que la fondation cherchait des solutions à cette absence de validation du contenu des articles, notamment « par l’ajout de systèmes de notation, d’identification des versions non vandalisées et par des collaborations avec des chercheurs et des enseignants » (Bruillard, 2007). Des avancées importantes ont été réalisées. Wikipédia évalue elle-même les articles qu’elle produit. Ainsi, l’article Projet :Évaluation est consacré à « déterminer l’état des articles de Wikipédia selon deux critères : leur importance et leur avancement ».

Mais quelle évaluation externe peut-on trouver ?

Quand on lance la requête « évaluation article Wikipédia », via Google, environ 16 900 000 de résultats (0,42 secondes) sont fournis. Mais la grande majorité de ces résultats correspondent à des articles de Wikipedia. La requête « évaluer un article de Wikipédia » -wikipedia.org ne donne aucun résultat. Enlever les guillemets dans la requête conduit à 8 040 000 résultats (0,19 secondes). Que trouve-t-on ?

D’abord des conseils, il s’agit d’évaluer le nombre et la qualité des sources, de consulter l’historique (combien de personnes y ont contribué, et quand), de consulter l’évaluation de l’article et surtout de le comparer à d’autres sources !

Le tutoriel Cerise propose d’autres conseils :

  • « Voir si le plan est bien construit et détaillé
  • Juger de la qualité de la rédaction : syntaxe, orthographe, synthèse, illustration, …
  • Repérer les liens vers les notes et les définitions
  • Voir s’il y a une bibliographie récente et mise à jour
  • Voir s’il y a un portail sur le thème sélectionné. »

Les guides de la BU de l’université de Rennes 2 dans une page sur « évaluer l’information » consacre un petit encart à Wikipédia en conseillant de regarder les avertissements sur les pages, la date de création (onglet “historique”) et les débats (onglet “discussion”). Cela renvoie à un article du Monde.fr et étrangemenent, aux évaluations internes de Wikipédia.

Sur la Teluq, Marc Couture, dans son cours sur l’évaluation de la crédibilité des documents en ligne, traite du cas particulier de « la crédibilité de Wikipédia ». Il constate que les critères généraux ne s’appliquent qu’imparfaitement aux articles de Wikipédia. Ainsi, ceux reliés à l’insertion dans la littérature spécialisée : « Ce critère prendra donc une valeur toute relative compte tenu à la fois du rôle que joue une encyclopédie dans la littérature scientifique ou savante, et de la difficulté à évaluer le nombre de références à un article de Wikipédia. » Les critères sur l’auteur ne sont pas applicables, les autres (la validation du contenu, forme et la structure du document) sont soit sans garantie soit réfèrent aux classements et processus internes de Wiipédia.

Cherchant dans les sources en anglais, on trouve de nouveau beaucoup de redondances, avec une référence citée, reprise, tronquée dans la Wikipedia anglaise. Un article intitulé Wikipedia:Researching with Wikipedia n’a pas d’équivalent en français avec la recommandation rituelle : “Wikipedia should be a starting place for research, not an end destination and independent confirmation of any fact presented is advised”.

Cet article fournit un lien avec une page sur l’évaluation des articles de Wikipédia, page que l’on retrouve ici (source Phoebe Ayers, en octobre 2006). En fait, ce texte donne tous les éléments pour évaluer un article, les autres sources n’en sont souvent qu’une reprise tronquée. Au bout du compte, c’est une source datée de 2006 (et qui est peut-être antérieure) qui donne les meilleures informations et fait le point le plus complet sur les modes d’évaluation des articles.

Mais est-ce que les procédures d’évaluation préconisées sont opérationnelles ? Autrement dit, peut-on appliquer ces processus dans des utilisations courantes, c’est-à-dire hors situations particulières (notamment scolaires) et de nécessités de vérification. On peut raisonnablement penser que non, si je m’en réfère à mes propres utilisations et ce que peuvent dire les étudiants. Qui confronte systématiquement ce qui est écrit dans un article de Wikipédia à d’autres sources ?

Ce que l’on peut regretter, c’est l’absence de cartographie thématique, alors que l’on imagine qu’il y a des zones de fiabilités différentes, des repérages a priori pourraient guider le lecteurs (les articles dans le domaine X sont plutôt fiables, alors que dans le domaine Y c’est problématique), des marques reconnaissables. Alors que l’on comprend qu’il faut consulter l’historique et les discussions, il y a peu d’outils de visualisation nous donnant une image interprétable ; en conséquence, historique et discussions restent très difficiles à analyser rapidement. En effet, il s’agit de prendre en compte la dynamique collective et temporelle et de pouvoir juger une ressource de par l’histoire de sa construction et des discussions qui l’ont accompagnée. Mais comment le faire rapidement et de manière fiable sans instrumentation. History Flows[4] proposait des visualisations intéressantes. Mais il ne semble pas que ce travail ait été repris et il demeure mal connu.

Des enjeux de formation : guider des consommateurs via des passeurs outillés

L’évaluation dépend bien évidemment dépend de la finalité, du public visé, etc. et on pourrait refuser une sorte d’évaluation intrinsèque des articles de Wikipédia. Mais le jugement sur cette qualité a des incidences fortes, notamment sur les représentations sociales de ce projet encyclopédique. Chacun a ses propres croyances sur Wikipédia, mais il n’y a pas de « sagesse collective » ou de connaissance collective nous en donnant une image moins naïve. Comment juger de la qualité ? On voit que la question est délicate : qualité proportionnelle ou inversement proportionnelle au nombre de contributeurs ; processus linéaire d’accroissement avec quelques accidents ou des formes de plateau, voire des régressions ? La qualité des collaborations aurait un effet sur la qualité des articles.

