Pourquoi j’utilise la licence GPL ou les états d’âme d’un développeur

Phillie Casablanca - CC byVoici une traduction intéressante à plus d’un titre.

D’abord parce qu’elle donne la parole à un développeur de logiciel libre (dont nous n’oublions pas ce que nous leur devons, c’est-à-dire tout). En l’occurrence il s’agit de Zed Shaw, bien connu dans la communauté Python et RoR (Ruby on Rails).

Ensuite parce qu’elle évoque la classique opposition à l’intérieur même des licences libres entre celles de type GPL et celle de type BSD. C’est toute la question du copyleft et de la viralité de la licence. Le copyleft est une apparente restriction, puisqu’il impose de diffuser le code modifié sous la même licence. Mais peut-être que cette contrainte est paradoxalement une garantie supplémentaire de liberté pour l’utilisateur ?

Enfin parce qu’elle aborde de nombreuses problématiques liées à l’open source et au monde de l’entreprise. Le fait de cacher à ses clients que l’on a utilisé du logiciel libre dans les solutions que l’on propose est une attitude malheureusement très fréquente (permettant de faire croire à moindre frais que l’on est hyper-compétent et que l’on a travaillé dur sur le projet). Il y a aussi toute la logique des startups, dont on attend un retour sur investissement presque immédiat, et qui du coup font de la rétention de code pourtant libre au départ.

Et puis il y a la question morale de la reconnaissance et celle très concrète du gagne-pain du développeur, frustré d’être ainsi ignoré et constatant non sans une certaine irritation que d’autres en profitent à sa place.

Voilà donc, entres autres arguments, pourquoi l’article ci-dessous mérite attention. Fatigué qu’une énième personne vienne lui demander pourquoi son code n’est pas sous licence BSD, Zed Shaw a décidé de réagir avec ce plaidoyer pugnace pour la licence GPL.

« Je veux que les gens apprécient le travail que j’ai fait et la valeur de ce que j’ai réalisé. Pas qu’ils passent en criant « pigeon » au volant de leurs voitures de luxe. »

Remarque : L’auteur concentre dans son titre les trois licences de la famille : la GNU/GPL, la LGPL et l’AGPL[1].

Pourquoi je (A/L)GPLise

Why I (A/L)GPL

Copyright Zed A. Shaw – 13 juillet 2009 – Blog personnel
Avec l’aimable autorisation de l’auteur
(Traduction Framalang : Poupoul2 et Cheval boiteux – Remerciements à Léviathan)

Dans le monde de Python, la GPL est fréquemment critiquée, la plupart préférant utiliser une licence plus permissive telle que BSD, MIT ou Python. Il est donc compréhensible que des gens soient en colère parce que j’ai placé Lamson (NdT : Serveur SMTP développé en Python) sous licence GPL. Nombreux sont ceux qui détestent cette licence, pensant qu’elle contrevient à l’esprit de Python.

J’aimerais cependant expliquer pourquoi moi j’utilise la GPL, après des décennies d’écriture de logiciels open source et quelques projets reconnus. Ce sont mes raisons de l’utiliser, elles ne s’appliquent qu’à moi et à ce que je souhaite faire de mon logiciel dorénavant. Vous êtes libres de vos opinions et choix, et j’espère que vous respecterez les miens.

C’est le droit de l’auteur

Je crois que ce qu’un auteur souhaite faire avec son travail est son droit le plus strict. Il l’a écrit, alors que tout le monde lui expliquait que ça ne fonctionnerait pas. Il s’est enchaîné à ce travail plutôt que de sortir avec des amis. Il en a corrigé les bogues, écrit sa documentation de façon à ce que tout le monde puisse l’utiliser. Il a peut-être même passé du temps à en assurer la promotion et à aider les gens. Tout cela gratuitement, et pour des raisons qui lui appartiennent.

Lorsque vous dénigrez un projet ou une personne pour son choix de licence, vous êtes un gigantesque abruti. L’auteur a travaillé sur ce projet, pas vous. Au minimum, vous insultez les croyances de cette personne dans le logiciel libre et open source, mais aussi son sentiment que le logiciel libre et open source fait progresser notre culture.

Au pire, vous êtes un gros et ingrat malotru, parce que quelqu’un vous donne un logiciel, alors que vous insultez son travail non pas sur des critères techniques, mais sur une licence que vous désapprouvez.

Je me fiche totalement de la licence que les autres utilisent pour leurs logiciels, c’est leur logiciel et râler à cause de la licence qu’ils ont choisi est injurieux. Ils l’ont écrit, y ont sué sang et eau, et vous devriez être reconnaissant d’avoir le privilège de simplement y avoir accès.

Voici la première raison pour laquelle j’utilise la GPL :

Parce que c’est mon choix, et si vous n’êtes pas d’accord avec ça, n’utilisez pas mon logiciel. C’est aussi simple que ça.

Je ne veux plus être ignoré

J’ai écrit Mongrel (NdT : Serveur et librairie HTTP pour Ruby on Rails) et puis je l’ai donné, avec l’espoir que ça en aiderait d’autres et que le donner me rapporterait d’une manière ou d’une autre. Peut-être un boulot, ou un peu de respect, ou encore ma propre entreprise créant d’autres logiciels tels que celui-ci.

Mongrel a eu un grand succès, et de très nombreuses entreprises gagnent beaucoup d’argent avec. Non seulement permet-il à Rails de fonctionner, mais également à quasiment tous les frameworks Web Ruby, tel que les serveurs web Ruby, et a même été porté dans d’autres langages. Mongrel est et a été un super projet et j’en suis réellement fier.

Laissez moi vous expliquer à quel point Mongrel est avancé. Vous rappelez vous de la nouvelle attaque récemment publiée sur Apache appelée Slowloris (NdT : attaques par Déni de Service via des requêtes HTTP partielles) ? J’avais en fait prévu cette attaque, et écrit Mongrel de manière à ce qu’il y soit résistant (autant que Ruby me l’ait permis). Je l’avais appelé la « trickle attack » (NdT : attaque par écoulement), et j’en avais même fait la démonstration. C’était en 2004. Il y a cinq ans. Je l’avais même ajouté comme attaque à RFuzz en 2005.

Malheureusement, le succès de Mongrel ne m’est pas revenu. Bien que tout le monde utilise mon logiciel, la grande majorité des entreprises utilisatrices étaient des startups, et la dernière chose que les startups admettent c’est qu’elles ne possèdent pas leur propriété intellectuelle. Elles souhaitent que tout le monde, et particulièrement les sociétés de capital risque et les investisseurs, croit qu’elles sont des génies qui ont « innové » dans tout ce qu’elles font fonctionner.

Lorsque je regardais autour de moi, les entreprises n’avaient aucun problème à admettre qu’elles utilisaient Ruby on Rails, mais elles n’en disaient pas plus, ce qui signifiait que lorsque j’essayais de trouver du travail, il m’était impossible d’expliquer l’ampleur de l’impact de Mongrel. Pour elles, il ne s’agissait que d’un simple serveur Web que leur administrateur système devait utiliser, Ruby on Rails était le véritable pourvoyeur d’argent.

Voici la seconde raison pour laquelle j’utilise la GPL :

À cause de l’expérience Mongrel, j’ai presque besoin que les entreprises soient obligées d’admettre qu’elles utilisent mon logiciel. Je préfèrerais à la limite que personne n’utilise mon logiciel, plutôt que de me trouver dans une situation où tout le monde l’utilise et personne ne l’admet.

Pire, tout le monde l’utilise, et en même temps me dit que je ne sais pas développer.

Le capital risque a changé l’industrie

L’industrie du logiciel a changé depuis l’an 2000. Je mettrais en fait le curseur à l’entrée en bourse de Google, mais je ne peux pas dire exactement à quel moment. Ce que je peux dire, c’est que les méthodes actuelles de progression des entreprises technologiques induisent l’exploitation du code source plutôt que la contribution.

Je ne peux pas réellement en vouloir à ces startups, elles sont conçues ainsi. Une entreprise adossée à un capital-risqueur aura presque toujours un objectif de gain à court terme, dans l’espoir d’apporter plus tard un joli retour sur investissement. Pour un capital-risqueur, un retour sur 20 ans n’est pas acceptable, particulièrement si vous prévoyez de faire cela sans offre et des stocks options disponibles pour tout le monde.

Pour une entreprise financée par un capital-risqueur, il ne s’agit toujours que d’augmenter des revenus pour donner l’illusion de la croissance, afin que les actionnaires investissent et mènent le prix de l’action aussi haut que possible. Il n’est pas dans leur intérêt de ne pas faire d’offre. Ils veulent de l’argent maintenant, autant que possible, et ne sont pas intéressés par l’investissement technologique ou humain.

Ce qu’elles veulent, ce sont des tonnes de technologie gratuite qu’elles peuvent cacher aux investisseurs. Elles sont ravis que cette technologie soit maintenue par des gens qui ne l’ont pas écrite, pour que les employés ne puissent pas réclamer leur dû plus tard.

Cette gestion à courte vue, combinée au financement limité de départ, signifie que ces entreprises exploitent l’open source. Elles l’utiliseront, gagneront leur argent, et partiront lorsque ceci sera fait. Ce qui, en fait, est parfaitement logique, parce que ainsi vont les choses, et honnêtement, si vous êtes une entreprise qui cherche à gagner de l’argent de cette manière, c’est ce que je vous suggèrerais de faire.

Pourtant, le contrat tacite entre les entreprises et les développeurs open source est désormais révolu. Je n’ai aucune raison de leur offrir un usage sans restriction de mon logiciel, puisqu’ils ne sont intéressés que par la transformation de mon logiciel en offre alléchante de mise sur le marché à court terme, à deux ou cinq ans.

