GroundOS : et si l’Hadopi faisait émerger le web 3.0 ?

Josef Grunig - CC by-saComme vous le savez, la loi Création et Internet a été votée en catimini par 16 gus dans un hémicycle. Je ne reviens pas sur le fait que cette loi pose de nombreux problèmes (démocratiques) et paradoxes (techniques). D’autres s’en sont déjà chargés.

Parmi les des effets de bord, il parait évident que cette loi va pousser l’internaute moyen vers des solutions de sécurisation de ses communications toujours plus poussées. On va voir se multiplier les réseaux chiffrés (bien), sans compter probablement les mails avec des groooosses pièces jointes (pas bien, mais inévitable).

Reste que tant qu’on reste sur du Minitel 2.0, on participe à un système où l’on ne contrôle pas ses propres données. Si je dépose une video sur Youtube, Youtube saura dire qui l’a déposée (adresse IP, email, date et heure précise). Et si je télécharge une vidéo depuis ce même site, non seulement Youtube, mais aussi mon fournisseur d’accès internet, et bientôt la Haute Autorité bidule[1] pourront me tomber sur le dos : « Ha, mon bon Monsieur, vous avez écouté une reprise de Petit Papa Noël par une enfant de 15 ans, ce qui lui aura couté 300 000€ d’amende. Mais vous, passez directement par la case courrier recommandé[2] avant qu’on ne vous coupe votre accès internet. Cela vous met au chômage technique ? Tant pis, fallait pas encourager la subversion et la contrefaçon. ». Bienvenue en Chine à Pionyang au Brésil.

Par contre, si j’héberge moi-même mes données, et si je les partage en les chiffrant, je reprends le contrôle de mes données.

Le problème, c’est que c’est quand même un « truc d’informaticien » de s’héberger soi-même. Si, si. Moi dont c’est le métier, quand je dis aux gens qui veulent quitter Gmail, Hotmail & co : « Prends-toi donc un hébergement à l’APINC ou chez Gandi, pour 15€ par an, tu seras tranquille ». Ce n’est pas le prix qui les arrête, mais le jargon, le nombre de pages de contrat, le fait de saisir un numéro de CB sur le web, etc.

Mais cela pourrait changer[3].

Prenez le buzz du moment : GroundOS.
Pour le dire rapidement, GroundOS est une application web qui vous permet de partager facilement votre musique, vos films, vos photos, vos documents (déposés dans groundOS ou rédigés directement dans groundOS, sur le principe de Google Docs).
En tant que tel, rien de bien nouveau, si ce n’est que ça a l’air particulièrement bien intégré (alors que pour arriver au même résultat aujourd’hui, il faut de nombreuses applications différentes). Et d’ailleurs, GroundOS n’est peut être qu’un « fake », on sera fixé le premier mai, mais peu importe.

En utilisant GroundOS (ou autre application similaire), j’héberge moi même mes données, je les partage avec qui je veux, et je les chiffre si je veux. Et je souhaite bien du courage à l’Hadopi pour savoir si ce qui transite dans mes tuyaux c’est le dernier album de Johnny, ou la vidéo de l’anniversaire de mon petit neveu.

Maintenant, il reste encore un problème : comment Tata Jeannine va-t-elle pouvoir utiliser GroundOS ? Certes, elle pourrait utiliser la version installée par son entreprise, par l’école de sa fille, ou par l’association du coin. Mais c’est remettre de la centralisation là où l’on veut décentraliser.
Elle pourrait aussi l’utiliser sous forme d’une WebApp ( de préférence made by Framasoft). Mais à l’extinction de son ordinateur, ce serait fermer le partage de données.

Reste une voie intéressante : celle des boxes internet.
Par exemple, on estime le nombre d’abonnés ADSL de Free à 3 500 000. Une grande partie d’entre eux ont une Freebox équipée d’un disque dur (qui sert notamment de magnétoscope). Imaginons que Free livre ses Freebox prééquipées d’un GroundOS (qu’on ne me dise pas qu’installer un serveur web sur des box internet est impossible). Pour le même prix, Tata Jeannine aurait : (Internet+téléphone+TV) + « son petit coin d’internet à elle ». Accessible facilement (tatajeannine.free.fr) 24h/24, 365 jours par an.

