Meurtre collatéral en Irak ou quand la censure se cache derrière le copyright

The US Army - CC byNouvelle traduction du blog de notre ami Glyn Moody qui, citant l’exemple d’une bavure de l’armée américaine en Irak[1], n’y va pas de mainmorte dans ses griefs contre le copyright : « Ce genre d’abus donne une raison supplémentaire pour laquelle nous devons abolir complètement le copyright : non seulement il est sans intérêt pour la vraie créativité (les artistes n’ont pas besoin de motivation pour créer — ils doivent le faire à cause de pulsions internes), mais il est également une menace grandissante pour la liberté du monde numérique. »

Difficile de lui donner tort…

Meurtre Collatéral, Dommages Collatéraux

Collateral Murder, Collateral Damage

Glyn Moody – 16 mai 2010 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Joan et Goofy)

Si vous n’avez pas vu « Meurtre Collatéral », la vidéo choquante — mais importante — qui montre le mitraillage sans scrupules de civils irakiens (suivi d’un lancement de missile sur un minibus avec des enfants à l’intérieur), ne la manquez pas sur Wikileaks, sa source d’origine. Malheureusement, vous ne la trouverez peut-être pas sur YouTube ni sur les autres sites de partage de vidéo, puisqu’elle a été enlevée (bien qu’apparemment celle de YouTube soit à nouveau disponible).

Vous pourriez penser qu’il s’agit d’un exemple de censure caractérisée, mais d’une certaine façon, c’est encore pire :

« Collateral Murder, vue plus de 6 millions de fois, enlevée de YouTube après une requête en violation de copyright http://bit.ly/aS3bMk »

Vous avez bien lu, elle a été enlevée sur la base d’une accusation de violation de copyright, et non parce que quelqu’un la trouvait trop choquante pour être montrée. L’idée qu’une telle action puisse être entreprise sur la violation du monopole de quelqu’un, pendant que le massacre de sang-froid de civils irakiens est caché sous le tapis, est évidemment répugnante.

Mais c’est tout simplement un autre effet pervers de la loi obsolète qu’est maintenant le copyright — un dommage collatéral en quelque sorte.

Après tout, le copyright a grandi en Angleterre afin de contrôler le flux d’information, en permettant aux gens d’en devenir « propriétaires » — créant ainsi un robinet d’étranglement bien pratique.

La première loi sur le copyright était une loi de censure. Elle n’avait rien à voir avec la protection des droits des auteurs, ou avec l’encouragement à produire de nouvelles œuvres. Les droits des auteurs n’étaient pas en danger dans l’Angleterre du seizième siècle, et l’arrivée récente de la machine à imprimer (la première machine à copier au monde) donnait de l’énergie aux écrivains plutôt qu’autre chose. Tellement d’énergie en fait, que le gouvernement anglais commença à craindre que trop de travaux ne soient produits, et non trop peu. Cette nouvelle technologie rendait les lectures pernicieuses largement disponibles pour la première fois, et le gouvernement éprouva un besoin urgent de contrôler l’inondation de travaux imprimés, la censure étant à l’époque une fonction administrative aussi légitime que la construction de routes.

Nous ne devrions donc pas être surpris que le copyright soit encore aujourd’hui utilisé à des fins de censure – bien que souvent camouflé en simple problème commercial (bien qu’on se demande comment cela peut être possible lorsque l’on parle de vidéos tournées par des militaires dans une zone de guerre.).

Ce genre d’abus donne une raison supplémentaire pour laquelle nous devons abolir complètement le copyright : non seulement il est sans intérêt pour la vraie créativité (les artistes n’ont pas besoin de « motivation » pour créer — ils « doivent » le faire à cause de pulsions internes), mais il est également une menace grandissante pour la liberté du monde numérique.

Toute personne qui en doute devrait lire le type de clauses incluses dans les lois anti-piratage comme le Digital Economy Act, qui permettent de bloquer des sites s’ils sont supposés héberger des travaux violant le copyright de quelqu’un. Dans les faits, cela permet au gouvernement de Grande Bretagne d’empêcher toute fuite de ses documents, puisque la loi ne comporte pas la défense de l’intérêt public. Si ce dispositif avait été présenté explicitement comme une loi pour bloquer de telles fuites, il y aurait eu une protestation générale contre la censure que cela entraîne ; mais le travestir en « protection » des pauvres artistes créateurs, le fait passer sans encombres, les seules protestations viennent des agitateurs habituels (comme moi). Plus le copyright est fort, plus le champ de la censure possible est étendu : c’est aussi simple que ça.

Suivez-moi @glynmoody sur Twitter ou identi.ca.

Notes

[1] Crédit photo : The US Army (Creative Commons By)




Wired aussi critique Facebook et cherche des alternatives

DB Photography - CC byFacebook est plus que jamais sur la sellette actuellement.

Cela tient à sa croissance impressionnante qui en fait aujourd’hui un « Web dans le Web », mais cela tient également à l’évolution inquiétante de sa politique vis-à-vis des données de ses utilisateurs.

Du coup un certain nombres d’articles ont récemment vu le jour, non seulement pour la critique mais aussi pour tenter de voir comment se sortir de cette situation. Et pour certains, sortir de cette situation c’est carrément sortir de Facebook, ce qui en dit long sur la confiance accordée désormais à la société de Mark Zuckerberg[1].

Parmi les auteurs de ces articles, il y a les défenseurs biens connus des libertés numériques que sont l’EFF (Facebook’s Eroding Privacy Policy: A Timeline – traduit par Owni), Numerama (Peut-on imaginer un Facebook libre et décentralisé ?), ReadWriteWeb (Le projet Diaspora : un anti Facebook), le Standblog (L’après Facebook : Diaspora), sans nous oublier avec la traduction de l’interview d’Eben Moglen (La liberté contre les traces dans le nuage).

Mais on trouve également Le Monde (Réseaux sociaux : une autre vie numérique est possible) et le célèbre magazine Wired qui donne souvent le ton lorsqu’il s’agit des nouvelles technologies.

C’est ce dernier article que nous vous proposons traduit ci-dessous.

Facebook a maintenant des méthodes de voyou… c’est le moment de lancer une alternative libre et ouverte

Facebook’s Gone Rogue; It’s Time for an Open Alternative

Ryan Singel – 7 mai – Epicenter (Wired)
(Traduction Framalang : Goofy, Barbidule et Daria)

Facebook a maintenant un comportement de gangster, ivre des rêves d’hégémonie mondiale de son fondateur Mark Zuckerberg. Il est grand temps que le reste de l’écosystème du Web en prenne conscience et s’active pour le remplacer par un système ouvert et distribué.

Facebook était juste un endroit pour partager des photos et des idées avec les copains et la famille, et puis peut-être pour jouer à quelques jeux idiots dans lesquels on vous laisse croire que vous êtes un parrain de la mafia ou un pionnier. Facebook est devenu un moyen très utile pour communiquer avec vos amis, avec vos copains perdus de vue depuis longtemps, et les membres de votre famille. Même si vous ne désiriez pas vraiment rester en contact avec eux.

Et bientôt tout le monde a eu un profil – même votre oncle André, et aussi ce type que vous détestiez dans votre précédent boulot.

Et puis Facebook s’est rendu compte qu’il était propriétaire du réseau.

Alors Facebook a décidé que « votre » page de profil deviendrait celle de votre identité en ligne, en se disant – avec raison – qu’être le lieu où les gens se définissent procurera du pouvoir et de l’argent. Mais pour y parvenir, les gens de Facebook devaient d’abord s’assurer que les informations que vous donnez seraient publiques.

Et donc en décembre, avec l’aide des experts en vie privée de Beltway récemment engagés, Facebook a renié ses promesses de respecter les données privées : la plupart des informations de votre profil sont devenues publiques par défaut. Ce qui comprend la ville où vous vivez, votre nom, votre photo, les noms de vos amis et les groupes que vous avez rejoints.

Au printemps Facebook a poussé le bouchon encore plus loin. Toutes les éléments que vous indiquez aimer seront publics, et renverront à des pages de profil publiques. Si vous ne voulez pas qu’il en soit ainsi, eh bien vous perdez ces données – bien que Facebook se les garde gentiment dans sa base de données pour permettre aux publicitaires de vous cibler.

