Bookynette ouvre les portes de sa librairie aux auteurs de Framabooks

Dans le petit monde du Libre, Magali Garnero est une figure bien connue sous le pseudonyme de Bookynette. Elle est active au sein de l’April dans le groupe accessibilité et anime les transcriptions. Elle est aussi libraire et elle ouvrira ses portes à Benjamin Jean, Pouhiou et Simon « Gee » Giraudot que vous pourrez rencontrer aux côtés d’Alexis Kaufmann pour vous dédicacer leurs ouvrages et en parler avec vous.

Mais d’abord posons quelques questions à leur hôtesse…

Magali, tu fais vivre  À libr’ouvert à Paris, mais on sait que la librairie est un modèle de distribution menacé, comment vois-tu l’activité de libraire face à la distribution à l’échelle industrielle et planétaire d’Amazon et quelques d’autres ?

La diversité des réseaux de distribution est à mon avis une richesse. Les clients d’Amazon ne sont pas forcément les mêmes que ceux de ma librairie. Je ne me sens pas menacée et j’aimerais même, à long terme vendre les livres que j’aime sous format numérique.

Magali Garnero alias bookynette

Ton point de vue de libraire sur l’essor de la lecture numérique, l’engouement pour les liseuses et les ebooks… c’est la fin du livre papier ?

Non, c’est un complément. Certes il se vend de moins en moins d’encyclopédies et certains disent que les guides touristiques disparaîtront mais les liseuses et ebooks ne s’adapteront pas à toutes les situations. Le format papier n’est pas prêt de disparaître.

Tu es active depuis longtemps dans la communauté du libre, avec l’association April, est-ce pour cela que tu accueilles samedi prochain trois auteurs d’œuvres sous licence libre ?

Je me sens démasquée…. Quand j’aime, je partage et je trouve que les Framabooks correspondent bien à mes idéaux. J’avais passé un après-midi à traduire/relire/corriger le framabook sur Javascript grâce à Siltaar et Goofy. C’est dans la suite logique que de les proposer dans ma librairie. Et puis recevoir Benjamin, Simon et Pouhiou sera un véritable plaisir (j’ai hâte d’ailleurs, vu les échanges que nous avons eus par mail !).

Est-ce que proposer des œuvres de la collection Framabook est seulement un acte militant ? Recevoir et vendre des framabooks peut-il représenter une activité rentable en termes financiers ?

Vendre des Framabooks est dans mon cas un acte militant. En librairie l’éditeur fait une remise de 30/35% aux libraires afin qu’ils aient une marge sur leurs ventes. Je préfère que cette remise soit gardée par Framasoft pour qu’ils continuent à publier d’autres livres. Trouver des auteurs, les relire, les corriger, choisir un imprimeur puis un distributeur c’est un travail insoupçonné qui prend du temps.

Merci Magali d’accueillir nos trois auteurs samedi prochain, et merci de tes engagements concrets pour les valeurs du Libre !

Venez nombreux faire la connaissance de Magali qui saura vous conseiller des lectures passionnantes et originales loin du tout-venant, et qui vous accueillera pour cette rencontre inédite avec trois auteurs des éditions Framabook.

librairie de Magali

— Au fait : un apéro sera offert pour l’occasion 😉

Important : Si vous comptez en être, merci de remplir ce framadate qui nous permettra de nous compter afin de mieux nous organiser.

Rencontre Framabook à la Libraire « A Livr’Ouvert »

  • Samedi 8 décembre de 16h à 18h30
  • 171 bis boulevard Voltaire 75011 Paris (Métro Charonne)__
  • OpenStreetMap

Crédit Photo Julia Buchner




Rencontre dédicace avec 3 auteurs de la collection Framabook le 8 décembre à Paris

Pouhiou - Toulouse - Capitole du Libre 2012

Le saviez-vous ? On trouve désormais l’intégralité de notre collection de livres libres Framabook dans les rayons d’une sympathique librairie parisienne au nom fort bien choisi : « A Livr’Ouvert » qui se situe 171 bis boulevard Voltaire.

Pour fête dignement cela, nous vous invitons samedi 8 décembre entre 16h et 18h30 à une rencontre dédicace avec trois auteurs de la collection : Simon Gee Giraudot (ci-dessous sur la photo), Benjamin Jean et Pouhiou (ci-dessus sur la photo).

Ils partagent le même engagement en faveur du Libre mais leurs ouvrages respectifs s’inscrivent ici dans la diversité puisqu’on a une BD, un essai et un roman.

Alexis Kauffmann (aKa) et d’autres membres de la dream team Framasoft seront également présents, sans oublier quelques chatons fraîchement sauvés du Pack Liberté.

Dernier argument : un apéro sera offert pour l’occasion 😉

Important : Si vous comptez en être merci de remplir ce framadate qui nous permettra de nous compter afin de mieux nous organiser.

  • Rencontre Framabook à la Libraire « A Livr’Ouvert »
  • Samedi 8 décembre de 16h à 18h30
  • 171 bis boulevard Voltaire 75011 Paris (Métro Charonne)
  • OpenStreetMap

Gee - Festival BD engagée

Crédit photos : Pierre Selim et aKa (Creative Commons By)




Que pensez-vous de ce reportage d’une école « Microsoft » à Issy-les-Moulineaux ?

On m’a signalé ce reportage issu de la télé municipale d’Issy-les-Moulineaux, titré « L’école de demain est à Issy ! », et ainsi décrit sur son canal Dailymotion :

L’école des Chartreux est la seule école française à participer à un programme international initié par Microsoft sur l’école innovante. Elle devient ainsi l’acteur et le témoin d’une toute nouvelle façon d’apprendre en primaire. La mise en œuvre de ce système donne aux élèves isséens l’accès à des équipements et des techniques de communication qui font aujourd’hui définitivement partie de notre société. Le projet propose d’ailleurs aux enseignants plusieurs outils pour élaborer des approches pédagogiques totalement innovantes : tableau numérique interactif, tablettes PC individuelles, logiciels éducatifs spécifiques… De quoi habituer les jeunes d’Issy aux outils de demain.

Il s’agit donc de l’école des Chartreux qui, comme on peut le lire sur ce document, fait partie des « Microsoft Innovative Schools Program ». Exactement comme l’école Châteaudun d’Amiens dont j’avais démontré (et tenté de démonter) l’entrisme Microsoft dans un cinglant billet.

Tout y est en tout cas ici : le dynamisme enthousiaste du reporter, l’instituteur innovant et motivé, les témoignages d’élèves ravis, la caution de l’inspection académique, et le VRP Microsoft qui joue les experts pédagogiques es modernité (en l’occurrence, bien évidemment, mon ami Thierry de Vulpillières)

Je manque de temps pour en dire ce que je pense alors j’ai décidé de sous-traiter en faisant appel à votre légendaire sagacité dans les commentaires 😉

Parce que ce qui me choque avant tout dans ce projet ainsi présenté, c’est qu’il semble ne laisser aucune place au débat.