Évidemment, cela soulève des questions, notamment en terme de sécurité. Se faire hacker sa connexion internet, ce serait potentiellement donner accès à toute votre vie numérique. En terme technique, le premier geek poilu venu me rétorquera « en terme de QOS on a vu mieux », que le « MTBF des HDD des boxes c’est pas top », que « Free sapusaipalibre », que « le A de ADSL limite les usages », voire qu’il fait ça (de l’autohébergement) « depuis 6 ans avec un vieux 486 sous Debian planqué sous l’évier ».

Mais quand même. Là il s’agit de Tata Jeannine ! Et juste d’activer une fonctionnalité qui lui permettrait de partager facilement ses photos, d’écouter sa musique (achetée légalement) d’où qu’elle soit, de pouvoir blogguer sans pub sans craindre le dépôt de bilan de l’hébergeur, de pouvoir regarder la fin du film qu’elle a enregistré sur sa box à Lyon depuis sa maison de campagne à Sainte-Ménehould, de pouvoir stocker tout ou partie de son courrier sur sa MachinBox internet (plutôt qu’on ne sait où sur le web). Bref, d’avoir un petit bout d’internet comme on a un petit bout de jardin, plutôt que d’aller systématiquement au parc du coin. Et tout ça depuis son Firefox préféré.

Après l’ère de la diffusion de l’information, après celle de la participation, peut être allons nous vers celle de la décentralisation ?

Ou, autrement formulé, « et si on redonnait internet aux internautes ? »

Notes

[1] C’est à dire Vivendi & co – qui nous aura plus ou moins forcé à installer leur logiciel espion puisque si je refuse d’être observé en permanence, c’est donc que je suis coupable !

[2] Ben oui, je ne lis pas les mails de mon FAI.

[3] Crédit photo : Josef Grunig (Creative Commons By-Sa)




Quand la ville de Sainte-Ménehould remercie Framasoft et sa Framakey

Sainte-Ménehould - FramakeyIl était une fois des écoliers d’une petite ville de province de la Marne…

Cette simple histoire d’enfants, d’éducation, de politique locale, de diffusion du logiciel libre et de reconnaissance mutuelle est peut-être un détail pour vous, mais pour nous elle veut dire beaucoup et est à encadrer précieusement de notre petit livre d’or personnel.

En fin d’année scolaire dernière, la ville de Sainte-Ménehould eut une sympathique initiative ainsi narrée par le journal local L’Union du 14 juin 2008 (extraits) :

C’est hier matin que l’on a remis le « petit cadeau » aux écoliers. En ouvrant l’enveloppe gonflée, Melinda, 11 ans, élève au groupement scolaire Robert Lancelot s’exclame : « J’espère que ce ne sont pas des chocolats parce que mon père va les manger ! ». L’enfant ne tarde pas à être rassurée et même agréablement surprise. Le cadeau en question n’est autre qu’une clef USB. De celles que l’on peut emporter partout avec soi.

« Il s’agit d’une première sur Sainte-Ménehould » souligne Linda Moutarde animatrice à la Cyber base. A savoir que la municipalité a eu l’idée cette année de récompenser les élèves de CM2 de la commune venant de décrocher leur B2i (Brevet informatique et internet).

(…) Précision qui a son importance à propos de ces clefs : il ne s’agit pas de simples clefs permettant de stocker des fichiers informatiques. Celles-là contiennent de précieux programmes. Et leur fonctionnement est d’une simplicité biblique. L’élève n’a qu’à brancher la clé sur absolument n’importe quel ordinateur : chez lui ou à l’école, il pourra faire fonctionner divers logiciels libres de droit, c’est-à-dire gratuits.

« C’est un peu comme si les jeunes transportaient leur disque dur avec eux » résume David Schmitt autre animateur de la Cyber base. Depuis leur clef, les futurs collégiens vont pouvoir créer des documents (textes ou tableurs), écouter de la musique, lire des vidéos, naviguer sur Internet et même s’ils le désirent, s’adonner au « chat » (traduction pour les non-initiés : participer à des forums de discussions).

On notera que le journaliste s’emmêle un peu les pinceaux sur les « logiciels libres de droit, c’est-à-dire gratuits » et que la clé ne fait tourner les logiciels que sur un poste Windows. On notera également que l’article ne mentionne pas la solution portable libre installée sur ces clés, à savoir notre Framakey.

Ce qui est par contre bien précisé sur la fiche projet dédiée du site Villes Internet (extraits) :

Actions : L’objectif est de permettre à tous les élèves de pouvoir travailler correctement tout au long de leur parcours scolaire. Il ne s’agissait donc pas d’offrir uniquement une clé pour du stockage mais d’aller au delà. La solution choisie est donc d’ajouter un contenu logiciel à cette clé au travers du pack Framakey, qui permet l’exécution de logiciels libres depuis la clé, ce qui permet de n’installer aucun logiciel sur le poste qui exécute les programmes. En leur donnant un outil très pratique pour leur parcours scolaire, nous avons aussi souhaité sensibiliser les jeunes aux logiciels libres espérant qu’ils continueront dans cette voie.

