L’ado presque comme les autres avec un poster de Tux dans sa chambre

Des dizaines de milliers d’ados s’enregistrent et postent leurs vidéos sur YouTube.

Plus rares sont ceux qui ont un poster de Tux dans leur chambre 😉

Emily - Linux - YouTube

Les jeunes les plus talentueux choisissent le Libre

The most talented youth choose open source tools

Phil Shapiro – 13 décembre 2012 – OpenSource.com
(Traduction : clementd, KoS, Pouhiou, Robin Dupret, ProgVal)

Je suis bibliothécaire, j’aide les gens à utiliser les ordinateurs en libre accès. Après une longue journée de travail, j’aime à me détendre en écoutant quelques vidéos musicales sur YouTube. Grand fan de cet artiste j’ai ainsi entré « Reprise Bob Dylan cette semaine », l’autre jour, dans le moteur de recherche du site

Imaginez ma joie et ma surprise de tomber sur cette vidéo de « Knockin on Heaven’s Door » en multipistes. Mais minute ! Ce ne serait pas un poster du manchot Tux accroché au mur derrière cette jeune musicienne ? Eh si. Mmmh, est-ce que cette affiche a été sciemment placée ici ou est-ce une simple coïncidence ?

Je devais en avoir le cœur net. J’ai alors directement posé la question à la musicienne. Emily Fox me répondit qu’elle était une fan inconditionnelle des logiciels libres ! Elle utilise ainsi OpenShot, un éditeur pour créer la vidéo de sa musique.

Ça me réchauffe le cœur de voir que certains des plus grands talents de la nouvelle génération choisissent des outils libres. L’histoire ne s’arrête pas là, pourtant. L’histoire a une suite…

La semaine dernière, Emily Fox a mis en ligne la vidéo de sa dernière composition appelée « Please, Mr. Snowman » avec ses propres graphismes, simples mais superbes, réalisés avec GIMP ! Si vous aviez des doutes quant à son talent créatif, ces doutes auront peut-être disparu avec cette vidéo. Les voix sont simples et profondes. Les instruments de fond propres et bien équilibrés. Je suis impatient d’écouter les prochaines créations d’Emily et de voir ce qu’elle deviendra plus tard.

Ceci m’a fait penser aux jeunes que je rencontre dans la bibliothèque où je travaille. Certains des plus talentueux sont profondément attachés à l’utilisation des logiciels libres. Un collégien, dont l’aide m’est précieuse, me dit qu’il ne touchera aucun appareil qui utilise des DRM (Digital Rights Management). Je suis pour ma part plus modéré à ce sujet, mais je comprends son point de vue.

Une vague d’amateurs du Libre est-elle en train d’émerger à travers notre système scolaire ? Je dirais que oui. Elle n’est pas énorme, mais elle apporte un grand soutien et une grande promesse à sa diffusion. En dix ans, quelques-uns de ces jeunes créeront de nouvelles entreprises ou seront des artistes de renommée mondiale. Dans vingt ans, certains seront nos élus. Pour que cela dure, nous devons continuer nos efforts pour promouvoir le mouvement du Libre.

Et vous, par quelles petites choses allez-vous faire avancer le Libre ces jours-ci ?




Geektionnerd : Sony Copyright Extension

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source : Sony sort un disque de Bob Dylan uniquement pour éviter le domaine public (Numerama)

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Maraval, Depardieu et les licences libres, par Jérémie Nestel

Que les gros salaires lèvent le doigt, surtout en temps de crise… Mais ce qu’il y a peut-être de plus intéressant dans l’affaire Depardieu, ce qu’elle a rebondi sur une mise en accusation globale du financement du cinéma français, grâce à une tribune mordante de Vincent Maraval dans Le Monde.

On notera au passage que c’est un producteur qui a mis les pieds dans le plat et non un journaliste, ce qui en dit long sur l’inféodation d’une profession qui préfère se voiler la face en se cantonnant à voir des films (gratos) en pondant leur anecdotique et souvent insignifiant « J’aime / J’aime pas ».

« Le système est sclérosé », surenchérit ici Jérémie Nestel, du collectif Libre Accès, en insistant sur une revendication dont le persistant refus devient de plus en plus difficile à justifier : ce qui est financé sur fonds publics doit être placé tôt ou tard sous licence libre. Tard ce serait ici pas plus d’une dizaine d’années en n’attendant surtout pas la trop lointaine échéance du domaine public, 70 ans après les morts de tous les protagonistes d’un film !

Musique, littérature, cinéma… Internet révèle chaque jour davantage une culture soumise à l’industrie culturelle qui ne profite qu’à une minorité, qui criminalise le partage et qui ne peut ou veut s’adapter à son époque.

Vincent Roche - CC by-sa

Pour un cinéma promouvant le droit au partage

URL d’origine du document

Jérémie Nestel – 6 janvier 2013 – Libre Accès
Licence Art Libre

Notre mémoire collective contribue à forger une morale commune fait de références similaires.

Cette mémoire collective repose essentiellement sur « des œuvres de l’esprit ».

L’incapacité des politiques à préserver les biens communs dont ceux issus des œuvres de l’esprit annonce la fin du contrat social de notre société.

Pourquoi aliéner notre liberté à une société privilégiant des intérêts particuliers à l’intérêt général ?

Les débats autour d’Hadopi, du droit d’auteur et des nouvelles taxes demandées au public pour financer des rentes à vie aux stars des médias et aux multinationales du divertissement trouvent un écho à deux articles du monde commentant l’exil fiscal de Depardieu.

Tout d’abord ce premier article du Monde « Depardieu, enfant perdu de la patrie » faisant le parallèle entre la volonté de Depardieu de renoncer à sa nationalité et une thèse de Pierre Maillot sur l’identification des Français aux acteurs.

L’article suggère que « le Français qui se reconnaît dans Depardieu se reconnaît perdu ». En choisissant l’exil et « sa déchéance nationale » Depardieu devient le symbole d’une France dont le lien social est brisé.

Le deuxième article du Monde « Les artistes français sont trop payés », coup de gueule du producteur Vincent Maraval, qui relativise l’exil de Depardieu au regard des salaires indécents des acteurs du cinéma Français.

On y apprend que le salaire des acteurs n’est pas lié à la recette commerciale de leur film mais à leur capacité à obtenir les fonds cumulés du CNC, des taxes, des avantages fiscaux et de la télévision publique.

« Est-il normal qu’un Daniel Auteuil, dont les quatre derniers films représentent des échecs financiers de taille, continue à toucher des cachets de 1,5 million d’euros sur des films coproduits par France Télévision ? »

Cet article nous apprend qu’aucune des grandes productions françaises ne doit sa viabilité économique à son exploitation commerciale mais uniquement au financement public direct ou indirect.

Ces fonds publics ne servent pas à faire émerger une esthétique cinématographique française mais à maintenir une société d’acteurs et de producteurs percevant des millions.