« Il faut être absolument moderne », disait Arthur Rimbaud…




Je me souviens de mon voyage d’avant Facebook

Ce billet clôt un sorte de « dossier Facebook » après les témoignage de la maman, du musicien et du blogueur.

Les deux premiers ont décidé de quitter le célèbre réseau social. Ce n’est pas tout à fait le cas ici, juste le constat d’une situation d’avant qui avait son charme, sa nostalgie, voire son authenticité…

Jean-Louis Zimmermann - CC by

Une vie moins « affichée »

A life less posted

Rian – 2 novembre 2012 – Elezea
(Traduction : doc_lucy, ehsavoie, geecko, levouko, Amargein, Munto, ordiclic, Marc)

En août 2003 — quelques mois avant notre mariage — ma femme et moi avons voyagé à travers l’Europe, sac sur le dos. Vous vous souvenez sûrement de cet été en particulier puisque c’était une des plus grandes vagues de chaleur qu’a connu l’Europe depuis une centaine d’années ou presque, il y avait donc une couverture médiatique assez importante. Les boutiques de Paris étaient en rupture de stock de ventilateurs. En sueur, des touristes à moitié dénudés inondaient les rues, ce qui, j’en suis sûr, a certainement rendu les habitants encore plus grincheux que d’habitude car ils devaient céder le contrôle de leur ville à de nombreux étrangers.

Quel voyage — 8 villes en 30 jours. Nous utilisions un service de bus à escales à volonté (« hop-on hop off ») et logions en auberges de jeunesse, comme on le fait lorsqu’on n’a pas d’argent. C’était épuisant, merveilleux, enrichissant, frustrant, superbe. J’adorerais vous montrer quelques photos, mais cela risque d’être difficile puisque mon album se trouve dans ma bibliothèque, chez moi.

Prendre des photos était différent à cette époque. Avant le voyage j’avais acheté dix pellicules Fujifilm ISO 400 de 24+3 vues pour mon Nikon SLR. Je devais prendre en considération l’importance de chaque photo, car non seulement la pellicule était chère, mais nous allions également avoir à faire développer ces fichus machins. Une fois le voyage terminé nous avons passé plusieurs jours à parcourir les photos, à revivre les moments, sélectionnant avec attention celles qui mériteraient d’être dans notre album.

Je feuillette souvent l’album. Il inclut quelques-unes des meilleures photos que j’ai jamais prises, durant l’une des périodes les plus tumultueuses de ma vie. Mes souvenirs de ces instants s’estompent lentement avec ces photos, mais jamais je n’oublierai l‘émotion de ce mois en particulier.

Le mois dernier, plusieurs de mes amis étaient en voyage en Europe. Je le sais parce que je suivais leurs moindres déplacements sur Instagram et Facebook. Parfois, leurs photos me rappelaient des lieux où nous étions allés pendant notre voyage. Parfois j’en étais jaloux. Parfois je me disais simplement, waouh, c’est joli.

Je me demande ce qu’il adviendrait si ma femme et moi faisions notre expédition maintenant, presque une décennie plus tard. J’imagine que je passerais le plus clair de mon temps à prendre des photos avec mon téléphone, ou à chercher du wifi gratuit avec mon téléphone. Parce si vous ne postez pas de photos de ce que vous faites, c’est que cela ne s’est pas vraiment passé, pas vrai ?

En un sens, je suis content que nous ayions fait notre grand voyage en Europe avant que les réseaux sociaux n’existent. Nous consultions nos emails éventuellement une fois dans chaque ville — à condition que nous arrivions à trouver un cyber-café. La plupart du temps nous étions laissés à nous-mêmes. Juste un couple parmi un océan de touristes. C’était la même chose concernant la bouteille de vin que nous avons prise dans ce restaurant italien. À l’exception que c’était notre bouteille de vin, et que nous la partagions juste entre nous. Avec personne d’autre. C’était tout un mois rempli de moments secrets en public, et nous étions juste… là. Nous n’avons pas pointé sur Foursquare, n’en n’avons pas parlé sur Facebook, n’avons posté aucune photo nulle part. Je regarde en arrière à présent et j’apprécie l’incroyable liberté que nous avions de vivre, avant que nous ne soyions tous connectés et que nous ne développions cette idée qui veut que la valeur d’un moment est directement proportionnelle au nombre de « J’aime » qu’il reçoit.

Je me suis levé hier matin pour lire quelques statuts Facebook de gens qui n’aiment pas Halloween, et qui ne laisseraient jamais leurs enfants participer à ces maudites quêtes de confiseries. Je me suis senti immédiatement coupable car j’avais laissé ma fille s’amuser la nuit précédente en la laissant s’habiller de son costume mi-sirène, mi-fée qu’elle avait elle-même choisi.

Et j’ai alors réalisé que je ressentais toujours la même chose sur Facebook. Culpabilité, colère, envie… Il s’agit des émotions qui produisent le plus d’activité sur les réseaux sociaux, mais peut-être encore plus sur Facebook que partout ailleurs. Ce sont les émotions qui nous font partager/aimer/commenter les choses. Et alors j’ai repensé à notre voyage en Europe et à combien je regrette ce temps-là, où nous n’étions pas encore obligés de porter le fardeau des pensées, des sentiments et des opinions de chacune des personnes à qui nous sommes liés en ligne. C’est ce que Franck Chimero a appelé une fois « cracher les gaz d’échappement des vies digitales des autres ».

Je ne dis pas que j’en ai fini avec Facebook — et de toute façon, publier sur son blog sa rupture avec Facebook est devenu tellement cliché que je ne voudrais pas que ce texte y ressemble. Je dis juste que je n’aime pas les émotions que me procure mon flux d’actualités Facebook ; je vais donc aller « voir d’autres personnes » pour un temps, et je verrai bien comment les choses évoluent. Et je vais essayer de retrouver les sensations de ce voyage en Europe, fait il y a une décennie, dans les vies des gens autour de moi.

Crédit photo : Jean-Louis Zimmermann (Creative Commons By)




Je ne sais plus ce que « J’aime » si ce n’est de moins en moins Facebook

Oui, c’est mal : Framasoft a une page Facebook !

Mon falacieux argument, sujet à caution et non partagé par tous en interne (et je vous attends dans les commentaires), est le suivant : en l’an 2000 nous n’avions pas de scrupule à aller chercher les utilisateurs sur Windows pour leur parler du Libre. Windows étant au système d’exploitation ce que Facebook est aujourd’hui à Internet, pourquoi en aurions-nous davantage 10 ans plus tard ?