Résultats : Tout d’abord les élèves ont tous été très ravis de recevoir un tel cadeau. Ils ont posé énormément de questions autour du fonctionnement de la clé, ce qui prouve que cela les intéresse grandement. Les enseignants ont également été surpris par cette initiative. Nous pensons renouveler l’expérience l’an prochain, en faisant personnaliser la clé avec le logo de la Ville.

Recommandations : Il faut travailler sur le contenu et pas uniquement l’objet en lui même. Faire une présentation de l’outil, travailler sur les dangers d’Internet, les droits d’auteurs et tout ce qui est lié au contenu personnel sur la clé.

Sages recommandations, surtout en cette période post-Hadopi…

Toujours est-il que voici un usage de la Framakey qui nous ravit parce qu’elle est justement là pour ça. En respectant les termes de la licence, chacun est libre de l’utiliser, la copier, la modifier, la personnaliser et la distribuer. Nous y passons du temps, mais dans la mesure où il s’agit avant tout d’intégration de plusieurs logiciels libres créés par d’autres, cela donne l’occasion, comme ici, d’en découvrir et diffuser un bon paquet d’un coup.

Cela dit, chacun est libre aussi de nous prévenir et éventuellement nous remercier lorsqu’il utilise d’une manière ou d’une autre nos briques Framakey. Non pas que nous attendons forcément un retour de tous ceux qui l’ont un jour téléchargée, mais c’est un geste courtois toujours grandement apprécié 😉

C’est pourquoi nous fûmes tout aussi ravis de recevoir il y a peu une lettre de Monsieur le Maire, nous annonçant la nouvelle suivante (extraits) :

Sainte-Ménehould
Le jeudi 2 avril 2009

Monsieur,

J’ai le plaisir de vous informer que, lors de sa séance du 25 mars dernier, le Conseil Municipal a décidé de vous octroyer une subvention exceptionnelle d’un montant de 150 euros pour votre association, dans le cadre de la remise des clés USB à tous les élèves de CM2 ayant obtenu leur B2i.

Je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de ma considération distinguée

Le Maire,
Bertrand Courot

Grand merci à Monsieur le Maire, à Jean-Marc Verdelet, David Schmitt et à toute la ville de Saint-Ménehould. D’abord pour la promotion ainsi faite aux logiciels libres mais également pour la reconnaissance du travail de sa communauté.




Libre.fm deviendra-t-il le Last.fm (ou le Deezer) de la musique libre ?

Aloshbennett - CC byDeezer, Last.fm… sont des services en ligne autour de la musique très appréciés des internautes. Ils sont souvent rangés dans la catégorie « web 2.0 » dans la mesure où la richesse des sites provient avant tout du contenu généré par les utilisateurs.

Leur modèle économique est en construction mais généralement il s’agit d’offrir au départ la complète gratuité pour faire venir un maximum de monde et se rémunérer avec la publicité, sachant de plus qu’ils doivent composer avec les ayant-droits de la musique qu’ils proposent en streaming[1].

Le problème c’est qu’en situation de crise économique, la publicité rapporte moins et les ayant-droits sont plus exigeants. Du coup on a vu tout récemment Last.fm changer de politique pour annoncer que désormais il en couterait 3 € par mois aux utilisateurs hors de la zone USA, Angleterre, Allemagne (où l’audience et les négociations avec les ayant-droits garantissent, mais pour combien de temps encore, la gratuité). Il est d’ailleurs amusant de voir les français crier à l’injustice, trop habitués que nous sommes à bénéficier de tous ces services « gratuits » sur Internet. Détruire ce mythe de la gratuité permettrait assurément de faire avancer la cause du Libre…

Justement à propos de Libre. N’y a-t-il pas moyen de procéder autrement ?

On pourrait par exemple libérer le code, permettant ainsi de travailler collectivement en confiance à l’amélioration de la plate-forme tout en offrant à chacun la possibilité d’installer son « Last.fm libre » sur son propre serveur. On pourrait ne s’occuper que des artistes sous licence libre et mettant l’accent sur le format ouvert Ogg Vorbis. La question de la gratuité et des ayant-droits se poserait complètement différemment (en fait elle ne se poserait même pas). Il faudrait alors bien entendu faire le deuil de tous les artistes qui ne sont pas sous licence libre (ce qui en fait tout de même un bon paquet) mais après l’épisode Hadopi je ne serais pas étonné de voir de plus en plus de monde se rabattre presque exclusivement sur du Jamendo ou du Dogmazic.

