Ubuntu est-elle une distribution commerciale ? Et si oui pourquoi le taire ?

Excellent accélérateur de migration Windows vers GNU/Linux, Framasoft soutient et promeut depuis le début la distribution grand public Ubuntu. Et ce ne sont ni les annotations de Richard Stallman ni la récente « affaire Amazon » (fort bien explicitée par Christophe Sauthier) qui nous feront changer d’avis.

Mais cela ne nous empêche pas dans ces colonnes de traduire de temps en temps des articles parfois critiques à son égard, au risque de déclencher des ires dans les commentaires 😉

Ici le journaliste Sam Varghese reproche à Mark Shuttleworth de ne pas avoir clairement affirmé, et ce dès l’origine, le caractère commercial d’Ubuntu intimement liée à sa société Canonical. C’est ce qui explique pour lui que cette histoire avec Amazon a été si mal prise pour la communauté.

Et de citer alors en exemple la société Red Hat qui lui semble plus claire dans ses objectifs (de profits). D’ailleurs cette dernière propose deux distributions plutôt qu’une : la « commerciale » Red Hat Enterprise Linux et la « communautaire » Fedora.

Il est d’ailleurs possible que cette éventuelle confusion soit encore plus forte dans des pays comme la France où la communauté Ubuntu est très dynamique.

Il est vrai qu’une fois qu’on découvre GNU/Linux (souvent avec Ubuntu), on s’aperçoit qu’il existe bien des différences entre les distributions. Le très pratique mais pas très libre Linux Mint n’est pas la même que la moins pratique mais très libre Trisquel. La gouvernance et finalité d’une Debian diffèrent sensiblement de celle d’Ubuntu qui s’en est inspirée à la base.

C’est toute la richesse et diversité du logiciel libre et c’est très bien ainsi, non ?

StephenrWalli - CC by-sa

La grande erreur de Mark Shuttleworth

Mark Shuttleworth’s big mistake

Sam Varghese – 26 octobre 2012 – ITWire.com
(Traduction : peupleLa, Bob Young, KoS, Yuston, Gatitac, HgO, greygjhart)

La semaine dernière a marqué le huitième anniversaire de l’apparition d’Ubuntu sur la scène GNU/Linux. Depuis octobre 2004, de nouvelles versions de cette distribution sont sorties tous les six mois : le buzz initial a été très fort avant de s’estomper peu à peu.

Il est remarquable qu’au fil des ans, chaque fois que Mark Shuttleworth, l’homme qui possède Canonical, la compagnie qui est derrière Ubuntu, introduit une nouvelle fonctionnalité destinée à générer des revenus, des cris et des pleurs se font entendre. Alors, les gens d’Ubuntu essaient de s’expliquer et pour finir, on trouve un semi-compromis qui ne satisfait personne.

La dernière de ces fonctionnalités, dans la version 12.10, fut l’ajout des résultats de recherche d’Amazon aux résultats de recherche habituels. Ce qui signifie un peu d’argent venant d’Amazon pour Canonical (à chaque fois qu’un utilisateur d’Ubuntu achète un produit Amazon à partir de la recherche). Le compromis a été d’en faire une fonctionnalité optionnelle.

De telles situations se sont déjà produites par le passé, et se reproduiront encore à l’avenir. Il y a selon moi une raison simple à cela : Mark Shuttleworth n’a pas réussi à formuler une vision claire du projet Ubuntu à ses débuts. Grave erreur.

Lorsqu’Ubuntu est sortie pour la première fois, il y a eu beaucoup de discussions à propos de la signification de la formule : l’humanité en partage (NdT : humanity to others). Il y avait un tas de fonctionnalités cools, qui mettaient l’accent sur l’implication de la « communauté ». Des cédéroms étaient livrés gratuitement aux gens. On aurait dit une œuvre de bienfaisance du logiciel libre gonflée aux stéroïdes. Ou à l’EPO, à la Lance Armstrong (en français dans le texte) si vous préférez.

Mais il n’y a jamais eu de discussions à propos du fait qu’Ubuntu est une distribution commerciale ; elle a besoin de générer du profit pour exister. Shuttleworth a les poches profondes mais elles ne sont pas sans fond. Le logiciel a beau être gratuit, il faut néanmoins que les comptes atteignent un jour l’équilibre.

À l’opposé, lorsque Red Hat, de loin l’entreprise générant le plus de profits grâce à GNU/Linux, est née, en 1994, tout le monde savait que son but était de générer de l’argent grâce au système d’exploitation libre. Il n’y avait pas d’illusions. C’est pourquoi en 1997, lorsque j’ai pour la première fois entendu parler de GNU/Linux, la communauté du logiciel libre surnommait déjà Red Hat la « Microsoft » des distributions Linux !

Mais au fil des ans, Red Hat a acquis beaucoup de karma positif auprès de la communauté. Elle contribue largement au progrès de Linux en recrutant une bonne partie des développeurs contibuant au noyau. Elle finance des activités périphériques pour participer à la croissance de l’écosystème des logiciels libres.

Personne n’a dit le moindre mal d’Ubuntu à ses débuts. Mais à certains moments en cours de route, quand il s’agissait d’incorporer des fonctionnalités en vue de générer des revenus, les utilisateurs se sont dressés en masse. On ne peut pas leur en vouloir; ils avaient été amenés à croire que la communauté était primordiale et ils ont réagi.