Cela comprend vos goûts musicaux, les informations concernant votre travail, ce que vous aimez lire, les établissements scolaires que vous avez fréquentés, etc. Tous les éléments qui constituent votre profil. Tout doit devenir public – avec des liens vers des pages publiques pour le moindre détail – sinon vous n’y avez pas droit du tout. On peut difficilement appeler ça un choix, et tout le système est d’une complexité à rendre fou.

Dans le même temps, l’entreprise a commencé à envoyer les informations recueillies sur votre profil vers Yelp, Pandora et Microsoft – si bien que si vous allez faire un tour sur ces sites pendant que vous êtes encore connecté sur Facebook, les services en question vous proposent une « expérience personnalisée » lorsque vous apparaissez. Vous pouvez essayer l’option de désinscription après coup, mais pour interrompre définitivement ce système vous aurez besoin d’un mastère en bureaucratie facebookienne.

Vous voudriez mettre à jour votre statut pour vos amis ? Facebook envoie par défaut tous les messages à publier à l’Internet tout entier, en les déversant dans l’entonnoir des dix plus importants moteurs de recherche. Vous disposez d’un menu déroulant pour restreindre votre publication, mais il semble que ce soit trop difficile pour Facebook de se souvenir de votre choix lors des connexions suivantes. (Google Buzz, avec toutes les critiques qu’il a essuyées, se souvient tout de même des paramètres de votre dernière publication et les utilise ensuite par défaut).

Supposons maintenant que vous écriviez un message public pour dire « mon patron a eu une idée dingue pour un nouveau produit ». Eh bien vous l’ignorez peut-être, mais il existe une page Facebook consacrée à « mon patron est dingue », et comme vous avez utilisé les mots-clés qui correspondent, votre message apparaît sur cette page. Si vous utilisez les mots « FBI » ou « CIA » vous apparaîtrez sur les pages de la CIA ou du FBI.

Et voici encore le nouveau bouton Facebook « J’aime » qui se répand sur Internet. C’est une bonne idée – mais il est entièrement lié à votre compte Facebook, et vous n’avez aucun contrôle sur la façon dont il est utilisé (non, vous ne pouvez pas déclarer aimer quelque chose sans rendre cet avis totalement public).

Et encore la campagne de Facebook pour contrer les services externes. Il existait un service appelé Web 2.0 suicide machine qui vous permettait de supprimer votre profil en échange de votre mot de passe. Facebook l’a fait fermer.

Une autre entreprise proposait une application pour rassembler tous vos messages des services en ligne – y compris Facebook – , sur un portail central après avoir confié au site votre identifiant de connexion sur Facebook. Eh bien Facebook poursuit en justice cette entreprise au motif qu’elle enfreint les lois en ne respectant pas ses conditions d’utilisation.

Pas étonnant du coup que 14 groupes de défense de la vie privée aient déposé mercredi une plainte contre Facebook pour pratiques commerciales déloyales.

Mathew Ingram de GigaOm a écrit un billet intitulé « Les relations entre Facebook et la vie privée : un véritable sac de nœuds ».

Non, au fond ce n’est pas vrai. Ces relations sont simples : votre conception de la vie privée – c’est-à dire votre pouvoir de contrôle sur les informations qui vous concernent – est tout simplement démodée aux yeux de Facebook. Le grand boss Zuckerberg a déclaré en direct et en public que Facebook se contente d’accompagner l’évolution des mœurs en matière de vie privée, mais sans les modifier – une déclaration de circonstance, mais qui est carrément mensongère.

Dans l’optique de Facebook, tout devrait être public (sauf peut-être votre adresse mail). C’est drôle d’ailleurs, cette histoire d’adresse mail, parce que Facebook préfèrerait vous voir utiliser son propre système de messagerie, qui censure les messages entre utilisateurs.

Ingram continue sur sa lancée : « et peut-être Facebook ne fait-il pas l’effort de transparence nécessaire, pour expliquer ce qui est en jeu ou comment paramétrer au plus juste la maîtrise de nos données privées – mais en même temps certains choix délibérés doivent relever de la responsabilité des usagers eux-mêmes. »

Quoi ? Comment la responsabilité du choix pourrait-elle revenir à l’utilisateur quand le choix n’existe pas réellement ? Je voudrais que ma liste d’amis devienne privée. Impossible.

J’aimerais rendre mon profil visible de mes seuls amis, pas de mon patron. Impossible.

J’aimerais soutenir une association anti-avortement sans que ma mère ou le monde entier le sache. Impossible.

Dans un service en ligne, chacun devrait pouvoir contrôler ses données privées de manière simple. Et si vous trouvez de multiples billets sur des blogs qui expliquent comment utiliser votre système de protection de la vie privée, c’est signe que vous ne traitez pas vos utilisateurs avec respect. Cela signifie que vous les contraignez à faire des choix dont ils ne veulent pas, suivant un plan délibéré. Ça donne la chair de poule.

Facebook pourait démarrer avec une page très simple avec les options suivantes : je suis une personne soucieuse de sa privée, j’aime bien partager certaines choses, j’aime bien exposer ma vie en public. Chacune de ces options commanderait des paramètres différents pour des myriades de choix possibles, et tous les utilisateurs auraient ensuite la possibilité d’accéder au panneau de contrôle pour y modifier leurs préférences. Ce serait une conception respectueuse – mais Facebook ne s’intéresse pas au respect – ce qui l’intéresse c’est redéfinir pour le monde entier la différence entre ce qui est public et ce qui est privé.

Peu importe que vous soyez un adolescent et que vous ne compreniez pas que les bureaux de recrutement des universités vont utiliser votre adresse mail pour trouver des informations – potentiellement embarassantes – sur vous. C’est votre problème, et tant pis pour vous si Facebook a décidé de devenir une plateforme d’identités à l’échelle planétaire, en vous promettant d’abord de garantir votre vie privée, puis en la divulguant à votre insu par la suite. En tout cas, c’est ce que pense l’armée de spécialistes en droit de la vie privée engagés par l’entreprise et grassement payés pour dissimuler les coups fourrés.

Facebook nous a clairement appris plusieurs leçons. Nous voulons partager plus facilement des photos, des liens et nos dernières nouvelles avec nos amis, notre famille, nos collègues et même parfois avec le monde entier.

Mais cela ne signifie nullement que l’entreprise ait gagné le droit de détenir et de définir nos identités.

C’est le moment pour les meilleurs éléments de la communauté techno de trouver un moyen pour que tout le monde puisse contrôler ce qu’il veut partager et comment. Les fonctions de base de Facebook peuvent devenir des protocoles, et tout un éventail de logiciels et de services qui interagissent pourront s’épanouir.

Imaginez que vous ayez la possibilité d’acheter votre propre nom de domaine et d’utiliser de simples logiciels comme Posterous pour créer votre page de profil dans le style qui vous convient. Vous pourriez contrôler ce que les inconnus pourraient voir, tandis que ceux que vous déclarez comme vos amis verraient une page toute différente, plus intime. Ils pourraient utiliser un service gratuit financé par la publicité, qui pourrait être procuré par Yahoo, Google, Microsoft, une foule de startups ou des hébergeurs comme Dreamhost.

Les boutons « J’aime » qui foisonnent sur le Web devraient pouvoir être configurés pour faire exactement ce que vous désirez qu’ils fassent – s’ajouter à un profil protégé, s’ajouter à une liste de vœux sur votre site, ou encore être diffusés par le service de micro-blogging de votre choix. Vous auriez ainsi le contrôle de la présentation de votre propre personne – et comme dans le monde réel, vous pourriez cloisonner les différentes parties de votre vie.

Les gens qui ne veulent pas spécialement quitter Facebook pourraient continuer à jouer avec – pourvu que Facebook arrête une fois pour toutes ses pratiques inquiétantes avec nos données, comme de fournir ces informations à des tierces parties, juste parce qu’un de vos contacts a joué au quiz « Quel personnage de l’île aux naufragés êtes-vous ? » (Si, cela se produit couramment).

