Maraval, Depardieu et les licences libres, par Jérémie Nestel

Que les gros salaires lèvent le doigt, surtout en temps de crise… Mais ce qu’il y a peut-être de plus intéressant dans l’affaire Depardieu, ce qu’elle a rebondi sur une mise en accusation globale du financement du cinéma français, grâce à une tribune mordante de Vincent Maraval dans Le Monde.

On notera au passage que c’est un producteur qui a mis les pieds dans le plat et non un journaliste, ce qui en dit long sur l’inféodation d’une profession qui préfère se voiler la face en se cantonnant à voir des films (gratos) en pondant leur anecdotique et souvent insignifiant « J’aime / J’aime pas ».

« Le système est sclérosé », surenchérit ici Jérémie Nestel, du collectif Libre Accès, en insistant sur une revendication dont le persistant refus devient de plus en plus difficile à justifier : ce qui est financé sur fonds publics doit être placé tôt ou tard sous licence libre. Tard ce serait ici pas plus d’une dizaine d’années en n’attendant surtout pas la trop lointaine échéance du domaine public, 70 ans après les morts de tous les protagonistes d’un film !

Musique, littérature, cinéma… Internet révèle chaque jour davantage une culture soumise à l’industrie culturelle qui ne profite qu’à une minorité, qui criminalise le partage et qui ne peut ou veut s’adapter à son époque.

Vincent Roche - CC by-sa

Pour un cinéma promouvant le droit au partage

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Jérémie Nestel – 6 janvier 2013 – Libre Accès
Licence Art Libre

Notre mémoire collective contribue à forger une morale commune fait de références similaires.

Cette mémoire collective repose essentiellement sur « des œuvres de l’esprit ».

L’incapacité des politiques à préserver les biens communs dont ceux issus des œuvres de l’esprit annonce la fin du contrat social de notre société.

Pourquoi aliéner notre liberté à une société privilégiant des intérêts particuliers à l’intérêt général ?

Les débats autour d’Hadopi, du droit d’auteur et des nouvelles taxes demandées au public pour financer des rentes à vie aux stars des médias et aux multinationales du divertissement trouvent un écho à deux articles du monde commentant l’exil fiscal de Depardieu.

Tout d’abord ce premier article du Monde « Depardieu, enfant perdu de la patrie » faisant le parallèle entre la volonté de Depardieu de renoncer à sa nationalité et une thèse de Pierre Maillot sur l’identification des Français aux acteurs.

L’article suggère que « le Français qui se reconnaît dans Depardieu se reconnaît perdu ». En choisissant l’exil et « sa déchéance nationale » Depardieu devient le symbole d’une France dont le lien social est brisé.

Le deuxième article du Monde « Les artistes français sont trop payés », coup de gueule du producteur Vincent Maraval, qui relativise l’exil de Depardieu au regard des salaires indécents des acteurs du cinéma Français.

On y apprend que le salaire des acteurs n’est pas lié à la recette commerciale de leur film mais à leur capacité à obtenir les fonds cumulés du CNC, des taxes, des avantages fiscaux et de la télévision publique.

« Est-il normal qu’un Daniel Auteuil, dont les quatre derniers films représentent des échecs financiers de taille, continue à toucher des cachets de 1,5 million d’euros sur des films coproduits par France Télévision ? »

Cet article nous apprend qu’aucune des grandes productions françaises ne doit sa viabilité économique à son exploitation commerciale mais uniquement au financement public direct ou indirect.

Ces fonds publics ne servent pas à faire émerger une esthétique cinématographique française mais à maintenir une société d’acteurs et de producteurs percevant des millions.

Système complètement sclérosé où les réseaux de distribution des salles de cinéma et des chaînes de télévision sont saturés par des grosses productions françaises ou américaines et incapables de s’adapter à la démocratisation des outils numériques de production cinématographique et à la multiplicité des réalisateurs !

L’article de Maraval aura donné lieu à des réactions en chaîne du milieu du cinéma, Libération annonçant même une série de conférences dédiées.

On y apprendra pèle mêle :

Thomas Langmann : « Le système d’avance sur recette du CNC, symbole de l’exception culturelle française, est devenu un comité de copinage. Formé de trois collèges, les choix de l’avance sur recettes restent entièrement à la discrétion de ces commissions. ».

Olivier Bomsel : « Les chaînes françaises n’achètent donc que des créneaux de diffusion : leur seul actif est la valorisation instantanée par la diffusion ».

C’est peut-être là le plus grand scandale, au final. Qu’importe que des acteurs perçoivent des millions comme Daniel Auteuil grâce à des fonds publics, mais pourquoi priver les Français de leur droit au partage sur des productions qu’ils ont contribué à financer ?

Si Canal plus avec Studio Canal détient un catalogue grâce aux films qu’ils ont produits, pourquoi interdire ce droit aux chaînes publiques, chaînes publiques qui appartiennent aux Français ?

La société française est prise en otage d’une économie cinématographique et musicale défaillante ne pouvant se maintenir qu’en exigeant toujours plus de taxes, et en privant les français de leur droit au partage. Dans ce contexte surprenante intervention de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, à la tribune de Maraval, pour affirmer que le mode de financement du cinéma est « un un système vertueux ». Pour pérenniser un système défaillant on ne parlera pas d’une nouvelle économie bâtie sur le partage mais de régulation.

En toile de fond, de l’affaire Depardieu, on retiendra sa capacité à mobiliser sur une affaire somme toute personnelle, deux présidents de la République : Incroyable pouvoir d’influence des acteurs du cinéma sur le politique !

Ce n’est donc pas demain qu’un Ministre de la Culture affirmera que tout film produit à l’aide de financement public (CNC, de France Télévision, aides régionales, Européenne etc.) puisse être diffusé sous une licence libre favorisant le partage. L’appropriation « des catalogues de films » par les multinationales du divertissement vole à notre humanité des pans entiers de notre culture commune. Il n’est donc pas injuste de penser qu’au bout de dix ans d’exploitation un film puisse être diffusé sous une licence libre compte tenu que ceux qui l’ont réalisé ont déjà été rémunérés.

Le partage, l’échange de films qui ont marqué notre vie est un acte social à l’heure du numérique aussi banal que de chanter en famille des chansons en fin de dîner.

Crédit photo : Vincent Roche (Creative Commons By-Sa)




Inviter à l’audace (Libres conseils 7/42)

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Traduction Framalang : Goofy, lerouge, lamessen, peupleLa (relectures), maxlath, Julius22, kalupa, ga3lig, lamessen

Laisser le champ libre

Lydia Pintscher

Lydia Pintscher est une femme naturellement douée pour apprivoiser les gens, les geeks et les chatons. Entre autres, elle est en charge des programmes de mentors de KDE (Google Summer of Code, Google Code-in, Season of KDE), membre fondateur des groupes de travail de la communauté KDE et membre du conseil de KDE e.V.

Le logiciel libre a un ennemi. Ce n’est pas celui auquel pensent la plupart des personnes sur Internet. Non, l’ennemi, c’est le manque de participation active.

Chaque jour des milliers de personnes se mettent à chercher ce qui pourrait bien donner un sens à leur vie, et se demandent comment réaliser quelque chose qui compte vraiment. Tous les jours des milliers de lignes de code pour des logiciels libres sont en attente d’écriture et de débogage, des programmes attendent d’être mis en avant et traduits, des éléments artistiques attendent de voir le jour et ainsi de suite.

