Entretien avec Richard Stallman (crise, écologie, politiques européennes…)

D'Arcy Norman - CC byC’est un Richard Stallman qui a, comme d’habitude, laissé la langue de bois au vestiaire que nous retrouvons ici au cours d’un entretien rapporté par le magazine britannique eWeekEurope.

Le logiciel libre en toile de fond, il est notamment interrogé sur le Green computing (informatique écologique), les conséquences de la crise et les politiques toujours critiquables du Royaume-Uni et de l’Europe (surtout si l’on persiste à confondre « Open Source » et logiciel libre)[1].

Richard Stallman : Le logiciel libre est meilleur pour l’environnement

Richard Stallman: Free software costs the environment less

Andrew Donoghue – 18 mars 2009 – eWeek Europe
(Traduction Framalang : Olivier et Claude)

Le créateur de GNU affirme que les logiciels libres sont plus durables que les logiciels propriétaires et soutient que le Royaume-Uni et l’Europe ne voient pas le côté éthique des logiciels.

Le président de la Free Software Foundation, Richard Stallman, ne souffre pas les idiots. En fait il ne souffre pas grand chose, surtout quand c’est propriétaire.

Lors d’une conférence de presse qui s’est récemment déroulée à Budapest, à la suite d’un discours assez suivi sur les droits d’auteur, Stallman a prévenu ses hôtes hongrois de ne pas lui demander s’il désire quelque chose car cela ne ferait que l’ennuyer. On peut voir dans cette approche directe de l’arrogance ou simplement l’expression d’un esprit passionné, chacun son point de vue.

Stallman est un personnage passionné, pas de doute la dessus. Et pas seulement au sujet des logiciels libres – il rejette le terme Open Source qui d’après lui n’a rien à voir avec la liberté. Un rapide coup d’œil à son site Internet et vous verrez que l’homme à qui l’on doit le système d’exploitation GNU – qui a ouvert la route à Linux – est en mission contre tout ce qu’il trouve injuste ou qui restreint la liberté.

Stallman a bien en ligne de mire des problèmes divers comme le réchauffement climatique ou les cartes d’identité numériques, des problèmes qui attisent sa fougue au moins autant que son combat principal : les logiciels libres.

Au cours de la conférence de presse et de la session de Questions/Réponses faisant suite à son discours, Stallman a répondu aux questions de EWeek Europe UK, entre autres, pour donner son opinion sur l’informatique dite verte, l’impact de la crise et l’intérêt porté alors aux logiciels libres.

Qu’est-il arrivé à vos chaussures ?

Je les ai enlevées, j’ai rapidement chaud aux pieds.

La crise a-t-elle des conséquences sur l’intérêt porté aux logiciels libres ?

Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que beaucoup de gens continuent à rejoindre la FSF, nous dénombrons plus de membres maintenant qu’il y a un an. Les gens doivent renouveler leur inscription chaque année, donc on reçoit suffisamment de renouvèlement pour que notre base de membre grandisse. Nous ne sommes donc pas affectés. Mais qui suis-je pour l’affirmer.

Certains disent que la crise pousse les entreprises à adopter les logiciels Open Source ou « gratis » ?

Ce n’est pas la même chose. Les logiciels sont les mêmes, mais ce ne sont pas les mêmes idées. Donc…

Mais si vos idées se répandent pas d’autres moyens… c’est positif, non ?

Je ne vais pas dire non à plus d’utilisateurs, mais évidemment, si leur motivation première est l’économie d’un peu d’argent ils oublient l’essentiel, nous devons donc leur montrer qu’il y a plus important. Il ne faut pas oublier aussi que des programmeurs au chômage ce sont des programmeurs qui ont du temps pour écrire des programmes libres. Je ne sais pas encore si ça nous fera plus de bien que de mal. On verra.

Que pensez-vous de l’annonce récente, faite par le gouvernement du Royaume-Uni, d’ouvrir les appels d’offre pour les projets informatiques gouvernementaux aux solutions Open Source ?

Jusqu’à présent ils n’étaient ouverts qu’aux logiciels propriétaires, c’est donc une bonne chose, mais ce n’est toujours pas la bonne politique. Nous savons que le gouvernement britannique n’a aucun respect pour les droits de l’homme. On dirait que Tony « Blair(eau) » et le nouveau Gordon « Clown » donnent l’impression d’être en campagne pour complètement abolir les droits de l’Homme traditionnels. C’est maintenant un crime d’être suspecté au Royaume-Uni, ils peuvent littéralement inculper quelqu’un au motif qu’il est suspect.

Pensez-vous qu’on puisse vraiment qualifier un logiciel de « vert » et si oui, peut-on dire que les logiciels libres sont plus « verts » que les logiciels propriétaires ?

On ne peut pas faire de lien direct entre écologie et logiciels. Mais c’est vrai que Microsoft, en particulier, use de son pouvoir pour forcer les gens à acheter plus de matériel et à mettre au rebut leur vieux matériel, c’est la raison pour laquelle le US Green Party s’est joint à la Free Software Foundation pour condamner WIndows Vista.