Bon d’accord, il n’est pas évident du tout qu’une vague alliance d’entreprises de logiciels et de développeurs puisse transformer les services de base de Facebook en protocoles partagés, pas plus qu’il ne serait facile, pour cette coalition de services en ligne, de rivaliser avec Facebook, compte tenu de ses 500 millions d’utilisateurs. Dont beaucoup acceptent que Facebook redéfinisse leurs repères culturels, ou sont trop occupés ou trop paresseux pour laisser tomber Facebook.

Mais dans l’Internet idéal avec lequel j’aimerais vivre, nous devrions avoir cette possibilité, au lieu de nous retrouver obligés de choisir entre laisser Facebook nous utiliser et être totalement exclus de la conversation.

Notes

[1] Crédit photo : DB Photography (Creative Commons By)




Les utilisateurs Linux bien plus généreux que les utilisateurs Windows ?

David Paul Ohmer - CC byUn pack de 5 jeux disponible pendant une semaine au prix que vous voulez, tel est l’objet de l’opération « Humble Indie Bundle », lancée par Wolfire Games avec d’autre éditeurs de jeux indépendants.

On notera que vous pouvez choisir la répartition de la somme que vous allouez entre les développeurs, l’EFF (Electronic Frontier Foundation) et l’association caritative Child’s Play. On notera également, et c’est voulu, que les jeux sélectionnés sont tous multiplateformes, c’est-à-dire tous compatibles Windows, Mac et GNU/Linux[1].

Du coup tout le monde est potentiellement intéressé et l’on peut faire des statistiques en fonction du système d’exploitation (OS) des donateurs. Or, justement, que constate-t-on, alors même que la campagne n’est pas encore terminée et qu’elle s’annonce déjà être un succès avec ses 600 000 dollars de dons à l’heure où je vous parle ?

On observe que les contributeurs GNU/Linux sont bien plus nombreux à donner que ce qu’ils représentent dans l’absolu sur le marché des OS (certains disent qu’ils ne dépassent pas les 1%), et que ce don est deux fois supérieur à celui d’un utilisateur Windows.

Je vous laisse en tirer vos propres conclusions 😉

Les utilisateurs Linux donnent 2 fois plus que les utilisateurs Windows

Linux users contribute twice as much as Windows users

Jeff – 7 mai 2010 – Wolfire Games Blog
(Traduction Framalang : Yostral et Goofy)

Nous avons toujours prôné le développement multiplateforme ; en fait, l’année dernière, nous avions écrit un billet expliquant pourquoi nous devrions supporter Mac OS X et Linux. En organisant le Humble Indie Bundle, nous avons décidé le mettre de l’argent dans ce que nous soutenons et de sélectionner uniquement des jeux qui étaient portés sur les 3 principales plateformes : Mac, Windows et Linux.

En ce moment nous avons environ 53 500 dons ; beaucoup plus que ce que nous espérions ! Mais d’où sont-ils venus ? La décomposition en nombre de dons par plateforme est : 65 % Windows, 31 % Mac et 14% Linux. Cependant, quand nous regardons la somme des dons par plateforme, on voit quelque chose de différent. Les dons que nous recevons peuvent être décomposés ainsi par plateforme : 52% Windows, 25% Mac et 23% Linux. Voici ces résultats sous forme de diagramme en camembert :

Linux Windows Mac - Make a Donation

La seule explication est que les utilisateurs Mac et Linux donnent beaucoup plus que les utilisateurs Windows. Jusqu’à présent, l’utilisateur Mac donne en moyenne 40% de plus et l’utilisateur Linux en moyenne 100% de plus ! Voici un histogramme montrant les différentes moyennes des dons : Linux Windows Mac - Make a Donation

Si vous voulez voir les mises à jour en temps réel de la moyenne des dons par plateforme, J’ai modifié la section stats de la page bundle. Cliquez ici pour y faire un tour. Ces moyennes sont restées très stables pendant ces 3 derniers jours, mais maintenant qu’elles sont visibles sur le site, ça sera intéressant de voir si elles changent !

Notes

[1] Crédit photo : David Paul Ohmer (Creative Commons)




Geektionnerd : Google Chrome

En référence à notre billet : Google Chrome OS ou l’ordinateur de moins en moins personnel.

Scénario catastrophe ou réalité en marche ?

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Compte-rendu de l’action de sensibilisation du 4 mai à la Cité des Sciences

Action de sensibilisation - 4 mai - Cités des SciencesPas moins de 50 libristes se sont déplacés ce mardi soir à l’appel de Framasoft et de l’April pour distribuer quelques 700 tracts et 100 FramaDVD aux visiteurs invités à l’inauguration officielle de l’exposition « Contrefaçon » présentée à la Cité des sciences et de l’industrie. L’opération symbolique de sensibilisation du public de l’exposition à l’existence des licences libres fut donc un véritable succès, palliant ainsi un peu plus à la censure imposée par l’INPI.

Pendant plus de deux heures, le parvis de la Cité des sciences fut animé par une joyeuse cohorte de libristes de diverses associations (VLC, Ubuntu-fr, April, Framasoft et même membres du Parti Pirate français survivant) colportant tracts et FramaDVD de visiteur en visiteur. Ces derniers se montraient pour la plupart polis, promettant dans presque tous les cas de lire le tract que nous leur tendions.

L’accueil réservé par la Cité des sciences fut lui aussi courtois, mais froid, surtout en considération des 11°C qui régnaient dehors et du vent mordant qui balayait le parvis. En effet, malgré nos diverses demandes, nous n’avons pas été autorisés à mener notre action dans le grand hall de la Cité.

Action de sensibilisation - 4 mai -  Cités des SciencesDans l’effervescence bon enfant de l’activité, deux types de tracteurs se distinguèrent : les polypes de récif et les poissons pilotes. Les premiers, fermement ancrés à leur banc de corail, captaient sans se déplacer l’attention de tout visiteur dépourvu de tract passant à proximité, le temps de lui fournir le précieux document. Les seconds, moins rapides en cas d’affluence, répétaient continuellement la même ronde, marchant au devant des visiteurs et les accompagnant sur 20 à 30 mètres jusqu’au barrage Vigipirate marquant l’entrée de la Cité, se donnant le temps d’introduire la démarche et souvent d’entamer une conversation.

Le but n’était pas de prêcher des convaincus mais de pallier au manque d’objectivité imposé par l’INPI à l’exposition. Or, avec le public de l’inauguration officielle, se déplaçant sur invitation de la Cité des sciences et donc sélectionné par ses sponsors, nous étions bien servis. Toutefois, j’ai l’exemple d’un visiteur en costume de velours vert, se définissant comme juriste et qui, une fois arrivé au barrage me demanda, l’air grave mais ravi d’avoir appris quelque chose, 4 ou 5 tracts supplémentaires pour discuter du sujet avec ses amis.

Si les personnalités encostumées se sont succédées pendant deux heures, toujours relativement surprises par l’ampleur du dispositif bénévole déployé à l’entrée, l’arrivée la plus remarquée fut celle de la présidente de la Cité des sciences et de l’industrie Claudie Haigneré, sous bonne escorte. Il ne fut pas possible d’entamer de conversation avec elle lors de son passage et elle ne donna pas suite à la requête formulée par Frédéric Couchet de nous permettre d’entrer dans le hall. Toutefois, elle se saisit volontiers du FramaDVD que je lui tendais, sans pour autant ralentir son allure.

Plus tard, parmi les premiers visiteurs à ressortir de l’exposition, certains nous affirmèrent que la présidente de la Cité des sciences parla dans son discours d’une exposition « portant à débat » comme le confirmait notre présence et notre action aux portes du lieu. L’exposition était d’ailleurs souvent jugée superficielle, ou partiale par les personnes prenant le temps de nous en parler.