Malheureusement, il arrive beaucoup trop souvent que la connexion ne s’établisse pas entre tous ces individus et tous ces projets. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout commence avec des personnes qui ne connaissent rien au logiciel libre, à tous ses avantages et à ses valeurs. Mais on commence à y arriver. Les gens commencent à utiliser et peut-être même à comprendre le logiciel libre à grande échelle. Les projets de logiciels libres vivent de la conversion de certains de leurs utilisateurs en contributeurs actifs. Et c’est là que les problèmes sérieux commencent.

J’ai accompagné des centaines d’étudiants avec des programmes de tutorat et je suis allée sensibiliser de diverses façons aux projets de logiciels libres. J’ai travaillé avec des gens enthousiastes dont la vie a pris un tour bien meilleur grâce à leurs contributions aux logiciels libres. Mais il y a un leitmotiv que je vois encore et toujours et ça me brise le cœur parce que je sais maintenant à côté de quels talents nous passons à cause de ça : ne pas se sentir autorisé à faire quelque chose d’extraordinaire. Un collègue tuteur du Google Summer of Code a mieux résumé ceci en disant : « on a rarement l’impression que les contributeurs de l’open source n’ont pas eu la permission de travailler sur des trucs mais plutôt qu’ils ne se sont pas précipités assez vite au bon moment ». Les contributeurs potentiels pensent souvent qu’ils ne sont pas autorisés à contribuer. Les raisons en sont nombreuses et reposent toutes sur des malentendus. Voici les préjugés les plus courants d’après mon expérience :

  • « Je ne sais pas coder. Pas moyen pour moi de contribuer. »
  • « Je ne suis pas vraiment bon pour ça. On n’a pas besoin de mon aide. »
  • « Je serais rien qu’un boulet. Ils ont des choses plus importantes à gérer. »
  • « On n’a pas besoin de moi. Ils doivent avoir déjà assez de gens bien plus brillants que moi. »

Ces préjugés sont presque toujours sans fondement et j’aurais aimé savoir il y a bien longtemps qu’ils sont si répandus. J’aurais dès le début abordé très différemment mon travail de sensibilisation.

Le plus simple, pour sortir quelqu’un de cette situation, c’est de l’inviter en personne. « Cet atelier que nous proposons ? — Oui, bien sûr, tu devrais venir ». « Ce bogue remonté dans le traqueur de bogues ? — Je suis sûre que tu es la personne idéale pour essayer de le corriger ». « Ce communiqué de presse qu’il faut préparer ? — Ce serait super si tu pouvais le relire et t’assurer qu’il est bon ». Et si ce n’est pas possible, assurez-vous que votre matériel de promotion — vous en avez bien un peu, non ? — précise clairement quel genre de personnes vous recherchez et ce que vous estimez être les prérequis.

Assurez-vous surtout de toucher les personnes en-dehors du cercle des contributeurs habituels, car la barrière est encore plus haute pour eux. À moins de dépasser cette limite, vous ne recruterez que vous-même — c’est-à-dire que vous aurez davantage de contributeurs semblables à ceux que vous avez déjà. Les personnes semblables à celles déjà présentes sont géniales, mais pensez à toutes les autres personnes extraordinaires à côté desquelles vous passez et qui pourraient apporter de nouvelles idées et de nouvelles compétences à votre projet.




Le Libre, entre marxisme et capitalisme ?

Entre les biens communs et le communisme, y aurait-il davantage qu’une parenté lexicale ? Le logiciel libre libère-t-il plus que le code ? Est-il l’instrument d’une lutte contre le capitalisme monopolistique, ou bien une ressource développée en marge du temps salarié et qu’il est pratique de piller dans une logique de marché ?

Des questions de ce type, et d’autres bien plus brutales encore, sont depuis longtemps posées par toutes sortes de personnes et pas seulement dans le milieu de l’informatique ou de sa culture. Voyez par exemple les réflexions avancées sur ce forum de marxistes révolutionnaires, cette autre analyse politico-philosophique déjà ancienne qui pose justement la problématique du Libre au-delà du logiciel en essayant « d’interpréter Marx dans le contexte du logiciel libre ». Ou encore ce texte d’Ernest Everhard qui analyse assez bien les limites politiques du logiciel libre, lequel ne peut suffire à transformer à lui seul la société — une prise de position dont la conclusion est la suivante : « il est nécessaire d’exproprier les grands éditeurs de logiciels ».

Bref, voilà bien un serpent de mer qui donne lieu à beaucoup d’approximations, de conjectures et de théories. Ou plutôt, que l’on tente fréquemment de rapprocher plus ou moins judicieusement de théories ou idéologies aussi variées que contradictoires, comme c’est le cas dans l’article de Jonathan Roberts.

Posons cependant l’hypothèse que ce débat est fertile car il oblige les libristes à se positionner et réfléchir au-delà de leurs mantras stallmanniens. Et peut-être à cerner mieux ce que le mouvement du logiciel libre n’est pas. « Ni de droite ni de gauche » prétendent constamment tous ceux qui refusent de reconnaître dans quel contexte politique il se déploie ou non. « Ni marxiste ni capitaliste » vont peut-être nous expliquer doctement certains commentateurs. Mais encore ? « Ni libertaire ni libertarien » ?

Ne prenez pas trop au sérieux les rapprochements forcément discutables que vous lirez ci-dessous, voyez-y plutôt une invitation à débattre. Librement.

La philosophie du logiciel libre

d’après Jonathan Roberts The philosophy of free software (Tech Radar)

Traduction Framalang ga3lig, peupleLa (relectures), KoS, brandelune, 4nti7rust, Amine Brikci-N, Goofy

Beaucoup de gens adorent se lancer dans un bon débat. Nous leur avons demandé (un peu comme une boutade) s’il était plus facile d’appréhender Linux sous l’angle du marxisme ou sous celui du capitalisme.

Les réponses qui nous sont parvenues étaient très drôles, mais la plupart étaient aussi plutôt élaborées et nous ont invités à réfléchir : comment Linux et le mouvement du logiciel libre trouvent-ils leur place dans les vastes débats philosophiques, économiques, éthiques et religieux qui passionnent les êtres humains depuis des siècles.

En constatant que même Linus Torvalds s’était lancé dans des spéculations aussi oiseuses, comme on peut le voir dans l’interview qu’il a donnée l’été dernier à la BBC, nous avons pensé qu’il serait amusant de poursuivre la conversation.

Nous allons aborder Linux et le logiciel libre selon une perspective cavalière, en l’examinant sous l’angle de quelques-uns de ces débats sans fin. Nous jetterons un coup d’œil à quelques théories pour savoir dans quelle mesure elles pourraient s’appliquer à notre système d’exploitation favori.

Tout d’abord cet avertissement : selon nous, ce qui est le plus important avec Linux et le logiciel libre, c’est qu’il s’agit d’une réalité pratique. C’est tout simplement sympa que ce truc fonctionne bien, c’est gratuit et les gens peuvent prendre beaucoup de plaisir à l’utiliser et à l’élaborer, certains peuvent même gagner un peu d’argent par la même occasion. Tout le reste n’est que littérature, donc ne soyez pas trop bouleversé par ce que vous allez lire !

Puisque nous avons mentionné l’interview de Linus Torvald à la BBC, commençons par là. Il y déclare : « …l’open source ne marche vraiment que si chacun y contribue pour ses propres raisons égoïstes… la propriété fondamentale de la GPL2 c’est sa logique de simple donnant-donnant : je te donne mes améliorations si tu promets que tu me feras profiter des tiennes ».