Voici la troisième raison pour laquelle j’utilise la GPL :

Les entreprises du secteur technologique sont désormais conçues pour être créées et détruites rapidement au bénéfice de gros capital-risqueur, tout en maintenant des coûts très bas. Cela signifie qu’elles n’ont aucune prime économique à donner, aussi n’ai-je aucune prime sociale à leur « donner » mon logiciel.

Les développeurs sont des plagiaires

Ne nous voilons pas la face, tout le monde a besoin de manger et de payer son loyer. Pour beaucoup de gens, leurs besoins en argent sont modestes, et si vous travaillez sur quelque chose, vous espérez en retirer quelque chose qui vous aidera à satisfaire ces besoins. Il se peut que ce ne soit pas de l’argent. Peut-être est ce que ce sera du respect, ou des honneurs, mais vous espérez réellement quelque chose de votre travail.

Nous sommes d’accord. Aussi je trouve étrange un message twitter tel que celui-ci :

ericholscher @zedshaw Ce serait chouette si l’interface/code était sous licence BSD. Très utile au travail. L’interface REST marche aussi très bien.

Éric est un garçon très sympathique, aussi je ne vais pas m’acharner sur lui, mais si je traduis le message, ça pourrait donner ça : « Hey ! Ton logiciel est fantastique ! Je peux l’avoir gratuitement, pour pouvoir l’utiliser au boulot, plaire à mon patron et me faire de l’argent ? »

Honnêtement, combien d’administrateurs disent à leur patron que ce qu’ils utilisent provient du logiciel libre ? Combien d’entre vous disent aux investisseurs que toute votre infrastructure logicielle est basée sur un truc qu’un autre gars a écrit en plusieurs mois ? Combien d’entre vous vont voir leur dirigeants en disant : « Vous savez, il y a ce gars, Zed, qui a écrit le logiciel que nous utilisons, pourquoi ne pas l’embaucher comme consultant ? »

Vous ne le faites pas. Aucun d’entre vous. Vous prenez le logiciel, et vous l’utilisez tel Excalibur terrassant le dragon, et vous en ramassez ensuite tous les lauriers. Vous ne rendez rien, et en fait, j’ai croisé une grande majorité d’entre vous qui assènent constamment que je ne sais pas développer, histoire de plus encore protéger son cul.

Il n’est désormais plus pardonnable et acceptable que vous tous plagiez le travail que vous utilisez. Comme vos employeurs ont besoin de l’illusion de « l’innovation », vous avez besoin de l’illusion d’être intelligent. Ce qui vous amène à mentir, et à voler tout ce qui vous tombe sous la main, comme si cela vous appartenait.

Ok, mais cela signifie que vous avez cassé le contrat tacite avec les développeurs et défenseurs de logiciels libres et open source. Aussi longtemps que vous me rendez ma paternité et que vous assurez la promotion de mon travail, je vous donnerai mon logiciel. Puisqu’aucun d’entre vous ne le fait, je n’ai aucune motivation à vous donner mon logiciel, de la même manière que je n’ai pas besoin de me conformer au contrat passé avec l’entreprise nourrie au capital-risque.

Voici la quatrième raison pour laquelle j’utilise la GPL :

J’utilise la GPL pour que vous restiez honnête. Vous devez désormais dire à vos patrons que vous utilisez mon boulot. Et ils s’en pisseront dessus de trouille. Parfait. Parce que j’ai aussi une solution pour ça.

Si c’est bien, payez pour l’avoir

J’aime travailler sur Lamson, parce que faire des application de messagerie est tellement plus drôle que des applications Web. Lorsque je m’assois pour construire une application de courriel, ça ne nécessite qu’un ensemble de technologies et c’est terminé. Si j’ai besoin de faire une application Web, cela implique du design, des templates, du javascript, des bases de données, et plein d’autres machins.

L’autre raison pour laquelle j’aime écrire des logiciels de courriels est que personne d’autre ne le fait. Vous tous êtes de grosses buses, parce que même avec un projet tel que Lamson, vous êtes encore tous effrayés par le gros monstre SMTP. Le jour où j’ai dit que je pourrais faire du Mail over REST, vous avez presque fait dans votre slip. Oui, parce que ça aurait été tellement plus simple.

Et j’aime donner Lamson, parce que c’est une partie de moi-même. C’est ce parfait mélange de camelote, bidouillages techniques, marketing et écriture que j’aime, et dans lequel j’excelle. Même si j’en arrive à faire des montagnes d’argent en construisant des choses avec Lamson, Lamson restera libre pour que je puisse rester honnête.

Mais j’écris aussi mes propres logiciels et projets avec Lamson. Je l’utiliserai pour créer autant d’incroyables services de courriel que je pourrais. Certains gratuits, certains payés par la pub, certains payants, mais tous utiliseront Lamson pour botter des culs avec du courriel.

Maintenant, compte tenu du fait qu’il n’y a aucune motivation pour une entreprise à admettre qu’elle utilise mon travail, et qu’il n’y a aucune motivation pour un développeur à me rendre mon travail, posez vous cette simple question :

Pourquoi diable est ce que je ne facturerais pas des gens qui ne sont pas capables d’utiliser correctement la GPL ?

Je sais, je sais, les conservateurs du logiciel libre pensent que cela fait de moi un traître, mais réfléchissez-y. Vous avez le logiciel, sous licence GPL, et aussi longtemps que vous êtes un projet open source taillé dans la pierre qui publie son code, vous êtes libre de l’utiliser et d’en faire ce que vous voulez.

J’aime l’open source, mais qu’en est-il des entreprises qui l’utilisent ? Les entreprises vont devoir payer à présent. C’est ainsi que fonctionne l’économie. Si c’est assez bon pour que vous l’utilisiez, alors c’est assez bon pour que vous le payiez.

Voici la cinquième raison pour laquelle j’utilise la GPL :

Je serai toujours un développeur open source, mais très franchement, nous crevons parce que des entreprises qui utilisent nos logiciels ne rendent rien. L’ironie de la situation est que pour pouvoir accroître ma motivation à faire de l’open source, j’ai besoin de me faire payer.

Je ne demanderai évidemment jamais rien à un projet open source puisqu’ils honorent le contrat tacite : si je donne, vous donnez.

Mais les jours des entreprises-minutes et des développeurs ingrats qui gagnent de l’argent sur mon dos avec mon logiciel sont terminés. Ma nouvelle devise est :

L’open source à l’open source, le business au business.

Si vous faites de l’open source, vous êtes mon héros et je vous soutiens. Mais si vous êtes une entreprise, alors parlons affaires.

Finalement, la valeur

Au final, je voudrais également donner une petite raison pour laquelle j’utilise la GPL : La valeur perçue. Lorsque les gens peuvent obtenir quelque chose gratuitement sans même avoir besoin d’y penser, ils lui donnent même moins de valeur que quelque chose pour lequel ils paient même pour une somme dérisoire. C’est juste la manière d’être des gens, et il n’y a pas grand chose à faire contre ça.

Ma dernière raison d’utiliser la GPL est que je crois que mes projets ont de la valeur, et je veux que les gens qui les utilisent perçoivent cette valeur. Ils ont même tellement de valeur que je veux les associer à un document légal complexe et totalement non testé comme preuve de leur utilité. Si je voulais faire simple, je les placerais simplement sous licence BSD et tout le monde les utiliseraient.

Je veux que les gens apprécient le travail que j’ai fait et la valeur de ce que j’ai réalisé.

Pas qu’ils passent en criant « pigeon » au volant de leurs voitures de luxe.

Notes

[1] Crédit photo : Phillie Casablanca (Creative Commons By)




Avez-vous le réflexe OpenStreetMap ?

Francois Schnell - CC byDans la série « les projets pharaoniques (mais sans esclaves) de la culture libre hors logiciels », on cite toujours, et à juste titre, Wikipédia. Mais il se pourrait bien qu’OpenStreetMap vienne rapidement le rejoindre aux yeux du grand public.

Afin d’accélerer le mouvement, adoptons tous « le réflexe OpenStreetMap », qu’il s’agisse de participer directement à son édition ou plus modestement de l’utiliser autant que faire se peut dans nos documents, messages, sites, blogs et autres réseaux sociaux.

Qu’est-ce qu’OpenStreetMap, ou OSM pour les intimes ?

(et je m’adresse ici bien moins aux fidèles lecteurs du Framablog qu’à ceux, bienvenus, qui arrivent un peu par hasard et curiosité, par exemple à partir de Wikio et son « classement » des blogs)

Commençons par ce petit reportage vidéo issu des archives Framatube, et poursuivons en interrogeant encore (et toujours) Wikipédia : « OpenStreetMap est un projet pour créer des cartes libres du monde, en utilisant le système GPS ou d’autres données libres. OpenStreetMap a été fondé en juillet 2004 par Steve Coast au University College de Londres. Les cartes sont disponibles sous les termes de la licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.0. Par l’utilisation de moyens informatiques basés sur Internet qui permettent l’intervention et la collaboration de tout utilisateur volontaire, le projet OpenStreetMap relève de la géomatique 2.0 et est aussi une contribution à ce qui est appelé la néogéographie. »

Du coup on le surnomme parfois « le Wikipédia de la cartographie » et, licences et affinités obligent, on ne s’étonnera pas de trouver les cartes de l’un dans les articles de l’autre.

Mais vous en saurez beaucoup plus en parcourant l’excellent dossier OpenStreetMap, les routards du web réalisé cet été par Camille Gévaudan pour le non moins excellent site Ecrans.fr (l’année d’avant c’était le tour de Wikipédia mais surtout de la désormais célèbre Saga Ubuntu d’Erwan Cario !).