Bon, ceci étant dit, cette page Facebook a toujours été en mode passif de chez passif. On a fait en sorte que, via les flux RSS, les billets de ce blog et nos gazouillis Identica/Twitter soient relayés automatiquement dessus et c’est tout.

Sauf que pas mal de choses ont changé dernièrement selon le bon vouloir du paramétrage des maîtres du lieu. La syndication automatique a semble-t-il été supprimée (je suis preneur d’une solution pour faire apparaître à nouveau les billets). Et pire encore, lorsque vous postez quelque chose sur votre page, vos fans (c’est-à-dire ceux qui ont cliqué benoîtement sur « J’aime » votre page) ne reçoivent plus l’information. Ou alors quelques uns oui, mais pas tous. Enfin c’est le bordel quoi !

Pour résumé, le « J’aime » d’avant n’est plus du tout le « J’aime » de maintenant. Heurement qu’il n’en va pas de même dans la vraie vie

C’est fâcheux je vous l’accorde. Mais ouf, pour ce qui nous concerne on a d’autres canaux d’information. Je connais cependant des associations (de bénévoles) qui avaient tout misé (ou presque) sur Facebook et qui se retrouvent bien em…bêtée parce que maintenant il faut passer à la caisse des « billets sponsorisés » si vous souhaitez à nouveau toucher tout le monde d’un coup.

C’est ce qui est arrivé à l’auteur du blog Dangerous minds ci-dessous. Ayant l’habitude de poster beaucoup, et donc de relayer beaucoup sur Facebook, il a calculé que pour atteindre tous ces fans, il lui faudrait désormais payer 672 000 $ pour quelque chose qui était totalement gratuit quelques jours auparavant !

Tout ceci porte un nom simple : capitalisme. A fortiori lorsqu’on s’appelle Facebook, qu’on a raté son entrée en bourse et qu’on se retrouve sous la pression de ses actionnaires.

Et la trappe est en train de se refermer sur nous. Tout le monde est coincé. Car tout le monde a accepté volontairement d’aller s’enferrer et s’enfermer sur Facebook. Combien de structures ne prennent même plus la peine désormais d’indiquer l’adresse de leur site Web pour préférer signaler leur page Facebook dans leur communication ? (d’autres vont encore plus loin dans l’intégration comme La Poste avec cette publicité tellement emblématique de mon propos, photographiée d’ailleurs ci-dessous).

Les gros vont peut-être accepter de régler la nouvelle note mais pas les petits, créant un service à deux vitesses qui n’est pas dans les saines et ouvertes habitudes d’Internet.

Sauf à vivre dans le monde des bisounours, n’oubliez jamais qu’un certain gratuit se paye tôt ou tard…

N’oubliez pas non plus, si tout ceci vous fatigue, vous étouffe ou vous exaspère, que le Libre vous accueille en toute confiance à bras ouverts. Vous y perdrez sûrement quelques fans au début mais y gagnerez peut-être une communauté dans lequel votre « J’aime » sera actif et engagé en prenant du sens et de l’authenticité.

En réponse aux critiques, Facebook ajoute un moyen de vraiment, vraiment « aimer » quelque chose

Responding to criticism, Facebook adds a way for you to really, really ‘like’ something

Joel Johnson – 2 novembre 2011 – NBC
(Traduction : GPif, KoS, Yuston, RN, Robin Dupret, Gatitac, LuD-up, PM, bashr, RN, Tchevengour)

Richard Metzger n’est pas très content de Mark Zuckerberg.

Fondateur de Dangerous minds, un blog culturel peu connu au départ, Metzger a rassemblé plus de 50 000 fans sur sa page Facebook au cours de ces trois dernières années. Mais depuis l’introduction en bourse de Facebook en mai dernier, les changements d’algorithme du géant des réseaux sociaux ont rendu l’apparition du contenu publié par Dangerous Minds dans les fils d’actualités de ses fans de plus en plus rare.

Quand vous cliquez sur « J’aime » telle ou telle page, vous pensez peut-être que cela veut dire que votre « journal » recevra toutes les mises à jour postées par le détenteur de cette page. Et c’est bien ce que cela faisait avant. Mais dans sa tentative de soit-disant améliorer l’utilité des informations affichées sur votre journal, par exemple en masquant le contenu qui ne vous intéresse pas, Facebook a aussi semé le trouble chez les utilisateurs et les fournisseurs de contenu quant à la signification du « J’aime ». Pour essayer de clarifier cela, Facebook a ajouté un menu déroulant sous le bouton « J’aime », avec « Recevoir les notifications » et « Afficher dans le fil d’actualité », nécessitant maintenant que les utilisateurs modifient un à un les paramètres de ce qu’ils avaient déjà « aimé ».

Dans un billet passionné et public, Metzger a accusé Facebook d’avoit conçu « le plus gros leurre de l’histoire » en introduisant les « publications sponsorisées ». En somme, Facebook demande aujourd’hui à Dangerous Minds de payer pour mettre en avant ses billets auprès de ses propres fans, pour un montant pouvant dépasser 672 000 $ par an selon Metzger — alors que la même chose était totalement gratuite auparavant.

Metzer détaille son calcul :

Chez Dangerous Minds, on propose entre 10 et 16 publications chaque jour, un peu moins les week-ends. Pour atteindre 100% de nos plus de 50 000 fans (c’est-à-dire l’affichage de l’information sur leur « journal »], Facebook demanderait désormais 200 $ par publication. Ce qui nous coûterait entre 2 000 $ et 3 200 $ par jour, mais retenons uniquement la fourchette basse, plus facile à multiplier. On publie du contenu tous les jours de la semaine, soit 14 000$ par semaine, 56 000$ par mois… pour un total de 672 000 $ par an ! Pour quelque chose que nous pouvions faire gratuitement avant que Facebook ne ferme les vannes cet automne, comme par hasard juste au moment de leur entrée en bourse mal gérée !

Selon Metzger, Dangerous Minds a perdu ainsi entre la moitié et les deux tiers des visites provenant de Facebook, avec pour seul recours apparent de payer Facebook pour promouvoir les messages destinés aux fans. Un porte-parole de Facebook a déclaré à NBC News que Metzger a « mal interprété » l’idée sous-jacente de billets sponsorisés : ils concernent la qualité des billets, et non leur quantité.