Ce qui rend l’observation de Torvalds intéressante c’est qu’on peut la mettre en rapport avec des discussions en philosophie, éthique, biologie, psychologie et même mathématiques qui remontent à Platon (au moins). Dans La République, Platon examine les notions de justice et de morale en posant la question : sont-elles des constructions sociales ou un Bien abstrait ?

Au cours du dialogue, Glaucon, un des protagonistes, évoque l’histoire de l’anneau magique de Gygès qui rend invisible celui qui le porte. Il présume que, juste ou injuste, tout homme qui porterait cet anneau agirait de la même façon : en prenant ce qui lui plaît sur les étals du marché, en s’introduisant dans les maisons pour y coucher avec qui lui plaît ou encore en tuant ses ennemis.

Il déclare :

« Si quelqu’un recevait ce pouvoir d’invisibilité et ne consentait jamais à commettre l’injustice ni à toucher au bien d’autrui, il paraîtrait le plus insensé des hommes à ceux qui auraient connaissance de sa conduite, (…) car tout homme pense que l’injustice est plus profitable que la justice. » (Platon, La République, II, 360d, traduction Robert Baccou)

Quelle vision déprimante de la nature humaine !

Que vous vous accordiez ou non avec Glaucon, il est évident que Torvalds soulève ce même point : sans contraintes sociales telles que la GPL v2, je ne serais pas en mesure de croire qu’en échange de mes améliorations du code, vous me donneriez les vôtres en retour.

Pourquoi le feriez-vous ? Après tout, si vous vous contentez de prendre mon code pour améliorer votre logiciel, vous aurez un avantage sur moi : moins de travail pour un meilleur résultat — et les gens sont égoïstes !

Il semble que même Platon, comme l’a fait plus tard Torvalds, ait au moins considéré que le monde ne tourne pas avec des gens qui disent : « asseyons-nous tous en rond autour d’un feu de camp pour chanter “Si tous les gars du monde…” et le monde sera meilleur ».

Les rapaces et la sécurité

Bruce Schneier traite du même problème dans son dernier ouvrage Liars and Outliers http://www.schneier.com/book-lo.htm… ; il met en évidence à quel point ce débat est courant, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du monde de la technologie. Dans son livre, il décrit un processus appelé le jeu du Faucon-Colombe, inspiré de la théorie des jeux.

La théorie c’est que dans une population d’oiseaux sauvages en compétition pour la même quantité limitée de nourriture, certains sont des faucons et d’autres des colombes. Les faucons sont agressifs et vont se battre pour leur nourriture : quand ils rencontrent un autre faucon, ils vont tous les deux se combattre, et l’un obtiendra la nourriture tandis que l’autre sera blessé voire tué. Les colombes, au contraire, sont passives, et lorsqu’elles sont deux devant la même nourriture, elles choisissent de la partager entre elles. Si un faucon et une colombe sont confrontés, alors c’est toujours le faucon qui aura la nourriture et la colombe va choisir de se retirer.

Bien que vous puissiez tirer bien des conclusions de l’analyse de ce jeu, l’observation la plus importante que fait Schneier est la suivante : quel que soit le scénario envisagé, il y aura toujours au moins quelques faucons dans le lot.

Si la population au départ était composée à 100% de colombes, quelques-unes s’arrangeraient rapidement pour avoir pas mal de nourriture supplémentaire pour elles seules, en se comportant comme des faucons, sans trop de risques d’affronter d’autres colombes qui se comporteraient elles aussi comme des faucons. Bien entendu, à mesure que la population de faucons s’accroît, arrivera un moment où les conséquences en seront dommageables à l’ensemble de la population. Il n’y aura plus assez de nourriture pour les colombes, qui mourront lentement après s’être retirées de tous les combats sans nourriture, et les faucons auront de plus en plus d’affrontements avec leurs semblables, courant des risques plus grands d’être tués.

Bon, arrêtons là avec les faucons et les colombes. Quels rapports avec le logiciel libre et la GPL ? Eh bien on pourrait en déduire que sans la GPL « qui nous permet d’être égoïstes », comme le dit Torvalds, nous pourrions nous trouver dans la situation où trop de faucons s’emparent du code sans contribuer en échange, ce qui dégraderait progressivement la confiance et la participation, et finirait par détruire notre population de programmeurs open source.

Dans le reste de l’ouvrage, Schneier propose divers « mécanismes de sécurité » pour nous aider à avoir confiance dans les actions des autres, et nous permettre de travailler de façon collaborative même si nous ne pouvons pas forcément adhérer aux motivations (égoïstes) des autres. Tandis que Schneier signale des facteurs tels que la loi, l’évolution des neurones miroirs, etc., la GPL pourrait également être considérée selon cet angle ,à savoir comme un mécanisme de sécurité destiné à renforcer la confiance mutuelle et la collaboration. Et c’est aussi très malin.

Le logiciel libre et l’économie

En plus d’être un cas d’étude intéressant pour ceux qui s’intéressent à la coopération, le logiciel libre a reçu beaucoup d’attention pour ses similarités avec divers systèmes économiques. Un bon exemple en est Bill Gates, qui en 2005 disait : « Il y a des communistes des temps modernes qui voudraient se débarrasser des primes pour les (…) éditeurs de logiciels de diverses façons »

Maintenant, bien sûr, il est possible que l’intérêt de Gates ait moins été de tirer un bilan économique sérieux que d’effrayer le marché des entreprises américaines capitalistes qui aiment le libre-échange en les dissuadant d’utiliser des logiciels libres ; c’est une observation qui revient assez fréquemment pour mériter qu’on la prenne en considération.

Le premier point à noter est que le logiciel libre a peu à voir avec le communisme soviétique, dont les principales caractéristiques étaient la planification centralisée et un état policier imposant, complétés par des camps de prisonniers et de travail forcé. Ceux qui ont suivi le logiciel libre depuis suffisamment longtemps savent que la planification centralisée ne se produit que rarement, sinon jamais : la multiplication des formats logiciels, des distributions, suites bureautiques, environnements de bureau, serveurs web et de courriels en est une preuve suffisante.

Qui plus est, personne n’est obligé de travailler sur du logiciel libre ou de l’utiliser. En fait, étant donné que tous les formats de fichier sont implémentés avec un code ouvert, n’importe qui peut les ré-implémenter dans un programme concurrent sans sourciller. Beaucoup se sont emparés de ces arguments pour suggérer que – pour la plus grande frustration de Bill Gates, on peut bien l’imaginer – le logiciel libre a moins en commun avec le communisme soviétique que les pratiques de nombreuses entreprises propriétaires.

Des entreprises comme Apple et Microsoft sont réputées et même félicitées pour leur planification verticale ; elles sont aussi tristement célèbres par la façon dont elles enchaînent les utilisateurs à leurs logiciels et matériels informatiques en créant par défaut des formats de fichiers fermés et propriétaires que les programmes concurrents ne sont pas en mesure d’implémenter facilement eux-mêmes.

Le marxisme

Si le logiciel libre a peu de rapport avec le communisme soviétique, peut-être a-t-il davantage en commun avec le marxisme.

L’une des idées centrales dans cette vision du monde est qu’en détenant les moyens de production, que ce soit les machines, le savoir ou quoi que ce soit d’autre, les classes dominantes peuvent exploiter les classes dominées; tant qu’ils ne possèdent pas les moyens de production, les travailleurs doivent céder « volontairement » leur force de travail contre un salaire pour acheter les biens nécessaires à leur survie : un toit, des vêtements, de la nourriture et des loisirs. Ils ne peuvent véritablement choisir de travailler, et ils ne peuvent jamais avoir vraiment leur mot à dire sur leurs salaires ou la redistribution des profits.