Non seulement ce dossier nous permet de mieux appréhender le projet dans son extraordinaire dimension collaborative (avec interview de contributeurs à la clé) mais il fournit en prime un mode d’emploi par l’exemple pour ceux qui aimeraient à leur tour participer à dessiner librement le monde. Ce qui, par contagion, est une conclusion presque naturelle de la lecture du dossier (quand bien même on vous prévient qu’il faut être sacrément motivé parce que techniquement parlant les ballades « Je cartographie ma ville pour OpenStreetMap » relèvent parfois du parcours du combattant).

Extraits de l’introduction :

OpenStreetMap, sorte de Wikipédia de la cartographie, est un projet un peu fou qui tente depuis 5 ans de redessiner le monde (…), rue après rue. Sa communauté œuvre d’abord par idéologie. Convaincue que les données géographiques de la planète devraient appartenir au bien commun et non aux agences qui les ont relevées pour les exploiter commercialement.

(…) Et comme toute réutilisation des contenus propriétaires de Google Maps, Yahoo ! Maps et autres Mappy est formellement interdite, l’exercice est un peu sportif… au sens littéral du terme. Ni clavier ni souris : les outils du cartographe 2.0 sont un appareil GPS et une voiture, un vélo ou une bonne paire de baskets. On enregistre son itinéraire en parcourant méthodiquement les rues de sa ville ou les sentiers d’une randonnée locale, avant de transférer les coordonnées sur son ordinateur et de convertir le paquet de chiffres en tracés de routes. La dernière étape consiste à associer aux tracés des informations (nom, type de voie, largeur…) qui leur permettent d’être correctement interprétés et affichés sur la carte interactive.

(…) L’ampleur du travail à fournir et le côté un peu « roots » du projet ne semble pas décourager les participants, dont les contributions sont de plus en plus nombreuses. Quand on s’est toujours figuré les militants du Libre comme des geeks blafards et sédentaires, on ne peut qu’être fortement intrigué…

Alors, à Ecrans.fr, on a eu envie d’essayer aussi. Un GPS en main (…), on se donne comme objectif d’apporter une petite pierre à l’édifice. Disons deux ou trois rues, pour commencer. Lire la suite…

Mais est-ce que ne pas posséder de GPS est éliminatoire pour contribuer ? Que nenni !

Rendez-vous sur le wiki francophone du site officiel où l’on vous expliquera[1] comment vous pouvez cartographier les traces GPS existantes et/ou ajouter des informations (ou tags) aux cartes qui ne demandent que cela (cf cette page et cette aide-mémoire pour avoir une idée de la diversité de la chose). On remarquera qu’il n’y aucune raison de se restreindre aux routes et chemins proprement dits, comme en témoignent ces extensions au projet que sont OpenCycleMap[2] (vélo), OpenPisteMap (ski) ou encore OpenSeaMap (balises maritimes) !

Imaginons maintenant que vous n’ayez ni GPS, ni la patience, la disponibilité, etc. d’enrichir les informations des cartes ? Et bien vous pouvez quand même participer !

En effet, à chaque fois que vous avez besoin d’afficher une carte dynamique sur vos sites, oubliez Google Maps[3] et autres aspirateurs propriétaires à données, et pensez à OpenStreetMap.

Comme la planète entière n’a pas encore été « openstreetmapisée » (une question de temps ?), il se peut fort bien que votre zone géographique soit mal ou non renseignée. Mais dans le cas contraire (comme c’est généralement désormais le cas pour les grandes voire moyennes villes occidentales), ce serait vraiment dommage de s’en priver et ne pas en profiter du même coup pour faire à moindre effort la promotion de ce formidable projet.

Comment procède-t-on concrètement ? C’est très simple. On se rend sur le site d’OpenStreeMap et on parcourt le monde en zoomant jusqu’à tomber sur le lieu qui nous intéresse. Si vous êtes satisfait du résultat (c’est à dire si les dimensions et la qualité de la carte vous conviennent), cliquez alors sur l’onglet Exporter en choisissant le format HTML incorporable. Un code à recopier directement sur votre site Web vous sera alors proposé (notez au passage que l’on peut également exporter en XML, PDF, PNG, etc.).

Voici ce que cela donne ci-dessus pour mon chez moi à moi qui se trouve pile au centre de la carte (que l’on peut aussi consulter en grand sur le site d’OSM bien entendu).

D’ailleurs si vous passez un jour à Rome, n’hésitez pas à me contacter pour qu’on refasse le monde ensemble autour d’un cappuccino !

Autant le refaire plus libre qu’avant du reste, si vous voulez mon humble avis 😉

MapOSMatic - Exemple de La Cantine à ParisMais ça n’est pas fini ! En combinant les données, le très prometteur projet dérivé MapOSMatic vous délivre de véritables cartes « qualité pro » avec un magnifique index coordonné des rues.

Par exemple, si je veux vous donner rendez-vous à La Cantine à Paris pour un « TrucCamp » autour du libre, je peux faire comme précédemment mais je peux également y adjoindre une carte générée par MapOSMatic avec le PDF du plan et de son index (cf photo ci-contre et pièces jointes ci-dessous). Impressionnant non ?! Le tout étant évidemment sous licence libre.

Il faut vraiment être blasé pour ne pas s’enthousiasmer une fois de plus sur la formidable capacité de travail que peuvent fournir bénévolement les gens lorsqu’il sont motivés par une cause qui leur semble noble, juste et source de progrès.

Pour le moment le programme est restreint à la France (à ce que j’en ai compris), pour cause de projet démarré chez nous[4], mais nous n’en sommes qu’au début de l’application qui ne compte certainement pas en rester là.

Voilà, d’une implication forte (mais qui fait faire de belles ballades individuelles ou collectives en mapping party) à une participation plus légère (qui rend service et embellit nos sites Web), prenons tous « l’habitude OSM » et parlons-en autour de nous. Ce n’est pas autrement que nous réussirons là encore un projet de type « ils ne savaient pas c’était impossible alors ils l’ont fait » qu’affectionne tout particulièrement le logiciel libre lorsqu’il part à la rencontre des biens communs.

« La route est longue mais la voie est libre », avons-nous l’habitude de dire à Framasoft. Ce n’est pas, bien au contraire, le projet OpenStreetMap qui nous démentira !

Notes

[1] Dans la mesure où l’édition dans OpenStreetMap n’est pas forcément chose aisée, je me prends à rêver d’un framabook dédié ouvrant plus facilement l’accès au projet. Des volontaires ?

[2] Crédit photo : François Schnell (Creative Commons By)

[3] À propos de Google Maps, quelques questions pour d’éventuels commentaires. Peut-on considérer que les deux projets sont concurrents ? Est-ce que la comparaison est valable et valide ? Est-ce que, à terme, l’un peut librement se substituer à l’autre ?

[4] À propos de MapOSMatic, sachez que l’un des prochains entretiens du Framablog concernera justement ce projet puisque nous partirons à la rencontre de l’un de ses créateurs, le prolifique développeur Thomas Petazzoni.




Drupal à la Maison Blanche !

Copie d'écran - WhiteHouse.gov - DrupalGrande nouvelle pour le logiciel libre : le site de la Maison Blanche, Whitehouse.gov, vient de basculer sous Drupal ! Du coup, son créateur et principal animateur, Dries Buytaert, s’enthousiasme ci-dessous sur son blog et il a bien raison.

Et d’ailleurs si vous avez la curiosité de vous promener un peu sur le site (sous Creative Commons By !), vous constaterez peut-être avec moi qu’en terme d’ergonomie et vélocité, c’est très impressionnant.

À des années-lumière du site d’une Segolène Royal « par exemple », mais aussi et surtout très loin du site de l’Élysée.

Pour ce qui concerne sa politique en général, je ne saurais m’exprimer et m’engager, mais il est évident que l’administration Obama est en train de faire beaucoup pour la reconnaissance, la diffusion et la légitimité du logiciel libre et/ou open source, d’autres billets du Framablog peuvent en témoigner.

Whitehouse.gov utilise Drupal

Whitehouse.gov using Drupal

Dries Buytaert – 25 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Vincent)

Une grande et sensationnelle nouvelle ! Le site phare du gouvernement des USA, Whitehouse.gov, vient d’être relancé sous Drupal. C’est un grand jour pour Drupal, et pour l’Open Source dans le gouvernement, et quelque chose dont chacun peut être très fier dans notre communauté.

Tout d’abord, je pense que Drupal est en parfaite adéquation avec la volonté du président Barack Obama d’avoir un gouvernement ouvert et transparent. Drupal fournit un mélange remarquable de fonctions de gestion de contenu web traditionnel et de fonctionnalités « sociales » qui permettent une participation et une communication ouverte. Cette combinaison est ce que nous appelons la « publication sociale » et c’est ce pourquoi autant de personnes utilisent Drupal. De plus, je pense que Drupal rentre bien dans l’optique de réduction des coûts et d’action rapide du président Barack Obama. La flexibilité et la modularité de Drupal permettent aux organisations de construire rapidement des sites, à un coût inférieur à d’autres systèmes. Autrement dit, Drupal correspond bien au gouvernement des USA.

Deuxièmement, ceci est un signal fort parce que les gouvernements se rendent compte que l’open source ne comporte pas de risques supplémentaires par rapport au logiciel propriétaire, qu’en quittant un logiciel propriétaire, ils ne sont plus enfermés dans une technologie particulière, et qu’ils peuvent bénéficier de l’innovation résultant des milliers de développeurs qui collaborent à Drupal. Cela prend du temps de comprendre ces choses et d’amener ce changement, et je félicite l’administration Obama de prendre cet important rôle de leader en considérant des solutions open source.