« Nous continuons à améliorer le fil d’actualité pour mettre en avant les messages que les fans sont les plus enclins à consulter activement, de manière à leur assurer qu’ils lisent les nouvelles les plus intéressantes » a ajouté le porte-parole. « Cela coïncide avec notre vision que tout contenu publié devrait être aussi attrayant que les messages provenant de la famille ou des amis. »

Le sponsoring réalisé par Facebook est conçu — et tarifé — de manière à ce que « le contenu le plus attractif » soit promu, mais pas de la manière qu’on imagine : plus « l’activité naturelle » du contenu est importante (le temps effectif durant lequel les utilisateurs le consultent, le commentent, ou cliquent sur « J’aime ») moins Facebook facture le promoteur du message pour le mettre en évidence.

Le fait qu’un utilisateur clique sur « J’aime » sur une page ne signifie pas que cette personne, cet éditeur, cette organisation ou cette marque puisse envoyer ses infos sans entrave sur le « journal » de l’utilisateur (même s’il n’ y a pas si longtemps, c’est plus ou moins ainsi que Facebook fonctionnait).

Et cela est donc déroutant aujourd’hui pour des utilisateurs ou des éditeurs qui avaient pris l’habitude d’utiliser les précédentes versions de Facebook un peu comme Twitter ou comme un flux RSS, en montrant l’intégralité du contenu publié par les éditeurs ou les marques « aimées » dans le « journal » personnel.

Mais alors que peut bien signifier ce« J’aime » fluctuant ? Comme me le disait Allen Tingley sur Twitter, « le simple fait que « J’aime » quelque chose ne veut pas dire je veux votre publicité (de merde) à longueur de journée dans mon fil d’actualité. L’aspect « social » du réseau ne signifiant pas publicité gratuite ». Mais pour d’autres utilisateurs, cliquer sur « j’aime » peut signifier qu’ils veulent recevoir autant de mises à jour que possible de la part de la page choisie.

Cette confusion ne vient pas uniquement d’une nouvelle perception des utilisateurs de ce que signifie cliquer sur « J’aime », mais aussi des modifications que Facebook a faites ces dernières années (et continue de faire), sur le fonctionnement de l’algorithme qui fait apparaître les contenus sur le « journal » des utilisateurs.

Cliquer sur « J’aime », représente seulement « un dixième de ce qui est compté comme de l’engagement » selon Facebook (la seule façon de compter les désengagements pour ainsi dire, c’est de cliquer sur le bouton qui masque les publications de votre « journal »).

Ecrire une publication sur un mur, marquer une photo, commenter une page, toutes ces choses s’additionnent dans les coulisses pour informer Facebook de ce qu’il devrait ou ne devrait pas poster sur votre « journal ». Il tente alors de vous présenter en théorie le contenu qu’il estime le plus pertinent à vos yeux.

Plus vous vous engagez auprès d’une marque, une organisation, ou une personne, plus il est probable que vous voyiez son contenu dans votre « journal » (malheureusement, c’est un à peu près le seul contrôle que vous ayez sur votre journal puisqu’il n’existe pas de fonction « Tout voir de Untel ou Untel »).

À moins, bien sûr, qu’un annonceur, de la grande marque au petit éditeur comme Metzger en passant par l’un des vos amis, ne paie pour faire apparaître certains contenus sur votre « journal ». Comme Google, Facebook est fondamentalement une régie publicitaire. Ou du moins, tel semble être le désir des actionnaires qui veulent leur retour sur investissement.

Pour un petit éditeur comme Metzger, qui a passé des années à investir temps et ressources pour construire sur Facebook une communauté qui engendrait en retour du trafic vers son site, la récente commercialisation par Facebook de son travail sonne comme une trahison. « L’idée que la direction générale de Facebook n’ait pas prévu cela — une réaction très négative de ses utilisateurs les plus engagés — laisse pantois » a affirmé Metzger à NBC News. Selon lui, ces 50 000 personnes sont des amis — ou à tout le moins des « amis » — alors que Facebook les considère comme des clients partagés.

Mais, on le sait, Facebook ne peut continuer à offrir indéfiniment des services gratuitement, du moins pas à tout le monde. Comme il est peu probable que les particuliers paient pour leurs comptes Facebook, il ne reste que les annonceurs. Même si, dans le cas de Metzger et de Dangerous Minds, le réseau social ne le considère pas comme un annonceur, mais bien comme un utilisateur lambda.

C’est une nouvelle version du vieil aphorisme « si tu ne paies pas la marchandise, c’est que tu es la marchandise ». Cette fois, Dangerous Minds est à la fois la marchandise et le client. Le blog a construit une communauté et a fourni du contenu à Facebook ; Facebook a construit un réseau social qui, en retour, fournit gratuitement du trafic et des outils à Dangerous minds, jusqu’à ce que la communauté que Metzger a construite ait pris assez de valeur pour être vendue à des publicitaires, y compris Metzger.

Alors qu’il est peu probable que Facebook ne revienne à la version précédente « partage sans entrave » de son algorithme, la société a confirmé que les utilisateurs pourraient dorénavant choisir de recevoir toutes les publications d’une page « aimée » en activant la fonction Recevoir les notifications directement sur le bouton « J’aime ». Sauf que cela nécessite que les fans se rendent une à une sur les pages « aimées » et fassent eux-mêmes le réglage, ce que la plupart ne feront probablement pas…

Metzger voit cela comme une amélioration. « Evidemment, quelle que soit la façon dont je regarde la chose, c’est tout de même un changement positif important, mais si l’algorithme de Facebook avait été conçu initialement en « opt-in » (choix d’engagement et donc de tout recevoir par défaut) et non « opt-out » (choix du refus par défaut), Facebook ne se serait pas attiré les foudres de l’opinion lors de la mise en place des billets sponsorisés. » Metzger qualifie l’implémentation originale de « vautour capitalisme amateur ».

Toujours est-il que Metzger a peut être réveillé l’attention des autres utilisateurs de Facebook, car il a affirmé à NBC News qu’en 24h son coup de gueule a été « aimé » plus de 20 000 fois sur Facebook.




Oppikirjamaraton ou comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end !

Je suis professeur de mathématiques et à l’initiative de Framasoft. Un tel projet ne pouvait me faire plus plaisir. Vous verrez qu’un jour de plus en plus de manuels seront rédigés ainsi…

Imaginez un groupe d’enseignants qui se retrouvent le week-end pour rédiger ensemble et de A à Z un manuel scolaire sous licence libre ! (La licence libre est la Creative Commons By, d’où mention sur leur blog, d’où notre traduction ci-dessous).

Il n’ont pas tout à fait achevé l’entreprise dans le temps imparti puisque le livre se trouve aujourd’hui en version 0.92 (et en LaTeX) sur GitHub. Vous pouvez de suite vous rendre compte du résultat actuel en cliquant directement sur le PDF (dont les premières pages vous proposent de soutenir le projet via Flattr et Bitcoin !).