Système complètement sclérosé où les réseaux de distribution des salles de cinéma et des chaînes de télévision sont saturés par des grosses productions françaises ou américaines et incapables de s’adapter à la démocratisation des outils numériques de production cinématographique et à la multiplicité des réalisateurs !

L’article de Maraval aura donné lieu à des réactions en chaîne du milieu du cinéma, Libération annonçant même une série de conférences dédiées.

On y apprendra pèle mêle :

Thomas Langmann : « Le système d’avance sur recette du CNC, symbole de l’exception culturelle française, est devenu un comité de copinage. Formé de trois collèges, les choix de l’avance sur recettes restent entièrement à la discrétion de ces commissions. ».

Olivier Bomsel : « Les chaînes françaises n’achètent donc que des créneaux de diffusion : leur seul actif est la valorisation instantanée par la diffusion ».

C’est peut-être là le plus grand scandale, au final. Qu’importe que des acteurs perçoivent des millions comme Daniel Auteuil grâce à des fonds publics, mais pourquoi priver les Français de leur droit au partage sur des productions qu’ils ont contribué à financer ?

Si Canal plus avec Studio Canal détient un catalogue grâce aux films qu’ils ont produits, pourquoi interdire ce droit aux chaînes publiques, chaînes publiques qui appartiennent aux Français ?

La société française est prise en otage d’une économie cinématographique et musicale défaillante ne pouvant se maintenir qu’en exigeant toujours plus de taxes, et en privant les français de leur droit au partage. Dans ce contexte surprenante intervention de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, à la tribune de Maraval, pour affirmer que le mode de financement du cinéma est « un un système vertueux ». Pour pérenniser un système défaillant on ne parlera pas d’une nouvelle économie bâtie sur le partage mais de régulation.

En toile de fond, de l’affaire Depardieu, on retiendra sa capacité à mobiliser sur une affaire somme toute personnelle, deux présidents de la République : Incroyable pouvoir d’influence des acteurs du cinéma sur le politique !

Ce n’est donc pas demain qu’un Ministre de la Culture affirmera que tout film produit à l’aide de financement public (CNC, de France Télévision, aides régionales, Européenne etc.) puisse être diffusé sous une licence libre favorisant le partage. L’appropriation « des catalogues de films » par les multinationales du divertissement vole à notre humanité des pans entiers de notre culture commune. Il n’est donc pas injuste de penser qu’au bout de dix ans d’exploitation un film puisse être diffusé sous une licence libre compte tenu que ceux qui l’ont réalisé ont déjà été rémunérés.

Le partage, l’échange de films qui ont marqué notre vie est un acte social à l’heure du numérique aussi banal que de chanter en famille des chansons en fin de dîner.

Crédit photo : Vincent Roche (Creative Commons By-Sa)




Cadeau : le geektionnerd à faire soi-même

bannière Gégé

Vous avez peut-être remarqué dans les derniers articles publiés sur le framablog que quelques illustrations à l’humour approximatif étaient signées Gégé, le générateur de Geektionnerd. Ce petit jeu graphique vous est aujourd’hui offert en libre-service par Framasoft.

D’où vient-il ?

C’est une conception des Mozilla Labs dont on peut trouver toute la petite histoire et les caractéristiques techniques sur ce blog de Mozilla hacks. Pour simplifier, Willian Carvalho a voulu réaliser avec Canvas (traitement de l’image en JavaScript) ce qui existait seulement en Flash. C’est une chouette et amusante démonstration de ce qu’on peut faire désormais avec le HTML5, que Mozilla défend et promeut comme le langage du Web, plateforme ouverte de développement…

La version Framalab

C’est Cyrille (avec l’aide de Quentin pour la mise en ligne) qui a réalisé une adaptation francophone, avec la complicité de Simon “Gee” Giraudot qui a fourni les images. Vous pouvez trouver les sources librement disponibles sur le github, n’hésitez pas à le forker, à vous installer votre propre version avec vos images et à fabriquer vous-mêmes des bandes dessinées libres.

Comment ça marche ?

C’est vraiment simple et intuitif. Rendez-vous sur la page du générateur de Geektionnerd, choisissez et déplacez les éléments graphiques, saisissez du texte pour vos “bulles”, redimensionnez les éléments avec les flèches haut/bas du clavier et inversez-les avec les flèches droite/gauche. Vous pouvez enregistrer facilement vos créations ensuite.

…d’ailleurs n’hésitez pas à en faire profiter tout le monde, peut-être publierons-nous vos meilleures réalisations ici, qui sait ?

Et Simon Giraudot, le voilà piraté ? Qu’en dit-il ?

Eh bien nous lui avons posé la question…

Quelle a été ta première réaction quand tu as découvert ce générateur ?

Très bonne ! Lorsque Cyrille a partagé la première version du générateur sur la liste de l’association Framasoft, tout le monde a commencé à jouer avec et à partager ses créations sur la liste. C’est assez marrant de voir mes personnages avec des mots qui ne sont pas les miens dans leur bouche !

D’une certaine façon c’est la continuité logique des créations libres que tu as réalisées avec la série des Geektionnerds ?

À priori c’est pareil. D’ailleurs, les dessins du générateur ne sont pas des dessins « exclusifs », ils sont en fait issus d’articles du blog (donc ils sont déjà sous CC-By-Sa !). Mais oui, c’est l’exacte continuité de ce que je propose dans le Geektionnerd. J’ai placé mes œuvres sous licence libre par conviction, parce que c’est comme ça que je vois « l’art » de manière générale. Le fait que les dessins soient librement modifiables n’est qu’une liberté, mais ça ne veut pas dire que vous allez forcément l’utiliser : grâce à ce générateur, on vous propose d’expérimenter cette liberté et de créer vos propres BD dérivées du Geektionnerd !

Tout le monde peut s’amuser avec ce petit générateur que nous te remercions d’avoir alimenté de tes dessins. Penses-tu que c’est juste un gadget sympathique ou que ça peut déclencher des vocations ?

L’un n’empêche pas l’autre, non ? 😉 Blague à part, c’est surtout un outil de loisir, à mon sens. Ça reste du bidouillage de dessins et de textes, je ne me verrais pas réaliser une histoire complète avec ça, par exemple. Mais après, qui sait ? Avec les licences libres, les possibilités sont infinies : imaginez une personne qui a une idée géniale de scénario pour une BD, mais ne sait absolument pas dessiner. Grâce aux contributions que l’on met dans le pot commun de l’art libre (et je ne parle pas que de moi ici mais de tous les artistes libres), il pourrait tout à fait récupérer une énorme base de données de dessins et les arranger comme il le veut pour correspondre à son scénario. Sympa, non ?

Si l’on va un peu plus loin, ce genre de pratiques implique la fin de l’œuvre unique, puisque chacun peut utiliser, copier, remixer, re-créer et diffuser des comic strips ? l’analogie avec les 4 libertés du logiciel libre est frappante, non ?

