Quand Framasoft aide Johnny à s’acheter sa nouvelle Harley

Resistance is fertile - Pikaluk - CC-BY

Lu sur ZDNet.fr. La commission chargée des rémunérations pour copie privée en France a fixé le 18 juin dernier la taxation des clés USB, des cartes mémoires et des disques durs externes dont l’entrée en vigueur est attendue pour la rentrée avec pour conséquence une hausse mécanique des prix de l’ordre de 20%.

Voici ce que cela donne pour les capacités maximale de chaque catégorie. Une clé USB de 16 Go sera taxée à 2 euros, une carte-mémoire flash de 16 Go augmentera 0,95 euro, tandis qu’un disque dur externe de 1 To lui en prendra (carrément) pour 20 euros de plus.

Imaginons alors un utilisateur de la Framakey qui souhaite l’installer sur une nouvelle clé à plus grande capacité. Et de profiter alors de l’espace restant pour ses propres fichiers, images et de compléter le tout par de la musique libre glânée on ne peut plus légalement sur des sites comme Magnatune, Dogmazic ou Jamendo.

Alors cet utilisateur, qui à aucun moment n’est concerné ici par l’industrie musicale (et qui serait même pluôt critique à leur égard), devra payer davantage en faveur des ayants droit (SACEM, Adami et compagnie). A charge ensuite pour ces ayants droit de redistribuer la manne financière selon un système pyramidal qui bénéficie à une minorité, d’où le titre étrange mais cruellement réaliste de mon billet.

Quelque chose ne tourne pas rond au royaume de France. Surtout quand on pense que Johnny se retrouve en Suisse pour éviter de payer trop d’impôts !

Nous ne manquerons pas en tout cas de vous tenir au courant de tous les bons plans pour, hors de France, acheter par correspondance ces nouveaux supports à moindre prix. Parce que, bon, ça commence à bien faire quoi ![1]

Notes

[1] L’illustration est une photographie de Pikaluk intitulée Resistance is fertile issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Jusqu’où ira cette librévolution ?

Still wanderer - CC byNous avons fait nôtre le slogan La route est longue mais la voie est libre[1]. Or, quand bien même le sage nous dit que l’important est le chemin et pas la destination, on peut se demander jusqu’où nous mènera cette voie que nous sommes de plus en plus à nombreux à emprunter à mesure que le temps passe.

Pour Leo Babauta du site lifehack.org il semblerait que cela puisse aller très loin jusqu’à finir par modifier en profondeur nos sociétés. A chaque domaine hiérachisé et pyramidal son alternative libre se dit-il un peu naïvement.

Je ne sais si nous en arriverons là mais ce qui est sûr c’est que quelque chose s’est enclenché. Un quelque chose qui ne cherche pas forcément à se substituer à l’existant mais qui a le mérite de l’interpeller et parfois même de jouer les enfants qui osent dire que le roi est nu. On le voit bien par exemple aujourd’hui avec le monde de la musique que nous pensions depuis des lustres progressiste et rock’n roll et que nous découvrons globalement conservateur voire rétrograde.

En fait cet article n’est là que vous poser cette question : selon vous, jusqu’où ira ce mouvement du libre ? Pensez-vous, comme la phrase qui ouvre ce blog que ce serait l’une des plus belles opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code ?

PS : Nous avons choisi tout au long de cette nouvelle traduction de mettre l’expression « libre » en italique là où l’auteur de l’article d’origine empoie l’expression « open source »[2].

Une vie libre : comment le mouvement du libre changera tout

Open Source Life: How the open movement will change everything

Leo Babauta – 18 juin 2007 – lifehack.org
(Traduction Framalang : Vincent, Yostral et Daria)

Prenez ceci en considération : en quelques années seulement, l’encyclopédie libre Wikipédia a rendu obsolète les encyclopédies propriétaires, que ce soit en version papier et CD-ROM ou en version commerciale en ligne. Au revoir World Book et Brittanica.

Bien sûr, ces sociétés existent toujours, mais leur clientèle se réduit rapidement au fur et à mesure que les gens se dirigent vers Wikipedia : c’est gratuit, c’est facile à utiliser et c’est beaucoup plus souvent actualisé et mis à jour.

Ce n’est qu’un exemple de la manière dont le concept du libre a déjà changé notre vie. Au cours de la prochaine décennie, nous verrons bien d’autres exemples et leurs conséquences pourraient affecter tous les aspects de notre vie.

Le concept du libre a été popularisé via le projet GNU et la licence GPL et n’a depuis cessé de s’étendre de manière de plus en plus rapide. Le système d’exploitation libre Linux a vu son nombre d’utilisateurs grimper de manière exponentielle ces dernières années, et bien qu’il y ait encore un peu de chemin à faire avant de défier Microsoft ou Apple, c’est devenu pour beaucoup une alternative viable et désirée.

Les alternatives libres croissent en nombre et en importance : du logiciel de bureautique au logiciel de finance en passant par le web ainsi que des utilitaires de bureau aux jeux ; à peu près n’importe quel logiciel auquel vous pouvez penser possède une alternative libre. Et dans beaucoup de cas la version libre est meilleure.

Maintenant, envisagez ceci : rien n’oblige le concept du libre à s’appliquer uniquement au logiciel. Il peut s’appliquer à n’importe quoi dans la vie, dans chaque domaine où l’information est actuellement dans les mains de quelques uns plutôt que tous, dans chaque domaine où quelques personnes contrôlent la production et la distribution et l’amélioration d’un produit, d’un service ou d’une entité.

Actuellement, les exemples suivants peuvent sembler utopistes, et ils le sont, mais il est possible qu’ils deviennent réalité dans les prochaines années, ou dans 10 à 20 ans. Seul le temps le dira, mais ça vaut le coup d’y réfléchir.

  • Ecoles. Actuellement, la connaissance et l’apprentissage de cette connaissance sont dans les mains de quelques-uns, de l’école primaire au lycée, jusqu’à l’enseignement supérieur. Mais pourquoi devons-nous passer par le système scolaire public ou privé, et pourquoi Harvard, Stanford et le MIT contrôlent l’éducation de leurs professeurs et universitaires ? L’enseignement à domicile, par exemple, est un mouvement qui prend de l’ampleur et qui permet aux parents de reprendre le contrôle sur l’éducation de leurs enfants, de quitter un modèle autoritaire de contrôle de l’esprit pour aller vers un modèle d’apprentissage, de questionnement, de pensée critique – et c’est réellement ce que devrait être l’éducation. Comprenez que je ne blâme pas les professeurs – ce sont des gens honnêtes plein de bonnes intentions, mais ils sont limités par le système éducatif, qui est contrôlé par notre gouvernement. Le concept du libre peut s’appliquer à l’enseignement supérieur : imaginez une école en ligne pour programmeurs ou comptables ou entrepreneurs, où les vrais professionnels décident du cursus et enseignent les cours et délivrent les diplômes. Si cette alternative devient de plus en plus acceptée (et ceci mettra du temps), il n’y a pas de raison pour qu’un diplôme d’Harvard soit meilleur qu’un diplôme libre, qui serait également beaucoup moins cher.
  • Gouvernement. Nos gouvernements sont dirigés par un nombre relativement limité de personnes (les politiciens et technocrates), qui régentent de nombreux aspects de nos vies, depuis les impôts et les dépenses des gouvernements jusqu’à la régulation de l’internet et du commerce. Mais imaginez que progressivement des alternatives libres pour ces fonctions soient créées et gagnent en reconnaissance. Ceci peut être difficile à imaginer, mais l’exemple des écoles cité précédemment est une manière d’envisager ce changement. L’e-mail est un autre exemple de comment une fonction publique pourrait être co-optée, car le système postal est moins indispensable qu’auparavant – de moins en moins de gens utilisent le service postal pour écrire des lettres, et les jours où nous recevons nos factures par la poste ne deviendront bientôt plus qu’un lointain souvenir. Peut-être que toutes les fonctions des gouvernements ne pourront pas être co-optées (même si c’est possible), mais si suffisamment de services publics deviennent obsolètes à cause de meilleures alternatives, la justification des impôts deviendra plus faible. L’aide libre aux pauvres, plutôt que les allocations sociales. L’aide médicale libre, plutôt qu’un système public de santé. Il y a beaucoup de possibilités.
  • Entreprises. Ceci peut paraitre idéaliste, mais considérons que la puissance des entreprises soit leur capacité à gérer la connaissance, la fabrication et la distribution de produits et de services. Si leur connaissance devient libre au travers d’alternatives – pensez aux médias traditionnels face aux blogs – alors les entreprises ne sont plus réellement nécessaires. Même la fabrication pourrait devenir décentralisée si les brevets sur les produits devenaient libres.
  • Loisirs. Les industries de la musique, des films, de la télévision, des livres et de la presse sont actuellement fermées – avec la production et la distribution de ces sources de divertissements contrôlés par quelques-uns. Seul un petit nombre de personnes réalisent des albums, des films ou des livres, alors qu’il y a beaucoup de gens talentueux partout ailleurs. L’attribution des contrats pour ces choses est dirigée par un petit nombre de gens. Il y a un nombre limité de canaux de distributions. Mais imaginez une alternative libre, où les personnes collaborent sur de la musique et la révèle sur internet. Ceci existe déjà sur internet avec l’industrie des livres et des magazines, où des gens distribuent des livres électroniques gratuits ou écrivent des blogs ou collaborent sur des recettes de cuisine et des manuels utilisateurs. Il n’y a pas de raison qu’une telle collaboration et une distribution gratuite ne puisse pas arriver avec d’autres loisirs, même si la production est un peu difficile ou onéreuse.
  • Argent. Cela peut paraitre paradoxal, mais qu’est-ce que l’argent ? C’est un système fermé qui dit qu’en échange d’un bien ou d’un service, je vais vous donner un « coupon » que vous pourrez utiliser ailleurs pour avoir des biens ou des services. Une alternative libre pourrait être créée, et aussi longtemps que les personnes font confiance au système, il n’y a pas de raison que ceci doive être contrôlé par les gouvernements et ne puisse pas être utilisé mondialement.
  • Internet. La plupart des biens ou services disponibles sur Internet sont actuellement propriétaires, y compris Google, Microsoft et Yahoo. Ceci pourrait bien changer si les gens développaient des alternatives libres de ces biens ou services. Il y en a déjà quelques-unes, depuis les messageries ou moteurs de recherches libres, jusqu’aux wikis et dictionnaires en lignes, annuaires internet, etc.