Au delà de son ô combien utile finalité ce fut également une belle et libre aventure humaine

Vapaa Matikka

Oppikirjamaraton : comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end

Oppikirjamaraton: How to Write an Open Textbook in a Weekend

Elliot Harmon – 31 octobre 2012 – Creative Commons Blog
(Traduction : Cyrille L., Kodoque, Nyx, kamui57, Naar, pac)

Il y a quelques semaines de cela nous avons vu passer ce tweet surprenant :

Il nous fallait en savoir plus. J’ai donc contacté Joonas Mäkinen pour avoir davantage d’informations, et il m’expliqua qu’il a participé à monter une équipe pour écrire un manuel scolaire de mathématiques de cycle secondaire tout le long d’un week-end, lors d’un évènement appelé Oppikirjamaraton (marathon du livre scolaire). Le choix de la licence du livre s’est porté sur la Creative COmmons BY, pour que chacun puisse le réutiliser, le modifier et le traduire, en Finlande et dans le reste du monde.

Le texte, désormais en version 0.91 sur GitHub, s’intitule Vapaa Matikka. Le titre se traduit par « Mathématiques libres et gratuites », mais sachant que matikka signifie également lotte en finlandais, on peut aussi le lire comme du « Poisson libre ». Et son slogan, Matikka verkosta vapauteen, devient alors soit un cri de ralliement pour garder les ressources éducatives libres et gratuites, soit un mode d’emploi pour libérer un poisson d’un filet ! (d’où la forme suggérée du poisson sur la couverture du livre)

Mais au delà des jeux de mots mathématico-finlandais, je souhaitais comprendre comment la rédaction express de ce livre s’était déroulée, ce que l’équipe prévoyait de faire du manuel, et quels conseils ils pouvaient donner à d’autres personnes organisant un évènement similaire.

Oppikirjamaraton - Joonas Mäkinen - CC byQue couvre le livre comme concepts mathématiques ?

C’est un manuel pour le premier cours de mathématiques de niveau avancé du collège finlandais. Bien que les élèves débutant ce cursus viennent en général de finir l’école primaire obligatoire, nous avons décidé d’avoir une approche « pour les nuls » en essayant de minimiser les prérequis.

Nous introduisons l’arithmétique, les nombres rationnels, les nombres réels en général. Viennent ensuite les règles de priorité et les racines qui mènent aux bases de la résolution d’équation puis au concept de fonction. Puis leurs mises en application concernent la proportionnalité et le calcul de pourcentages. Nous nous devions de respecter le programme scolaire.

Dites-m’en plus sur les exigences du programme. Sont-elles les mêmes pour toute la Finlande ?

Il y a un programme national en Finlande et tout le monde le suit. Du coup tous les manuels se ressemblent même s’ils approchent les sujets dans un ordre légèrement différent les une des autres. Mais le seul test standardisé est l’examen de fin d’année et donc Il y a un peu de flexibilité, ce qui a facilité les choses.

Oppikirjamaraton - Vesa Linja-Aho - CC byQui a participé ? Étaient-ils tous des formateurs ? Les participants avaient-ils déjà écrit ou édité des manuels scolaires ?

Environ 20 personnes ont participé à l’écriture du manuel durant le week-end. Nous avions des professeurs ordinaires du secondaire, des étudiants à l’université (mathématiques et informatique), un professeur d’électronique pour automobile, mes propres étudiants et quelques professeurs d’université travaillant sur place ou à distance. Nous avions même notre propre petit cercle d‘intégristes de la grammaire et de l’orthographe pour nous aider à rédiger de meilleurs contenus formels que ceux que l’on peut habituellement trouver dans le devanture des grosses maisons d’édition. La diversité des participants s’est révélée être une très bonne chose pour produire une variété de problèmes et de perspectives.

Seules quelques personnes avaient l’expérience de l’écriture et publication d’un manuel classique, commercial et à l’ancienne, mais cela n’a pas été clivant quand nous avons commencé à travailler.

Comment vous êtes-vous organisés ? Les rôles des participants avaient-ils été déterminés en amont du week-end ?

Vesa Linja-aho, qui a eu l’idée de ce book sprint (ou livrathon) était de facto notre coordinateur et s’occupait de la logistique, de l’administratif et de la communication. Lauri Hellsten s’est engagé à prendre le rôle principal pour la maquette et la création de graphiques indispensables à l’ensemble. Mais eux mis à part, aucun auteur n’avait d’assignation prédéfinie. Quelques uns d’entre nous avaient bien leurs sujets de prédilection, mais dans l’ensemble le processus d’écriture fut très spontané et dynamique.

Y a-t-il eu beaucoup de préparation à l’avance ? Avez-vous commencé le week-end avec un plan du livre ? Un emploi du temps ?

Le projet était ambitieux. Nous avons attendu que nos amis et les amis de nos amis remplissent un sondage Doodle pour savoir quel week-end réserver (NdT : ils ne connaissaient pas Framadate). J’avais préparé une table des matières pour avoir un point de départ, mais elle a été passablement modifiée vendredi et samedi. Juhapekka Tolvanen nous avait concocté un modèle LaTeX, et on a aussi eu une réunion préalable pour planifier les choses, choisir les outils techniques (quel système de contrôle de versions utiliser, etc.), mais rien sur le contenu en tant que tel. Il s’agissait également de trouver d’éventuels sponsors, écrire un communiqué de presse, trouver un local, vérifier si nous avions assez d’ordinateurs…

Une anecdote sur le droit d’auteur : nous avions réuni plus ou moins tous les livres disponibles sur le sujet. Pour voir un peu comment les autres avaient expliqué ceci ou cela. mais aussi parce que, dans l’enseignement mathématique (et manifestement dans d’autres disciplines aussi), il y a beaucoup d’exemples et d’exercices pathologiques qu’il est bon de faire mais qui finissent par être excessivement récurrents. Et Vesa Linja-aho avait reçu une décision écrite du conseil local confirmant que les exercices ne sont pas des travaux soumis au droit d’auteur. Or un enseignant qui avait écrit un des livres que nous avions nous a laissé un commentaire sur Facebook pour nous rappeler que ce n’est pas bien de copier le travail des autres. Cela nous a bien fait rire 🙂

Oppikirjamaraton - Lauri Hellsten - CC byQue retirez-vous de cette expérience ? Qu’est ce qui a été plus difficile que prévu ? Quels conseils donneriez vous à d’autres envisageant un projet similaire ?

Le principal conseil est de bien mettre en place l’aspect technique avant de commencer. Cela évitera d’inutiles moments de tension pour vous consacrer pleinement et exclusivement à la rédaction du contenu. On a utilisé LaTeX pour le texte et sa mise en forme et GitHub pour gérer les versions, mais on a connu des soucis qui nous ont retardés. Tout le monde n’était pas forcément familiarisé avec ces outils et les ordinateurs pas toujours bien préparés et optimisés pour leurs usages. Ceci nous a malheureusement fait perdre du temps.

