Projetice ou le cas exemplaire d’un partenariat très privilégié entre Microsoft et une association d’enseignants

Copie d'écran du site Projetice.fr

C’est entendu, ce n’est pas tant l’outil que l’usage que l’on en fait qui est important, et il se fait chaque jour des choses formidables en informatique scolaire indépendamment des caractéristiques de l’outil adopté. Mais tout de même, comment peut-on encore aujourd’hui, en 2008, se déclarer « association d’enseignants cherchant à promouvoir les utilisations pédagogiques des technologies de l’information et de la communication » (TICE) et ignorer superbement le logiciel libre ?

Je n’ai pas de réponse à cette question mais j’ai une hypothèse : avoir Microsoft comme partenaire. Et, comme vous allez vous en rendre compte ci-dessous, avec l’association Projetice ce partenariat est plus que privilégié.

Pour faire illico connaissance avec Projetice, rien de tel que ce petit reportage LCI. Et c’est bien parce que Projetice bénéficie de telles tribunes que j’ai décidé d’en faire mon billet blog du jour.

Entendons-nous bien. Je n’ai rien contre Microsoft en tant que tel. Je pense simplement que favoriser ses produits et sa culture marchande à l’école retarde d’autant l’adoption non seulement des logiciels libres mais aussi et surtout de cette salutaire culture non marchande des biens communs qui leur est associée. C’est mon parti-pris assumé et assené depuis des années avec Framasoft et que je puis caricaturer ainsi : en matière de TICE, tout ce qui retarde, oublie ou disqualifie le logiciel libre à l’école n’est pas bon pour l’école.

Je n’ai strictement rien non plus contre l’existence d’une association d’enseignants qui s’appuieraient massivement sur des logiciels Microsoft pour développer l’usage des nouvelles technlogies en milieu éducatif. C’est une question de… liberté ! Libre à eux de les mettre en avant et libre à moi (à nous ?) d’essayer de démontrer qu’ils font fausse route en freinant par là-même ce qu’ils essayent pourtant de faire avancer. Mais encore faudrait-il que ce choix, car c’est bien d’un choix qu’il s’agit, soit clairement énoncé. Or ce n’est pas vraiment le cas ici.

Parce qu’en se promenant ne serait-ce que dix minutes sur leur site (et ses hyperliens), il est difficile de ne pas se poser quelques questions quant à la transparence, la légitimité, la crédibilité, l’influence et l’indépendance de cette association. Jusqu’à me poser le plus sérieusement du monde la question suivante. Est-ce l’association une fois créée qui a sollicité Microsoft ou bien est-ce Microsoft qui a suggéré à quelques enseignants volontaires de créer l’association ?

Visite guidée du site de Projetice pour étayer mon propos. Je précise que cette visite a été effectuée le 10 février 2008 parce qu’il est possible, sait-on jamais, que cet article arrive un jour jusqu’à Projetice et il est alors probable et souhaitable qu’à la lumière (et la mise en lumière) de ce qui va suivre ils décident de faire quelques petites retouches au site. Ce qui explique la présence de nombreuses copies d’écran issues du site de l’association pour que l’article demeure compréhensible dans le temps.

Copie d'écran du site Projetice.fr

Avant même de nous pencher sur le détail on remarque globalement quelque chose devenue très rare pour des sites éducatifs : l’absence du quatuor magique libre LAMP (Linux Apache MySQL PHP) pour le serveur web. C’est la technologie web de Microsoft qui est utilisée comme le révèle la terminaison en .aspx des pages du site. Il n’y a guère que le célèbre et incontournable Café Pédagogique qui ait décidé d’en faire autant. Il faut dire qu’il est lui-même en partenariat avec Microsoft.

Pour ce qui concerne l’accueil, on se retrouve en haut de page avec un sympathique message : « Bienvenue sur Projetice. Des enseignants se forment à l’usage des TIC. Devenez membre de Projetice et rejoignez une jeune association composée d’enseignants passionnés par leur métier, désireux de dialoguer, d’apprendre et de partager. » Et puis à gauche : « Projetice est une association qui cherche à promouvoir les utilisations pédagogiques des TIC. »

Si vous souhaitez aller plus loin il y a le livre blanc des objectifs de l’association. Ouvrez-le et on vous vous retrouverez avec de belles généralités sur les TICE à grands coups de « ne pas séparer la dimension technique et la dimension pédagogique de l’usage éducatif des TIC » ou encore « s’appuyer sur la mutualisation des pratiques par les enseignants et des questions techniques et pédagogiques qu’elles soulèvent ». Pour finir par une analyse de la situation qui ne fâche personne et qui justifie l’existence et l’action de l’association. Aucune marque n’est citée, le logiciel libre non plus (mais comme je l’ai dit en amont il ne le sera jamais).

Toujours est-il que le cadre est posé. Il se veut neutre, consensuel et rassurant. Ici nous sommes entre profs, je dirais même plus nous sommes entreprofs.fr

Copie d'écran du site Projetice.fr

À y regarder de plus près on notera tout de même sur la droite l’icône caractéristique des documents Word. Ceci fait craindre la subsitution des termes génériques (et préconisés par les administrations) traitement de texte, tableur ou encore logiciel de présentation par Word, Excel et Powerpoint. Ces craintes seront malheureusement confirmées par la suite.

Plus bas on trouve cet encart dont je vous laisse juge de l’opportunité directement en accueil du site : « Microsoft, qui propose d’équiper gratuitement, depuis un certain temps déjà, les étudiants de certains logiciels via le service de Téléchargement Gratuit Etudiants disponible sur le portail Etudiants, indique que ces licences peuvent être utilisées par les enseignants dans un cadre pédagogique et à but non lucratif. »

Copie d'écran du site Projetice.fr

Mise à jour du 16 février : Cet encart a aujourd’hui disparu de l’accueil du site.

Mais allons plus avant dans le site via son menu horizontal que l’on prendra dans l’ordre, de gauche à droite. Dans la rubrique Manifestations je constate que Projetice est bien présente et active sur le terrain.

Comment une association aussi jeune (née en 2006 me semble-t-il), aussi peu googlelisée, et dont je n’avais jamais entendu parler autrement que par des annonces du… Café Pédagogique, a-t-elle pu si rapidement se retrouver à Helsinki, à Dakar ou encore à Philadelphie ? La réponse est à la portée d’un clic.

Voilà en tout cas un partenariat qui fait faire de beaux voyages et de belles rencontres. Au retour on ne peut qu’être comblé et le dire publiquement par exemple sur le site du Café Pédagique, ses 160.000 abonnés et ses 800.000 visiteurs par mois. Parmi les témoignages celui du membre de Projetice commence ainsi : « C’est dans une atmosphère très douce et remarquable pour la saison que s’est tenue la conférence mondiale des enseignants innovants organisée par Microsoft… » (retenons l’expression enseignants innovants).

Mais on retrouve bien entendu également la jeune association chez nous en France, que ce soit dans le cadre prestigieux de l’Unesco ou dans le cadre affluent (et donc influent) du Salon de l’Education (Educatice). J’ai eu moi-même par le passé l’occasion de me pencher un peu sur le coût d’une location d’un stand à ce même salon pour finalement y renoncer car je puis vous dire que cela représente plusieurs milliers d’euros. Microsoft était en tout cas très fier de les annoncer dans son communiqué de presse relatant l’évènement (dont on ne s’étonnera pas soit dit en passant d’y retrouver également mention du Café Pédagogique).

Et puis il y a les interventions pour présenter l’association et éventuellement y engager des projets. Il est tout à fait normal que les portes des établissements s’ouvrent à « une association composée d’enseignants passionnés par leur métier, désireux de dialoguer, d’apprendre et de partager. ». Qui plus est lorsqu’elle propose du matériel haut de gamme en prêt gratuit comme nous le verrons plus bas. Ainsi les collègues du lycée professionnel Don Bosco (Lyon) semblaient très attentifs le 7 janvier dernier.

Copie d'écran du site Forum-rennes2008.fr

Quelle est la prochaine date sur l’agenda de l’association ? Il s’agit du premier Forum des Enseignants Innovants (www.forum-rennes2008.fr) qui se déroulera en mars à Rennes. Outre Projetice, du beau monde côté associations d’enseignants : Clionautes, Weblettres, Cyber-langues, Assetec, Afef, Apbg, Udppc, AFT-RN… et bien sûr le Café Pédagogique dont l’annonce donne vraiment envie d’y participer. Il y a un concours qui nécessite de s’inscire sur le site. Et puis en plus, comme il est dit dans la plaquette (Weblettres), le Forum recevra la visite de Xavier Darcos, notre Ministre en personne !

Lors de ma première visite j’ai eu l’impression d’être sur un site de l’Institution. En effet il y a à droite la présence rassurante du logo caractéristique de Ministère et puis on est un peu dans le même habillage graphique que le site de la Maison Mère. Mais juste après des indices qui ne trompent pas : les pages web au format .aspx, l’enfant qui écrit Imagine au tableau noir (souvenez-vous de la campagne publicitaire On imagine), et puis surtout notre expression rencontrée plus haut Enseignants Innovants ce qui en anglais donne Innovative Teachers. On trouve une carte du monde de ces Innovative Teachers. Regardez un peu ce que cela donne pour la France mais aussi graphiquement pour la Grèce, la Jordanie ou encore Hong-Kong…

Vous l’aurez deviné, Microsoft est partenaire de l’opération. Une présence discrète en bas de page d’accueil, bon dernier parmi tous les autres partenaires (dont cinq sont publics). Une discrétion qui contaste avec le fait que… Microsoft est propriétaire du nom de domaine du site !!! Il suffit en effet de faire une courte recherche depuis n’importe quel whois du net (par exemple ici) pour avoir les informations suivantes :

Copie d'écran Who Is forum-rennes2008.fr

Le Café Pédagogique peut toujours mettre son copyright Tous droits réservés en bas de toutes les pages du site (et Projetice son email pour le contact), il n’empêche que le propriétaire légal du nom de domaine www.forum-rennes2008.fr c’est Microsoft et uniquement Microsoft. Sans vouloir refroidir l’ambiance voici donc une manifestation dont l’un des partenaires est propriétaire du nom de domaine qui héberge la manifestation ! J’avoue avoir rarement vu ça. Et je ne suis pas certain que tous les participants, membres des associations ou inscrits au concours (qui doivent, j’imagine, mettre leurs documents sur le site), soient au courant de ce que j’appellerai une légère incongruité.

Je comprends mieux en tout cas l’absence de la plus libre de toutes les associations d’enseignants, l’association de professeurs de mathématiques Sésamath. Et pourtant, pour utiliser tous les jours la suite d’exercices libre Mathenpoche avec mes élèves, je puis témoigner que ce sont de formidables et authentiques innovative teachers. Vous en connaissez beaucoup vous des associations d’enseignants qui aient réussi à lancer avec succès une véritable petite bombe dans le milieu : des manuels scolaires libres et collaboratifs ?

Mais oublions ce Forum made in Microsoft et revenons à nos moutons en poursuivant la visite Projetice.

Pour ce qui concerne la rubriques Projets deux fiches pdf sont à disposition : Besoin de matériels ? et Accompagnement de projets. Sur la base d’un projet personnel TICE de l’enseignant on peut vous donc vous accompagner et vous prêter du matériel. Et pour le matériel on ne lésine pas : « chariot mobile (structure + 11 PC portables + dispositif wifi + vidéoprojecteur + appareil photo numérique + imprimante/scanner/copieur) – Tablet PC – Tableau Numérique Interactif – PDA »… Rien que ça ! Le tout en prêt… gratuit ! C’est alléchant non ?! Allez hop je signe tout de suite ! Je vois d’ici la mine réjouie de mon chef d’établissement annonçant fièrement aux parents d’élèves et à la collectivité que notre école est à la pointe des expérimentations TICE ! Quelles en sont les conditions ? « Il est simplement demandé à l’un des membres (au moins) de l’équipe pédagogique concernée d’adhérer à l’association. Un compte-rendu des actions menées doit être communiqué à l’association à intervalles réguliers et en fin de prêt. » Mais oui bien sûr, c’est la moindre des choses, où dois-je signer ?

Petite parenthèse. Pour le matériel ne pas s’étonner si, autre partenaire, c’est du HP qui débarque, à en croire les termes de ce document .doc (qui très étrangement traîne sur internet, mais à mon avis plus pour très longtemps). Quant au système d’exploitation présent dans tous ces petits bijoux technologiques, mieux vaut ne même plus se poser la question.

Petite anecdote photographique. L’accueil Éducation de Microsoft :

Copie d'écran du site Microsoft.fr

La rubrique Projets : Tablet PC de Projetice :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Il y a également d’autres photographies issues du site de Microsoft dans le livre blanc de Projetice (ainsi la gentille dame de la couverture on la retrouve ici, peu de chance qu’il s’agisse donc d’une vraie enseignante Projetice). Elles sont toutes non créditées (ou alors je suis passé à côté). Mais on a bien le droit de puiser dans le stock iconographique du partenaire. Pour votre gouverne on en trouve de toutes aussi jolies (et moins "formatées") sur le site Flickr.com restreint aux licences de libre diffusion Creative Commons, par exemple avec le tag education.

Vient ensuite le volet Actions, peu fourni pour le moment. Une page est consacrée au B2i et l’aide que l’association peut vous y apporter. Il n’y a qu’un seul lien sur cette page : un lien vers l’éditeur Nathan. Huit ans que le B2i existe mais aucune autre ressource n’est proposée (comme par exemple le logiciel libre GiBii que quasiment toutes les académies sont en train de déployer). Je suggère fortement à Projetice d’aller faire un tour chez leurs amis du Café Pédagogique pour pallier à cela.