Selon une étude récente, les changements apportés pour assurer la qualité des articles, avec de nouveaux contributeurs nombreux, aurait un effet négatif sur le recrutement de ces nouveaux contributeurs découragés par les mécanismes mis en place. Ainsi, incontestablement, un processus de professionnalisation a été organisé, processus qui a un effet dissuasif. D’un autre côté, on s’aperçoit que les « consommateurs », rôle que nous prenons tous à un moment ou à un autre pour Wikipédia, ont du mal à sortir d’une vision très naïve et se satisfont d’une sorte de « bonne pratique » paravent : on n’utiliserait que pour commencer une recherche, on ne s’arrêterait jamais sur un article de Wikipédia. Comportement que très peu de personnes adoptent, sauf dans des contextes très particuliers. Alors que l’on propose des modèles à discuter de perméabilité entre concepteurs et consommateurs, on s’aperçoit que pour Wikipédia, il y a d’un côté des concepteurs très instrumentés et d’un autre côté des consommateurs très peu outillés. Entre les deux, on peut s’interroger sur les connaissances, les instruments pour les « médiateurs » (enseignants, documentalistes, etc.). Ne devraient-ils pas en savoir collectivement beaucoup plus que les « simples » utilisateurs ?

Wikipedia est un excellent analyseur des évolutions éducatives : un discours rituel sur la nécessité de développer des utilisations du « numérique », une présence effective mais comme une espèce de sous culture, acceptable parce qu’elle rend des services, pratique mais décriée. Wikipedia est une mine pour les chercheurs, c’est aussi un projet en avance dans le domaine de la culture et dans celui du Web sémantique. Mais comment maîtriser cette technologie collective ? On ne perçoit pas encore bien toutes les potentialités et limites de l’écriture collective. Une tension apparaît : si on apprend par l’écriture, des contraintes de forme trop fortes découragent, l’exigence de qualité risque de conduire à un élitisme par trop restrictif. Il faudrait professionnaliser les intermédiaires, afin de palier le manque d’instrumentation, notamment permettant de visualiser des processus de construction pour juger une production. La question de l’expertise des éducateurs se pose avec une certaine urgence. Pourquoi n’arrive pas à se développer un regard plus professionnel sur les productions de ce travail collectif ?

Crédit photo : Kalexanderson (Creative Commons By)

Notes

[1] Voir par exemple, Bruillard Éric (1994). Quelques obstacles à l’usage des calculettes à l’école : une analyse, Grand N, n°53, p. 67-78.

[2] Page consultée le 6 mars 2013

[3] Kien Quach Tat (2011).. Recherche d’information sur le web et moteurs de recherche : le cas des lycéens. Thèse soutenue le 16 décembre 2011 à l’ENS de Cachan

[4] Viégas Fernanda B., Wattenberg Martin, Dave Kushal (2004). Studying Cooperation and Conflict between Authors with history flow Visualizations. In CHI 2004, April 24–29, 2004, Vienna, Austria. ACM.




Framapad en SVT : retour d’expérience

Il y a peu, nous publiions le billet Framapad de plus en plus utilisé dans l’éducation qui fut l’occasion d’entrer en contact avec un certain nombre d’enseignants utilisant notre libre service.

Un professeur de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) de l’académie de Créteil nous livre ici son témoignage.

Framapad éducation - Créteil SVT

SVT et Framapad : Retour d’expérience

Depuis la rentrée dernière (septembre 2012), j’utilise Framapad avec mes élèves de 6e au quotidien. Sans installation et facile à prendre en main, cet outil collaboratif est adapté aux jeunes collégiens et intéressant pour l’enseignant quelle que soit sa discipline.

En Sciences de la Vie et de la Terre, nous l’utilisons principalement pour construire la synthèse collaborative de nos activités scientifiques, avant, pendant et après la classe. Après 8 mois d’utilisation, plusieurs bénéfices se dégagent pour les élèves et l’enseignant.

Le premier est celui de la motivation. Mes élèves 6e sont unanimes : c’est un outil simple, agréable et motivant.

Framapad éducation - Créteil SVT

On remarque ensuite que le Framapad est un outil puissant pour les élèves en difficulté : les plus rapides peuvent communiquer et aider leurs camarades depuis leur poste de travail (via le « chat » intégré) tandis que plus l’utilisation simultanée du vidéoprojecteur interactif permet à l’enseignant de contrôler à distance le travail des élèves. Après la classe, le professeur peut contrôler, aider et corriger le travail réalisé. Chacun travaille donc à son rythme et progresse.

Enfin, en un clic, il est facile de créer un « pad ». Je recommande cependant de s’inscrire pour bénéficier d’une adresse web simplifiée plus pratique pour les 6e , de l’archivage du (ou des) document(s) et de la protection du travail par mot de passe.

Framapad éducation - Créteil SVT

Avec le développement du numérique à l’école et la réception en octobre 2012 d’ordinateurs portables[1] distribués à tous les élèves de 6 e de mon département, Framapad s’inscrit dans une démarche pédagogique innovante que je trouve bénéfique pour les élèves. »

Frédéric Véron
Professeur de SVT

Notes

[1] Ordinateurs portables distribués par le Conseil Général du Val de Marne aux élèves de 6e du département.