On pourrait, on pourrait… Quittons le conditionnel parce que, cela tombe bien, c’est justement le modèle choisi par le projet Libre.fm. Encore en phase de test, il sortira très bientôt mais à lire la présentation ci-dessous il semble plus que prometteur.

Un topo rapide sur Libre.fm

A quick interview about Libre.fm

Mattl – 2 avril 2009 – Libre.fm Ideas Wiki
(Traduction Framalang : Don Rico)

Je suis en train d’écrire un article sur Libre.fm, en espérant qu’il permettra de promouvoir le projet et de diffuser la nouvelle. Je me demandais si tu pouvais me décrire rapidement les raisons qui t’ont poussé à te lancer dans ce projet et/ou quel est le but de la manœuvre ? Pas besoin d’écrire un roman, quelques lignes à insérer dans mon texte, ce serait déjà excellent. Je sais que tu dois être pas mal débordé, alors pas de souci si tu n’as pas le temps, mais je préférais demander au cas où. 🙂

Pas de problème.

L’idée de créer Libre.fm m’est venue alors que je fermais mes comptes pour des services tels que Facebook, MySpace, LinkedIn, etc. Il m’est apparu que je pouvais mettre en place une solution de remplacement libre à Last.fm – un service que beaucoup de monde utilise.

Last.fm, en fait, c’est la combinaison de deux éléments. Audioscrobbler, qui récupère vos données depuis des programmes tels que Rhythmbox ou Amarok, et Last.fm, qui propose des radio en streaming et de la musique au téléchargement.

Pour l’heure, Libre.fm espère fournir une solution de remplacement pour ceux qui souhaitent archiver leurs habitudes d’écoute, en implémentant l’API Audioscrobbler (qui semble être complètement ouverte) et des clients modifiés pour différentes plateformes.

Le but à plus long terme est en lien direct avec mes autres centres d’intérêt, tels que la Free Culture, la promotion et l’enregistrement de musique d’artistes issus de la Free Culture. Sur Libre.fm, ce seront ces artistes qu’on pourra télécharger, mais des membres de la communauté s’emploieront à convaincre d’autres groupes de distribuer des morceaux sous une licence libre, telle que la licence Creative Commons By-Sa, de sorte qu’on puisse les proposer sur le site. La promo gratuite ne peut faire de mal à aucun groupe – nous ajouterons peut-être une boutique de musique en ligne où nous vendrons des téléchargements de musique libre. Les morceaux seront au format Ogg Vorbis.

Le Ogg Vorbis, ce n’est peut-être pas ce à quoi les gens s’attendront, vu que les services similaires penchent en général pour des formats du genre MP3, mais à mes yeux il s’agit d’un moyen formidable de promouvoir l’utilisation du Ogg Vorbis. Plus tard, nous intégrerons peut-être aussi des clips vidéo au format Theora.

En plus de tout ça, beaucoup de monde semble avoir envie de développer des trucs sympas autour de Libre.fm – ça va des gars qui font dans le Web sémantique au W3C à ceux qui voudraient que soient pris en charge Laconi.ca et XMPP.

Bien sûr, le succès du projet dépendra de la motivation de chacun. J’espère en tout cas que des tas de gens vont bidouiller pour le faire avancer – je réfléchis toujours pour savoir si on doit utiliser Subversion ou un quelque chose comme Git pour le code. Pour l’heure, je pencherais plutôt pour Git, en partie parce que j’ai envie d’apprendre à m’en servir, et aussi parce que ça me paraît plus adapté pour la construction de ce genre d’outil. Mais qui sait… si ça se trouve je vais me dégonfler et revenir à SVN.

Ce projet a reçu un accueil dingue… moins d’une demi heure après que j’ai annoncé mon désir de le poursuivre, j’ai reçu des dons pour l’achat du nom de domaine, j’ai monté vite fait un site Internet, et je suis parti au cinoche. À mon retour, ma boîte mail débordait de messages de gens qui me faisaient part d’idées et me témoignaient leur soutien.