De plus, les logiciels libres donnent aux utilisateurs le contrôle. Les logiciels propriétaires assujettissent les utilisateurs au contrôle des développeurs. Si le développeur est une entreprise avide, elle utilisera ce contrôle pour obtenir ce qu’elle veut de la part des utilisateurs, y compris des choses nuisibles ou désagréables. Je pense donc que votre empreinte écologique sera moindre avec des logiciels libres, mais ce n’est qu’une conséquence indirecte.

Pensez-vous que l’Union Européenne en fasse assez pour encourager l’utilisation des logiciels libres ?

Non, en fait l’Union Européenne ne veut pas parler de ce qui touche à la liberté. Ils ont mis en place un groupe pour étudier l’utilisation de « l’Open Source » mais j’ai lu aujourd’hui que ce groupe est infiltré par des organisations financées par Microsoft qui le sabote complètement. Que pouvez-vous espérer quand ils tournent la question de manière à ignorer les problèmes éthiques ? Cela fait des années que Microsoft fait semblant de participer à « l’Open Source », mais c’est bien parce que ce terme n’a aucune connotation éthique, contrairement aux logiciels libres, qu’il est facile pour Microsoft de développer quelques programmes qui se veulent Open Source et de dire « Vous voyez, nous sommes un développeur Open Source », comme ça ils sont invités dans ces commissions et ils peuvent freiner des quatres fers.

Alors que devrait faire l’Union Européenne ?

L’Union Européenne devrait reconnaître que les ordinateurs méritent d’être libérés et elle devrait arrêter d’adopter des directives qui rendent les gens moins libres.

Imaginiez-vous dans les années 70 que Windows, un système d’exploitation propriétaire, serait utilisé par plus de 90 pour cent des ordinateurs ?

Qui sait, je ne pensais pas à ça alors.

Qu’en pensez-vous maintenant ?

Je suis vraiment triste de voir qu’autant de gens utilisent des logiciels propriétaires, cela signifie que les développeurs ont hypnotisé les utilisateurs. Microsoft dispose d’un pouvoir que personne ne devrait jamais avoir. Apple aussi a le pouvoir sur ses utilisateurs.

Microsoft utilise une porte dérobée qui lui permet de modifier les logiciels quand ça lui chante. L’utilisateur n’a aucun contrôle, aucun moyen de se défendre. Windows n’est pas armé pour se protéger du pire auteur de logiciels malveillants, c’est à dire Microsoft. Apple a fait la même chose dans Mac OSX. Et non, GNU/Linux n’a pas de telle porte dérobée en général.

Vous décidez de la version du logiciel que vous voulez installer. Les utilisateurs de logiciels libres ont le contrôle. Si un utilisateur trouve une porte dérobée dans un logiciel libre, quelqu’un en publiera une version épurée et tout le monde l’adoptera. Les utilisateurs de Windows n’ont pas cette possibilité car ils n’ont aucun contrôle.

Notes

[1] Crédit photo : D’Arcy Norman (Creative Commons By)




Framakey WebApps : du nouveau dans les applications portables

Framakey 1.9 - InterfaceIl y a un mois presque jour pour jour, je me mettais la pression vous annonçait quel devraient être les prochaines étapes pour la Framakey en 2009. Faisons donc un rapide bilan.

Le portail d’applications portables est bien plus à jour (sauf la partie jeux). Certes, certaines applications ne sont pas disponibles dans leurs toutes dernières versions, mais normalement aucune version majeure ou corrigeant des failles de sécurité n’a été oubliée. Pour les accrocs aux toutes dernières versions, je vous renvoie plutôt vers nos amis de PortableApps.com, dont la communauté (anglophone) est bien plus importante, et par conséquent plus réactive.

La Framakey 1.9 est bien sortie (et dans les temps, s’il vous plait !). Une version 1.10 est d’ailleurs en préparation, corrigeant quelques bugs mineurs. La nouvelle interface (cliquez sur l’image ci-dessus), inspirée de la Xandros équipant les eeePC, semble plaire à beaucoup d’entre vous (rappelons au passage qu’elle tourne simplement avec du Firefox+Jquery+HTML+CSS).

N’ayant pas trouvé d’équivalent libre, j’ai développé (très rapidement, en utilisant une méthode de développement agile intitulée La Rache) un petit outil pour tester la rapidité en écriture des clés USB sous Windows. En effet, les taux constructeurs sont des moyennes, or la vitesse des clés USB est extrêmement variable suivant la taille des fichiers. Ainsi, la même clé peut faire du 2Mo/s sur des fichiers de 10Mo, et un pitoyable 2Kos pour des fichiers de 1Ko. Framakey Drive Benchmark vous permet donc de tester votre clé suivant la taille des fichiers, et vous fournit même un temps approximatif d’installation de la Framakey (25mn pour certaines clés, et 6H pour d’autres…). Alors toi aussi vient jouer à qui à la plus rapide en testant (Licence GPL, version bêta, toussa) Framakey Drive Benchmark.

Mais surtout, une bonne partie de ce rafraichissant mois de mars aura été consacré au développement d’un nouveau type d’applications portables : les WebApps.

Is it a plane? Is it a bird? No! It’s a WebApp!