Oui, c’est exactement ça. Pour autant, il ne faut pas voir ça comme une trahison de l’œuvre ou un manque de respect de l’auteur (ce genre d’argument revient souvent lorsqu’on parle de modifier les œuvres sans l’autorisation de l’auteur – un des principes d’une licence libre). L’œuvre originale, le Geektionnerd, reste une « œuvre unique », si l’on veut. La différence avec une œuvre sous régime de droit d’auteur classique, ce n’est pas que vous allez vous l’approprier et en faire ce que vous voulez : ça, honnêtement, vous le faites aussi avec des œuvres protégées.

La différence, c’est que là, non seulement personne ne viendra vous demander des comptes et vous traiter de voleur, mais en plus, on vous y encourage ! Tu parles de l’analogie avec les 4 libertés du logiciel libre : je pense aussi, personnellement, aux deux modèles que propose Florent Latrive dans son livre Du bon usage de la piraterie. Il explique que, classiquement, on aimait considérer les artistes comme des  « génies romantiques » qui avaient une inspiration naturelle et quasi-divine. Mais l’artiste est en fait plus proche du « hacker », qui s’approprie toutes les informations qui l’entourent pour créer quelque chose de nouveau. Tous les artistes passent leur temps à reprendre, copier, réutiliser les œuvres du passé. La licence libre ne fait que se mettre en accord avec cette réalité qui est pourtant loin d’être spécifique à l’art libre ! On connait la fameuse citation de Picasso, « Les bons artistes copient, les grands artistes volent ». Aurait-il mis ses œuvres sous licence libre si cela avait existé à son époque ? C’est une autre question 😉




Framasoft et le Père Gnuël vous souhaitent de joyeuses fêtes !

Avec ce sourire, nous en profitons pour vous remercier chaleureusement de votre soutien cette année, qu’il s’agisse d’un don[1], d’une participation ou tout simplement en diffusant la bonne parole du Libre autour de vous.

Rendez-vous en 2013, parce qu’il reste encore plein de sales gosses à convertir 😉

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Notes

[1] Pour rappel : C’est le dernier moment pour faire un don 2012 défiscalisable à 66% (si vous êtes soumis à l’impôt sur le revenu).




Du code avant toute chose

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Libres conseils (1/42)

Traduction framalang peupleLa, tibs, Astalaseven, aKa, lerouge, Vilnus Atyx, liu qihao, Cyrille L., Khyvodul, jcr83, jcr83, Goofy, Gatien Bovyn, Antoine, lamessen, AlBahtaar + 2 anonymes

Première Partie, Idées et innovations

1. Du code avant toute chose

Armijn Hemel a utilisé des logiciels libres depuis 1994, lorsque son frère est revenu à la maison avec une pile de disquettes contenant l’une des premières versions de FreeBSD. Un an après, il migrait vers GNU/Linux, et depuis il n’utilise plus que des systèmes de type Unix, que ce soit chez lui, pour ses études à l’université d’Utrecht ou au travail. Depuis 2005, Armijn est membre du noyau dur de l’équipe de gpl-violations.org tout en possédant son propre cabinet de conseil (Tjaldur Software Governance Solutions) spécialisé dans la détection et la résolution de litiges nés de violations de licences GPL.

En 1999, je faisais tout juste mes premiers pas dans l’activisme du logiciel libre et Open Source. J’utilisais déjà Linux et FreeBSD depuis un certain nombre d’années, mais je n’étais encore qu’un simple utilisateur et je souhaitais apporter une contribution en retour. De mon point de vue, la meilleure manière de le faire était d’écrire du code. Étant donné que je ne trouvais aucun projet existant dans lequel j’aurais été à l’aise pour travailler, j’ai décidé de commencer mon propre projet. Avec le recul, je constate que plusieurs raisons m’ont poussé à débuter ce projet. L’une tenait à mes doutes sur le fait que mon code était d’une qualité suffisante pour être accepté dans un projet existant (je n’étais pas un programmeur brillant et d’ailleurs je ne le suis toujours pas), alors que pour un projet personnel, la question ne se pose pas. La seconde raison est certainement l’arrogance de la jeunesse.

Mon idée était de créer un logiciel de présentation, qui pourrait imiter la plupart des fonctionnalités les plus avancées (ou si vous préférez, les plus pénibles) de PowerPoint. À ce moment-là, OpenOffice.org n’existait pas et le choix était relativement limité : LaTeX et MagicPoint, qui sont davantage orientés vers le contenu textuel que sur les effets d’animation. Je voulais créer un logiciel multi-plateforme, et j’ai pensé que pour remplir cet objectif Java serait le meilleur choix.

Le concept était de faire un logiciel de présentation, écrit en Java, qui aurait intégré tous ces effets animés. Je me suis décidé et j’ai commencé le projet.

Toute l’infrastructure nécessaire était déjà disponible : une liste de diffusion, un site web, un système de gestion de versions (CVS). Mais il n’existait aucun code source qui aurait permis à des contributeurs potentiels de travailler directement . La seule chose en ma possession, c’était quelques idées de ce que je voulais faire, une démangeaison à soulager, et des slogans publicitaires séduisants. Je voulais en fait que beaucoup de gens rejoignent le projet pour que celui-ci devienne réellement un projet collaboratif.

J’ai commencé par faire des plans (avec mes nouvelles connaissances en UML) et à les faire circuler. Rien ne s’est passé. J’ai essayé d’impliquer des contributeurs, mais créer une architecture de manière collaborative est très difficile (sans compter qu’a priori, ce n’est sûrement pas le meilleur moyen de créer un logiciel). Après un certain temps, j’ai laissé tomber et le projet est mort en silence, sans qu’une seule ligne de code ait été écrite. Chaque mois je recevais des messages par la liste de diffusion qui me rappelaient que ce projet avait un jour existé, j’ai donc demandé sa mise hors-ligne.

J’en ai tiré une leçon précieuse, quoiqu’un peu douloureuse : dès lors que vous annoncez quelque chose et que vous souhaitez que les gens s’impliquent dans votre projet, assurez-vous au moins qu’il y ait un minimum de code disponible. Peu importe qu’il ne soit pas complètement terminé ; il est acceptable même s’il est mal dégrossi (au début en tout cas). Mais au moins cela démontre l’existence d’une base sur laquelle des contributeurs peuvent travailler et ainsi l’améliorer. Dans le cas contraire, votre projet finira de la même manière que tant d’autres, dont le mien : aux oubliettes.

Finalement, j’ai trouvé mon créneau pour contribuer au progrès du logiciel libre et open source, en m’assurant que les fondements légaux de ceux-ci restent protégés par l’intermédiaire du projet gpl-violations.org. Rétrospectivement, je n’ai jamais utilisé — sans en éprouver de frustration d’ailleurs — les effets animés dans les logiciels de présentation. En fait, je les trouve de plus en plus irritants, ils nous distraient trop du contenu. Pour faire mes présentations, je suis un utilisateur heureux de LaTeX Beamer et occasionnellement — mais avec moins de plaisir — d’OpenOffice.org/LibreOffice.

Crédit photo vampir 42 (CC-BY-SA)




« Libres conseils », une, première !

Qui n’a pas son projet libre ?