Lorsque vous cliquez sur le site de Nathan vous arrivez sur un espace dédié pour « tester et évaluer le niveau de vos élèves dans le cadre du Brevet informatique et internet ». Ce genre de test en ligne n’est pas conforme à l’esprit du B2i qui doit être évalué dans les classes tout au long de l’année. Et ce genre d’annonce « Attention le site B2i est consultable uniquement sur PC et utlisant le navigateur Explorer » n’est pas conforme à l’esprit d’interopérabilité qui doit animer tout acteur des TICE.

Copie d'écran du site Nathan.fr

Du coup impossible de vous en dire plus avec mon navigateur libre Firefox sous système d’exploitation libre GNU/Linux Ubuntu. Sur la droite de l’accueil du site dédié de Nathan, on peut lire « Réalisé avec l’aide du programme Partenaire pour l’éducation de Microsoft Education ». Je commence à comprendre…

Continuons (courageuseument) notre petite investigation avec la rubrique Ressources. Dans la catégorie Fiches découvertes on vous propose de nombreux documents « permettant de découvrir des outils, des matériels, des logiciels ».

Microsoft Word, Microsoft Powerpoint, Microsoft Frontpage, Microsoft Encarta, Microsoft Windows Movie Maker, Microsoft Photorécit… Voilà un éditeur de logiciels propriétaires qui a la cote sur Projetice ! En cherchant bien on trouve néanmoins la présence de deux logiciels libres mais jamais cités en tant que tels (Audacity et Camstudio). Gageons qu’ils doivent se sentir bien seuls !

Exemple 1 :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Exemple 2 :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Créer un site avec Word ! C’est le parent d’élèves Tristan Nitot qui va être content ! Quant à Dreamweaver, il fait écho au tutoriel sur Flash MX. Ajoutez-y tous les logiciels cités plus haut et ça commence sérieusement à plomber le budget TICE d’un établissement scolaire (de quelles poches provient-il déjà ce budget ?). Parce que, petit rappel, dans un établissement scolaire il faut payer autant de licences de logiciels propriétaires qu’il y a de postes (assorti d’une interdiction faite à l’élève d’installer ces logiciels chez lui). Il en va tout autrement avec les logiciels libres.

Dans la catégorie Téléchargement, cinq logiciels propriétaires (dont deux sharewares et deux Microsoft) et, vous en doutiez ?, aucun logiciel libre. On y trouve ainsi l’anglophone Fun With Construction permettant de faire de la géométrie dynamique. Mais, feignons l’indignation, pourquoi diable ne pas citer Geogebra, Geonext ou, encore un projet Sésamath, Tracepoche ?

Regardons désormais un peu la rubrique Formation et commençons par la rubrique Se former. Je passe outre les formats de fichiers, nous ne sommes plus à ça près. Par contre je ne risque pas de passer outre la ressource suivante : « Aspects juridiques : droit et éducation – La lutte contre la copie illégale de logiciels ». Allez-y, cliquez dessus, C’est du format .ppt (Powerpoint) mais nous on a la suite bureautique libre OpenOffice.org pour l’ouvrir et la lire correctement, suite bureautique libre dont la renommée et la pertinence scolaire doivent être confidentielles puisque jamais citée par Projetice.

Je vous laisse un petit temps pour lire le document (et éventuellement pour encaisser le coup) en exposant ci-dessous trois copies d’écran du diaporama.

Diapo n°18

Projetice - Logiciels - Extrait

Diapo n°13

Projetice - Logiciels - Extrait

Diapo n°23

Projetice - Logiciels - Extrait

« Comment lutter contre ce problème ? En établissant une stratégie d’acquisition de logiciels afin de fournir les outils nécessaires aux besoins fonctionnels des utilisateurs, notamment ceux qui utilisent des postes fixes… » Mais d’où sort-il ce document ? Du sein de Projetice, de Microsoft, de la BSA ou des trois réunis ? Oh bien sûr, on y trouve aucune contre-vérité. Ils ont leurs experts. Tout est certainement juridiquement sans faille. Exemple (diapo n°10) : « Les logiciels sont ainsi considérés comme des œuvres de l’esprit : ils sont protégés par les droits d’auteur, ce qui indique clairement qu’ils ne peuvent être ni copiés, ni utilisés en dehors des conditions autorisées par leur auteur. Par conséquent, un logiciel sans licence d’utilisation est une contrefaçon. » Irréfutable en effet si l’on est en dehors des conditions autorisées et/ou sans licence. Le problème c’est qu’il donne la très désagréable impression que n’existent que les logiciels propriétaires (et leur réthorique de contrôle/coercition) dans le monde pourtant pluriel des logiciels.

Ce n’est pourtant pas compliqué de lutter contre ce problème sans la moindre stratégie d’acquisition parce que sans acquisition tout court (ce qui n’empêche pas le don et la facturation de services) en faisant fi de cette sombre histoire de postes fixes. Ce n’est d’ailleurs pas un problème mais c’est une solution. Et, désolé d’être un peu emphatique, cette solution porte un nom : le logiciel libre.

Nous pouvons en témoigner, le logiciel libre recouvre aujourd’hui tout le spectre des besoins applicatifs d’une école, d’un collège ou d’un lycée (si vous n’en avez jamais entendu parler, vous pouvez sous Windows tester les plus populaires d’entre eux en les installant sans risques sur votre clé USB). Et ce spectre va jusqu’au système d’exploitation lui-même. GNU/Linux (pour exemple la distribution Ubuntu) ou Windows Vista ? Telle est désormais la question et elle mérite sérieuse évaluation.

Je reconnais cependant que si vous envisagez de n’utiliser que des Tablet PC, Tableaux Numériques Interactifs et autres PDA, alors le logiciel libre et GNU/Linux ont un temps de retard (ce n’est d’ailleurs pas tant leur faute que celle des constructeurs). Mais, franchement, est-ce la priorité numérique de l’école que d’utiliser de tels outils aussi puissants soient-ils ?

Bon. Sachant cela, voici ce que pourrait donner la diapo n°13 dans un autre monde possible des logiciels. Quelques pratiques courantes dans les établissements scolaires utilisant des logiciels libres. Le logiciel libre se télécharge tout ce qu’il y a de plus légalement sur internet. On peut l’installer partout (sur les postes de l’école, sur les ordinateurs personnels des enseignants, des élèves…). Il peut-être copié autant de fois qu’on le souhaite. La diffusion d’un logiciel libre est non seulement autorisé mais même encouragé. Et on peut même le modifier pour l’adapter à ses besoins.

C’est tentant non ? Tellement tentant que j’ai envie d’adhérer de ce pas à l’APRIL pour soutenir le mouvement dans son ensemble et le suivre au quotidien sur LinuxFr.org !

Au lieu de cela Projetice nous propose d’aplomb ce document. Imaginez une seconde l’effet qu’il peut produire sur un enfant dans l’hypothèse où un professeur zélé membre de l’association aura eu la bonne idée de le projeter en classe !

Ce qu’un costard-cravate de Microsoft ne peut pas faire justement, vous me suivez ?

J’encours peut-être un risque à écrire ce qui va suivre mais tant pis. Dans un contexte éducatif proposer ce document en réussissant l’exploit de ne pas évoquer ne serait-ce qu’une seule fois les logiciels libres ce n’est plus une omission c’est de la propagande !

Mais calmons-nous et finissons tant bien que mal la visite. Dans la catégorie Vidéos Projets, un document a également retenu mon attention.

Copie d'écran du site Projetice.fr

Il a fallu que je retourne sous Windows (XP) pour lire la vidéo parce que mon GNU/Linux Ubuntu apprécie peu le format multimédia non libre de Microsoft, le format .wmv. Je vous invite à la regarder à votre tour parce que c’est très intéressant. Publicité Microsoft ou documentaire de pratiques pédagogiques ? À vous de juger. En tout cas tous les logiciels de la suite bureautique propriétaire MS Office de Microsoft sont bien cités. Je ne nie pas le fait que par rapport au référentiel du BTS en question cette suite soit peut-être le meilleur choix mais je me demande tout de même pourquoi le CRDP Orléans-Tours a éprouvé le besoin d’apposer le sceau de l’Institution à ce publi-reportage.

Dans la catégorie Tutoriels vidéos 26 ressources au format .wmv (à ce propos jetez un coup d’oeil à l’URL de la page avec ses "training et ses "webcasts", tout le reste du site est à l’avenant). 15 ressources concernent Excel et 5 Word. Et par n’importe quelle version de ces deux logiciels, la toute dernière, la 2007. N’oubliez pas de vous mettre à jour et donc de repasser à la caisse !

Copie d'écran du site Projetice.fr

Sinon il y a également une page Questions fréquentes : Comment devenir membre de Projetice ? Pourquoi devenir membre de Projetice ? etc. Et puis plus bas… cette question : « Mon ordinateur est un peu ancien et je ne dispose pas des dernières versions des logiciels que j’utilise. Cela pose-t-il problème pour tirer profit du site Projetice ? »

Réponse Projetice : « Le site Projetice ne nécessite pas de disposer des configurations et logiciels les plus récents. Le programme est compatible avec Microsoft Windows® 98, Windows Millennium ou Windows XP, et avec Microsoft Office 97 ou version ultérieure. Une connexion Internet haut débit facilite le téléchargement des ressources. »

Copie d'écran du site Projetice.fr

Je reconnais avoir été d’emblée un peu choqué par la réponse fournie. Mais à la réflexion, c’est du bon sens. Mieux vaut en effet posséder Windows XXX et MS Office pour tirer pleinement parti des ressources du site !

Mise à jour du 16 février : Projetice a depuis ainsi modifié sa réponse : « Le site Projetice ne nécessite pas de disposer des configurations et logiciels les plus récents. Une connexion Internet haut débit facilite le téléchargement des ressources. » Plus aucune mention de Microsoft et de son système d’exploitation Windows.

Pour comparer : La page Questions fréquentes photographiée par Internet Archive le 29 décembre 2006.

Toujours est-il que je la trouve un peu légère cette Foire Aux Questions. On pourrait y ajouter d’autres questions. Non pas : Faut-il être un partisan de l’informatique propriétaire en général et de Microsoft en particulier pour adhérer à l’association ? Ce ne serait pas sérieux. Mais par exemple : Mon établissement scolaire envisage de renouveler une partie de son parc informatique. Il hésite à passer à Windows Vista qui serait dit-on très gourmand en ressources et nécessiterait par conséquent l’achat d’un matériel fort coûteux. Qu’en pensez-vous ? Ou encore, corollaire de la question précédente : J’ai entendu parler de nouveaux ordinateurs nomades vraiment pas chers qui reposent sur GNU/Linux et des logiciels libres comme l’Eee PC ou l’ OLPC. Me conseillez-vous de les acheter pour mon école ?

Mais j’ai gardé le meilleur, si j’ose dire, pour la fin : le pied de page du site.

Dans l’onglet La presse en parle des articles du Dauphiné Libéré, de La Provence et même du Monde de l’Éducation. Ils pourront désormais y ajouter le Framablog.

Et puis arrivent les deux pages Confidentialité et Conditions. Vous savez, les trucs qu’on ne lit jamais (sauf peut-être justement ceux qui sont familiarisés avec le logiciel libre sachant qu’un tel logiciel n’existe que parce qu’une licence libre l’accompagne).

Mise à jour du 16 février : Deux ans que le site existe. Deux ans que ces Confidentialité et Conditions étaient en ligne. Et il aura fallu qu’un simple internaute ait la curiosité de voir un peu dans le détail de quoi il en retourne pour qu’elles disparaissent illico. Le lien Confidentialités pointe désormais sur un très court message : « Le site public de Projetice ne contient aucune donnée à caractère personnel. Le site privé est hébergé par Itop qui assure lui-même la confidentialité des données personnelles dans le cadre de son Environnement Numérique de Travail NetLycée sur lequel est hébergé le site www.projeticiens.org ». Quant au lien Conditions son contenu a disparu. Bien entendu je m’en réjouis. Mais je ne puis m’empêcher de penser à tous les professeurs qui dans l’intervalle ont adhéré à Projetice et placé des documents sur le site sans avoir lu les termes de ce contrat.

Pour comparer : Les pages Confidentialité et Conditions photographiées par Internet Archive le 29 décembre 2006.

Copie d'écran du site Projetice.fr

La page Confidentialité expose les conditions de collecte de vos données personnelles.

Extrait 1 : « Le Site peut également collecter des informations anonymes sur votre visite, dont le nom de votre fournisseur d’accès Internet et l’adresse IP utilisés pour accéder à Internet, la date et l’heure d’accès au site, les pages auxquelles vous accédez sur le Site et l’adresse Internet du site Web à partir duquel vous êtes arrivé sur notre site. Ces informations sont destinées à l’analyse des tendances et à l’administration et l’amélioration du Site. »

Soit.

Extrait 2 : « Les informations personnelles collectées sur le Site peuvent être stockées et utilisées aux États-Unis ou dans tout autre pays où Projetice, ses filiales, ses partenaires ou ses agents sont présents. En utilisant le Site, vous consentez à de tels transferts de vos informations personnelles en dehors de votre pays. Projetice respecte et se conforme au cadre du Safe Harbor comme mis en avant par le Département du Commerce des États-Unis en ce qui concerne la collecte, l’utilisation et la rétention de données en provenance de l’Union Européenne. »

Yes Sir, I Will ! (but what is a Projetice agent exactly ?)

