Quand le politique se met au service du privé pour que le public arrête le libre !

« L’affaire OpenJustitia » qui se déroule actuellement en Suisse est un cas très intéressant.

Comme on peut le lire sur le site du projet, OpenJustitia est « un ensemble de logiciels spécifiques pour les tribunaux. Le Tribunal fédéral a développé ces derniers de sa propre main et les a personnalisés à ses propres besoins. OpenJustitia permet notamment une recherche efficace dans les décisions du tribunal. »

Il a donc été développé en interne et, comme son nom le suggère, il est libre (sous lience GNU GPL v3) et a d’ailleurs reçu un prix dernièrement aux CH Open Source Awards 2012.

OpenJustitia

Nous voici donc en présence d’un logiciel libre métier développé et mutualisé par l’administration. D’ailleurs le canton de Vaud a d’ores et déjà signé une convention de collaboration avec le Tribunal fédéral.

C’est exactement ce que prône en France une association comme l’ADULLACT avec la fameuse citation de son président François Elie : « l’argent public ne doit payer qu’une fois ».

Sauf qu’un parti politique (et derrière lui un éditeur de logiciels propriétaires) ne l’entendent pas de cette oreille, comme nous le rapporte l’ICTjournal.

Pour ce qui concerne l’éditeur, c’est (plus que) maladroit mais (malheureusement) compréhensible :

L’entreprise bernoise Weblaw, éditrice de logiciels de tribunaux propriétaires, estime que le Tribunal fédéral et sa solution font de l’ombre aux fournisseurs privés de logiciels. Le Tribunal fédéral doit-il s’occuper de droit ou de logiciels ?

Mais ce qui l’est moins c’est de voir l’UDC lui emboîter le pas et ne pas saisir l’intérêt, voire le bon sens, à utiliser du logiciel libre dans les institutions publiques :

Le Conseil fédéral doit examiner, à la demande de l’UDC, si le Tribunal fédéral a le droit de d’agir comme fournisseur du logiciel open-source Openjustitia. En agissant de la sorte, ce dernier délivrerait des services non liés à ses compétences judiciaires.

Il est « totalement absurde » que le Tribunal fédéral fonctionne comme distributeur de logiciels, a déclaré Martin Baltisser, secrétaire général de l’UDC. Selon lui, d’une part le Tribunal fédéral n’aurait aucun intérêt prépondérant à agir en tant que fournisseur de logiciels, d’autre part il serait également dépourvu de base légale. Selon la Constitution et la Loi sur les finances de la Confédération, l’Etat ne peut intervenir au niveau commercial uniquement s’il n’existe pas d’offre privée et qu’une loi l’y autorise. Le Tribunal fédéral réplique qu’il ne réalise «aucun service commercial», comme le projet est open source, le logiciel est mis à disposition gratuitement.

Comme on peut le voir ci-dessous, on en a même parlé le 20 octobre dernier à la RTS mais, triste classique, en occultant complètement le libre pour n’évoquer que le gratuit :

D’autres voix se font heureusement entendre, comme celle de l’élu des Verts François Marthaler qui conteste, à juste titre et avec vigueur, cette demande de clarification de l’UDC sur son blog :

Je veux bien croire que la situation économique de Weblaw soit menacée. Mais je ne peux pas imaginer que les pouvoirs publics se trouvent empêchés de développer des solutions plus performantes et surtout moins onéreuses, dans l’intérêt de tous les contribuables et du bon fonctionnement de l’Etat. Plus encore que les coûts du développement initial du logiciel, ce qui est en jeu, c’est la maintenance et l’évolution du système au profit de l’administration, des justiciables et, finalement, des contribuables.

Sans le dire, Weblaw s’attaque au modèle économique des logiciels libres (open source). Un modèle dans lequel le prestataire ne peut prétendre encaisser plus que la réelle valeur ajoutée au produit et pas une rente de situation. Que se serait-il passé si une société privée avait conçu le logiciel OpenJustitia et avait décidé de le mettre sous licence GNU/GPL ? Rien ! L’UDC n’aurait pas pu invoquer le « moins d’Etat » pour défendre les intérêts privés de cette petite société.

Espérons que comme le dit le dicton : les chiens aboient, la caravane passe…




Windows 8, faux progrès et vraie menace

Windows 8, le nouveau système d’exploitation de Microsoft, qui sera le même pour PC, tablette et smartphone, devrait être lancé officiellement le 26 octobre, et on peut compter sur le puissant marketing de la multinationale pour nous abreuver d’images cool, avec des doigts qui caressent une interface tactile en tuiles sur un bureau attrayant. C’est certain, l’interface entièrement rénovée sera plus au goût du jour, maintenant que la vaste diffusion des appareils mobiles nous a accoutumés à d’autres gestes que cliquer sur des icônes…

Le libristes habitués aux versions successives plus ou moins buguées de Windows (et celle-ci promet déjà de l’être) hausseront sans doute les épaules et retourneront à leur Debian. Ils auront peut-être tort si l’on en croit Casey Muratori, qui se demande si l’impact du nouveau système ne pourrait pas être aussi décisif pour l’informatique grand public que la sortie de Windows 3.0.

En effet, derrière ce qu’on ne manquera pas de nous vendre comme un progrès, c’est une véritable régression qui va s’opérer : tous les logiciels qui tourneront avec le nouveau système devront passer obligatoirement par le Windows Store, Microsoft exercera donc un contrôle total sur son écosystème logiciel.

De plus, la compatibilité maintenue de l’ancienne interface avec la nouvelle, si elle semble assurée dans une première étape, pourrait à terme en signer la disparition pure et simple, comme le souligne l’auteur de l’article ci-dessous, qui établit judicieusement un rappel historique : souvenez-vous de la manière dont MS-DOS a progressivement été effacé du paysage après une brève période de coexistence avec Windows 3.0. Euh oui ça ne rappellera rien aux plus jeunes, mais prendre un peu de recul est ici pertinent.

La menace de Windows 8 c’est d’abord d’imposer un système fermé à tous les développeurs et bien sûr à tous les consommateurs. Mais Casey Muratori se demande in fine si la première victime ne sera pas Microsoft lui-même, tant le virage stratégique qu’il opère risque de lui coûter ses principaux soutiens. La bataille des systèmes d’exploitation est engagée, qui en sortira indemne ?

Remarque : Nous n’avons pas traduit les deux appendices qui figurent en bas de l’article d’origine mais nous serions ravis de trouver des volontaires prêts à compléter cela avec nous sur le framapad de travail.

Kiwi Flickr - CC by

Les vingt ans à venir

The Next Twenty Years

Casey Muratori – 8 octobre 2012 – MollyRocket.com
(Traduction : Genevois, Maïeul, KoS, BlackEco, mib_6025, Geekandco, FredB, goofy, Quentin)

Voici pourquoi le modèle de distribution fermé de Windows 8 doit être remis en cause dans l’intérêt des développeurs, des consommateurs et même de Microsoft lui-même.

Pour la première fois dans l’histoire du PC, Microsoft s’apprête à diffuser un nouvel écosystème Windows dont il sera le seul et unique fournisseur de logiciels. Si vous achetez Windows 8, le seul endroit où vous pourrez télécharger des logiciels qui s’intègreront à la nouvelle interface de système, ce sera le Windows Store officiel. Microsoft exercera un contrôle total sur les logiciels autorisés ou non sur son système d’exploitation.

Microsoft a déclaré que les applications destinées à l’interface plus ancienne du bureau ne seraient pas impactées par cette nouvelle politique. Tant qu’ils utiliseront seulement des applications qui tournent sur le bureau classique, les utilisateurs auront encore la possibilité d’acheter, vendre, développer et distribuer des logiciels sans que Microsoft ne s’en mêle. Beaucoup d’utilisateurs de Windows ont compris cette déclaration comme une assurance que le modèle ouvert de distribution dont ils bénéficient aujourd’hui serait encore valide dans les futures versions de Windows. Du coup beaucoup moins de gens ont réagi au problème posé par Windows 8 que si la déclaration avait été comprise différemment.

Mais est-ce bien réaliste de croire que l’ordinateur de bureau sous Windows sera encore une plateforme informatique utilisable à l’avenir ? Et quelles en seraient les conséquences si elle venait à disparaître, laissant les utilisateurs de Windows avec pour toute ressource l’écosystème cadenassé de logiciels introduit par Windows 8 ? Pour répondre à ces questions, cette édition de Critical Detail examine les effets à court et à long terme des exigences imposées par Microsoft pour obtenir sa certification. Nous explorerons en profondeur comment l’histoire permet de prédire la durée de vie du PC classique sous Windows, nous aborderons de façon pragmatique cette question : vaut-il mieux pour Microsoft en tant qu’entreprise qu’elle adopte un écosystème ouvert ou fermé ?

Le Jeu de l’Année 2032

Selon PC Gamer Magazine, et de nombreuses autres sources en accord, le jeu PC de l’année 2011 était Skyrim : Elder Scrolls V. Ce constat n’a étonné personne. Skyrim pour PC a été rendu disponible sur Windows, pas MS-DOS. Même si les développeurs le voulaient, il leur était impossible de mettre à disposition un jeu PC comme Skyrim sur DOS car aucune des innovations graphiques des 15 dernières années n’est disponible sur celui-ci. Il est même absurde de penser pouvoir vendre des applications tournant sous MS-DOS aujourd’hui.