Plus qu’une mode ou un engouement passager, c’est un véritable mouvement de fond depuis quelques années : toute une communauté qui crée, échange, élabore, donne et reçoit des contributions, enfourche de nouveaux projets…

Fort bien, mais…

SourceForge récemment et Github aujourd’hui sont de véritables cimetières de projets libres et open source qui n’ont jamais trouvé d’audience, d’équipe de développement, de communauté active. Rien de bien tragique là-dedans. On peut estimer que ces plateformes sont pour beaucoup de libristes une sorte de terrain de jeu, de laboratoire, d’incubateur où le code et sa documentation s’expérimentent par à-coups, avec l’enthousiasme et l’énergie de ceux qui s’emparent d’un outil pour le mettre au service de leur créativité. Un excellent moyen d’apprendre en faisant finalement, à code ouvert. Et qu’importe alors l’absence d’aboutissement dans 80% des cas puisque c’est la démarche qui a été formatrice.

Cependant vous pouvez avoir envie de dépasser le stade du hobbyiste sympathique qui va bricoler son génial projet dans son coin. Vous pouvez avoir le désir de mettre toutes le chances de votre côté pour que le projet libre aboutisse vraiment, gagne en notoriété, entre dans une logique commerciale, vous procure amour, gloire et beauté.

C’est précisément l’intérêt du feuilleton dont vous allez déguster les épisodes semaine après semaine.

42 auteurs vous feront partager leur expérience, avec sérieux et humour, vous raconteront leurs ratages et leurs succès, vous diront comment éviter les uns et atteindre les autres. Des principes, des recommandations mais aussi des trucs et des ficelles, bref une ribambelle chatoyante de libres conseils.

Chaque semaine ou presque, l’équipe framalang vous proposera un nouvel épisode traduit du livre électronique en anglais Open Advice.

Chaque semaine — top départ chaque jeudi soir à 21h — une ou deux tranches du gâteau seront proposées à la traduction collaborative sur un framapad, donc en libre accès pour tous ceux qui souhaitent y contribuer. Participez à l’aventure !

La version que nous publierons ensuite ici même, comme dans le premier échantillon ci-dessous qui est une sorte de préambule, est un premier état de la traduction (donc évidemment perfectible), l’étape suivante sera une révision générale de tous les articles pour les joindre en un Framabook à venir.

Eh oui ça se passe comme ça chez Frama !

Les traducteurs de ce premier round d’échauffement :

peupleLa, Astalaseven, Hideki, Vilnus Atyx, liu qihao, Cyrille L., Khyvodul, jcr83, Slystone, schap2, 4nti7rust, Goofy, Antoine, lamessen + 4 anonymes

Libres Conseils

Logiciels libres et open source : ce que nous aurions aimé savoir avant de commencer

Open Advice est une base de connaissances provenant d’une grande variété de projets de logiciels libres. Elle répond à des questions dont 42 contributeurs majeurs auraient aimé connaître les réponses lorsqu’ils ont débuté. Vous aurez ainsi une longueur d’avance quelle que soit la façon dont vous contribuez et quel que soit le projet que vous avez choisi.

Les projets de logiciels libres modifient le paysage du logiciel de façon impressionnante grâce à des utilisateurs dévoués et une gestion innovante. Chacun apporte quelque chose au mouvement à sa façon, avec ses capacités et ses connaissances. Cet engagement personnel et la puissance du travail collaboratif sur Internet donnent toute leur force aux logiciels libres et c’est ce qui a rassemblé les auteurs de ce livre.

Ce livre est la réponse à la question « Qu’auriez-vous aimé savoir avant de commencer à contribuer ? » Les auteurs offrent un aperçu de la grande variété de talents qu’il faut rassembler pour réussir un projet de logiciel : le codage bien sûr, mais aussi le design, la traduction, le marketing et bien d’autres compétences. Nous sommes là pour vous donner une longueur d’avance si vous êtes nouveau. Et si ça fait déjà un moment que vous contribuez, nous sommes là pour vous donner un aperçu d’autres domaines et projets.

pour les géants et ceux qui se tiendront sur leurs épaules [1] 

Avant-propos

Ce livre parle de communauté et de technologies. Il est le fruit d’un travail collectif, un peu comme la technologie que nous construisons ensemble. Si c’est votre première rencontre avec notre communauté, vous pourrez trouver étrange de penser qu’une communauté puisse être le moteur qui propulse la technologie. La technologie n’est-elle pas l’œuvre des grands groupes industriels ? En fait, pour nous c’est presque l’inverse. Les auteurs de ce livre sont tous membres de ce que vous pourriez appeler la communauté du logiciel libre. Un groupe de personnes qui partagent l’idée fondatrice que les logiciels sont plus puissants, plus utiles, plus flexibles, mieux contrôlables, plus justes, plus englobants, plus durables, plus efficaces, plus sûrs et finalement simplement meilleurs quand ils sont fournis avec les quatre libertés fondamentales : la liberté d’utiliser, la liberté d’étudier, la liberté de partager et la liberté d’améliorer le logiciel.

Et bien qu’il y ait maintenant un nombre croissant de communautés qui ont appris à se passer de la proximité géographique grâce aux moyens de communication virtuels, c’est cette communauté qui en a été le précurseur.

En fait, Internet et la communauté du logiciel libre[2] suivaient des développements mutuellement dépendants. Au fur et à mesure qu’Internet grandissait, notre communauté pouvait grandir en même temps. Mais sans les valeurs ni la technologie qu’apportait notre communauté, il ne fait aucun doute à mes yeux que jamais Internet n’aurait pu devenir ce réseau global reliant les personnes et les groupes du monde entier.

À ce jour, nos logiciels font fonctionner la majeure partie d’Internet, et vous devez en connaitre au moins quelques-uns, comme Mozilla Firefox, OpenOffice.org, Linux, et peut-être même Gnome ou KDE. Mais notre technologie peut aussi se cacher dans votre téléviseur, votre routeur sans fil, votre distributeur automatique de billets, et même votre radio, système de sécurité ou bataille navale. Elle est littéralement omniprésente.

Ils ont été essentiels dans l’émergence de quelques-unes des plus grandes sociétés que vous connaissez, comme Google, Facebook, Twitter et bien d’autres. Aucune d’entre elles n’aurait pu accomplir autant en si peu de temps sans le pouvoir du logiciel libre qui leur a permis de monter sur les épaules de ceux qui étaient là avant eux. Mais il existe également de nombreuses petites entreprises qui vivent de, avec, et pour le logiciel libre, dont la mienne, Kolab Systems. Le fait d’agir activement avec la communauté et dans un bon esprit est devenu un élément de succès essentiel pour nous tous. Et c’est aussi vrai pour les plus grosses, comme Oracle nous l’a involontairement démontré durant et après sa prise de contrôle de Sun Microsystems. Il est important de comprendre que notre communauté n’est pas opposée au commerce. Nous aimons notre travail, et beaucoup d’entre nous en ont fait leur métier pour gagner leur vie et rembourser leurs crédits. Donc quand nous parlons de communauté, nous voulons dire des étudiants, des entrepreneurs, des développeurs, des artistes, des documentalistes, des professeurs, des bricoleurs, des hommes d’affaires, des commerciaux, des bénévoles et des utilisateurs. Oui, des utilisateurs. Même si vous ne vous en êtes pas encore rendu compte ou n’avez jamais appartenu à une communauté, vous faites en réalité déjà partie de la nôtre. La question est de savoir si vous allez y participer activement. Et c’est cela qui nous différencie des poids lourds de la monoculture, des communautés fermées, des jardins clôturés de sociétés telles qu’Apple, Microsoft et d’autres. Nos portes sont ouvertes. Tout comme nos conseils. Et également notre potentiel. Il n’y a pas de limite à ce que vous pouvez devenir — cela dépend uniquement de votre choix personnel comme cela a été le cas pour chacun d’entre nous.