De plus certains étaient encore en train de discuter pour savoir si nous devions ajouter ceci ou cela le samedi voire le dimanche, et c’est quelque chose qu’il faut éviter. Dans un tel projet, c’est toujours mieux de simplement continuer à écrire davantage de contenu pour éventuellement le commenter ou le modifier plus tard. On a même connu quelques discussions houleuses, peut-être liées au manque de sommeil. Restez calmes et n’oubliez pas d’y prendre plaisir !

Oppikirjamaraton - Siiri Anttonen - CC byEt après ? Y a-t-il une période de relecture/modification prévue ? Des professeurs pensent-ils utiliser d’ores et déjà votre manuel ?

Le sentiment général, unanime et immédiat après avoir fini le marathon dimanche était l’euphorie. Tout le monde était d’accord pour organiser un autre book sprint. Les retards techniques et le manque de graphistes ont fait que le livre n’a pas atteint le niveau de finition que nous voulions pour l’envoyer à l’impression. Mais c’est vivant maintenant : les gens nous envoient des rapports de bug sur Github et les participants ont continué à apporter des améliorations : corriger les coquilles, ajouter des exercices, corriger les incohérences…

Notre livre existe maintenant en version 0.9, et nous allons attendre quelques semaines avant de décider s’il est prêt à être imprimé et traduit. Cependant, on nous a déjà rapporté que le livre avait été utilisé comme manuel par quelques professeurs en proposant notamment à leurs élèves des exercices du livre. Bien entendu, d’autres auteurs et moi-même l’avons aussi utilisé pour enseigner à nos propres élèves. Lorsque nous l’aurons un peu peaufiné, nous sommes confiants quant à sa diffusion.

Le projet était si sympa et son accueil si bien reçu que nous ferons un autre book sprint très bientôt !

Oppikirjamaraton

Crédit photos : Senja Opettaa (Creative Commons By)




Rien ne serait arrivé sans la loi de Moore

La loi de Moore (qui n’est en fait qu’un conjecture) affirme que le nombre de transistors des microprocesseurs sur une puce de silicium double tous les deux ans. Ce qui, par extension, a donné pour le grand public que le rapport entre la puissance d’un ordinateur et son prix double tous les dix-huit mois.

Autrement dit, les machines sont de plus en plus puissantes et de moins en moins chères.

C’est bien ce qu’il s’est produit et se produit encore, pour le plus grand bonheur du logiciel libre et sa culture…

Leonardo Rizzi - CC by-sa

Un allié secret de l’open source : la loi de Moore

Open source’s secret ally: Moore’s Law

Glyn Moody – 10 octobre 2012 – The H
(Traduction : KoS, ProgVal, Sylvain, greygjhart)

Linux est passé du statut de petit bidouillage sympa dans une chambre à celui de logiciel capable de changer le monde il y a un peu plus de 21 ans lorsque Linus a envoyé son fameux message : « Bonjour aux utilisateurs de minix », invitant les gens à le rejoindre. Comme je l’ai remarqué le mois dernier, cette approche ouverte, collaborative était tout à fait nouvelle et s’est avérée décisive dans l’adoption et le développement de Linux.

Cela fut possible car Internet était déjà suffisamment présent pour qu’assez de gens se joignent à l’équipe de volontaires de Linus en faisant jouer à plein l’intelligence distribuée. En d’autres termes, l’émergence du logiciel libre est intimement liée à internet. En effet, le décollage rapide de Linux, comparé aux progrès plutôt lents du projet GNU est probablement dû, au moins en partie, au fait que ce dernier ne pouvait se reposer sur une connectivité globale. C’est grâce à cela que Richard Stallman a pu vivre des ventes de GNU Emacs, qu’il distribuait sur des bandes magnétiques.

La nature symbiotique du logiciel libre et d’internet, le premier utilisant le second, le second étant utilisé par le premier, est maintenant largement reconnue. Mais un autre facteur clé dans l’apparition de l’open source a été sous-estimé, alors que Linus lui-même le mentionne dans ce fameux premier message :

Je programme un système d’exploitation (gratuit, c’est juste un passe-temps, ça ne sera pas un gros projet professionnel comme GNU) pour des clones AT 386(486).

Comme nous vivons à l’ère Intel depuis deux décennies, une ère qui touche peut-être à sa fin, avec la montée en puissance des smartphones et des tablettes et leurs processeurs de familles différentes, il est facile de négliger l’importance du fait que Linus développa Linux pour les processeurs 80386.

Aussi étrange que cela puisse paraître , l’ordinateur principal de Linus avant qu’il n’écrive Linux était un Sinclair QL, un ordinateur typiquement anglais qui utilisait le processeur Motorola 68008 (qui fonctionnait à 7,5 MHz), fourni avec 128K de RAM et utilisait un infâme microdrive comme stockage.

Passer à un PC 386, fonctionnant à 33MHz, avec 8 Mo de RAM et 40Mo de disque dur, était un véritable bond en avant pour Linus, et poussa ses finances à leurs limites. En fait, il n’a pu acheter son premier PC que le 5 janvier 1991 parce qu’il reçut de l’argent pour Noël qu’il ajouta à un prêt étudiant que le gouvernement Finlandais lui avait récemment accordé. Ce dernier était censé payer sa nourriture et son logement pendant qu’il étudiait à l’université d’Helsinki mais comme il vivait toujours avec sa mère pendant cette période, il réussi à le détourner pour un usage plus intéressant.

Le fait qu’il puisse se payer un système aussi performant reposait sur l’amélioration continuelle du matériel, couplée à la diminution régulière des prix. C’est à dire que c’est grâce à la loi de Moore, qui dit que le ratio entre performances et prix double tous les 18 mois environ, que Linus a pu se retrouver avec le système 386 qu’il mentionne dans le premier message sur Linux.

Sans la loi de Moore, il serait sans doute resté avec son Sinclair QL, codant pour un système dont peu de gens se souciaient. Avec le 386, il a pu rentrer dans le courant dominant de l’informatique en même temps que de nombreuses autres personnes. Partout dans le monde (ou en tout cas dans les zones les plus riches) les jeunes gens ont pu s’acheter de vrais ordinateurs basés sur l’Intel 80386 et (plus tard) 80486. Cela signifiait qu’ils pouvaient faire tourner le code de Linux dès ses débuts, et aussi qu’ils pouvaient contribuer.