Notes

[1] La route est longue mais la voie est libre a été proposé par Nemtua sur nos forums le 26 Mai 2004 suite à un appel à slogan pour Framasoft.

[2] Crédit photo : Still wanderer (Creative Commons By)




Ouvrons le débat de l’informatique à l’école

Reproduction de Informatique et TIC : une vraie discipline ?, un récent article de Jean-Pierre Archambault[1], que nous connaissions depuis longtemps comme héraut du libre éducatif, mais qui élargit ici la problématique au présent et à l’avenir de l’informatique et des TIC à l’école, et ce faisant pose finalement la question de la place des technologies de l’information et de la communication dans notre actuelle et future société.

L’occasion pour moi de citer en rappel deux initiatives liées à la récente campagne présidentielle française 2007, l’une de l’ADULLACT et l’autre de l’APRIL (avec son initiative Candidats.fr).

Extrait de la Lettre aux candidats à l’élection présidentielle de 2007 (ADULLACT)

C’est la jeunesse qui fera le monde de demain. Il est très urgent d’enseigner très tôt la maîtrise et non pas seulement l‘utilisation de l’informatique, les techniques et non pas les modes opératoires. Il faut promouvoir l’informatique comme discipline à part entière dans l’enseignement secondaire, et y encourager l’esprit et les outils de production et de partage, pour le savoir et les richesses. Il faut former les acteurs et non de simples consommateurs de la société de l’information. Pourquoi dans notre pays collégiens et lycéens ne peuvent-il s’initier à la programmation ou au travail collaboratif ?

Extrait du Questionnaire de Candidats.fr (APRIL)

Êtes-vous favorable à ce que l’informatique soit une composante à part entière de la culture générale scolaire de tous les élèves sous la forme notamment d’un enseignement d’une discipline scientifique et technique au lycée ?

Êtes-vous favorable à ce que les élèves soient formés non pas à une gamme de produits (e.g. la suite Microsoft Office) mais à des catégories d’outils (e.g. traitement de texte, tableur, logiciels de présentation…) ?

Avec des réponses contrastées (ADULLACT et APRIL) en particulier de celui qui est devenu dans l’intervalle le président de la République française (réponses PDF de Nicolas Sarkozy à l’ADULLACT et à l’APRIL).

Il est effectivement temps de faire bouger les lignes et ne pas se satisfaire de la situation actuelle qui ressemble parfois à de l’inertie pendant que le monde avance.

Heureusement que, dans un contexte proche de l’urgence, nous pouvons compter sur l’expérience (et l’expertise) de la communauté du libre qui, je crois, lui donne une perception fine des enjeux. Encore faut-il qu’elle soit écoutée en haut lieu…

Vous trouverez une version PDF de l’article en fin de page.[2]

Student in Class - foundphotoslj - CC-BY

Informatique et TIC : une vraie discipline ?

Jean-Pierre Archambault – Medialog 62 Juin 2007

Avec l’introduction de la maîtrise des TIC dans le socle commun de connaissances et de compétences et la généralisation du B2i, un consensus existe pour affirmer qu’il faut préparer les futurs citoyens de la société de la connaissance à devenir des utilisateurs « intelligents » et non « presse-boutons » des technologies. Mais il n’existe pas de consensus sur la façon de s’y prendre. Certains militent pour la création d’une discipline scolaire « Informatique et TIC ».

Tout le monde a en mémoire les débats qui ont accompagné en 2006 la transposition de la directive européenne sur les droits d’auteurs et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) [3]. Ils concernaient notamment l’exercice du droit à la copie privée, la possibilité d’écouter sur plusieurs appareils un morceau de musique acquis en bonne et due forme… c’est-àdire la vie quotidienne de millions de gens. Ils portaient également sur l’interopérabilité, les DRM (Digital Rights Management) ou mesures techniques de protection, les logiciels de peer to peer, le code source des programmes (il fut abondamment question des logiciels libres), le droit un peu abscons des bases de données… Il est difficile au simple citoyen de maîtriser la complexité de ces notions techniques et juridiques et donc de mesurer l’impact de la loi. Par exemple, dans l’article 13 de la loi finalement adoptée, on peut lire : « Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu’une utilisation visée au même alinéa est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l’application d’un code d’accès, d’un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet de la protection ou d’un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection… Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article… Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en oeuvre effective de l’interopérabilité, dans le respect du droit d’auteur… » [4]

Une nouvelle forme d’illettrisme

Or, nul n’est censé ignorer la loi ! Mieux, chacun doit être en mesure de contribuer à sa manière à son élaboration et, pour cela, de comprendre ce dont il s’agit et de bien mesurer les enjeux et les conséquences des textes adoptés par le Parlement. Quelles sont les représentations mentales opérationnelles, les connaissances scientifiques et techniques qui permettent qu’il en soit ainsi ? Ces questions valent également pour la vie de tous les jours, quand il faut décrypter l’offre d’un fournisseur d’accès à Internet, avoir une idée de l’origine et de la responsabilité d’un dysfonctionnement (savoir par exemple pour quelles raisons une page web peut se faire attendre). Nous sommes de plain-pied dans la problématique de la culture générale informatique qui doit être dispensée par l’École. Comment procéder pour former tous les élèves à la société de l’immatériel ? Car, comme le soulignent Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet, dans l’économie de l’immatériel « l’incapacité à maîtriser les TIC constituera (…) une nouvelle forme d’illettrisme aussi dommageable que le fait de ne pas savoir lire et écrire » [5]. Et comment, dans le même temps, dispenser un enseignement qui prépare au mieux la formation ultérieure des spécialistes de haut niveau dont le pays a besoin ? Car, comme le relevait un article du Monde du 18 octobre 2006 sur les métiers de l’informatique, « la profession, où l’âge moyen est de 35 ans, commence à connaître une forte tension sur les recrutements des meilleurs profils : chefs de projet, ingénieurs spécialisés dans les nouvelles technologies, commerciaux, consultants spécialisés… ».

La question n’est pas nouvelle. Depuis une trentaine d’années, pour l’essentiel, deux approches se succèdent, coexistent, suscitent de vifs et intéressants débats. Pour l’une, les apprentissages doivent se faire à travers les usages de l’outil informatique dans les différentes disciplines existantes. Pour l’autre, l’informatique étant partout, elle doit être quelque part en particulier, à un moment donné, sous la forme d’une discipline scolaire en tant que telle [6].