Donc si vous ne faites pas encore partie de notre communauté, ou si vous êtes simplement curieux, ce livre offre un bon point de départ. Et si vous êtes déjà un participant actif, ce livre pourrait vous offrir un aperçu de quelques facettes et de quelques perspectives qui seront nouvelles pour vous.

En effet, ce livre contient d’importantes graines de ce savoir implicite que nous avons l’habitude de construire et de transférer à l’intérieur de nos sous-communautés qui travaillent sur diverses technologies. Ce savoir circule généralement des contributeurs les plus expérimentés vers les moins expérimentés. C’est pourquoi il semble tellement évident et naturel à ceux qui fréquentent notre communauté. Ce savoir et cette culture de la collaboration nous permettent de créer d’extraordinaires technologies avec de petites équipes du monde entier au-delà des différences culturelles, linguistiques et de nationalité. Cette manière de fonctionner permet de surpasser des équipes de développement bien plus grandes de certaines des plus grosses sociétés au monde. Tous les contributeurs de ce livre ont une expérience solide dans au moins un domaine, parfois plusieurs. Ils sont devenus des enseignants et des mentors. Au cours des quinze dernières années, j’ai eu le plaisir d’apprendre à connaître la plupart d’entre eux, de travailler avec beaucoup, et j’ai le privilège de compter certains parmi mes amis.

Comme l’a dit judicieusement Kévin Ottens pendant le Desktop Summit 2011 à Berlin, « construire une communauté, c’est construire de la famille et de l’amitié ».

C’est donc en réalité avec un profond sentiment de gratitude que je peux dire qu’il n’y a aucune autre communauté dont je préférerais faire partie, et je suis impatient de vous rencontrer à l’une ou l’autre des conférences à venir.

— Georg Greve

Zürich, Suisse, le 20 août 2011

Georg Greve a fondé la Free Software Foundation Europe (FSFE) en 2000 et en a été le président fondateur jusqu’en 2009. Durant cette période, il a été responsable du lancement et du développement de nombreuses activités de la FSFE, telles que les alliances, la politique ou les travaux juridiques. Il a intensivement travaillé avec de nombreuses communautés. Aujourd’hui, il poursuit ce travail en tant qu’actionnaire et PDG de Kolab Systems AG, une société qui se consacre entièrement aux logiciels libres. Pour ses actions en faveur du logiciel libre et des standards ouverts, Georg Greve a été décoré de la croix fédérale du mérite (Bundesverdienstkreuz am Bande) par la République Fédérale d’Allemagne le 18 décembre 2009. Thank You! Merci !

Ce livre n’aurait pu voir le jour sans la participation de chaque auteur et des personnes suivantes, qui ont aidé à sa réalisation :

Anne Gentle (relecture)

Bernhard Reiter (relecture)

Celeste Lyn Paul (relecture)

Daniel Molkentin (mise en page)

Debajyoti Datta (site internet)

Irina Rempt (relecture)

Jeff Mitchell (relecture)

Mans Rullgard (relecture)

Noirin Plunkett (relecture)

Oregon State University Open Source Lab (hébergement du site internet)

Stuart Jarvis (relecture)

Supet Pal Singh (site internet)

Saransh Sinha (site internet)

Vivek Prakash (site internet)

Will Kahn-Greene (relecture)

* * * * * *

[1] Note des traducteurs : dédicace par allusion à « Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants. » Bernard de Chartres, XIIe siècle

[2] Note de l’auteur : pour moi, l’Open Source n’est que l’un des aspects de cette communauté. Cet aspect particulier a trouvé son articulation en 1998, c’est-à-dire quelque temps après l’arrivée d’Internet. Mais n’hésitez pas à dire « Open Source » au lieu de « logiciel libre » si vous préférez ce terme.

Crédits photo hellojenuine (CC-BY-SA)




OS, logiciels, serveurs et… tablettes libres pour les écoles – Entretien avec Éric Seigne

Eric_Seigne_Abuledu_en_classeLes entreprises utilisant et fabriquant du logiciel libre à destination des écoles primaires sont rares. Il faut reconnaître que le marché est compliqué et beaucoup plus difficile à conquérir puisqu’il faut démarcher chaque mairie là où les conseils généraux suffisent pour les collèges. C’est donc un travail de fourmi que doivent fournir ces sociétés pour exister. Nous avions rencontré en mars dernier les co-présidents d’iMaugis. Aujourd’hui, c’est Éric Seigne, que nous avons le plaisir d’interviewer. Il en profite pour nous annoncer une nouvelle qui devrait, nous l’espérons, faire beaucoup de bruit 😉

Bonjour Éric. Pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter ?

Éric Seigne, 34 ans , directeur de la société RyXéo, éditeur de AbulÉdu, ensemble de logiciels libres multidisciplinaires à destination des établissements scolaires. Je suis un des membres fondateurs de l’ABUL, Association Bordelaise des Utilisateurs de Logiciels Libres, ainsi que d’autres associations libres.

Comment as-tu découvert le libre ?

Pendant mes années de lycée, dans le journal local (Sud Ouest) on pouvait lire que se tenaient à Bordeaux des repas entre Experts Linux… À cette époque, j’avais la chance de pouvoir bidouiller l’ordinateur de ma sœur aînée, alors équipée de DOS, tandis que mes amis disposaient d’ Amiga et Amstrad (avec écran couleur, son, jeux…) … Je me contentais du prompt A:>_ …


J’ai ensuite installé un OS/2 puis ai enfin eu mon propre ordinateur, pc offert par mon grand-père.

J’ai trouvé le moyen d’installer une slackware sans en connaître les commandes rudimentaires… J’ai persévéré et ai, comme beaucoup d’autres, apprécié. Après mon bac, je me suis installé à Bordeaux et y ai effectué mes études. J’ai enfin pu participer à ces fameux repas de linuxiens bordelais où la constitution d’une association locale (ABUL) a été décidée. À cette époque, des personnes telles que Pierre Ficheux ont suscité chez moi une réelle admiration ! À tel point qu’une Redhat a remplacé la slackware sur ma machine. La découverte de l’interface graphique n’a finalement pas changé grand-chose… si ce n’est de pouvoir lancer un Netscape… les habitudes étaient déjà trop grandes… j’appréciais les fameuses lignes de commande et ne comptais plus les abandonner.