Encore une fois, sans la loi de Moore mettant des ordinateurs moins chers dans les mains de bidouilleurs, Linus n’aurait pas été en mesure de construire cette communauté mondiale à travers Internet et le rythme de développement en aurait souffert. En effet, comme la loi de Moore continuait de tirer les prix vers le bas tout en augmentant les performances, de plus en plus de gens dans un nombre croissant de pays ont pu acquérir des PCs suffisamment puissants pour rejoindre le projet Linux. Des processeurs plus rapides signifiaient des temps de compilation plus courts pour les programmes ce qui rendait le bidouillage du code plus facile – et plus agréable.

Il y a ici un contraste intéressant avec le développement du logiciel propriétaire. Les avancées dues à la loi de Moore ne profitent que peu aux programmeurs dans les entreprises, puisqu’ils ont généralement du matériel assez bon. Et les entreprises n’en bénéficient guère plus, puisque ce qui coûte le plus dans la programmation est le salaire des programmeurs, pas le prix de leurs PCs. Dans le monde du logiciel libre, les programmeurs volontaires sont bénévoles et le facteur limitant est le prix du matériel. C’est pourquoi la loi de Moore est très avantageuse pour l’open source.

Potentiel futur

Ce n’est pas un effet purement historique des premières heures de Linux. Nous voyons encore aujourd’hui la Loi de Moore tirer les prix vers le bas en accueillant toujours plus d’utilisateurs. Un bon exemple est le mini-ordinateur Raspberry Pi. Il offre les bases de la puissance d’un PC sur une petite carte mère, à un prix minuscule. Cela signifie que non seulement les personnes ordinaires – même des enfants – peuvent l’acheter sans avoir à penser au prix, mais aussi que les écoles peuvent envisager d’en acheter un pour chaque étudiant, ce qui est normalement inenvisageable avec les prix prohibitifs des PC, même ceux bon marché.

L’effet que le Raspberry Pi aura sur l’éducation n’est pas encore clair, mais il semble que celui-ci ou l’un des nombreux systèmes semblables à prix très bas va permettre l’arrivée de nouveaux types de projets avec des nouveaux groupes de contributeurs, dans les pays émergents par exemple.

Et les choses sont déjà en train d’aller plus loin. Voici un projet Kickstarter qui illustre à merveille cette progression continue rendue possible grâce à la loi de Moore. Il s’agit de Parallella. l se décrit comme un « Supercalculateur Grand Public », et ce n’est pas une blague.

Une fois terminé, l’ordinateur Parallella devrait fournir l’équivalent d’un processeur à plus de 45Ghz sur un circuit de la taille d’une carte de crédit tout en consommant moins de 5 Watts en fonctionnement normal. En s’en tenant seulement à la fréquence, c’est plus de puissance qu’un serveur haut de gamme qui coûte des milliers de dollars et consomme 400W.

Important, tout le système sera ouvert :

  • Accès ouvert : absolument aucun accord de non divulgation ou accès spéciaux nécessaires ! Toute l’architecture et le kit de développement seront publiés sur le web dès que le projet sera financé sur Kickstarter.
  • Open Source: la plateforme Parallella sera basée sur des outils et des bibliothèques libres et gratuites. Tous les fichiers de conception des circuits seront fournis une fois que Parallella sera sur le marché
  • Bon marché : les coûts du matériel et des outils de développement ont toujours été une barrière très difficile à franchir pour les développeurs cherchant à écrire des applications haute-performance. Notre but est de fournir l’ordinateur haute-performance Parallella à un coût inférieur à 100$, le rendant accessible à tous.

Oui, c’est un super ordinateur à 45GHz, fourni en standard avec Ubuntu, pour moins de 100$. Si Parallella parvient à sortir cela – et en tant que projet Kickstarter (il y a toujours le risque qu’il ne soit pas totalement financé ou qu’il ne fonctionne pas correctement) il va mettre un nouveau niveau de puissance de calcul entre les mains de tout le monde, y compris les étudiants.

Potentiellement, cela va permettre à des gens qui, jusqu’à présent, ne pouvaient tout simplement pas s’acheter une telle puissance de calcul de démarrer une toute nouvelle génération de projets open source. Encore une fois, le principal bénéficiaire ici est l’open source : si une entreprise a besoin d’un supercalculateur, elle va généralement l’acheter immédiatement, puisqu’elle peut se permettre de payer un prix conséquent pour les modèles actuels. Ce que Parallella apporte, grâce à la loi de Moore, est la démocratisation d’une puissance de calcul de cet ordre, qui ne va plus être réservée à des projets commerciaux disposant de solides fonds.

Il est important de noter que c’est la loi de Moore, agissant sur le matériel qui apporte ces bénéfices, plutôt que n’importe quel changement exponentiel dans le logiciel (qui n’y contribue qu’indirectement). De plus des lois de Moore pour d’autres types de matériel commencent également à prendre forme. Un exemple frappant en est l’impression 3D, où les prix baissent régulièrement. Ou encore le monde du séquençage du génome, démêler les milliards de « lettres » chimiques qui forment la double hélice de l’ADN, qui voit l’arrivée de changements encore plus importants.

Vous savez peut-être que le coût de séquençage du génome baisse mais vous n’avez peut-être pas la moindre idée de la vitesse à laquelle il baisse. Le National Human Genome Research Institute qui fait partie du National Institute of Health américain a compilé des données étendues sur le coût de séquençage de l’ADN au cours de la dernière décennie et a utilisé ces informations pour créer deux graphique à couper le souffle. Les chercheurs du NHGRI montrent que non seulement les coûts de séquençage sont en chute libre mais ils dépassent la courbe exponentielle de la loi de Moore d’une grande marge.

Cela signifie que le coût de séquençage de votre génome, ou de n’importe quel autre organisme, va bientôt devenir à la portée de tout le monde. Cela va-t-il créer une communauté globale de bio-hackers libristes, menée par un nouveau Linus avec un séquenceur de bureau (et peut-être un supercalculateur Parallella) dans sa chambre à coucher ? L’expérience des logiciels libres suggère que oui et nous apprend que nous ne devrions jamais sous-estimer le simple pouvoir de la loi de Moore à conduire des changement inattendus et révolutionnaires.

Crédit photo : Leonardo Rizzi (Creative Commons By-Sa)




Opposons-nous aux brevets qui tuent la liberté de l’impression 3D

Notre premier billet consacré à l’impression 3D date de 2008. Depuis cette technologie a fait de gros progrès, elle frappe déjà à la porte de nos maisons pour le plus grand bénéfice de tous. Et tous les espoirs sont permis puisque l’esprit du libre s’est penché dès le départ sur son berceau.

Sauf qu’ici comme ailleurs, nous ne sommes pas au pays de bisounours et la résistance de l’ancien monde sera à n’en pas douter dure et acharnée. C’est d’ailleurs pour être prêts en amont que nous avons déjà publié ces deux articles : L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air ! et Ils tenteront de nous pourrir l’impression 3D avec leurs DRM.