Vous je ne sais pas, mais moi ça m’arrive souvent : un ami (souvent une amie, d’ailleurs, sans faire dans le sexisme ou la misogynie), sachant que vous vous y connaissez en « tous ces trucs d’internet » vous appelle (de préférence à un moment ou vous étiez hyper concentré dans une partie de Frozen Bubble) pour vous dire « Dis, il y a quelques jours, tu m’as parlé des Wikis. Là je viens d’en télécharger un pour voir à quoi ça ressemblait, mais il se passe rien quand je double-clique sur index.php. C’est nul, tes trucs-libres-qui-marchent-pas ! ».

Vous êtes alors devant un choix cornélien : prendre une voix de répondeur et dire que vous êtes parti pour 15 jours en vacances et que vous rappellerez dès que possible. Ou partir dans 2 heures d’explications techniques sur les technologies clients-serveurs et faire par téléphone du support technique sur l’installation d’EasyPHP (ou WAMP, ou XAMP, ou …). Et pas question de vous en tirer avec un « T’as qu’à cocher Apache PHP et MySQL et PHP dans Synaptic » puisqu’il parait que ça n’existe pas encore sous Windows (mais je vous assure qu’à Framasoft, on y travaille…).

Bref, installer une application web comme SPIP, Drupal, Joomla, Dotclear, WordPress, MediaWiki, Alfresco, ou que sais-je encore, c’était quand même plus compliqué que de double cliquer sur setup.exe…

C’était ? Et oui !
A force de travailler sur le concept d’applications portables, on se dit qu’on devrait pouvoir faire la même chose avec les applications web : on télécharge, on dézippe, ça marche.

« No hassle », comme disent nos amis américains (faut juste faire gaffe à la prononciation).
Grâce à toutes les briques libres existantes, notamment le trop méconnu ZazouMiniWebServeur (développé par un très sympathique frenchy, qui plus est), il est possible de remixer PHP, MySQL, ZMWS et l’application dans un seul fichier zip.

Une petite vidéo (5mn) sera plus parlante qu’un long discours.

—> La vidéo au format webm

En fait, il y a déjà une société qui proposait ce type d’applications web. En effet, Bitnami propose depuis plusieurs mois des Bitnami Stacks, qui fonctionnent sensiblement sur le même principe. Cependant, les serveurs (Apache et MySQL) tournent en « service Windows », rendant tres « centralisé » l’utilisation de ses applications : pas de possibilité de les copier sur clé USB ou CD, lancement automatique des services au démarrage de la machine, etc. Et j’ai moi-même expérimenté quelques déconvenues avec Bitnami en installant, puis désinstallant des stacks : perte de la base de données, fichiers communs qui disparaissent…
De plus, les applications sont anglophones (là le WebApp Manager est multilingue).

Enfin et surtout, les Bitnami Stacks, utilisent l’installateur BitRock qui, si j’ai bien lu les conditions, n’est pas libre mais « gratuit pour les projets libres » (rien que pour ça, ça m’a donné envie de voir si on pouvait proposer une alternative vraiment libre[1]). On ne prétend pas avoir en moins de 15 jours fait mieux que Bitnami, mais au moins on a fait un pas de plus vers du 100% libre, puisque chacun peut tenter de se faire sa WebApp (je ne prétends pas que ça soit simple, mais c’est accessible et au moins partiellement documenté).

Avec les WebApps, pas de problème pour lancer plusieurs applications en même temps : chacune tourne indépendamment dans son dossier, qu’on peut sans problème copier sur clé USB par exemple pour faire une démo à un client ou pour bloguer déconnecté.

La preuve en images (animées).

—> La vidéo au format webm

Évidemment, pour les habitués du web, cela peut paraitre peu intéressant : « Autant faire une installation en ligne, l’application sera disponible 24H/24. Là, si j’éteind l’ordinateur, la WebApp n’est plus accessible ! ». Certes, mais le public des WebApps n’est pas le même, elles visent plutôt :

  • L’hyper-débutant qui ne sait pas ce qu’est un serveur web
  • Le débutant qui ne sait pas faire la différence entre un fichier interprété (.php par exemple) et un fichier exécutable (.exe)
  • Les personnes ne sachant pas ou ne voulant pas faire d’installation d’application web (« heu… c’est quoi mon hôte MySQL ? »)
  • Les personnes souhaitant faire une démo de leur application web sur un salon, sans connexion internet, depuis une clé USB
  • Les entreprises souhaitant envoyer un site dynamique sur CD à leurs clients
  • Les personnes souhaitant s’installer localement et facilement un wiki pour faire de la prise de notes en local
  • Les personnes souhaitant tester plusieurs CMS avant de faire leur choix
  • etc..

Je rappelle au passage que les WebApps sont en version bêta, et donc susceptibles d’importants changements au cours des prochaines semaines.