J’encourage tout le monde à nous rejoindre et à nous filer un coup de main – je veux tout essayer pour que ça fonctionne. Bradley, Mike et Evan d’autonomo.us m’ont déjà fait des suggestions et donné des pistes pour des wikis et des bug trackers. J’ai établi une feuille de route sur le wiki, que les participants peuvent aller voir, fouiller et modifier.

Comme d’habitude, les retours sont les bienvenus. Qu’on me les envoie par tous les canaux possibles : IRC, sur le canal #libre.fm sur Freenode, via identi.ca/mattl, sur le wiki ou par courriel.

Notes

[1] Crédit photo : Aloshbennett (Creative Commons By)




Android de Google : un futur vrai système d’exploitation ?

Demi Brooke - CC byEt si l’air de rien, sans annonce ni fracas, Google était en train avec Android de nous pondre un système d’exploitation libre concurrent du trio GNU/Linux, Mac et PC ?

C’est aller un peu vite en besogne[1]. D’abord parce qu’Android repose sur le noyau Linux (dont il peut alors être vu comme l’une de ces distributions) et ensuite parce qu’il ne se destine pour le moment qu’à la téléphonie mobile.

Mais comme il est dit dans l’article traduit ci-dessous, on pourrait le retrouver bien vite dans des netbooks et alors on changerait immanquablement de catégorie…

Google sortira-t-il un OS Linux pour le desktop en 2009 ?

One giant step closer to the Google Linux desktop

Steven J. Vaughan-Nichols – 31 mars 2009 – ComputerWorld
(Traduction Framalang : Don Rico)

Google n’annonce toujours pas publiquement être sur le point de distribuer Android comme un OS de bureau Linux, mais HP, Asus et d’autres grands fabricants de machines sont apparemment en pourparlers avec l’entreprise de Mountain View afin de commercialiser des mini-portables équipés d’Android.

D’après un article du Wall Street Journal, Satjiv Chahil, un des vice-présidents de la branche PC de HP, a refusé d’affirmer ou de nier que le premier fabricant de PC au monde pourrait vendre des mini-portables ou des smart-phones tournant sous Android, mais il a en revanche confirmé que HP « s’intéressait » à ce système d’exploitation libre.

Hourra !

Nous savons d’ores et déjà qu’Android peut fonctionner comme système d’exploitation pour le desktop, car certains ont réussi la manip. Surtout, ceux qui y sont parvenus ne sont pas des hackers dont la seconde langue est le C++, mais deux journalistes. Si nous en sommes capables, alors tout le monde l’est. 🙂

La réaction habituelle des moutons windoziens quand on leur parle d’un OS Linux pour le desktop conçu par Canonical, Novell ou Red hat, c’est de crier au n’importe quoi. Pour Android, en revanche, ce n’est pas la même chanson.

En ce qui me concerne, je peux détailler de tête les différences entre Ubuntu, openSUSE, Fedora et une demi-douzaine d’autres déclinaisons de Linux pour le desktop. Mais soyons réalistes, seul un fana de Linux en est capable. La plupart des utilisateurs de PC savent peut-être que Linux est un autre système d’exploitation, et ils savent peut-être aussi que Red Hat est une grosse entreprise Linux, ou qu’Ubuntu est une version populaire de Linux. Pas plus.

Google, par contre, c’est différent. Quiconque se sert d’un ordinateur connaît Google. Quelqu’un qui aurait des réticences à essayer un PC tournant sous autre chose que Windows, et XP de préférence, pourrait très bien vouloir essayer un mini-portable sous Google. Maintenant que j’y pense, ça ne m’étonnerait pas le moins du monde que certains croient que c’est déjà Google qui fait marcher leur PC.

De là à utiliser un PC qui fonctionne pour de bon sous Google, il n’y a qu’un pas. Certes, il s’agirait en fait du système Linux Google Android pour le desktop, mais la grande majorité des utilisateurs ne s’en soucierait pas plus que des bases Linux sur lesquelles reposent le moteur de recherche Google. Tout ce qu’ils sauront, c’est que leur netbook ou leur portable fonctionne grâce à quelque chose dont ils connaissent le nom et auquel ils font confiance. En outre, puisque ces machines seront sous Linux, elles seront moins chères que leurs équivalents vendus avec Windows.

Au début de l’année, j’ai lancé l’idée que 2009 serait l’année idéale pour que Google attaque Microsoft de front sur le marché du desktop. Sachant à présent que des fabricants de PC sérieux jouent déjà avec l’idée de commercialiser des netbooks fonctionnant sous Android, je prédis à présent que cela se produira en 2009.