Geektionnerd : PRISM

Signalons au passage que le tome 5 de GKND How I met your sysadmin est en cours de publication 😉

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Sources :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Comment le Bitcoin peut faire tomber les États-Unis d’Amérique

Un peu d’économie sur le Framablog aujourd’hui, avec le pirate Rick Falkvinge qui voit dans la monnaie Bitcoin une alternative à la fictive toute-puissance du dollar.

Zcopley - CC by-sa

Comment le Bitcoin peut faire tomber les États-Unis d’Amérique

How Bitcoin can bring down the United States of America

Rick Falkvinge – 4 juin 2013 – Site personnel
(Traduction : Slystone, nhrx, letchesco, Asta, Gatitac, rou + anonymes)

Le Bitcoin représente une menace importante pour la domination monétaire des États-Unis, la seule chose qui conforte encore leur statut de superpuissance mondiale. Suite aux défauts de paiement des États-Unis sur leurs emprunts internationaux le 15 août 1971, la balance commerciale américaine avait été maintenue grâce aux menaces militaires et en incitant les gens à acheter des dollars pour financer la consommation permanente des États-Unis. Alors que d’autres devises n’ont pas réussi à dépasser le dollar américain, et donc ce mécanisme qui maintient la dominance économique de la nation, le Bitcoin pourrait bien y parvenir.

Pour comprendre ce scénario, il faut saisir à quel point les États-Unis sont en faillite. Pour certaines raisons, la plupart des feux de l’actualité sont actuellement braqués sur l’échec de l’Euro ; ceci probablement à cause du fait que le dollar américain a échoué depuis longtemps, et qu’il est maintenu sous perfusion en faisant éclater non sans mal une bulle spéculative par jour. Une version ELI5 est disponible ici (NdT : ELI5 : « explain it like I’m five », expliquez-le-moi comme si j’avais 5 ans), mais en un mot, les États-Unis sont en défaut de remboursement de leurs emprunts internationaux suite à la guerre du Viêtnam, et depuis ont dû emprunter de plus en plus pour financer leur consommation extravagante. Depuis bien longtemps ils empruntent toujours plus, pour simplement rembourser les intérets des emprunts antérieurs. L’an dernier, le déficit du budget des États-Unis a atteint le niveau astronomique de 50 % — pour chaque dollar de recette, deux ont été dépensés. Étrangement, peu de monde en parle — j’imagine que si c’était le cas, la capacité des États-Unis à rembourser leurs emprunts serait remise en question, ce qui provoquerait l’écroulement du château de cartes comme si une tonne de briques était déversée dessus, alors personne n’a intêret à faire des vagues. Après tout, tout le monde est assis sur des réserves de dollars qui deviendraient sans valeur du jour au lendemain si ceci devait arriver.

Les États-Unis ont relancé leurs planches à billets le 15 août 1971 et ne les ont pas arrêtées depuis. Rien que pour l’année 2011, 16 mille milliards (un 16 suivi de douze zéros) de dollars ont été imprimés pour maintenir l’économie américaine. Pour se faire une idée, c’est un peu plus que le produit intérieur brut des États-Unis. Pour chaque dollar produit à partir de la valeur (ajoutée), un dollar supplémentaire a été imprimé à partir de rien, dans l’espoir que quelqu’un voudrait bien l’acheter. Et les gens l’achètent ! C’est un fait, il y a ici un mécanisme clé qui force les gens à continuer à acheter des dollars américains.

Les États-Unis sont maintenus en vie en tant que nation par le fait que si quelqu’un souhaite acheter des produits à une autre nation comme la Chine, il doit d’abord acheter des dollars américains puis les échanger contre la marchandise qu’il désire en Chine. Cela conduit tous les pays à acheter des tas de dollars américains pour remplir leurs réserves monétaires.

Le fait que les gens soient obligés de continuer d’acheter des dollars américains pour obtenir ce qu’ils veulent de n’importe qui d’autre dans le monde est le mécanisme qui maintient l’ensemble de l’économie américaine et, plus important encore, alimente son armée qui applique à son tour ce mécanisme (voir en Irak, Libye, Iran, etc.). C’est un cycle de domination économique imposé par la force.

(À noter que l’on peut se demander dans quelle mesure la classe moyenne américaine profite encore de ce système. Il y a dix ans, cette boucle auto-alimentée faisait que le niveau de vie moyen aux États-Unis était sensiblement supérieur à celui du reste du monde occidental. De nos jours, les États-Unis arrivent souvent derniers des indicateurs de niveau de vie.)

Puisque les articles sur « la fin du monde » sont d’habitude rejetés comme relevant d’illuminés conspirationnistes, je voulais commencer cet article en présentant des faits économiques reconnus. Les États-Unis sont en faillite et la seule béquille pour les maintenir debout est leur armée, ainsi que le fait que tout le monde a de lourds investissements dans le pays, si bien que personne ne veut les voir faire faillite. Donc les emprunts et les dépenses excessives continuent une journée de plus… jusqu’à ce que cela ne soit plus possible.

Que se passerait-il si les États-Unis étaient un jour incapables de poursuivre leurs dépenses démesurées ? On assisterait à un crash gigantesque de l’économie mondiale, mais plus important, les États-Unis s’effondreraient à la mode soviétique, mais plus gravement encore, en raison de différences structurelles. (Pour comprendre ces différences, réfléchissez au fait que les transports publics ont continué de fonctionner pendant l’effondrement soviétique et que la plupart des familles étaient déjà bien préparées pour faire face à la pénurie de nourriture. Aux États-Unis vous verriez à la place des gens isolés dans des banlieues sans carburant, sans nourriture ni médicaments, avec seulement plein d’armes et de munitions. Consultez l’étude d’Orlov sur l’écart entre les effondrements et le retard d’effondrement pour plus d’informations sur cette différence structurelle).