Etant l’un des plus grands utilisateurs de logiciels au monde, le gouvernement des USA n’est pas un nouvel utilisateur de Drupal. Plusieurs agences comme par exemple le Département de la Défense, le Département du Commerce, le Département de l’Education et l’Administration des Services Généraux utilisaient Drupal antérieurement. L’adoption de Drupal croît rapidement chez le gouvernement des USA. Toutefois, la transition de Whitehouse.gov sur Drupal va plus loin et au delà de toute autre installation de Drupal dans le gouvernement, et constitue un formidable témoignage pour Drupal et pour l’open source. Ceci va donner de la visibilité à Drupal à tout le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, et à d’autres gouvernements à travers le monde.

Personnellement, je suis enchanté par l’idée que Drupal puisse ainsi contribuer à aider les gouvernements à fournir une plus grande transparence, une plus grande vitesse et une plus grande flexibilité.




Francis Muguet (1954 – 2009)

C’est avec stupeur et consternation que j’ai appris ce week-end l’annonce de la mort de Francis Muguet, que j’avais entendu en conférence pour la dernière fois pas plus tard que l’été dernier à Rennes[1].

Nous suivions de près ses travaux, en particulier autour du Mécénat Global, inspirateur direct du projet SARD.

« Tout en adressant nos plus sincères condoléances à sa famille, nous vous invitons à poursuivre ses actions et à diffuser ses idées, ce qui semble être le meilleur hommage que l’on puisse lui rendre ». (Benoît Sibaud sur Linuxfr)

Pour mémoire, une intervention de Francis Muguet, interviewé l’année dernière par Bernard Perrigueur (pour BJP Tv News – Lausanne) en pleine Bataille Hadopi.

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Ceci pose d’ailleurs la question du devenir des données numériques publiques d’une personne venant subitement à décéder (et emportant avec elle tous ses mots de passe). Mais il eut été indélicat que de l’évoquer plus avant ici.




Le logiciel libre est mort, longue vie à l’open source ?

Squacco - CC by-saVous n’êtes pas un familier du Framablog et de ses thèmes de prédilection ? Alors ce billet risque de vous sembler destiné à une chapelle de spécialistes, susceptibles et pointilleux, toujours prompts à s’enflammer pour d’obscures querelles de clochers[1] (autrement appelés trolls dans le milieu).

Or, c’est peut-être plus significatif que cela.

En effet, ceux qui découvrent « le logiciel libre », en ayant déjà eu du mal à saisir toute la finesse du concept, sont parfois étonnés de constater la présence d’une autre expression, qu’ils jugent de prime abord synonyme : « l’open source ».

Par exemple, l’Open World Forum 2009, qui se déroule en ce moment même à Paris, est ainsi présenté en accueil du site : « Au coeur de la révolution de l‘Open Source, l’Open World Forum 2009 permettra de cross-fertiliser les initiatives pour favoriser la croissance économique : Les logiciels libres au coeur de la relance économique ». Quant à son président, il évoque, rien que ça, un « Davos des logiciels libres et de l’innovation ouverte »[2].

Les deux expressions semblent ici interchangeables. Et pourtant, pour paraphraser Wikipédia : « La principale critique issue du Mouvement du Logiciel Libre (de Richard Stallman) est le fait que l’open source ne communique presque exclusivement que sur les caractéristiques techniques des logiciels (la liberté d’accès au fonctionnement du logiciel) en occultant les motivations premières dont elles sont issues, au risque de les perdre. Ils accusent l’open source d’être mû par une dynamique économique et commerciale, l’opposant au logiciel libre mû par des idéaux d’ordre philosophique et politique. »

Critique renforcée par cet article de Richard Stallman : Pourquoi l’« open source » passe à coté du problème que soulève le logiciel libre.

Avec cette grille de lecture, on pourrait reprendre l’exemple de l’Open World Forum et en conclure qu’il aurait été peut-être plus pertinent et cohérent de permuter les associations : « révolution du logiciel libre », « Davos de l’open source ».

Or le titre de mon billet laisse à penser que la donne a changé puisque l’un l’emporterait désormais clairement sur l’autre, jusqu’à prendre acte de sa disparition. C’est en tout cas la thèse de Matt Asay qui a réveillé les antagonismes dans un récent article intitulé justement : Free software is dead. Long live open source.

Réponse immédiate de Glyn Moody dans un autre article, qui est celui que nous avons choisi de traduire ci-dessous.

Parce que si le pragmatisme et le compromis ont leurs vertus, il serait dommage que le souci de « suivre le courant dominant » en vienne à sacrifier la liberté sur l’autel de l’open source.

Sans le logiciel libre, l’open source perdrait tout son sens

Without Free Software, Open Source Would Lose its Meaning

Glyn Moody – 28 septembre 2009 – LinuxJournal.com
(Traduction Framalang : Claude)

Je suis un grand fan des écrits de Matt Asay sur le logiciel libre. Il associe une fine intelligence analytique avec cette chose rare : une longue expérience de terrain dans le monde du business open source. Mais alors que j’attendais généralement avec intérêt la lecture de ses billets, je redoutais particulièrement l’apparition de celui qu’il, je le savais, écrirait un jour… car il aurait tort. Voilà, ce billet est maintenant écrit, et avec un titre pour le moins explicite : « Le logiciel libre est mort, longue vie à l’open source ».

Matt précise dans son premier paragraphe quel est le problème principal :

L’une des choses les plus exaltantes, à laquelle j’ai assisté pendant plus de dix années dans l’open source, est son adhésion progressive au pragmatisme. Par « pragmatisme », je ne veux pas dire « capitulation » au sens où l’open source en vienne à ressembler au monde propriétaire qu’il chercherait à remplacer. Plus précisément, je sous-entends que, plus l’open source suit le courant dominant (NdT : going mainstream), plus il apprend à faire des compromis : compromis qui le rendent plus fort, pas plus faible.

Quand j’ai interviewé Richard Stallman en 1999, voici ce qu’il avait à dire à ce sujet :

Si nous avons aujourd’hui un système d’exploitation entièrement libre, c’est grâce au Mouvent du Logiciel Libre qui affirmait que nous voulions un système d’exploitation entièrement libre, et non libre à 90%.

L’open source existe parce que des créateurs de programmes libres ont refusé tout compromis. Le « pragmatisme » exalté par Matt est une option pour l’open source uniquement parce que ceux qui firent tout le travail difficile de création du logiciel libre, ont refusé initialement toute compromission.

Il y a dix ans, Stallman stigmatisait les dangers de la compromission :

Si vous n’avez pas la liberté pour principe, vous trouverez toujours une bonne raison de faire une exception. Il y aura toujours des moments où, pour une raison ou pour une autre, vous trouverez un avantage pratique à faire une exception.

La compromission est une pente glissante : une fois que vous commencez à la descendre, il n’existe pas d’endroit précis où s’arrêter. C’est alors un bel instrument entre les mains d’un Microsoft : sa stratégie actuelle est de diluer le sens « d’open source », la classique stratégie « adopte, étend et étouffe » (NdT : « embrace, extend and extinguish »), jusqu’à ce qu’il devienne une nouvelle expression marketing à la mode, systématiquement employée , ayant perdu toute sa substance et au bout du compte sans réelle valeur.

Et alors ? pourriez-vous demander. Si, comme l’écrit Matt, toute la question est de « suivre le courant dominant », alors un telle dilution de la ligne séparant logiciel libre et non-libre n’est sûrement qu’un faible prix à payer pour parvenir à un usage plus large de l’open source. Ceci pourrait être vrai à court terme, mais je ne pense pas que ce soit une stratégie judicieuse à long terme, même d’un point de vue purement pragmatique.

Par exemple les compromissions actuelles, incluant le travail sur des technologies développées par Microsoft (dont elle pourrait détenir les brevets sous certaines conditions juridiques), signifient qu’en fin de compte les développeurs open source prennent des risques et fragilisent leur autonomie et pouvoir d’autodétermination futur.

Qui plus est, si le terme « open source » perd de sa valeur, de nombreux codeurs et utilisateurs deviendront désabusés et commenceront à l’abandonner. Ceux-ci trouveront le partage de plus en plus asymétrique, leurs contributions n’ayant que peu de retour en échange (ce qui pourrait très bien arriver aux sociétés Open Source utilisant la licence GNU/GPL si elles demandent, comme cela arrive de plus en plus souvent, aux contributeurs de céder leurs droits d’auteurs). De la même manière, les utilisateurs découvriront que certaines de ces nouvelles et « troubles » applications open source ne fournissent plus les bénéfices promis de contrôle, personnalisation et réduction du coût.

Or la question n’est pas de « suivre le courant dominant » mais, comme le rappelle Stallman, d’avoir la « liberté comme principe ». Diffuser du logiciel libre concerne la diffusion de logiciel libre pas la libération du logiciel : le programme n’est que le moyen, pas la fin. C’est ce que disait déjà Stallman, il y a dix ans :

Il y a des problèmes de liberté plus importants. Des problèmes de liberté dont tout le monde a entendu parlé et qui sont bien plus importants que cela : la liberté de parole, la liberté de la presse, la liberté de se réunir.

Mais pourquoi donc Stallman se préoccupe-t-il autant du logiciel libre ?

Je ne vois pas comment je pourrais faire quelque chose de plus important dans un autre domaine.

Stallman continue farouchement sa croisade pour la liberté par le biais du logiciel libre car, comme il le reconnaît humblement, c’est là qu’il peut apporter sa plus grande contribution.