Extrait 3 : « Projetice utilise parfois d’autres entreprises pour fournir certains services de sa part. Il peut s’agir par exemple de l’hébergement de sites Web, de l’empaquetage, de l’expédition et de la livraison de prix, de réponses à des questions posées par un client sur les produits et services. Nous ne transmettrons à ces entreprises que les informations personnelles nécessaires à leur service. En acceptant les conditions d’utilisation du site Projetice.fr et la présente déclaration de confidentialité vous consentez à ce que vos données fassent l’objet d’un tel transfert aux dites entreprises. Ces entreprises sont tenues de respecter la confidentialité de ces informations et ne peuvent en aucun cas les utiliser dans un autre but, notamment à des fins de prospection commerciale. »

Pourquoi donc me parler à moi, enseignant membre d’une association d’enseignants : d‘autres entreprises, de prix et de transfert de mes données à ces entreprises ?

Surtout que, extrait 4 : « Il arrive que cette déclaration de confidentialité soit mise à jour. Dans ce cas, nous corrigeons la date de « dernière mise à jour » en haut de la déclaration de confidentialité. En cas de modifications substantielles de cette déclaration, nous vous le signalerons en plaçant une notice visible sur la page d’accueil du site Web ou en vous envoyant directement une notification. Nous vous encourageons à consulter régulièrement cette déclaration de confidentialité afin de rester informé de comment nous vous aidons à protéger les informations personnelles que nous collectons. L’utilisation continue de ce service constitue votre accord quant à cette déclaration de confidentialité et à ses mises à jour. »

Elle est potentiellement bien volatile c’est déclaration de confidentialité !

Penchons-nous pour finir (en beauté) sur les Conditions d’utilisation du site.

Extrait 1 (dit Les Services) : « A travers son réseau Internet, Projetice vous fournit l’accès à une grande variété de ressources, y compris des outils de développement, des espaces de téléchargement, des forums de discussion et l’information sur les produits (appelés "Services "). Les Services, y compris toutes les mises à jour, les perfectionnements, les nouveaux dispositifs, et/ou l’ajout de n’importe quelles nouvelles propriétés, sont soumis aux conditions d’utilisation. (…) Sauf spécification contraire, les Services sont destinés à un usage personnel et non-commercial. Sont interdits : toute modification, création de travaux dérivés, utilisation sur un autre site, reproduction, publication, diffusion, commercialisation des informations, logiciels produits ou services obtenus sur ce site. »

Euh… Sommes-nous vraiment sur un site d’enseignants censé « s’appuyer sur la mutualisation des pratiques par les enseignants et des questions techniques et pédagogiques qu’elles soulèvent ». À moins que l’intégralité du site soit sous spécification contraire, j’y vois une certaine incohérence avec la dernière des Questions Fréquentes : Est-il possible de partager les ressources téléchargées sur le site Projetice avec d’autres collègues ? Réponse (sibylline) de Projetice : Vous pouvez profiter de toutes ces ressources de notre site avec vos collègues.

Mise à jour du 16 février : La réponse (sibylline) de Projetice a été modifiée depuis ainsi : « Les ressources proposées sur le site sont libres et disponibles sans aucune restriction. ». Toutes les restictions mentionnées plus haut se sont donc envolées ! Il n’est pas encore précisé sous quelle licence ces ressources sont libres. J’imagine que cela ne saurait tarder.

Extrait 2 (dit Les logiciels) : « Tout logiciel disponible pour téléchargement à partir de ce Site (le « Logiciel ») est protégé par les droits d’auteur de Projetice et/ou de ses fournisseurs. L’utilisation du Logiciel est régie par les termes du contrat de licence utilisateur final, s’il existe, qui est inclus dans le Logiciel ou qui l’accompagne (le « Contrat de licence »). L’utilisateur final doit accepter les termes du Contrat de licence pour pouvoir installer le Logiciel… »

STOOOP ! Pas la peine de poursuivre. Je vous livre le secret.

Vous prenez la page Mentions Légales du site de Microsoft et dans le corps du texte, à chaque fois que vous voyez le mot Microsoft vous le remplacez par Projetice. Simple non ?! Un trivial rechercher/remplacer ! (pour la confidentialité c’est moins grossier mais cela se passe sur cette page)

Du coup ça donne des petites choses assez cocasses :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Et :

Copie d'écran du site Projetice.fr

« Le fabricant est Projetice Corporation, One Projetice Way, Redmond, WA 98052-6399. » Et voilà notre association d’enseignants français qui se transforme en un fabricant d’une corporation domiciliée à Redmond USA, c’est-à-dire exactement à la même adresse postale que Microsoft !!!

Il est grand temps de conclure je crois.

Une dernière chose.

Vous vous souvenez ? L’enseignant alléché par le prêt gratuit de somptueux matériels dernier cri. On ne lui demandait rien d’autre qu’une adhésion et des compte-rendus à intervalles réguliers. Bon ben nous y sommes avec le paragraphe Documents fournis à Projetice ou postés sur le Site.

Copie d'écran du site Projetice.fr

Extrait 3 (dit Mes documents) : « Projetice ne réclame pas la propriété des documents que vous lui fournissez (y compris les suggestions et commentaires), que vous envoyez, téléchargez ou enregistrez sur n’importe quel Service et services associés pour la visualisation par le grand public, ou par les membres de toute communauté privée ou publique. Cependant, en postant, en téléchargeant, en entrant, en fournissant ou en soumettant ("postant") votre contribution, vous accordez à Projetice, à ses sociétés apparentées et associées la permission d’employer votre contribution en liaison avec ses activités Internet (comprenant, sans limitation, tous les services de Projetice), y compris, sans limitation, les droits de : copier, distribuer, transmettre, montrer publiquement, exécuter publiquement, reproduire, éditer, traduire et restructurer votre contribution ; pour publier votre nom en liaison avec votre contribution ; et le droit de céder de tels droits à tout fournisseur des services et ce pour la durée de validité des droits d’auteur et pour le monde entier. Aucune compensation ne sera payée en ce qui concerne l’utilisation de votre contribution, de la manière prévue ci-dessus. Projetice n’a aucune obligation de poster ou d’employer n’importe quelle contribution que vous pouvez fournir et peut enlever n’importe quelle contribution à tout moment, à sa seule discrétion. »

Voici donc très exactement ce que Projetice peut faire avec votre compte-rendu ou tout autre document que vous aurez placé sur son site. Et elle peut en faire des choses ! Éditer, traduire et restructurer sans limitation votre contribution pour le monde entier, vous appelez cela comment vous ? Vous d’ailleurs qui n’êtes pas tout à fait à la même enseigne (rappel de l’extrait 1 ci-dessus) : Sauf spécification contraire, les Services sont destinés à un usage personnel et non-commercial. Sont interdits : toute modification, création de travaux dérivés, utilisation sur un autre site, reproduction, publication, diffusion, commercialisation des informations, logiciels produits ou services obtenus sur ce site. En plus il n’y a pas que Projetice qui peut faire des choses avec votre contribution, il y a toutes les sociétés apparentées et associées (et jamais nommées).

Admettons, ça n’est qu’un cas d’école, que Microsoft fasse partie de ces sociétés apparentées ou associées. Alors elle peut en toute légalité restructurer votre contribution (par exemple avec un joli et fort visible logo). Puis la présenter sous votre nom dans le monde entier pour montrer comment les enseignants français font tout plein de belles choses avec les TICE et… avec Microsoft ! Bien entendu rien ne dit qu’elle le fera. Et si tel était le cas il est fort possible que cela vous convienne. Il est fort possible que vous en soyez même flatté. Mais dans le cas contraire cette petite explicitation n’était peut-être pas inutile.

Toujours est-il que baignant dans la culture libre depuis des années, ce n’est pas le genre de contrat que je suis habitué à rencontrer. Jamais je n’aurais pu imaginer un site d’enseignants proposer de telles conditions aux collègues. Surtout, je me répète une dernière fois, quand on en appelle dans son livre blanc à la mise en commun et la mutualisation des ressources. À comparer avec les licences de documents les plus adaptées à l’école à l’heure actuelle, les licences Creative Commons.

Ouf ! Voilà. Fin de la visite. Désolé d’avoir été aussi long mais je dois dire qu’au cours de ma petite enquête j’ai été de découverte en découverte. La dernière étant l’étrange impression que personne ne semble voir là un problème ou tout du moins l’écrire publiquement. Sauf à penser que je suis le seul à y voir un problème…

Il n’en demeure pas moins que, comme cela a été dit en préambule, j’ai eu beau chercher, pas une mention du logiciel libre (ni a fortiori de GNU/Linux) sur le site. Un assourdissant silence mais un silence me semble-t-il compréhensible à la lumière de cet exposé.

Un exposé qui malgré tout ne doit pas nous exonérer de la question de l’espace libre (sic !) occupé actuellement par Projetice et affiliés (je pense en particulier aux interventions dans les classes qui répondent à un réel besoin et à une réelle demande). Un exposé non exempt de commentaires péremptoires et sarcastiques (à la limite de l’arrogance parfois) qui ne s’imposaient peut-être pas. Un exposé, j’en conviens fort bien, sélectif et orienté. Mais un exposé néanmoins factuel puisque je me suis borné aux informations que j’ai pu lire sur le web tout comme pourrait le faire n’importe quel internaute.

Un exposé enfin que j’ai souhaité, j’ose le mot, pédagogique et que j’ai tenté dans la mesure de mon possible de rendre accessible (d’où la présence de nombreux liens connexes). Car, pourquoi le nier, j’espère dépasser ici la sphère des initiés et toucher un maximum d’enseignants, parents d’élèves et plus généralement tous ceux qui se sentent concernés par les questions éducatives dans la société de l’information.

Ce ne sera pas facile parce nous ne disposons clairement pas des mêmes moyens (marketing, etc.) et des mêmes leviers (lobbying, etc.) que Projetice et son partenaire. Un partenaire dont je signale ou rappelle au passage qu’il est également engagé globalement depuis des années avec l’Éducation Nationale via des accords de coopération qui ne nous facilitent pas la tâche. Du coup je peux aussi objectivement mettre une croix sur l’espoir d’un quelconque relai institutionnel (et je ne vous parle même pas du Café Pédagogique dont ce billet signe certainement l’arrêt de mort des annonces du réseau Framasoft sur son site).

Je compte donc sur internet, c’est-à-dire sur vous si vous le jugez opportun, pour réussir malgré tout à diffuser le présent article et atteindre le plus large public possible. Un peu pour mettre en garde les collègues enseignants des choix implicites de l’association Projetice. Beaucoup pour évoquer une discrète mais habile stratégie d’entrisme de Microsoft à l’école française. Passionnément parce que je crois à l’alternative du logiciel libre non seulement pour l’école mais pour l’ensemble de la société.

Running with the seagulls - Eschipul - CC BySa

PS : Il va sans dire que les colonnes de ce blog sont ouvertes à un droit de réponse qu’il provienne de Projetice, de Microsoft France Éducation, des deux ensemble ou des deux réunis.

L’illustration finale est une photographie de Eschipul intitulée Running with the seagulls disponible sur le site Flickr.com sous licence Creative Commons By-Sa.




Mon ministère me désespère… ou le fabuleux non destin du logiciel libre à l’école française

Not a happy end - Miikas - CC BySa

Un billet d’humeur péremptoire et de parti-pris qui n’engage que moi… [1]

Il était une fois un professeur qui décida d’écrire une lettre à son Ministre de l’Éducation.

En voici la conclusion : « La thèse défendue ici revient à dire à peu près ceci : en utilisant les logiciels libres, non seulement on effectue des économies spectaculaires pour le matériel, non seulement on se libère des logiques que tentent d’imposer les grandes multinationales de l’informatique, mais, en plus, on se met en relation avec l’un des foyers les plus vivants de la société qui est en train de se créer, celle de l’intelligence distribuée. Cette intelligence distribuée a déjà donné quelques résultats spectaculaires. La recherche scientifique en est l’exemple historique le plus éclatant, mais, plus près de nous, Internet, Linux, la Toile témoignent aussi de la validité du concept. Cette intelligence distribuée, en fait, ne fait que commencer à faire sentir ses effets et ils vont être majeurs. De grandes surprises attendent les instances politiques et commerciales qui ne vont pas bien en saisir les enjeux. Le maillage massif, sur des modes originaux, de centaines et de milliers d’esprits va conduire à de nouvelles formes de territoires, d’identités et donc de réalisations. Le schéma offert ci-dessus, tout en permettant de fonctionner mieux que jamais dans la société d’aujourd’hui, prépare déjà la société de demain. Or, ceci correspond exactement à l’enjeu fondamental d’une vraie politique de l’éducation. »

Ce professeur c’est Jean-Claude Guédon[2] et ce « il était une fois » est de rigueur puisque son document fut rédigé en… octobre 1998. Dix ans déjà ! Autant dire une éternité à l’échelle des temps numériques…

Certes Jean-Claude Guédon s’adressait à son propre ministre québécois et non à son homologue français. Certes il y a dix ans le logiciel libre était loin de sa maturité actuelle (et Wikipédia n’existait pas !). Il n’empêche que les arguments avancés étaient pourtant simples à comprendre. Il n’empêche que « gouverner c’est prévoir » et qu’au Ministère de l’Education nationale française, c’est bien simple, on n’a, durant cette longue période, strictement rien prévu d’envergure en faveur du logiciel libre.

Nous aurions dû montrer l’exemple et être en tête du mouvement. C’est à peine si on arrive à le suivre lamentablement.

Oh, bien sûr il s’en est passé des choses en dix ans et heureusement ! Il faut dire que l’Éducation Nationale dépasse le million de fonctionnaires qui jouissent tout de même d’une certaine liberté. De très nombreux professeurs ont adopté des logiciels libres. De très nombreux projets libres éducatifs ont vu le jour, il est vrai souvent soutenus localement par des académies (heureusement que le système est un tant soit peu décentralisé soit dit en passant). Mais tout ceci ne s’est fait au départ qu’à la base et à la marge.