Une des idées constantes chez Marx, c’est son espoir que la situation pourra être améliorée, avec des travailleurs qui conquièrent leur liberté au sein d’une société sans classes dans laquelle les moyens de production seront détenus en commun.

Puisque, dans le monde contemporain, l’un des principaux moyens de production est le logiciel, le logiciel libre correspond assez bien au système de Marx. Le code est effectivement un bien commun. Tout le monde est libre de le lire, de l’étudier, de le partager, de le remixer et le modifier. De ce fait, il est impossible que les travailleurs soient enchaînés par ceux qui les dominent dans le système de classes, puisque à tout instant chacun peut choisir d’utiliser les moyens de production, c’est-à-dire le code, à ses propres fins.

Liberté de pensée

Eben Moglen plaide en faveur de l’influence que la propriété commune du code peut avoir sur notre société, dans un discours prononcé aux Wizards of OS 3, intitulé « Les pensées sont libres : le logiciel libre et la lutte pour la liberté de pensée ».

Dans son discours, il a soutenu que « perpétuer l’ignorance, c’est perpétuer l’esclavage » (il sait vraiment tourner une phrase !). Son argument est que sans la connaissance de l’économie, sans la connaissance de l’ingénierie, de la culture et de la science – toutes ces choses qui font tourner le monde, les classes dominées ne pourront jamais espérer améliorer leur situation, ni espérer s’emparer des moyens de production.

Les logiciels libres, ainsi que le matériel libre, la culture libre et tout ce qui gravite autour du Libre, libèrent des moyens qui mettent la liberté de pensée et d’information à portée de main, si elle n’est déjà atteinte.

Les serveurs web ne sont pas limités seulement à ceux qui possèdent les moyens de production, parce que le code est libre, donc n’importe qui peut partager à sa guise n’importe quelle création culturelle de son choix. Ce peut être une simple chanson, mais ça peut aussi être le moyen de créer une monnaie mondiale, décentralisée, comme le Bitcoin, ou les plans de toutes les machines nécessaires pour construire votre propre petite ville, comme dans le Global Village Construction Set.

Ce qui importe, c’est que tout cela a été rendu possible par la propriété commune du code.

L’ordre spontané

Si vous n’êtes pas trop convaincu que le logiciel libre est un mouvement qu’aurait pu soutenir Marx, vous pourriez être surpris d’apprendre que vous disposez d’un bon argument : c’est une excellente illustration du libre-échange, cette théorie tellement chérie des capitalistes et tellement haïe des marxistes et militants anti-mondialisation sur toute la planète. Bon, peut-être pas le libre-échange, mais du moins c’est l’illustration d’une des idées majeures qui le sous-tend, celle de l’ordre spontané.

Une des principales idées du libre-échange c’est que, guidées par la main invisible du marché, les fluctuations de prix s’ajustent en fonction des efforts individuels d’une manière qui favorise le bien commun. Cette idée est étroitement associée à Adam Smith et Friedrich von Hayek, qui ont utilisé le terme d’ordre spontané pour la décrire, mais elle remonte en fait à David Hume, l’un des plus grands philosophes du mouvement des Lumières écossais.

Hume croyait qu’en l’absence d’autorité centralisée, les conventions et les traditions ressortent pour minimiser et résoudre les conflits et pour réguler les activités sociales. Contrairement à Smith et Hayek cependant, Hume croyait que les passions humaines vont au-delà du simple appât du gain et que de ces passions peuvent découler règles et conventions.

Quel rapport avec les logiciels libres ? Eh bien, c’est plutôt évident, non ? Le logiciel libre est un exemple d’ordre spontané dans le sens où l’entend Hume. Puisque les personnes qui y travaillent ne peuvent en retirer qu’un maigre profit et qu’il est distribué gratuitement, l’argent y tient peu de place. Dans le logiciel libre les communautés s’associent librement et travaillent ensemble à la création de logiciels auxquels la société dans son ensemble accorde de la valeur.

Il existe cependant quelques signes susceptibles d’influencer les projets sur lesquels les développeurs décident de travailler. Par exemple, si les utilisateurs d’un logiciel libre trouvent une meilleure alternative, ils vont probablement migrer vers celle-ci. Les développeurs, peu désireux de coder des logiciels qui risquent de n’être utilisés par personne, pourraient bien eux aussi aller voir ailleurs et travailler sur de nouveaux projets que les gens trouveront plus utiles.

De cette façon, et sans incitation au profit, les développeurs de logiciels libres concentrent réellement leurs efforts dans les domaines qui seront les plus utiles au plus grand nombre, c’est-à-dire pour le plus grand bien de la société dans son ensemble.




Du code avant toute chose

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Libres conseils (1/42)

Traduction framalang peupleLa, tibs, Astalaseven, aKa, lerouge, Vilnus Atyx, liu qihao, Cyrille L., Khyvodul, jcr83, jcr83, Goofy, Gatien Bovyn, Antoine, lamessen, AlBahtaar + 2 anonymes

Première Partie, Idées et innovations

1. Du code avant toute chose

Armijn Hemel a utilisé des logiciels libres depuis 1994, lorsque son frère est revenu à la maison avec une pile de disquettes contenant l’une des premières versions de FreeBSD. Un an après, il migrait vers GNU/Linux, et depuis il n’utilise plus que des systèmes de type Unix, que ce soit chez lui, pour ses études à l’université d’Utrecht ou au travail. Depuis 2005, Armijn est membre du noyau dur de l’équipe de gpl-violations.org tout en possédant son propre cabinet de conseil (Tjaldur Software Governance Solutions) spécialisé dans la détection et la résolution de litiges nés de violations de licences GPL.

En 1999, je faisais tout juste mes premiers pas dans l’activisme du logiciel libre et Open Source. J’utilisais déjà Linux et FreeBSD depuis un certain nombre d’années, mais je n’étais encore qu’un simple utilisateur et je souhaitais apporter une contribution en retour. De mon point de vue, la meilleure manière de le faire était d’écrire du code. Étant donné que je ne trouvais aucun projet existant dans lequel j’aurais été à l’aise pour travailler, j’ai décidé de commencer mon propre projet. Avec le recul, je constate que plusieurs raisons m’ont poussé à débuter ce projet. L’une tenait à mes doutes sur le fait que mon code était d’une qualité suffisante pour être accepté dans un projet existant (je n’étais pas un programmeur brillant et d’ailleurs je ne le suis toujours pas), alors que pour un projet personnel, la question ne se pose pas. La seconde raison est certainement l’arrogance de la jeunesse.

Mon idée était de créer un logiciel de présentation, qui pourrait imiter la plupart des fonctionnalités les plus avancées (ou si vous préférez, les plus pénibles) de PowerPoint. À ce moment-là, OpenOffice.org n’existait pas et le choix était relativement limité : LaTeX et MagicPoint, qui sont davantage orientés vers le contenu textuel que sur les effets d’animation. Je voulais créer un logiciel multi-plateforme, et j’ai pensé que pour remplir cet objectif Java serait le meilleur choix.

Le concept était de faire un logiciel de présentation, écrit en Java, qui aurait intégré tous ces effets animés. Je me suis décidé et j’ai commencé le projet.