Notes

[1] Crédit photo : Demi Brooke (Creative Commons By)




Quand le Cned confond formation bureautique avec formation Microsoft

Sailor Coruscant - CC byNous sommes en mars 2009. Vous êtes un organisme public souhaitant offrir à son personnel une formation bureautique à distance. Comment vous y prendriez-vous ?

On pourrait définir et présenter les différentes fonctionnalités du traitement de texte, du tableur, du logiciel de présentation. Puis insister sur l’importance d’utiliser des formats ouverts. Et illustrer le tout avec des logiciels libres disponibles gratuitement pour tous les systèmes d’exploitation, comme la suite OpenOffice.org (qui a justement la bonne idée de produire un format ouvert, l’Open Document)[1].

Ce n’est visiblement pas l’option retenue par le Centre national d’enseignement à distance (plus connu sous l’acronyme Cned), dont l’un des enseignants à qui s’adresse cette formation, nous a fait parvenir le courriel suivant (c’est moi qui souligne) :

From: XXX
Date: 17 mars 2009
Subject: Formation bureautique à distance

Mesdames, Messieurs,

Dans le cadre de la mise en œuvre du plan de formation 2008/2011 de l’établissement, la Direction des ressources humaines de la Direction générale procède au recensement des besoins en formation bureautique à distance.

Vous avez la possibilité de suivre une formation aux logiciels Microsoft Outlook, Word, Excel et PowerPoint en ligne ou par le biais d’un CD-Rom.

Vous trouverez dans le document joint « organisation des formations » les différentes modalités des formations, des versions, en ligne ou sur CD-Rom.

Si vous êtes intéressé par l’une de ces formules, vous voudrez bien renseigner le formulaire joint et le renvoyer avant le 15 avril 2009, auprès de votre institut de rattachement.

La Direction des ressources humaines reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

Cordialement,

XXX
Direction des ressources humaines
Cned – Direction générale

Ce mail était donc accompagné d’une pièce-jointe au format .doc où l’on peut lire explicitement les informations suivantes :

  • « Pendant votre formation, vous travaillez directement dans l’environnement Microsoft correspondant au logiciel étudié. »
  • « Les formations ne sont pas compatibles Mac et Linux. »
  • « Formation demandée (2 au maximum) : Word – Excel – PowerPoint – Outlook. »

Pour rappel, il s’agit d’un « plan de formation 2008/2011 »…

On pourra toujours m’objecter que le Cned ne fait que s’adapter à la demande puisque tous ses enseignants travaillent sur la suite Microsoft Office. D’abord cela reste à prouver mais admettons que ce soit bien le cas (n’oublions pas qu’il y a une véritable machine de guerre économique déployée dans les coulisses pour qu’il en soit ainsi). Est-ce une raison suffisante pour ne pas adopter et faire adopter de bonnes pratiques, surtout lorsque l’on se définie comme une institution éducative de formation ?

Pensez une seconde aux conseils que ces enseignants ainsi « formés » prodigueront aux élèves dont ils ont la charge à distance ! Vont-ils eux aussi confondre « Word » avec « traitement de texte » ? Qu’adviendra-t-il lorsqu’ils recevront un fichier .doc ? Et bonjour le fracture numérique, puisque tous ces élèves n’ont pas forcément l’OS Windows et la suite MS Office (dûment achetés) à disposition !

La noble mission de service public du Cned ne doit pas s’arrêter aux portes de la formation numérique.

Notes

[1] Crédit photo : Sailor Coruscant (Creative Commons By)




Quand l’Allemagne offre 350 000 photos à Wikipédia

Eugen Nosko - Deutsche Fotothek - CC by-saPrésenter les choses ainsi est sujet à caution, mais pendant qu’en France on met en place l’Hadopi, de l’autres côté du Rhin on participe aux biens communs.

En effet après le don de 100 000 images, sous licence libre Creative Commons By-Sa, des Archives Fédérales Allemandes en décembre dernier, c’est au tour de la Bibliothèque Universitaire et Fédérale du territoire de Saxe d’en faire de même en offrant un fond de 250 000 photographies à Wikimedia Commons[1], la médiathèque en ligne de tous les projets Wikimedia (dont Wikipédia).

Question d’état d’esprit sans doute…

Une donation de 250 000 images à la communauté

250,000 Images Donated to the Commons

Michelle Thorne – 2 avril 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Poupoul2 et Xavier)

Comme nous ne souhaitions pas que le 1er avril éclipse cette annonce, c’est aujourd’hui que nous vous informons du don récent de 250 000 images données au petit frère de Wikipedia, Wikimedia.