Hypothétiquement, on peut penser autant absurde dans 20 ans de vendre des applications pour la version bureau de Windows. Il n’y aura pas de jeux vidéo PC en 2032 comme il n’y a pas de jeux sous DOS en 2012. Tout fonctionnera sous une forme redéfinie pour l’interface moderne de Windows 8.

Puisque aucune application pour cette plateforme à venir ne pourra être vendue sans passer par le Windows Store, l’équipe ayant travaillé sur Skyrim devra envoyer son application à Microsoft pour validation. C’est ensuite la firme qui jugera de la validité de l’application et de la possibilité de la vendre. Savez-vous ce que pourrait être la réponse de Microsoft ?

Moi oui. Ce serait « non ».

Ce n’est pas une spéculation, c’est une certitude. Skyrim est un jeu pour adultes. Il est certifié PEGI 18. Si vous lisez les conditions de certification Windows 8 App, vous trouverez à la section 5.1 :

Votre application ne doit pas proposer de contenu pour adulte, et les metadatas doivent être appropriés à chacun. Les applications avec une évaluation PEGI 16, ESRB ADULTE, ou qui proposent du contenu pouvant nécessiter une telle évaluation ne sont pas autorisées.

Et c’est plié. Pas de Skyrim sur le Windows Store, à moins que les développeurs ne reviennent en arrière et retirent le contenu classé PEGI-18.

C’est le Jeu de l’Année 2011, banni du Windows Store. Et à propos de 2012 ? Avec de nombreux jeux très attendus à venir, personne ne peut deviner lesquels seront sélectionnés. Mais une sélection aléatoire des prédictions actuelles que l’on retrouve sur la toile suggère comme principaux prétendants Max Payne 3, The Witcher 2, Mass Effect 3, Assassins Creed 3, Call of Duty: Black Ops 2 et Borderlands 2. Parmi les quatre de cette liste qui ont reçu une évaluation PEGI pour adultes, combien pourront être vendus sur le Windows Store ?

— Aucun.

Il y a certainement aujourd’hui de nombreuses personnes, si ce n’est la majorité, qui pensent que les jeux vidéo n’ont pas de vrai potentiel culturel. Ce ne sont pas des œuvres d’art diront certains, et ce n’est donc pas grave qu’une plateforme majeure interdise sa diffusion. Dans l’intérêt d’illustrer de manière plus étendue l’importance d’une plateforme ouverte , donnons à nos jeux un lifting culturel. Supposons que nous ayons d’un coup de baguette magique tout un lot de jeux équivalents aux meilleures séries nommées aux Emmies 2012 : Boardwalk Empire, Breaking Bad, Mad Men, Downton Abbey, Homeland et Game of Thrones.

Admettons que Downtown Abbey ait été le seul à franchir le test d’évaluation PEGI, mais même si les autres satisfaisaient plus ou moins les critères, ils auraient été exclus du magasin pour un tas d’autres raisons, telles que l’expose la section 3.5 :

Votre application ne devra pas proposer du contenu ou des fonctionnalités qui encouragent, facilitent ou glorifient des activités illégales.

Et section 5.6 :

Votre application ne devra pas proposer du contenu qui encourage, facilite, ou glorifie une utilisation excessive ou irresponsable d’alcool, de tabac, de drogues ou d’armes.

Ou section 5.8 :

Votre application ne devra pas contenir de propos blasphématoires outranciers.

Cette vision d’un futur Windows fortement censuré par Microsoft est effrayante. Mais quelles sont les risques que cela arrive ?

Pour Windows RT, la version de Windows pour les tablettes peu puissantes et les téléphones, ce futur commence le 26 octobre. Tous les appareils fonctionnant avec Windows RT ne pourront faire tourner que des logiciels venant du Windows Store, et tous les logiciels devront suivre les exigences de certification énoncées ci-dessus et des dizaines d’autres. Les utilisateurs de Windows RT n’auront pas dix ou vingt ans avant de ne plus pouvoir jouer aux jeux les plus populaires sur leurs machines. Ces jeux auront été bannis dès le premier jour.

Mais pour Windows 8 et Windows 8 Pro, les versions qui seront les plus répandues, le calendrier est encore incertain. Contrairement à Windows RT, ces versions incluent le bureau classique de Windows qui prend encore en charge la distribution ouverte. Est-il possible, alors, que les utilisateurs de la version bureau n’aient jamais à expérimenter ce futur ?

Une brève analyse de l’histoire de Microsoft suggère plutôt l’inverse.

Anatomie d’un changement de plateforme chez Microsoft

Dans la fin des années 1980 une bonne partie de l’informatique grand public utilisait déjà des interfaces graphiques. Des machines comme le Macintosh d’Apple, le Commodore d’Amiga et l’Atari ST ont eu un grand succès et chacune était livrée avec un système d’exploitation graphique moderne pré-installé. D’un autre côté, les PC tournaient essentiellement sous MS-DOS, un environnement en ligne de commande où les applications devaient implémenter leur propre interface rudimentaire.

Malgré cet inconvénient, le PC n’en était pas moins florissant. Comme c’était une plateforme matérielle ouverte et qu’elle avait été adoptée dans l’environnement professionnel, la plupart des logiciels de productivité de l’époque, comme Lotus 1-2-3 et WordPerfect – traitaient MS-DOS comme une plateforme commerciale majeure.

Puis, le 22 mai 1990, Microsoft sort Windows 3.0. Cette version de Windows peut faire quelque chose que les précédentes versions ne pouvaient pas : faire tourner des programmes MS-DOS en plus des applications graphiques natives. Pour la première fois, on pouvait faire tourner les applications de travail standards sans quitter une interface conviviale. L’interface graphique de Windows n’était peut-être pas aussi flashy que ce qui existait sur d’autres plateformes, mais cela offrait aux gens la possibilité de n’utiliser qu’un seul OS pour tout et c’est ce que les consommateurs voulaient. Le taux d’adoption monta en flèche.

Durant les cinq années suivantes, Microsoft continua à ajouter de nouvelles API à Windows. Bien que les gens aient continué à développer des programmes sous MS-DOS, il devint de plus en plus difficile de faire une application professionnelle qui n’intégrait pas des choses comme le gestionnaire de polices de Windows, les services d’impression, les boîtes de dialogue standard et les presse-papiers. Les clients s’attendaient à pouvoir utiliser ce genre de choses et les logiciels MS-DOS ne le pouvaient tout simplement pas.

La plupart des applications firent la transition vers des versions natives Windows ou disparurent, mais les jeux furent l’obstacle majeur. Ils vivaient et mouraient par la performance et ne pouvaient se permettre la surcharge induite par Windows. Mais finalement Microsoft trouva le moyen de leur fournir l’accès au hardware dont ils avaient besoin, et lentement mais sûrement les jeux natifs Windows devinrent de plus en plus communs. Lorsque Windows 2000 fut lancé le 17 février 2000, seulement dix ans après la sortie de Windows 3.0, faire tourner des programmes MS-DOS était passé du statut de principale caractéristique qui faisait de Windows ce qu’il était à un mode de compatibilité fermé destiné seulement à assurer le support des versions précédentes. MS-DOS en tant que plateforme et tous les programmes qui lui étaient liés sombrèrent dans l’obscurité.

Le 22 juillet 2009, pas loin de vingt ans après la sortie de Windows 3.0, Microsoft présenta la version de Windows la plus utilisée aujourd’hui, Windows 7 64-bits. Si vous essayez de lancer une application MS-DOS sur Windows 64 bits, vous aurez une boîte de dialogue qui dit :

win-alert.jpg

Vous pouvez toujours faire tourner ce programme, mais vous devrez installer une version 32 bits de Windows ou télécharger et installer un paquet Windows XP Mode sur le site de Microsoft.

Retour à 1990

La situation du PC en tant qu’objet informatique de consommation est très similaire aujourd’hui en 2012 à ce qu’elle était en 1990. Sur le PC, nous utilisons encore l’interface WIMP (Windows, Icônes, Menus, Pointeur) dont le standard s’est imposé depuis une trentaine d’années (seulement une vingtaine sur les seuls PC). Mais pour ce qui est de tous les autres appareils populaires aujourd’hui — les smartphones et les tablettes — les interfaces WIMP n’existent plus. Les systèmes d’exploitation comme iOS et Android ont remplacé le WIMP par des interfaces tactiles, exactement comme les Macintosh et Amiga ont fait disparaître la ligne de commande des interfaces utilisateurs dans les années 80.

Mais voilà que le 26 octobre, Microsoft va lancer son premier système d’exploitation tactile, Windows 8. Plutôt que d’abandonner carrément le WIMP, ils ont choisi de l’inclure comme sous-ensemble de leur nouvelle interface tactile. Tout comme l’interface de Windows 3.0 coexistait avec MS-DOS, la nouvelle interface de Windows 8 sera disponible avec un bureau traditionnel Windows 7.

Comme c’était déjà le cas pour Windows 3.0 et DOS, l’intégration d’une interface dans l’autre est tout à fait superficielle. Certaines parties sont bien intégrées mais la plupart ne le sont pas. Vous pouvez créer des tuiles dans la nouvelle interface utilisateur pour lancer des programmes dans l’ancienne, tout comme dans Windows 3.0 vous aviez des icônes qui permettaient de lancer des programmes sous DOS. Mais exactement comme les programmes DOS tournaient dans un conteneur spécial, et rendaient impossibles des opérations comme l’ouverture d’autres fenêtres, de boîtes de dialogue, l’usage de fontes différentes ou le transfert d’images vers le bureau, les applications de bureau classiques sont contingentées dans un conteneur spécial du bureau de Windows 8 et ne pourront accéder à la plupart des nouvelles fonctionnalités de nouvelle interface Windows 8.