Dans sa thèse, La constitution de l’informatique comme discipline scolaire (1987), Georges- Louis Baron, professeur à l’Université Paris V, parle de « lent cheminement vers le statut de discipline scolaire », et rappelle les conclusions d’un colloque international organisé à Sèvres en 1970 par le CERI-OCDE : « L’introduction d’un enseignement de l’informatique dans l’enseignement de second degré est apparu comme indispensable » [7]. Il y a eu, dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, une option informatique dans les lycées d’enseignement général. Créée en 1982, elle a été supprimée en deux temps, alors qu’elle était en voie de généralisation (première suppression en 1992, rétablissement en 1995, deuxième suppression en 1997). Le « cheminement » est donc quelque peu tortueux. Le cours de technologie au collège comporte une composante informatique bien identifiée. Le B2i, quant à lui, s’inscrit dans la démarche qui situe les apprentissages dans les usages de l’outil informatique dans l’ensemble des disciplines. Il figurera dans les épreuves du brevet des collèges et du baccalauréat, ce qui constitue une reconnaissance institutionnelle qui n’est pas toujours appréciée à sa juste valeur, indépendamment des avis que l’on peut avoir sur les contenus et les modalités d’évaluation.

Il arrive que cette question de la culture générale informatique ne soit pas exempte d’une certaine confusion, dans la mesure où l’on ne distingue pas suffisamment les objectifs généraux, les compétences à acquérir, les contenus scientifiques permettant de les atteindre – que l’on doit expliciter très précisément –, les méthodes pédagogiques et didactiques des disciplines. Rappelons donc succinctement que les statuts et les enjeux éducatifs de l’informatique et des TIC sont multiples.

L’informatique, outil et objet d’ensignement

Il y a un enjeu d’intégration d’instruments modernes pour améliorer la qualité de l’enseignement dans le contexte de sa démocratisation. L’ordinateur enrichit la panoplie des outils de l’enseignant. Il se prête à la création de situations de communication « réelles » ayant du sens pour des élèves en difficulté. Il constitue un outil pour la motivation. Il favorise l’activité. Il aide à atteindre des objectifs d’autonomie, de travail individuel ou en groupe. L’ordinateur est aussi encyclopédie active, créateur de situation de recherche, affiche évolutive, tableau électronique, outil de calcul et de traitement de données et d’images, instrument de simulation, évaluateur neutre et instantané, répétiteur inlassable, instructeur interactif… L’informatique s’immisce dans l’ « essence des disciplines » et leur enseignement doit en tenir compte. Cela vaut pour tous les ordres et niveaux d’enseignement, et notamment pour les formations techniques et professionnelles, tant les métiers, les processus de travail, les profils et les qualifications requises ont évolué. L’ordinateur est outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté éducative. Enfin, l’informatique et les TIC sont objet d’enseignement car composantes incontournables de la culture générale de notre époque. Tous ces statuts ne s’excluent aucunement. Au contraire, ils se complètent et se renforcent. Ainsi le professeur de SVT pourra-t-il d’autant mieux enseigner l’expérimentation assistée par ordinateur et la simulation qu’il pourra s’appuyer sur de solides connaissances de base que ses élèves auront acquises précédemment et ailleurs que dans sa discipline.

Une discipline scolaire ?

En fait, la vraie question posée est celle de savoir s’il doit y avoir, à un moment donné de la scolarité obligatoire, apprentissages en matière de TIC et d’informatique sous la forme d’une discipline scolaire à part entière, comme c’est le cas dans un certain nombre de pays, par exemple la Corée du Sud, la Pologne et dernièrement le Maroc. Différentes raisons, selon nous, militent en faveur d’une réponse positive. D’abord, peuton considérer que « s’immerger c’est apprendre » ? À l’École et hors de l’École. L’utilisation d’un outil, matériel ou conceptuel, suffit-elle pour le maîtriser ? L’existence des enseignements techniques et professionnels est là pour rappeler que la réponse est évidemment non ! Jean-Michel Bérard, Inspecteur général de l’Éducation nationale, dit sans ambages que « l’utilisation d’un outil, si fréquente et diversifiée soit-elle, ne porte pas en elle-même les éléments qui permettent d’éclairer sa propre pratique » [8]. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas s’appuyer sur les pratiques et les expériences des élèves, mais avec l’objectif de les dépasser. Jean-François Cerisier, maître de conférences à l’Université de Poitiers, s’étonne de propos selon lesquels « les jeunes seraient naturellement outillés pour mettre en oeuvre des dispositifs techniques complexes dans une logique d’immersion qui postule implicitement que la pratique naïve des outils suffirait à produire des apprentissages pourtant complexes » [9]. Il indique qu’une étude conduite auprès d’élèves du cycle 3 a montré que la plupart d’entre eux ne disposaient pas d’une représentation suffisamment structurée d’Internet pour engager des démarches de recherche d’information même simples, et qu’ils « peinent à élaborer une requête documentaire lorsqu’ils utilisent un moteur de recherche standard ». Cela ne saurait surprendre quand on sait que le sens des opérateurs logiques (ET, OU) diffère de celui qu’ils ont dans le langage courant, que des éléments de logique figuraient dans les programmes de mathématiques des classes de seconde dans les années soixante-dix, et que leur compréhension n’allait pas de soi. On ne peut donc que le suivre quand, dans un autre article, il demande : « Comment en effet procéder à une recherche d’information efficace lorsque l’on n’a aucune connaissance du mode de fonctionnement de l’instrument utilisé ? » [10]. Par ailleurs, on sait que la science progresse en dégageant du « simple » dans la réalité complexe. Et que la pédagogie recommande de ne pas faire compliqué quand il faut faire simple. Dans une discipline donnée, se fixer, dans le même mouvement, des objectifs cognitifs et d’autres relatifs à l’outil informatique que l’on utilise, risque d’amener à échouer sur les deux tableaux. Chaque chose en son temps. J.-F. Cerisier fait également référence à « l’École comme seul lieu possible de prise en compte systématique des conceptions naïves ». C’est aussi le seul endroit où les élèves rencontrent la connaissance sous une forme structurée et organisée, où ils s’approprient « l’intelligence » des outils conceptuels pour bien s’en servir.

On ne fait pas des sciences expérimentales, ou de la technologie, de la même façon à l’école primaire et au lycée. La culture informatique s’acquiert donc selon des modalités diversifiées dans le temps. À l’école primaire, le B2i correspond bien aux méthodes d’initiation des enfants aux sciences et aux techniques. De plus, et c’est fondamental, il y a un enseignant unique, qui maîtrise donc ses progressions pédagogiques et leurs cohérences, l’organisation du temps scolaire et qui se coordonne facilement avec lui-même ! Ce qui n’est pas le cas au collège : là résident pour une bonne part les difficultés constatées de mise en oeuvre du B2i. Il n’est déjà pas évident d’organiser des apprentissages progressifs sur la durée lorsque les compétences recherchées sont formulées de manière très générale (du type « maîtriser les fonctions de base » ou « effectuer une recherche simple »), éventuellement répétitives à l’identique d’un cycle à l’autre, et que les contenus scientifiques, savoirs et savoir-faire précis permettant de les acquérir, ne sont pas explicités. Mais, quand, en plus, cela doit se faire dans des contributions multiples et partielles des disciplines, à partir de leurs points de vue, sans le fil conducteur de la cohérence didactique des outils et notions informatiques, on imagine aisément le caractère ardu de la tâche au plan de l’organisation concrète. Ainsi, un rapport de l’IGEN souligne-t-il que, « si différentes circulaires précisent les compétences qui doivent être validées et le support de l’évaluation (feuille de position), elles laissent néanmoins dans l’ombre de l’autonomie les modalités concrètes de mise en oeuvre » [11]. Pour se faire une idée de ces difficultés, il suffit d’imaginer l’apprentissage du passé composé et du subjonctif qui serait confié à d’autres disciplines que le Français, au gré de leurs besoins propres (de leur « bon vouloir »), pour la raison que l’enseignement s’y fait en français.

Former des utilisateurs « intelligents »

Au collège, le cours de technologie nous semble être un lieu institutionnel adapté à l’acquisition d’une maîtrise des outils informatiques, dont les enseignants des autres disciplines peuvent alors bénéficier dans leurs démarches pédagogiques, d’une manière réaliste. La complémentarité objet-outil d’enseignement peut donner toute son efficacité quand on l’envisage dans cette optique.