Ces images font partie de la Collection Photo Allemande de la Bibliothèque Universitaire et Fédérale du territoire de Saxe. Elles sont en cours de traitement, accompagnées des légendes et metadata correspondantes. Des volontaires se chargeront alors d’assurer le lien entre ces photos, toutes disponibles sous la déclinaison allemande de la licence Creative Commons BY-SA 3.0 ou dans le domaine public, avec les données d’identification et les articles pertinents de Wikipedia. Cette collection représente des scènes de l’Histoire de l’Allemagne et des scènes de vie quotidienne.

En cadeau pour la bibliothèque bienfaitrice, les metadata fournies par la Collection Photo Allemande seront enrichies et annotées par les utilisateurs de Wikipedia puis reversées dans la base de données de la collection.

Cette donation marque la première étape dans la collaboration entre la Bibliothèque Universitaire et Fédérale et Wikimedia Allemagne e.V., section pionnière de Wikimedia, qui a rendu possible, en décembre dernier, un don similaire de 100 000 images par les Archives Fédérales Allemandes.

Notes

[1] Crédit photo : Eugen Nosko – Deutsche Fotothek (Creative Commons By-Sa)




Doit-on vendre son âme pour télécharger de la musique ?

Littledan77 - CC byVoilà. Le projet de loi Création et Internet a été adopté hier. Mais c’est une véritable victoire à la Pyrrhus pour le gouvernement et ceux qui l’ont soutenu.

Il existait déjà une fracture numérique sociale, il y aura désormais une fracture numérique « sociétale » profonde et durable entre ceux qui ont soutenu le projet de loi et ceux qui s’y sont opposés[1].

De quel coté se trouve notre ami Cory Doctorow, dont nos vous proposons ci-dessous une nouvelle et intéressante traduction ?

Connaître par avance la réponse ne vous dispense nullement de la lecture 😉

On ne devrait pas être obligé de vendre son âme pour télécharger de la musique

You shouldn’t have to sell your soul just to download some music

Cory Doctorow – 26 février 2009 – The Guardian
(Traduction Framalang : Poupoul2, Yonnel et Don Rico)

Les activités délimitées par les accords de licence de téléchargement vont du ridicule au douteux.

Voici l’accord de licence le plus court, le plus juste et le plus simple qui puisse exister : « N’enfreignez pas le droit d’auteur ». Si cela ne tenait qu’à moi, chaque œuvre numérique proposée au téléchargement, qu’il s’agisse de musique sur iTunes ou sur la plateforme de vente de MP3 d’Amazon, de livres électroniques pour le Kindle et le Reader de Sony, ou encore de jeux pour une console, porterait cette mention – et cette mention seule – en guise d’accord de licence.

« N’enfreignez pas le droit d’auteur » est une mention qui présente de nombreux avantages, mais son meilleur atout, c’est ce qu’elle explique à l’acheteur, à savoir : « On ne va pas vous entuber ».

La guerre du copyright a parfois eu de drôles de conséquences, mais la plus loufoque, à mon sens, a été la campagne menée par l’industrie du disque afin que l’on éduque davantage la population au problème de copyright sous prétexte que les jeunes gens grandissaient sans la sensibilité morale nécessaire pour devenir des citoyens responsables.

Les mêmes entreprises qui depuis des décennies expliquaient aux législateurs qu’ils ne voulaient surtout pas être les gardiens de la morale des jeunes – et qu’on ne pouvait les juger responsables de la culture « sex, drugs & rock’n’roll », du gangsta-rap et des raves où abondait la drogue – ont opéré un virage à 180 degrés et se sont mises à dénoncer à qui mieux mieux l’influence néfaste du téléchargement sur nos chères têtes blondes.

Bon, ils n’avaient pas tout faux : le fait que les ados – et un paquet d’adultes — ne voient pas de mal à mettre à genoux les maisons de disques est certainement une mauvaise nouvelle pour les maisons de disques. Aux débuts de Napster, voici quel était le sentiment général : les maisons de disques méritaient de crever pour nous avoir imposé leurs boys-bands en boîte, pour avoir cessé de vendre des singles, saccagé le catalogue, s’être entendu sur la fixation du prix des CDs, et enfin pour les contrats notoirement scandaleux qu’ils faisaient signer aux artistes.