Bref, le bureau sous Windows 8 en est au point où se trouvait MS-DOS sous Windows 3.0. Ce qui nous amène à la question cruciale?: si Microsoft est aussi attentif à la nouvelle interface utilisateur de Windows 8 qu’il l’a été à celle de Windows 3.0, à quoi va ressembler le support du bureau Windows classique à l’avenir ? Si vous pensez que l’histoire se répète, la réponse est sans ambiguïté : il sera relégué dans l’oubli d’ici dix ans et cessera d’exister dans vingt sauf si on assure la rétro-compatibilité manuellement.

Maintenant, nul ne peut prédire l’avenir avec certitude. Beaucoup d’entre vous ne sont probablement pas convaincus le moins du monde que l’avenir du bureau sera inspiré par une version plus élaborée et affinée de la nouvelle interface de Windows 8. Mais si vous jetez un coup d’œil en arrière vous prendrez conscience que beaucoup de gens pensaient exactement ainsi quand Windows 3.0 est sorti, j’espère que vous mesurez à quel point il est possible que nous soyons dans une situation similaire.

L’avenir mort-né de Windows 8

Pour les développeurs aujourd’hui, le monde de l’informatique de grande consommation avant l’arrivée de Windows 8 est un peu chaotique. Il y a iOS, une plateforme sur laquelle vous ne pouvez publier aucune application native sans la permission aléatoire et arbitraire d’Apple. Il y a Android, une plateforme agréablement ouverte mais qui est en proie à une gestion catastrophique des spécifications du matériel, qui manque d’implication pour le support de code natif et qui est menacée d’être sérieusement mise en péril par des poursuites judiciaires qui bloqueraient tout au nom des brevets logiciels. Et puis il y a les plateformes comme Blackberry, WebOS, Kindle Fire (basée sur Android) et Nook, qui sont encore en quête d’une adoption plus consistante par des utilisateurs.

Entre en scène Windows 8. Il est conçu pour une interaction tactile, a de spécifications matérielles bien définies, est doté d’une interface dont le code natif est bien documenté, peut être utilisé directement comme environnement de développement sans nécessiter de compilation sur un autre système — et oui, il est soutenu par une entreprise notoire pour sa sournoiserie, qui détient un portefeuille de brevets cinq fois plus épais que celui d’Apple. Donc si jamais Apple essayait d’entreprendre une action litigieuse contre Windows 8 similaire à celle qu’il a menée contre Android, nous verrions se déclencher en représailles un tir nourri de plaintes pour violation de brevets qui atteindrait un tel niveau que le chouette immeuble flambant neuf du quartier général d’Apple serait submergé par des tonnes de paperasses rédigées en une obscure langue juridique.

On en est aujourd’hui à un tel point de confusion dans le paysage du développement en informatique que cela pourrait effectivement être un pas en avant pour les développeurs. En supposant que le développement du nouvel écosystème de Windows 8 suivra les mêmes règles que le développement de l’ancien, n’importe quel développeur pourrait simplement installer Windows 8, développer des logiciels ciblant le marché du tactile, puis le distribuer gratuitement ou en le monnayant via son site web ou un distributeur tiers. Moins de prises de têtes avec la diversité des plateformes, pas d’exigences incertaines à satisfaire préalablement pour tester, pas de frais de développement bizarres ou de souscription obligatoire — et plus important encore, pas de puissance hégémonique d’Apple s’interposant entre les développeurs et leurs clients.

Mais voilà, il y a un petit problème. Microsoft a décidé de ne pas suivre, pour le nouvel écosystème de Windows 8, les mêmes règles qu’avec les éditions précédentes de Windows. À la différence de la transition entre MS-DOS et Windows 3.0, Microsoft ne prévoit pas d’étendre l’écosystème de Windows. Ils veulent lui faire prendre une tout autre voie.

Monopole

Le problème commence avec le Windows Store. Si le nom vous rappelle le App Store d’Apple, c’est parce qu’effectivement c’est l’App Store d’Apple. C’est une plateforme de distribution centralisée que Microsoft contrôle, qui permet aux utilisateurs finaux d’acheter des logiciels à partir d’un catalogue de titres explicitement approuvés par Microsoft.

Ce qui, en soi, pourrait ne pas être aussi mauvais. Il y a des arguments valables contre le fait que le propriétaires d’une plateforme contrôle le marketplace par défaut pour cette plateforme, mais si la plateforme permet aux personnes de développer et de distribuer des logiciels gratuitement en-dehors du marketplace, alors d’autres entreprises peuvent aussi bien contourner/se passer du/ le magasin. Les développeurs peuvent distribuer leurs logiciels par d’autres canaux, ou même fournir des magasins alternatifs, réduisant par une saine concurrence le danger d’abus ou d’obstruction de la part du propriétaire de la plateforme.

Toutefois, il est très clair en parcourant les publications de Microsoft sur Windows 8 que pour avoir le droit de bénéficier de la nouvelle interface utilisateur, vous devrez distribuer votre application dans le Windows Store. Cela veut dire qu’en octobre, Microsoft lui-même sera devenu l’unique source de logiciels pour tout ce que vous voudrez faire tourner sur une machine Windows qui ne serait pas relégué au vieil écosystème précédent. À la différence de la transition historique entre MS-DOS et l’interface utilisateur de Windows, et même si la précédente version restera probablement disponible, la nouvelle (celle de Windows 8) sera bel et bien fermée. Ce qui placera Microsoft dans une position de monopole totalement nouvelle : celle d’un distributeur exclusif de logiciels pour la majeure partie des ordinateurs du monde entier.

Maintenant, il existe apparemment un point qui fait controverse. Peut-être parce que Microsoft n’en a pas fait état de façon très importante dans ses communiqués de presse, certains doutent que pour distribuer des logiciels destinés à la nouvelle interface utilisateur, il faudra nécessairement que les développeurs obtiennent la permission de Microsoft. Mais ils ont tort. Afin de mettre les choses au clair une fois pour toutes, une analyse complète et des recherches approfondies sur les publications officielles de Microsoft sur le sujet figurent en annexe B de l’article d’origine. Il démontre qu’il n’y aura aucun moyen pour les développeurs de distribuer sur Internet des applications compatibles avec l’interface utilisateur moderne, sans avoir reçu une approbation explicite de la part de Microsoft.

Donc, en gardant cela à l’esprit, il est grand temps de se poser la question cruciale : si l’interface du nouveau Windows 8 en vient à remplacer complètement le bureau classique, et que Microsoft exerce désormais un contrôle total sur les logiciels qui seront autorisés ou non pour cette nouvelle interface, dans quelle mesure l’avenir de Windows sera-t-il spectaculairement affecté ? Est-ce que les jeux conçus pour les adultes seront les seules victimes de ce changement ou bien l’enjeu est-il beaucoup plus important ?

L’avenir pourrait être n’importe où

Bannir la plateforme de jeux la plus populaire du tout nouvel écosystème Windows 8 – qui est aussi le seul écosystème accessible aux utilisateurs de Windows RT – est l’une des conséquences négatives des directives de certification des applications par Microsoft. D’autres parties de ces directives auraient empêché l’existence de choses comme Flash, JavaScript et le Web dynamique, l’app store lui-même, s’ils n’existaient pas encore et donc d’être inclus à la plateforme de Microsoft elle-même. Il est donc clair que Microsoft s’est assuré que le nouvel écosystème Windows n’hébergerait jamais plus que les quelques applications que Microsoft considère comme importantes.

Mais simplement parce que Microsoft a fait un travail épouvantable en définissant les limites du nouvel écosystème, est-ce que cela signifie que la seule alternative est de réaliser un écosystème complètement ouvert ? Microsoft ne pourrait-il par définir de nouvelles et meilleures directives ?

La réponse étant pas tant qu’ils ne connaissent pas l’avenir. Et pas dans un sens général, mais littéralement le voir en pleine résolution/*lumière*/, et chaque détail avec clarté. En l’absence de telles prévisions idéales, comment une entreprise pourrait-elle dicter des règles pour des logiciels futurs sans interdire accidentellement des choses sur lesquelles de nouveaux logiciels révolutionnaires pourraient se fonder ?

La réalité est que même les entreprises les plus prospères sont rarement capables de prédire le futur avec précision. L’histoire de l’informatique regorge d’exemples. Digital Equipment Corporation, qui a été un certain temps la seconde plus grande entreprise d’informatique, n’a pas réussi à prévoir la révolution de l’informatique personnelle et son nom lui-même n’existe plus maintenant. Silicon Graphics, qui a été le leader du matériel d’imagerie 3D, n’a pas prévu la popularisation de ce matériel et à finalement été contraint de se déclarer en faillite.

Bien qu’étant très loin de connaître un sort aussi affreux, le passé de Microsoft montre qu’ils ne sont pas meilleurs prophètes. Bill Gates a ainsi déclaré à la fin des années 1990 :

« On se fait parfois surprendre. Par exemple, quand Internet est arrivé, c’était notre cinquième ou sixième priorité. »
– Bill Gates, lors d’un discours à l’Université de Washington en 1998

Et le changement de barreur sur le navire Microsoft n’a pas apporté d’amélioration :

« Il n’y a aucune chance que l’iPhone s’attribue une part de marché significative. Aucune chance. »
– Steve Ballmer, dans une entrevue avec USA Today en 2007, dans laquelle il a prédit que l’iPhone ne prendrait que « 2 ou 3% » du marché du smartphone.