J’ai également participé à quelques demo-parties et ai pu admirer les prouesses des démos 4k, des équipes dev-gfx-zique… la créativité de ces gens est tout simplement incroyable.

Je savais que je n’aurais pas dû jouer autant avec mon Amstrad 6128 😉
Tu es à l’initiative de nombreux projets ou tu y participes : RyXéo, AbulÉdu, AbulÉdu-fr, AbulÉdu ENT, Le Terrier, Pédagosite, Scideralle
Vu de l’extérieur, cela commence à ressembler à l’anarchie des projets Framasoft 😉
Tu peux nous les présenter pour y voir plus clair ?

Connais-tu “la cathédrale et le bazar“ ? Ce livre fait partie de mes lectures qui ont eu une grosse influence sur ma trajectoire, au même titre que l’incroyable “hold up planétaire” de Roberto di Cosmo). Je suis un créateur sur le mode « bazar » qui, de temps en temps, essaye de remettre un peu d’organisation « cathédrale » pour repartir sur un cycle bazar et ainsi de suite :

  • 1998 création de l’Abul et définition de nos prérogatives à savoir l’éducation, la création du groupe Abul-edu, qui donnera naissance au projet Abuledu
  • 1998 l’AFUL signe une convention avec le Ministère de l’Éducation Nationale (Stéphane F., Thierry S., Bernard L., Nat M. Jean-Pierre L. et toute l’équipe de l’AFUL que je ne remercierai jamais assez pour ce coup d’éclat) qui nous ouvre les portes et définit le cadre de travail dont nous bénéficions dans ce secteur
  • 1998 Jean Peyratout, instituteur à Gradignan (à 200 m de chez moi), fondateur de l’ABUL nous fait vibrer au son de « je suis instituteur laïc, républicain, gratuit … et néanmoins obligatoire et à ce titre j’ai du mal à mettre mes élèves devant des ordinateurs Microsoft Windows pour leur faire utiliser Microsoft Word (ou Write), Microsoft Excel, Microsoft Encarta, Microsoft truc et ainsi de suite, il y a la une entorse à mon éthique (et mon devoir de neutralité) que j’ai du mal à avaler, j’aimerais savoir si “linux” pourrait pas nous offrir un choix ».
  • 1999/2000 le groupe Abul-edu (une trentaine de bénévoles de l’association) installe “des ordinateurs en réseau” dans l’école primaire de Jean Peyratout. On va du recyclage de vieux pc à l’installation d’un “serveur” (de mémoire un P3 avec 128 ou peut-être 256 Mo de RAM) … Camille C. nous amène une techno: “LTSP“… on essaie également XTermKit de Jacques Gélinas… Pour faire simple on pourrait dire que les enfants utilisent AbulÉdu en semaine et des adultes barbus s’adonnent à leur hobby le week end…
  • 2000 premières RMLL, le cycle éducation présente des projets extrêmement ingénieux, dont celui de Jacques Gélinas (Hacker kernel, papa de linuxconf) qui enivre la foule… en fin de journée, nous faisons des démonstrations autour d’AbulÉdu. À la fin de la conférence, plus d’une dizaine d’enseignants viennent nous voir et nous disent qu’ils veulent faire la même chose dans leur école. Dans l’euphorie de l’événement on leur lâche un « chiche, revenez dans un an on vous donnera un cd d’installation »
  • Cette même année 2000, je crée l’entreprise individuelle Rycks
  • Un an plus tard, lors des RMLL 2001, on lance le CDROM AbulÉdu 1.0 basé sur Mandrake 7.2 (je salue et remercie encore les hackers de Mandrake qui nous ont aidés et soutenus)… La communauté s’élargit alors jusqu’en Afrique de l’Ouest, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et bien naturellement partout en France. Des enseignants comprenant notre démarche vis à vis des enjeux du libre dans le milieu scolaire veulent créer des logiciels pour aider leurs enfants à apprendre à lire, compter… un coup de pouce technique plus tard Le Terrier d’AbulÉdu est né.
  • Dans notre approche constructiviste, suite à des retours utilisateurs, nous créons Pédagosite, une nouvelle fois, dans notre bazar. L’idée est de mettre en commun les fiches pratiques et pédagogiques des enseignants contributeurs.
  • 2003 l’association ABUL, le groupe abul-edu et AbulÉdu décident de structurer. L’ABUL a pour mission de s’occuper de Linux sur Bordeaux (je schématise) et AbulÉdu prend alors son envol. Le groupe Abul-edu se réunit et créé l’association SCIDERALLE.
  • 2003 Rycks devient RyXéo, quittant le statut d’entreprise individuelle pour celui de SARL. Le changement n’intervient pas de façon isolée et AbulÉdu passe alors sur Debian. Nous proposons une solution clé en main de serveurs pré-installés accompagnés de maintenance. Le succès est mitigé : des clients qui nous rapportent de l’argent mais un malaise naît au sein de la communauté qui a du mal à comprendre qu’on puisse vendre du logiciel libre. 5 années plus tard, en 2008, nous relançons « AbulÉdu gratuit », version 8.08. Porteuse d’espoirs, elle nous apporte très rapidement son lot de désillusions, des donneurs d’ordre téléchargent la version gratuite, l’installent dans des écoles mais ne contractent ni support, ni expertise, ni formation auprès de RyXéo, même à 30 euros par mois !

Et la naissance d’AbulÉdu-fr ?

L’association a été constituée en 2010 et regroupe les utilisateurs d’AbulÉdu. Depuis 2011 nous essayons de resserrer les liens entre la communauté et RyXéo, l’association AbulÉdu-fr est la bonne interface pour ça.

Le bilan de l’association est présenté sur le site de l’association. toute aide est la bienvenue, en particulier d’un point de vue financier : l’association a du mal à payer les frais de déplacement pour les développeurs bénévoles lorsqu’ils viennent chez nous (RyXéo) une fois par mois.

RyXéo a toujours eu des liens avec l’éducation, notamment avec les écoles. Sauf erreur de ma part, c’est la seule entreprise, qui, en 2009, répondait intégralement au cahier des charges du ministère lors du Plan École Numérique Rurale. Pourtant de nombreuses autres entreprises ont finalement été retenues lors de ce plan (dont certaines se sont d’ailleurs mystérieusement volatilisées depuis). Comment l’expliques-tu ? Penses-tu que le fait de proposer des solutions libres a été, à ce moment là, un inconvénient ?

Je suis mal placé pour dire si on était les seuls à être compatibles avec le cahier des charges, je dirais juste qu’on a essayé d’apporter la réponse la plus claire possible.


Concernant les truands qui se sont placés sur ce marché pour voler de l’argent public et disparaître après avoir livré partiellement des écoles oui, ça m’a rendu assez malheureux.