Arrivent les Bitcoins, qui peuvent briser le cercle vicieux des emprunts et des dépenses excessives.

Comme nous l’avons vu, la raison pour laquelle les gens sont obligés d’acheter du dollar américain, c’est qu’il est la base du système d’échange de valeur. Si vous voulez un gadget fabriqué en Chine ou en Inde, vous devez d’abord acheter des dollars américains, pour ensuite échanger ces dollars contre le gadget. Mais nous l’avons observé, le Bitcoin dépasse de loin le dollar sous tous ses aspects en tant que gage de valeur pour le commerce international. Utiliser des Bitcoins c’est moins cher, plus facile et bien plus rapide que les actuels transferts de valeur internationaux.

Pratiquement toutes les personnes impliquées dans le commerce international à qui j’ai parlé passeraient à un système semblable à Bitcoin si elles en avaient la possibilité, évacuant des années de frustrations héritées du système bancaire actuel (qui utilise le dollar américain). Si cela arrivait, les États-Unis ne seraient plus en mesure de trouver des acheteurs pour leurs dollars fraîchement imprimés qui maintiennent leur économie (et financent leur armée).

Si ce cycle de monopole et dépendance commerciale du dollar prend fin, les États-Unis d’Amérique s’écrouleront. Lourdement. Cela semble inévitable désormais, et le Bitcoin est peut-être le système qui rompra ce cycle.

Crédit photo : Zcopley (Creative Commons By-Sa)




La nouvelle ère numérique selon Assange : l’âge de la surveillance généralisée ?

Deux membres influents de Google (et donc d’Internet), Eric Schmidt et Jared Cohen, ont récemment publié le livre The New Digital Age (La Nouvelle ère numérique).

Nous vous en proposons ci-dessous la critique cinglante de Julian Assange qui n’hésite pas à affirmer que « l’avancée des technologies de l’information incarnée par Google porte en elle la mort de la vie privée de la plupart des gens et conduit le monde à l’autoritarisme ».

Lorsque Google s’associe ainsi avec le gouvernement américain, son fameux slogan a du plomb dans l’aile et la menace plane…

La banalité du slogan de Google « Ne soyez pas malveillant »

The Banality of ‘Don’t Be Evil’

Julian Assange – 1er juin 2013 – New York Times
(Traduction : Goofy, agui, P3ter, godu, yanc0, Guillaume, calou, Asta, misc, Gatitac, Martinien + anonymes)

« La Nouvelle ère numérique » présente un programme étonnamment clair et provocateur de l’impérialisme technocratique, signé de deux de ses principaux apprentis-sorciers, Eric Schmidt et Jared Cohen, qui élaborent les nouveaux éléments de langage destinés à asseoir la puissance états-unienne sur le monde pour le 21e siècle. Ce langage reflète l’union sans cesse plus étroite entre le Département d’État et la Silicon Valley, incarnée par M. Schmidt, le président exécutif de Google, et par M. Cohen, un ancien conseiller de Condoleezza Rice et de Hillary Clinton, qui est maintenant directeur de Googles Ideas. Les auteurs se sont rencontrés dans le Bagdad occupé de 2009, où ils ont décidé d’écrire ce livre. En flânant parmi les ruines, ils furent excités à l’idée que les technologies de consommation de masse étaient en train de transformer une société laminée par l’occupation militaire des États-Unis. Ils ont décidé que l’industrie des technologies pourrait être un puissant agent de la politique étrangère américaine.

Le livre fait l’apologie du rôle des technologies dans la refonte du monde des nations et des citoyens en un monde semblable à celui des superpuissances dominantes, de gré ou de force. La prose est laconique, l’argumentaire sans détour, la philosophie d’une banalité affligeante. Mais ce n’est pas un livre destiné à être lu. C’est une déclaration majeure destinée à nouer des alliances.

« La Nouvelle ère numérique » est, au-delà de toute autre considération, une tentative par Google de se positionner comme incarnant une vision géopolitique de l’Amérique — la seule et unique entreprise capable de répondre à la question « Où doit aller l’Amérique ? ». Il n’est pas surprenant qu’une sélection imposante des plus farouches bellicistes ait été amenée à donner sa bénédiction à la puissance séduisante du « soft power » occidental. Il faut, dans les remerciements, donner une place de choix à Henry Kissinger, qui, avec Tony Blair et l’ancien directeur de la CIA Michael Hayden, a fait à l’avance les éloges du livre.

Dans celui-ci, les auteurs enfilent avec aisance la cape du chevalier blanc. Un saupoudrage libéral de précieux auxiliaires de couleur politiquement corrects est mis en avant : des pêcheuses congolaises, des graphistes au Botswana, des activistes anti-corruption à San Salvador et des éleveurs de bétail masaïs analphabètes du Serengeti sont tous convoqués pour démontrer docilement les propriétés progressistes des téléphones Google connectés à la chaîne d’approvisionnement informationnelle de l’empire occidental.