Sans connaissance précise du futur, la seule manière d’éviter de bloquer l’innovation sans le vouloir est par définition de ne rien interdire de manière significative. Les seules exigences de certification que Microsoft pourrait choisir et qui soutiendraient complètement le futur seraient celles qui permettraient de certifier tout ce que des développeurs pourraient créer.

C’est la définition la plus épurée d’un écosystème ouvert.

Une maigre concession

Pour n’importe quel développeur désireux de créer le logiciel innovant du futur, il devrait être extrêmement clair que la nature fermée du nouvel écosystème de Windows 8 sera catastrophique pour la plateforme. La question ne se pose même pas, elle devrait être ouverte. Mais les développeurs ne sont pas les personnes chargées des politiques de Windows 8.

Donc la question plus pertinente pourrait être : est-ce que Microsoft peut se permettre de changer de cap et autoriser la distribution des applications Windows 8 par n’importe qui, et non pas seulement sur le Windows Store! ?

En prenant en compte le long terme, Microsoft ne peut pas se permettre de ne pas changer de cap. Ils sont déjà en retard sur tous les segments du marché de la consommation en-dehors du PC, par conséquent ils n’ont pas le droit à l’erreur. Si une nouvelle innovation logicielle arrive et considère qu’Android est sa plateforme primaire/de prédilection parce qu’elle a un système ouvert de distribution, cela pourrait facilement conduire à une nouvelle “décennie perdue” pour Microsoft, lorsqu’ils devront à nouveau rattraper leur retard.

Mais aujourd’hui les entreprises ne regardent généralement pas sur le long terme. Les profits à court terme et les besoins des actionnaires constituent des préoccupations immédiates et impératives ; et Microsoft est un compagnie notoire, contrainte par des nombreux intérêts externes. La question se pose donc en ces termes : l’entreprise Microsoft peut-elle autoriser un système de distribution ouvert avec Windows 8 sans nuire à son chiffre d’affaires ?

De manière surprenante, la réponse est qu’il y aura peu ou pas de pertes de revenus en autorisant un système ouvert de distribution dans Windows 8. Cela peut sembler absurde, mais si vous lisez attentivement les publications de Microsoft, vous verrez que c’est vrai. Bien que Microsoft ait fermé le système de distribution à l’intérieur du nouvel écosystème de Windows 8, ils n’ont pas fermé le système de paiement. Extrait de l’agrément développeur de Microsoft lui-même :

« En ce qui concerne le commerce d’applications. Vous pouvez choisir de proposer des options d’achat à l’intérieur même de votre application. Il n’est pas requis que vous utilisiez le moteur de commerce de Microsoft pour proposer ces achats. Si vous choisissez d’utiliser le moteur d’achat commercial de Microsoft, les achats seront soumis à l’Agrément/*, y compris, mais pas seulement, les frais de magasin et les exigences de licence et de transfert. »

Aussi étrange que cela puisse sembler, si un développeur propose une application limitée dans sa version gratuite sur le Windows Store, il pourrait alors vendre, directement dans l’application, une mise à niveau ou un déverrouillage vers la version complète pour laquelle il pourrait accepter un paiement direct. Ils n’ont pas besoin de verser 20 ou 30% de royalties comme c’est le cas avec une transaction sur le Windows Store. La seule chose qu’ils ne peuvent pas faire c’est utiliser un système de distribution non-Microsoft, tel que leur propre site web ou leur propre « boutique » en ligne.

Ainsi, il est presque impossible de concevoir une situation où Microsoft perdrait des revenus significatifs en ouvrant le système de distribution, puisqu’il a déjà ouvert le système de paiement, et que pratiquement tous les revenus proviennent du système de paiement. Le seul revenu que Microsoft continuera à obtenir du store pour une application qui n’utiliserait pas leur moteur de commerce serait les frais variables d’application, d’un montant de 100 $ par application (et non pas par achat). Le Windows Store devra perdre 10.000 – 20.000 applications avec la distribution ouverte chaque jour pour atteindre l’équivalent de 1% du revenu de Microsoft. Pour référence, l’app store le plus populaire au monde, celui d’Apple, en reçoit moins de 500 par jour.

De plus, le potentiel de migration des utilisateurs du Windows Store depuis Microsoft vers des fournisseurs tiers ne serait pas aussi important avec un système ouvert de distribution. N’importe quel utilisateur du Windows Store tel qu’il est actuellement décrit pourrait ouvrir un compte pour un autre système de paiement, pour une application qui proposerait l’achat en son sein. Une fois qu’il a décidé de créer un compte de ce type, rien ne l’empêche d’utiliser ce compte de façon triviale pour acheter n’importe quelle autre application qui serait disponible par le même processus de paiement. L’inertie de l’achat via un tiers n’est présente que la toute première fois qu’on l’utilise. Une distribution ouverte ne fonctionnerait pas différemment. Le Windows Store resterait la source par défaut des applications pour Windows 8, et c’est seulement quand l’utilisateur pourrait créer un compte pour une distribution externe que le Windows Store perdrait l’avantage de l’inertie.

Ainsi donc, Microsoft n’a quasiment aucun intérêt financier à ne pas autoriser un système ouvert de distribution. On peut supposer qu’il y a d’autres raisons sous-jacentes à leur décision de garder fermé le système de distribution. Est-ce pour limiter la menace de malware ? Est-ce pour prévenir le piratage ? Est-ce pour mieux gérer leur image de marque ? Tant que Microsoft ne sera pas explicite quant à ses objectifs, sa décision pourra être portée contre elle, nous pouvons seulement spéculer sur les motivations ; tous les autres candidats similaires proposent des solutions simples qui n’impliquent nullement une politique draconienne, comme forcer les utilisateurs à installer seulement des logiciels approuvés par Microsoft.

Et maintenant que fait-on ?

Les expériences sur les plateformes ouvertes sont l’une des sources premières d’innovation dans l’industrie informatique. Il n’y a pas deux manières de voir les choses. Les écosystèmes logiciels ouverts sont ce qui nous a donné la plupart des produits que nous utilisons aujourd’hui, qu’il s’agisse de logiciels d’entreprise tels que les feuilles de calculs, de logiciels de divertissement comme ceux de tir à la première personne, ou les paradigmes révolutionnaires qui changent le monde, comme le World Wide Web. Le monde sera bien meilleur pour tout le monde si ce type d’innovation continue.

Les développeurs, les consommateurs et même Microsoft devraient souhaiter que les vingt prochaines années ressemblent aux vingt dernières : année après année des nouvelles choses auparavant inimaginables, vous ont été apportées par des développeurs motivés et créatifs qui étaient libres d’aller là où leur vision les conduisait, sachant très bien que s’ils produisaient quelque chose de grand, il n’y aurait pas de barrière entre eux et la diffusion de leur création dans la monde entier.

Avec Windows 8, Microsoft est dans une position pivot pour aider à faire de ce futur une réalité. Ils pourraient devenir l’une des principales forces luttant pour permettre le développement pour tablette aussi ouvert que l’était le développement pour ordinateurs de bureau avec le Windows traditionnel. Ils pourraient prendre des parts de marché à l’iPad, complètement fermé (et totalement d hégémonique), et aider à restaurer dans ce domaine la liberté d’innover que les développeurs ont perdue lorsque Apple a imposé ses politiques restrictives.

Ou bien Microsoft peut lancer Windows RT, Windows 8 et Windows 8 Pro avec leur politiques actuellement en place, et se contenter d’être un autre acteur du marché de l’appareil tactile, avec leur propre jeu d’obstacles ridicules qui restreignent considérablement les possibilités de logiciel et font perdre leur temps aux développeurs avec leurs processus mal conçus de certification.

Pourquoi prendre ce risque ? Pourquoi pas ne pas se mettre en quatre pour fournir aux développeurs une plateforme ouverte, afin que tous et chacun d’entre eux ne soient pas seulement des soutiens, mais vraiment des personnes enthousiastes pour aider Windows à débarquer dans le monde des tablettes ?

Le succès de Windows 8 sur le marché des tablettes et des smartphones est loin, très loin d’être garanti. Est-ce que Microsoft veut véritablement se lancer dans la bataille sans l’appui de ses plus importants atouts ? Veulent-ils qu’une entreprise comme Valve, qui contrôle plus de 50% des ventes de jeux pour PC, décide de porter tout son effort vers Linux, compte-tenu que l’écosystème de Windows 8 interdit les plateformes de distribution tierces comme son fleuron Steam ? Veulent-ils vraiment que le lancement de Windows 8 soit pourri par une cascade de déclarations de développeurs de premier plan prenant position contre la nouvelle plateforme ? Et surtout, vont-ils délibérément courir le risque de s’attirer l’hostilité des développeurs au point de les voir promouvoir activement et développer leurs propres plateformes comme leur produit phare, puisque Windows ne leur offrira plus la liberté de développer et distribuer leurs logiciels à leur gré ?

Espérons, dans l’intérêt de tous, qu’ils prendront conscience que la seule réponse sensée à toutes ces questions est « NON ».

Crédit photo : Kiwi Flickr (Creative Commons By)




Point de réseau social sérieux sans lolcats !

Framasoft harcèle (et parfois excède) ses followers Twitter actuellement avec ses « lolcats de soutien » (, , , , , , , , , ou encore ), ce qui ne nous empêche de nous penser sérieux et appliqués dans notre démarche de promotion et diffusion du Libre.