Par nature et par culture, je me méfie des décrets et autres directives autoritaires venus d’en haut. Mais on aurait pu et on aurait dû être bien plus courageux et volontariste à la rue de Grenelle vis-à-vis du logiciel libre. On aurait dû encourager et accompagner avec force et conviction l’utilisation massive du logiciel libre à l’école. On aurait dû organiser des plans de migration du propriétaire vers le libre. On aurait dû soutenir réellement tous ces projets libres dont certains s’épuisent ou sont carrément morts de n’avoir pu trouver le temps et l’argent pour se développer.

Comment se fait-il qu’au sein des différents cabinets des ministres qui se sont succédés on n’ait pas remué ne serait-ce que le petit doigt vis-à-vis du logiciel libre ? Il n’y a que deux hypothèses en guise de réponse. Soit ils n’étaient pas au courant. Soit ils étaient au courant mais ont jugé que (tout faire pour) favoriser l’usage du logiciel libre à l’école n’était pas le bon choix. Soit irresponsables soit coupables en quelque sorte…

Alors voilà. Aujourd’hui on nous annonce que la Gendarmerie Nationale, après avoir fait le choix radical et unilatéral d’OpenOffice.org pour sa suite bureautique, se prépare à migrer tous ces postes clients vers GNU/Linux Ubuntu. De plus en plus de pays déploient ouvertement du Linux dans leurs écoles (le dernier en date : les Philippines). De plus en plus de pays affirment sans ambiguité que le nouveau système d’exploitation Windows Vista n’est pas bon pour l’école et qu’il convient d’utiliser des formats ouverts (le dernier en date : l’Angleterre).

Et chez nous ?

Rien.

Ah si, j’oubliais. Monsieur Darcos vient d’installer la mission « E-educ » sur les technologies de l’information et de la communication pour l’Enseignement. Extrait du communiqué de presse : « Le ministre va confier à Jean Mounet, président de SYNTEC informatique, une réflexion globale et ambitieuse visant au développement des technologies de l’information et de la communication pour l’Enseignement (TICE) au sein du monde éducatif. Cette mission, d’une durée de trois mois, rassemblera des représentants de l’Éducation nationale et des professionnels du secteur informatique. Les propositions feront l’objet d’un rapport qui sera remis à Xavier Darcos courant avril aux fins d’envisager de nouvelles actions dès la rentrée 2008. »

Pensez-vous que, comme le récent rapport Attali, le logiciel libre soit cité dans la lettre de mission ? Pensez-vous que le logiciel libre soit représenté au sein de la commission ?[3] Par contre, tiens, tiens, on y trouve non pas un, non pas deux, mais trois membres de la société Microsoft !

Il y a des jours comme cela où l’on se demande vraiment si créer Framasoft et y dépenser tant d’énergie valait vraiment le coup…

GHCA Computer lab running Gentoo Linux - Extra Ketchup - CC BySa

Notes

[1] Illustrations : Not a happy end de MiikaS et GHCA’s Computer Lab Running Gentoo Linux d’Extra Ketchup sous licence Creative Commons By-Sa.

[2] Fichtre, pas de lien Wikipédia vers Jean-Claude Guédon, il va falloir y remédier !

[3] On nous invite tout de même à nous exprimer sur un forum dédié. Si le cœur vous en dit…




Tapis rouge pour Microsoft à Paris

On pourra le justifier avec un flot de belles paroles mais pourquoi le Louvre à Abou Dhabi si ce n’est avant tout pour une question de gros sous.

C’est un peu la même chose me semble-t-il qui se profile avec le partenariat numérique qui sera annoncé mardi 29 janvier entre la ville de Paris et Microsoft. Nous n’en connaissons pas encore avec précision les tenants et les aboutissants si ce n’est que Bill Gates en personne se déplacera pour l’occasion.

Et voici donc le libre qui recule a priori de deux cases dans la Capitale au moment même où s’ouvre Solutions Linux 2008 (Framasoft y sera soit dit en passant).

Pour illustrer[1] mon propos il a été décidé de reproduire ici (à sa demande mais bien volontiers) un tout récent article de Jean-Christophe Frachet[2] dont nous partageons les inquiétudes et le désappointement.

Velib et plantage Microsoft - boklm - CC BY-SA

Syndrome de Stockholm ou syndrome de Redmond, Bertrand Delanoé jetterait-il Paris dans la gueule du loup ?

Jean-Christophe Frachet

Le syndrome de Stockholm peut se caractériser le développement d’un sentiment de confiance, voire de sympathie des otages vis-à-vis de leurs ravisseurs et par le développement d’un sentiment positif des ravisseurs à l’égard de leurs otages.

Il semble bien que tous les éléments soient réunis pour que les utilisateurs de windows changent encore d’ordinateur pour pouvoir installer la dernière version « Vista », pour acheter Microsoft Office au lieu de télécharger librement Open Office et passer du temps à réinstaller leurs programmes qui plantent régulièrement en ayant l’impression de faire de l’informatique. Et bien sûr, tout en payant plusieurs centaines d’Euros pour racheter ce qu’ils ont déjà payé, combien de version de Windows et de pack office ont-ils déjà acheté ?

L’habitude, le temps passé à comprendre la complexité (inutile ?) de ces logiciels et la non connaissance d’autres environnement informatiques rassurent l’utilisateur qui pense ne pas pouvoir éviter l’éditeur de Redmond, celui-ci étant devenu hégémonique.

Le 29 janvier 2008, Bertrand Delanoë et Bill Gates signent un partenariat numérique pour Paris. Ce serait pour former les demandeurs d’emplois aux métiers de l’informatique, mais c’est les obliger s’acquitter de la dîme pour travailler. Ce serait aussi pour apporter un soutien aux entreprises développant des solutions logicielles en faveur de la protection de l’environnement, mais n’est-ce pas aberrant d’être obligé de changer d’ordinateur parce que Windows est de plus en plus gourmand en ressources informatique ? c’est une des cause de la pollution informatique et de la consommation électrique grandissante. Ce serait aussi pour l’administration électronique ? mais c’est une nouvelle privatisation du service public alors qu’il existe des solutions libres. Quand à un “espace sportif numérique”, cela se saurait si la manipulation de la souris était bonne pour la santé.

Quelle mouche a donc piqué Bertrand Delanoé ? Alors que Paris pourrait être le fer de lance français et international d’une autre société de l’information, basée sur le partage, l’échange et la mutualisation, le Maire de Paris livre les Parisiens aux griffes du plus grand éditeur mondial américain.

Les systèmes d’informations, les logiciels et l’informatique ne sont pas des marchandises comme les autres. Il s’agit de manager la connaissance, de gérer des informations nous concernant tous et de moderniser les services publics. Il s’agit d’éducation, d’information et d’accès à la culture. Les systèmes d’information ont complètement envahi notre quotidien, internet, réseaux, télévision, téléphone,… Ces systèmes gèrent l’ensemble de nos activités, privée, publiques et professionnelles.

Toute décision dans ce secteur est politique avec des implications dans le court mais aussi dans le moyen et long terme.

Cette décision de contractualiser avec Microsoft est importante et c’est un signe vers les autres collectivités et les capitales du monde entier. Elle a été prise sans aucune concertation avec les élus, les associations et les citoyens. C’est la négation de la Politique avec un grand « P » au profit des lobbies.

Soit, le Maire de Paris ne mesure pas ce que cela signifie pour le bien commun dans la société de l’information, l’intérêt des Parisiens et pour la rationalisation de l’argent public,

Ou alors il le sait, et il vend Paris, certes avec une bonne remise, à l’éditeur de logiciel américain en le recevant comme un chef d’état comme l’avait fait J. Chirac, pour un bénéfice financier à très court terme,

Ou bien il s’en fiche et fait un simple coup de communication, ce qui serait bien décevant pour celui qui brigue un second mandat dans une des plus belles villes du Monde.

Faire de la politique, ce n’est pas une liste de courses avec un savant saupoudrage de mesures afin de satisfaire un peu tout le monde. Il s’agit d’avoir une réelle direction idéologique, d’avoir des valeurs et d’agir en cohérence avec celles-ci.

Cette décision est antinomique avec l’intérêt des Parisiens et du service public.

Berceau de la Révolution Française et du siècle des lumières, après avoir enfanté la déclaration de l’homme et du citoyen, c’est indigne de la capitale de la France de faire acte d’allégeance à un multimilliardaire américain, fût-il le fondateur d’une entreprise qui a racketté les utilisateurs d’ordinateurs pendant 25 ans jusqu’à devenir le plus riche du monde.

Notes

[1] La photographie d’illustration est signée Boklm sous licence Creative Commons By-Sa. Elle montre une borne Vélib’ gérée par Microsoft en proie à un magnifique BSOD (Blue Screen Of Death, ou écran bleu de la mort caractéristique des plantages Windows). Pff, quand on pense que dans Vélib‘ il y a le mot liberté

[2] Jean-Christophe Frachet est Délégué National du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) aux enjeux et prospectives des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication et Conseiller du 2è arrondissement de Paris Délégué aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication et au développement économique.




Largage de liens en vrac #1

Mr JZ - CC byAyant accumulé trop de liens sur de nouveaux (ou plus anciens) logiciels libres que je juge à l’intuition intéressants, et donc futurs éventuels candidats potentiels[1] pour notre annuaire, j’ai décidé de m’en débarrasser ici en vrac (de chez vrac). En fouillant bien, vous y trouverez peut-être quelque chose d’utile… [2]

  • Wubi : Installer Ubuntu depuis Windows comme un simple programme ! Tout à fait étonnant et qui plus est bien pratique pour découvrir ou faire découvrir Ubuntu dans la mesure où l’on n’a pas besoin de partionner son disque ou d’avoir un CD d’installation à disposition. On installe Wubi (10Mo) et c’est lui qui vient chercher tout seul Ubuntu sur internet (700 Mo tout d’même !). Faut voir à l’usage quelles sont les contraintes. J’imagine déjà que c’est un poil plus lent.
  • Rockbox : Le firmware libre pour votre lecteur mp3. Alors là je suis bluffé par le boulot de cette équipe dont le firmware est supporté par de très nombreux lecteurs (iPod, iriver, Archos…). Rockbox a définitivement remplacé le firmware d’origine (qu’il n’écrase pas) sur mon iPod Nano et je me sens tout simplement libre et happy ! Fini les iTunes & compagnie. Je peux lire les .ogg et je peux même jouer à Frozen Bubble dans le métro en heure de pointe. Cf cette petite vidéo pour mieux comprendre la chose avec… Doom inside !
  • Collabtive : Petit groupware sexy à la sauce web 2.0.
  • Alfresco : « Alfresco offre une vraie alternative Open Source pour la Gestion de Contenu d’Entreprise (ECM) – Gestion de Documents, Collaboration, Gestion des Archives/Enregistrements légaux, Gestion de Contenu Web et Gestion des Documents Numérisés. » PME/PMI, à vos marques, prêts…
  • Box2D Physics Engine : Euh… je ne sais pas trop comment vous le décrire. Y’a des objets en 2D qui bougent et non seulement ça fait joli mais en plus ça semble avoir des vertus pédagogiques. Regardez un peu ce que cela donne en portage Flash. Si j’étais prof de sciences physiques je m’y mettrais tout de suite !
  • jobberBase : Plate-forme web libre d’offres et recherches d’emplois qui semble tenir parfaitement la route. Non encore francisé (il ne tient qu’à nous…). Me trompe-je mais je crois bien que la communauté francophone du logiciel libre ne possède pas de site (ouverte et indépendant) dédié à cela digne de ce nom ? Cela pourrait être pertinent de créer un tel site (avec justement jobberBase comme outil) pour mettre tout ce joli petit monde en relation. Cette idée, qui peut rapporter gros, est sous licence Creative Commons BY-SA 😉
  • No plagia : « No plagia est une application web de detection de plagiat sur internet développé dans le cadre d’un travail d’etude et de recherche à la faculté des sciences de Luminy par 3 étudiants. » Ce sont les profs de lycée qui vont être contents !
  • Open Flash Chart : Vous n’aimez pas le Flash et vous n’avez pas besoin de jolis graphiques pour votre site web ? Alors cette solution ne vous conviendra pas !
  • Processing : C’est pas vraiment une nouveauté (loin de là) et c’est pas vraiment un logiciel non plus puisqu’il s’agit d’un langage de programmation et environnement de développement tout particulièrement adapté à la création plastique et graphique interactive (en Java). Les résultats sont impressionnants et il commence à être enseigné dans les écoles d’art.
  • Parted Magic : Dans la catégorie outil de partition de disque, on avait Gparted sur CD. Parted Magic rend a priori la chose encore plus intuitive et, cerise sur le gâteau, se met facilement sur une clé USB. Peut servir par exemple pour préparer l’arrivée de GNU/Linux sur votre machine.
  • PrestaShop : « Une solution professionnelle d’e-Commerce robuste que vous pouvez télécharger, installer et utiliser gratuitement ! » Sur le papier ça a vraiment de la gueule (et c’est issu de la francophonie).
  • Magento : Une autre solution pro d’e-Commerce qui semble avoir la côte en ce moment. Le libre commence à avoir l’embarras du choix dans le domaine…
  • Pligg : Vous souhaiter faire votre propre Digg ? Alors Pligg est la meilleure solution libre à l’heure actuelle.
  • Drigg : Enfin peut-être pas la meilleure solution surtout si vous êtes un adepte de Drupal puisqu’avec ce module vous obtenez peu ou prou la même chose.
  • Elgg : Un clone de MySpace / Facebook (je n’en sais pas plus).
  • Correo : Un client de messagerie basé sur Thunderbird.
  • ClamXav : Et voici que le célèbre antivirus ClamAV se décline aujourd’hui pour Mac OS X. Vous me direz (avec un brin de suffisance) que les utilisateurs Mac n’en ont pas besoin. Certes, m’enfin si un tel portage vient de voir le jour c’est qu’il doit bien y avoir une raison 😉
  • Transmission : Un client bittorrent qui comble peut-être une lacune dans l’univers Mac.
  • MacVim : Comme son nom l’indique, un portage de Vim sous Mac OS X qui comblera les geeks.
  • Bitnami : Celui-là j’en aurais bien fait un billet blog à lui tout seul. C’est vraiment une solution pratique et originale si vous souhaitez tester en local tout plein de CMS, blogs, wikis, forums. Quel que soit votre OS, plus besoin de s’embêter avec l’installation d’un serveur AMP (Apache, MySQL, PHP) et la création de bases MySQL puisque c’est intégré à même le pack de téléchargement pour chaque logiciel choisi. Le revers de la médaille c’est qu’on aura autant de serveurs AMP que d’applications installées avec Bitnami (avec la taille du pack de téléchargement en conséquence). Mais si vous ne souhaitez travailler qu’avec une solution bien définie (comme Drupal, Joomla, WordPress, Mediawiki, Docuwiki, phpBB) alors c’est vraiment intéressant. De plus chez Windows tout peut s’installer sur un clé USB et chez Linux il vous fournit donc un serveur AMP clé en main (dès fois que vous aviez des problèmes pour en installer un).
  • PhatFusion : Un bibliothèque de javascripts qui donne un look pro (et web 2.0) à vos sites webs.
  • Shadowbox : Dans la même série on trouve ce javascript libre qui permet d’ouvrir une fenêtre pour y mettre un peu ce que l’on veut dedans (images, vidéos…).
  • Blueprint : Un framework vraiment utile pour démarrer un site web et bien organiser sa mise en page et ses CSS (cf la très pratique grille).
  • ie7-js : Un javascript qui tente (et semble pas mal réussir) à faire en sorte qu’Internet Explorer se rapproche des standards du web en corrigeant un paquet de limitations CSS / HTML. Par exemple il résoud le problème de la transparence du format .png. Il est possible que ce script devienne indispensable à tout webmaster (jusqu’à ce qu’IE disparaisse définitivement de la scène, mais on n’en est pas encore là).
  • Diferior : Un CMS de plus, orienté blog, dont la particularité est de proposer un tracker bittorrent intégré. Pour mieux partager des ressources libres bien sûr !
  • Kantaris Media Player : Une surcouche graphique au célèbre lecteur multimédia VideoLan. Uniquement pour Windows. A priori pour rendre l’interface graphique plus sexy (ou, aïe, pour le rendre plus proche de Windows Media Player).
  • Chyrp : Encore un moteur de blog. Celui-ci semble simple et joli (avec de l’Ajax inside). Mais, bon, je sais pas trop si on en a vraiment besoin avec nos WordPress et Dotclear…
  • Laser Tag 2.0 : Un projet délirant mais enthousiasmant qui permet de graffiter électroniquement n’importe quelle facade avec un simple ordinateur, une caméra et un vidéo-projecteur (cf la photo d’illustration[3] de ce billet et plus généralement cette succession de pages). Utile en période de guérilla urbaine ! On est d’ailleurs en train de se déployer place de l’Etoile pour dessiner très prochainement tout plein des manchots et des gnous sur l’Arc de Triomphe à Paname (ça nous changera de Zidane en Adidas).