Les auteurs présentent une vision savamment simplifiée du monde de demain : les gadgets des décennies à venir ressembleraient beaucoup à ceux dont nous disposons aujourd’hui : simplement, ils seraient plus cool. Le « progrès » est soutenu par l’extension inexorable de la technologie de consommation américaine à la surface du globe. Déjà, chaque jour, un million d’appareils mobiles supplémentaires gérés par Google sont activés. Google, et donc le gouvernement des États-Unis d’Amérique, s’interposera entre les communications de chaque être humain ne résidant pas en Chine (méchante Chine). À mesure que les produits deviennent plus séduisants, de jeunes professionnels urbains dorment, travaillent et font leurs courses avec plus de simplicité et de confort ; la démocratie est insidieusement subvertie par les technologies de surveillance, et le contrôle est revendu de manière enthousiaste sous le terme de « participation » ; ainsi l’actuel ordre mondial qui s’appuie sur la domination, l’intimidation et l’oppression systématiques perdure discrètement, inchangé ou à peine perturbé.

Les auteurs sont amers devant le triomphe égyptien de 2011. Ils jettent sur la jeunesse égyptienne un regard dédaigneux et clament que « le mélange entre activisme et arrogance chez les jeunes est universel ». Des populations disposant de moyens numériques impliquent des révolutions « plus faciles à lancer » mais « plus difficiles à achever ». À cause de l’absence de leaders forts, cela aboutira, ainsi l’explique M. Kissinger aux auteurs, à des gouvernements de coalition qui laisseront la place à l’autocratie. Selon les auteurs « il n’y aura plus de printemps » (mais la Chine serait dos au mur).

Les auteurs fantasment sur l’avenir de groupes révolutionnaires « bien équipés ». Une nouvelle « race de consultants » va « utiliser les données pour construire et peaufiner une personnalité politique. »

« Ses » discours et ses écrits seront nourris (ce futur est-il si différent du présent ?) « par des suites logicielles élaborées d’extraction d’informations et d’analyse de tendances » alors « qu’utiliser les fonctions de son cerveau », et autres « diagnostics sophistiqués » seront utilisés pour « évaluer les points faibles de son répertoire politique ».

Le livre reflète les tabous et obsessions institutionnels du Département d’État (NdT : l’équivalent du Ministère des Affaires étrangères). Il évite la critique sérieuse d’Israël et de l’Arabie Saoudite. Il fait comme si, de manière extraordinaire, le mouvement de reconquête de souveraineté en Amérique Latine, qui a libéré tant de pays des ploutocraties et dictatures soutenues par les États-Unis ces 30 dernières années, n’avait jamais existé. En mentionnant plutôt les « dirigeants vieillissants » de la région, le livre ne distingue pas l’Amérique Latine au-delà de Cuba. Et bien sûr, le livre s’inquiète de manière théâtrale des croque-mitaines favoris de Washington : la Corée du Nord et l’Iran.

Google, qui a commencé comme une expression de la culture indépendante de jeunes diplômés californiens — une culture du respect, humaine et ludique — en rencontrant le grand méchant monde, s’est embarqué avec les éléments de pouvoir traditionnels de Washington, du Département d’État à la NSA.

Bien que ne représentant qu’une fraction infinitésimale des morts violentes à l’échelle mondiale, le terrorisme est un des sujets favoris des cercles politiques des États-Unis. C’est un fétichisme qui doit aussi être satisfait, et donc « Le Futur du Terrorisme » a droit à un chapitre entier. Le futur du terrorisme, apprenons-nous, est le cyberterrorisme. S’ensuit une série de scénarios complaisants et alarmistes, incluant un scénario haletant de film catastrophe dans lequel des cyber-terroristes s’emparent des systèmes de contrôle aérien américains et envoient des avions percuter des bâtiments, coupent les réseaux électriques et lancent des armes nucléaires. Les auteurs mettent ensuite les activistes qui participent aux manifs virtuelles dans le même panier.

J’ai une opinion très différente à ce sujet. L’avancée des technologies de l’information incarnée par Google porte en elle la mort de la vie privée de la plupart des gens et conduit le monde à l’autoritarisme. C’est la thèse principale de mon livre, Cypherpunks (traduit en français sous le titre Menace sur nos libertés. Mais, tandis que MM. Schmidt et Cohen nous disent que la mort de la vie privée aidera les gouvernements des « autocraties répressives » à « cibler leurs citoyens », ils affirment aussi que les gouvernements des démocraties « ouvertes » la verront comme une bénédiction permettant de « mieux répondre aux problèmes des citoyens et des consommateurs ». En réalité, l’érosion de la vie privée en Occident et la centralisation du pouvoir qui lui est associée rendent les abus inévitables, rapprochant les « bonnes » sociétés des « mauvaises ».

La section du livre relative aux « autocraties répressives » décrit nombre de mesures de surveillance répressives qu’elle condamne : les lois dédiées à l’insertion de « portes dérobées » dans des logiciels afin de rendre possibles l’espionnage de citoyens, la surveillance de réseaux sociaux et la collecte d’informations relatives à des populations entières. Toutes ces pratiques sont d’ores et déjà largement répandues aux États-Unis. En fait, certaines de ces mesures, comme celle qui requiert que chaque profil de réseau social soit lié à un nom réel, ont été défendues en premier lieu par Google lui-même.

Tout est sous nos yeux, mais les auteurs ne peuvent le voir. Ils empruntent à William Dobson l’idée selon laquelle les médias, dans une autocratie, « permettent l’existence d’une presse d’opposition aussi longtemps que les opposants au régime comprennent quelles sont les limites implicites à ne pas franchir ». Mais ces tendances commencent à émerger aux États-Unis. Personne ne doute des effets terrifiants des enquêtes menées sur The Associated Press et James Rosen de Fox News. Reste que le rôle de Google dans la comparution de Rosen a été peu analysé. J’ai personnellement fait l’expérience de ces dérives.