Toute l’infrastructure nécessaire était déjà disponible : une liste de diffusion, un site web, un système de gestion de versions (CVS). Mais il n’existait aucun code source qui aurait permis à des contributeurs potentiels de travailler directement . La seule chose en ma possession, c’était quelques idées de ce que je voulais faire, une démangeaison à soulager, et des slogans publicitaires séduisants. Je voulais en fait que beaucoup de gens rejoignent le projet pour que celui-ci devienne réellement un projet collaboratif.

J’ai commencé par faire des plans (avec mes nouvelles connaissances en UML) et à les faire circuler. Rien ne s’est passé. J’ai essayé d’impliquer des contributeurs, mais créer une architecture de manière collaborative est très difficile (sans compter qu’a priori, ce n’est sûrement pas le meilleur moyen de créer un logiciel). Après un certain temps, j’ai laissé tomber et le projet est mort en silence, sans qu’une seule ligne de code ait été écrite. Chaque mois je recevais des messages par la liste de diffusion qui me rappelaient que ce projet avait un jour existé, j’ai donc demandé sa mise hors-ligne.

J’en ai tiré une leçon précieuse, quoiqu’un peu douloureuse : dès lors que vous annoncez quelque chose et que vous souhaitez que les gens s’impliquent dans votre projet, assurez-vous au moins qu’il y ait un minimum de code disponible. Peu importe qu’il ne soit pas complètement terminé ; il est acceptable même s’il est mal dégrossi (au début en tout cas). Mais au moins cela démontre l’existence d’une base sur laquelle des contributeurs peuvent travailler et ainsi l’améliorer. Dans le cas contraire, votre projet finira de la même manière que tant d’autres, dont le mien : aux oubliettes.

Finalement, j’ai trouvé mon créneau pour contribuer au progrès du logiciel libre et open source, en m’assurant que les fondements légaux de ceux-ci restent protégés par l’intermédiaire du projet gpl-violations.org. Rétrospectivement, je n’ai jamais utilisé — sans en éprouver de frustration d’ailleurs — les effets animés dans les logiciels de présentation. En fait, je les trouve de plus en plus irritants, ils nous distraient trop du contenu. Pour faire mes présentations, je suis un utilisateur heureux de LaTeX Beamer et occasionnellement — mais avec moins de plaisir — d’OpenOffice.org/LibreOffice.

Crédit photo vampir 42 (CC-BY-SA)




« Libres conseils », une, première !

Qui n’a pas son projet libre ?

Plus qu’une mode ou un engouement passager, c’est un véritable mouvement de fond depuis quelques années : toute une communauté qui crée, échange, élabore, donne et reçoit des contributions, enfourche de nouveaux projets…

Fort bien, mais…

SourceForge récemment et Github aujourd’hui sont de véritables cimetières de projets libres et open source qui n’ont jamais trouvé d’audience, d’équipe de développement, de communauté active. Rien de bien tragique là-dedans. On peut estimer que ces plateformes sont pour beaucoup de libristes une sorte de terrain de jeu, de laboratoire, d’incubateur où le code et sa documentation s’expérimentent par à-coups, avec l’enthousiasme et l’énergie de ceux qui s’emparent d’un outil pour le mettre au service de leur créativité. Un excellent moyen d’apprendre en faisant finalement, à code ouvert. Et qu’importe alors l’absence d’aboutissement dans 80% des cas puisque c’est la démarche qui a été formatrice.

Cependant vous pouvez avoir envie de dépasser le stade du hobbyiste sympathique qui va bricoler son génial projet dans son coin. Vous pouvez avoir le désir de mettre toutes le chances de votre côté pour que le projet libre aboutisse vraiment, gagne en notoriété, entre dans une logique commerciale, vous procure amour, gloire et beauté.

C’est précisément l’intérêt du feuilleton dont vous allez déguster les épisodes semaine après semaine.

42 auteurs vous feront partager leur expérience, avec sérieux et humour, vous raconteront leurs ratages et leurs succès, vous diront comment éviter les uns et atteindre les autres. Des principes, des recommandations mais aussi des trucs et des ficelles, bref une ribambelle chatoyante de libres conseils.

Chaque semaine ou presque, l’équipe framalang vous proposera un nouvel épisode traduit du livre électronique en anglais Open Advice.

Chaque semaine — top départ chaque jeudi soir à 21h — une ou deux tranches du gâteau seront proposées à la traduction collaborative sur un framapad, donc en libre accès pour tous ceux qui souhaitent y contribuer. Participez à l’aventure !

La version que nous publierons ensuite ici même, comme dans le premier échantillon ci-dessous qui est une sorte de préambule, est un premier état de la traduction (donc évidemment perfectible), l’étape suivante sera une révision générale de tous les articles pour les joindre en un Framabook à venir.

Eh oui ça se passe comme ça chez Frama !

Les traducteurs de ce premier round d’échauffement :

peupleLa, Astalaseven, Hideki, Vilnus Atyx, liu qihao, Cyrille L., Khyvodul, jcr83, Slystone, schap2, 4nti7rust, Goofy, Antoine, lamessen + 4 anonymes

Libres Conseils

Logiciels libres et open source : ce que nous aurions aimé savoir avant de commencer

Open Advice est une base de connaissances provenant d’une grande variété de projets de logiciels libres. Elle répond à des questions dont 42 contributeurs majeurs auraient aimé connaître les réponses lorsqu’ils ont débuté. Vous aurez ainsi une longueur d’avance quelle que soit la façon dont vous contribuez et quel que soit le projet que vous avez choisi.

Les projets de logiciels libres modifient le paysage du logiciel de façon impressionnante grâce à des utilisateurs dévoués et une gestion innovante. Chacun apporte quelque chose au mouvement à sa façon, avec ses capacités et ses connaissances. Cet engagement personnel et la puissance du travail collaboratif sur Internet donnent toute leur force aux logiciels libres et c’est ce qui a rassemblé les auteurs de ce livre.

Ce livre est la réponse à la question « Qu’auriez-vous aimé savoir avant de commencer à contribuer ? » Les auteurs offrent un aperçu de la grande variété de talents qu’il faut rassembler pour réussir un projet de logiciel : le codage bien sûr, mais aussi le design, la traduction, le marketing et bien d’autres compétences. Nous sommes là pour vous donner une longueur d’avance si vous êtes nouveau. Et si ça fait déjà un moment que vous contribuez, nous sommes là pour vous donner un aperçu d’autres domaines et projets.

pour les géants et ceux qui se tiendront sur leurs épaules [1] 

Avant-propos

Ce livre parle de communauté et de technologies. Il est le fruit d’un travail collectif, un peu comme la technologie que nous construisons ensemble. Si c’est votre première rencontre avec notre communauté, vous pourrez trouver étrange de penser qu’une communauté puisse être le moteur qui propulse la technologie. La technologie n’est-elle pas l’œuvre des grands groupes industriels ? En fait, pour nous c’est presque l’inverse. Les auteurs de ce livre sont tous membres de ce que vous pourriez appeler la communauté du logiciel libre. Un groupe de personnes qui partagent l’idée fondatrice que les logiciels sont plus puissants, plus utiles, plus flexibles, mieux contrôlables, plus justes, plus englobants, plus durables, plus efficaces, plus sûrs et finalement simplement meilleurs quand ils sont fournis avec les quatre libertés fondamentales : la liberté d’utiliser, la liberté d’étudier, la liberté de partager et la liberté d’améliorer le logiciel.

Et bien qu’il y ait maintenant un nombre croissant de communautés qui ont appris à se passer de la proximité géographique grâce aux moyens de communication virtuels, c’est cette communauté qui en a été le précurseur.