Reprenons notre casquette de militant du logiciel libre

Si on se place dans la perspective ou de plus en plus d’applications sont dans les nuages, que beaucoup de ces applications sont libres, mais qu’il y a là aussi une forte résistance des applications propriétaires (de Facebook aux Google Apps, en passant par Basecamp), il faut peut être s’interroger sur :

  • Comment faciliter l’accès aux applications web au grand public ?
  • Comment leur donner de meilleures chances face aux gros services marketing de sociétés privées ?
  • Comment éviter la frustration de l’utilisateur lambda, qui veut voir plus qu’une capture écran, mais pas forcément prendre un hébergement en ligne ?
  • Comment éviter le phénomène Minitel 2.0, dont nous sommes – nous, développeurs – en partie responsable en mettant une barrière à l’entrée parfois trop haute pour le citoyen numérique lambda ?

Un exemple : toutes les personnes que je connais qui ont tenté d’installer Mediawiki ou Drupal, pourtant tous deux extrêmement reconnus dans leurs domaines, ont reconnu que « les premières heures de prises en main ont été laborieuses ». Comment, dans ces conditions, espérer que Tata Jeannine installe sa propre application web ? Elle fera comme les autres, elle finira chez Blogger (bof bof) ou WordPress.com (mieux).

Bref, comment faciliter la transition entre le tout local que l’informatique à connu pendant des dizaines d’années, vers le tout dans Firefox en ligne vers lequel il semblerait que l’on se dirige à la vitesse d’un photon dans une fibre optique ?

Le logiciel libre à un véritable intérêt stratégique à promouvoir le libre dans le web, car c’est sur la toile que nous passons de plus en plus de temps. C’est là qu’est notre vie numérique. « C’est là que nous avons notre tête », pour reprendre les propos de Michel Serres.

Or, si ces applications foisonnent et s’émulsionnent dans les milieux autorisés (celui du développement web, des hébergeurs, de ceux qui savent…), il faut bien avouer qu’il n’y a pas beaucoup d’initiatives pour les rendre plus « populaires » au sens premier du terme.

Évidemment, les WebApps ne sont pas la solution, mais nous espérons qu’elles pourront être une piste intéressante, reprise et remixée par d’autres (notamment les éditeurs d’applications web libres) afin de rendre plus accessibles leur travail auprès d’un plus large public.

We need you!

Ceux qui sont encore là ont sans doute remarqué que l’offre de WebApps est relativement pauvre : 4 ou 5 applications web prêtes à l’emploi, alors qu’ils en existe des dizaines, voir des centaines d’intéressantes.

En effet, nous sommes déjà passablement occupés avec Framasoft, Framakey, Framabook, et j’en passe. Maintenir un portail de 20 ou 30 WebApps nous prendrait bien trop de temps.

S’il y a parmi vous des volontaires pour maintenir des WebApps (Joomla Portable ? Dotclear Portable ? Mediawiki portable ?) qu’ils n’hésitent pas à lire Comment créer ma WebApp ? puis à nous contacter. Les prérequis sont vraiment accessibles (savoir installer l’application, savoir la mettre à jour, disposer d’un système Windows).
De même, de futurs développements du WebApp Manager sont envisagés. Par exemple pour publier facilement sa WebApp en ligne, ou pour synchroniser des bases locales et distantes. Là aussi, n’hésitez pas à prendre contact si vous voulez contribuer au code.

N.B. : Une démo des WebApps (et de la FramaGnu !) sera probablement faite au salon Solutions Linux la semaine prochaine. Si vous souhaitez en discuter, demandez le stand Framasoft (on squattera très probablement le stand d’une association amie).

Notes

[1] En fait, le WebApp Manager est développé en AutoIt, langage freeware non libre. Mais les sources du WebAppManager sont, elles, bien libres. Il ne tient qu’à vous de le redévelopper dans n’importe quel autre langage disposant d’un compilateur libre




Cent millions de photos sous licence Creative Commons sur Flickr

Joi - CC byCertains lecteurs me demandent parfois comment je m’y prends pour sélectionner les photographies illustrant les billets du Framablog. Il n’y a pas de secret. Je les sélectionne généralement à partir de cette page du site Flickr en restreignant la recherche aux licences Creative Commons (avec « autorisation d’utilisation commerciale » et « autorisation de modifier, adapter ou développer le contenu »). Exemple avec les tags sky, africa et sad.

Étant un adepte de Flickr depuis quelques années maintenant, j’ai pu observer la qualité croissante des photographies sous licence Creative Commons de l’annuaire, qualité qui allait de pair avec la quantité. Aujourd’hui le blog des Creative Commons est fier de nous annoncer que l’on a dépassé le cap symbolique des cent millions d’images, en offrant à quelques généreux donateurs le très beau livre de portraits de Joi Ito, photographe et accessoirement président actuel de Creative Commons[1].

Fêtons les 100 millions de photos sous Creative Commons de Flickr avec le livre Free Souls de Joi Ito

Celebrate 100 Million CC Photos on Flickr with Joi Ito’s Free Souls

Fred Benenson – 23 mars 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Poupoul2)

Durant les dernières semaines, nous avons gardé un oeil attentif sur le nombre de photos de Flickr placées sous licence Creative Commons. Nos calculs nous montrent que Flickr a dépassé le cap des 100 millions de photos sous licences CC quelque part pendant la journée du samedi 21 mars 2009. A la date de lundi (NdT : 23 mars 2009), 100 191 085 photos sous licence CC étaient recensées.