Au lycée, dans le prolongement des acquis précédents, une approche spécifique et scientifique, dans le cadre d’un enseignement particulier, permet de les capitaliser et de favoriser les usages pédagogiques des TIC dans les autres matières. Elle constitue une étape qualitativement nouvelle permettant de se fixer des objectifs ambitieux et incontournables pour des générations appelées à évoluer dans la société de la connaissance, dans laquelle on sait le rôle éminent joué par les TIC, de former des « utilisateurs intelligents » et des citoyens à part entière. Quand une matière est omniprésente dans la société, elle devient un élément de la culture générale, et de la culture scolaire, sous la forme d’une discipline particulière que l’on étudie pour elle-même afin de mieux la mettre au service des autres disciplines. Avec des enseignants spécialisés, des programmes, des horaires et des épreuves au baccalauréat. Jacques Baudé, président d’honneur de l’EPI (association Enseignement Public et Informatique), rappelle opportunément que « pendant plus de dix ans, le Conseil scientifique national (CSN), pilotant l’option informatique des lycées, a montré que la mise au point de programmes d’enseignement n’a pourtant rien d’impossible ; ce n’est ni plus difficile ni plus facile que dans n’importe quelle autre discipline ! Les invariants enseignables au lycée se dégagent somme toute assez facilement à condition de pratiquer une large concertation avec les universitaires et les enseignants du terrain » [12].

Ces invariants, dont parle Jacques Baudé, doivent inclure des activités d’algorithmique et de programmation, non pas pour former des informaticiens professionnels – même si cela y contribue – mais pour que les élèves comprennent la logique de fonctionnement de l’ordinateur et des environnements informationnels (si l’on apprend à résoudre des équations du second degré ce n’est pas parce qu’on en résout tous les jours !). Charles Duchâteau, professeur aux facultés universitaires N.-D. de la Paix de Namur, s’exprime en ce sens : « J’ai été et je reste parmi ceux qui croient que l’apprentissage de la programmation est formatif et qu’il ne faut pas tout mesurer à l’aune de l’utilité immédiate. Je crois aussi que les méthodes et concepts typiques de l’algorithmique sont parmi les plus fondamentaux de l’informatique et que, de plus en plus, une certaine familiarité avec le “faire faire” qui est au coeur de la programmation, au sens large, fait partie d’une utilisation efficace de beaucoup d’outils logiciels récents » [13]. Écrire des programmes informatiques, même très simples, permet également de donner de la substance à ce que sont les codes source et objet, et donc de mieux percevoir les enjeux des logiciels libres. La « philosophie » de ces logiciels est en phase avec l’objectif de former des utilisateurs « intelligents » car la connaissance du code permet la compréhension de la logique et du fonctionnement des logiciels.

Pour Jean-Pierre Demailly, membre de l’académie des Sciences, « un enseignement des langages, des algorithmes et de la programmation serait bien utile à partir du lycée. Tout d’abord parce que c’est un véritable besoin économique de mieux préparer les élèves à acquérir des connaissances technologiques solides, mais aussi parce que cela intéresserait de nombreux jeunes – dont l’informatique est parfois une passion en dehors de l’école » [14].

Pour résumer, une approche équilibrée garante d’une bonne culture générale scolaire doit, selon nous, s’appuyer sur l’utilisation de l’ordinateur dans les disciplines pendant toute la scolarité, le B2i à l’école primaire, le cours de technologie au collège et une matière « Informatique et TIC » au lycée. Avec la conviction que pareille intégration résolue de l’informatique et des technologies modernes dans le système éducatif est de nature à faciliter les évolutions économiques, sociales et culturelles du XXIe siècle.

Notes

[1] Jean-Pierre Archambault – CNDP-CRDP de Paris – Chargé de mission veille technologique

[2] L’illustration est une photographie de foundphotoslj intitulée Student in Class issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY-SA

[3] Jean-Pierre Archambault, « Innover ou protéger ? Un cyberdylemne », Médialog n°58.

[4] lien

[5] Maurice Lévy, Jean-Pierre Jouyet, L’économie de l’immatériel – La croissance de demain, rapport de la commission sur l’économie de l’immatériel remis à Thierry Breton, décembre 2006.

[6] Jean-Pierre Archambault, Démocratie et citoyenneté à l’heure du numérique : les nécessités d’un enseignement lien

[7] lien.

[8] Jean-Michel Bérard, « Ordinateur et système éducatif : quelques questions » in Utilisations de l’ordinateur dans l’enseignement secondaire, Hachette Éducation, 1993.

[9] Jean-François Cerisier, « Qui est derrière Internet ? Des représentations tenaces », Les Cahiers pédagogiques n°446, octobre 2006.

[10] Jean-François Cerisier, « La nature du B2i lui permet-elle d’atteindre ses objectifs ? », Les dossiers de l’ingénierie éducative n°55, septembre 2006.

[11] lien en page 17.

[12] Jacques Baudé, Pour une culture générale intégrant l’Informatique et les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), lien

[13] Charles Duchâteau, Peut-on définir une « culture informatique » ? lien

[14] Jean-Pierre Demailly, professeur à l’université Grenoble I, directeur de l’Institut Fourier, membre de l’académie des Sciences, in interview à l’EPI, avril 2005. lien




Vous connaissez la différence entre une pomme et une fenêtre ?

Une vidéo repérée sur Dailymotion que vous ne verrez ni dans Urgences ni dans Grey’s Anatomy.

La vidéo au format webm.

Auteur : Sebastien Massé – Licence : inconnue (pour le moment)




Une journée sans logiciel libre…

Kinnéidigh Garrett - CC byPetite traduction pédagogique sans prétention illustrant la paralysie qui affecterait Internet si le logiciel libre n’était plus là, permettant par là-même au grand public de se rendre compte par la négative de son importance et de sa diffusion[1].

En fait si le logiciel libre n’existait pas il faudrait l’inventer…

A Day Without Open Source

William Hurley – 9 mai 2007
(Traduction Framalang : HL et Don Rico)

J’étais à une conférence quand deux techniciens entrèrent dans la salle de bar, l’un favorable au logiciel libre, l’autre résolument contre. Ils mirent le moulin en route après quelques verres et Mr Contre remarqua d’une voix forte : « Le logiciel libre, je voudrais bien que ça dégage ! Ça crée plus de problèmes que ça n’a d’avantages.» Déclarations avec lesquelles, de toute évidence, j’ai quelques difficultés. Bon, je sais que la plupart des gens ne comprennent pas le rôle du logiciel libre dans notre monde, ou ignorent combien de services que nous tenons pour acquis disparaitraient sans sa présence. Si vous êtes membre du club, vous voyez probablement où je veux en venir.

Imaginons qu’au douzième coup de minuit, tout logiciel libre s’évapore comme par magie. Qu’est-ce qui fonctionnerait encore demain ? Pour commencer, Internet « disparaîtrait » pour l’utilisateur moyen. La plupart des serveurs de nom de domaines (DNS) fonctionnent sous des logiciels libres comme BIND, qui transforme www.framablog.org en une adresse IP du serveur adéquat. On perdrait en route la majorité des utilisateurs de base d’Internet. Bien sûr, BIND n’est pas le seul logiciel libre pour les DNS. Et toutes les solutions logicielles pour DNS ne sont pas libres.

Mais supposons que les DNS fonctionnent toujours, ou que par hasard vous avez mémorisé 72.14.207.99 au lieu de www.google.com. Même si les serveurs de noms de domaines fonctionnaient, Google disparaîtrait complètement d’Internet. Google tourne essentiellement sous Linux – qui est sans doute le plus populaire des systèmes d’exploitation libres de la planète. Pas de souci. Vous n’avez qu’à aller voir chez Yahoo!, Pas vrai ? Eh bien non. Yahoo! est l’un des plus grands consommateurs d’un autre système d’exploitation très répandu issu du libre : FreeBSD. A présent, vous vous êtes résigné à essayer 207.68.172.246. Nous savons tous qu’ils n’utilisent pas de logiciel libre, et qu’ils s’échinent depuis un bout de temps sur cette fonction de recherche.