Puis vinrent les DRM, les procès (d’abord contre ceux qui fournissaient les outils, tel Napster, puis contre des dizaines de milliers d’amateurs de musique), puis l’utilisation de programmes malveillants pour combattre la copie, le vote de lois inéquitables, la destruction des radios Internet. Petit à petit, les maisons de disque ont rendu légitimes les attaques à leur encontre (les studios de cinéma, les diffuseurs, les éditeurs de livres électroniques et les entreprises de jeux vidéo n’étaient pas en reste). À mesure qu’ils luttaient pour la défense du copyright, démolir l’industrie du divertissement devenait de plus en plus tentant.

Dix ans plus tard, l’industrie du disque a finalement repris la production de singles, et il semblerait qu’on soit revenu à un semblant de concurrence pour les prix (les contrats imposés aux artistes et l’existence de boys-bands figurent toujours dans la colonne des points négatifs, bien sûr). Ils se sont même débarrassés des DRM pour la majorité des ventes de musique, et le catalogue est bien plus fourni qu’à l’époque on l’on achetait sa musique dans un magasin de disques.

Et voilà ce qu’on nous serine, à présent : « Vous avez eu ce que vous vouliez, vous nous avez mis à genoux. Arrêtez donc de nous dépouiller et recommencez à acheter de la musique… c’est un marché équitable ». Mais il suffit d’étudier leur discours de plus près pour se rendre compte de ce qu’il cache : encore un appât pour nous attirer dans un autre piège.

Le piège, c’est cette saleté d’accord utilisateur. Dans les quelques magasins de disques qui restent, il n’y aucun employé posté à côté de la caisse pour déclamer « En achetant ce support musical, vous acceptez les termes et conditions suivantes », avant de déballer une liste interminable de droits auxquels vous renoncez pour avoir eu la témérité de payer la musique que vous écoutez au lieu de la télécharger.

Si leur laïus pour le téléchargement évoque « un accord équitable », alors cet accord doit l’être vraiment. Les activités circonscrites par ces accords de licence vont du ridicule au douteux, alors que toute personne sensée pourrait à mon sens estimer qu’il n’est pas équitable de vendre ou de louer sa collection de musique numérique.

Mais il n’appartient pas à l’industrie du divertissement de me dire ce que sont ou pas des conditions de vente équitables pour mes téléchargements. Si prêter un MP3 devait être illégal, qu’ils fassent voter une loi en ce sens (apparemment, ils sont très doués pour cela – le fait qu’ils n’y soient pas encore parvenu en dit long sur l’aspect aberrant de la proposition). L’accord de licence inéquitable et arbitraire tapi derrière la mention « Cochez cette case pour indiquer que vous avez lu et accepté nos termes de service » représente une vision du processus d’achat d’industriels qui prennent leurs désirs pour des réalités (voire qui se bercent d’illusions).

Si l’on veut nous rebattre les oreilles qu’il s’agit « d’un accord équitable », alors le CLUF devrait être le suivant : « Vous êtes autorisé à faire ce que bon vous semble de ce produit, à la seule condition de ne pas enfreindre la loi ».

Non pas « Toi qui achètes ici, abandonne tout espoir » (NdT : Référence à la Divine comédie de Dante).

Notes

[1] Crédit photo : Littledan77 (Creative Commons By)




Trop souvent placé sur le terrain idéologique et associatif…

Littledan77 - CC byOn attendait la dépêche AFP sur THE manifestation du moment, à savoir Solutions Linux, et elle vient de tomber sur mon téléscripteur.

Comme souvent avec l’agence, le premier paragraphe résume et annonce simultanément la couleur : « À contre-courant d’un secteur informatique qui fait grise mine, le logiciel libre avance ses pions à la faveur de la crise qui incite les entreprises à faire des économies et met ainsi au défi ce jeune marché de faire ses preuves ».

Qu’on y parle principalement business c’est somme toute logique pour un événement qui s’adresse avant tout au monde de l’entreprise. Mais que signifie exactement cette « mise au défi de faire ses preuves » ?

La réponse est peut-être dans la conclusion : « Trop souvent placé sur le terrain idéologique et associatif, le monde du logiciel libre doit, selon M. Poujol, se professionnaliser beaucoup plus pour réussir sa mue ».

Doit-on comprendre : quitter l’immaturité du « logiciel libre » pour adopter le plus sérieux et rassurant « Open Source » ?

Je ne connais pas ce M. Poujol mais j’y vois là comme une pointe de condescendance vis-à-vis d’un mouvement qui pourrait y perdre beaucoup si jamais ils réussissait effectivement cette mue[1].

Et vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Littledan77 (Creative Commons By)