L’idée générale de la traduction ci-dessous c’est que si vous voulez créer un véritable réseau social au sein de votre structure alors il vous faudra aussi accepter ce qui n’a rien à voir avec votre structure. C’est le coté social du réseau social et il est beaucoup moins futile qu’on peut à priori le penser car c’est souvent un préalable à une bonne ambiance d’où pourront émerger des choses bien pertinentes pour votre structure.

Michellelevine - CC by-sa

Si vous voulez une culture vraiment collaborative, vous devez aussi accepter les LOLCats

If you want a culture of collaboration, you need to accept the LOLCats too

Steve Radick – 11 janvier 2012 – OpenSource.com
(Traduction : KoS, Maïeul, @ali0une, greygjhart)

Même lorsque la presse était sacrée, nous avons eu des romans érotiques 150 ans avant d’avoir des journaux scientifiques
Clay Shirky (Conférence TED Cannes juin 2010)

C’est une de mes citations favorites de l’une de mes personnalités favorites d’Internet, Clay Shirky. Je l’aime particulièrement parcequ’elle illustre selon moi l’époque où certaines organisations se trouvent en essayant d’intégrer les médias sociaux en leur sein.

Avant que les wikis ne soient utilisés par les communautés de coopération scientifique, les personnes s’y inscrivaient pour désigner leur équipe de foot favorite. Avant que l’intranet de ma propre entreprise ne remporte un prix, nous avions des personnes qui nous expliquaient comment elles étaient heureuse de se montrer (presque) nues sur leurs profils. Avant que nos dirigeants commencent à utiliser Yammer pour communiquer avec la base, des groupes de fanas d’Android ou de fitness s’étaient déjà constitués. Je vous parle de cela parce que si vous décidez un jour d’intégrer un média social interne à votre organisation, vous devrez préparer vous-même, vos collègues, vos patrons, votre haute direction à cette vérité inexorable.

Si vous paniquez en voyant tout ça sur votre intranet, vous n’êtes probablement pas prêt pour un intranet social.

Si vous voulez créer une culture dynamique de collaboration, vous devez accepter les photos de LOLCats, les sujets parlant de foot, les débats sans fin sur Apple et Andoid, et même les critiques sur la politique de l’entreprise.

Acceptez et intégrez ce fait maintenant et vos communautés auront de bien meilleurs chances de succès. Ou, continuez à penser que de telles choses sont une perte de temps et ne sont pas professionnelles, et soyez prêt à payer beaucoup d’argent pour un système que personne n’utilise à moins d’être forcé à le faire (et ils l’utiliseront alors mal).

Malheureusement, « social » à l’air d’être devenu un gros mot en entreprise, associé à l’image d’employés perdant leur temps sur Facebook, parlant à leur petit ami au téléphone, ou prenant une pause déjeuner de trois heures. Acceptons d’arrêter d’essayer d’enlever le social d’un réseau social. Les interactions sociales ne doivent pas seulement être acceptées, elles doivent même être encouragées et récompensées. Shirky explique pourquoi dans cette conférence TED (à partir de 5 minutes 33 secondes).

Shirky explique :

Le fossé est entre faire quelque chose et ne rien faire. Et quelqu’un qui fait des LOLcat a déjà franchi ce fossé. Oui, il est tentant de vouloir obtenir des projets aussi noble que Ushahidi sans les LOLCats, d’avoir les choses sérieuses sans les choses futiles. Mais l’abondance de médias ne marche pas comme ça. La liberté d’expérimenter, c’est aussi voire surtout la liberté d’experimenter n’importe quoi.

Il y a cette tendance de la part des dirigeants à vouloir supprimer (voire sanctionner) les blogs qui évoqueraient des solutions de contournement de la politique d’entreprise et les pages wiki détaillant les meilleurs restaurants pour déjeuner. Ils veulent aller droit au but qui serait la co-création de méthodologies avec des équipes inter-fonctionnelles et des initiatives de crowdsourcing qui font économiser des millions de dollars !

Ça ne fonctionne pas pas comme ça. Les communautés collaboratives ne commencent pas à innover juste parce que vous mettez en place un site web et envoyez un mémo. Souvenons-nous que les nouvelles érotiques sont apparues bien avant les journaux scientifiques. Il y aura donc des LOLCats avant des Ushahidi. Vous devez accepter le fait que vos employés parleront de sport et de vacances avant d’être prêts à utiliser l’outil pour procéder à un « vrai » travail.

C’est intuitivement du bon sens. N’est-il pas plus facile de publier votre bon plan du midi plutôt que d’envoyer ce rapport sur lequel vous travaillez depuis trois semaines ? Si quelqu’un n’apprécie pas votre restaurant préféré, quelle importance ? En revanche si quelqu’un critique le rapport que vous avez passé des semaines à écrire, c’est un peu plus intimidant. Une fois que vous avez franchi ce seuil, ce seuil entre ne rien faire et faire quelque chose, c’est plus facile alors de monter les marches. Une fois la glace rompue avec la mention de votre passion pour la gastronomie chinoise, il vous sera soudainement plus facile de participer à la conversation sur tel projet important de votre entreprise. Peut-être même que vous accepterez d’envoyer une partie coriace du rapport en demandant aide et éclaircissement aux autres. Sous cet angle, même les publications les plus stupides et les conversations les plus insignifiantes ont de la valeur, parce qu’elle n’engage qu’un risque mineur pour les gens à se jeter à l’eau et faire le premier pas.

Cela peut prendre du temps pour que les employés se sentent vraiment à l’aise avec l’utilisation des réseaux sociaux au travail. En lui laissant ainsi la possibilité de s’épanouir et d’apprendre ensemble à son propre rythme, votre communauté supportera bien mieux les changements d’échelle et durera bien plus longtemps.

Alors acceptez les LOLCats, les délires footballistiques, les discussions sur la bouffe, et les avatars personnalisés : au moins vos employés créeront et partageront quelque chose avec quelqu’un d’autre. Parce que ce qui viendra après ces stupides discussions mènera à du lien, des relations, des questions, des réponses, et finalement, à des innovations très créatives, à des produits et des solutions qui vous feront économiser du temps et (beaucoup) d’argent. Et vous serez récompensés pour avoir participé à rendre votre entreprise humaine et chaleureuse.

Crédit photo : Michellelevine (Creative Commons By-Sa)




Complexité de la clause Non Commerciale des Creative Commons : preuve par l’exemple

Ce n’est pas ubuesque mais presque !

On nous le reproche souvent, nous sommes de ceux qui ne considèrent pas comme « libres » les licences Creative Commons possédant la clause Pas d’Utilisation Commerciale NC. Nous préférons alors parler de licences « ouvertes ».

Apposer cette clause Pas d’Utilisation Commerciale à votre œuvre stipule que l’utilisateur n’aura « pas le droit d’utiliser cette œuvre à des fins commerciales » (sans vous en demander au préalable votre autorisation).

Le problème c’est qu’il est fort difficile de définir réellement et pratiquement les contours de ce qui est ou n’est pas commercial, ce qui entrave du même coup le partage et la libre circulation de l’œuvre. La preuve avec les nombreux exemples proposés ci-dessous par Evan Prodromou (Wikitravel, Identi.ca…) sur une liste de discussion des Creative Commons.

Réfléchissez-y à deux fois en choisissant cette clause pour votre propre œuvre parce que vous ne voulez pas que « d’autres se fassent de l’argent sur votre dos »…

Remarque : Cette traduction a été donnée sur grand écran en direct livre de l’Open Word Forum samedi 13 octobre dernier. C’était fascinant de voir virevolter les couleurs des participants sur notre Framapad !

Tax Credits - CC by-sa

Cas d’utilisation de la clause Pas d’Utilisation Commerciale de la licence Creative Commons

Use cases for NonCommercial license clause

Evan Prodromou – 19 avril 2012 – Liste de discussion Creative Commons
(Traduction : JonathanMM, KoS, Pascal, Barbidule, L’gugus, Evpok, aKa, mandourin, TheophrasteL, Cyrille, audece, Franck, Ypll, feedoo)

Je pense qu’il pourrait être utile d’obtenir des réponses de ceux qui s’occupent des licences Creative Commons au sujet d’un certain nombre d’usages plus ou moins « commerciaux ». Voici donc une liste d’exemples dont j’ai cherché à déterminer si oui ou non ils respectaient la clause non commerciale NC. J’ai exprimé mon opinion entre parenthèses en fin de phrase.

(Je suppose ici que l’on respecte les autres dispositions, dont l’attribution BY et la notification de la licence.)

  • Un éditeur télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur internet, en fait un tirage de 100 000 exemplaires et le vend en librairies dans le pays. (Non)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le lit. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante, et lit le document imprimé. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’envoie par courriel à un ami. (Oui)

  • … et le partage avec le monde sur son site web. (Oui)
  • … et le partage avec le monde via un réseau P2P. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante et le donne à un ami. (Oui)
  • …et laisse son ami utiliser son imprimante et son ordinateur pour l’imprimer lui-même. (?)
  • … et envoie la copie imprimée à un ami en facturant au prix coûtant correspondant au prix des frais (papier, encre, électricité…). (?)
  • … et vend la version imprimée à un ami pour le prix des frais et du temps correspondant à la recherche et à l’impression du livre. (?)
  • … et vend la copie imprimée à un ami au prix des frais, plus son temps passé à trouver et à imprimer le livre, plus 10% de bénéfice. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un autre livre imprimé. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un grille-pain. (?)