Puique c’est cette absence de compromission qui caractérise sa manière de lutter pour la liberté, il est prêt à faire et dire des choses (NdT : comme d’accuser récemment Miguel de Icaza de traîtrise) que les gens du monde pragmatique de l’open source trouvent regrettables voire choquantes. Et comme Stallman contrarie ainsi leur souhait de « suivre le courant dominant », ils en éprouvent souvent un grand ressentiment à son égard. Mais ils oublient que les combattants de la liberté (puisque c’est ainsi que se définit Stallman lui-même ) ont toujours été si concentrés sur leurs objectifs essentiels, que les affaires triviales comme le confort ou les bonnes manières ont tendance à être mises de côté.

En fin de compte, la raison pour laquelle le logiciel libre ne peut se compromettre, est que toute compromission liée à la liberté se fait à nos dépends : il n’y a rien de libre à 50%. Comme nous l’apprend l’histoire, la liberté n’est pas obtenue en « suivant le courant dominant », mais par une infime minorité de monomaniaques têtus, souvent agaçants qui refusent toute compromission tant qu’ils n’ont pas eu ce qu’ils souhaitent. Chose merveilleuse, nous pouvons tous partager les libertés qu’ils ont gagnées, que nous les ayons ou pas aidé, que nous soyons ou pas à la hauteur de leurs exigences de rigueur.

De la même manière, sans leur obstination, leurs efforts constants et leurs éventuelles victoires, nous perdrions toutes ces libertés, car elles sont toutes temporaires et doivent être en permanence reconquises. En particulier, sans la question précise de l’intégrité du logiciel libre , l’open source se diluerait vite d’elle-même dans un courant inconsistant qui ne trouverait plus de sens.

Notes

[1] Crédit photo : Squacco (Creative Commons By-Sa)

[2] Davos de l’open source et/ou Porto Alegre du logiciel libre ? Telle pourrait d’ailleurs être l’ironique question ! Ou encore : Les RMLL sont au logiciel libre ce que l’Open World Forum est à l’open source !




LinuxÉdu, le groupe qui fait bouger le Libre éducatif de Toulouse et sa région

Logo LinuxEdu - ToulouseMon petit doigt me dit que cette année le Framablog va moins se lamenter sur la situation du Libre dans l’éducation nationale française que par le passé.

D’abord parce même au sein du ministère, les mentalités évoluent. Mais aussi parce que nous souhaitons être plus constructifs en mettant l’accent sur les nombreuses et positives actions de terrain (sachant que ces dernières ne bénéficient pas forcément de la même attention médiatique qu’un projet comme l’Académie en ligne par exemple).

Ici, on ne se lamente pas mais on agit. Et ces actions sont autant de petits ruisseaux qui convergent lentement mais sûrement vers une grande rivière, rivère qui finira bien par passer un jour sous les fenêtres du ministère !

Et justement, cela tombe bien, parce qu’avec le dynamique projet LinuxÉdu de Toulouse et sa région, on tient une action des plus intéressantes qui ne demande qu’à « faire jurisprudence ».

Il est en effet rare, voire unique, d’afficher ainsi officiellement (sur un site académique) sa volonté de promouvoir le logiciel libre à l’école, de réussir à pénétrer le monde a priori fermé de la formation continue pour proposer des stages aux titres plus qu’explicites (exemple : « Linux et les logiciels libres pour l’éducation »), et d’organiser d’originales rencontres publiques (comme les rendez-vous « BarCamp TICE libres » qui débutent le 7 octobre prochain) en collaboration étroite avec Toulibre, le GULL du coin (il y a même un cinéma local impliqué, la totale quoi !).

Nous nous devions d’en savoir plus, en partant à la rencontre de l’un des ses principaux acteurs.

PS : Si d’autres académies veulent se manifester dans les commentaires pour évoquer leurs propres initiatives en faveur du Libre à l’école, qu’elles n’hésitent surtout pas.

Entretien avec Rémi Boulle

Rémi Boulle, bonjour, une petite présentation personnelle ?

Rémi BoulleBonjour, dans la vraie vie, je suis père de famille.

Dans le monde du libre, je participe au projet OpenOffice.org Éducation, suis membre du CA d’EducOOo (qui développe OOo4kids), participe au groupe éducation de l’APRIL et bien sûr au groupe LinuxEdu de l’académie de Toulouse.

Quelles fonctions exercez-vous au sein de l’Académie de Toulouse ?

Je suis professeur de maths dans un collège de la proche banlieue toulousaine. J’enseigne depuis une dizaine d’année (déjà !). Je suis membre de l’IREM (groupe maths et Internet) et fais aussi de la formation continue (stages LinuxÉdu, tableur au collège, WIMS).

Qu’est-ce que le groupe LinuxÉdu ? (historique, structures, objectifs, effectifs, champ d’activites, etc.)


Vu la montée en puissance du libre dans nos métiers et la nécessité pour un professeur de pouvoir utiliser, modifier, redistribuer des ressources et ne voyant rien venir du côté de l’institution, nous nous sommes dits que c’était à nous de prendre des initiatives et de proposer.

Avec des collègues (Frédéric Bellissent et Yves Dhenain), nous avons donc proposé un premier stage « Linux et les logiciels libres pour l’éducation ». Celui-ci a eu beaucoup de demandes. L’intérêt des personnels pour le libre et pour linux est bien présent. Le libre est, pour les enseignants, une nécessité professionnelle. Depuis, nous avons lancé un stage « niveau 2 ».

Tout cela nous a beaucoup encouragé. Nous avons donc continué de fédérer au plan académique les professionnels de l’éducation utilisateurs du libre et à intensifier nos actions. La liste de diffusion, deux sites Internet, le canal IRC, le micro-blogging… sont d’ailleurs des outils essentiels pour cela.

La structure du groupe LinuxÉdu ? Ce serait davantage une communauté de pratique informelle plutôt du côté du bazar que de la cathédrale. Nous mutualisons nos connaissances, échangeons, partageons… Le groupe au sens large est formé de 150 à 200 personnes. On y trouve majoritairement des professeurs, certains en charge de la gestion du réseau de leur établissement mais aussi des personnels du rectorat, des membres des AIDAT (assistance informatique pour les réseaux pédagogiques), du CRIA (idem mais pour les réseaux administratifs) et aussi des développeurs ou des gérants de SSLL travaillant dans l’éducation.

Est-ce le premier et (pour le moment) unique groupe faisant explicitement la promotion du logiciel libre au sein d’un site académique ?


J’ai l’impression que oui. J’espère me tromper. Pourtant faire progresser les pratiques sur ce plan est relativement simple à faire et vite très efficace…

Je profite de cette interview pour lancer un appel à l’ensemble des personnels de l’éducation afin que, dans leurs académies :

  • ils créent une liste de diffusion type linuxedu@ac-monacademie.fr (contacter le service académique ad hoc).
  • ils fassent une communication la plus large possible de l’existence de cette liste dans le maximum de réseaux professionnels (listes professionnelles, syndicats, listes internes…) afin d’en augmenter l’effectif.

Il est fondamental dans un premier temps de rassembler les enseignants innovants que sont les utilisateurs du libre dans une liste de diffusion académique. Le reste suivra.

Vous avez donc réussi à investir la formation continue des enseignants en proposant des stages originaux. Pouvez-vous nous en dire plus ?


Dans notre académie, il n’y avait pas de stages fléchés « ressources libres », « Linux » ou « intéropérabilité ». De nos jours, un Plan Académique de Formation (PAF) sans ce type de contenu ne peut, à mon avis, sembler qu’incomplet. Quid alors des parties « veille technologique et pédagogique », « innovations pédagogiques » sans ce volet ?

Si ce n’était pas à nous de combler ce vide, qui l’aurait fait ?

Il faut savoir qu’en théorie n’importe qui peu proposer des stages de formations. Je veux dire par là que ce n’est pas seulement les gros opérateurs de formations comme les IUFM ou les Inspections. Un personnel peut tout à fait proposer un stage… et voir sa proposition validée. C’est la voie que nous avons suivi.

Lorsque notre proposition de stage est arrivée en commission, je sais qu’elle a été bien accueillie. Le groupe LinuxÉdu s’est constitué au fil de ces formations.

Avez-vous rencontré des résistances internes aussi bien pour ce qui concerne la création de LinuxEdu que pour les propositions de stages ? Mais peut-être que le temps d’une certaine méfiance vis-à-vis du logiciel libre est définitivement révolu ?

Selon Héraclite, les chiens aboient contre les inconnus… face à quelque chose que l’on est incapable de comprendre, l’Homme est plus souvent tenté d’attaquer. Ce fût parfois le cas pour le libre et ce fût le plus souvent cocasse. Ce stade est, je pense, révolu.

Le libre est une solution de qualité professionnelle pour nos établissements scolaires. C’est déjà le cas en entreprise. Au delà du logiciel, la licence libre est tout ce qu’il y a de plus compatible avec les missions d’un professeur. Cela ne semble pas faire de doutes. Reste à vraiment franchir le pas.

Nous travaillons beaucoup avec le Centre Régional de Documentation Pédagogique (CRDP) de Midi-Pyrénées. Nous y avons toujours eu un accueil des plus favorables. Ils ont été un partenaire crucial pour les journées TICE libres en 2009.

La Mission aux TICE de notre académie avec qui nous avons de très bons contacts nous a ouvert la liste de diffusion ainsi qu’un hébergement sans difficultés. Elle fait aussi partie de nos partenaires, nous y avons notamment déjà fait une réunion de travail pour notre projet de paquets « linuxedu ».

De quoi s’agit-il ?

Quasiment tous les serveurs des réseaux pédagogiques des établissements sont sous windows, ce n’est pas le cas pour les réseaux administratifs et des serveur web du rectorat qui sont sous Linux.