Bon ben voilà, ça fait du bien. Mes bookmarks se sentent plus léger désormais. Selon les retours ce billet sera peut-être le premier d’une petite série, disons, mensuelle, de news logiciels libres.

Notes

[1] NB : Si vous lisez cet article avec un temps de retard les logiciels cités seront peut-être déjà inclus dans l’annuaire.

[2] Crédit photo : Mr JZ (Creative Commons By)

[3] Photographie de urban_data sous licence Creative Commons BY.




Le logiciel libre est l’arme secrète de Google contre Microsoft

Google Search : Linux

« Quelle est la plus grande menace pour Microsoft : Google ou le logiciel libre ? Les deux mon capitaine, qui plus est lorsqu’ils travaillent main dans la main. » C’est peu ou prou ainsi que débute cette nouvelle traduction[1] issue, une fois n’est pas coutume, du RedmondMag.com (dont on peut saluer la liberté de ton).

Parce que si il est vrai que le logiciel libre fait de plus en plus vaciller le géant c’est peut-être son alliance avec Google qui portera le coup de grâce…

On comprendra au passage pourquoi Google ne serait pas Google sans le logiciel libre et pourquoi le logiciel libre est actuellement tant est si bien soutenu par Google qu’il lui est difficile de le critiquer objectivement.

Screenshot - RedmondMag.Com

L’arme secrète de Google

Google’s Secret Weapon

Glyn Moody – Janvier 2008 – RedmondMag.com

Tout en minimisant sa compétition directe avec Microsoft, le géant de la recherche continue à travailler en silence sur des projets open source pour mettre des bâtons dans les roues de son grand rival.

Quelle est la plus grande menace pour la domination de Microsoft : la firme Google ou l’open source ? La réponse est : les deux, particulièrement lorsqu’ils travaillent main dans la main.

"L’open source est l’outil suprême du capitalisme logiciel" affirme Matt Asay, vice président du développement commercial chez Alfresco Software Inc., une société spécialisée dans la gestion de contenu d’entreprises 1 open source. "Il permet aux fournisseurs de s’adapter finement à leurs clients et à leurs prospects tout en ruinant les efforts de leurs concurrents qui veulent faire payer les licences de leurs propres produits. C’est la tactique qu’a employée Google avec succès et qui a chamboulé le marché des logiciels au tournant du siècle."

Le géant de la recherche prend toujours soin d’apaiser la spéculation faite sur la menace pesante d’une guerre des titans. Lorsque Google a ajouté une application de présentation à sa suite bureautique en ligne, par exemple, le PDG Eric Schmidt a déclaré catégoriquement que ce n’était pas un concurrent de Microsoft Office.

D’autres, comme Raven Zachary, directeur de la recherche open source chez The 451 Group[2], expriment un avis différent. "Il est vital pour Google d’ébranler la domination de Microsoft Office pour promouvoir son offre de suite bureautique en ligne" dit-il. "C’est de la concurrence, point."

Google peut essayer de minimiser cette compétition autant qu’ils veulent en public, en coulisse ils savent très bien que Microsoft a dépensé 6 milliards de dollars pour faire l’acquisition de la société de publicité numérique aQuantive Inc. pour lancer une offensive musclée contre Google sur son propre terrain. Le passé montre que Microsoft ne s’arrête pas tant qu’il ne domine pas le secteur dans lequel il se lance, on peut donc difficilement dire qu’une cohabitation pacifique soit envisageable.

Face à ce problème complexe, la fourmilière de doctorants de chez Google a trouvé la solution parfaite : avoir un outil pour combattre Microsoft sans vraiment en avoir l’air. L’open source se trouve au coeur de leur stratégie.

Ouvert pour affaire

La plupart des gens savent que les vastes cheptels de serveurs de Google, on parle de centaine de milliers de machines, tournent sur des versions personnalisées de GNU/Linux. Moins nombreux sont ceux qui savent également qu’ils font un usage intensif de la principale base de données open source : MySQL.

(Google est) l’exemple d’une entreprise qui n’aurait concrètement pas pu exister telle qu’on la connait avant le développement de Linux ou de l’open source" d’après Jim Zemlin, directeur exécutif de la Linux Foundation, l’organisme qui rétribue Linus Torvalds pour son travail sur le noyau Linux. "S’ils avaient dû s’appuyer sur Microsoft ou Sun non seulement cela aurait été trop cher, mais surtout ils n’auraient pas pu réaliser les modifications nécessaires à la création de leurs services."

Ce dernier point est confirmé par le manager des programmes open source chez Google, Chris DiBona, qui a rejoint la compagnie en août 2004 pour superviser et coordonner les activités open source : "Ce qu’il y a de bien avec l’open source c’est que c’est un peu comme s’il était à vous. Dites vous bien que Google fournit un effort de développement de logiciel énorme, si nous devions nous plier aux restrictions que le code propriétaire nous impose nous ne serions pas capable de développer à ce rythme soutenu."

Google contribue à l’écosystème open source en employant certains de ses meilleurs codeurs.

"Nous les employons parce que les avoir dans nos équipes permet à nos projets d’avancer, ce qui est bon pour nous" ajoute DiBona, "et l’utilisation que nous faisons des projets trace parfois la voie qu’ils peuvent emprunter." Parmi les recrues on trouve de gros poissons comme Andrew Morton, numéro 2 dans le monde Linux, Greg Stein, l’un des directeurs de l’Apache Software Foundation et Jeremy Allison, l’un des leaders du projet Samba qui fournit les services de fichiers et d’impression open source aux clients SMB/CIFS dont Windows fait parti.

Un autre vétéran de l’open source ayant rejoint le vivier de Google est Ben Goodger, ingénieur en chef de Firefox. Les liens entre Google et ce concurrent de plus en plus sérieux d’Internet Explorer sont bien plus profond cependant. Google est le principal moteur de recherche de Firefox, à la fois dans le champ de recherche dédié et sur la page d’accueil par défaut au premier lancement de Firefox.

En octobre 2007 on a appris que l’organisation derrière Firefox, c’est-à-dire la Mozilla Foundation, a empoché 66 millions de dollars en 2006 grâce à ces partenariats avec les moteurs de recherche, ce qui représente une augmentation de 50 millions de dollars par rapport à l’année précédente. Cela signifie que Google, qui est de loin celui qui paie le plus pour ces requêtes, finance concrètement le développement de Firefox et de Thunderbird, le concurrent de Microsoft Outlook développé par Mozilla, et de ce fait affaiblit doucement l’hégémonie de Microsoft sur le marché des navigateurs et des clients de messagerie.

Google a aussi commencé à organiser des rencontres de haut-niveau où des personnes clés du logiciel libre travaillant sur un projet peuvent se réunir et se rencontrer en face à face, ce qui reste quelque chose qui ne se produit que rarement autrement. Par exemple en novembre 2006 des programmeurs importants travaillant sur la distribution Ubuntu (celle qu’installe Dell Inc. sur ces PC grand public tournant sous GNU/Linux) se sont réunis sur le campus de Google, le Collaboration Summit de la Linux Foundation s’y est tenu en juin 2007 et en septembre 2007 les développeurs responsables de Python se sont rencontrés pour travailler sur la version 3 du langage. Python est l’un des trois langages de programmation utilisé intensivement par Google (les deux autres étant Java et C++) et son créateur, Guido van Rossum, travaille également pour Google.

Un amour de vacances

Mais ce ne sont pas que les superstars de l’open source qui bénéficient de l’attention et des bien-faits de Google. En 2005, le géant de la recherche a démarré son programme "Summer of Code" grâce auquel des étudiants en informatique reçoivent un financement de Google pour travailler sur un projet open source pendant leurs vacances d’été. Ce programme donne un coup de pouce à ces projets et augmente leur viabilité en injectant du sang neuf.

Comme le dit Sebastian Kügler du projet d’environnement de bureau KDE (en cours de portage sur Windows) : "C’est la vraie idée derrière Summer of Code : inoculer aux étudiants le virus du logiciel libre, leur donner la chance de grandir dans une communauté comme la nôtre."

Comme l’explique DiBona il y a un autre avantage plus subtil. Grâce au Summer of Code, "Google connait désormais tous les gens travaillant sur les projets dont Google dépend" dit-il. "Ca nous est vraiment utile. Lorsque nous sortons une nouvelle API nous savons qu’il y aura des projets dans le monde open source soit pour l’utiliser soit pour en être client. On peut simplement les appeler et dire "Salut les gars, c’est Google, on est votre ami" et les laisser jeter un coup d’oeil.

Google soutient également les logiciels libres en mettant à disposition son code sous des licences open source (généralement la licence Apache comme c’est le cas par exemple pour la nouvelle plateforme mobile Android). Leur plus grosse contribution jusqu’à maintenant est peut-être Google Gears. "Gears est une extension open source pour votre navigateur qui permet aux développeurs de créer des applications Web qui peuvent fonctionner hors-ligne" explique DiBona. "On aurait pu se contenter de sortir l’extension pour nos applications, mais grâce à l’open source d’autres personnes peuvent l’employer sans crainte, ils savent que personne n’abandonnera cette technologie parce qu’ils la possèdent aussi."

La sortie de Gears dans un format open source encourage une adoption plus large dans la communauté des logiciels libres et au-delà. Si Gears trouve son public et que les utilisateurs ont la possibilité d’utiliser des applications Web hors ligne grâce à leur navigateur, alors le système d’exploitation sous-jacent devient moins important et la main mise de Microsoft sur l’environnement de bureau est affaiblie.

Se battre sur deux fronts

Le résultat de toutes ces initiatives discrètes et distinctes entreprisent par Google pour soutenir l’open source est que Microsoft ne se retrouve pas devant un seul concurrent sérieux mais devant deux qui fonctionnent en collaboration étroite.

"Je pense que cela met le pression sur Microsoft, ils s’y attendaient certes, mais pas aussi rapidement et pas aussi violemment" dit Eric Raymond, auteur d’une analyse des logiciels libres qui fait école "La Cathédrale et le Bazar".

"Ils se disaient sûrement qu’ils avaient le temps pour se préparer avant que Linux n’amène son environnement à maturité, un processus qui ne pouvait qu’être long et douloureux." dit-il. "Et bien ils n’ont pas eu ce luxe, leur main-mise est maintenant attaquée de deux côtés et Google restera une menace suffisamment sérieuse même si l’environnement Linux devait se planter."