Le ministère de la Justice a reconnu en mars dernier qu’il en était à sa 3ème année d’enquête criminelle sur Wikileaks. Le témoignage du tribunal fait remarquer que ses cibles incluent « les fondateurs, propriétaires ou gestionnaires de WikiLeaks ». Une source présumée, Bradley Manning, fait face à un procès de 12 semaines à partir de demain, avec 24 témoins à charge qui témoigneront à huis clos.

Ce livre est une œuvre de très mauvais augure dans laquelle aucun auteur ne dispose du langage pour appréhender, encore moins pour exprimer, le gigantesque mal centralisateur qu’ils sont en train de construire. « Ce que Lockheed Martin était au 20e siècle, les sociétés technologiques et de cybersécurité le seront au 21e siècle », nous disent-ils. Sans même comprendre comment, ils ont mis à jour et, sans accroc, mis en œuvre la prophétie de George Orwell. Si vous voulez une vision du futur, imaginez des lunettes Google, soutenues par Washington, attachées — à jamais — sur des visages humains disponibles. Les fanatiques du culte de la technologie de consommation de masse y trouveront peu de matière à inspiration, non qu’ils en aient besoin visiblement, mais c’est une lecture essentielle pour quiconque se retrouve pris dans la lutte pour le futur, ayant en tête un impératif simple : connaissez vos ennemis.

Crédit photo : Steve Rhodes (Creative Commons By-Nc-Nd)




L’art de vivre de Richard Stallman

Goûts musicaux, culinaires, vestimentaires, etc. vous saurez tout (ou presque) sur Richard Stallman !

En récente conférence à l’Ubuntu Party de Paris, je cherchais un article simple et léger à faire faire à Internet pour illustrer la traduction collaborative sur Framapad. Je me suis souvenu de ce lifestyle de Richard Stallman qui intéressera peut-être ceux que le personnage interpelle ou fascine au delà de son action directe en faveur du logiciel libre.

Le passage sur le port (ou pas) de la cravate est particulièrement savoureux 😉

Preliminares - CC by-sa

Le mode de vie de RMS

RMS lifestyle

Richard Stallman – dernière version 2013 – Site personnel
(Traduction : goofy, P3ter, yanc0, Garburst, Cyb, kaelsitoo, yostral, Asta, VIfArgent, yostral, tcit, Chuckman, Jim, Framartin)

Je n’ai pas de préférence particulière pour ceci ou pour cela.

Je n’ai pas de nourriture favorite, de livre favori, de chanson favorite, de blague favorite, de fleur favorite ou de papillon favori. Mes goûts ne fonctionnent pas de cette manière.

En général, dans les domaines des arts ou des sensations, les choses peuvent être bonnes de trente-six manières et elles ne peuvent être comparées ni classées. Je ne peux juger si je préfère le chocolat ou les nouilles, car je les aime différemment. Ainsi, je ne peux pas déterminer quel est mon aliment préféré.

Domicile

Jusqu’en 1998 environ, mon bureau au MIT était aussi mon lieu de résidence. C’était même mon adresse officielle pour voter. Aujourd’hui ma résidence est à Cambridge, pas loin du MIT. Cependant, j’y suis rarement étant donné que je voyage beaucoup.

Musique

  • Parmi les genres musicaux que j’apprécie on trouve la musique folk espagnole (mais pas le Flamenco), la musique folk lettone, le fiddling folk suédois, la musique traditionnelle marocaine, la musique de danse des Balkans, la musique de danse folklorique turque, la musique classique turque, la musique arménienne classique, la musique chorale géorgienne, la musique classique indienne (j’ai tendance à préférer la carnatique à l’hindoustani), la musique orchestrale javanaise et balinaise, la musique traditionnelle vietnamienne, la musique de cour japonaise (Gagaku), la musique de danse folklorique japonaise (Minyo), la musique folklorique des Andes (sauf quand les paroles sont en espagnol et d’inspiration romantique), et la musique traditionnelle folk américaine quand elle est vivante.
  • J’aime les arts musicaux européens, mais j’ai moins d’attrait pour eux que je n’en ai eu il y a quelques décennies.
  • J’aime la musique polyphonique des époques médiévales. Surtout à partir de 1200, avec le hoquet. Toutefois, le chant grégorien a une complexité suffisante pour m’impliquer.
  • Je n’apprécie pas tellement le jazz, peut-être parce que je n’en connais pas assez à son sujet. Cependant, j’aime quelques fusions qui incluent le jazz. Par exemple, la musique de mariage bulgare (une fusion de la musique folk jazz et bulgare) et le jazz latino.
  • J’aime certaines œuvres avant-gardistes — par exemple, le pianiste Conlon Nancarrow.
  • Si quelque chose est populaire aux États-Unis, je le trouve la plupart du temps ennuyeux, mais il y a de temps à autres des exceptions. J’ai aimé la majeure partie de ce que j’écoutais à la radio avant les Beatles. Aux alentours de 1980, il y a eu une autre époque à laquelle j’ai entendu sur les radios des autres une quantité importante de musique que j’aimais.
  • Je déteste particulièrement la musique country. Je n’aime pas non plus le rock « dur », ou les ballades romantiques lentes. Le « heavy metal » est trop « dur » à mes oreilles ; de toute manière le son dans un gamelan de bronze est bien plus grave.
  • Quand un style de musique étranger commence à devenir populaire aux États-Unis, cela prend souvent une tournure que je n’approuve pas. Par exemple, j’aime la musique de danses folkloriques bulgares mais j’en ai assez des chœurs féminins qui sont devenus un hit aux USA dans les années 80. À cette époque, la musique de Youssou N’Dour était intéressante, mais quand il a commencé à faire des disques en visant les goûts américains et européens, l’étincelle s’est éteinte.