En conclusion, le succès de la mobilisation, le nombre de tracts distribués et les retours des visiteurs à leur arrivée et à leur départ confirment l’utilité d’une telle opération. Richard M. Stallman peut être fier des libristes français, car à défaut de venir informer le public chaque jour à l’entrée de l’exposition comme il l’avait idéalement suggéré, la mobilisation ne faiblit pas depuis l’ouverture le 20 avril dernier. Les acteurs du web ont su réagir promptement pour sauver le texte d’Isabelle Vodjdani de son élagage, puis informer plus de personnes via Internet que n’en a accueilli l’exposition depuis son lancement.

Enfin, d’autres opérations de sensibilisation semblent se profiler sur le forum, et l’Ubuntu Party de mai arrive à grands pas…

Action de sensibilisation - 4 mai - Cités des Sciences




20 pays et 250 villes au Festival d’Initiation au Logiciel Libre en Amérique Latine

FLISOL Antigua Piñatas - Public DomainUne nouvelle confirmation qu’il y a décidément une belle énergie autour du logiciel libre en Amérique Latine.

Un article qui vaut surtout pour ces nombreux liens (en langue originale) mais qui est également pour moi l’occasion de vous présenter le projet Global Voices, « un réseau mondial de blogueurs qui sélectionnent, traduisent et publient des revues de blogs du monde entier »[1].

Amérique Latine : Le festival d’initiation au logiciel libre 2010

Latin America: Free Software Installation Festival 2010

Renata Avila – 30 avril 2010 – Global Voices
(Traduction : Loïc – Licence Creative Commons By)

Dans toute l’Amérique latine, le logiciel libre est devenu essentiel pour de nombreux pays et de nombreuses personnes qui ont choisi d’utiliser ces outils, dans les administrations publiques et pour répondre à différents problèmes. A Cuba par exemple, le mouvement pour le logiciel libre a soutenu le développement durable. Le gouvernement équatorien a quant à lui mis en avant une politique d’adoption du logiciel libre, d’une façon similaire au Brésil, un autre chef de file du logiciel libre et de la culture « libre ».

Le 24 avril 2010, de nombreux développeurs et utilisateurs des logiciels libres en Amérique Latine ont célébré ce mouvement par une fête nommée FLISOL2010, comme l’explique Leo ci-dessous :

FLISOL est le Festival d’Initiation au Logiciel Libre en Amérique Latine, un événement organisé par la communauté latino-américaine du logiciel libre depuis 2005. FLISOL a lieu le quatrième samedi d’avril chaque année. La sixième édition de FLISOL a été célébrée le 24 avril 2010. Aujourd’hui, FLISOL est sans aucun doute le plus important événement FOSS en Amérique Latine et peut être même le plus important « installfest » de la planète. L’édition 2010 de FLISOL a été organisée simultanément par 20 pays et 250 villes dans toute l’Amérique latine et, pour la première fois, en Europe (trois événements locaux en Espagne).

Dans chaque région, les célébrations sont différentes. Par exemple, à Antigua, au Guatemala, une Piñata a été cassée en l’honneur du logiciel libre ; c’était l’une des nombreuses animations organisées par Antigualug, un groupe d’utilisateurs de Linux.

Les fêtes de la FLISOL à Caracas, au Venezuela, ont associé les activités à des concerts de musique.

Le Nicaragua a célébré le mouvement avec les communautés d’Estelí, de Granada et de Managua et l’auto-proclamé « Installers Rock-Stars Team ». Les communautés d’Amérique Centrale ont joint leurs efforts pour s’intégrer au sein des communautés du Logiciel Libre, comme on peut le lire sur le site des utilisateurs de logiciels libres de « Central America Planet ».

L’Uruguay a de son côté célébré le mouvement en installant Fedora. A Mexico, les activités ont eu lieu dans différents lieux où les organisateurs ont installé des logiciels libres sur les ordinateurs de nombreux nouveaux utilisateurs, tandis que huit villes chiliennes ont accueilli également les fêtes FLISOL2010. Cuba a également organisé des activités simultanées dans différentes localités, de la Havane à Matanzas.

Enfin, Mozilla Colombie et l’OpenBSD de la ville de Medellín ont participé aux événements organisés en Colombie. Un marathon FLISOL s’est déroulé entre trois villes, à San Cristóbal, à Cúcuta et à Pamplona.

Ces quelques nouvelles sont un simple tour d’horizon destiné à montrer comment le logiciel libre en Amérique Latine crée un réseau dynamique et interconnecté, quelque soit les milieux sociaux, politiques et ethniques, pour collaborer et innover ensemble. Une “plateforme partagée” encourageant une « culture partagée » : pour plus d’informations et pour établir des connexions, lire le blog Planète du Logiciel Libre Latino-Américain.

Notes

[1] Crédit Photo : FLISOL Antigua Piñatas (Public Domain)




L’État de l’Oregon adopte Google Apps Education pour ses écoles

Avinash Kunnath - CC byLa nouvelle est passée totalement inaperçue dans les médias et la blogosphère francophones alors qu’elle revêt pourtant selon moi de la plus haute importance. Parce que c’est peut-être rien moins que l’éducation de demain qui se cache ici derrière cet évènement.

Un État américain, en l’occurrence l’Oregon, vient tout juste de décider d’adopter la solution Google Apps Education pour toutes ses écoles publiques.

Nous vous proposons ci-dessous la double traduction du blog de Google qui annonce fièrement la nouvelle ainsi qu’une explication enthousiaste, voire complaisante, issue du célèbre site Mashable.

J’aurais l’occasion dans un futur billet de revenir plus en détails sur Google Apps Education en pointant effectivement ses nombreux avantages mais également ses criants défauts. Histoire de nuancer quelque peu le caractère parfois légèrement « bisounours » des propos tenus dans ce billet.

Mais retenons pour le moment que les données des élèves dans les nuages des serveurs Google ne font pas peur à l’Oregon (cf les termes du contrat). C’est un choix de l’administration publique, c’est un État tout entier (qui concernent plusieurs centaines de milliers d’élèves) et ça va donner de sérieuses billes à Google pour convaincre d’autres futures institutions scolaires d’en faire autant. Surtout si les journalistes ne font rien d’autre que d’applaudir benoîtement.

Retenons également que contrairement à nos trois étudiants de l’Université Yale, aucune voix de lycéens ou de leurs parents n’est venue contrarier la bonne marche du projet en demandant quelques (légitimes) explications et précisions.

PS : À ceux qui s’étonneront du choix de la photographie ouvrant cet article[1], je l’ai trouvée en tapant « Oregon » dans Flickr. Ce sont les pom-pom girls de l’équipe de football américain des Oregon Ducks et elles me semblaient toutes indiquées pour illustrer ironiquement le côté « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » de cette actualité.

Alis volat propriis : L’État de l’Oregon fait entrer Google Apps dans toutes ses écoles

Alis volat propriis: Oregon’s bringing Google Apps to classrooms statewide

Jaime Casap (Google Apps Education Manager) – 28 avril 2010 – The Official Google Blog
(Traduction Framalang : Étienne)

Ayant grandi dans le quartier de Hell’s Kitchen à Manhattan pendant les années 70, je n’ai pas reçu d’éducation en matière de technologie. Mes enseignants notaient mes copies, et l’idée de collaborer à un projet avec mes camarades n’était pas envisageable, où que ce soit et pour quoi que ce soit. Il va sans dire que nous n’avions pas d’ordinateur à la maison, et que l’idée de travailler sur Internet était encore un rêve pour l’élève que j’étais.

Les choses ont changé, bien sûr, depuis que j’ai quitté l’école, et des gens travaillent ardemment à amener la technologie dans les salles de classe, pour aider les élèves a apprendre et les professeurs à enseigner. Aujourd’hui, l’Oregon franchit une étape majeure dans cette direction. C’est le premier à ouvrir Google Apps Education aux écoles publiques de tout un État.

À partir d’aujourd’hui, le département de l’éducation de l’Oregon offre Google Apps à toutes les académies de l’État, aidant ainsi les professeurs, les personnels administratifs et les élèves à utiliser Gmail, Docs, Sites, Video, Groups et plus encore, au sein des établissements scolaires du primaire et du secondaire. Le financement des écoles a subi des coupes importantes ces dernières années, et l’Oregon n’y fait pas exception. Cette démarche permettra au département de l’éducation d’économiser 1,5 millions de dollars par an, une somme rondelette pour un budget en difficulté.