  • Une personne télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’imprime sur son imprimante. Elle en réalise elle-même des photocopies près de chez elle, qu’elle donne à une amie. (Oui)
  • … et paie le personnel de la boutique pour en avoir une copie, qu’elle donne à son amie. (Oui)
  • … et paie le personnel du commerce pour en faire 100 copies pour elle, qu’elle donnera à ses amis et sa famille. (Oui)
  • Une boutique de reprographie possède un ordinateur à l’accueil. On peut naviguer parmi les livres sous licence CC qu’on aime sur cet ordinateur puis payer le personnel pour réaliser une impression d’un ou plusieurs d’entre eux pour soi. (Non)
  • Une boutique de reprographie possède un site web. Vous pouvez feuilleter les livres que vous voulez sur ledit site et ensuite, remplir un formulaire en ligne pour commander le livre que vous souhaitez acquérir. Le site vous enverra une copie. (Non)
  • Une boutique de reprographie télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 et le reproduit en 100 exemplaires qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en acheter un à la caisse. (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre autant que vous le souhaitez. (Non ?)
  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Sur la couverture, il est écrit : « Avec la permission de la boutique Trucmuche » (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre un gratuitement, pour tout achat de 10$ ou plus. (Non ?)
  • … dont elle fait don à un programme d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • … qu’elle distribue anonymement à un programme local d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • Un particulier qui télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le partage avec le monde sur son site internet. Chaque téléchargement coûte 0,99$. (Non ?)
  • … et le partage dans le monde entier via son site Web. Il faut payer 5,95$ par mois pour devenir membre et pouvoir télécharger. (Non)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Des versements ne sont pas requis, mais il y a des bandeaux publicitaires sur chaque page. (?)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Les versements ne sont pas obligatoires, mais il y a un lien Paypal « Soutenez ce site ! » sur chaque page. (?)
  • Un professeur télécharge une pièce sous licence CC by-nc 2.0 sur internet. Sa classe d’art dramatique joue la pièce devant le reste de son école lors d’une réunion. (Oui)
  • Sa classe d’art dramatique joue la pièce pour les parents, faisant payer 7$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce licence CC by-nc 2.0, à 35$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement dans une école primaire lors d’une assemblée. (Non ?)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement devant les élèves d’une école primaire dans leur propre théâtre. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous licence CC by-nc 2.0. Ils louent les textes imprimés à des enseignants. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous CC by-nc 2.0. Si des instituteurs louent des costumes pour la pièce, ils peuvent utiliser les textes gratuitement. (Non ?)
  • Une boutique de reprographie télécharge une image d’abeille sous licence CC by-nc 2.0 depuis internet. Elle la place dans un encart publicitaire du journal local, en disant, « Soyez malin ! Utilisez la boutique de reprographie Trucmuche ! ». (Non)

  • Un groupe de scouts féminin télécharge une image d’abeille sous licence libre CC by-nc 2.0 à partir d’internet. Il l’imprime sur des prospectus distribués dans le voisinage: « Soyez sympa ! Ne me jetez pas ! » (Oui)
  • … « Soyez cool ! Achetez les cookies des filles scout ! » (Non)
  • … « Soyez cool ! Ne me jetez pas ! (Fabriqué pour vous par la troupe 45 des filles scout qui font de délicieux cookies) (Non)
  • … « Soyez cool ! Donnez de l’argent aux filles scout ! » (Non)

  • … « Soyez cool ! Donnez de votre temps aux filles scout ! » (Oui ?)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe (un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0 de Cory Doctorow) sur son ordinateur. Il paie à compte d’auteur 100 copies reliées, à ses frais, qu’il offre ensuite à des amis et la famille. (Oui)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe sur son ordinateur. Il a un compte personnel à régler avec Cory Doctorow remontant à un cocktail en 1997. Alors, il paie pour que soit produits, à grand peine, 100.000 exemplaires reliés à la main, à ses frais, qu’il distribue ensuite gratuitement, en engorgeant le marché. Doctorow fait faillite. (Oui)
  • Les Éditions Trucmuche téléchargent Eastern standard tribe, publié par leur plus grand rival. Ils font 100 000 copies qu’ils distribuent ensuite gratuitement, engorgeant le marché. Doctorow et son éditeur font faillite. (Non)
  • Une association à but non lucratif qui s’occupe d’apprendre à lire aux enfants télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0. L’équipe reproduit 100 exemplaires avec la photocopieuse de l’association et les distribue aux orphelinats locaux. (Oui)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre, avec une marge de 10%. (Non)
  • … et les distribue publiquement pour attirer l’attention sur la lecture. (Oui)
  • … et les distribue publiquement comme cadeau pour toute donation d’au moins 50 $. (Non ?)
  • … et les vend publiquement avec une marge. (Non)
  • … et les distribue publiquement en « suggérant un montant de donation ». (Non ?)
  • Un groupe d’alphabétisation pour enfant télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nc 2.0. Une boutique de reprographie (Trucmuche) fait don de temps et de matériel pour effectuer 100 copies du livre, qui est ensuite rendu public pour éveiller à la lecture. La couverture arrière dit, « travail et matériel sont le don de la boutique Trucmuche ». (Oui)
  • Une bibliothèque dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. L’utilisation des ordinateurs et imprimante est gratuit. Une personne utilise l’ordinateur et imprime pour elle-même un roman sous licence libre CC by-sa 2.0. (Oui)
  • Un cybercafé dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. Chaque impression coûte 5 centimes la page. Un particulier réserve un ordinateur et imprime un roman sous licence libre CC by-sa 2.0 pour lui-même, et paye pour le temps et les coûts d’impression. (Oui)
  • Une bibliothèque publique qui vend des copies de livres sous licence CC by-nc 2.0. (Non)

Bon, tout ceci me fatigue (et vous aussi j’imagine). Désolé pour cette si longue liste, mais c’est un sujet réellement compliqué. Il y a probablement pas mal d’autres cas marginaux qui mériteraient d’être explorés.

Evan

Crédit photo : Tax Credits (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Firefox 16

It’s not a bug, it’s a feature 😛

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source : Firefox 16 : diffusion interrompue à cause d’une faille de sécurité (Tasse de Café)

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Pour en finir avec les mythes prégnants du copyright et de l’argent

« Il est temps de déboulonner le mythe qui voudrait que le droit d’auteur soit nécessaire pour gagner de l’argent, ou même qu’il en rapporte », tel est le titre frappant d’un récent article de Rick Falkvinge (désormais habitué du Framablog).

Puisque ce mythe ne résiste pas aux faits, il est grand temps désormais pour ces messieurs du copyright d’adopter un discours honnête, sérieux et mature si on veut réellement avancer…

Remarque : Nous avons conservé le terme anglo-saxon « copyright », que l’on traduit souvent en français par « droit d’auteur », car l’acception et le périmètre du mot ne sont pas tout à fait similaires ici.

Stephen Downes - CC by-nc

Il est temps de déboulonner le mythe qui voudrait que le droit d’auteur soit nécessaire pour gagner de l’argent, ou même qu’il en rapporte

It’s Time To Debunk The Myth That Copyright Is Needed To Make Money – Or That It Even Makes Money

Rick Falkvinge – 7 octobre 2012 – TorrentFreak.com
(Traduction : fcharton, Gatitac, janfi, Pymouss, bituur esztreym, Jeff_, Mnyo, ti_tux, goofy_seamonkey)

Un des mythes les plus tenaces au sujet du monopole du copyright est qu’il est nécessaire afin de rapporter de l’argent. Il s’avère que cette affirmation est fausse dans un grand nombre de cas observés, mais le pluriel « d’anecdote » n’est jamais « statistiques ». Dès lors, penchons-nous sur des preuves statistiques solides pour l’élaboration de notre réflexion politique à ce sujet.

Puisque le monopole du copyright est principalement une activité économique, on constate un gouffre parmi le public, entre ceux qui soutiennent son abolition uniquement dans un cadre non commercial, et ceux qui soutiennent son abolition complète.

Il y a parmi la population une forte majorité qui se prononce en faveur d’une réduction de ce monopole, afin de favoriser les échanges non marchands entre proches, amis et inconnus. Et si on observe la plus jeune moitié de la population, cette majorité passe de forte à écrasante. Est-il besoin de préciser que cette jeune moitié de la population (qui s’étend jusqu’aux adultes d’une quarantaine d’année) ne changera pas ses habitudes ou ses valeurs sur le sujet, n’en déplaise aux doux rêves avancés par l’industrie du copyright actuellement en exercice. D’ici vingt ou trente ans du reste, ce sont eux qui tireront les ficelles de la politique, et les dinosaures actuels morts et enterrés.

Quand on aborde les questions commerciales de ce monopole, on découvre en revanche un certain nombre de mythes florissants qui ont tendance à freiner l’adhésion du public à une abolition complète du copyright jugée improbable et irréaliste. Voyons quels sont ces mythes, et confrontons-les à la réalité.

Mythe : Si nous abolissons le monopole du copyright, les artistes ne pourront plus gagner de l’argent.

Réalité : C’est un mythe tenace et bizarre, étant donné qu’il y eut des périodes historiques où les artistes n’étaient pas rémunérés. Le système actuel revient à « signer un contrat ou rester pauvre ». Or 99% des artistes ne signent pas de contrats avec l’industrie du disque, et parmi ceux qui le font 99,5% n’ont jamais vu la couleur de leurs droits d’auteur. Il s’agit donc de se dégager d’un système qui laisse délibérément 99,995% des artistes sans aucune forme de revenu pour la pratique de leur art.