Après quelques-unes de ces confrontations, Shuttleworth a levé le pied et poursuivi sur le chemin qu’il avait choisi. Il ne pouvait pas vraiment faire autrement, après les critiques d’abords douces puis amères soulevées par ses tentatives progressives d’introduire des fonctionnalités commerciales.

Les membres de la communeauté n’ont rien contre ceux qui gagnent de l’argent grâce à des logiciels libres. Patrick Volkerding, créateur et mainteneur principal de la distribution Slackware, est considéré par beaucoup comme un héros pour avoir toujours fourni à ses utilisateurs la distribution qu’ils voulaient. En retour, ces utilisateurs achètent tout ce qu’il produit pour qu’il gagne de l’argent et continue son travail. Et sa distribution est demeurée bénéficiaire la majeure partie de son existence.

Mais Shuttleworth a plus ou moins creusé sa propre tombe. Il aurait dû être clair quant au chemin qu’il allait prendre, clair à propos de son but, et faire attention à ce que son plan soit transparent. Une société basée sur GNU/Linux doit tracer son chemin différemment d’une société ordinaire ; peut être que Shuttleworth n’en avait pas conscience.

Quelle qu’en soit la raison, son manque de communication a abouti à ce qui s’est produit avec les résultats de recherche Amazon et ce qui s’en suivra. C’était la grosse erreur de Mark Shuttleworth.

Crédit photo : Stephen Walli (Creative Commons By-Sa)




Point de réseau social sérieux sans lolcats !

Framasoft harcèle (et parfois excède) ses followers Twitter actuellement avec ses « lolcats de soutien » (, , , , , , , , , ou encore ), ce qui ne nous empêche de nous penser sérieux et appliqués dans notre démarche de promotion et diffusion du Libre.

L’idée générale de la traduction ci-dessous c’est que si vous voulez créer un véritable réseau social au sein de votre structure alors il vous faudra aussi accepter ce qui n’a rien à voir avec votre structure. C’est le coté social du réseau social et il est beaucoup moins futile qu’on peut à priori le penser car c’est souvent un préalable à une bonne ambiance d’où pourront émerger des choses bien pertinentes pour votre structure.

Michellelevine - CC by-sa

Si vous voulez une culture vraiment collaborative, vous devez aussi accepter les LOLCats

If you want a culture of collaboration, you need to accept the LOLCats too

Steve Radick – 11 janvier 2012 – OpenSource.com
(Traduction : KoS, Maïeul, @ali0une, greygjhart)

Même lorsque la presse était sacrée, nous avons eu des romans érotiques 150 ans avant d’avoir des journaux scientifiques
Clay Shirky (Conférence TED Cannes juin 2010)

C’est une de mes citations favorites de l’une de mes personnalités favorites d’Internet, Clay Shirky. Je l’aime particulièrement parcequ’elle illustre selon moi l’époque où certaines organisations se trouvent en essayant d’intégrer les médias sociaux en leur sein.

Avant que les wikis ne soient utilisés par les communautés de coopération scientifique, les personnes s’y inscrivaient pour désigner leur équipe de foot favorite. Avant que l’intranet de ma propre entreprise ne remporte un prix, nous avions des personnes qui nous expliquaient comment elles étaient heureuse de se montrer (presque) nues sur leurs profils. Avant que nos dirigeants commencent à utiliser Yammer pour communiquer avec la base, des groupes de fanas d’Android ou de fitness s’étaient déjà constitués. Je vous parle de cela parce que si vous décidez un jour d’intégrer un média social interne à votre organisation, vous devrez préparer vous-même, vos collègues, vos patrons, votre haute direction à cette vérité inexorable.

Si vous paniquez en voyant tout ça sur votre intranet, vous n’êtes probablement pas prêt pour un intranet social.

Si vous voulez créer une culture dynamique de collaboration, vous devez accepter les photos de LOLCats, les sujets parlant de foot, les débats sans fin sur Apple et Andoid, et même les critiques sur la politique de l’entreprise.

Acceptez et intégrez ce fait maintenant et vos communautés auront de bien meilleurs chances de succès. Ou, continuez à penser que de telles choses sont une perte de temps et ne sont pas professionnelles, et soyez prêt à payer beaucoup d’argent pour un système que personne n’utilise à moins d’être forcé à le faire (et ils l’utiliseront alors mal).

Malheureusement, « social » à l’air d’être devenu un gros mot en entreprise, associé à l’image d’employés perdant leur temps sur Facebook, parlant à leur petit ami au téléphone, ou prenant une pause déjeuner de trois heures. Acceptons d’arrêter d’essayer d’enlever le social d’un réseau social. Les interactions sociales ne doivent pas seulement être acceptées, elles doivent même être encouragées et récompensées. Shirky explique pourquoi dans cette conférence TED (à partir de 5 minutes 33 secondes).

Shirky explique :

Le fossé est entre faire quelque chose et ne rien faire. Et quelqu’un qui fait des LOLcat a déjà franchi ce fossé. Oui, il est tentant de vouloir obtenir des projets aussi noble que Ushahidi sans les LOLCats, d’avoir les choses sérieuses sans les choses futiles. Mais l’abondance de médias ne marche pas comme ça. La liberté d’expérimenter, c’est aussi voire surtout la liberté d’experimenter n’importe quoi.

Il y a cette tendance de la part des dirigeants à vouloir supprimer (voire sanctionner) les blogs qui évoqueraient des solutions de contournement de la politique d’entreprise et les pages wiki détaillant les meilleurs restaurants pour déjeuner. Ils veulent aller droit au but qui serait la co-création de méthodologies avec des équipes inter-fonctionnelles et des initiatives de crowdsourcing qui font économiser des millions de dollars !