Avec Google Apps, les élèves de l’Oregon peuvent créer des sites Web ou envoyer des messages à leurs enseignants autour d’un projet. Leurs documents et leurs messages vivent leur vie en ligne, dans le « cloud » (NdT : le nuage), toujours accessibles pour y travailler depuis une salle de classe ou un laboratoire informatique, à la maison ou à la bibliothèque municipale. Et au lieu de, seulement, noter une copie une fois le travail rendu, les professeurs de l’Oregon peuvent accompagner en temps réel les élèves sur leur documents, et les guider au fur et à mesure. Il est essentiel que les élèves apprennent à se servir des outils technologiques dont ils auront besoin au cours de leur vie, et l’Oregon aide ses élèves dans ce sens, tout simplement.

Je suis ébahi de voir à quel point la technologie a évolué depuis que j’ai quitté l’école, et à quel point nous devons continuer dans cette direction pour nous assurer que les enfants aient accès à ces outils dans les classes. Les outils en ligne tels que les Google Apps sont une façon, pour les enseignants, les élèves, et maintenant un État tout entier, de répondre au problème. Oh, et « alis volat propriis » ? C’est la devise de l’Oregon. Celà signifie « Elle vole de ses propres ailes ». Très à propos pour un État qui s’oriente ainsi vers le « cloud ».

Pourquoi les écoles s’ouvrent à Google Apps

Why Schools are Turning to Google Apps

Greg Ferenstein – 28 avril 2010 – Mashable
(Traduction Framalang : Olivier)

Aujourd’hui, les écoles publiques de l’Oregon s’offrent à Google Apps, 400 000 étudiants, enseignants et personnels administratifs auront désormais accès à un système d’e-mail et de chat, des outils de collaboration dans les nuages et un service de streaming multimedia. Les décisions affectant tout un état sont habituellement aprement contestées, chaque point étant sujet à débat.

Mais l’histoire entre Google Apps et le système éducatif est fascinante à bien des égards. Nous avons interviewé les architectes de ce plan ainsi que ceux qui utilisent Google dans les salles de classe. Voici les trois avantages qui s’en dégagent : 1) les écoles font des économies, 2) les résultats scolaires et la motivation s’en ressentent, à la hausse, et 3) les étudiants sont mieux préparés aux communications numériques dans le monde réel.

Les économies

L’argent est souvent le nerf de la guerre lorsqu’on parle de réforme de l’éducation et l’avantage est clairement dans le camp de Google. Le ministère de l’éducation de l’Oregon estime pouvoir économiser 1,5 million de dollars par an. Même le relativement modeste Maine Township District 207 dans l’Illinois, qui a déjà adopté Google Apps, estime ses économies à 160 000 dollars chaque année.

Google Apps Education est gratuit. Les économies proviennent principalement de l’abandon des logiciels de messagerie et de bureautique, auxquelles il faut ajouter les coûts de la maintenance informatique et des mises à jours matérielles. D’après Steve Nelson, vice-président technologie de Oregon Virtual Schools, ces économies peuvent être ré-investies pour déployer un service de streaming multimédia qui fait la part belle aux créations des étudiants, ce qui, ajoute-t-il, « n’était pas économiquement faisable » avant l’arrivée de Google.

Henry Thiele, responsable informatique pour le district 207, s’avoue « surpris du nombre d’écoles qui ne connaissent même pas Google Apps ». Et si elles en entendent parler, poursuit-il, elles cherchent toujours le petit piège. Thiele répond simplement « Il n’y a pas de piège ».

Résultats et motivation à la hausse

« Les étudiants qui participent à ce programme progressent beaucoup plus rapidement en lecture que ce à quoi nous sommes habitués », s’enthousiasme Thiele. Il fait référence à un cours d’anglais où un ordinateur portable a été confié à des élèves de 3ème considérés en difficulté. Dans le District 207, on espère voir une progression de 3 points en moyenne sur les tests de lecture cette année, mais les scores des élèves en difficulté devraient stagner ou régresser. Alors que les scores de ceux qui en revanche participent au programme ont fait un bond de 8 à 10 points. Google Apps n’est pas le seul facteur à l’origine de ce progrès, mais son coût dérisoire et sa nature collaborative ont rendu le programme 1-to-1 (un ordinateur pour chaque élève) possible.

Jason Levy, chef d’établissement, qui a participé à l’introduction de Google Apps dans les écoles du district 339 de New York (voir ce reportage vidéo), a observé que 47% des étudiants atteignent désormais la moyenne en mathématiques contre 27% auparavant. De plus, Thiele et Levy font état d’une plus grande concentration et de moins de problèmes disciplinaires. D’après Levy « leur comportement s’est amélioré, l’absentéisme a diminué et les exclusions temporaires sont plus rares ».

Les remarques de ces deux enseignants reflètent l’avis général puisque les expérimentations réalisées dans d’autres classes confirment que mêler technologie et éducation accroît l’intérêt des élèves.

Ça n’est pas très difficile à comprendre « On dit souvent que les gamins ne savent pas se concentrer ou garder leur concentration. Ma foi, je n’y arrive pas non plus » avoue Levy. S’appuyer sur le besoin des enfants de se socialiser et sur leurs facultés d’adaptation à la technologie est un moyen naturel de tirer partie de leur curiosité.

Se préparer au monde réel

Non seulement les étudiants bénéficient des avantages de la collaboration et d’une familiarisation accrue avec l’informatique, mais Google Apps les aide aussi à se préparer pour le monde réel de manière innovante. Grâce à Google Sites, les futurs ingénieurs tiennent à jour un portofolio numérique de leurs projets d’étude. La somme numérique de tous leurs travaux universitaires parlera certainement plus à leurs futurs employeurs que quelques tirets dans un CV.

L’un des professeurs du Maine Township utilise Google Spreadsheets pour faire sortir la science du carcan des livres. Les étudiants réalisent de vrais expériences et regroupent toutes leurs données dans des tableaux en ligne. Ici, les élèves mettent littéralement les mains dans le cambouis, ils mesurent l’influence du sol sur la croissance des plantes et traitent leurs données grâce aux outils informatiques, comme les vrais scientifiques. Ce modèle, pas bien sorcier, semble être un moyen peu onéreux et motivant pour aider le Ministère de l’Éducation a atteindre le but qu’il s’est fixé d’accroître la compétitivité scientifique des États-Unis au travers de l’ambitieux programme « Race to the Top ».

Conclusion

« Les fonctionnalités apportées sont absolument stupéfiantes » ajoute Nelson. Effectivement, tous ceux que j’ai interviewé ne trouvaient que du positif à l’introduction de Google Apps dans un contexte d’enseignements. Quoiqu’on pense de Google en tant que société, ses contributions au système éducatif américain sont remarquables.

L’adoption par les écoles de Google Apps est un signe que l’informatique dans les nuages se démocratise. Le perfectionnement de ces outils, ainsi que leur avantage économique font des applications Web une alternative intéressante pour les écoles en manque de moyens. Peut-être faut-il voir dans l’adoption de Google Apps par l’Oregon un signe avant coureur d’une éducation qui se fera de plus en plus dans les nuages.

Notes

[1] Crédit photo : Avinash Kunnath (Creative Commons By)




Les biens communs ou le nouvel espoir politique du XXIe siècle ?

Peasap - CC byIl y a plus de dix ans, Philippe Quéau (qu’on ne lit pas assez) s’exprimait ainsi lors d’une conférence organisée par le Club de Rome (qui a eu raison avant l’heure ?) ayant pour titre Du Bien Commun Mondial à l’âge de l’Information :

« L’intérêt public est beaucoup plus difficile à définir que l’intérêt privé. C’est un concept plus abstrait. Il intéresse tout le monde, et donc personne en particulier. Plus les problèmes sont abstraits et globaux, plus ils sont difficiles à traiter et à assimiler par le public. Les groupes de pression sectoriels ont en revanche une très claire notion de leurs intérêts et de la manière de les soutenir (…) La gestion des biens communs de l’humanité (comme l’eau, l’espace, le génome humain, le patrimoine génétique des plantes et des animaux mais aussi le patrimoine culturel public, les informations dites du domaine public, les idées, les faits bruts) doit désormais être traitée comme un sujet politique essentiel, touchant à la chose publique mondiale. Par exemple le chantier de la propriété intellectuelle devrait être traité, non pas seulement d’un point de vue juridique ou commercial, mais d’un point de vue éthique et politique. »

Le bien commun ou plutôt les biens communs (attention danger sémantique) seront à n’en pas douter non seulement l’un des mots clés de ce nouveau siècle, mais aussi, si nous le voulons bien, l’un des éléments moteurs et fédérateurs des politiques progressistes de demain[1].