Ces photos ont été utilisées dans des centaines de milliers d’articles de Wikipédia, de messages postés sur des blogs, et même dans des articles de presse traditionnelle; autant d’exemples de créations nouvelles qui n’auraient autrement pas vu le jour sans nos licences publiques standardisées. L’intégration des licences CC dans Flickr est à la fois l’une des premières et l’une des meilleures, non seulement elle permet aux utilisateurs d’associer chaque photo à une licence différente, mais Flickr propose une incroyable page de découverte par licence CC, qui répartit les recherches de matériel licencié CC par licence. Vous pourrez par exemple visualiser toutes les photos de New York sous licence CC Paternité, triées par niveau d’intérêt.

Afin de fêter dignement ce jalon historique de Flickr, nous offrons à douze de nos donateurs à 100$ une copie du livre Free Souls de Joi Ito (président de Creative Commons). Toutes les photos de Joi ne sont pas placées sous la plus permissive de nos licences, Paternité, mais elles sont également disponibles au téléchargement sur Flickr. En donnant à Creative Commons aujourd’hui, vous apportez votre support au travail que nous réalisons et vous recevrez l’une des 1024 copies du livre de Joi en édition limitée.

Notes

[1] Crédit Photo : Joi Ito (Creative Commons By)




Promenons-nous dans New York en photographiant pour Wikipédia

La « culture libre » non seulement c’est bien en théorie mais c’est également tout à fait sympathique et convivial en pratique. Et ça fait descendre dans la rue le sourire aux lèvres pour se rencontrer, échanger et participer ensemble à la construction de biens communs.

Le 4 octobre dernier avait lieu la « chasse au trésor » Wikis Take Manhattan! Et le trésor en question consistait à rapporter de la ballade new-yorkaise des photographies, bien entendu sous licence libre (Creative Commons By-Sa), pour alimenter Wikipédia (et StreetsWiki).

Je ne sais pas pourquoi je pense à cela mais nous sommes tout d’un coup très loin du vieux dispositif qui consiste à suivre docilement un guide assermenté et rémunéré pour un parcours imposé dans un lieu touristique balisé en prenant tous, quand on y est autorisé, les mêmes photos qui ne serviront qu’à soi.

Et comme il est dit en conclusion du reportage de l’évènement, sous-titré par Framalang : « On adore l’Internet, la culture libre, et les logiciels libres… Tout se recoupe au bout du compte ».

—> La vidéo au format webm




Conte cruel de la jeunesse ou le copyright expliqué par une fille

Winter Wonderland est un peu aux USA l’équivalent de notre Petit Papa Noël de Tino Rossi, un standard de la chanson populaire qui s’en revient à chaque fois que tombent les premières neiges, et ce depuis 1934, date de sa création par Felix Bernard et Richard B. Smith.

Comme des milliers d’autres teenagers de sa génération, qui aiment la musique, en jouent et s’amusent à échanger leurs expériences sur YouTube, Juliet Waybret, 15 ans, avait téléchargé une vidéo où elle proposait sa propre interprétation de Winter Wonderland au piano.

Vous ne verrez pas cette vidéo.

Elle a en effet été supprimée par YouTube suite à une plainte des ayant-droits, en l’occurrence Warner Bros.

La distance qui nous sépare de la genèse de l’oeuvre (plus de soixante-dix ans !) associée à la notion toute américaine du Fair Use, auraient pu laisser croire que cette innocente et inoffensive reprise demeurât en ligne. Mais non, c’était sans compter sur l’implacable logique juridique et financière des Majors.

Du coup c’est une Juliet Waybret plus que désappointée qui nous relate rapidement sa mésaventure dans une autre vidéo YouTube[1] sous-titrée ci-dessous par nos soins.

Quelles leçons, elle et ses visiteurs, vont-ils en tirer ? Que peuvent-ils bien penser de ces adultes incapables de faire la distinction entre un remix créatif et une atteinte aux droits d’auteur ? L’incompréhension est grande et la rupture n’est pas loin[2].

Une anecdote à valeur de symbole que nous ferions bien de méditer au moment même où la loi « Création et Internet » est en passe d’être adoptée en France…

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Voici le lien vers la vidéo pointée par Juliet Waybret dans sa propre vidéo.

[2] Sur cette « affaire », on pourra également lire Contenus effacés sur YouTube, l’EFF prépare une riposte juridique sur ReadWriteWeb France.




Faute de pirates, le livre électronique restera-t-il à quai ?

Curiouslee - CC byL’iPod d’Apple est un indéniable et spectaculaire succès. Dans quelle mesure le « piratage » de la musique y aura-t-il contribué ?

La question reste ouverte, mais ce qui est sûr c’est que lorsqu’il m’arrive, en professeur curieux, de demander naïvement à mes élèves si ils ont bien acheté tous les morceaux musique qui se trouvent dans leur iPod personnel, ils me regardent généralement d’un air incrédule qui me donne instantanément un petit coup de vieux !

Un tel succès se répétera-t-il demain avec le Kindle d’Amazon qui se rêve déjà en « iPod du livre » ?