Ceci étant donc dit, il est absurde de prétendre que toute évolution vers un système dégraissé de ses intermédiaires « ôterait la possibilité aux artistes de gagner de l’argent », d’autant que ces intermédiaires, devenus aujourd’hui obsolètes, s’octroient en moyenne 93% des revenus des 0,005% des artistes qui gagnent encore de l’argent. Éliminons-les et tout (ou partie) de ces 93% reviendra aux artistes.

Mythe : Le monopole du copyright est une source essentielle de revenus pour les artistes aujourd’hui.

Réalité : De tout l’argent dépensé dans la culture, à peine 2% (oui, deux pour cent !) arrive jusqu’à l’artiste à cause des mécaniques complexes de redistribution du monopoly du copyright. Cela a été étudié en profondeur par le suédois Ulf Pettersson en 2006 (lien vers l’article, lien direct vers l’étude, les deux sont en suédois), qui conclut que la majeure partie des artistes gagnent leur vie autrement (travail intérimaire, prêts étudiants…).

Mythe : L’industrie du copyright est vitale pour l’économie dans son ensemble.

Réalité : « L’industrie du copyright » est délibérément évaluée par des moyens complètement trompeurs qui confinent au ridicule. Dans les consignes de l’OMPI concernant ce qui doit être compris dans « l’industrie du copyright », nous trouvons de tout, de la création de pâte à papier, à la vente d’électroménager, en passant par la fabrication de chaussures (OMPI 2003, d’après l’article de Pettersson cité plus haut). Si vous mettez pratiquement tous les pans de l’économie dans un ensemble X, et que vous affirmez ensuite que cet ensemble X est vital pour l’économie, alors vous pourriez sembler avoir raison. Il suffit de ne pas vous faire prendre quand on s’intéresse de près à la manière avec laquelle vous avez sélectionné ce gros X fourre-tout, et qu’il n’y a aucun lien avec ce dont vous parlez réellement. Les industries tirant profit du monopole du copyright ne représentent qu’un dixième de celles qui en sont désavantagées. Vous voulez créer des emplois ? Détruisez le monopole !

Mythe : Avec le partage gratuit, personne ne va dépenser d’argent pour le divertissement.

Réalité : Les dépenses des foyers pour la culture ont augmenté, année après année, depuis l’apparition du partage de fichiers à grande échelle avec Napster en 1999 (d’autres rapports disent que cela stagne mais aucun ne parle de chute). Il est cependant vrai que les ventes d’enregistrements sur support physique s’effondrent. Ce qui est une excellente nouvelle pour les musiciens, qui n’ont plus besoin de dépendre des intermédiaires qui récupèrent 93% des parts, et qui ont vu au contraire leurs propres revenus augmenter de 114% dans le même laps de temps.

Mythe : Sans la motivation d’un éventuel gain d’argent, personne n’ira plus faire carrière dans l’art et créer.

Réalité : Les gens créent malgré le monopole du copyright, pas grâce à lui. YouTube absorbe 72 heures de vidéos téléversées chaque minute. On peut soutenir que la plupart ne seront sans doute pas visionnées, mais il y a certainement des perles là dedans. La discussion est absurde en fait à partir de la simple observation qu’il y a évidente surabondance d’artistes par rapport à ce que le marché peut contenir : on peut facilement trouver un comptable professionnel qui prend une guitare électrique pendant la pause pour se relaxer un peu, mais montrez-moi ne serait-ce qu’un seul guitariste professionnel qui se détend avec un peu de comptabilité pendant son temps libre.

GNU/Linux et Wikipédia sont deux excellents contrepoints qui font voler en éclat ce mythe étrange. Le système d’exploitation dominant et l’encyclopédie dominante ont été créés par des bénévoles non rémunérés (et quand je dis que GNU/Linux est « dominant », je mets aussi dedans le dérivé Android, juste pour mémoire).

Nous créons depuis que nous avons appris à mettre de la peinture rouge sur des parois de grottes, pas à cause de la possibilité de gagner de l’argent, mais à cause de ce que nous sommes et de ce qui nous fondent. Du reste, les gens qui cherchent de l’argent ne s’engagent pas d’emblée dans les arts. Ils vont en faculté de droit ou de médecine. C’est pourquoi les parents ont l’air si désespéré quand leur rejeton leur dit qu’il a décidé de devenir poète pour gagner sa vie.

Le mythe selon lequel le monopole du copyright serait nécessaire pour que n’importe quelle sorte d’art rapporte de l’argent, ou tout simplement pour que cet art existe, est un mythe obscène perpétué par ceux qui ont quelque chose à gagner en écrémant les 90% de l’argent des artistes, les privant du même coup de l’accès a un public par un racket à l’ancienne.

Pouvons-nous, s’il vous plaît, passer à autre chose maintenant ?

Crédit photo : Stephen Downes (Creative Commons By-Nc)




Un logiciel libre n’est pas toujours collaboratif et de qualité

Voici un titre étrange pour un blog comme le nôtre.

Oui il existe des logiciels libres de mauvaise qualité qui ne souffrent pas la comparaison avec leurs concurrents propriétaires ! Et oui encore la majorité des logiciels libres sont uniquement développés par un seul et unique contributeur : leur créateur !

Face à de tels logiciels, les partisans de l’open source pleurent car ils détruisent aussi bien leur argumentaire pratico-technique que le mythe de la collaboration spontanée. Les partisans de logiciel libre envisagent quant à eu les choses différemment car ce qu’ils voient avant tout c’est que le logiciel est libre.

Le logiciel libre n’est pas meilleur en pratique mais il est libre en théorie et c’est bien ça le plus important…

Remarque : Cette traduction est le fruit d’une coopération entre Framasoft (et son énergie plurielle présente sur Framalang et les réseaux sociaux) et l’April (via son équipe de traduction du site GNU.org)

James Rickwood - CC by

Quand le logiciel libre n’est pas meilleur, en pratique

When Free Software Isn’t (Practically) Better

Benjamin Mako Hill – GNU.org
Licence Creative Commons By-Nd – Version du 6 octobre 2012
(Traduction : Framalang et l’équipe Trad-GNU de l’April)

Les objectifs affichés par l‘Open Source Initiative sont les suivants : « L’open source est une méthode de développement logiciel qui exploite la puissance d’une évaluation décentralisée, par les pairs, et la transparence des processus. Les promesses de l’open source sont une meilleure qualité, une plus grande fiabilité, davantage de flexibilité, un moindre coût et la fin d’une situation permettant à des fournisseurs rapaces de verrouiller leurs produits. »

Depuis plus de dix ans maintenant, la Free Software Foundation ne cesse d’argumenter contre la qualification d’« open source » dont on affuble le mouvement du logiciel libre. Si nous, les partisans du logiciel libre, réfutons ce qualificatif d’« open source », c’est surtout parce que nous considérons qu’il s’agit d’un effort volontaire pour réduire la portée de notre message de liberté et masquer le rôle de notre mouvement dans le succès du logiciel que nous avons bâti. Si nous disons que le terme « open source » est mauvais, c’est fondamentalement parce qu’il tente d’éviter toute discussion à propos de la liberté du logiciel. Mais il y a une autre raison pour laquelle nous devrions nous méfier du cadre « open source ». L’argument fondamental de l’open source, tel qu’il est défini dans la déclaration ci-dessus, est souvent incorrect.

Malgré la suggestion de l‘Open Source Initiative, que « la promesse de l’open source est une meilleure qualité, une plus grande fiabilité, plus de flexibilité », cette promesse n’est pas toujours honorée. Bien que nous ne le mettions pas souvent en avant, tout utilisateur d’un logiciel libre aux premiers stades de son développement peut expliquer que ce logiciel n’est pas toujours aussi pratique, sur le plan purement fonctionnel, que ses concurrents privateurs[1] Un logiciel libre est parfois de piètre qualité. Il n’est pas toujours très fiable. La souplesse lui fait parfois défaut. Si les gens prennent les arguments en faveur de l’open source au sérieux, ils doivent expliquer pourquoi l’open source n’a pas tenu ses « promesses » et conclure que des outils privateurs seraient un meilleur choix. Il n’y a aucune raison pour que nous fassions de même.

Richard Stallman parle de cela dans son article « Pourquoi l’open source passe à côté du problème que soulève le logiciel libre » lorsqu’il explique : « L’open source repose sur l’idée qu’en permettant aux utilisateurs de changer et redistribuer le logiciel, celui-ci en sortira plus puissant et plus fiable. Mais cela n’est pas garanti. Les développeurs de logiciels privateurs ne sont pas forcément incompétents. Parfois ils produisent un programme qui est puissant et fiable, même s’il ne respecte pas la liberté de l’utilisateur. »

Pour l’open source, la mauvaise qualité d’un logiciel est un problème à analyser ou une raison de fuir ce logiciel. Pour le libre, c’est un problème à résoudre. Pour les partisans du libre, les bogues et les fonctionnalités manquantes ne sont jamais une raison d’avoir honte. Tout logiciel qui respecte la liberté de ses utilisateurs possède un avantage inhérent sur son concurrent privateur. Même s’il a ses propres problèmes, un logiciel libre a toujours la liberté.

Bien évidemment, tout logiciel libre doit commencer quelque part. Un nouveau programme, par exemple, a peu de chances d’offrir plus de fonctionnalités qu’un programme privateur déjà établi. Un projet commence avec de nombreux bogues et s’améliore avec le temps. Alors que les partisans de l’open source peuvent argumenter qu’un projet deviendra utile avec du temps et un peu de chance, un projet libre représente pour les partisans du logiciel libre une importante contribution, dès le premier jour. Chaque logiciel qui donne aux utilisateurs le contrôle sur leur technologie est un pas en avant. L’amélioration en qualité due à la maturation d’un projet n’est que la cerise sur le gâteau.