OK, MSN est là, paré à la manoeuvre, alors maintenant lançons une recherche. J’ai entendu un remix sympa de Shakira à la radio ce matin, c’est ce que je vais rechercher. MSN me renvoie une liste de sites qui proposent la chanson… Je clique dessus… et… rien. Pas de dance music ? Pas de rythmes latinos ? Plus de 60% des sites Internet tournent sous Apache, un serveur web issu du libre. Avant même que je ne clique sur un lien, mes chances de succès ont été réduites à 4 sur 10.

Sur les 118 023 363 sites recensés jusqu’à présent par NetCraft ce mois de mai, un petit peu plus de 70 millions ne fonctionneraient plus si le logiciel libre venait à disparaître. Certes, Apache n’est pas le seul seveur web issu du libre et… Vous connaissez la suite. Je pourrais continuer des heures et des heures sur vos transactions en ligne, qui ne pourraient être sécurisées sans OpenSSH et OpenSSl et tous les autres services auxquels des utilisateurs ont recours tous les jours et qui, selon ce scénario, n’existeraient pas.

Le logiciel libre n’est pas une nouvelle tendance. Ce n’est pas un phénomène de mode éphémère. Il est partout, que vous le reconnaissiez ou non. De Linux intégré aux nouveaux routeurs sans fil en passant par Firefox, le navigateur libre le plus utilisé au monde, le logiciel libre est la force motrice d’Internet et d’innombrables autres technologies.

Vous savez déjà que je suis un inconditionnel du libre, mais vous, qu’en pensez-vous ? J’aimerais connaître votre avis sur la façon dont la disparition du logiciel libre vous affecterait.

Notes

[1] Crédit photo : Kinnéidigh Garrett (Creative Commons By)




10 règles d’or pour rejoindre les développeurs d’un logiciel libre

TheAlieness GiselaGiardino - CC by-saJe ne sais si c’est un regret mais je ne suis pas développeur. Du coup ma connaissance du logiciel libre est exogène et non endogène et par là-même inévitablement partielle. C’est pourquoi je suis souvent à l’affût d’informations sur les modes opératoire des projets communautaires libres qui me permettent de combler certaines lacunes et parfaire ma culture en la matière. J’y trouve également des sources d’inspiration pour notre propre projet qui est celui d’animer collectivement le réseau Framasoft avec quelque part le même état d’esprit qu’une communauté de développeurs open source.

Tout ça pour dire que cette nouvelle traduction concerne avant tout ceux qui voudraient rejoindre pour la première fois la communauté d’un logiciel libre mais également tous ceux qui en fins observateurs souhaitent un peu mieux comprendre comment ça marche de l’intérieur. Parce qu’effectivement, et Framasoft est là pour en témoigner en aval, force est de constater que le logiciel libre ça marche et même plutôt bien 🙂

Nous avons conservé tout le long l’expression open source utilisée par l’auteur. Même si parfois sujet à précision voire controverse, elle est ici pour nous pleinement synonyme de logiciel libre (free software).

Je signale au passage que sur le même thème notre dynamique petite équipe de traduction (baptisée Framalang) a entrepris une autre chantier autrement plus ambitieux : traduire le livre de Karl Fogel Producing Open Source Software dont nous espérons la matérialisation en un joli Framabook dans le courant de l’été[1].

10 règles d’or pour démarrer avec l’open source

10 golden rules for starting with open source

Tobias Schlitt – 19 avril 2007
(Traduction Framalang : Daria, Olivier et Yostral)

Êtes-vous nouveau en open source ? Si ce n’est pas le cas, vous rappelez-vous encore ce que c’était, quand vous avez commencé pour la première fois avec l’open source? J’ai récemment essayé de me rappeler ces jours… c’était en 2001, quand j’ai découvert PEAR et que, peu de temps après, j’ai commencé à travailler sur mes propres paquets pour PEAR…

Je suis presque sûr d’avoir violé au moins 9 des 10 règles que je vais essayer d’écrire ici, règles que vous devriez connaître et prendre à coeur si vous voulez faire partie de la communauté open source. En tout cas, vous devrez garder ces règles en tête si vous voulez entrer dans la communauté PHP, mais je suis presque sûr que cela s’applique aussi à d’autres communautés.

Si vous voulez vous lancer tout de suite dans le développement open source, soyez sûr de lire les règles suivantes avant d’aller plus loin. Je suis sûr que vous avez beaucoup, beaucoup de grandes idées à l’esprit et que vous ne pouvez pas attendre pour en parler et les réaliser. Mais, prenez d’abord une grande respiration et lisez les règles suivantes, pensez-y, prenez-les à coeur, puis recommencez et repensez-y encore…

1. Collez à votre niveau de Karma

L’open source n’est pas une démocratie. Vous avez entendu autre chose ? C’est faux. Gardez toujours à l’esprit : l’open source n’est pas une démocratie. Chaque développeur a un certain niveau de Karma (inexprimé et inexprimable), ce qui lui permet de décider (ou même de dicter) des choses et d’utiliser certaines infrastructures de la communauté (comme leur système de versionnage , leurs serveurs…). Pensez au Karma comme à votre niveau de points dans un jeu de rôle. Plus le nombre de niveau auxquels vous avez joué augmente, plus vous résolvez des énigmes, plus votre niveau de Karma s’élève. Mais prenez garde, il peut aussi baisser si vous n’agissez pas correctement.

Cela étant, si vous êtes nouveau dans cette communauté, votre niveau de Karma est de 0, par défaut. Vous devrez toujours garder cela en tête. Donc, qu’est-ce que c’est tous ces trucs autour du Karma ? Le Karma représente essentiellement la confiance que la communauté a en vous. Il n’est pas possible de mesurer le Karma avec un nombre ou même de le deviner, parce qu’il y a tellement de facteurs influençant votre Karma, et votre niveau de Karma est différent pour chaque individu de la communauté. Par exemple votre niveau d’expérience technique influence habituellement grandement votre Karma : plus vous en savez à propos du sujet de votre projet et au sujet de l’environnement technique, plus votre Karma sera élevé. Un autre facteur est la quantité de travail que vous investissez dans le projet : si vous êtes membre de ce projet depuis longtemps et que vous avez déjà passé des milliers d’heures à travailler dessus, votre Karma sera probablement élevé aussi.

Il y a beaucoup d’autres facteurs qui influencent votre Karma de développeur open source, comme vous allez l’expérimenter dans les prochaines semaines et prochains mois. Ce que vous devez avant tout vous rappeler est ceci : si vous êtes nouveau dans la communauté votre niveau de Karma est de 0 (ou proche). Pour augmenter votre Karma vous avez besoin de montrer à la communauté que vous êtes digne de confiance. Vous y parviendrez en respectant simplement les 9 règles suivantes.

2. L’information est le Karma

La première chose que vous voudriez probablement faire c’est poser une question ou proposer une idée cool à la communauté. Il y a de bonnes chances pour que vous le fassiez sur une liste de diffusion, qui est le moyen de communication le plus commun dans le monde de l’open source. Evitez de faire cela tout d’abord ! Les gens se fatiguent vraiment très vite si vous leur demandez quelque chose qui est évident à leurs yeux ou si vous proposez une idée/posez une question qui a été proposée/posée par d’autres avant (surtout si cela est déjà arrivé plusieurs fois).

Donc, que devrez-vous effectivement faire avant de poster une question ? Cherchez l’information ! Essayez Google, les sites des projets, les archives des listes de diffusion, la sphère des blogs du projet et toutes les ressources que vous pourrez imaginer. N’effectuez pas une seule recherche, mais affinez votre recherche pour voir s’il n’y a vraiment rien de relatif à votre question. Il n’y a rien? Essayez encore de chercher ! Il n’y a vraiment rien ? Ok, alors allez-y et écrivez votre billet. Mais soyez sûr de lire les 8 règles suivantes avant de le faire !

Et que faire si vous avez une idée ? Faites la même chose que ce que vous devez faire pour les questions ! Regardez si quelqu’un d’autre n’a pas eu la même idée ou une idée similaire. Vous ne trouvez rien ? Vraiment sûr ? Faites alors des recherches sur le sujet. N’écrivez pas simplement quelque chose comme « Ne serait-il pas cool de… » ou « J’ai eu l’idée de… ». Effectuez des recherches sur le sujet dont vous voulez parler avec pédantisme. Comment d’autres projets (peut-être dans d’autres langages ou sur d’autres systèmes d’exploitations) résolvent-ils la question ? N’y a-t-il rien de similaire qui existe ? Pensez aux autres besoins des utilisateurs. Est-ce que c’est quelque chose spécialement pour vous ? Alors commencez à écrire une prétendue proposition. Choisissez un sujet explicite pour votre billet (pas seulement « J’ai une idée » ou quelque chose comme ça). Commencez à écrire une spécification : quel est votre problème ? Quelle est votre idée pour le résoudre ? Comment cela s’intégre-t-il dans le projet ? Qu’est-ce qui est nécessaire pour le faire ? Soyez prolixe sur tout cela. Dans la plupart des cas, les autres personnes ont une perspective complètement différente de la situation globale.