En fait, Internet et la communauté du logiciel libre[2] suivaient des développements mutuellement dépendants. Au fur et à mesure qu’Internet grandissait, notre communauté pouvait grandir en même temps. Mais sans les valeurs ni la technologie qu’apportait notre communauté, il ne fait aucun doute à mes yeux que jamais Internet n’aurait pu devenir ce réseau global reliant les personnes et les groupes du monde entier.

À ce jour, nos logiciels font fonctionner la majeure partie d’Internet, et vous devez en connaitre au moins quelques-uns, comme Mozilla Firefox, OpenOffice.org, Linux, et peut-être même Gnome ou KDE. Mais notre technologie peut aussi se cacher dans votre téléviseur, votre routeur sans fil, votre distributeur automatique de billets, et même votre radio, système de sécurité ou bataille navale. Elle est littéralement omniprésente.

Ils ont été essentiels dans l’émergence de quelques-unes des plus grandes sociétés que vous connaissez, comme Google, Facebook, Twitter et bien d’autres. Aucune d’entre elles n’aurait pu accomplir autant en si peu de temps sans le pouvoir du logiciel libre qui leur a permis de monter sur les épaules de ceux qui étaient là avant eux. Mais il existe également de nombreuses petites entreprises qui vivent de, avec, et pour le logiciel libre, dont la mienne, Kolab Systems. Le fait d’agir activement avec la communauté et dans un bon esprit est devenu un élément de succès essentiel pour nous tous. Et c’est aussi vrai pour les plus grosses, comme Oracle nous l’a involontairement démontré durant et après sa prise de contrôle de Sun Microsystems. Il est important de comprendre que notre communauté n’est pas opposée au commerce. Nous aimons notre travail, et beaucoup d’entre nous en ont fait leur métier pour gagner leur vie et rembourser leurs crédits. Donc quand nous parlons de communauté, nous voulons dire des étudiants, des entrepreneurs, des développeurs, des artistes, des documentalistes, des professeurs, des bricoleurs, des hommes d’affaires, des commerciaux, des bénévoles et des utilisateurs. Oui, des utilisateurs. Même si vous ne vous en êtes pas encore rendu compte ou n’avez jamais appartenu à une communauté, vous faites en réalité déjà partie de la nôtre. La question est de savoir si vous allez y participer activement. Et c’est cela qui nous différencie des poids lourds de la monoculture, des communautés fermées, des jardins clôturés de sociétés telles qu’Apple, Microsoft et d’autres. Nos portes sont ouvertes. Tout comme nos conseils. Et également notre potentiel. Il n’y a pas de limite à ce que vous pouvez devenir — cela dépend uniquement de votre choix personnel comme cela a été le cas pour chacun d’entre nous.

Donc si vous ne faites pas encore partie de notre communauté, ou si vous êtes simplement curieux, ce livre offre un bon point de départ. Et si vous êtes déjà un participant actif, ce livre pourrait vous offrir un aperçu de quelques facettes et de quelques perspectives qui seront nouvelles pour vous.

En effet, ce livre contient d’importantes graines de ce savoir implicite que nous avons l’habitude de construire et de transférer à l’intérieur de nos sous-communautés qui travaillent sur diverses technologies. Ce savoir circule généralement des contributeurs les plus expérimentés vers les moins expérimentés. C’est pourquoi il semble tellement évident et naturel à ceux qui fréquentent notre communauté. Ce savoir et cette culture de la collaboration nous permettent de créer d’extraordinaires technologies avec de petites équipes du monde entier au-delà des différences culturelles, linguistiques et de nationalité. Cette manière de fonctionner permet de surpasser des équipes de développement bien plus grandes de certaines des plus grosses sociétés au monde. Tous les contributeurs de ce livre ont une expérience solide dans au moins un domaine, parfois plusieurs. Ils sont devenus des enseignants et des mentors. Au cours des quinze dernières années, j’ai eu le plaisir d’apprendre à connaître la plupart d’entre eux, de travailler avec beaucoup, et j’ai le privilège de compter certains parmi mes amis.

Comme l’a dit judicieusement Kévin Ottens pendant le Desktop Summit 2011 à Berlin, « construire une communauté, c’est construire de la famille et de l’amitié ».

C’est donc en réalité avec un profond sentiment de gratitude que je peux dire qu’il n’y a aucune autre communauté dont je préférerais faire partie, et je suis impatient de vous rencontrer à l’une ou l’autre des conférences à venir.

— Georg Greve

Zürich, Suisse, le 20 août 2011

Georg Greve a fondé la Free Software Foundation Europe (FSFE) en 2000 et en a été le président fondateur jusqu’en 2009. Durant cette période, il a été responsable du lancement et du développement de nombreuses activités de la FSFE, telles que les alliances, la politique ou les travaux juridiques. Il a intensivement travaillé avec de nombreuses communautés. Aujourd’hui, il poursuit ce travail en tant qu’actionnaire et PDG de Kolab Systems AG, une société qui se consacre entièrement aux logiciels libres. Pour ses actions en faveur du logiciel libre et des standards ouverts, Georg Greve a été décoré de la croix fédérale du mérite (Bundesverdienstkreuz am Bande) par la République Fédérale d’Allemagne le 18 décembre 2009. Thank You! Merci !

Ce livre n’aurait pu voir le jour sans la participation de chaque auteur et des personnes suivantes, qui ont aidé à sa réalisation :

Anne Gentle (relecture)

Bernhard Reiter (relecture)

Celeste Lyn Paul (relecture)

Daniel Molkentin (mise en page)

Debajyoti Datta (site internet)

Irina Rempt (relecture)

Jeff Mitchell (relecture)

Mans Rullgard (relecture)

Noirin Plunkett (relecture)

Oregon State University Open Source Lab (hébergement du site internet)

Stuart Jarvis (relecture)

Supet Pal Singh (site internet)

Saransh Sinha (site internet)

Vivek Prakash (site internet)

Will Kahn-Greene (relecture)

* * * * * *

[1] Note des traducteurs : dédicace par allusion à « Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants. » Bernard de Chartres, XIIe siècle

[2] Note de l’auteur : pour moi, l’Open Source n’est que l’un des aspects de cette communauté. Cet aspect particulier a trouvé son articulation en 1998, c’est-à-dire quelque temps après l’arrivée d’Internet. Mais n’hésitez pas à dire « Open Source » au lieu de « logiciel libre » si vous préférez ce terme.

Crédits photo hellojenuine (CC-BY-SA)




Framasoft a fait son original le week-end dernier à Paris

Il est rare que Framasoft s’évade d’Internet et encore plus rare qu’il organise lui-même des évènements sur le terrain de la vraie vie. Alors autant que ça sorte un peu de l’ordinaire, comme ce fut le cas vendredi 7 décembre à la Rockette Libre et samedi 8 décembre à la librairie « À Livr’Ouvert ».

aKa - CC by

Framathon à la Rockette Libre

C’est temps libre chaque vendredi soir à la Petite Rockette. Et c’était au tour de Framasoft d’investir le lieu le 7 décembre dernier.

Il s’agissait de lancer le top départ d’un ambitieux projet en partenariat avec LinuxFr : traduire dans son intégralité le livre Open Advice: what we wish we had known when we started (avec le recul, qu’auriez-vous voulu savoir quand vous avez commencé à contribuer à la communauté du libre ?)