Nourriture

  • Je suis un omnivore : je vais tester presque n’importe quoi si cela ne me dégoûte pas.
  • Je refuse de manger les animaux les plus intelligents, comme les singes, les cétacés et les perroquets.
  • Une fois, à Taiwan, j’ai mangé des insectes, surtout des larves d’abeilles et des criquets. J’ai aimé les larves d’abeilles, et j’espère avoir l’occasion d’en manger à nouveau. Lors d’une autre visite à Taiwan, j’ai mangé du serpent (deux sortes de serpent, selon deux préparations différentes). J’ai bien aimé, mais pas énormément non plus.
  • Le thon cuit a un goût horrible. C’est une énorme perte de cuire le thon !
  • Je refuse de manger des ailerons de requin, parce que la pêche pour les ailerons décime les requins. Pour des raisons semblables, j’ai à présent des doutes sur les sushis de thon (bien que j’aime ça).
  • Je soutiens le boycott total de Coca Cola Company, en réponse au meurtre des délégués syndicaux en Colombie et au Guatemala. Je n’utiliserai aucun des produits de cette société et j’espère que vous les rejetterez aussi.
  • « Petit déjeuner » ? Est-ce cette chose que les gens mangent le « matin » ?

Religion

  • Je suis athée, pour des raisons scientifiques. La théorie de la religion sur le monde naturel (« c’est cette voie parce que Dieu l’a décidé ainsi ») n’explique rien du tout, elle remplace une question par une autre.
  • J’ai aussi rejeté l’idée que l’opinion de Dieu nous donnerait une ligne de conduite morale. Un dieu qui permettrait qu’autant de souffrances arrivent — la plupart n’étant pas le résultat du libre arbitre de quelqu’un — n’est certainement pas utile en tant que guide. Il aurait tout autant le droit à une opinion que vous ou moi mais son opinion n’aurait pas de droit à un quelconque respect supplémentaire.
  • La religion n’offre pas de raccourci moral. C’est à nous de juger ce qui est bon et ce qui est mauvais.

Vêtements

  • Toutes mes chemises ne sont pas rouges ou mauves, bien que beaucoup le soient. J’aime ces couleurs.
  • Aucune de mes chemises ne porte de messages (tels que des mots, ou des symboles). Cette pratique me semble manquer de dignité, c’est pourquoi je ne porte pas de vêtements ornés de symboles, même pour des causes que je soutiens. Ce n’est pas un refus basé sur des raisons éthiques, donc cela ne me dérange pas de vendre des casquettes et des t-shirts portant des slogans pro-logiciels libres au nom de la FSF mais je refuse d’en porter moi-même.
  • Par principe, je refuse de posséder une cravate.

Je trouve les cravates inconfortables, donc je n’en porte pas. Si les cravates étaient simplement une option vestimentaire, je refuserais simplement de les utiliser mais il n’y aurait aucune raison de faire tout un tapage à ce sujet. Cependant, il y a une pression sociale absurde sur les hommes pour qu’ils portent des cravates. Ils le font dans le but d’aspirer à devenir le patron.

Lorsque je travaillais au MIT, j’étais choqué que les diplômés du MIT, des gens qui auraient pu imposer eux-mêmes leurs conditions pour avoir un emploi, se sentaient obligés de porter des cravates à des entretiens d’embauche, même pour des entreprises qui (ils le savaient) avaient le bon sens de ne pas leur demander de porter des cravates au travail.

Je pense que la cravate signifie: « Je serai un employé tellement servile que je suis prêt à faire des trucs complètements stupides juste parce que vous me dites de les faire. » Se rendre à un entretien d’embauche sans cravate est une façon de dire que vous ne voulez pas travailler pour quelqu’un qui cherche des employés serviles.

Les gens qui portent des cravates dans ces circonstances sont des victimes-complices : chaque personne qui craque sous la pression et porte une cravate augmente la pression sur les autres. C’est un concept central pour comprendre d’autres formes de propagations de cochonneries, comme les logiciels propriétaires ou Facebook. En fait, c’est grâce aux cravates que j’ai d’abord compris ce phénomène.

Je ne condamne pas les victimes-complices, puisque ce sont d’abord des victimes avant d’être des complices. Mais je crois que je ne dois pas être l’un d’eux. J’espère que mon refus de porter une cravate rendra la chose plus aisée à refuser pour d’autres.

La première fois que j’ai visité la Croatie, il y avait dans ce pays une grande campagne de publicité basée sur l’origine de la cravate (« Cravate » et « Croatie » sont de la même famille). Vous pouvez imaginer mon dégoût pour cette pub — et donc j’ai appelé ce pays « Cravatland » pendant un moment.

La tenue correcte exigée par la Free Software Foundation nécessite une casquette à hélice, tout le reste est optionnel. Quand bien même nous n’appliquons pas cette règle.