3. S’y habituer

Un point très important avant que vous ne commenciez à devenir un « contributeur » est de vous habituer à ce avec quoi vous travaillez et au sujet dont vous parlez. Vous n’aurez probablement jamais utilisé certains des outils qui sont employés couramment pour le projet, ou bien les outils utilisés sont différents de ceux dont vous avez l’habitude. Habituez-vous à ces outils et, plus important encore, habituez-vous au projet lui-même. Connaître tous les processus qui sont mis en oeuvre dans votre communauté est un point important. Devenir un habitué des outils qu’ils utilisent l’est encore plus.

L’un des ces outils importants est GNU patch, un outil qui applique des modifications (communément appelé un diff pour difference) à une version existante du code. Générer un patch est en général réalisé avec l’outil GNU diff. Si vous voulez produire un patch pour du code, vous aurez probablement besoin de cet outil. Beaucoup de projets utilisent un système de versionnage pour archiver leur code source. Les programmes les plus courants sont CVS et son petit frère plus récent SVN. Habituez-vous à ces systèmes et utilisez les activement ! Ces deux systèmes vous autorisent à extraire (check out en anglais) une certaine version de la source, à la manipuler et automatiquement à génerer un diff pour vos changements.

Si vous avez déjà fait ça, continuez et lisez les 7 prochaines règles !

4. Ne vous surestimez pas

Vous êtes un geek cool. Vous faites du développement depuis des années et, dans votre entourage, vous êtes un des gars les plus intelligents. C’est super. Mais ne présumez pas que cela vaut aussi pour le projet que vous voulez rejoindre. L’open source est habituellement réalisée par des gens qui sont extrêmement intéressés par le sujet, qui sont parfois beaucoup plus intelligents que vous et qui ont probablement une centaine de fois plus d’expérience que vous dans ce sujet spécifique. Restez calme et soyez plutôt timide qu’arrogant. Réfléchissez aux réponses données par les membres du projet, même si vous les trouvez stupides de prime abord ou si elles vous semblent grossières. Etudiez les sujets dont les gens parlent avant d’écrire une réponse. Prenez les réponses à vos demandes sérieusement, même si elles peuvent vous sembler illogiques.

5. Agir signifie Karma

Comme dit auparavant, le Karma est une valeur appréciable, qui dépend d’une centaine de facteurs. Un de ces facteurs est la comparaison entre ce que vous dites et ce que vous faites. Si vous avez une idée pour un projet et que vous êtes capable de la réaliser : allez-y et mettez la en œuvre. Si vous avez besoin d’une fonctionnalité, vous la ferez probablement de toute façon et utiliserez votre patch pour votre usage personnel. Si cela fonctionne, allez à la règle 2 et attachez votre patch à la proposition que vous avez écrite ! Cependant, avant d’agir, finissez de lire les 5 règles suivantes.

6. Soyez amical et ouvert

La plupart des développeurs open source avec qui vous traiterez auront probablement fait de l’open source depuis des années. Ils sont déjà stressés par des utilisateurs qui attendent que quelque chose se passe mal et par les nouveaux développeurs qui ne collent pas aux règles que vous êtes en train de lire. Souvenez-vous de ceci quand vous lisez leurs mails. Ces gars ne sont pas inamicaux ou grossiers, ils sont seulement occupés et ennuyés. Vous arriverez dans un état, où vous aurez à lire 20 listes de diffusion avec des milliers de posts, garder un oeil sur le grand nombre de lignes de code, intervenir dans beaucoup de discussions et interagir avec beaucoup de personnes différentes. Quand vous lirez les mails, prenez juste l’essence objective des mots que vous lisez et ignorez la tonalité que vous pourriez ressentir.

7. S’énerver est mauvais !

Cette règle[2] est presque la même que la règle 6, mais c’est toujours très important. Lisez chaque conversation avec attention. Je connais ce sentiment assez bien, lorsque vous pensez que votre interlocuteur « est un idiot ». Il ne l’est pas ! Il n’y a pas d’idiot ici. Il a juste un point de vue différent du votre, ou a une base technique différente. Restez calme, réfléchissez à votre réponse pendant quelques minutes/heures/jours, puis écrivez-la quand vous ne serez plus en colère. Essayez d’énoncer vos arguments avec des mots polis et expliquez en détails pourquoi vous avez une opinion différente. Si vous sentez votre colère revenir pendant que vous écrivez, gardez votre réponse et revoyez-la encore plus tard. Les discussions enflammées sont vraiment une mauvaise chose et polluent les canaux de communication de votre projet. Elles ne cesseront jamais d’être mais c’est ainsi. La seule chose que vous pouvez faire contre cela, c’est de ne pas y prendre part.

8. Respecter le code étranger

Chaque partie du code que vous verrez a été écrite dans un but précis. Si vous parcourez le code d’autres personnes, vous penserez souvent « Quoi !!! ». Ne changez pas immédiatement le code pour qu’il fonctionne comme vous l’attendez personnellement. Prenez contact avec le développeur qui a écrit le code (par exemple en utilisant « svn blame », voir la règle 3). Discutez de votre point de vue avec lui. Ne faites pas cela en public tant que cela n’affecte pas une grande partie du projet. Si vous le faîtes, référez-vous au système de communication générale de votre projet et annoncez le problème à cet endroit. Souvenez-vous à tout prix des règles 2, 3 et 4. Si vous ne pouvez pas décider si un problème y a sa place, prenez contact avec des gens du projet que vous connaissez déjà et demandez-leur de l’aide. Si vous êtes sympa et que vous leur décrivez ce que vous voulez, ils vous aideront sûrement.

9. N’attendez rien

L’open source signifie habituellement travailler sur la base du volontariat. Ces gens fournissent (pour la plupart) des logiciels gratuits, donc ils ne font pas d’argent avec ce qu’ils réalisent de leurs mains. Ils le font pour différentes raisons. Certains sont juste idéalistes, d’autres veulent simplement partager quelque chose, d’autres veulent se faire connaître, d’autres veulent faire de l’argent avec les services qu’ils fournissent en plus et d’autres encore ont tout en même temps à l’esprit ou encore d’autres raisons… Quelle que soit leur raison pour faire de l’open source, ils le font gratuitement. Gardez toujours cela à l’esprit quand vous leur soumettez une requête.

Par exemple « les demandes de fonctionnalités » sont une bonne chose. Elles donnent aux développeurs une idée de ce dont ils pourraient aussi avoir besoin. Cependant, la majorité des développeurs open source implémenteront seulement les fonctionnalités dont ils ont aussi besoin, ou dans lequel ils voient un défi technique intéressant. Ne soyez pas ennuyé s’ils refusent d’implémenter une fonctionnalité dont vous auriez besoin. C’est leur strict droit de le refuser, jusqu’à ce que vous les payez pour le faire. Si une demande de fonctionnalité est refusée ou n’est pas implémentée, allez-y, implémentez-la vous-même ou envisagez de payer un développeur pour son implémentation. Les développeurs open source ont aussi besoin d’argent pour vivre et ils ne refuseront probablement pas de vous fournir un patch en échange d’un salaire. Quoi qu’il en soit, ils pourraient encore ne pas inclure votre idée dans leur projet ou l’implémenter d’une façon différente. Ne soyez pas fâché ! Ils ont le droit de le faire ! Essayez de faire avec leur conclusion ou essayez de les convaincre de le faire différemment, mais souvenez-vous toujours de respecter les 8 règles précédentes quand vous le faites.

Peu importe ce qui a été décrit avant, reconsidérez toujours votre idée plusieurs fois. Attendre quelque chose d’un développeur open source n’est pas la manière dont les choses marchent habituellement. Le faire vous-même est ce qui habituel.