C’est pourquoi le Framablog les interroge de temps en temps, comme ici avec cette ébauche de traduction française d’une première version d’un texte en anglais rédigé par une allemande !

On ne s’étonnera pas de voir la culture du logiciel libre une nouvelle fois citée en exemple à suivre et éventuellement à reproduire dans d’autres champs de l’activité humaine.

Les biens communs, un paradigme commun pour les mouvements sociaux et plus encore

The commons as a common paradigm for social movements and beyond

Silke Helfrich – 28 janvier 2010 – CommonsBlog
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler et Tinou)

Version 1.0 – Licence Creative Commons By-Sa

Forum social mondial – 10 ans après – Éléments d’un nouvel ordre du jour

On ne peut considérer le système des biens communs comme une alternative pour le 21e siècle que s’ils représent effectivement un dénominateur commun entre différents mouvements sociaux et écoles de pensées. À mon avis, il est non seulement possible de les appliquer, mais c’est surtout un bon choix stratégique. Voici pourquoi en quinze points :

1. Les biens communs sont omniprésents. Ils déterminent notre qualité de vie de bien des manières. Ils sont présents (quoique souvent invisibles) dans les sphères sociales, naturelles, culturelles et numériques. Pensez aux outils d’apprentissage (la lecture et l’écriture), toutes ces choses qui nous servent à nous déplacer (la terre, l’air et la mer), celles qui nous servent à communiquer (le langage, la musique, les codes), toutes ces choses qu’on utilise pour nous nourrir ou nous soigner (la terre, l’eau, les médicaments) ou encore celles si cruciales à notre reproduction (les gênes, la vie sociale).

Les biens communs sont notre relation à toutes ces choses, comment nous les partageons, comment nous les utilisons. Les biens communs sont la représentation vivante de nos relations sociales, en permanence. On devrait plutôt utiliser une action (mettre en commun) plutôt qu’un nom (bien communs). Les biens communs sont une catégorie à part de production et d’usage du savoir et des biens matériels, où la valeur de l’usage est privilégiée par rapport à la valeur marchande. Mettre en commun est une pratique qui nous permet de prendre nos vies en main et de protéger, de développer ce qui nous est commun plutôt que d’assister à son enfermement et sa privatisation.

Les droits des bénéficiaire des biens communs sont indépendants des conventions formelles et du droit positif. Nous en disposons sans avoir à demander la permission et nous les partageons. Les biens communs offrent une liberté autre que celle du marché. La bonne nouvelle, c’est qu’en nous concentrant sur les biens communs, nous sortons les choses de la sphère marchande pour les mettre dans la sphère commune, nous mettons l’accent sur comment les sortir de l’autorité et de la responsabilité détenue par une bureaucratie fédérale pour aller vers une gestion des biens communs par leurs utilisateurs et la myriade de possibilités qu’elle offre, et enfin nous nous concentrons sur de nombreux problèmes et de nombreuses ressources, comme 75% de la biomasse mondiale, qui n’ont pas encore été transformés en marchandise. Voilà qui est encourageant.

2. Les biens communs établissent des ponts entre les secteurs et les communautés, ils offrent un cadre pour la convergence et la consolidation des mouvements. Les problèmes auxquels nous faisons face sont devenus trop compliqués. Pour en réduire la complexité, nous avons fragmenté ce qui ne devrait être qu’un. Dans le débat politique public, il y a une division entre différents domaines de connaissance et d’autorité. Il y a ceux qui débattent de sujet liés aux ressources naturelles (les écolos) et ceux qui débattent de problèmes culturels et numériques (les technophiles).

Il en résulte des communautés (sur-)spécialisées pour chacun des centaines de problèmes auxquels nous sommes confrontés et de nombreux chainons manquant. Au nom de la diversité des biens communs, cette fragmentation se poursuivra jusqu’à un certain point, mais elle contribue également à l’atrophie de notre capacité commune à suivre l’actualité économique, politique et technologique ainsi que les changements qui se produisent. Notre capacité à réagir à ces changements et à faire remonter soigneusement des propositions alternatives et cohérentes s’en retrouve diminuée.

Les biens communs peuvent unifier des mouvements sociaux disparates, même si leur dynamique est profondément différente, les biens communs nous permettent en effet de nous concentrer sur ce qui nous unis, sur tout ce que les communeurs ont en commun, pas sur ce qui les sépare. L’eau est une ressource finie, pas le savoir. L’atmosphère est partout, un parc ne l’est pas. Les idées se développent lorsque nous les partageons, ce n’est pas le cas de la terre. Mais ce sont là des ressources communes à tous ! Par conséquent, personne ne devrait pouvoir se prévaloir de la propriété de l’une de ces ressources. Elles sont toutes liées à une communauté.

Chacune de ces ressources est mieux gérée si les règles et les normes s’imposent d’elles-mêmes ou si elles sont légitimées par les personnes qui en dépendent directement.

3. Les biens communs amènent le débat de la propriété au-delà du clivage (parfois stérile) public/privé. Les appels en faveur de la propriété publique ne disparaissent pas pour autant, mais peut-on juger que les états nations ont été des fiduciaires des biens communs consciencieux ? Non. Protègent-ils le savoir traditionnel, les forêts, l’eau et la biodiversité ? Pas partout.

Tout ne s’arrête pas au clivage public/privé. On peut s’approprier une ressource commune partagée pendant une courte durée (pour reproduire nos moyens de subsistance), mais on ne peut pas faire tout ce qu’on veut avec. Il est primordial de garder à l’esprit que le concept de possession pour usage est différent de la propriété exclusive conventionnelle.

Contrairement à propriété, possession n’est pas synonyme d’aliénation. Et abus, commodification, maximisation des profits et externalisation des coûts au détriment des biens communs vont de pair avec la propriété. L‘externalisation des coûts est un processus courant actuellement mais il ne bénéficie à personne au bout du compte, pas même aux plus aisés que l’on incite à se réfugier dans des communautés fermées et protégées.

4. La perspective des biens communs n’est pas une lubie numérique. Elle n’est pas binaire, pas faite de 0 et de 1 ni de soit … soit. Elle ne se jauge pas non plus à l’aune de quelques succès. Nous cherchons des solutions qui dépassent les clivages idéologiques, qui dépassent les politiques chiffrées pour déterminer les réussites. Ce n’est pas juste le privé contre le public, la gauche contre la droite, la coopération contre la concurrence, la « main invisible du marché » contre les projets gouvernementaux, les pro-technologies contre les anti-technologies.

Les biens communs se tournent vers le troisième élément, celui qui est toujours oublié. Notre compréhension des ressources que nous possédons en commun en ressort approfondie, tout comme celle des principes universels (et fonctionnels) des peuples qui protègent leurs ressources communes partagées. Dans le domaine des bien communs, nous privilégions l’apprentissage de la coopération plutôt que la concurrence. Les biens communs favorisent l’autogestion et les technologies ouvertes, développées et contrôlées en commun, plutôt que les technologies propriétaires qui tendent à concentrer le pouvoir dans les mains des élites et qui leur donne le pouvoir de nous contrôler.

5. Parler des biens communs, c’est se concentrer sur la diversité. Pour reprendre les mots de l’ex-gouverneur Olívio Dutra (Rio Grande do Sul) lors du Forum Social Mondial, 10 ans après : « cela permet l’unité au travers de la pluralité et de la diversité ». La doctrine par défaut est « un monde qui contient une myriade de mondes ».