Ensuite, ce plan était dans le « plan de relance de l’économie », j’ai observé qu’on a surtout relancé les importations de matériels produits à l’étranger. J’aurais préféré qu’on inverse le ratio matériel-service en s’appuyant par exemple sur du recyclage d’ordinateurs et en mettant beaucoup de ressources humaines en jeu en incluant des heures de passage dans les écoles pour que les entreprises fassent réellement du boulot d’accompagnement technique. Voire qu’on injecte des moyens financiers sous forme de création de postes d’animateurs TICE (ou dans les CDDP ou dans les équipes des Inspections Académiques ou autres structures existantes) pour que les enseignants puissent réellement mettre en pratique des usages avec des professionnels de la pédagogie…

Depuis 2010, de nouveaux logiciels du Terrier ont été développés et certains réécrits. Cela marque une réelle rupture aussi bien au niveau visuel que technologique par rapport aux premiers logiciels. Comment se font ces nouveaux développements ?

  • En 2009, nous (RyXéo) avons fait un bilan à la fois fonctionnel et technique des logiciels du Terrier d’AbulÉdu. Nous en avons tiré les 3 principales conclusions:
  1. logiciels pertinents et reconnus sur les aspects métier
  2. graphismes et ergonomie à repenser
  3. améliorations techniques du code applicatif à mettre en œuvre

Je tiens à signaler au passage que les logiciels en question sont vraiment conséquents, par exemple Association nécessite 1500 dessins et près d’un millier de mots (sous forme de sons) enregistrés ! À de nombreuses reprises la communauté des développeurs a lancé des appels à contribution pour avoir des dessins et des ressources libres réutilisables… sans grand succès.

  • Ryxéo engage un graphiste (en fait il s’agit d’un dessinateur de BD et illustrateur). En parallèle nous testons différents langages pour nos futurs logiciels (python, pygame, etc) sans en être vraiment convaincus. Puis sur le test du logiciel Raconte-moi, nous tentons l’aventure Qt/C++.
  • Au même moment, nous accueillons en stage, un enseignant avec qui nous avons l’habitude de travailler. Avec notre équipe technique, il développe le logiciel Calcul-Mental et travaille en forte collaboration avec le graphiste.

Le résultat est évident : nous sommes séduits… et l’équipe s’étoffe en l’embauchant à l’issue de son stage.

Parlons de choses qui fâchent 😉

Parmi les nouveaux logiciels, certains sont téléchargeables directement, d’autres accessibles uniquement après un achat en boutique. Pourquoi ce changement de politique ? Pourquoi cette différence de traitement entre les logiciels ?

Comme évoqué un peu plus tôt, Ryxéo est une équipe qui regroupe des développeurs, graphistes et pédagogues qui œuvrent à l’essor et au maintien de la solution AbulÉdu. Les salariés de l’entreprise reçoivent un salaire à la fin du mois. Le modèle économique Ryxéo, tel un éditeur, est basé sur le support, la maintenance et les formations autour des solutions proposées à nos clients.

À côté de ça, il faut savoir que l’estimation des dépenses globales au niveau national en logiciels pour les écoles en 2011 est de plusieurs millions d’euros (exemple 500.000 euros pour l’académie de Toulouse, sources : http://tice.ac-toulouse.fr/web/635-cheque-ressources.php) … Ne serait il pas pertinent que les ressources libres en bénéficient ?

Il n’en demeure pas moins que, nous sommes tous très impliqués, individuellement comme collectivement, et ce depuis de nombreuses années, à titre bénévoles dans des associations et des communautés. .

Cela dit, j’avoue qu’un de mes rêves serait de lancer une opération “logiciel libre à prix libre”… Peut être encore trop tôt… Mais un jour viendra, je l’espère.

Pour moi la réussite d’un projet libre n’est pas tant qu’il soit utilisé par des milliers d’utilisateurs que de créer des emplois et de la richesse. La FSF a eu l’intelligence de ne pas mettre de conditions « non commercial » dans la GPL et c’est vraiment important.

Puisque tu parles de “logiciel libre à prix libre”, RyXéo a lancé un Pedagogic Bundle permettant aux utilisateurs d’acheter un pack de logiciels du Terrier. SI je ne me trompe pas, cette opération en anglais a permis de récolter 800 $. Quel bilan en tires-tu ? Pourquoi ce choix d’une opération en anglais ?

C’est un test à plusieurs niveaux: je pense que l’aspect international est compliqué à aborder pour des logiciels pédagogiques, je ne pense pas que les enseignements soient les mêmes partout. Néanmoins je cherche pour voir s’il existerait un « écho » dans la communauté internationale qui gravite autour des logiciels libres et de l’éducation.

800€ c’est très peu et beaucoup : très peu compte tenu de l’exemple qu’on a pris pour s’en inspirer (humble bundle) et beaucoup parce que vu le peu de publicité qu’on a faite on a tout de même des retours.

Ensuite ce sont des personnes plutôt militantes qui nous ont pris ce bundle et nous ont spontanément proposé de participer aux traductions et prochaines offres…

Où en est le projet de micro-blogue pour les écoles primaires porté par l’association AbulÉdu-fr ?

Il s’agit d’un projet porté par l’association. Un projet véritablement important, à faire vivre, demandant du temps. Je profite donc de la tribune offerte pour demander à tout contributeur potentiel de ne pas hésiter à proposer son temps et son aide en remplissant ce formulaire de contact : http://www.abuledu-fr.org/Contacter-l-association.html

Passons à l’actualité chaude de RyXéo. Tu viens, ce samedi de présenter un produit qui devrait faire beaucoup de bruit, la TEDI. C’est quoi ?

Depuis deux ans, le phénomène « tablettes » envahit notre quotidien. Les écoles ne sont pas en reste et certaines, se sont lancées très tôt dans les démarches d’acquisition de ces nouveaux matériels.

La tablette est vue comme un gros téléphone, multi-tâche, à la frontière entre le matériel de productivité et le gadget. À ce titre je me dis que le combat de “détaxe” ou de “vente liée” est perdu ou tout au moins mal embarqué sur ces plates-formes …

Android prend de plus en plus de part de marchés et souffle le chaud et le froid (libre, pas libre, par exemple une version d’Android n’a jamais été publiée) … je fais de la veille technologique active et envisage un éventuel avenir libre aux tablettes scolaires.

RyXéo achète quelques tablettes pour découvrir que l’univers ARM (les puces qui équipent l’écrasante majorité des tablettes pour ne pas dire la totalité) est structuré d’une manière bien différente de la plateforme “pc/intel” que je connais bien. Il est par exemple très compliqué de choisir le périphérique d’amorçage et d’envisager de démarrer sur une clé usb, le réseau ou une carte SD … allons-nous être obligés de développer pour iOS ou Android ?