10. Apprendre est tout

L’idée la plus importante derrière l’open source est l’apprentissage. Les gens fournissent leurs sources de manière ouverte pour permettre à d’autres personnes d’apprendre de leurs sources et d’apprendre des contributions des autres. C’est la même chose pour n’importe quel savoir ou connaissance fourni à propos du projet. Regardez simplement cet article et réfléchissez aux raisons pour lesquelles j’ai pu l’écrire ? C’est exact, c’est parce que je veux partager mon expérience de la communauté open source avec toute personne la découvrant et parce que je veux avoir des retours des autres, pour voir où je pourrais encore avoir des faiblesses et ce à quoi je n’ai pas prêté attention, pour le moment.

Soyez sûr d’apprendre quelque chose de chaque ligne que vous lisez, que ce soit du code ou une conversation. Vous pouvez apprendre de tout le monde, même si cela vous permet seulement d’apprendre comment une chose ne doit pas être faite…

Pendant que j’écrivais ces 10 règles, que je considère très importantes à lire pour chaque nouveau développeur open source, j’avais déjà d’autres règles en tête. Mais restons en là avec ces 10 règles, pour donner un point de départ. Si je pense à d’autres choses qui s’avèreraient être un ajout réellement intéressant, je les ajouterai plus tard. Nous verrons. Merci pour tous vos retours et j’espère que ce billet sera utile à chaque nouveau…

Kore m’a aussi conseillé de me référer à De la bonne manière de poser les questions, qui lui a rappelé ce billet, lorsqu’il le relisait. Je n’ai pas lu cet article avant (mais peut-être un autre semblable), mais cela a vraiment l’air approprié. Si vous avez d’autres ressources, n’hésitez pas à laisser un commentaire !

Notes

[1] Crédit photo : TheAlieness GiselaGiardino (Creative Commons By-Sa)

[2] NdT : Le titre original était Flaming is bad. Vous trouverez une explication du flaming sur Wikipédia.




Sexually Agressive

sexy ubuntu

Doit-on nous aussi (ab)user de la femme objet pour faire la promotion d’Ubuntu comme alternative à Windows ?[1]

Edit : On a finalement trouvé d’où est issu le dessin original qui effectivement n’est certainement pas libre, il s’agit d’une illustration de Greg Horn du personnage d’Emma Frost. On remarquera qu’à la base, la madame brule une lettre d’amour !

Notes

[1] L’image provient de ce blog portugais qui propose entre autres cette drôle de pochette pour le DVD de la nouvelle version d’Ubuntu. Aucune idée du caractère libre du dessin soit dit en passant mais j’ai des doutes.




Libérons aussi le matériel informatique !

Freedom Tunnel 10 - by Pro-Zak - CC-BY

Cet article propose la traduction[1] non officielle d’un article important de la Free Software Foundation (FSF). J’en reprends ici la limpide présentation de Thomas Petazzoni dans sa news LinuxFr du 5 mars dernier.

La Fondation pour le Logiciel Libre (FSF) a publié, ce premier mars, un document intitulé The road to hardware free from restrictions: how the hardware vendors can help the free software community, dans lequel elle invite les constructeurs de matériel à travailler avec la communauté du Logiciel Libre pour établir une relation mutuellement bénéficiaire.

La fondation propose aux constructeurs d’agir dans cinq domaines :

– Développement de pilotes libres pour le matériel, en diffusant la documentation de leurs matériels, voire en aidant la communauté du Logiciel Libre à développer les pilotes, ou en les développant en interne
– Non-verrouillage au niveau des BIOS de certaines fonctionnalités (comme les marques de cartes mini-PCI acceptées, ou les fonctionnalités de virtualisation du processeur)
– Aider au développement d’un BIOS libre, en diffusant la documentation bas-niveau du matériel voire en distribuant du matériel utilisant un BIOS libre
– Vendre des ordinateurs sans système d’exploitation pré-installé, ou avec un système d’exploitation libre
– Résister à la pression des industries de la culture souhaitant mettre en place des mesures techniques de protection au niveau matériel

Pour chaque point, la Fondation pour le Logiciel Libre liste des moyens d’actions précis pour aider la communauté du Logiciel Libre, et donne les intérêts qu’auraient les constructeurs à agir dans ce sens.

L’occasion de rappeller l’action du site detaxe.org contre la vente liée qui continue à attendre vos signatures. Et d’évoquer la toute récente et salutaire décision de Dell d’inclure très prochainement des ordinateurs sous Ubuntu dans leur offre grand public, évènement majeur en phase avec les souhaits exprimés par cet article[2].

FSF screenshot - The road to hardware

Vers du matériel sans restrictions : comment les constructeurs peuvent aider la communauté du logiciel libre

The road to hardware free from restrictions: How hardware vendors can help the free software community

par Justin Baugh et Ward Vandewege
Senior systems administrators
Free Software Foundation

Février 2007

Introduction

Le marché du matériel informatique évolue résolument vers un écosystème standardisé basé sur du matériel sans restrictions. On voit déjà des petits fournisseurs augmenter leurs ventes en s’assurant que leur matériel fonctionne de manière optimale avec les logiciels libres et que leurs pilotes sont faciles à développer et entretenir. Les géants de l’industrie ont déjà mis à profit cette recette sur le marché des serveurs mais doivent encore prendre les mêmes engagements dans le domaine du matériel grand public.

Les vendeurs qui ont compris cette évolution sauront tirer profit de l’avantage stratégique que leur donnera la communauté du logiciel libre. Les vendeurs qui ne parviennent pas à réaliser ceci seront dépassés par des concurrents plus agiles.

Les pilotes libres

L’un des plus gros problèmes auquel doit faire face la communauté du logiciel libre aujourd’hui est le manque de pilotes libres pour le matériel courant. Des avancées significatives ont été faites dans ce domaine pour les systèmes GNU/Linux, soit par le support tacite des fabriquants soit par un laborieux processus de rétro-ingéniérie. Deux bastions des pilotes propriétaires restent toujours à conquérir: les interfaces de réseaux sans fils et les cartes graphiques. La communauté s’est largement mobilisée pour obtenir des pilotes libres pour tout le matériel. (La pétition Free Drivers Petition envoyée aux fabriquants de matériel a recueilli à ce jour plus de 5000 signatures.)

Presque toutes les cartes sans fils ainsi que les dispositifs USB nécessitent soit le chargement d’un firmware par un pilote libre soit l’utilisation des pilotes Windows grâce à un programme d’émulation libre (Ndiswrapper). Ndiswrapper entraîne une utilisation supplémentaire non nécessaire du processeur. Les pilotes propriétaires qu’il utilise sont souvent de mauvaise qualité, ce qui peut conduire à des problèmes de stabilité et de grandes difficultés pour fournir de l’aide aux utilisateurs. La plupart des cartes graphiques ne fonctionneront pas à 100% de leur potentiel sans des pilotes propriétaires, particulièrement dans les applications 3D.

On retrouve là les problèmes habituels du logiciel propriétaire. Des bugs dans les pilotes propriétaires peuvent aboutir à des failles de sécurité au cœur du système qui ne peuvent être corrigées sans l’intervention du vendeur. Cela peut prendre des mois pour corriger des bugs signalés par la communauté, si toutefois un correctif arrive un jour. Souvent les vendeurs prêtent peu attention aux problèmes des utilisateurs qui ont déjà acheté leurs produits. Par exemple, dans le cas particulier des pilotes binaires NVidia, quelques failles de sécurité de la plus haute importance sont restées sans correctif pendant bien trop longtemps. Le matériel qui requiert un firmware propriétaires, utilisable grâce à un logiciel libre, évite le problème en enfermant tous les renseignements dans un boîte noire que l’utilisateur ne peut ouvrir. C’est simplement de la poudre aux yeux, cela donne l’impression que le vendeur de matériel respecte le principe du libre alors que les problèmes de la communauté restent marginalisés.

Comment les vendeurs de matériel peuvent apporter leur soutien
  • Les vendeurs de matériel pourraient imposer que la documentation technique de base complète soit rendue disponible pour le matériel utilisé dans leurs produits. Cette documentation devrait être mise à la disposition des clients sans restriction, comme c’était le cas avant.
  • Les vendeurs pourraient encourager le développement de pilotes libres pour leur matériel soit en écrivant les pilotes eux même ou en aidant l’effort de développement de la communauté.
  • Les vendeurs pourraient travailler avec la communauté pour faire inclure les pilotes directement dans la version de base du noyau, Linux. Ceci rendrait la maintenance et la mise à jour des pilotes beaucoup plus simple aussi bien pour les développeurs que pour les utilisateurs.
Qu’est ce que cela apporterait au vendeur?