« Cartes de fidélité »

Je refuse d’avoir des cartes de fidélité personnelles car elles sont une forme de surveillance. Je préfère payer un peu plus pour ma vie privée et résister à un système abusif. Allez voir sur nocards.org pour plus d’informations à ce sujet.

Cependant, ça ne me dérange pas d’utiliser la carte ou le numéro de quelqu’un d’autre de temps en temps pour faire des économies. Ça ne me surveille pas moi.

J’utilise les cartes Grand Voyageur des compagnies aériennes puisque de toute façon elles demandent à connaître mon identité. Cependant, je n’achèterai rien d’autre avec cette carte pour obtenir des miles, parce que je préfère payer comptant et rester anonyme.

Téléphones Portables

Je refuse d’avoir un téléphone portable car ce sont des dispositifs de localisation et de surveillance. Ils permettent au système du téléphone d’enregistrer les déplacements de l’utilisateur, et beaucoup (peut-être tous) peuvent être convertis à distance en dispositifs d’écoute.

En outre, la plupart d’entre eux sont des ordinateurs avec des logiciels non libres installés. Même s’ils ne permettent pas à l’utilisateur de remplacer le logiciel, quelqu’un d’autre peut le remplacer à distance. Dès lors que le logiciel peut être modifié, nous ne pouvons pas le considérer comme équivalent à un circuit. Une machine qui autorise l’installation de logiciels est un ordinateur, et les ordinateurs devraient tourner avec des logiciels libres.

Quand j’ai besoin d’appeler quelqu’un, je demande à une personne à proximité de me laisser passer un appel.

Vacances

La plupart du temps je ne m’occupe pas des vacances, sauf Grav-mass (NdT : L’anniversaire de Newton, le 25 décembre, i.e. Noël). Elles n’ont pas d’effet direct sur moi, étant donné que je travaille lorsque je le décide (c’est-à-dire la plupart du temps) et fais autre chose lorsque je le désire.

Si j’avais une famille, et que les vacances étaient une occasion particulière pour pratiquer une activité de loisir lorsque les autres n’ont pas à aller au travail ou à l’école, cela serait une raison rationnelle de s’y intéresser. Toutefois, j’ai décidé de ne pas avoir de famille, et je n’ai pas besoin d’attendre des vacances pour voir mes amis.

La plupart des fêtes sont devenues des événements commerciaux : les relations publiques des grandes compagnies ont inculqué aux gens qu’acheter des trucs pour leurs amis et leur famille était « la chose à faire » ces jours-là, qu’il s’agissait de la plus sincère expression d’amour. Je n’aime pas me sentir obligé d’offrir un cadeau pour un événement sans valeur, et je ne veux pas recevoir de cadeaux dans ces circonstances non plus ; ainsi, je m’abstiens.

Trains

J’aime les trains, et je préfère prendre le train pour plusieurs heures que prendre l’avion.

Toutefois, je refuse catégoriquement de prendre les trains Amtrak car ils vérifient les identités des passagers (parfois, pas toujours). Rejoignez-moi dans le boycott d’Amtrak jusqu’à ce qu’ils arrêtent d’exiger l’identification.

Apprentissage de langues

Dans un premier temps, j’utilise un manuel pour apprendre à lire la langue et des enregistrements audio pour m’initier à la prononciation des mots. Une fois le manuel terminé, je commence à lire des romans pour enfants (pour les 7-10 ans) avec un dictionnaire. Je passe ensuite aux livres pour adolescents quand je connais assez de mots pour que la lecture soit assez rapide.

Lorsque mon vocabulaire est suffisamment développé, je commence aussi à utiliser la langue dans les emails que j’échange avec des natifs.

Je n’essaie pas vraiment de parler une langue tant que que je ne connais pas suffisament de mots pour dire les choses complexes que j’ai, d’ordinaire, envie de dire. Les phrases simples sont à peu près aussi rares dans mes discours que dans cet article. En plus, je dois connaître la façon de demander comment dire telle ou telle chose, ce que signifie tel ou tel mot, comment différencier le sens de certains mots, et comment comprendre les réponses. J’ai commencé à parler français lors de ma première visite en France. Je décidai, lors de mon arrivée à l’aéroport que je ne parlerai que français pendant les six semaines de mon séjour. Ce fut frustrant pour mes collègues dont l’anglais était bien meilleur que mon français. Mais cela m’a permis d’apprendre.

J’ai décidé d’apprendre l’espagnol quand j’ai vu une page dans cette langue et me suis rendu compte que je pouvais en lire une grand partie (étant donné mon niveau de français et d’anglais). J’ai suivi l’approche décrite ci-dessus et j’ai commencé à parler espagnol lors d’une visite à Mexico quelques années plus tard.

Quant à l’indonésien, je n’ai pas assez de vocabulaire pour parler tout le temps cette langue quand je suis en Indonésie, mais j’essaie de le faire autant que je peux.

Éviter l’ennui

J’ai horreur de m’ennuyer, et comme j’aime accomplir beaucoup de choses, je n’aime pas perdre mon temps. Ainsi, j’ai toujours avec moi un ordinateur et un livre. Lorsque je dois attendre quelques minutes et que je peux m’asseoir, je travaille. Lorsque je dois rester debout, ou n’ai pas assez de temps pour accomplir quelque chose de significatif sur l’ordinateur, je lis.

Lorsque j’attends mes bagages à l’aéroport, je fais toujours une de ces deux choses. Et je vois les gens autour de moi, inquiets et passifs. Quel gâchis.

Crédit photo : Preliminares (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Linkeo

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Sources :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)