Ça ne fonctionne pas pas comme ça. Les communautés collaboratives ne commencent pas à innover juste parce que vous mettez en place un site web et envoyez un mémo. Souvenons-nous que les nouvelles érotiques sont apparues bien avant les journaux scientifiques. Il y aura donc des LOLCats avant des Ushahidi. Vous devez accepter le fait que vos employés parleront de sport et de vacances avant d’être prêts à utiliser l’outil pour procéder à un « vrai » travail.

C’est intuitivement du bon sens. N’est-il pas plus facile de publier votre bon plan du midi plutôt que d’envoyer ce rapport sur lequel vous travaillez depuis trois semaines ? Si quelqu’un n’apprécie pas votre restaurant préféré, quelle importance ? En revanche si quelqu’un critique le rapport que vous avez passé des semaines à écrire, c’est un peu plus intimidant. Une fois que vous avez franchi ce seuil, ce seuil entre ne rien faire et faire quelque chose, c’est plus facile alors de monter les marches. Une fois la glace rompue avec la mention de votre passion pour la gastronomie chinoise, il vous sera soudainement plus facile de participer à la conversation sur tel projet important de votre entreprise. Peut-être même que vous accepterez d’envoyer une partie coriace du rapport en demandant aide et éclaircissement aux autres. Sous cet angle, même les publications les plus stupides et les conversations les plus insignifiantes ont de la valeur, parce qu’elle n’engage qu’un risque mineur pour les gens à se jeter à l’eau et faire le premier pas.

Cela peut prendre du temps pour que les employés se sentent vraiment à l’aise avec l’utilisation des réseaux sociaux au travail. En lui laissant ainsi la possibilité de s’épanouir et d’apprendre ensemble à son propre rythme, votre communauté supportera bien mieux les changements d’échelle et durera bien plus longtemps.

Alors acceptez les LOLCats, les délires footballistiques, les discussions sur la bouffe, et les avatars personnalisés : au moins vos employés créeront et partageront quelque chose avec quelqu’un d’autre. Parce que ce qui viendra après ces stupides discussions mènera à du lien, des relations, des questions, des réponses, et finalement, à des innovations très créatives, à des produits et des solutions qui vous feront économiser du temps et (beaucoup) d’argent. Et vous serez récompensés pour avoir participé à rendre votre entreprise humaine et chaleureuse.

Crédit photo : Michellelevine (Creative Commons By-Sa)




Ils tenteront de nous pourrir l’impression 3D avec leurs DRM

Nous sommes en 2023. Vous cassez malencontreusement une assiette. Vous allez tout naturellement chercher son fichier numérique sur le Net pour en créer une nouvelle sur votre imprimante 3D, en la modifiant éventuellement au passage pour l’adapter à vos besoins. Mais deux minutes plus tard la Police du Copyright sonne à votre porte et vous embarque en flagrant délit d’effraction de propriété intellectuelle et contournement de mesure de protection…

En mai 2011 nous publiions une longue et riche traduction : L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air !.

Nous y sommes désormais. Et ils vont chercher à bloquer le système et le partage tout comme ils ont cherché (et partiellement réussi) à le faire avec le logiciel, la musique ou le cinéma.

Sauf qu’ici nous avons déjà nos propres imprimantes, logiciels et formats libres et ouverts. En se débrouillant un peu, et luttant beaucoup, on devrait pouvoir s’épargner un nouveau Napster ou Megaupload de l’impression 3D.

FdeComite - CC by

Comment les DRM vont infester la révolution de l’impression 3D

How DRM will infest the 3D printing revolution

Ryan Whitwam – 16 octobre 2012 – ExtremeTech.com
(Traduction : Kurze, Dryt, Gatitac, goofy, Sylvain, Kiwileaks)

Alors que vous étiez tout occupés à vous exciter et à déclarer que l’impression 3D est le début d’une nouvelle époque, une nouvelle loi sur les brevets s’apprête à pourrir l’ambiance.

En effet, Nathan Myhrvold, ancien DSI chez Microsoft et fondateur d’Intellectual Ventures, société détentrice de nombreux brevets, a réussi à obtenir un brevet étendu sur les DRM de l’impression 3D. Cette révolution de l’impression 3D que nous avons tant espérée s’en trouve tout d’un coup fort contrariée.

Le système envisagé par Myhrvold sera utilisé afin d’empêcher les utilisateurs d’imprimante 3D de violer les « droits de production des objets ». Pour utiliser son imprimante il faut d’abord la charger avec le fichier numérique de l’objet à imprimer. Or ici, avant qu’une quelconque impression ne soit lancée, on va vous obliger à vous connecter à un serveur distant qui vérifiera que vous avez l’autorisation d’imprimer cet objet. Si cela vous semble familier c’est parce que c’est ce qui était arrivé à la musique en son temps dans le sillage de Napster.

La loi sur le droit d’auteur est une grosse machine compliquée et elle n’est pas applicable traditionnellement aux objets. Cependant, un nouvel appareil, une invention ou une nouvelle conception peuvent être brevetés. C’est justement ainsi que ceux d’Intellectual Ventures gagnent de l’argent et c’est probablement la raison pour laquelle ils sont intéressés par ce genre de DRM. L’entreprise acquiert les brevets sur différentes technologies et inventions, se construit ainsi son petit portefeuille, et ensuite elle poursuit tous ceux qui pourraient être en infraction. C’est cela qui a conduit de nombreuses personnes à surnommer ces sociétés des « troll à brevets » (NdT : Patent Troll), et elles ont probablement raison.