Peu probable en l’état, nous dit Bobbie Johnson dans un article du Guardian traduit ci-dessous, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a justement pas pour le moment de… « piratage » massif de livres électroniques propre à bousculer et faire évoluer le monde de l’édition[1].

Pourquoi les livres électroniques ne s’imposent-ils pas ? On ne les pirate pas assez.

Why aren’t ebooks taking off? Not enough pirates

Bobbie Johnson – 9 février 2009 – Guardian.co.uk (Blog Technology)
(Traduction Framalang : Don Rico)

Le Kindle d’Amazon veut faire exploser le marché du livre électronique, mais le plus gros frein à son succès pourrait être le manque de téléchargements illégaux.

On compare souvent l’industrie de la musique et l’édition. Le Kindle d’Amazon, nous dit-on, pourrait être le « iPod du livre ». Tout le monde meurt d’envie de connaître le succès fulgurant qu’à rencontré iTunes, et chacun redoute les dégâts que les supports numériques pourraient infliger à une industrie des médias à la traîne et retranchée sur ses positions.

Chacun observe le mécanisme qu’on a vu se produire pour la musique et la vidéo – un médium ancien, transformé en profondeur par la technologie –, et attend qu’il s’applique au livre. Mais les chances que ce phénomène se produise dans un futur proche sont extrêmement minces. Pourquoi ? C’est très simple.

Si les acteurs de l’industrie du disque ont eu l’idée de proposer de la musique au téléchargement, ce n’est pas parce qu’ils ont eu un coup de génie visionnaire, ni même parce qu’Apple leur a forcé la main en mettant en place un écosystème astucieux autour de l’iPod (l’iTunes Store n’a été ouvert qu’en 2003). Non, la véritable raison, c’est que les clients avaient choisi de pirater la musique.

Pour l’exprimer de façon moins triviale, la technologie ne force pas l’industrie du livre à affronter un changement radical dans les pratiques de consommation, car ce scénario ne se produit pas. Les clients n’imposent pas cette mutation en abandonnant les livres papiers au profit des livres électroniques. Voilà pourquoi l’édition n’est pas confrontée à ce problème.

Des problèmes, il y en a, bien sûr. L’industrie du livre connaît des difficultés. On n’achète plus de livres. Les ventes sont en berne. Sites Internet, grandes surfaces et librairies géantes étouffent les petites structures et étranglent le marché.

Mais contrairement à ce qu’a connu l’industrie du disque – dont les clients perdus se sont rués sur Napster, Kazaa ou Gnutella –, le lecteur moyen, pour se procurer ses romans, ne se reporte pas sur des sources légalement douteuses ou ne va pas se procurer une copie du dernier bestseller à la mode auprès du dealer de livres du coin de la rue. S’il veut partager des fichiers, il trouve quelqu’un pour lui prêter un exemplaire, ou se rend dans un lieu où le partage de l’information bénéficie du soutien officiel de l’industrie (on appelle ça des bibliothèques).

Mais au fond, le véritable problème, c’est simplement que les clients n’achètent plus autant de livres… voire plus de livres du tout.

Auteurs et éditeurs se servent de la technologie quand elle leur bénéficie directement – comme outil promotionnel ou canal de vente —, mais s’ils n’agissent pas dès à présent pour propulser le marché du livre électronique, il semble peu probable qu’ils se réveillent un matin en s’étonnant qu’un pirate leur a piqué leur petit-déjeuner.

Le piratage est un gros problème pour les industries qui produisent du contenu numérique, mais pour l’instant on achète un livre, pas un document texte caché entre deux feuilles de papier – n’en déplaise à de nombreux fanas du livre électronique. Les chaînes de distribution de l’industrie du livre ont été frappées de plein fouet par l’avènement de la technologie, mais le produit physique, lui, résiste plutôt bien.

En fait, du point de vue des éditeurs, publier un livre électronique c’est encourager le piratage, parce que cela revient à mettre un texte copyrighté sous un format numérique qui, même bardé de DRM, sera cracké un jour ou l’autre, simplement parce que c’est possible.

L’industrie du disque, quant à elle, a initié ce changement en remplaçant les enregistrements analogiques par des fichiers numériques. Le téléchargement remplace peut-être le CD, mais cette modification des pratiques a eu lieu seulement parce que la première technologie a rendu la seconde possible. Car sans CD à encoder, il serait bien plus difficile d’accéder à de la musique numérisée.

Mon propos n’est pas de dire que le seul moyen pour l’industrie du livre électronique de connaître le succès est de promouvoir le piratage. Mais sans celui-ci, pas besoin de se mettre au boulot. Aucun lien de cause à effet évident ne forcera les éditeurs à bouger de leur fauteuil en cuir et réagir.

Le véritable changement se produira sans doute à mesure que davantage d’auteurs appartenant déjà à l’ère numérique insisteront pour que l’industrie du livre innove. Mais il s’agit d’une transition de génération, et nous en sommes encore très loin.

Non pas que je ne croie pas au succès potentiel du livre électronique ; je pense simplement que sans catalyseur externe pour bousculer l’industrie, les progrès dans ce domaine seront très, très lents.