De plus, les choses risquent de se corser encore plus à mesure que d’autres entreprises réalisent qu’une manière d’affaiblir Microsoft est de renforcer l’open source. C’est l’un des principaux axes de la stratégie d’IBM depuis presque une décennie, depuis qu’ils ont abandonné leur propre serveur Web et adopté le logiciel libre Apache en 1998.

Depuis ils ont adapté GNU/Linux pour tout leur hardware et fait don de plus de 40 millions de dollars de leur code pour lancer le projet Eclispe pour concurrencer Visual Studio de Microsoft. Plus récemment, l’autre grand rival de Microsoft sur la toile, Yahoo! Inc. s’est joint au club des défenseurs de l’open source en ouvrant les API de ses services, en lançant les Open Hack Days aux Etats-Unis, au Royaume Uni et en Inde et en rachetant Zimbra Inc. qui développe des outils open source de messagerie et de collaboration pour la somme annoncée de 350 millions de dollars.

A l’instar de Google, Yahoo a également engagé certains de ses programmeurs open source les plus importants, comme l’expert de MySQL Jeremy Zawodny et Doug Cutting, l’un des chefs de file dans le domaine des technologies des moteurs de recherche. Cutting travaillera à plein temps sur son système open source Hadoop qu’il décrit sur son blog comme étant "un système de fichiers inspiré de celui de Google et un système de calcul distribué inspiré de celui de MapReduce, là encore de Google."

Tout comme Google a réussi son coup en redirigeant la puissance de l’open source contre Microsoft, Yahoo espère réussir la même chose avec Hadoop. Et évidemment la salve tirée par Yahoo offre en bonus la possibilité de prendre Google pour cible.

Notes

[1] Traduction Olivier et GaeliX pour une relecture Daria from Framalang.

[2] NdT: The 451 Group est un laboratoire d’analyse indépendant spécialisé dans les technologies de l’industrie, en particulier ce qui concerne l’innovation informatique.




Ce qui caractérise les utilisateurs de logiciels libres

Shaymus022 - CC by-saAlors voilà. Nous y sommes. Le logiciel libre est clairement en train de gagner la bataille du desktop. Quelque soit son système d’exploitation, on trouve désormais des logiciels libres de grande qualité répondant à tous les usages de base (web, bureautique, graphisme, multimédia…). Dans le même temps des distributions GNU/Linux toujours plus conviviales arrivent à maturité et les revendeurs ne s’y trompent pas puisqu’ils commencent à en proposer au grand public dans leurs offres d’ordinateurs neufs.

Cependant n’oublions pas la phrase en exergue de ce blog : « …mais ce serait peut-être l’une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code ».[1]

En effet, utiliser des logiciels libres c’est non seulement faire des économies, c’est non seulement se retrouver avec plein d’applications qui nous comblent au quotidien mais c’est aussi et surtout adopter certains comportements (et rompre avec d’autres), participer à un mouvement et, osons le mot, faire partie d’une culture.

Une culture qui favorise l’écoute, l’indépendance et l’autonomie. Une culture de coopération et non de compétition. Une culture aux antipodes de certaines logiques et structures politico-économiques qui nous demandent avant tout d’être des consommateurs passifs. Il serait non seulement dommage mais fort dommageable que la nouvelle génération d’utilisateurs fraîchement débarqués du monde Windows, et dont Framasoft se réclame, perde cela de vue…

La traduction que nous vous proposons aujourd’hui brosse le portrait d’un utilisateur de logiciels libres[2] en soulignant neuf caractéristiques qui le distinguent justement de l’utilisateur de logiciels propriétaires.

Parce qu’il en va de la responsabilité de tous que cette précieuse culture ne se dilue pas avec sa démocratisation…

9 traits caractéristiques des utilisateurs de logiciels libres

9 Characteristics of Free Software Users

Bruce Byfield – 9 janvier 2008 – Datamation
(Traduction Framalang : GaeliX et Olivier)

Un système d’exploitation n’est pas qu’un code source, il véhicule aussi une culture. Cet état de fait m’est soudainement revenu à l’esprit au cours des vacances quand plusieurs membres de ma famille et des voisins m’ont assailli de questions sur le dépannage de leurs ordinateurs sous Windows. Bien qu’aucun d’entre nous n’ait eu une véritable formation en informatique, je ne sais presque rien sur Windows, j’ai été en mesure de résoudre les problèmes qui déconcertaient les autres – non pas parce que j’ai la science infuse, mais parce que la culture du Libre dans laquelle je baigne tous les jours m’a rendu plus apte à faire face à ce genre de situation.

Les origines de ces cultures sont plus ou moins évidentes. Windows et d’autres logiciels propriétaires sont les produits du marché commercial du logiciel. Dans cette culture, l’information circule essentiellement dans une seule direction : elle émane du fabricant. L’obsession des éditeurs pour la propriété intellectuelle et la main-mise des revendeurs encourage cette culture à réduire les utilisateurs au rôle de consommateurs aveugles.

En revanche, la culture du Libre a deux origines. La première, c’est la culture Unix, qu’Eric Raymond décrit dans « L’art de programmer sous UNIX », et qui met l’accent sur l’excellence. La seconde est l’ensemble des quatre libertés qui définissent un logiciel libre.

Il est vrai que les utilisateurs finaux sont peu susceptibles de s’intéresser eux-mêmes aux libertés d’étudier ou d’améliorer un programme. Mais l’existence de ces libertés pour les développeurs conditionnent les attentes de tout le monde. En outre, les libertés d’exécuter les programmes et de les redistribuer permet à chacun de s’affranchir d’un des aspects les plus pénibles de la culture propriétaire. En tout cas, ces origines créent des utilisateurs plus actifs et plus exigeants que ceux des logiciels propriétaires.

Ce n’est pas une surprise, ces différences d’origines amènent à des attentes différentes. Il y a certes des exceptions et l’amélioration des compétences de l’utilisateur tend à gommer ces différences. En outre, des logiciels libres comme Firefox et OpenOffice.org sont de plus en plus courants sur des plates-formes propriétaires. Et, de même, la culture propriétaire s’immisce dans le logiciel libre car il devient une grosse affaire.

Pourtant, la plupart du temps, vous pouvez vous attendre à ce que les utilisateurs de logiciels libres diffèrent des utilisateurs de logiciels propriétaires sur un certain nombre de points fondamentaux. Le fait d’avoir conscience de ces différences peut avoir un impact considérable sur votre réussite lors de la commercialisation ou du développement de logiciels.

1. Les utilisateurs de logiciels libres désirent des licences ouvertes et non pas des méthodes d’activation

Des éditeurs propriétaires comme Adobe et Xara qui ont fait l’expérience du portage sous GNU/Linux de leurs logiciels sont arrivés à la conclusion que les utilisateurs de logiciels libres n’iront pas acheter de logiciels commerciaux. Toutefois, comme l’ont prouvé des entreprises comme Red Hat et Mandriva, ces conclusions sont plus le fait d’une incapacité à concevoir de nouvelles méthodes de travail que d’une observation de la réalité. A défaut d’autre chose, les utilisateurs iraient le plus souvent acheter dans le commerce afin d’avoir le confort d’une relation traditionnelle avec un fournisseur.

Toutefois, lorsqu’ils ont ce luxe, les utilisateurs de logiciels libres rejettent les licences propriétaires ou les méthodes d’activation qui restreignent leur liberté de copier et redistribuer le logiciel. Certains peuvent accepter les licences propriétaires si ils ne trouvent pas les mêmes fonctionnalités ailleurs. D’autres peuvent accepter une licence propriétaire pour les logiciels non-essentiels, comme les jeux. Mais, au premier signe d’alternative, ils vont abandonner le produit propriétaire. Et beaucoup, bien entendu, n’accepteront même pas ces compromis temporaires.

Si vous cherchez à vendre quelque chose à la communauté du Libre, ne cherchez pas à faire de l’argent avec le logiciel mais cherchez les services que vous pouvez développer autour du logiciel. Ou pensez-vous que c’est un hasard si le partage de fichiers et de la culture libre ont leurs racines dans la communauté du logiciel libre ?

2. Les utilisateurs de logiciels libres désirent avoir des mises à jour et des corrections de façon régulière

Les systèmes d’exploitation Libres sont conçus pour la gratification instantanée. Vous voulez un nouveau logiciel ? Basculer vers le compte root et en l’espace de cinq minutes, vous l’avez, installé et prêt à être utilisé sans redémarrer la machine.

Cette fonctionnalité basique à pour conséquence les mêmes attentes élevées en ce qui concerne les mises à jour et les correctifs. Dans les logiciels libres, les mises à jour et les correctifs ne sont pas un événement annuel pour le logiciel complet avec des bêta-versions. Ils sont plus proches de l’occurrence quotidienne. Les personnes en charge de la maintenance de ces logiciels prennent cette responsabilité tellement au sérieux que l’on a déjà vu nombre d’entre eux prendre sur leur temps personnel pour s’assurer qu’une correction d’anomalie ou qu’un correctif de sécurité sorte aussi rapidement que possible.

3. Les utilisateurs de logiciels libres désirent travailler comme ils l’entendent

En passant de Windows à GNU/Linux, la première chose que les utilisateurs sont susceptibles de remarquer est le nombre d’options de personnalisation qui sont disponibles ne serait-ce que pour l’apparence et le fonctionnement du bureau. A la limite, ils sont presque enclins à penser qu’il y a trop d’options disponibles. Souvent même ils sont surpris de se retrouver devant plus de possibilités qu’ils n’en auraient espérées.

Ces options sont la conséquence directe du sens du contrôle que le logiciel libre encourage chez ses utilisateurs. Non seulement ils s’attendent à pouvoir utiliser les menus, les barres d’outils ou les raccourcis clavier qui ont leur préférence, mais ils s’attendent de plus à contrôler la couleur, les widgets et même l’emplacement des fonctionnalités du bureau de façon simple et efficace. S’ils font le chemin inverse, passant de GNU/Linux à Windows, ils vont se sentir limités, obligés de faire les choses de la façon dont les développeurs ont voulu qu’ils les fassent, plutôt que de fonctionner uniquement suivant leurs propres préférences.

4. Les utilisateurs de logiciels libres désirent avoir le contrôle de leurs propres systèmes

Pour un utilisateur de logiciels libres, l’un des aspects les plus ennuyeux de Windows XP ou Vista, c’est d’être constamment perturbé par les pop-ups. Le système lui-même vous informe des mises à jours disponibles, des éventuels risques de sécurité et de l’état actuel de votre système. Et il n’est pas inhabituel pour votre éditeur de logiciels d’avoir ses propres messages en plus de ceux émis par Java et plusieurs autres programmes. Pendant ce temps, le système d’exploitation et une ou deux autres briques de base logicielles communiquent et les technologies de verrouillage se mettent à contrôler votre informatique. Parfois, vous avez l’impression d’être interrompu toutes les 30 secondes dans votre travail.

Les gestionnaires de bureau dans les systèmes d’exploitation libres commence à émettre des notifications, mais, jusqu’à présent, elles le sont pour l’ensemble du système. Mais surtout, elles peuvent être désactivées. Les utilisateurs avertis de GNU/Linux ou FreeBSD savent que ce types d’évènements basiques sont consignés dans des fichiers de log où l’on peut les consulter à loisir.

Quant au verrouillage ou aux technologies de surveillance, oubliez les. Beaucoup d’utilisateurs de logiciels libres se méfient des outils de sondage automatiques, même relativement innocents comme le Concours de Popularité Debian ou Smolt, sans parler de tout ce qui leur ôterait le contrôle des mains.

5. Les utilisateurs de logiciels libres aiment explorer

J’ai été en mesure de résoudre deux des problèmes Windows auxquels j’ai dû faire face durant les vacances en un rien de temps. L’un simplement en raccordant le moniteur à la carte vidéo dédiée au lieu de celle embarquée sur la carte mère. L’autre en utilisant un gestionnaire de fichiers à la place des outils dédiés fournis avec le nouveau matériel. Quand je leur ai demandé pourquoi ils n’avaient pas cherché une éventuelle solution, ceux que je dépannais marmonèrent, puis finirent par avouer qu’ils avaient peur d’essayer.

Pour moi, ces réactions incarnent l’impuissance acquise que le logiciel propriétaire encourage habituellement. Avec seulement un nombre limité d’outils visibles sur le bureau – de nombreux profondement enterrés dans plusieurs boîtes de dialogue imbriquées – et la plupart de ces outils ne donnant aucune indication sur la manière dont ils arrivent au résultat – l’utilisateur moyen de Windows n’est pas vraiment incité à apprendre l’administration de son système.

De l’autre coté, sur les systèmes libres, l’exploration est facile. La plupart des configurations, par exemple, se font en utilisant les fichiers texte en clair, que vous pouvez consulter à partir de votre gestionnaire de fichiers. Et puisque l’exploration amène des résultats rapides et probants, les utilisateurs de systèmes d’exploitation libres sont encouragés à explorer et à devenir demandeurs de ce type de fonctionnalités. Mettez-les sur un système Windows et ils vont probablement se plaindre d’être isolés du système, comme s’ils essayaient de faire de la saisie avec des moufles.

6. Les utilisateurs de logiciels libres désirent s’entraider

Les utilisateurs de logiciel libre n’ont rien contre les fichiers d’aide. A vrai dire, ils les aiment. Pour les pages « man » Unix traditionnelles, ils ont les pages d’informations en ligne de commande et l’aide en ligne sur le bureau. Mais ils sont beaucoup moins susceptibles que les utilisateurs propriétaires d’attendre un support technique formel. Au lieu de cela, ce qu’ils attendent ce sont les moyens de s’aider eux-mêmes, pas seulement les fichiers d’aide, mais un accès facile aux fichiers de configuration (de préférence en texte clair, lisible par l’homme), ainsi que les mails, les forums, les canaux IRC où ils peuvent se consulter les uns les autres. Une philosophie du « prend toi en main » est sous-jacente chez presque tous les utilisateurs de logiciels libres. Plus ils les utilisent, plus elles sont ancrées en eux.