Alors comment passe t-on de la situation actuelle à une sorte de dystopie où votre imprimante vous dénonce à la police du copyright ? Il y aura, je pense, deux forces négatives qui nous pousseront dans ce sens.

La première est le risque d’amalgame avec le P2P (échange de fichier peer-to-peer). Plus les imprimantes gagneront en précision, plus les entreprises qui vous vendent ces imprimantes seront comparées à celles qui proposent les logiciels de peer-to-peer. Voilà le premier casse-tête légal auquel ces entreprises devront faire face. Nombreux sont les auteurs de ces applications de partage de fichiers qui ont fini devant les tribunaux et je ne serais pas surpris que quelque chose de similaire arrive un jour ou l’autre aux constructeurs de type MakerBot.

La seconde force qui va s’opposer au développement de l’impression 3D est un peu plus inquiétante. Il y a déjà des gens qui étudient la faisabilité de l’impression de composants d’armes à feu. Ce n’est peut-être pas encore faisable pour le moment, mais ça le sera un jour. Avant que cela n’arrive, des armes plus simples comme des « poings américains » réalisés avec du plastique super résistant vont être susceptibles de poser des problèmes aux gouvernements des pays où ces objets sont illégaux. Les lois sur les armes ne sont pas celles de la propriété intellectuelle mais elles nous amèneront au même point : la restriction de l’usage de l’impression 3D. Les lobbies de copyright pourraient s’appuyer et s’appuieront sur ce problème pour justifier un contrôle plus général.

Les vendeurs d’imprimantes 3D ne seront probablement pas obligés directement par la loi de mettre en place des restrictions, mais le déluge de poursuites pour des armes et des objets brevetés imprimés pourrait les pousser à le faire. Même Google n’a pas eu d’autre choix que de mettre en place des algorithmes sévères de détection automatisée de contenus sous droits d’auteur sur Youtube pour limiter sa responsabilité. Nous avons cependant vu ce système automatisé échouer maintes et maintes fois.

Chaque système de DRM implémenté jusqu’à aujourd’hui a été piraté d’une façon ou d’une autre. C’est vraiment une mauvaise blague pour l’utilisateur moyen : les DRM les bride dans leur vie numérique. Les autres, plus calés, contourneront les règles et pourront imprimer tous les objets brevetés qu’ils voudront. Les DRM ne résoudront véritablement aucun problème. Ils ne le font jamais. Mais ce sera peut-être un élément inévitable de l’avenir de l’impression 3D.

Crédit photo : FdeComite (Creative Commons By)




Entretien avec Sésamath : au revoir Flash, bonjour HTML5, JavaScript (et LaTeX)

L’association Sésamath existe depuis 10 ans maintenant.

10 ans de projets au service des mathématiques dans l’éducation. 10 ans également, et par effet de bord, au service du logiciel libre, de par les choix des outils et des licences adoptées ainsi que la manière toute collaborative de travailler.

Avoir, entre autres, réussi à couvrir tout le collège avec des manuels scolaires libres qui représentent aujourd’hui près de 20% du marché, ça n’est pas rien ! (et c’est même du jamais vu au niveau mondial !)

L’occasion de faire le point avec Sébastien Hache, salarié et co-fondateur de l’association, qui nous annonce de bien bonnes et libres nouvelles.

Sésamath - Flyer

En quelques mots, comment se porte Sésamath ?

Sébastien Hache : Sésamath se porte plutôt bien. L’envie et la passion sont toujours là, depuis maintenant plus de 10 ans. De nouveaux membres viennent régulièrement renforcer une équipe globalement stable et de plus en plus expérimentée. La grosse difficulté est de parvenir à maintenir les ressources existantes (de plus en plus utilisées : plus d’un million d’élèves inscrits à Labomep par exemple l’an dernier) tout en continuant à faire évoluer les outils et à élargir le champ : c’est un défi compliqué mais c’est aussi passionnant.

Que pensez-vous de la récente circulaire sur l’usage du logiciel libre dans l’administration ?

Nous pensons que c’est une très bonne chose et que cela constitue un bon élément d’appui pour tous ceux qui veulent promouvoir les ressources et logiciels libres dans l’enseignement.

Que pensez-vous de l’opération Open TextBook de l’État californien ?

Plus il y aura de ressources éducatives libres et ouvertes, et mieux ce sera !

Que pensez-vous de la récente introduction de l’option Informatique et Sciences du Numérique en Terminale S ? Pensez-vous vous y impliquer de près ou de loin ?

Sesamath a fait le choix de ne pas se positionner sur des sujets autres que ceux inscrits dans ses statuts. Les objectifs de Sesamath nous occupent déjà largement.

Alors, justement, Sésamath a annoncé des nouveaux projets au lycée et dans le primaire. Peux-tu nous en dire plus ?

Pour l’instant, l’essentiel des projets de Sésamath se concentrait sur le collège, même si depuis longtemps, en particulier au niveau des liaisons inter-cycles, des ressources collège étaient utilisées en CM2 ou en seconde. C’est donc assez naturellement que nous avons lancé des appels (toujours en vigueur pour ceux que ça intéresse) dans ces deux directions pour amorcer des projets éditoriaux. En effet, l’expérience de Sésamath au collège a montré que le travail collaboratif autour d’ouvrages destinés à être publiés sur papier (même s’ils ont nativement une version numérique) était un bon catalyseur pour créer ensuite d’autres ressources numériques : un peu comme si l’ouvrage éditorialisé servait de fil conducteur pour tout le reste. Paradoxalement, le papier est aussi une bonne façon de faire connaître le numérique.