Notes

[1] Crédit Photo : Curiouslee (Creative Commons By)




Largage de liens en vrac #13

Tony the Misfit - CC byUne nouvelle version de nos liens logiciels en vrac d’assez bonne facture ma foi.

Comme pour les éditions précédentes, vous êtes cordialement invité à nous en dire plus dans les commentaires si vous connaissez ou avez testé les logiciels en question[1].

  • Cofundos : Ce n’est pas un logiciel mais un nouveau service web que l’on pourrait définir comme une sorte de place de marché pour les projets de logiciels libres. Structuré en réseau social, il aide à développer de nouvelles idées en regroupant ceux qui en ont besoin avec les développeurs qui sont prêts à les réaliser, moyennant finances (ou non).
  • Mediafox : Lu sur Lifehacker, Mediafox est une assez impressionnante version customisée de Firefox (thème + de nombreuses extensions) portable dédiée au multimédia. C’est aussi une belle démonstration de ce qu’il est possible de faire avec Firefox et ses extensions. Uniquement pour Windows (et en anglais).
  • PhoneGap : Un prometteur environnement JavaScript pour votre téléphone (Android, iPhone, Blackberry) limité pour le moment à quelques fonctionnalités (géolocalisation, vibreur…) pour développer dans le futurs de jolies WebApps.
  • Zekr : Une application Java multilangues destinée à l’étude du Coran.
  • Un livre blanc sur les CMS : Rédigé par Smile, un livre blanc sur les CMS Open Source : Spip, Joomla, Typo3, Drupal, etc. Utile pour faire le bon choix au lancement d’un projet Web (dommage que la licence soit un full copyright).
  • Songbird 1.1 : Nouvelle version majeure pour ce concurrent libre d’iTunes qui a le vent en poupe.
  • Simile Widgets : En JavaScript Ajax, quatre modules pour créer de riches applications web (frise chronologique, géolocalisation, graphiques, et défilement d’images à la sauce Apple),
  • AjaXplorer : Un esthétique gestionnaire de fichiers en ligne en Ajax qui témoigne lui aussi des avancées des applications web (les photos s’affichent, le mp3 et les flv se lisent, etc.).
  • Mixwidget.org : Une vieille K7 qui lit en flash votre playlist mp3. On est loin des formats ouverts mais c’est là encore très joliment réalisé.
  • OpenWith.org : L’un des plus intéressants de la série, à ceci près que ce n’est pas du libre et que c’est que pour Windows, ce qui fait deux lourds handicaps j’en conviens ! C’est aussi bien un service web qu’une application qui associe à tout format de fichier un logiciel libre et/ou gratuit permettant de le lire. Si vous tapez DOC par exemple, le logiciel vous proposera OpenOffice.org pour le lire avec un bouton direct pour le téléchargement. Pas forcément très pertinent avec MP3 (pourquoi Picasa en premier ?) ou PDF (il manque Sumatra !) mais l’idée est plutôt bonne, surtout pour aider votre belle-mère qui vient de vous envoyer un mail vous expliquant qu’elle ne comprend pas pourquoi elle n’arrive pas ouvrir sa pièce jointe en double-cliquant dessus ! Si l’application avait été libre et multi-OS et si les choix proposés se restreignaient au logiciel libre, on aurait obtenu un super service (quand bien même, oui je sais, proposer du freeware rend service à Mme Michu).
  • Creative Commons pour MS Office : Pour ceux qui, pour x raisons, travaillent encore avec la suite bureautique Microsoft MS Office (en particulier chez mes collègues profs) je signale que le plugin permettant de placer facilement son document sous licence Creative Commons, déjà disponible pour MS Office 2003, vient de sortir pour MS Office 2007.
  • 6zap : Une application Ajax-Web très ambitieuse puisqu’elle vous propose sur une même page une messagerie, un calendrier, un gestionnaire de fichiers et de contacts. On aurait donc à faire avec une sorte de groupware capable de potentiellement concurrencer Google, rien que ça ! (la FermeDuWeb en fait un rapide survol).
  • pHash : Un système de marquage (empreinte digitale numérique) qui contrairement à la cryptographie classique se base sur le contenu même du fichier pour son algorithme. Ainsi, à ce que j’en ai compris, le même fichier un peu modifié verra son marquage un peu modifié lui aussi, permettant de retrouver et associer facilement les deux fichiers en question.
  • Shutter : Linux only, et la copie d’écran devint un jeu d’enfants.
  • Qimo 4 Kids : Une distribution Ubuntu totalement orientée enfants avec plein de petites applications dédiées pré-installées. Une fois francisée cela pourrait bien intéresser nos écoles primaires.
  • TurnKey Linux : Basé sur Ubuntu, un système silimaire à Bitnami permettant de faire tourner de manière autonome (disque dur, clé USB, live CD, virtualisation…) des applications web (Drupal, Mediwiki, Joomla…) clé en main puisqu’il embarque le trio LAMP à chaque fois avec lui (du moins je crois). Pour ce qui concerne Windows, Pierre-Yves est en train d’y travailler avec la Framakey.
  • Frescobaldi : Pour faire simple, Frescobaldi est à LilyPond ce que Kile est à LaTeX : un front end graphique pour KDE4 (source LinuxFr).
  • DeskHedron : Le fameux cube 3D de Compiz (et de GNU/Linux) plongé dans l’univers Windows. Absolument aucune idée de ce que ça vaut concrètement.
  • Mahara : Je ne connaissais pas ce gestionnaire de portfolio orienté éducation. Comme ça sans l’avoir du tout testé, je la vois comme une sorte de mix entre un ENT et un Facebook (qui s’accouple bien avec Moodle qui plus est). Entre nous soit dit, les fameux ENT dont parle depuis plusieurs années notre chère Éducation Nationale sans réussir véritablement à les déployer massivement, vous ne trouvez pas qu’ils ont pris un coup de vieux avec l’avènement des réseaux sociaux ?
  • OneSwarm : Développé par des chercheurs de l’Université de Washington, ce logiciel ne fera pas plaisir à Christine Albanel puisqu’il permet d’échanger des fichiers en P2P mais de manière beaucoup plus sécurisé puisque l’on peut restreindre les informations transmises à un cercle d’amis dûment identifiés (du coup ils appellent cela le F2F, Friend-to-Friend). On pourra lire PC Inpact pour de plus amples informations.