De toute évidence, l’une des forces de cette approche réside dans l’idée qu’il n’existe pas de solution simpliste, pas de schéma institutionnel, pas de miracle taille unique, uniquement des principes universels tels que la réciprocité, la coopération, la transparence et le respect de la diversité d’autrui. Chaque communauté doit déterminer les règles appropriées à l’accès, à l’usage et au contrôle d’un système de ressources partagées bâti sur ces principes.

La tâche est complexe, à l’image de la relation entre la nature et la société, particulièrement lorsqu’il s’agit de biens communs partagés à l’échelle mondiale. La communauté englobe alors l’humanité toute entière, ce qui renvoie à l’impérieuse nécessité d’un nouveau multilatéralisme au centre duquel se trouvent les biens communs.

6. Se concentrer sur les biens communs apporte une nouvelle perspective à trois grands C : Coopération, Commandement et Compétition. (NdT : On a conservé les 3 C mais on pourrait traduire Command par Pouvoir ou Gouvernance) Sans compétition, il n’y a pas de coopération, et vice versa. Mais dans une société centrée sur les biens communs, la coopération est plus valorisée que la compétition.

Le slogan est : « Battez-vous pour la place de numéro un des coopérateurs plutôt que des compétiteurs ». Les règles précises régeantant la coopération dans un système des biens communs change d’un cas à l’autre. Aucun autorité supérieure ne peut les dicter. La théorie et la pratique des biens communs nous apprennent que de part le monde, de nombreux systèmes d’administration des biens communs s’auto-régulent, c’est-à-dire qu’ils créent leurs propres systèmes de contrôle. Ou ils s’auto-régulent et se coordonnent à différents niveaux institutionnels.

Pour ce qui est du commandement, voici un conseil de la lauréat du Prix Nobel, Elinor Ostrom : « Mieux vaut inciter la coopération à travers des arrangements institutionnels adaptés aux écosystèmes locaux plutôt que d’essayer de tout diriger à distance ». De plus, les autorités supérieures, les gouvernements, les lois, les organisations internationales, peuvent jouer un rôle décisif dans la reconnaissance des biens communs. Mais pour y parvenir, les biens communs devraient déjà occuper une plus grande place dans leur vision politique.

7. Les biens communs ne dissocient pas la dimension écologique de la dimension sociale, au contraire d’une vision verte inspirée du New Deal. Il serait judicieux, dans une certaine mesure, de rendre plus visible la "valeur économique" des ressources naturelles et il est sans doute nécessaire d’inclure les coûts écologiques de la production dans l’ensemble du processus manufacturier.

Mais ça ne suffit pas. Ce genre de solution ne règle pas la dimension sociale du problème, elle tend au contraire à creuser un fossé, faisant des solutions un problème d’accès à l’argent. Ceux qui y ont accès peuvent se permettent de payer le surcout écologique, ceux qui ne l’ont pas se retrouvent laissés pour compte. Les biens communs, au contraire, apportent une réponse au problème écologique et au problème social.

Une solution au cœur de laquelle se trouvent les biens communs ne laisse personne pour compte.

8. Le concept des biens communs fait siennes plusieurs visions du monde : on y retrouve la pensée socialise (la possession commune), la pensée anarchiste (l’approche auto-organisée), la pensée conservatrice (pour qui la protection de la création est importante) et évidemment les pensées communautaristes et cosmopolites (la richesse dans la diversité) et même la pensée libérale (affaiblissement du rôle de l’État, respect des intérêts et motivations individuelles à rejoindre une communauté ou un projet).

Mais de toute évidence, toutes ces idées ne peuvent s’unir derrière un programme politique construit autour des biens communs. C’est là leur force, et c’est pourquoi les partis politiques se méprennent à leur égard ou tentent de coopter les biens communs. Si nous nous attachons à livrer un discours cohérent (voir 9), ils n’y parviendront pas.

9. L’aune à laquelle sera mesuré l’adhésion des idées politiques au paradigme des biens communs est triple et bien définie : (a) usage durable et respectueux des ressources (sociales, naturelles et culturelles, y compris numériques), ce qui signifie : pas de sur-exploitation ni de sous-exploitation des ressources communes partagées.

Partage équitables des ressources communes partagées et participation à toutes les décisions prises au sujet de l’accès, de l’usage et du contrôle de ces ressources et (c) le développement libre de la créativité et de l’individualité des gens sans sacrifier l’intérêt collectif.

10. Les biens communs ne sont pas uni-centriques mais poly-centriques. Leurs structures de gouvernance sont elles aussi décentralisées et variées. En d’autres termes : les biens communs sont poly-centriques par nature, ce qui est la condition nécessaire à une approche profondément démocratique, aussi bien politiquement (principes de décentralisation, de subsidiarité et de souveraineté des communeurs et de législations des communeurs) et économiquement (le mode de productions des biens communs réduit notre dépendance à l’argent et au marché).

11. Les biens communs renforcent un trait essentiel de la nature humaine et du comportement humain. Nous ne sommes pas seulement, loin s’en faut, l’homo œconomicus comme on nous le fait croire. Nous sommes bien plus que des créatures égoïstes qui ne se soucient que de leur propre intérêt. Nous ressentons ce besoin de nous intégrer dans un tissu social et nous nous y plaisons.

« Les biens communs sont le tissu de la vie », d’après Vandana Shiva. Nous aimons participer, nous impliquer et partager. Les biens communs renforcent le potentiel créatif des gens et l’idée d’inter-relationalité, en deux mots : « J’ai besoin des autres et les autres de moi ». Ils honorent notre liberté de participer et de partager.

Ça n’est pas la même liberté que celle sur laquelle repose le marché. Nos contributions nous donne accès à plus de choses. Mais nota bene" : ça ne se résume pas à "accès gratuit à tout".

12. Les biens communs proposent des outils d’analyse issus de catégories différentes de ceux du capitalism, notre « décolonisation de l’esprit » en est donc facilitée (Grybowski). Les communeurs rédéfinissent ce qu’est l’efficacité. Ils visent la coopération efficace, comment la favoriser et la mettre à la porté des gens.

Ils souhaitent privilégier la propriété exclusive à court terme comme moyen de subsistance plutôt que la propriété à durée indéfinie. Ils honorent les moyens de protection traditionnels des biens communs ainsi que les systèmes traditionnels de connaissance. Pour faire court : les biens communs éclairent sous un jour nouveau de nombreuses pratiques politiques et légales.

La différence est grande entre une vision communales et une vision commerciale de notre environnement. La différence est grande si l’eau est perçue comme un bien commun, c’est à dire liée aux besoins de la communauté, ou pas. Ou considérez les graines ; si vous voyez la diversité des graines comme un bien commun, vous récoltez ce dont vous avez besoin et votre indépendance alimentaire est assurée.

Si la société reconnaissait que les variétés de graines régionales font partie des biens communs, l’État appuierez de toutes ses ressources les plantations biologiques indépendantes et les petites exploitations pour qu’elles puissent poursuivre leur développement traditionnel des céréales plutôt que de gaspiller l’argent du contribuable en finançant des manipulations génétiques et l’ingénierie agro-alimentaire.

13. Le secteur des biens communs est pluriel et rassemble de nombreux protagonistes. Ces dernières années, l’intérêt porté internationalement au paradigme des biens communs s’est largement accru.

Les communeurs et les organismes se sont constitués des alliances transnationales (Creative Commons, Wikipedia, les mouvements des Logiciels Libres et de la Culture Libre, les plateformes de partage, les organismes de lutte contre l’exploitation minière, les alliances promouvant une approche de Bem-Viver, le mouvement mondial pour une agriculture durable, le Water Commons, les jardins communautaires, la communication et les projets d’informations citoyens et bien d’autres encore).

C’est en fait une explosion spontanée d’initiatives communes. Depuis que le Prix Nobel d’Économie a été attribué à Elinor Ostrom (octobre 2009), de nombreuses universités redécouvrent l’intérêt académique des biens communs.

14. Les biens communs comme mode de production alternatif. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne sont pas liés à la disponibilité des ressources.