En CM2, une équipe composée de professeurs des écoles et de professeurs de collège travaille actuellement à un cahier d’exercices sur le modèle des cahiers d’exercices de collège (afin d’avoir une continuité dans la ressource). Ce cahier est destiné à être sous licence libre (CC By-Sa) : pour l’instant, durant la phase de conception, seuls les enseignants inscrits à Sésaprof peuvent y avoir accès mais quand il sera achevé (début 2013) il sera intégralement téléchargeable pour tous aux formats ODT et PDF. En même temps, nous concevons le cahier numérique associé. Une autre équipe construit en parallèle le futur manuel Sésamath 6e, qui est très largement modifié par rapport au précédent en partie justement pour tenir compte de la liaison.

En seconde, une équipe composée de professeurs de collège et de lycée travaille sur un manuel complet. Ce manuel est écrit en LaTex. Il sera de la même façon publié sous licence libre et accompagné d’un manuel numérique gratuit. Le premier chapitre sera très prochainement mis en ligne. Beaucoup de lecteurs de ce blog seront heureux de voir que Sésamath produit collaborativement un ouvrage en Latex (c’était déjà le cas pour un ouvrage d’exercices en classes préparatoires) !

Pour résumer, nous travaillons cette année sur 3 ouvrages en même temps. C’est possible grâce à l’expérience de l’association et de ses membres sur la création collaborative de manuels scolaire (organisation, outils…), mais aussi les licences libres et les formats ouverts qui permettent ce mode de création et motive les auteurs.

En parlant de format ouvert, il se dit que Sésamath est en train d’abandonner Flash. Qu’en est-il ?

Effectivement, une grande partie des ressources interactives de Sésamath (dont l’exerciseur Mathenpoche) a été développé en Flash. Il y a déjà eu pas mal de discussions sur ce point : avec le recul, il n’y a sans doute rien à regretter, mais on se rend compte actuellement que cela nous mène à une impasse. Avant d’être technique, l’impasse est d’abord collaborative : nous n’avons pas réussi à former suffisamment d’enseignants à la programmation en Flash et nous nous sommes coupés d’une communauté de développeurs dont nous avons grand besoin aujourd’hui.

C’est pourquoi, Sésamath s’est donné les moyens, depuis plus d’un an maintenant, de créer un nouveau modèle d’activités intéractives : Il s’agit du projet J3P basé sur les technologies web modernes (html5/javascript). D’une certaine façon, Sésamath a terminé sa mue complète vers le libre (je me permets de remercier tous ceux qui ont contribué à ça, de façon souvent très intelligente et patiente, et parmi ceux-là évidemment toute l’équipe de Framasoft). Mais l’intérêt de J3P ne réside pas que dans son format : il ouvre aussi des pistes importantes du point de vue pédagogique. L’idée est de pouvoir créer des ressources de plus en plus adaptées aux difficultés de chaque élève en leur proposant des exercices où les réponses qu’ils donnent conditionnent les questions suivantes, pour tenter de s’adapter à la nature de leurs difficultés éventuelles.

Le projet J3P veut donc offrir aux enseignants un moyen de concevoir de tels exercices. L’enseignant pourra construire ou paramétrer le graphe de chaque exercice. Ce graphe décrit, suivant les réponses de l’élève à chaque étape, les différents parcours possibles parmi les sections qui composent l’exercice. Le projet J3P est sous licence GPL.

Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues (ne pas hésiter à nous contacter.

Crédit illustration : Brochure Sésamath




Complexité de la clause Non Commerciale des Creative Commons : preuve par l’exemple

Ce n’est pas ubuesque mais presque !

On nous le reproche souvent, nous sommes de ceux qui ne considèrent pas comme « libres » les licences Creative Commons possédant la clause Pas d’Utilisation Commerciale NC. Nous préférons alors parler de licences « ouvertes ».

Apposer cette clause Pas d’Utilisation Commerciale à votre œuvre stipule que l’utilisateur n’aura « pas le droit d’utiliser cette œuvre à des fins commerciales » (sans vous en demander au préalable votre autorisation).

Le problème c’est qu’il est fort difficile de définir réellement et pratiquement les contours de ce qui est ou n’est pas commercial, ce qui entrave du même coup le partage et la libre circulation de l’œuvre. La preuve avec les nombreux exemples proposés ci-dessous par Evan Prodromou (Wikitravel, Identi.ca…) sur une liste de discussion des Creative Commons.

Réfléchissez-y à deux fois en choisissant cette clause pour votre propre œuvre parce que vous ne voulez pas que « d’autres se fassent de l’argent sur votre dos »…

Remarque : Cette traduction a été donnée sur grand écran en direct livre de l’Open Word Forum samedi 13 octobre dernier. C’était fascinant de voir virevolter les couleurs des participants sur notre Framapad !