Notes

[1] Crédit photo : Tony the Misfit (Creative Commons By)




Quand le logiciel libre et Wikipédia donnent de l’espoir à François Bayrou

François Bayrou n’est pas totalement inconnu sur le Framablog. Nous l’avions ainsi gentiment taquiné à propos d’un syndrome qui porte désormais son nom et que nous connaissons assez bien pour en être parfois atteints, à savoir faire la promotion du logiciel libre tout en restant sur du logiciel propriétaire, parce que pas encore le temps, parce que difficile de rompre avec ses habitudes, etc.

Mais nous l’avions surtout apprécié lors de son intervention aux RMLL 2006 de Nancy où il nous exposait sa « vision des deux mondes » (marchand vs non marchand).

Il récidive ici au cours de l’émission de France Info Parlons Net ! du 27 février dernier, en se faisant, au passage et malgré lui, le défenseur d’un Wikipédia critiqué (sans grande imagination) par les journalistes de l’assistance.

—> La vidéo au format webm

Morceaux choisis :

Pourquoi est-ce que je suis intéressé par l’univers des logiciels libres ? Pourquoi est-ce que je suis intéressé par l’univers wiki ? Parce que ce sont des modèles de société non marchands. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des gens qui à partir du logiciel libre ne font pas du marchand, ne créent pas des activités économiques, mais Wikipédia, pour prendre un exemple, c’est tout de même impressionnant qu’il y ait une encyclopédie de centaines de milliers de pages sur tout sujet, sans que personne n’ait été là pour des raisons marchandes.

(…)

Mais pour l’essentiel, ne prenez le petit défaut ou la petite faille, prenez le fait massif. Il y a là une encyclopédie, free, libre d’accès, à disposition de tout le monde, qui a été développée par des esprits généreux qui ont simplement voulu faire partager à d’autres ce qu’ils savaient. Vous ne trouvez pas que c’est intéressant. Vous ne trouvez pas que c’est intéressant que on ait des logiciels, des systèmes d’exploitation, qui soient constamment enrichis, bénévolement ou gratuitement. Et donc pour moi il y a là un projet de société qui est intéressant au moins à regarder et à réfléchir parce qu’il veut dire que la loi du profit ne commande pas tout. Qu’elle n’est pas totalement absente, on n’est pas naïf, bien sûr que les raisons économiques sont à prendre en compte. Mais elles ne doivent pas prendre la place de toutes les autres raisons de vivre : raison de chercher, raison d’enseigner, raison de transmettre, raison de s’élever, raison de créer, etc.

(…)

C’est important pour beaucoup de ceux qui vous écoutent sur le Net en particulier. Il y a là quelque chose qui donne de l’espoir dans la nature humaine. Alors comme tout, pas que de l’espoir. Mais il y a là quelque chose qui permet d’avoir une autre vision de l’avenir de l’humanité que cet avenir écrasé qu’on nous promet par ailleurs. Parce que si vraiment, ce que je crains, on est en train en France de mettre en place un réseau d’influence et de pouvoir sur des secteurs entiers de la société, où est la capacité de résistance ? Si vous êtes un citoyen moyen, un jeune garçon, une jeune fille ? Qu’est-ce que vous pouvez faire ? Vous défilez une fois, et après il n’y a plus de défilés comme vous le savez. Bon et bien il y a là, dans cette culture civique, quelque chose qui donne de l’espoir, qui en tout cas à moi me donne de l’espoir.

Ce n’est pas pour polémiquer mais, en ces temps troubles d’Hadopi, lorsque l’on entend ce type de discours, lorsque l’on relit le rapport Rocard commandé par Ségolène Royal, ou plus généralement lorsque l’on se remémore les réponses apportées par les candidats 2007 au questionnaire de l’April, on se dit que, dans le domaine précis qui nous préoccupe ici, on n’a pas forcément hérité du meilleur des présidents possibles…