L’idée est de mettre à disposition des établissements un paquet logiciel pour linux qui automatise l’intégration d’une machine Linux dans le réseau et qui installe aussi toute une sélection de logiciels et ressources pédagogiques.

Ainsi, un élève ou un professeur, qu’il soit sous Linux ou Windows, utilisera le même compte, retrouvera ses propres documents et bénéficiera de la complémentarité des deux univers.

On a tendance à caricaturer le corps enseignant comme un bloc monolithique assez difficile à déplacer. Comment faites-vous pour arriver à convaincre les enseignants de « s’essayer au Libre » ? Abordez-vous le sujet en insistant sur la qualité technique (angle « open source ») ou en mettant plutôt l’accent sur le caractère éthique et social du logiciel libre (angle « free software ») ?


L’accès au code source importe peu à la très grande majorité des enseignants. Ce n’est tout simplement pas notre métier.

L’angle idéal est celui des ressources. Pouvoir récupérer une ressource pédagogique, la modifier, y adjoindre des éléments venant d’ailleurs, la redistribuer à nos élèves, à nos collègues c’est un aspect très important de notre travail. Cela implique d’avoir des formats ouverts, d’utiliser des logiciels librement distribuables, des ressources libres… Le libre est une condition nécessaire d’exercice forte de notre métier. D’ailleurs beaucoup d’enseignants développent des logiciels libres éducatifs.

Le monde propriétaire même s’il a des produits de qualité complique inutilement notre travail, pose des barrières à la transmission des connaissances à nos élèves, à la mutualisation de nos ressources : problèmes de formats qui ne sont pas intéropérables, de logiciels dont la mise à jour n’est pas automatique, dont on impose indirectement l’achat ou la copie illégale à nos élèves, problème de licence des ressources, difficulté d’interagir avec les développeurs… C’est une vision de l’éducation qui contraste quelque peu avec les valeurs de l’école de la République.

Cette découverte s’accompagne-t-elle de réelles migrations chez nos collègues, jusqu’à changer de système d’exploitation ?


On en observe de plus en plus. Dans tous les cas, la curiosité et l’envie sont très vives. Ce BarCamp est aussi destiné à accompagner celles et ceux qui souhaitent migrer.

Quelles sont vos relations avec la très dynamique association TouLibre ?


Excellentes ! Je suis d’ailleurs membre de Toulibre même si je participe plus souvent aux Qjelt. Ils nous ont beaucoup aidé lors de l’organisation de LinuxEdu Pride 2008, des journées TICE libres 2009 ainsi que pour La journée du libre pour l’éducation en partenariat avec les cinémas Utopia. Nous savons que nous pouvons compter sur eux dans le futur.

Le mercredi 7 octobre prochain aura lieu le premier « BarCamp TICE libres » au CRDP Midi-Pyrénées à Toulouse. Pourquoi une telle manifestation et quel en sera le programme ?


L’idée est de permettre aux collègues d’avoir une antenne du libre éducatif à leur disposition, de servir de point relais, de lieu d’innovation technique et pédagogique. Comme nous avons tous des centres d’intérêts variés et que nous voulons tous avancer, l’organisation sous forme de BarCamp s’est imposée.

Selon Wikipédia, Un BarCamp, c’est une rencontre, une non-conférence ouverte qui prend la forme d’ateliers-événements participatifs où le contenu est fourni par les participants qui doivent tous, à un titre ou à un autre, apporter quelque chose au Barcamp.

Tout le monde est invité à participer quelles que soient ses compétences techniques : on peut présenter un logiciel, un exemple d’activité utilisant les TICE, aborder des aspects techniques mais aussi une simple idée…

« BarCamp » c’est pour faire moderne ou bien cela cache une véritable originalité dans l’organisation et le déroulement de l’évènement ?


Un peu les deux j’avoue. J’ai l’impression que les programmes trop définis, trop minutés ont tendance a attirer moins de participants. L’idée de base est que nous avons tous des compétences, des connaissances et que nous souhaitons les donner et en recevoir. Partageons-les !

Outre TouLibre et LinuxÉdu, Toulouse accueille également le président d’Ubuntu-fr (Christophe Sauthier) et la présidente de Wikimedia France (Adrienne Alix). Est-ce un hasard ? Pourquoi Toulouse a-t-elle de telles bonnes dispositions pour le Libre ? Et pourquoi ne pas avoir encore organisé de RMLL ?


Je ne sais pas. Peut-être le confit de canard et le Gaillac ont-ils tendance à libérer ? À vérifier lors des RMLL à Toulouse 😉

Une dernière chose. Est-ce que le service rendu par le réseau Framasoft vous est utile. Et que nous suggéreriez-vous pour l’améliorer ?


Je suis venu au libre par l’approche « free software » et avec l’aide de Framasoft. Surtout continuez !




Mon Université m’offre ma licence Microsoft Windows

James Wheare - CC byLorsque vous vous rendez sur le site de Microsoft, vous pouvez lire ceci : « MSDN Academic Alliance (MSDNAA) est une offre logicielle destinée à l’enseignement supérieur. Les établissements ayant souscrit à MSDNAA bénéficient des logiciels Microsoft pour la pédagogie (salles de cours, de TP, libre-service pour les étudiants,…) incluant de nombreux produits tels que Windows Vista, Windows XP, Windows Server 2008, Visual Studio 2008, Virtual PC, Visio… Ces logiciels peuvent également être installés sur les machines personnelles des étudiants et enseignants chez eux ! Le tout sans payer les licences des produits. »

Un étudiant d’un de ces établissements peut donc installer sur sa machine personnelle l’offre logicielle contenu dans cet accord, en particulier le logiciel d’exploitation Windows. Mais que se passe-t-il s’il cet étudiant compte s’acheter un nouveau PC pendant son cursus universitaire ? Il ira comme tout le monde dans un magasin spécialisé et achètera un ordinateur avec, encore trop souvent, un Windows préinstallé dedans[1]. Or il n’a aucune raison de le payer puisque son établissement peut le lui fournir gratuitement suite justement aux termes de l’accord MSDNAA !

C’est ce léger « bug dans le système » que souhaite exploiter l’équipe Racketiciel, dans sa dernière campagne Mon Université m’offre ma licence Microsoft Windows.

L’objectif est non seulement d’informer les étudiants pour qu’ils ne se retrouvent pas à payer deux fois leur système d’exploitation, mais aussi de continuer à alerter l’opinion sur la question de la vente liée afin de maintenir la pression sur les constructeurs.

Soutenant cette opération, nous relayons bien volontiers l’appel à la communauté ci-dessous.

Pour les libristes

URL d’origine du document

25 septembre 2009 – Racketiciel.info

Cher(e) Linuxien(ne), cher(e) BSDiste,

Nous, libristes, avons besoin d’une concurrence saine sur les systèmes d’exploitation.

C’est pourquoi nous, équipe racketiciel, nous nous battons contre la situation actuelle où la vente du matériel informatique est subordonnée à celle de la licence des logiciels préinstallés.

Aujourd’hui, nous sommes en train de lancer une campagne mondiale qui devrait marquer un pas de plus dans ce combat, et nous avons besoin de votre aide à tous.

Les actions

Sur le terrain juridique, plusieurs procès ont obligé les constructeurs à rembourser celui qui n’avait pas l’usage des logiciels, en partie grâce au guide du remboursement et à notre équipe accompagnement. Toujours sur le terrain juridique, quelques procès, initiés par l’UFC Que Choisir ou par le Ministère Public, ont obligé les constructeurs à afficher le prix de Microsoft Windows préinstallé. Sur le terrain politique, plusieurs questions au gouvernement ont été présentées par des députés, grâce au précieux travail d’explication de quelques membres de la communauté du libre. Sur le terrain administratif, les contacts sont réguliers avec la DGCCRF.

Le résultat

Ces derniers temps, vous avez peut-être noté l’apparition d’étiquettes dans le rayon informatique de certains magasins, annonçant une possibilité de se faire rembourser Microsoft Windows auprès du constructeur. C’est sans doute en grande partie le résultat de toutes ces actions.

Pour autant, c’est encore totalement insuffisant : l’affichage du prix de la licence n’est pas effectif auprès de l’appareil.

Néanmoins, cette possibilité de remboursement, présente pour certains constructeurs seulement, est irréversible : tout retour en arrière de leur part mettrait trop fortement en lumière la question de la vente subordonnée. Nous entendons profiter de cette évolution irréversible pour mettre la pression d’une manière différente.

C’est l’heure du combat sur le terrain économique

Nous lançons une campagne mondiale :
« Mon Université m’offre ma licence Microsoft Windows »

Les grandes écoles et les universités mettent souvent les licences Microsoft Windows à la disposition de leurs étudiants, y compris sur leur ordinateur personnel. Or, en magasin, les étudiants déboursent tout de même le prix de la licence lors de l’achat de leur ordinateur.

Le but de la campagne est donc d’inciter un maximum d’étudiants dans le monde entier à se faire rembourser la licence (dite OEM) du système Microsoft Windows préinstallé puisqu’ils bénéficient de la licence obtenue via leur institution.

Pourquoi ce type de campagne ?

Pour les étudiants sous Microsoft Windows (et ils sont les plus nombreux), c’est toujours quelques dizaines d’euros de pris. Pour nous, libristes, qui pâtissons à plein de la vente subordonnée, c’est l’effet de masse qui nous intéresse en faisant appel aux étudiants sous Windows. La pression économique sera d’autant plus forte sur les constructeurs, et la pression politique sur l’administration permettra d’imposer la simplification des procédures de remboursement voire de passer à l’optionnalité que nous réclamons.