Un second point, peut-être plus accablant encore, est que le processus de développement collaboratif, distribué, évalué par les pairs, qui est au cœur de la définition de l’open source, ne ressemble que de loin à la manière dont sont développés en pratique la plupart des projets sous licence libre (ou « open source »).

Plusieurs études universitaires menées sur les sites d’hébergement de logiciels libres SourceForge et Savannah ont démontré ce que beaucoup de développeurs de logiciels libres ayant mis en ligne une base de code savent déjà : la grande majorité des projets libres ne sont pas particulièrement collaboratifs. Le nombre médian de contributeurs à un projet de logiciel libre sur SourceForge ? Un. Un développeur solitaire. Les projets de SourceForge du quatre-vingt-quinzième centile en termes de nombre de participants n’ont que cinq contributeurs. Plus de la moitié de ces projets libres, et même la plupart des projets qui ont fait plusieurs versions à succès et ont été téléchargés fréquemment sont l’œuvre d’un seul développeur avec un peu d’aide de l’extérieur.

En insistant sur la puissance du développement collaboratif et de « l’évaluation décentralisée par les pairs », l’approche open source semble ne pas avoir grand chose à dire, dans la majorité des cas, sur les raisons pour lesquelles on devrait contribuer à un projet libre ou se servir d’un logiciel en développement. Puisque les avantages supposés de la collaboration ne peuvent être constatés quand il n’y a pas de collaboration, la grande majorité des projets de développement libres n’ont pas d’avantage technique sur leurs concurrents privateurs.

Pour les partisans du logiciel libre, ces mêmes projets sont tous vus comme des succès importants. Comme chaque logiciel libre respecte la liberté de ses utilisateurs, les partisans du libre peuvent argumenter qu’il possède au départ un avantage éthique intrinsèque sur les concurrents privateurs – même sur ceux qui proposent plus de fonctionnalités. En insistant sur la liberté plutôt que sur les avantages pratiques, la défense du logiciel libre est ancrée dans la réalité technique d’une façon qui manque souvent à l’open source. Quand le logiciel libre est meilleur, nous pouvons nous en réjouir. Quand il ne l’est pas, nous n’avons pas à considérer cela comme une attaque dirigée contre lui ni même comme un argument valable contre l’utilisation du logiciel en question.

Les partisans de l’open source doivent défendre leur thèse selon laquelle le logiciel développé librement devrait, ou devra avec le temps, être meilleur que le logiciel privateur. Les militants du logiciel libre peuvent quant à eux demander : « Comment peut-on rendre le logiciel libre meilleur ? » Dans le cadre du libre, les logiciels de haute qualité existent comme un moyen plutôt que comme une fin en soi. Les développeurs de logiciels libres doivent s’efforcer de créer des logiciels fonctionnels, flexibles, qui servent bien leurs utilisateurs. Mais ceci n’est pas le seul moyen de progresser vers la réalisation d’un objectif qui est à la fois plus simple et bien plus important : respecter et protéger leurs libertés.

Bien sûr, nous ne cherchons pas à nier que la collaboration joue un rôle important dans la création de logiciels de haute qualité. Dans la plupart des projets libres ayant réussi, ce fut d’ailleurs le cas. Il faut comprendre, soutenir et développer la collaboration, plutôt que de considérer dogmatiquement qu’elle va de soi, quand bien même les faits sont là pour montrer le contraire.

Crédit photo : James Rickwood (Creative Commons By)

Notes

[1] Autre traduction de proprietary : propriétaire




Créer et maintenir les lois comme les logiciels libres sur GitHub ou Wikipédia ?

Lorsque vous parcourez un article de l’encyclopédie libre Wikipédia, vous pouvez bien évidemment le lire, mais aussi écrire (le fameux bouton « Modifier ») et consulter tout son historique, sans oublier converser autour avec les autres contributeurs (lien « Discussion »). Il en va de même avec tout logiciel libre déposé sur une plateforme collaborative comme celle de GitHub par exemple (dont l’approche et les fonctionnalités sociales ont donné un coup de vieux à Sourceforge).

Il y a là une manière bien spécifique de fonctionner et une invitation à s’impliquer.

Dans la mesure ou Wikipédia ou GNU/Linux sont d’incontestables réussites, l’un des plus célèbres penseurs du Net, Clay Shirky, s’est récemment demandé, au cours d’une brillante intervention TED, si on ne pouvait pas fortement s’en inspirer pour faire évoluer la politique en générale et l’élaboration de nos lois en particulier.

Ce que l’on pourrait résumer également ainsi : est-ce que le logiciel libre a des choses à dire, voire à enseigner, à la démocratie ?

Fabricio Zuardi - CC by

Peut-on améliorer la politique avec les outils du logiciel libre ?

Could we use open-source tools to improve politics?

Mathew Ingram – 29 septembre 2012 – Gigaom.com
(Traduction : Lamessen, Barbidule, Evpok, David, peupleLa)

Les principes du logiciel libre ont contribué à créer de nombreux logiciels efficients et utiles, y compris le système d’exploitation GNU/Linux et la surpuissante ressource que représente Wikipédia. Cette même approche pourrait-elle être utilisée pour ouvrir le processus de création des lois ? Clay Shirky assure que c’est possible.

La philosophie du logiciel libre a permis entre autres de construire un système d’exploitation et une encyclopédie collaborative de grande qualité. Pourrait-on en faire de même avec la législation et la politique ? C’est ce que le théoricien de la communication Clay Shirky a proposé dans une récente et remarquée conférence TED (Technologie Entertainment Design) à Edimbourg. L’idée est alléchante, employer les méthodes de GNU/Linux et Wikipédia pour rendre les gouvernements plus ouverts et impliquer davantage les concitoyens, mais est-ce véritablement transposable ? L’écriture de logiciels et de services Web est très différente de celle des lois, et l’histoire du logiciel libre a connu son lot de guerres quasi-religieuses. Mais c’est peut-être notre meilleur espoir.

Après avoir fait une sorte de tour d’horizon du mouvement open source, en accordant la part belle à GNU/Linux, Shirky a consacré une grande partie de son discours à Github, plateforme collaborative et sociale de dépôt de logiciels qui permet à n’importe qui d’éditer, de « forker » en créant sa propre version, et de suivre les changement que font les autres. De GitHub à l’idée de législation collaborative, il n’y a qu’un pas. Et c’est ce que Shirky semble avoir à l’esprit. Il y a déjà eu quelques tentatives de réalisation directement via GitHub. Ainsi un développeur allemand a, par exemple, déposé l’intégralité des lois allemandes sur la plateforme. De cette façon, les citoyens peuvent recommander et suivre les changements.

C’est séduisant sur le papier : une simple plateforme logicielle dédiée à la collaboration pourrait changer la façon dont on développe et met en oeuvre les lois. Mais est-ce réaliste ?

Beaucoup de sceptiques disaient au départ que Wikipédia n’avait aucune chance de marcher. Pourtant elle est bel et bien là et sa réputation et fiabilité sont excellentes, malgré quelques ratés comme l’incident récent impliquant l’auteur Philip Roth. Il est vrai cependant que de nombreux critiques pensent que la « cabale » des éditeurs qui contrôlent l’encyclopédie collaborative a trop de pouvoir.

Force est de reconnaître que le fonctionnement des gouvernements reste de toutes les façons trop opaque à l’ère d’Internet, et donc que Github ne peut pas faire empirer les choses. D’ailleurs Shirky n’est pas le seul à le penser : le développeur Abe Voelker a proposé un « Github pour lois » qui propose exactement la même approche pour concevoir des lois collaborativement. D’autres expériences basées sur ces mêmes idées d’ouverture ont déjà eu lieu en Finlande, Irlande et surtout en Islande avec la rédaction collective de sa nouvelle Constitution (NdT : lire à ce sujet L’Islande, la crise, la révolution et moi et on notera en France l’initiative d’Étienne Chouard avec sa Constitution nationale d’origine citoyenne sur un wiki).

Un des problèmes posés par la transposition d’une solution technique comme Github à un processus culturel et politique de grande ampleur, c’est que créer des lois, même mineures, est très différent de bidouiller un bout de code afin que GNU/Linux puisse reproduire les styles de polices de caractères Windows, ou encore modifier l’article sur George Bush dans Wikipédia (sachant que ces deux exemples en apparence inoffensifs ont donné lieu à de vives polémiques au sein de leur communauté respective). Comment peut-on dès lors espérer que des politiciens puissent, dans les faits, se servir d’un processus similaire pour changer la manière dont fonctionne le gouvernement, le parlement et ses lois ? Comme le suggère Shirky dans sa conférence, il y a une bureaucratie bien installée qui n’a probablement aucun intérêt à renoncer à ce contrôle au profit du bon peuple.

Dans son livre « Here comes Everybody », Shirky a montré l’impact positif d’Internet sur la dynamiques des groupes. Son admiration pour Github semble prendre place dans une recherche d’outils collaboratifs et ouverts axée sur l’humain. Il est clair que nous en avons besoin, et même si Github n’est peut-être pas la bonne réponse, à ce stade, tout peut valoir la peine d’être tenté.

Crédit photo : Fabricio Zuardi (Creative Commons By)