RyXéo développe cependant une « solution tablettes pour développeurs » sur une plate-forme intel tout en synthétisant notre cahier des charges « école primaire »  :

  • Matériel aussi ouvert que possible
  • Système d’exploitation libre et logiciels libres
  • Assez robuste pour être confié à des enfants
  • Léger
  • d’un look “sympa” ou tout au moins, sortant de l’ordinaire

J’estime qu’en tant que développeurs nous avons des responsabilités. Je m’explique: si je développe une application pour iOS ou Android je ne peux pas ignorer que l’identité numérique des futurs utilisateurs de mon logiciel sera gérée par un de ces deux géants. Il en va de même pour les données qui seront forcément indexées voire stockées sur le cloud de ces mastodontes, probablement hors du territoire national et donc soumis à une loi qui n’est même pas la nôtre. De ce fait il est de notre responsabilité de proposer des alternatives durables, ouvertes, libres et pérennes. D’autant plus qu’on est dans un domaine ou nos utilisateurs (les enfants) n’ont pas encore construit leur esprit critique et qu’ils font confiance aux adultes que nous sommes pour avoir fait les bons choix !

eric-seigne-tablette

Comment est né ce partenariat avec Unowhy ?

Après quelques recherches et échanges avec nos clients et partenaires, la tablette qooq/unowhy est identifiée. Contact est pris avec l’industriel, nous achetons une tablette « développeur » et installons un hack d’AbulÉdu en test.

Ensuite tout s’enchaîne, nous rencontrons l’équipe dirigeante de Unowhy, effectuons une démonstration de la tablette « AbulÉdu », et nous voici, samedi 8 décembre 2012, pour l’annonce officielle de cette Tablette.

J’apprécie en particulier sur leur tablette et avec leur approche qu’il n’y a ait aucun connecteur propriétaire: rien que du standard ! (usb, ethernet, sdcard, jack pour le casque) … c’est suffisamment rare pour le signaler !

Présent à Éducatice Unowhy présentait justement son projet de tablette scolaire et parlait d’une expérimentation en collège. Est-ce un projet différent ou bien est-ce également un partenariat avec RyXéo ?

Ce sont deux projets différents qui pourraient paraître complémentaires. Je précise néanmoins que TEDI AbulÉdu a aussi été présentée le 22 sur le stand de Unowhy à Éducatice.

Je ne savais pas. Je n’ai pas eu l’occasion d’aller à Éducatice cette année.

Au niveau du système d’exploitation, je suppose que ce n’est pas iOS. Est-ce Android ou un développement maison ? Une adaptation d’AbulÉdu ?

C’est un vrai GNU/Linux, fondé sur l’excellent boulot de linaro. Et sur lequel nous avons réalisé le même travail que pour AbulÉdu « Live » ou « Serveur ».

Puisqu’on parle de partenariat, il y au final peu d’acteurs dans l’univers du libre au niveau de l’école primaire (ASRI Édu, Beneyluschool, OLPC, OOo4kids, Sankoré, GCompris …). As-tu des échanges, liens avec eux ?

C’est juste de le dire, on est peu nombreux et la quantité baisse avec les années (par exemple cette année nous perdons l’excellente équipe de PingOO). Le grand absent de cette liste est edubuntu, qui, pour moi, est un exemple intéressant : AbulÉdu serveur étant fondé sur ubuntu, j’ai souhaité leur offrir l’interface d’administration d’AbulÉdu il y a quelques années. Tous les paquets .deb existent et marchent dans plusieurs centaines d’école tous les jours en France … Le retour que j’ai eu a été … étonnant : notre interface d’administration étant en PHP le responsable du projet edubuntu n’a même pas daigné le regarder. Aujourd’hui nous faisons et refaisons tous la même chose (des interfaces d’administration) au lieu d’utiliser des forces à la création de ressources pédagogiques, de logiciels d’apprentissages, de retours utilisateurs etc.

Beneyluschool est exemple également intéressant. En 2010 quand on a voulu proposer un ENT à nos clients, on a cherché les sources de la Beneyluschool… introuvables ou alors une version vieille comme Hérode. D’autre part, le site faisant appel à du flash de manière importante, nous avons décidé de créer notre ENT. Cependant, en 2012, Beneyluschool libère le code de sa version 3.0 qui n’utilise à priori plus de flash… Je suis heureux de voir cette nouvelle orientation et le contact est en cours pour voir comment intégrer l’accès à l’ENT depuis les tablettes pour les clients que nous avons en commun.

De même, nous avons intégré OOo4Kids dans AbulÉdu mais quelques ajustements sont encore nécessaires, notamment entre OOo et OOo4Kids (quel logiciel a la priorité sur l’association des fichiers dans le navigateur de fichiers par exemple).

Concernant GCompris la cible et l’approche sont différentes : GCompris est un moteur d’activités ludo-éducatives, Bruno a même ajouté l’interprétation de script python dans GCompris pour simplifier l’ajout de nouveaux modules par des développeurs tiers. Notre approche est différente : nous avons préféré avoir un exécutable indépendant pour chaque logiciel. Par contre au niveau de la distribution AbulÉdu, GCompris fait partie des logiciels que nous diffusons systématiquement.

Avec OLPC et ASRI Édu, nous n’avons pas encore de réels liens mais l’occasion se présentera peut être un jour.

Ryxeo fêtera ses 10 ans l’année prochaine, c’est un véritable succès ! Si tu devais choisir parmi ces propositions laquelle définirait le mieux la situation actuelle ?

* Grâce au choix du logiciel libre, RyXéo est prospère et je suis un patron très riche. * L’équilibre est précaire mais sans le logiciel libre l’aventure n’aurait pas été possible. * RyXéo aurait sûrement été plus prospère en choisissant le logiciel privatif.

À vrai dire, je ne sais pas trop commenter ces aspects. Je dirais que depuis 10 ans, l’aventure est belle, soumise à des moments heureux comme des périodes délicates. Si je devais tirer un bilan, il serait très positif. La prospérité est plus celle du cœur et de la connaissance que du compte en banque mais je ne regrette pas mes choix !

Pour finir, si des lecteurs du blog sont intéressés par un des projets, peux-tu nous dire de quoi vous avez besoin actuellement ?

Le projet AbulÉdu recherche des contributeurs pour collecter des ressources libres sur internet et les ajouter dans l’entrepôt de données data.abuledu.org En trois mois nous avons déjà collecté plus de 5000 ressources libres… aidez-nous pour arriver à 50 000 pour les RMLL 2013 !

Ensuite si nous voulons que notre plate-forme soit remplie de ressources libres, il faut les produire. Nous lançons donc un appel à tous les enseignants créateurs de ressources à les mettre sous licence libre (compatible avec cc-by-sa) et nous les envoyer (ou les envoyer eux même sur l’entrepôt) pour qu’elles soient mises à disposition de tous et indexées selon les normes en vigueur, (LOM, SCOLOM etc.) dans l’entrepôt de données pédagogiques .

Enfin, nous sommes à la recherche de donneurs de voix pour enregistrer des histoires pour les enfants, ou lire des textes.

Sur les aspects techniques, si des développeurs souhaitent rejoindre la communauté AbulÉdu, ils et elles seront chaleureusement accueillis (voir la liste de diffusion dev@abuledu.org) et notamment lors de nos week-ends abuledu@ryxeo.

Merci Éric !