7. Les utilisateurs de logiciels libres n’ont pas peur de la ligne de commande

Pour les utilisateurs de Windows, la ligne de commande est une chose effrayante. Et ce n’est pas étonnant, compte tenu de sa pauvreté et des ses limitations ; une nouvelle version était une des caractéristiques promises pour Vista mais elle a été abandonnée. Mais la ligne de commande est beaucoup plus conviviale dans les systèmes d’exploitation libres que dans Windows et de nombreux utilisateurs se familiarisent rapidement avec elle.

Dans presque tous les cas, une commande saisie a plus d’options et de puissance que son équivalent graphique dans le logiciel libre. Les utilisateurs se feront un plaisir d’utiliser l’interface graphique, mais, lorsque sa limite est atteinte, beaucoup basculeront avec autant de plaisir vers la ligne de commande. C’est en partie une attitude de geek, mais la vraie raison est le simple aspect pratique. À moins que les concepteurs d’interfaces arrivent à offrir les mêmes fonctionnalités que la ligne de commande, cela ne changera pas et pour être honnête, peu cherchent vraiment à le faire.

8 Les utilisateurs de logiciels libres apprennent des catégories de logiciels, pas des programmes

Empêchés d’apprendre facilement leur système d’exploitation, les consommateurs de logiciels propriétaires fonctionnent comme s’ils lançaient des sorts – recettes rituelles qui, si elles sont utilisées de façon adéquate, leur donneront les résultats escomptés. Ajouté au fait que les logiciels propriétaires peuvent être coûteux, ils ont tendance à se familiariser avec une suite bureautique, un navigateur Web et un client de messagerie. En conséquence, changer de logiciel peut être traumatisant pour eux.

En revanche, les utilisateurs de logiciels libres se trouvent avoir à la fois la connaissance du système et une sélection de logiciels à expérimenter. Ils peuvent s’arrêter à logiciel précis dans chaque catégorie, mais seulement après avoir expérimenté toutes les autres possibilités. S’ils ont besoin d’une fonctionnalité qui n’est pas prise en charge par le logiciel qu’ils avaient choisi, ils lui trouveront un remplaçant temporaire ou permanent, confiants que les autres fonctionnalités dont ils ont besoin seront dans les deux programmes. Beaucoup plus que chez les utilisateurs de logiciels propriétaires, leur loyauté est provisoire et tributaire de la qualité et de la sélection. Ils n’ont pas cet investissement financier qui enchaîne l’utilisateur de logiciels propriétaires à un fournisseur particulier et ne voient aucune raison de changer cela.

9. Les utilisateurs de logiciels libres désirent avoir accès aux développeurs et aux autres membres de la communauté

La communauté Libre peut se targuer d’être une méritocratie où le statut est le résultat d’accomplissements et de contributions. Comme le statut dépend de ce que vous avez fait récemment, il est moins immuable que dans un environnement classique. Même lorsque des dirigeants naturels existent, ils sont plus souvent considérés comme premiers parmi leurs pairs que comme ayant un contrôle direct sur les autres. Cela signifie que les membres de la communauté ne peuvent pas s’isoler derrière le mur de l’autorité. Les membres de la communauté ont généralement un accès direct aux chefs de projets, généralement via mail et IRC. Et personne parmi les chefs de projet ne s’oppose à cet arrangement.

Même dans les entreprises, les traces de cette structure horizontale existent. Au lieu d’y résister, les gestionnaires intelligents vont l’accepter et ne revendiqueront une place à part qu’en raison de leur position.

Conclusion

Combien de temps ces caractéristiques du logiciel libre vont continuer d’exister, cela est incertain. Au cours des dernières années, une nouvelle catégorie d’utilisateurs de systèmes d’exploitation libres sont apparus: ceux qui ne font que de la bureautique. Dans une hâte de devenir plus ergonomique – ce qui signifie généralement semblable à Windows – il est possible que la culture de l’utilisateur de logiciels libres devienne méconnaissable pour les utilisateurs de longue date dans les prochaines années.

Mais, cela semble peu probable. Principalement car la mouvance « strict utilisateur bureautique » ne peut pas saper la culture du Libre au point d’en faire une niche, isolée, traitée comme un cas particulier. À moins qu’ils ne se contentent de rester dans leur routine, sous un an ou deux, les utilisateurs bureautique devront faire face à un problème qu’ils ne pourront résoudre sans devenir soit plus aventureux soit plus en contact avec la véritable culture libre. Le jour où cela se produira, ils auront fait le premier pas pour s’éloigner de leur statut de consommateurs passifs pour devenir les propriétaires de leurs propres machines.

Bruce Byfield est un journaliste informatique qui écrit régulièrement pour Datamation, Linux.com, et Linux Journal.

Notes

[1] Citation issue du reportage d’Arte Nom de code : Linux.

[2] Crédit photo : Shaymus022 (Creative Commons By-Sa)




Guerre contre l’Empire – épisode 37 – formats ouverts – ODF vs OOXML

C’est toujours un peu la même histoire… Une histoire qui risque bien d’être au cœur politique, économique, écologique et social de ce siècle : un monde non marchand qui cherche à se faire une place dans des espaces toujours plus réduits et convoités par un monde marchand. Une histoire où le logiciel libre a son mot à dire en affirmant, confiant mais lucide, que la route est longue mais la voie est libre

L’épisode du jour c’est la question des formats, véritable ligne de front entre le monde libre et le monde propriétaire. Les enjeux sont en effet plus qu’importants : la transparence, l’interopérabilité et la pérennité de nos données numériques (qui à l’avenir seront presque synonymes de nos données tout court !).

Et pour ce qui est des formats numériques en bureautique alors là c’est carrément la guerre ouverte avec une opposition frontale entre l’OpenDocument et l’Open XML (ou OOXML) de Microsoft. Mais il y a Open et Open. Quand le premier offre de solides garanties le second ne semble être avant tout qu’une manœuvre pour conserver une position dominante de fait (dont le piratage massif de la suite Microsoft Office n’est pas étranger soit dit en passant)[1].

D’un côté le libre et ses arguments et de l’autre le propriétaire dont les arguties pseudo-pragmatiques à court terme chechent à retarder l’échéance pour continuer le plus longtemps possible à engranger des bénéfices (et rassurer les actionnaires). Nonobstant les moyens considérables à disposition de Microsoft pour faire pression sur les structures et pouvoirs en place, l’échéance est pourtant bel et bien inévitable comme nous le rappelle l’article ci-dessous.

Traduit par nos petits activistes de FramaLang[2], il nous vient de Red Hat, société (et distribution) bien connue du monde Linux et très active dans la promotion de l’OpenDocument.

Screenshot - Red Hat Magazine web site

ODF : Le format inévitable

ODF: The inevitable format

T. Colin Dodd – 25 juillet 2007 – Red Hat Magazine

En 1999, un scientifique voulut consulter des données sur les échantillons collectés sur le sol de Mars en 1975 par la sonde Viking. Il souhaitait en effet tester une théorie sur la détection de l’existence de bactéries et de microbes Martiens – en d’autres termes, trouver de la vie sur Mars. Le scientifique pensait qu’il trouverait ce qu’il cherchait quelque part sur un site de la NASA, mais ce ne fut pas si simple. Les données originales avaient été égarées, et lorsque l’on retrouva les énormes bandes magnétiques qui conservaient les données, elles étaient "dans un format si ancien que le programmeur qui le connaissait était mort." Par chance quelqu’un trouva une imposante impression papier de ces données et la compréhension de l’univers par l’humanité se développa un peu plus… Le sentiment tragique qui aurait accompagné la perte de cette connaissance est l’écho des récits de la destruction de la Bibliothèque d’Alexandrie, et probablement ce pourquoi les autodafés sont un signe certain d’une société malade.

Bien sûr, toutes les données perdues ou inaccessibles ne contiennent pas des preuves de la vie sur Mars, et toutes les bribes d’informations n’ont pas besoin de survivre à leur créateur. Beaucoup de documents illisibles ne manqueront jamais, mais une politique publique responsable demande que les documents gouvernementaux – contrats, actes notariés ou enregistrements juridiques qui font autorité pour des décades ou même des siècles – doivent être archivés et accessibles. Quel que soit le cas, quand la donnée est stockée et partagée dans un format ancien ou propriétaire disparu, elle deviendra au fil du temps onéreuse d’accès ou disparaitra entièrement à tout jamais.

Lorsque l’on parle de créer, partager ou stocker numériquement des documents, la technologie qui prévient le dépérissement des formats existe déjà et elle est largement (et de plus en plus) utilisée. Elle s’appelle l’Open Document Format (ODF) et si vous ne l’utilisez pas aujourd’hui, vous le ferez sûrement un jour.

ODF, un langage de description de document basé sur le XML, a été initialement développé en 1999 par StarDivision, et ensuite par le projet OpenOffice.org de Sun Microsystem[3]. Conçu comme une alternative libre aux logiciels de gestion de documents propriétaires, qui dominaient alors le marché, la force motrice soutenant l’ODF était le besoin d’un format de document indépendant d’un éditeur et d’une application, lisible et enregistrable par tous, sans s’encombrer de royalties dues aux licences. Sa promotion se basait sur le fait que le monde des affaires et les contribuables pourraient économiser de l’argent. Un format ouvert créerait une compétition dans la sphère des applications de gestion de documents. Tous les documents pourraient être lus et partagés par quiconque. Rien ne pourrait se perdre à cause du temps ou suite à des changements dans un code propriétaire ou à des exigences de licences. Des sujets de grand intérêt public – données de recensement, données météorologiques, statistiques sur la santé publique, rapports d’enquêtes, enregistrements de tribunaux ou recherche fondamentale scientifique, tous payés par les contribuables, ne seraient plus encodés dans un format unique, propriétaire et fermé, demandant aux citoyens de payer double pour accéder à leurs propres informations. L’utilisation de l’ODF, disent ses partisans, permettrait de garder public les documents publics.

L’OASIS (Organization for the Advancement of Structured Information Standards) a été fondée en 2002 pour standardiser le format, qui a été reconnu par l’Organisation internationale de normalisation (ISO) en 2006[4]. L’Open Document Format Alliance s’est formée en mars 2006 pour promouvoir le format, et défendre le dossier public, légal et politique pour l’adoption de standards ouverts technologiques auprès des gouvernements et des institutions publiques.

"Red Hat était un membre fondateur de l’Alliance ODF et Tom Rabon (Vice-Président Corporate Affairs) est au comité exécutif," déclare Stéphanie McGarrah, ancienne Responsable des Politiques Publiques de Red Hat. "Red Hat travaille avec les autres membres du comité exécutif pour coordonner les efforts dans les discussions avec les gouvernements du monde entier à propos de l’ODF."

Bien que l’ODF ait été lancé avec beaucoup de bon sens, l’élan d’une large adoption a été entravé par l’inertie bureaucratique, les politiques locales, des idées fausses persistantes (renforcées par ses opposants) à propos de la viabilité de l’ODF et les "dangers" de son adoption. La plupart de la peur, de l’incertitude et du doute ont émané d’une source, dont les formats propriétaires constituent la plupart des documents dans le monde.

Les opposants à l’ODF ne peuvent admettre son adoption inévitable, et pratiquent un lobby actif à son encontre. Ce n’est pas que quelqu’un soit contre le format ODF en lui-même, ou trouve une quelconque vraie raison pour remettre en cause sa nécessité. La logique qui soutient l’ODF et la transparence de sa création est presque inexpugnable. Ce sont plutôt les standards ouverts sur lesquels l’ODF est bâti qui sont le plus souvent attaqués. Du point de vue de ses détracteurs, les choses sont bien telles qu’elles sont actuellement. Le « standard » est le leur. Ils ont la main mise sur le "marché" du document, et l’envisagent comme un "territoire" qu’ils ont "conquis" de façon juste. Ils ne peuvent envisager un futur sans lui (ça ne fait pas partie de leur plan stratégique), et tant que tout le monde utilise leurs applications et leurs formats, pourquoi changer ? Les opposants à l’ODF consacrent des ressources considérables à faire du lobbying auprès des législatures et des conseils d’administrations dans une tentative de les convaincre que l’adoption du format ODF limite en fait leur choix et fait du tort à l’efficacité apportée par le marché en "excluant" des éditeurs comme eux. Ils disent que la migration est coûteuse, et soutiennent même que l’adoption de l’ODF limitera l’accès public en encombrant l’environnement avec de trop nombreux formats "incompatibles". Et qui peut réellement croire tous ces "machins libres", d’ailleurs ?

Mais les partisans comme l’Alliance ODF ont leurs propres arguments, et la plupart d’entre eux sont issus de la preuve du contraire, du genre "En fait, c’est l’inverse qui est vrai…".

L’Alliance ODF défend l’idée que – au contraire – les standards ouverts encouragent le choix et la compétition entre fournisseurs en égalisant le terrain de jeu. Le standard est ouvert et disponible librement pour quiconque veut le mettre en oeuvre. Il n’y a pas de compétition autour du format, mais uniquement sur les applications qui l’utilisent. Dans cet univers, c’est la meilleure application qui gagne. L’alliance ODF souligne aussi que la mise en place ou la migration vers l’ODF n’est pas plus compliquée ou plus coûteuse que la mise à jour périodique d’une version à l’autre d’une application propriétaire, et en limitant les besoins de mises à jour futures, des réelles économies peuvent être réalisées avec le temps. À propos de l’accessibilité, Open Office (et les autres applications conformes à l’ODF) sont librement téléchargeables et prêtes à utiliser dès maintenant. Il n’y a pas de problèmes de compatibilité, disent-ils, seulement des problèmes de non coopération.