Or nous manquions d’ordinateurs, nous étions un peu fatigués en cette fin de semaine, et nous avions plein de choses à nous dire car certains ne s’étaient pas vus depuis bien longtemps (parfois depuis leur naissance). Donc rares étaient ceux qui travaillaient effectivement sur la traduction : trois, quatre personnes tout au plus au maximum de l’activité. Il faut aussi vous avouer que le slogan détourné par Pouhiou à cette occasion ne nous a pas vraiment motivés : « Boire ou traduire, il faut choisir ! » 😉

aKa - CC byEt pourtant le travail proposé fut réalisé « vite fait bien fait » ! Pourquoi ? Parce que nous avions déposé les deux premiers articles du livre sur Framapad et sollicité dans le même temps la participation d’Internet. Pour ce qui nous concerne, nous avions projeté sur le mur les pads en question et jetions un oeil de temps en temps sur le texte et les couleurs qui défilaient à l’écran.

L’originalité est là.

La majorité des lecteurs de ce blog est désormais habituée à un tel l’outil et une telle manière de procéder ensemble. Mais pour quelqu’un qui découvre, cela a quelques chose de magique ! Et il n’est pas au bout de sa surprise car quand il arrive (enfin) à comprendre que derrière chaque couleur en mouvement se cache quelque part une personne connectée, il lui est tout aussi suprenant d’apprendre que tout ce petit monde n’a pas été « sélectionné » et surtout travaille « pour rien ». Pour la beauté du geste, pour la beauté du Libre…

Cette dernière phrase valait bien une danse 😉

aKa - CC by

Framabook chez « À Livr’Ouvert »

Comment donc ? Tous les livres de notre libre collection Framabook dans une librairie parisienne ! En vitrine même !

Il fallait marquer le coup en invitant les lecteurs à rencontrer les auteurs.

aKa - CC byC’est ainsi que fut organisée une très conviviale mais somme toute classique séance de dédicaces avec trois de nos auteurs : le gendre idéal Benjamin Jean, le plus célèbre auteur vivant du domaine public Pouhiou et l’homme qui gratte plus vite son ukulélé que son ombre Simon Gee Giraudot.

Un petit ordinateur se trouvait au milieu d’eux. Il contenait les versions numériques intégrales de toute la collection.

L’originalité est là.

Les gens étaient évidemment cordialement invités à acheter et repartir avec des livres, c’est normal nous sommes dans une librairie. Mais ils pouvaient aussi sortir leur clé USB que nous nous faisions un plaisir de remplir avec la version numérique du ou des livre(s) de leur choix.

C’est gratuit, mais c’est surtout libre. C’est à notre connaissance une grande première que de proposer, dans un tel lieu, un tel service libre en libre service. Et c’est tout à l’honneur de l’audacieuse librairie qui porte décidément bien son nom. Nous sommes tout d’un coup très loin d’Hadopi.

Ah, et sinon nous avons vendu une trentaine de livres papiers Framabook ce jour-là.

aKa - CC by

Nous remercions toutes celles et ceux qui sont venus et ont participé à ces deux singuliers évènements et plus particulièrement Olive (Rockette Libre) et Bookynette (À Livr’Ouvert) pour leur invitation, accueil, disponibilité et bonne humeur.

C’est quand vous voulez pour recommencer 😉

Crédit photo : aKa (Creative Commons By)




Simon Giraudot pratique l’humour libre

On ne connaît pas forcément le nom de Simon Giraudot, mais de larges sourires s’affichent sur les visages des habitués du Framablog lorsqu’on fait allusion au Geektionnerd, le comic strip malicieux, impertinent et férocement libriste qui chaque semaine rebondit sur l’actualité. On se régale aussi des tomes successifs de GNKD dont les albums sont disponibles à la fois en format numérique et en bel album cartonné aux éditions Framabook.

À l’occasion de la parution récente du tome 4, intitulé « Au temps pour moi  », vous pourrez rencontrer Simon et de lui demander une dédicace personnalisée samedi prochain… Mais faisons un peu connaissance avec mister « Gee », et demandons-lui ce que signifie publier sous licence libre.

Comment as-tu connu Framasoft ?

— Par le Framablog. Je suivais le Planet Libre depuis ma migration sur GNU/Linux, et je me suis vite rendu compte que les articles sur lesquels je m’arrêtais étaient souvent issus du Framablog. Je n’ai découvert le réseau que par la suite, petit à petit.

Ton entrée dans la collection des Framabooks, ça s’est fait comment ?

— C’est un peu spécial, car je m’y suis plus infiltré que je n’y suis vraiment entré (ninja style). En juillet 2009, Alexis Kauffmann m’a contacté pour me proposer de publier hebdomadairement sur le Framablog, ce qui fut concrétisé à partir de janvier 2010 (oui, ça met du temps à murir, un projet comme ça).

J’ai publié le premier tome de GKND (la série dérivée du Geektionnerd) en ligne à l’été 2010, à l’époque sans prétention d’en faire un livre papier par la suite. Mais Alexis avait dans l’idée de faire des Framabooks Geektionnerd depuis qu’il m’avait « engagé » et m’a donc proposé du publier ce livre (et ses éventuelles suites), ce qui s’est fait au printemps 2011 (encore une fois, il faut y mettre de l’énergie et du temps, ça ne se fait pas tout seul)

Entre-temps, le tome 2 avait commencé à être publié en ligne, et la machine s’est mise en route… Et voilà, aujourd’hui c’est le tome 4 qui sort, et comme je suis depuis devenu membre de Framasoft, on peut dire que je suis un framabookien pur et dur !


Comment ça se passe, le travail avec un éditeur libre ? Si tu fais du libre, tu abandonnes tes droits… Du coup, tu es vraiment un auteur, un vrai ?

— Un vrai auteur ? Mmh… Disons que j’écris un certain nombre de conneries, et que j’ai la chance que certains trouvent ça drôle et que d’autres aient envie de les publier ! Donc ça n’est pas très différent de ce que font les « vrais » auteurs qui utilisent le droit d’auteur classique (niarf niarf niarf).

Mais effectivement, on abandonne une partie de ses droits lorsqu’on publie sous licence libre, c’est même le principe : par défaut, les créations que l’on fait sont protégées, trop protégées selon moi. La licence libre, ça veut dire qu’on donne plus de libertés à son public (rediffusion, modification, vente, etc. — le tout sans avoir à demander d’autorisation). Mais le droit moral s’applique toujours, et dans mon cas (licence CC-By-Sa), il y a aussi obligation de m’attribuer la paternité de l’œuvre et de diffuser toute création dérivée sous la même licence (libre, donc).

Notez tout de même que je ne suis pas le seul à renoncer à des droits : l’éditeur le fait aussi. Ainsi, si vous publiez aux éditions Framabook, vous signez un contrat de cession de droits « non-exclusive ». Cela veut dire que si vous voulez publier votre livre dans une autre maison d’édition, vous en avez le droit. C’est un autre énorme avantage de la licence libre. Bon courage pour faire ça avec des éditeurs classiques…

Rencontre avec Simon et les Framabooks à la Libraire « A Livr’Ouvert »

  • Samedi 8 décembre de 16h à 18h30
  • 171 bis boulevard Voltaire 75011 Paris (Métro Charonne)__
  • OpenStreetMap

Crédit photo Julien Reitzel (CC-By-SA)

Crédit image album GKND vol. 4 Simon Giraudot (CC-BY-SA)




Benjamin Jean, guide dans la jungle des licences libres

Depuis sa parution l’an dernier, le Framabook de Benjamin Jean « Option libre » s’est imposé comme un ouvrage de référence, à la fois par son caractère didactique et documenté et parce qu’il s’avère un bon guide dans le maquis touffu des licences libres. Il permet en effet de définir sa propre stratégie pour choisir la licence libre la mieux adaptée à chaque projet. D’ailleurs son titre est judicieusement complété par « Du bon usage des licences libres »…

Ce n’est pas une mince qualité par ailleurs d’avoir rendu accessibles des notions juridiques dont Benjamin est un fin connaisseur, c’est un ouvrage qu’on peut saluer pour son souci de vulgarisation. En cela, il est parfaitement dans l’esprit des Framabooks qui prétendent partager le savoir, et bien au-delà du seul domaine du logiciel, apporter leur contribution à une éducation populaire.