À terme, l’abolition de la vente subordonnée libérera une place économique pour des offres commerciales autour de GNU-Linux et des autres systèmes libres, avec, nous l’espérons, leur plus large diffusion.

Quel peut être votre rôle ?

Nous cherchons parmi vous des étudiants volontaires pour relayer dans vos facs et écoles respectives l’information sur cette campagne par voie d’affiches, de mails ou tout autre moyen qui vous paraîtra approprié.

Nous comptons sur votre aide sans laquelle cette campagne est inconcevable ! Merci de vous signaler à l’adresse msdnaa@racketiciel.info en indiquant, dans le sujet du message :
Nom_du_Gull/Dépt/Ville/Sigle_Fac_ou_école.

Dans le corps de message, mettez l’adresse complète de votre unité universitaire dans laquelle vous pensez pouvoir relayer l’info (plusieurs si c’est dans vos cordes) et votre email de contact (si différent de celui utilisé pour nous écrire).

Un grand merci !

L’équipe racketiciel.

Notes

[1] Crédit photo : James Wheare (Creative Commons By)




La liberté ambigüe du paramétrage par défaut

Manuel Cernuda - CC byMon lycée a, depuis un certain temps déjà, opté pour un déploiement massif de la suite bureautique libre OpenOffice.org. Sauf que notre informaticien l’installe sur les postes en modifiant systématiquement l’option du format d’enregistrement « par défaut », substituant au format natif et ouvert ODF la famille de formats fermés bien connus de la suite Microsoft Office (le .DOC pour Word, le .XLS pour Excel et le .PPT pour Powerpoint).

Et lorsque je lui signifie, outré, mon mécontentement, il me répond qu’il convient de ne surtout pas perturber les enseignants, qui ont tous MS Office chez eux, et qui sont habitués à travailler dessus depuis des années (« Tu comprends, sinon ils vont rentrer à la maison avec leurs fichiers ODF dans leur clé, cliquer dessus pour ouvrir le document et… ça va être le bordel parce qu’aucune application ne sera trouvée par le système. Ils vont râler, m’assaillir de questions et c’est bibi qui assurera la hotline ! »).

Et c’est ainsi que l’on passe à côté de toute la problématique des formats (excellente porte d’entrée pour engager une discussion plus générale sur « le libre »). En tirant un peu le trait, on pourrait presque dire que l’on ne réalise finalement ici qu’une « fausse » migration, ou tout du moins que l’on s’est arrêté au milieu du chemin.

Fin de l’anecdote qui n’avait pour but que d’introduire le sujet (et la traduction) du jour : le paramétrage par défaut.

Lorsqu’on découvre un logiciel (ou carrément un système d’exploitation) pour la première fois, un certain nombre de choix ont été réalisés pour nous, afin, en théorie, de nous faciliter la tâche pour que nous soyons de suite opérationnels. Mais ces choix ne sont pas forcément neutres. D’abord parce que nous sommes tous différents (« l’utilisateur lambda » n’existe pas). Mais aussi, voire surtout, parce que nous savons fort bien qu’une forte majorité d’utilisateurs, pour de multiples raisons (inertie, crainte…) ne modifieront jamais ces options de démarrage.

Vous êtes un utilisateur désormais aguerri de GNU/Linux. Vous avez choisi votre distribution (Ubuntu, Mandriva, Fedora…), vous avez choisi votre environnement graphique (GNOME, KDE…), vous avez configuré le tout aux petits oignons en rivalisant d’esthétisme et d’ergonomie pour vous offrir un magnifique bureau personnalisé (illustration[1]). Vous naviguez sur un Firefox bourré d’extensions toutes plus utiles les unes que les autres eu égard à vos propres besoins et intérêts… Alors, félicitations, vous baignez dans l’univers culturel numérique de la richesse, de la diversité et de l’autonomie. Vous y êtes même tellement habitué que vous avez certainement oublié le nombre de paramétrages par défaut qu’il vous aura fallu lever pour arriver à cette situation qui est la vôtre aujourd’hui.

Parce que votre univers est malheureusement passablement éloigné de celui de Madame Michu (qui, je suis d’accord, n’existe pas non plus). Elle a acheté un ordinateur avec « par défaut » Windows à l’intérieur, dans lequel se trouvait « par défaut » Internet Explorer (page d’accueil Microsoft, Google ou FAI, inchangée), Outlook Express, Windows Media Player etc. et elle s’y tient. Elle s’y cramponne même, en résistant dur comme fer si jamais on s’en vient lui montrer, avec pourtant moultes précautions, qu’un « autre monde informatique est possible » (dans ce contexte là j’en arrive même parfois à me demander, un brin provocateur, si ce n’est pas « l’utilisateur par défaut » qu’il convient de paramétrer plutôt que ses logiciels !). C’est frustrant et dommage, parce que si il y a paramétrage par défaut, cela signifie également qu’il y a liberté de changer ces paramètres. Comme dirait l’autre, la liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas…

Mais je m’égare, puisqu’il s’agissait juste de présenter l’article ci-dessous qui, bien que ne se souciant nullement des conséquences du paramétrage par défaut sur le logiciel libre, nous offre ici un exposé original et intéressant.

Remarque (à la lisière du troll) : C’est peut-être aussi là que réside le succès d’Ubuntu, dont la relative absence de choix à l’installation (un seul bureau, un seul logiciel par application, etc.) a grandement rassuré les nouveaux venus issus de Windows. De là à affirmer qu’Ubuntu est devenue « la distribution par défaut de l’OS GNU/Linux », il n’y a qu’un pas que je me garderais bien de franchir 😉

Le triomphe du « par défaut »

Triumph of the Default

Kevin Kelly – 22 juin 2009 – The Technium
(Traduction Framalang : Olivier et Julien R.)

Peu reconnu, le « par défaut » est l’une des plus grandes inventions de l’ère moderne. « Par défaut » est un concept technique introduit par l’informatique dans les années 1960 pour désigner les réglages pré-sélectionnés (comme par exemple dans « Ce programme accepte par défaut les dates au format jj/mm/aa, et non jj/mm/aaaa »). De nos jours, la notion de réglage par défaut dépasse le simple cadre de l’informatique et s’est répandue dans la vie de tous les jours. Aussi insignifiant que cela puisse paraître, l’idée de réglage par défaut est fondamentale pour « The Technium » (NdT : le livre qu’est en train de rédiger l’auteur dont cet article fait partie).

Difficile de concevoir aujourd’hui une époque où le « par défaut » n’existait pas. Mais le « par défaut » n’a gagné en popularité qu’à mesure que l’informatique s’est démocratisée ; c’est l’héritage de systèmes technologiques complexes. Le « par défaut » n’existait pas sous l’ère industrielle. À l’aube de l’ère moderne, quand les ordinateurs plantaient souvent et qu’entrer les variables était un vrai calvaire, une valeur par défaut était la valeur que le système s’assignait automatiquement si le programme échouait ou s’il était démarré pour la première fois. C’était une idée brillante. Sauf si l’utilisateur ou un programmeur prenait la peine de le modifier, le réglage par défaut régnait, assurant ainsi que le système hôte fonctionne. Chaque produit électronique et chaque logiciel était livré dans sa configuration par défaut. Les réglages par défaut répondent aux normes attendues par les acheteurs (par exemple la tension des appareils électriques aux États-Unis), ou à ce qu’ils attendent d’un produit (les sous-titres désactivés pour les films), ou encore aux questions de bon sens (anti-virus activé). La plupart du temps les réglages par défaut satisfont les clients, et ils ont maintenant envahi tout ce qui est personnalisable : automobiles, assurances, réseaux, téléphones, assurance maladie, cartes de crédit, etc.

En effet, chaque objet contenant un tant soit peu d’intelligence informatique (c’est à dire tout équipement moderne) est paramétré par défaut. Ces présélections sont autant de partis pris implantés dans le gadget, le système ou l’institution. Mais les réglages par défaut ne sont pas que des hypothèses silencieuses matérialisées dans tout objet manufacturé. Par exemple, tous les outils manuels sont faits, par défaut, pour les droitiers. Faire l’hypothèse que l’utilisateur sera droitier étant simplement normal, pas besoin d’en faire étalage. De même, la forme des outils est généralement faite pour des mains d’hommes. Mais ça ne se limite pas qu’aux outils : les premières automobiles étaient construites sur l’hypothèse que le conducteur serait un homme. Pour toute chose manufacturée, le constructeur doit faire des hypothèses sur ses clients potentiels et leurs motivations ; ces hypothèses trouvent naturellement leur place aussi dans tout ce qui est technologique. Plus le système est vaste, plus le constructeur doit faire des hypothèses. En examinant attentivement une infrastructure technologique particulière vous pouvez deviner les hypothèses cachées dans sa conception. Ainsi, on retrouve dans des domaines aussi variés que le réseau électrique, le système ferroviaire, les autoroutes ou l’enseignement certaines caractéristiques du citoyen américain : optimisme, importance de l’individu et penchant pour le changement.

Mais, alors que ces choix arbitraires, communs à toutes les technologies, sont à bien des égards semblables au concept de « défaut », ce n’est plus vrai aujourd’hui et ce pour une raison essentielle : les réglages par défaut sont des hypothèses qui peuvent être modifiées. Vous ne pouvez pas adapter des outils faits pour les droitiers à l’usage des gauchers. À l’époque, l’hypothèse que le conducteur était un homme se retrouvait dans la position du siège dans les automobiles. En changer n’était pas simple. Mais ce que l’on ne pouvait faire hier est désormais permis par la technologie actuelle. En effet presque tous les systèmes technologiques d’aujourd’hui ont en commun la facilité à être rebranchés, modifiés, reprogrammés, adaptés et changés pour convenir à de nouveaux usages ou à de nouveaux utilisateurs. Beaucoup (pas toutes) des hypothèses faites ne sont pas immuables et définitives. La multiplication des paramètres par défauts et leur modularité offre aux utilisateurs un vrai choix, s’ils le désirent. Les technologies peuvent être adaptées à vos préférences et optimisées pour mieux vous correspondre.