« Je pense que certains gouvernements ne sont pas au courant de l’ODF, ou n’ont pas les équipes techniques en place pour comprendre la valeur de l’ODF, » explique McGarrah. « Ainsi, c’est le travail de l’Alliance de diffuser ce message auprès des personnes au gouvernement qui prennent ces décisions ».

Mais l’argument irréfutable en faveur de l’utilisation de l’ODF pour les documents publics est le fait que c’est une meilleure affaire pour les citoyens et les contribuables sur le long terme. Utiliser des « standards » fermés, du logiciel propriétaire pour des documents publics est comme acheter le proverbial siège de toilettes à 10 000 $, ou interdire au gouvernement fédéral de négocier de meilleurs prix sur les médicaments auprès des sociétés pharmaceutiques au nom de patients de Medicaid et Medicare, ou essayer de nourrir une armée et reconstruire une zone de guerre en accordant des contrats secrets, non compétitifs et sans appels d’offre. C’est anti-compétitif dans le pire sens.

Malgré l’opposition, l’adoption de l’ODF suit une progression lente mais inexorable, et plus les politiciens prennent conscience de ce problème, plus l’ODF viendra défier l’ubiquité actuelle des formats propriétaires. Faisant un pas de plus en avant, le Japon a récemment demandé à ce que ses ministères passent des contrats avec des éditeurs de logiciels dont les applications sont bâties autour de standards ouverts. Le Brésil, la Pologne, la Malaisie, l’Italie, la Corée, la Norvège, la France, les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique, le Commonwealth du Massachussetts, et le gouvernement de l’État de Delhi en Inde ont tous pris des engagements de principe sur l’adoption de l’ODF et, peut-être plus important, reconnaissent la nécessité d’utiliser des standards ouverts. L’Alliance ODF continue à équiper et éclairer les décisionnaires avec l’information et les outils dont ils ont besoin pour faire des recommandations et des politiques de changement, mais personne faisant la promotion de l’ODF ne pense qu’une large adoption est imminente. Cela prendra du temps.

« Ces décisionnaires ont beaucoup d’autres problèmes à gérer (par exemple : santé publique, éducation, transports, pauvreté…) et les décisions technologiques ne sont généralement pas en haut de leurs listes », déclare McGarrah. « Des progrès ont été faits dans une adoption plus large de l’ODF. Plusieurs gouvernements ont adopté l’ODF ou travaillent sur la mise en place du standard, mais il reste encore beaucoup à faire. »

ODF - Liberate your documents

Liens connexes :

Notes

[1] La situation des navigateurs web est similaire. D’un côté des navigateurs qui respectent les standards (tel Firefox) et de l’autre Internet Explorer qui ne les respecte pas et qui par là-même donne des cauchemars à tous les webmasters en les obligeant à d’usantes circonvolutions pour que leurs sites soient également compatibles visibles sur ce navigateur.

[2] Merci à VLI pour la traduction et Daria et Mben pour la relecture.

[3] NDT : suite au rachat de StarOffice par Sun.

[4] NDT : ISO/IEC 26300, Open Document Format for Office Applications (OpenDocument) v1.0.




Pourquoi faire un don à Wikipédia ? (et soutenir la culture libre et ses utopies)

Hamed Masoumi - CC byLorsque j’ai lu cet appel au don de Benjamin Mako-Hill j’ai eu envie de le proposer à traduction à la Dream Team FramaLang. D’abord parce que soutenir Wikipédia en tant que tel est important. Mais également parce que l’angle adopté par Mako Hill me semblait intéressant et sujet à réflexion.

Dans ce mouvement de la culture libre, dont on ne trouve pas de réelle définition, et où Wikipédia représente à la fois la figure de proue et le cheval de Troie, il y aurait donc des utopistes et des pragmatiques. Un peu comme la dialectique révolutionnaires vs réformistes du siècle dernier. Les classiques oppositions Stallman et la Free Software Foundation vs l‘Open Source, les licences des logiciels libres vs les licences Creative Commons, et pourquoi pas GNU/Linux vs Linux, ne s’inscrivent-elles pas en effet dans cette dichotomie ?

Oui (à n’en pas douter) Wikipédia représente bien plus que Wikipédia et oui (peut-être ? sûrement ?) elle constitue un formidable espoir pour les utopistes (dont je suis)[1].

Wikimedia et le mouvement de la culture libre

Wikimedia and the Free Culture Movement

Benjamin Mako-Hill – 11 décembre 2007 – whygive.wikimedia.org
(Traduction Framalang : GaeliX et Daria)

En même temps que les technologies de communication créaient un raz-de-marée dans la connaissance, la créativité et la communication, les créations culturelles sont plus que jamais sévèrement contrôlées et restreintes.
Une évolution plus que rapide du régime du droit d’auteur, fait de l’utilisation, la modification ou la distribution de presque tout document, une propriété exclusive de son créateur. Le « copyright » aujourd’hui est automatisé, étendu et est valable sur plus d’un siècle. Notre culture, aujourd’hui, est propriétaire.

Pour contrebalancer cette tendance, des écrivains, des scientifiques, des musiciens, des artistes, et d’autres encore, ont uni leurs efforts pour demander l’accès à la connaissance et à la création d’un mouvement social pour la culture libre – culture qui est libre comme dans liberté, même si elle ne l’est pas nécessairement dans le prix. Dans la courte vie de la culture libre, Wikipedia s’est positionné comme étant le plus important et le plus méritant des projets de culture libre. Le projet Wikimedia, dont Wikipédia fait partie, offre à quiconque travaille dans un objectif de culture libre un exemple de ce à quoi pourrait ressembler une réussite, des conseils pour la meilleure façon d’y arriver, et l’inspiration pour continuer.

Votre soutien à la Fondation Wikimedia durant la collecte de fonds cette année a donné plus de résultats que le simple financement de la fondation et de ses projets. Il a soutenu et ouvert la voie à un mouvement mondial en faveur de la culture libre qui est déjà beaucoup plus vaste que Wikipedia, Wikimedia, et autres wikis. Le mouvement de la Culture Libre, comme le démontre Wikipédia, offre une vision convaincante de comment nous pourrions améliorer la façon dont nous produisons et consommons l’information tout au long de notre vie.

Culture Libre

En vertu des lois de copyright actuelles, on ne peut pas légalement copier un article pour un ami, faire un remix d’une vidéo, ou chanter Happy Birthday dans un restaurant sans demander une autorisation et, dans la plupart des cas, de payer une licence. Plus embêtant, la plupart des oeuvres culturelles sont soumises au copyright, par défaut, au moment de leur création, à moins qu’il ne soit précisé explicitement que ces œuvres peuvent être utilisées, copiées et modifiées.
Par le biais du droit d’auteur, l’accès aux plus importantes ressources culturelles et universitaires sont bloquées par les « péages » et les restrictions. L’accès légal à la plupart des connaissances et à la culture est cher – et d’un coût prohibitif pour la plupart d’entre nous. La création d’œuvres s’inspirant d’un sujet, ou en étant dérivées – comme l’échantillonnage ou les remixes – est souvent purement et simplement interdite.

Outrés par cette situation, les créateurs et les consommateurs de culture exigent une plus grande liberté de distribuer et de modifier ces biens de consommation dans le cadre du mouvement de la culture libre. Bien que certains leaders du mouvement aient résisté à la déclaration d’objectifs explicites, ils ont constamment placé la culture libre en opposition à l’attitude "hautement protectionniste» du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle. La musique, l’art, les connaissances et la culture, nous disent les activistes de la culture libre, doivent être largement accessibles, flexibles dans les conditions et restrictions concernant leur utilisation, redistribution et modification.

Pour partie, le mouvement de la culture libre est constitué d’Utopistes qui imaginent, décrivent et épousent le monde de ce qu’ils ressentent comme étant vraiment la culture libre. Pour ces Utopistes, la culture libre est un aperçu du monde idéal où les connaissances peuvent être utilisées, étudiées, modifiées, construites, distribuées et partagées sans restriction. C’est un monde où les créateurs sont à leur juste valeur et universellement respectés, reconnus pour leur mérite, et rémunérés. Le principal problème que rencontrent ces Utopistes, est que, dans de nombreux cas, ils ne savent pas comment passer de la culture contemporaine – fondée sur l’économie, le droit d’auteur, la propriété, le contrôle et les demandes d’autorisations – à leur monde idéal.

Sentant que l’Utopie n’est pas viable, les pragmatiques de la culture libre préconisent d’essayer d’obtenir le plus possible en réformant le système actuel du copyright et de faire ensuite des améliorations progressives. En particulier, ces pragmatiques estiment que l’idéalisme utopique détruit l’exclusivité de la commercialisation qui aide à soutenir la production de nombreuses oeuvres créatives. Il vaut mieux, disent-ils, se mettre d’accord sur un usage non commercial ou de copie in extenso que de conserver le droit d’auteur par défaut c’est-à-dire «tous droits réservés»

Le mouvement de la culture libre est tiraillé entre le désir de créer un monde de connaissances vraiment libres et le fait, que dans cette optique, pour ces mêmes connaissances, ils ont éliminé tous les systèmes financiers et sociaux viables qui soutenaient la création des oeuvres. Les pragmatiques font des compromis avec cette vision utopique d’un monde libéré pendant que les Utopistes prônent ce qui semble être irréaliste pour beaucoup.

Wikimedia

Wikimedia est un projet de culture libre utopique. Son objectif n’est pas seulement de recueillir des connaissances, son objectif est de le faire librement. Wikipedia a été créée avant de savoir s’il était sûr qu’une encyclopédie libre pouvait exister, serait un succès ou si elle serait mieux que les solutions propriétaires existantes. Son objectif était d’être libre, ouverte et sans restriction. Ironiquement, c’est cet attachement idéaliste qui a conduit à la création d’alternatives et à redéfinir ce qui est possible et réaliste de faire. Dans le monde du Libre, rien ne le prouve mieux que Wikipedia. Rien ne donne, plus qu’elle, l’espoir aux Utopistes de la culture libre.

Wikimedia est importante tout simplement parce qu’elle existe et qui plus est parce qu’elle existe librement. Etant l’un des sites actifs les plus visités, Wikipedia est un endroit incontournable pour tout chercheur ou internaute. C’est souvent la réponse aux questions et à la curiosité de millions de personnes. Ce n’est pas simplement qu’elle a réponse à beaucoup de sujets, c’est plus que cela. Ce n’est plus trop un sujet controversé que de dire que Wikipedia est l’unique ouvrage de référence réellement impressionnant qui ait jamais été produit. Elle est l’un des plus importants ouvrages de culture existant dans le monde. Et qui plus est, elle est gratuite.

Au début de cette année, le comité exécutif de la Fondation Wikimedia a formulé un engagement explicite pour une interconnexion forte entre les objectifs de la culture libre. Par cette résolution, le conseil d’administration de la Fondation Wikimedia a précisé ce qui était évident pour les personnes impliquées dans le projet: Wikipédia a réussi, non pas en dépit du fait que l’encyclopédie est libre, mais justement parce qu’elle est libre. Les projets Wikimedia ont de la valeur précisément parce qu’ils ont aplani les obstacles à la contribution, l’utilisation et la réutilisation.

Fait tout aussi important pour le mouvement libre, Wikimedia a montré l’exemple et a dépeint comment une culture libre pouvait être atteinte. En grande partie à cause de Wikimédia, les wikis – autrefois outils marginaux utilisés par un petit nombre de geeks – sont la technologie de base de la production de culture libre, sur des milliers de wikis et sur des myriades de sujets. Les technologies, les modèles sociaux, les structures de communication, les politiques décisionnelles, les procédures et les systèmes, chacun contribue à l’inspiration et à donner des instructions aux autres personnes de la communauté libre élargie. Dans chacun de ces domaines, les projets Wikimédia fournissent un ensemble de modèles novateurs et de pratiques captivantes, qui ont réussi et qui sont bien documentés.

Faire un don à la Fondation Wikimedia

Alors que Wikipédia est libre d’utilisation et est écrite sans compensation directe pour la grande majorité des contributeurs, faire fonctionner Wikipedia n’est pas sans coûts. Wikipédia est libre comme dans le discours, mais pas gratuit comme dans bière – du moins pas pour la Fondation Wikimedia. Un soutien financier est nécessaire pour alimenter les serveurs, soutenir le développement technologique indispensable, lutter contre les menaces judiciaires, et assurer une communauté saine et productive. Ce travail essentiel est payé par les dons à la Fondation Wikimedia.

Et pourtant, alors que ces dons sont destinés au soutien de Wikimedia et aux membres de ses équipes projet, leur impact sur le mouvement libre est beaucoup plus grand et plus important. Comme symbole visible de la culture libre pour la grande majorité des gens qui n’ont jamais entendu ce terme, Wikimedia est intimement lié à la réussite de la culture libre. Wikipédia ne fournit pas seulement un exemple de la façon dont la culture libre est possible, elle montre comment cela peut être fait. elle montre également que la liberté de la culture – la culture vraiment libre – est meilleure que les solutions propriétaires. Wikipedia a déjà ouvert la voie à la réussite de centaines de projets de culture libre. Son succès dans ses luttes, y compris cet appel à la collecte de fonds, aidera ou pénalisera les perspectives immédiates de l’ensemble du mouvement pour la culture libre.

Alors, s’il vous plaît, rejoignez-moi en faisant un don à la Fondation Wikimedia cette année. Le sort de bien plus que Wikipedia est dépendant de notre générosité.

Notes

[1] Crédit photo : Hamed Masoumi (Creative Commons By)