Tax Credits - CC by-sa

Cas d’utilisation de la clause Pas d’Utilisation Commerciale de la licence Creative Commons

Use cases for NonCommercial license clause

Evan Prodromou – 19 avril 2012 – Liste de discussion Creative Commons
(Traduction : JonathanMM, KoS, Pascal, Barbidule, L’gugus, Evpok, aKa, mandourin, TheophrasteL, Cyrille, audece, Franck, Ypll, feedoo)

Je pense qu’il pourrait être utile d’obtenir des réponses de ceux qui s’occupent des licences Creative Commons au sujet d’un certain nombre d’usages plus ou moins « commerciaux ». Voici donc une liste d’exemples dont j’ai cherché à déterminer si oui ou non ils respectaient la clause non commerciale NC. J’ai exprimé mon opinion entre parenthèses en fin de phrase.

(Je suppose ici que l’on respecte les autres dispositions, dont l’attribution BY et la notification de la licence.)

  • Un éditeur télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur internet, en fait un tirage de 100 000 exemplaires et le vend en librairies dans le pays. (Non)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le lit. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante, et lit le document imprimé. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’envoie par courriel à un ami. (Oui)

  • … et le partage avec le monde sur son site web. (Oui)
  • … et le partage avec le monde via un réseau P2P. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante et le donne à un ami. (Oui)
  • …et laisse son ami utiliser son imprimante et son ordinateur pour l’imprimer lui-même. (?)
  • … et envoie la copie imprimée à un ami en facturant au prix coûtant correspondant au prix des frais (papier, encre, électricité…). (?)
  • … et vend la version imprimée à un ami pour le prix des frais et du temps correspondant à la recherche et à l’impression du livre. (?)
  • … et vend la copie imprimée à un ami au prix des frais, plus son temps passé à trouver et à imprimer le livre, plus 10% de bénéfice. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un autre livre imprimé. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un grille-pain. (?)

  • Une personne télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’imprime sur son imprimante. Elle en réalise elle-même des photocopies près de chez elle, qu’elle donne à une amie. (Oui)
  • … et paie le personnel de la boutique pour en avoir une copie, qu’elle donne à son amie. (Oui)
  • … et paie le personnel du commerce pour en faire 100 copies pour elle, qu’elle donnera à ses amis et sa famille. (Oui)
  • Une boutique de reprographie possède un ordinateur à l’accueil. On peut naviguer parmi les livres sous licence CC qu’on aime sur cet ordinateur puis payer le personnel pour réaliser une impression d’un ou plusieurs d’entre eux pour soi. (Non)
  • Une boutique de reprographie possède un site web. Vous pouvez feuilleter les livres que vous voulez sur ledit site et ensuite, remplir un formulaire en ligne pour commander le livre que vous souhaitez acquérir. Le site vous enverra une copie. (Non)
  • Une boutique de reprographie télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 et le reproduit en 100 exemplaires qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en acheter un à la caisse. (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre autant que vous le souhaitez. (Non ?)
  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Sur la couverture, il est écrit : « Avec la permission de la boutique Trucmuche » (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre un gratuitement, pour tout achat de 10$ ou plus. (Non ?)
  • … dont elle fait don à un programme d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • … qu’elle distribue anonymement à un programme local d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • Un particulier qui télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le partage avec le monde sur son site internet. Chaque téléchargement coûte 0,99$. (Non ?)
  • … et le partage dans le monde entier via son site Web. Il faut payer 5,95$ par mois pour devenir membre et pouvoir télécharger. (Non)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Des versements ne sont pas requis, mais il y a des bandeaux publicitaires sur chaque page. (?)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Les versements ne sont pas obligatoires, mais il y a un lien Paypal « Soutenez ce site ! » sur chaque page. (?)
  • Un professeur télécharge une pièce sous licence CC by-nc 2.0 sur internet. Sa classe d’art dramatique joue la pièce devant le reste de son école lors d’une réunion. (Oui)
  • Sa classe d’art dramatique joue la pièce pour les parents, faisant payer 7$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce licence CC by-nc 2.0, à 35$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement dans une école primaire lors d’une assemblée. (Non ?)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement devant les élèves d’une école primaire dans leur propre théâtre. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous licence CC by-nc 2.0. Ils louent les textes imprimés à des enseignants. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous CC by-nc 2.0. Si des instituteurs louent des costumes pour la pièce, ils peuvent utiliser les textes gratuitement. (Non ?)
  • Une boutique de reprographie télécharge une image d’abeille sous licence CC by-nc 2.0 depuis internet. Elle la place dans un encart publicitaire du journal local, en disant, « Soyez malin ! Utilisez la boutique de reprographie Trucmuche ! ». (Non)

  • Un groupe de scouts féminin télécharge une image d’abeille sous licence libre CC by-nc 2.0 à partir d’internet. Il l’imprime sur des prospectus distribués dans le voisinage: « Soyez sympa ! Ne me jetez pas ! » (Oui)
  • … « Soyez cool ! Achetez les cookies des filles scout ! » (Non)
  • … « Soyez cool ! Ne me jetez pas ! (Fabriqué pour vous par la troupe 45 des filles scout qui font de délicieux cookies) (Non)
  • … « Soyez cool ! Donnez de l’argent aux filles scout ! » (Non)