Retour sur la petite histoire de ce livre et les valeurs dont il témoigne…

Pourquoi as-tu choisi de diffuser largement un essai qui semble destiné d’abord aux spécialistes du droit de la propriété intellectuelle dont tu fais partie ? Ça nous concerne vraiment ?

— Premier point, l’ouvrage n’est pas destiné aux spécialistes de la propriété intellectuelle (même si on y retrouve effectivement des réflexions qui ont fait l’objet de publications dans des revues spécialisées), mais bien à tous ceux que la propriété intellectuelle touche de près ou de loin — ce qui est beaucoup plus large 🙂

En effet, je trouve paradoxal qu’un droit aussi présent sur internet, dans le numérique, etc. soit si peu accessible au grand public. Cela pour au moins deux raisons :

  1. Le droit est un outil destiné à gérer (entendre « faciliter») les relations sociales, les liens entre les personnes : à ce titre, l’intérêt de diffuser très largement toutes les connaissances le concernant m’est paru évident (ce qui permet par ailleurs — peut-être — de redorer l’image du juriste qui, en « spécialiste du droit », en ferait son monopole) ;
  2. la place du public, des utilisateurs, au sein de la propriété intellectuelle (disons de la multitude des droits composants ce que l’on nomme propriété intellectuelle) est primordiale puisque la légitimité de cette propriété (sur l’« immatériel ») dépend de l’équilibre qu’elle formalise entre les intérêts des auteurs/créateurs et de la société. Il est donc important que le public prenne conscience du rôle actif qui lui incombe (et ne s’enferme pas dans l’image du pirate qu’on veut parfois lui donner).

Par ailleurs, et j’aurais pu commencer par là, la propriété intellectuelle est un domaine qui me passionne, certainement parce que j’aime l’exercice du droit, sa logique, ainsi que l’objet de la propriété intellectuelle : l’art, la musique, les NTIC, etc.) — et le partage d’une passion est naturel…

Donc oui, cet ouvrage concerne toute personne sensibilisée à la création et l’innovation à l’ère du numérique — du néophyte à l’expert, sachant que je suis dans l’attente de tout commentaire qui me permettrait de le perfectionner. L’objet initial (les licences libres) a rapidement été étendu au regard du cruel manque de bases (ouvrages notamment) sur lesquelles développer une réflexion sur les licences libres (et ça n’avait, à mes yeux, aucun sens de parler des licences libres sans les resituer au regard du système traditionnel et des différents courants de pensée qui le parsèment). J’ai déjà identifié quelques axes de perfectionnement (et la correction de coquilles), mais je crois qu’« Option Libre » constitue une bonne base de réflexion sur laquelle il est possible de rédiger des ouvrages plus techniques (ou “métiers”).

On reproche parfois aux licences libres leur démultiplication qui les rend difficilement « lisibles » pour qui ne s’est pas penché avec soin sur chaque particularité. Comment selon toi peut-on justifier leur foisonnement ?

— La réponse la plus courte serait certainement de renvoyer à l’ouvrage sur l’histoire du Libre qui devrait être publié au sein de la collection Framabook dès la fin de cet hiver. J’y contribue notamment au travers d’un article sur l’histoire des licences libres dans lequel j’essaie de peindre une fresque suffisamment large pour que les différentes motivations — plus ou moins bonnes — ayant emporté ces nouvelles licences s’y retrouvent.

Tout ce que je peux dire actuellement — et pour résumer les 20 pages —, c’est qu’une telle étude historique de l’apparition, mais surtout de l’évolution, des licences libres permet de mettre en avant l’intérêt de la licence comme « contrat social favorisant le travail communautaire ». La licence est donc le contrat qui relie les contributeurs d’une communauté et, à cet égard, on comprend facilement que des communautés aient cherché à formaliser leur propre contrat — certainement mieux adapté à leurs besoins. Il faut ensuite ajouter l’aspect politique (et parfois marketing) qui a conduit de nombreuses entreprises (et acteurs publics) à privilégier la rédaction de nouvelles licences, sans nécessairement que ce choix soit stratégiquement pertinent.

On se retrouve au final avec des centaines de licences libres, voire des milliers si on compte les variantes, mais — honnêtement — le travail de lecture (et de compréhension) est souvent beaucoup plus simple que pour une licence commerciale classique (puisque chacune est spécifique). Ainsi, le livre donne quelques clés (et notamment une “grille de lecture”) pour faciliter l’appréhension des licences libres (qui, en dépit de toutes ces différences, partagent énormément de points communs).


Tu as choisi une publication Framabook, quel intérêt y vois-tu, par rapport à d’autres supports d’édition numérique ?

— Le choix a été très simple puisque j’étais déjà impliqué dans Framasoft lors de la publication des premiers Framabooks et qu’Alexis m’avait mis au défi de rédiger un ouvrage sur les licences libres…. Un certain nombre d’années auront été nécessaires pour que je trouve le temps nécessaire à l’ouvrage — bien 5-6 ans, j’ai d’ailleurs publié entre-temps le Guide Open Source, mais le pari est tenu. Ayant été sensibilisé aux problématiques des développeurs au travers de la Framagora (ce qui avait mené, un peu plus tard, à la création de l’association Veni, Vidi, Libri), la publication d’un ouvrage sur les licences libres était à mes yeux une évidence puisqu’il s’agissait certainement de la contribution la plus utile que j’étais en mesure de produire.

Tu vas samedi à la rencontre de véritables lecteurs en chair et en os, tu ne redoutes pas d’être pris à parti par un trolleur de licences ;-) ?

— Pour la petite histoire, c’est l’image qui m’avait accueilli lors de mes premiers posts sur LinuxFr.
    Je dois avouer que les premières fois n’étaient pas des plus agréables (d’autant plus que je produisais un travail relativement conséquent sur les sujets sur lesquels je m’exprimais), mais j’ai finalement vite appris à relativiser (la première page de mon mémoire de DEA sur les compatibilités entre licences était d’ailleurs illustrée par un énorme troll poilu…) et les commentaires qui visent les juristes sont aujourd’hui beaucoup moins virulents qu’auparavant. On a tous à apprendre des autres et je suis toujours aussi content de partager autour d’une passion commune.
    Donc aujourd’hui, je ne saurai pas tout à fait expliquer ce qui a changé (mon discours certainement, mais les communautés aussi me semble-t-il) mais je n’ai plus cette crainte. Le juriste n’est plus le diable.

Vous retrouverez Benjamin et sa passion pour le Libre ce samedi pour une séance de dédicace et troll en live… Cliquez sur l’image ci-dessous pour l’agrandir.

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Crédit photo Benjamin Jean : teemu-mantynen (CC BY-SA 2.0)