L’inconvénient de toutes cette personnalisation, cependant, est qu’on se retrouve un peu noyé sous le choix. Trop d’alternatives et pas assez de temps (sans parler de l’envie) de toutes les tester. Ne vous-êtes vous pas déjà retrouvé paralysé par l’indécision devant les 99 variétés de moutardes sur les étalages du supermarché, ou devant les 2 536 options de votre assurance santé, ou encore devant les 36 000 coupes de cheveux différentes pour votre avatar dans un monde virtuel ? Il existe une solution toute simple à cette sur-abondance délirante de choix : les paramètres par défaut. Les « défauts » vous permettent de choisir quand choisir. Votre avatar par défaut pourrait pas exemple être un avatar quelconque, un gamin en jean par exemple. Vous pouvez vous soucier de la personnalisation plus tard. C’est un peu un choix guidé. Ces milliers de variables, de vrais choix, peuvent être guidés en optant pour un choix par défaut intelligent, un choix fait à notre place, mais qui ne nous prive pas de notre liberté de le changer dans le futur, à notre convenance. Mes libertés ne sont pas restreintes, mais sont étalées dans le temps. Quand je me sens plus à l’aise, je peux revenir sur mes préférences pour mieux les adapter, en ajouter ou en retirer, en changer ou les personnaliser. Dans les systèmes par défaut bien pensés, je conserve toujours mon entière liberté, mais les choses me sont présentées de telle sorte que je peux prendre mon temps pour faire mes choix, au fur et à mesure et quand je me sens mieux à même de les faire.

Comparez maintenant cette sur-abondance de choix à ce que vous propose un marteau, une automobile ou le réseau téléphonique des années 1950. L’utilisation de ces outils vous était imposée. Les meilleurs ingénieurs ont planché des années pour proposer une conception qui s’adapte le mieux à la majorité, de nos jours encore, certains sont des chef-d’œuvre d’ingéniosité. Si ces objets et infrastructures étaient peu modulables, ils étaient remarquablement conçus pour être utilisés par la majorité des personnes. Peut-être qu’aujourd’hui vous ne personnalisez pas plus votre téléphone qu’il y a cinquante ans, mais la possibilité existe. Et les options disponibles sont toujours plus nombreuses. Cette myriade de choix possibles reflète la nature adaptative des téléphones portables et des réseaux. Les choix s’offrent à vous quand vous faites appel à eux, ce qui n’était pas possible quand toutes les décisions étaient prises pour vous.

Les paramètres par défaut ont fait leur apparition dans le monde complexe de l’informatique et des réseaux de communication, mais il n’est pas ridicule pour autant d’envisager leur utilisation pour les marteaux, les voitures, les chaussures, les poignées de portes, etc. En rendant ces objets personnalisables, en y injectant une pincée de puces informatiques et de matériaux intelligents, nous leur ouvrons le monde des paramètres par défaut. Imaginez le manche d’un marteau qui se moulerait automatiquement pour s’adapter à votre prise en main de gaucher, ou à la main d’une femme. On peut très bien envisager d’entrer son genre, son âge, son expertise ou son environnement de travail directement dans les petits neurones du marteau. Si un tel marteau existait, il serait livré avec des paramètres par défauts pré-programmés.

Mais les paramètres par défauts sont tenaces. De nombreuses études psychologiques ont montré que le petit effort supplémentaire demandé pour modifier les paramètres par défaut est souvent de trop et les utilisateurs s’en tiennent aux pré-réglages, malgré la liberté qui leur est offerte. Ils ne prennent pas la peine de régler l’heure sur leur appareil photo, le « 12:00 » entré par défaut continue de clignoter, ou encore ils ne s’embettent pas à changer le mot de passe temporaire qui leur est attribué. La dure vérité, n’importe quel ingénieur vous le confirmera, est que souvent les paramètres par défaut restent inchangés. Prenez n’importe quel objet, 98 options sur 100 seront celles préconfigurées en usine. Je reconnais que, moi-même, j’ai très rarement touché aux options qui m’étaient offertes, je m’en suis tenu aux paramètres par défaut. J’utilise un Macintosh depuis le début, voilà plus de 25 ans, et je découvre encore des paramètres par défaut et des préférences dont je n’avais jamais entendu parler. Du point de vue de l’ingénieur, cette inertie est un signe de réussite, cela signifie que les paramètres par défaut sont bien choisis. Leurs produits sont utilisés sans beaucoup de personnalisation et leurs systèmes ronronnent doucement.

Décider d’une valeur par défaut est synonyme de puissance et d’influence. Les paramètres par défaut ne sont pas qu’un outil pour aider les utilisateurs à apprivoiser leurs options, c’est aussi un levier puissant dont disposent les fabricants, ceux qui décident de ces valeurs, pour diriger le système. Les orientations profondes que traduisent ces valeurs par défaut façonnent l’usage que l’on fait du système. Même le degré de liberté qui vous est accordé, avec les choix occasionnels que l’on vous demande de faire, est primordial. Tout bon vendeur sait ça. Ils agencent magasins et sites Web pour canaliser vos décisions et ainsi augmenter leurs ventes. Disons que vous laissez des étudiants affamés choisir leur dessert en premier plutôt qu’en dernier, cet ordre par défaut a une influence énorme sur leur nutrition.

Chaque rouage d’une technologie complexe, du langage de programmation, à l’aspect de l’interface utilisateur, en passant par la sélection de périphériques, renferme d’innombrables paramètres par défaut. L’accès est-il anonyme ? Les intentions des utilisateurs sont-elles bonnes ou mauvaises ? Les paramètres par défaut encouragent-ils l’échange ou le secret ? Les règles devraient-elles expirer à une période donnée ou le renouvellement est-il tacite ? Avec quelle facilité peut-on revenir sur une décision ? Telle décision devrait-elle être activée par défaut ou l’utilisateur doit-il la valider lui-même ? Rien que la combinaison de quatre ou cinq choix par défaut engendre des centaines de possibilités.

Prenez deux infrastructures technologiques, disons deux réseaux d’ordinateurs basés sur le même matériel et sur les mêmes logiciels. L’expérience sur les deux réseaux peut être complètement différente selon les options par défaut imposées. Leur influence est telle qu’on peut presque parler d’effet papillon. En modifiant légèrement un paramètre par défaut, on peut transformer des réseaux gigantesques. Par exemple, la plupart des plans épargne retraite, comme le plan « Corporate 401k », demandent des mensualités très basses, en partie parce qu’ils proposent un choix phénoménal d’options. L’économiste/comportementaliste Richard Thaler rapporte des expériences où les épargnants amélioraient nettement leur épargne lorsque les options étaient sélectionnées par défaut (« choix guidé »). Chacun avait la possiblité de résilier leur programme quand il le désirait et ils étaient libres de modifier leur contrat quand bon leur semblait. Mais le simple fait de passer de « souscription » à « inscription automatique » changeait complètement l’intérêt du système. On peut prendre également l’exemple du don d’organe. Si on déclarait que chacun est donneur à moins qu’il n’émette le souhait contraire, le nombre d’organes donnés augmenterait largement.

Chaque paramètre par défaut est un levier pour façonner le déploiement d’une innovation. L’élaboration d’une infrastructure à l’échelle d’un continent, par exemple, comme le réseau électrique 110V aux États-Unis, peut s’imposer à mesure qu’elle reçoit le soutien d’autres infrastructures (comme les générateurs diesels ou les lignes d’assemblage dans les usines). Ainsi il peut obtenir le suffrage nécessaire pour s’imposer face à une technologie pré-existante, mais à chaque nœud du réseau électrique se cache un paramètre par défaut. Tous ces petits choix par défaut définissent la nature du réseau, ouvert et évolutif mais plus fragile ou fermé et plus sûr. Chaque paramètre par défaut est un levier permettant de façonner le réseau, s’il peut s’accroître facilement ou pas, s’il accepte les sources de puissance non-conventionnelle ou pas, s’il est centralisé ou décentralisé… La technologie définit les systèmes technologiques, mais c’est à nous d’en établir la nature.

Aucun système n’est neutre. Chacun a ses options naturels. On dompte les choix en cascade engendrés par l’accélération de la technologie par petites touches, en adoptant nos propres options afin de les faire tendre vers nos objectifs communs, ce qui a pour conséquence d’augmenter la diversité, la complexité, la spécialisation, la sensibilité et la beauté.

Le « par défaut » nous rappelle également une autre vérité. Par définition, le « par défaut » entre en jeu lorsque nous — utilisateur, consommateur ou citoyen — ne faisons rien. Mais ne rien faire n’est pas neutre, car cela entraîne une option par défaut. Ce qui signifie que « ne pas faire de choix » est un choix lui-même. Il n’y a rien de neutre, même, ou surtout, dans l’absence d’action. Malgré ce que certains veulent bien nous faire croire, la technologie n’est jamais neutre. Même quand vous ne choisissez pas ce que vous en faites, un choix est fait. Un système s’orientera dans une direction plutôt qu’une autre selon que l’on agit ou non sur lui. Le mieux que l’on puisse faire est de lui donner la direction qui va dans notre sens.

Notes

[1] Crédit photo : Manuel Cernuda (Creative Commons By-Sa)