  • … « Soyez cool ! Donnez de votre temps aux filles scout ! » (Oui ?)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe (un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0 de Cory Doctorow) sur son ordinateur. Il paie à compte d’auteur 100 copies reliées, à ses frais, qu’il offre ensuite à des amis et la famille. (Oui)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe sur son ordinateur. Il a un compte personnel à régler avec Cory Doctorow remontant à un cocktail en 1997. Alors, il paie pour que soit produits, à grand peine, 100.000 exemplaires reliés à la main, à ses frais, qu’il distribue ensuite gratuitement, en engorgeant le marché. Doctorow fait faillite. (Oui)
  • Les Éditions Trucmuche téléchargent Eastern standard tribe, publié par leur plus grand rival. Ils font 100 000 copies qu’ils distribuent ensuite gratuitement, engorgeant le marché. Doctorow et son éditeur font faillite. (Non)
  • Une association à but non lucratif qui s’occupe d’apprendre à lire aux enfants télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0. L’équipe reproduit 100 exemplaires avec la photocopieuse de l’association et les distribue aux orphelinats locaux. (Oui)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre, avec une marge de 10%. (Non)
  • … et les distribue publiquement pour attirer l’attention sur la lecture. (Oui)
  • … et les distribue publiquement comme cadeau pour toute donation d’au moins 50 $. (Non ?)
  • … et les vend publiquement avec une marge. (Non)
  • … et les distribue publiquement en « suggérant un montant de donation ». (Non ?)
  • Un groupe d’alphabétisation pour enfant télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nc 2.0. Une boutique de reprographie (Trucmuche) fait don de temps et de matériel pour effectuer 100 copies du livre, qui est ensuite rendu public pour éveiller à la lecture. La couverture arrière dit, « travail et matériel sont le don de la boutique Trucmuche ». (Oui)
  • Une bibliothèque dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. L’utilisation des ordinateurs et imprimante est gratuit. Une personne utilise l’ordinateur et imprime pour elle-même un roman sous licence libre CC by-sa 2.0. (Oui)
  • Un cybercafé dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. Chaque impression coûte 5 centimes la page. Un particulier réserve un ordinateur et imprime un roman sous licence libre CC by-sa 2.0 pour lui-même, et paye pour le temps et les coûts d’impression. (Oui)
  • Une bibliothèque publique qui vend des copies de livres sous licence CC by-nc 2.0. (Non)

Bon, tout ceci me fatigue (et vous aussi j’imagine). Désolé pour cette si longue liste, mais c’est un sujet réellement compliqué. Il y a probablement pas mal d’autres cas marginaux qui mériteraient d’être explorés.

Evan

Crédit photo : Tax Credits (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Firefox 16

It’s not a bug, it’s a feature 😛

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source : Firefox 16 : diffusion interrompue à cause d’une faille de sécurité (Tasse de Café)

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Un logiciel libre n’est pas toujours collaboratif et de qualité

Voici un titre étrange pour un blog comme le nôtre.

Oui il existe des logiciels libres de mauvaise qualité qui ne souffrent pas la comparaison avec leurs concurrents propriétaires ! Et oui encore la majorité des logiciels libres sont uniquement développés par un seul et unique contributeur : leur créateur !

Face à de tels logiciels, les partisans de l’open source pleurent car ils détruisent aussi bien leur argumentaire pratico-technique que le mythe de la collaboration spontanée. Les partisans de logiciel libre envisagent quant à eu les choses différemment car ce qu’ils voient avant tout c’est que le logiciel est libre.

Le logiciel libre n’est pas meilleur en pratique mais il est libre en théorie et c’est bien ça le plus important…

Remarque : Cette traduction est le fruit d’une coopération entre Framasoft (et son énergie plurielle présente sur Framalang et les réseaux sociaux) et l’April (via son équipe de traduction du site GNU.org)

James Rickwood - CC by

Quand le logiciel libre n’est pas meilleur, en pratique

When Free Software Isn’t (Practically) Better

Benjamin Mako Hill – GNU.org
Licence Creative Commons By-Nd – Version du 6 octobre 2012
(Traduction : Framalang et l’équipe Trad-GNU de l’April)

Les objectifs affichés par l‘Open Source Initiative sont les suivants : « L’open source est une méthode de développement logiciel qui exploite la puissance d’une évaluation décentralisée, par les pairs, et la transparence des processus. Les promesses de l’open source sont une meilleure qualité, une plus grande fiabilité, davantage de flexibilité, un moindre coût et la fin d’une situation permettant à des fournisseurs rapaces de verrouiller leurs produits. »

Depuis plus de dix ans maintenant, la Free Software Foundation ne cesse d’argumenter contre la qualification d’« open source » dont on affuble le mouvement du logiciel libre. Si nous, les partisans du logiciel libre, réfutons ce qualificatif d’« open source », c’est surtout parce que nous considérons qu’il s’agit d’un effort volontaire pour réduire la portée de notre message de liberté et masquer le rôle de notre mouvement dans le succès du logiciel que nous avons bâti. Si nous disons que le terme « open source » est mauvais, c’est fondamentalement parce qu’il tente d’éviter toute discussion à propos de la liberté du logiciel. Mais il y a une autre raison pour laquelle nous devrions nous méfier du cadre « open source ». L’argument fondamental de l’open source, tel qu’il est défini dans la déclaration ci-dessus, est souvent incorrect.

Malgré la suggestion de l‘Open Source Initiative, que « la promesse de l’open source est une meilleure qualité, une plus grande fiabilité, plus de flexibilité », cette promesse n’est pas toujours honorée. Bien que nous ne le mettions pas souvent en avant, tout utilisateur d’un logiciel libre aux premiers stades de son développement peut expliquer que ce logiciel n’est pas toujours aussi pratique, sur le plan purement fonctionnel, que ses concurrents privateurs[1] Un logiciel libre est parfois de piètre qualité. Il n’est pas toujours très fiable. La souplesse lui fait parfois défaut. Si les gens prennent les arguments en faveur de l’open source au sérieux, ils doivent expliquer pourquoi l’open source n’a pas tenu ses « promesses » et conclure que des outils privateurs seraient un meilleur choix. Il n’y a aucune raison pour que nous fassions de même.