Un matériel bien documenté et supporté par des pilotes libres sera significativement plus utile aux membres de la communauté du logiciel libre ainsi qu’au grand public. Une image de matériel libre amène des critiques positives, une image de marque plus forte et des ventes en augmentation. (“Dans un sondage de 1800 jeunes, publié par Cone Inc. et AMP Insights, deux compagnies de marketing de Boston, 89% des sondés disent qu’ils seraient prêts à passer d’une marque à une autre si la seconde est associée à une bonne cause.” Chronicle of Philanthropy, 2006.11.09, Peter Panepento.) Le respect de la liberté de l’utilisateur est un signe distinctif d’une compagnie qui a une certaine éthique.

Le logiciel libre est une question de liberté: les gens devraient être libre d’utiliser les logiciels de toutes les manières qui soient socialement utiles. Voir http://www.gnu.org/philosophy/

Les verrous liés aux BIOS propriétaires

Il y a un certain nombre de problèmes sérieux avec les BIOS propriétaires livrés en général avec les systèmes vendus aux particuliers par les grands vendeurs. Deux problèmes particulièrement flagrants sont:

  • Le verrou qui empêche l’utilisation de cartes au format minipci dans les ordinateurs portables.

Plusieurs vendeurs emploient des codes dans le BIOS pour restreindre l’utilisation des emplacements minipci, qui sont pourtant complètement standardisées, afin qu’elles n’acceptent que des cartes d’extension pré-approuvées. C’est un problème majeur, en particulier car les cartes pré-approuvées sont souvent conçues par des vendeurs hostiles au logiciel libre, comme Broadcom.

  • La désactivation des fonctions de virtualisation matérielle des processeurs modernes.

Il a été signalé que certaines machines se sont vues amputées des fonctions de virtualisation matérielle du processeur par le BIOS d’usine. Les raisons invoquées par un vendeur sont que la virtualisation n’a pas été testée sur ses produits, c’est pourquoi cette fonction a été désactivée. (Voir Business support forums – nw8440 – VT disabled in bios.)
Il n’y a aucun intérêt à ce que les fabriquants de carte mère OEM appliquent des restrictions similaires.

Comment les vendeurs de matériel peuvent aider

Les vendeurs ne devraient pas délibérément amputer leur matériel de certaines fonctions par le biais de cadenas ou de DRM dans le BIOS.

Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

En retirant ces restrictions artificielles, les utilisateurs seront libre d’utiliser leur matériel au maximum de ses capacités, ceci incluant la liberté de combiner les composants comme bon leur semble. Pour une grande communauté informée telle que la communauté du logiciel libre, cette liberté fait ou défait les décisions d’achat.

Le soutien des BIOS libres

Un mouvement entrain de se développer vise à remplacer les BIOS propriétaires par un BIOS libre. Le gros de l’effort fournit soutient LinuxBIOS. (Voir http://linuxbios.org/.)

Comment les vendeurs de matériel peuvent aider

Les vendeurs de matériel pourraient apporter leur soutien à la communauté en donnant accès, sous une licence permissive, à toute la documentation matériel de base nécessaire pour développer un BIOS libre pour leur système et idéalement en apportant une aide sur le plan de l’ingénierie.

Les vendeurs de matériel pourraient vendre leurs produits avec un BIOS libre plutôt qu’un BIOS propriétaire. La communauté du logiciel libre apprécie le matériel qui peut être utilisé entièrement grâce à des logiciels libres, depuis le BIOS, et est prête à payer pour cela.

Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

C’est dans l’intérêt du vendeur de matériel de supporter un BIOS libre car il offre certains avantages par rapport aux BIOS propriétaires:

  • La majeure partie du code est écrite en C, qui est beaucoup plus simple à entretenir qu’un code d’assembleur.
  • Il travaille presque entièrement en mode 32-bits protégé.
  • Plutôt que de perpétuer des décisions faites dans les années 1970 il est basé sur une architecture moderne.
  • De nouvelles possibilités révolutionnaires sont possibles, comme implanter un noyau complet dans une puce ROM.
  • Le démarrage ne prend que quelques secondes, ce qui est seulement un faible pourcentage du temps qu’un BIOS propriétaire moyen met à démarrer.
  • Le vendeur ne dépend pas uniquement d’un fournisseur de BIOS propriétaire pour les modifications et corrections à apporter au code.
  • Comme il est sous licence GPL il n’y a pas de brevet, de redevance ou de taxe de licence à payer.

La “Taxe Microsoft”

Il est quasiment impossible d’acheter du matériel sans un système d’exploitation Microsoft pré-installé. Les vendeurs qui proposent ce genre de systèmes n’encouragent pas leur achat en les cachant. Les vendeurs qui pré-installent GNU/Linux se contentent souvent de n’offrir qu’une liste de systèmes sélectionnés. En aucun cas les vendeurs n’offrent un rabais, bien qu’ils économisent de l’argent en n’incluant pas de licence OEM de Microsoft.

Comment les vendeurs peuvent aider
  • Les vendeurs pourraient proposer des machines avec l’option “sans système d’exploitation” pour chacun de leurs produits, machines pour le grand public comprises, les ordinateurs portables en particulier.
  • Quand l’option “pas de système d’exploitation” est choisie, les vendeurs devraient baisser le prix de l’ordinateur du coût de la licence OEM de Microsoft.
  • Les vendeurs pourraient proposer de pré-installer certaines distributions GNU/Linux de manière optionnelle, également pour les machines grand public et en particulier pour les ordinateurs portables. Les fonctionnalités du sous-système comme ACPI devraient être testées sur ces machines.
Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

En vendant et en faisant de la publicité pour du matériel sans système d’exploitation pré-installé, ou avec un système d’exploitation GNU/Linux, les vendeurs deviendraient moins dépendant de Microsoft. Des millions de personnes utilisent déjà des systèmes GNU/Linux. La communauté du logiciel libre assistera sans aucun doute les vendeurs qui proposent du matériel sans assujettir leurs clients à la “Taxe Microsoft”. Un coût réduit pour le vendeur signifie des prix réduits et de meilleures ventes.

Digital Restrictions Management

La communauté du logiciel libre s’oppose à l’astreinte des Digital Restrictions Management (DRM) (Mesures Techniques de Protection (MTP) en français). L’implémentation logicielle actuelle des DRM s’est montrée non sécurisée, ardue et ingérable, cette technologie anti-consommateur se déplace de plus en plus du logiciel vers le matériel. D’habitude les vendeurs de matériel encouragent l’utilisation innovante des nouvelles technologies et des nouveaux médias plutôt que de la restreindre. Cette culture de l’innovation est la base de toute l’industrie du matériel informatique.

Comment les vendeurs de matériel peuvent aider

Les vendeurs de matériel pourraient résister à la pression que leur imposent les industries du divertissement pour étouffer cette culture de l’innovation et faire pression pour obtenir des lois qui protègent les droits des consommateurs.

Comment cela peut-il être bénéfique pour le vendeur?

La communauté du logiciel libre affluera vers les vendeurs qui protègent les droits des consommateurs en fournissant “du matériel libre de restrictions.” Les vendeurs qui vendent du matériel défectueux de par sa conception verront leurs ventes et le support de la communauté diminuer. En prenant la direction opposée aux DRM matériels les vendeurs resteraient également libres d’innover plutôt que de devoir attendre l’approbation des grands médias pour chaque nouveau produit.

Conclusion

En effectuant les changements recommandés dans une ou chacune de ces cinq directions (Les pilotes libres, les verrous liés aux BIOS propriétaires, le soutien des BIOS libres, la “Taxe Microsoft”, Digital Restrictions Management) les vendeurs de matériel aideront à établir une relation mutuellement bénéfique avec la communauté du logiciel libre. Les vendeurs augmenteront leurs ventes et la communauté du logiciel libre trouvera du matériel qui est conforme à ses aspirations éthiques. La Free Software Foundation est impatiente d’aider les vendeurs de matériel intéressés par les changements recommandés dans cette lettre. Les vendeurs ne devraient pas hésiter à tirer profit de cette opportunité encore très peu explorée.

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La copie mot pour mot et la distribution de cet article sont permises dans le monde entier, sans redevance, sous n’importe quelle forme, à condition de préserver cette note.

Notes

[1] Merci à Olivier et GaeliX pour la traduction 🙂

[2] L’illustration est une photographie de Pro-Zak intitulée Freedom_Tunnel_10 issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.