Comme cela est déjà le cas pour le logiciel, de nombreuses attaques viendront du côté des brevets (et la récente affaire Apple Samsung n’est pas faite pour nous rassurer).

Heureusement la législation américaine a mis en place une nouvelle procédure qui permet à tout citoyen de participer au processus de validation (ou non) d’un brevet. C’est ce droit de vigilance que se propose d’exercer l’Electronic Frontier Foundation (ou EFF) avec nous.

Oui, cela ne concerne (pour le moment) que les États-Unis mais dans ce domaine on sait très bien que ce sont eux qui donnent le la au niveau mondial.

Edit : Gérald Sédrati-Dinet (alias Gibus) qui en connaît un rayon sur le sujet, lire par exemple cette excellente interview sur PCInpact, nous met en garde dans les commentaires. Cette procédure ne fait pas le jeu de ceux qui réclamment purement et simplement la suppression des brevets logiciels. Ce serait même contre-productif et l’EFF a tort de s’engager sur cette voie.

Fdecomite - CC by

Rejoignez les efforts de l’EFF pour que l’impression 3D reste libre

Join EFF’s Efforts to Keep 3D Printing Open

Julie Samuels – 24 octobre 2012 – EFF.org
(Traduction : KoS, Ward, PostBlue, tibs, Simounet, Ag3m, Damien, Jeff_, HgO, Aylham, 4nti7rust)

Grâce à la communauté « open hardware » (NdT : ou matériel libre), vous pouvez maintenant posséder une imprimante 3D pour quelques centaines de dollars, avec des douzaines de modèles disponibles. Ces imprimantes conçues par la communauté surclassent déjà les modèles propriétaires qui coûtent pourtant 30 fois plus cher. Cette innovation incroyable est possible grâce à l’expiration, il y a plusieurs années, du brevet principal couvrant les technologies de l’impression 3D, ce qui a permis à des projets comme RepRap de prouver ce que nous savions déjà, à savoir que le libre dépasse souvent le système de brevets pour stimuler l’innovation.

Les matériels d’impression libres ont déjà été utilisés pour le prototypage rapide de nouvelles inventions, pour imprimer des pièces de remplacement d’objets d’appareils domestiques, par des maîtres du bricolage pour transformer une perceuse en centrifugeuse, pour des jeux où nous pouvons créer nos propres pièces, et pour des milliers d’autres choses par des gens de tous horizons. Des projets comme MakerBot et Solidoodle ont rendu les imprimantes 3D aussi faciles d’accès qu’un dispositif plug&play, où vous n’avez même plus à souder quoi que se soit pour commencer à manufacturer des objets que vous avez dessiné ou dont vous avez téléchargé les plans sur Internet. Avec l’expiration des brevets, la communauté de l’open hardware sera en mesure de libérer son esprit créatif sur les nouvelles technologies, des technologies qui ont déjà été utilisées pour concevoir des prothèses personnalisées, des guitares, des chaussures, et plus encore. Les possibilités sont illimitées (NdT : traduit ici par le Framablog).

Le Problème

Alors que les principaux brevets restreignant l’impression 3D ont expiré ou sont sur le point de l’être, il existe un risque que les creative patent (NdT : brevets sur les idées) continuent de verrouiller les idées au-delà des 20 ans initialement prévus pour ces brevets, ou qu’ils ne restreignent les avancées futures de la communauté open source. Alors même que, nous le savons, la nature incrémentielle des innovations sur l’impression 3D la rend particulièrement inéligible pour les brevets.

Le projet

Comme nous l’avons dit précédemment , l’America Invents Act n’a pas réussi à corriger le problème de l’excessive brevetabilité. Malgré on y trouve au moins une clause récente qui, nous le pensons, pourra être utile : le Preissuance Process.

Cette procédure autorise des tiers à participer au processus de dépôt de brevets en ayant la possibilité d’informer les examinateurs de l’état antérieur de la technique en question. Nous sommes fiers de voir que le Patent Office (NdT : Bureau des Brevets) a ouvert le processus à ceux qui ne déposeront probablement pas de brevets eux-même, mais qui en seront impactés dans leur vie quotidienne. Nous sommes content de savoir que ce nouvelle procédure pourra aider à endiguer la déferlante de brevets illégitimes.

L’EFF et la Cyberlaw Clinic au Centre Berkman de Harvard pour l’Internet et la Société travaillent ensemble pour utiliser cette nouvelle procédure afin de mettre à l’épreuve les dépôts de brevets qui menacent particulièrement les technologies d’impression 3D en plein développement. En premier lieu, nous évaluons les dépôts de brevets sur l’impression 3D qui sont actuellement en cours devant le Patent Office pour identifier de potentiels dangers. Nous avons besoin de vous ! Si vous connaissez des applications qui couvrent les technologies d’impression 3D et qui selon vous devraient être contestées, faites-le nous savoir par mail à 3Dprinting@eff.org (indiquez nous également tous les précédents pertinents que vous connaîtriez).

Pour s’impliquer, il est possible de se rendre sur l’outil de recherche du USPTO (NdT : Bureau de gestion des brevets et des marques déposées des États-Unis), du PAIR (NdT : Récupération d’informations des dépôt de brevets) et/ou de Google Patents. Chacune de ces sources contient de nombreux détails sur les brevets actuellement en attente de validation au USPTO.

Voilà le problème : avec les lois en vigueur, un dépôt de brevet ne peut être contestée par la Preissuance Submission que dans les six mois suivant sa publication (ou avant la date du premier rejet, si cette action se passe après). Ce qui signifie que le compte à rebours a déjà commencé pour les rejets concernant les dépôts de brevet en cours.

Une fois les cibles identifiées, nous nous renseignerons sur les précédents pertinents. Nous vous demanderons à nouveau votre aide à ce moment là, alors, s’il vous plait, soyez vigilants. Tout document disponible publiquement avant le dépôt d’un brevet est considéré comme un précédent; cela peut inclure des e-mails sur des listes publiques, des sites internet, et même des thèses universitaires. En raison de la limite temporelle, nous devons effectuer ces recherches très rapidement.

Il est heureux d’avoir à disposition cette nouvelle façon de combattre le dépôt de brevets dangereux avant qu’ils ne deviennent réellement dangereux. Mais l’America Invents Act et les capacités de recherche du site du Patent Office ne nous rendent pas la tâche aisée. Nous avons besoin de votre aide pour pouvoir accomplir cela, alors s’il vous plaît, faites ce que vous pouvez pour aider à protéger la communauté de l’impression 3D des brevets flous et nocifs qui peuvent menacer de passionnantes innovations.

Crédit photo : Fdecomite (Creative Commons By)