Ils émanent du mode de production actuel. Heureusement, dans certains domaines, nous assistons à une évolution du mode de production, d’un système capitaliste (basé sur la propriété, la demande, la valeur marchande, l’exploitation des ressources et du travail, dépendant de la croissance et tiré par les profits) il est en passe de venir commun (basé sur la possession, la contribution, le partage, l’intérêt personnel et l’initiative, où le PIB est un indicateur négligeable et dont la finalité est la belle vie, le bem viver).

De nombreux projets de Production Collective Commune rencontrent le succès. C’est particulièrement le cas pour la production de savoir (Wikipédia, les logiciels libres, le design ouvert). Mais un débat palpitant se déroule actuellement pour trouver les moyens d’appliquer les mêmes principes de production collective commune à la production de ce nous mangeons, de ce que nous portons et de nos moyens de locomotion, et jusqu’où nous pouvons aller.

J’ai la conviction que c’est possible. Premièrement parce que le savoir se taille la part du lion de tout type de production. Tous les biens ne sont que des produits en devenir. Pas de production automobile ou de production agricole sans concept et sans design (d’où la part du lion de sa valeur marchande).

Et deuxièmement, les secteurs des communs qui n’ont pas encore été commodifiés et où les valeurs et les règles des communs sont bien ancrées sont nombreux et variés (économie de l’entraide, économie de la solidarité). Ces secteurs sont la preuve que chaque jour, une grande partie de ce qui nous est nécessaire est produit en dehors du marché économique.

15. Le discours des communs prône le changement culturel. Ce n’est pas simplement une approche technologique ou institutionnelle. Il incite plutôt au développement de nouvelles idées et de nouvelles actions personnelles et politiques.

Pourquoi maintenant ? Car le moment est opportun pour les biens communs.

1. Nous sommes à une période charnière, dans biens des contextes, les biens communs sont re-découverts. Le marché et l’État (seul) ont échoué à protéger les ressources communes et à satisfaire les besoins des gens. Les idéaux de l’économie de marché sont assiégés de toutes parts.

Ses mécanismes d’analyses économiques, de politiques publiques, sa vision du monde perdent leur valeur explicative, et surtout leur soutien populaire. Les gens réalisent de plus en plus que ça n’est pas à l’économie de marché que nous devons la biodiversité, la diversité culturelle et les réseaux sociaux !

2. Les nouvelles technologies ouvrent la voie à de nouvelles formes de coopération et de production décentralisée qui étaient, jusqu’alors, l’apanage des technologies de l’âge industriel. Il nous est même désormais possible de ré-affecter la production d’énergie et d’électricité aux biens communs sociaux (centrales électriques solaires citoyennes, centrales électriques résidentielles).

Nous avons la possibilité de décider quelles nouvelles ou quelles informations sont utiles à la communauté et nous pouvons les reproduire nous-mêmes grâce à la plus grande machine à copier jamais inventée : Internet. La production connait une véritable révolution, une révolution qui redéfinira les règles. Les monopoles sont menacés.

3. Les changements actuels offrent à tout un chacun une influence élargie. Une vision moderne des biens communs ne se tourne pas vers le passé.

Il faut voir plus loin qu’une simple relocalisation, notre perspective est une coopération locale, décentralisée et horizontale au travers de réseaux distribués afin que les gens puissent, ensemble, se re-approprier la création de choses, qui seront ensuite disponibles pour eux et pour tout le monde, s’ils le souhaitent. Le but étant d’alimenter les biens communs et la production commune autant que possible pour affaiblir notre dépendance à l’économie de marché.

Mais ça ne sera possible, si le nouveau mode de production est capable de résoudre les problèmes même les plus complexes, que si les productions collégiales dépassent ce que les entreprises, même les plus importantes, sont capables de mettre en place du point de vue logistique, financier et conceptuel.

Et c’est tout à fait possible ! Regardez Wikipédia ou la voiture open source. Peut-être serions nous même capable de développer des véhicules individuels 100% recyclables, qui ne consomment qu’un litre/100km si les entreprises n’avaient pas capturé les technologies et contrôlé le marché.

Dans un monde où la production commune est généralisée, les notions de centre et de périphérie disparaissent.

4. L’usage collectif et l’accès libre ou équitables aux biens communs bénéficie maintenant de nouvelles protections légales : la General Public License (GPL), les licences de partage à l’identique, des modèles de propriétés spécifiques aux ressources naturelles qui se prémunissent de la spéculation et de la sur-exploitation, des fonds d’actionnariat à ressource commune unique, les systèmes d’aqueduc au Mexique ou de récupération d’eau en Inde ou encore le droit de tout un chacun (Allesmansrätten) en vigueur dans les pays du nord de l’Europe.

Ce sont des outils puissants dont nous devons nous inspirer et qu’il vaut développer. Dans ce domaine, il faudra faire preuve de créativité pour coucher nos idées en termes juridiques, des idées qui doivent respecter la grande variété de règles formelles et informelles en vigueur dans le monde pour protéger les biens communs.

5. Sans oublier, finalement, que si votre curiosité vous pousse à vous intéresser aux biens communs, vous découvrez de nouvelles choses étonnantes. Vous êtes liés à des centaines de communautés dynamiques. Vous entrapercevez une sagesse que vous ne soupçonniez pas, vous apprenez à encourager des projets et vous multipliez vos réseaux. C’est très motivant.

Connaissiez-vous l’existence du projet OpenCola ? Saviez-vous que le plus grand lac de Nouvelle Zélande, le lac Taupo, est rempli de truites ? Dans la région très touristique de Taupo, les ressources sont sous pression, mais la population de truite est toujours dynamique dans le lac car les néo-zélandais suivent un règle simple : pêchez juste ce qui vous est nécessaire pour manger (il vous faut un permis de pêche délivré par les autorités locales), n’en tirez pas profit.

Et donc, aucun restaurant de la région ne propose de truite au menu. Souvenez-vous : les biens communs ne sont pas à vendre. Et que savez-vous de la biologie libre et de la médecine participatoire ? Avez-vous entendu parler de ces innombrables banques de graines, essentiellement dans les pays du sud, et du trésor inestimable qu’elles protègent pour nous ? Et savez vous les progrès qu’a réalisé le mouvement international de promotion de l’accès libre aux ressources scolaires, ce mouvement qui vise à garantir l’accès libre à ce qui a été financé publiquement, la production du savoir ?

Avez-vous entendu parler des jardins interculturels et communautaires ou du régime des biens communs privilégiés par les pêcheurs de homards du Maine (USA) pour éviter la sur-exploitation des homards ? Et que pensez-vous des communs de crise, ces groupes où des centaines de volontaires mobilisent leurs savoirs-faire pour collecter des informations grâce aux technologies modernes pour venir en aide aux victimes de catastrophes naturelles, comme après le tremblement de terre à Haïti ?

Les biens communs insufflent une nouvelle vigueur aux débats politiques. Les jeunes citoyens deviennent attentifs lorsqu’on leur parle de production pair-à-pair, car c’est ce qu’ils font. Les écolos deviennent attentifs quand on leur parle du principe des copylefts et de la reproduction virale des logiciels et du contenu.

Ils comprennent que « toutes ces licences compliquées » défendent notre liberté d’accéder au savoir et aux techniques culturelles. C’est exactement ce pour quoi ils se battent dans leur domaine.

Les technophiles sont enthousiaste de pouvoir mettre leurs incroyables capacités à contribution pour gérer des systèmes complexes de ressources naturelles. En d’autres termes, les biens communs élargissent les horizons, ils apportent un vent nouveau de pensée collective, une pensée dynamique, non-dogmatique mise en œuvre de façon innovante.

Les communs sont un nouveau concept, puissant, autonome et auto-suffisant pour constamment redonner à la vie toute sa dignité. Ils sont l’élément indispensable pour construire un mouvement divers et irrésistible à partir d’une pensée politiquement et conceptuellement cohérente.

Porto Alegre – Janvier 2010

Mise à jour du 10 mars : Une nouvelle version 2.0 sera bientôt publiée. Merci à tous pour vos précieux commentaires.

Notes

[1] Crédit photo : Peasap (Creative Commons By)