Richard Stallman parle de cela dans son article « Pourquoi l’open source passe à côté du problème que soulève le logiciel libre » lorsqu’il explique : « L’open source repose sur l’idée qu’en permettant aux utilisateurs de changer et redistribuer le logiciel, celui-ci en sortira plus puissant et plus fiable. Mais cela n’est pas garanti. Les développeurs de logiciels privateurs ne sont pas forcément incompétents. Parfois ils produisent un programme qui est puissant et fiable, même s’il ne respecte pas la liberté de l’utilisateur. »

Pour l’open source, la mauvaise qualité d’un logiciel est un problème à analyser ou une raison de fuir ce logiciel. Pour le libre, c’est un problème à résoudre. Pour les partisans du libre, les bogues et les fonctionnalités manquantes ne sont jamais une raison d’avoir honte. Tout logiciel qui respecte la liberté de ses utilisateurs possède un avantage inhérent sur son concurrent privateur. Même s’il a ses propres problèmes, un logiciel libre a toujours la liberté.

Bien évidemment, tout logiciel libre doit commencer quelque part. Un nouveau programme, par exemple, a peu de chances d’offrir plus de fonctionnalités qu’un programme privateur déjà établi. Un projet commence avec de nombreux bogues et s’améliore avec le temps. Alors que les partisans de l’open source peuvent argumenter qu’un projet deviendra utile avec du temps et un peu de chance, un projet libre représente pour les partisans du logiciel libre une importante contribution, dès le premier jour. Chaque logiciel qui donne aux utilisateurs le contrôle sur leur technologie est un pas en avant. L’amélioration en qualité due à la maturation d’un projet n’est que la cerise sur le gâteau.

Un second point, peut-être plus accablant encore, est que le processus de développement collaboratif, distribué, évalué par les pairs, qui est au cœur de la définition de l’open source, ne ressemble que de loin à la manière dont sont développés en pratique la plupart des projets sous licence libre (ou « open source »).

Plusieurs études universitaires menées sur les sites d’hébergement de logiciels libres SourceForge et Savannah ont démontré ce que beaucoup de développeurs de logiciels libres ayant mis en ligne une base de code savent déjà : la grande majorité des projets libres ne sont pas particulièrement collaboratifs. Le nombre médian de contributeurs à un projet de logiciel libre sur SourceForge ? Un. Un développeur solitaire. Les projets de SourceForge du quatre-vingt-quinzième centile en termes de nombre de participants n’ont que cinq contributeurs. Plus de la moitié de ces projets libres, et même la plupart des projets qui ont fait plusieurs versions à succès et ont été téléchargés fréquemment sont l’œuvre d’un seul développeur avec un peu d’aide de l’extérieur.

En insistant sur la puissance du développement collaboratif et de « l’évaluation décentralisée par les pairs », l’approche open source semble ne pas avoir grand chose à dire, dans la majorité des cas, sur les raisons pour lesquelles on devrait contribuer à un projet libre ou se servir d’un logiciel en développement. Puisque les avantages supposés de la collaboration ne peuvent être constatés quand il n’y a pas de collaboration, la grande majorité des projets de développement libres n’ont pas d’avantage technique sur leurs concurrents privateurs.

Pour les partisans du logiciel libre, ces mêmes projets sont tous vus comme des succès importants. Comme chaque logiciel libre respecte la liberté de ses utilisateurs, les partisans du libre peuvent argumenter qu’il possède au départ un avantage éthique intrinsèque sur les concurrents privateurs – même sur ceux qui proposent plus de fonctionnalités. En insistant sur la liberté plutôt que sur les avantages pratiques, la défense du logiciel libre est ancrée dans la réalité technique d’une façon qui manque souvent à l’open source. Quand le logiciel libre est meilleur, nous pouvons nous en réjouir. Quand il ne l’est pas, nous n’avons pas à considérer cela comme une attaque dirigée contre lui ni même comme un argument valable contre l’utilisation du logiciel en question.

Les partisans de l’open source doivent défendre leur thèse selon laquelle le logiciel développé librement devrait, ou devra avec le temps, être meilleur que le logiciel privateur. Les militants du logiciel libre peuvent quant à eux demander : « Comment peut-on rendre le logiciel libre meilleur ? » Dans le cadre du libre, les logiciels de haute qualité existent comme un moyen plutôt que comme une fin en soi. Les développeurs de logiciels libres doivent s’efforcer de créer des logiciels fonctionnels, flexibles, qui servent bien leurs utilisateurs. Mais ceci n’est pas le seul moyen de progresser vers la réalisation d’un objectif qui est à la fois plus simple et bien plus important : respecter et protéger leurs libertés.

Bien sûr, nous ne cherchons pas à nier que la collaboration joue un rôle important dans la création de logiciels de haute qualité. Dans la plupart des projets libres ayant réussi, ce fut d’ailleurs le cas. Il faut comprendre, soutenir et développer la collaboration, plutôt que de considérer dogmatiquement qu’elle va de soi, quand bien même les faits sont là pour montrer le contraire.

Crédit photo : James Rickwood (Creative Commons By)

Notes

[1] Autre traduction de proprietary : propriétaire




Geektionnerd : Budget Hadopi

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source : Budget Hadopi 2013 : 8 millions d’euros, en baisse de 28 % (Numerama)

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)