Promenons-nous sur le chemin de l’évolution des espèces

Depuis le 15 août, une nouvelle web-série vient de voir le jour sur la toile. Il s’agit d’un documentaire scientifique et pédagogique sur l’évolution des espèces : « Promenades en Évolution ». Dans ce premier épisode, consacré à l’arbre du vivant, nous découvrons les liens de parentés entre différentes espèces rencontrées lors d’une promenade en forêt.

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Cette série est produite par le Mithril Studio en association avec le Centre de Vulgarisation des Connaissances de l’université de Paris XI. Rencontre avec Virginie Népoux, une des principales protagonistes de ce projet.

Bonjour Virginie, pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour ! Je suis biologiste, j’ai soutenu ma thèse de doctorat en biologie évolutive il y a trois ans à l’université de Lausanne après un cursus réalisé aux universités de Paris XI et Paris XIII (master de biologie du comportement). Ma thèse portait sur la variation naturelle des capacités d’apprentissage des drosophiles, ces petites mouches qui viennent l’été sur les fruits trop mûrs… Oui oui, les mouches sont capables d’apprendre des choses ! J’ai également eu l’occasion de travailler sur des espèces différentes : la perruche ondulée, la mouette tridactyle, la grenouille agile… Et sur des sujets variés, comme la communication acoustique ou la sélection sexuelle. Je suis aussi naturaliste, j’ai fait de l’« animation nature » pour des écoles, colonies de vacances, réserves naturelles ou pour des associations naturalistes comme celle du campus d’Orsay, Clématis, dans laquelle je suis restée investie plusieurs années. Je suis allée jusqu’en Guyane pour échantillonner des libellules pour une réserve naturelle. Je suis la rédactrice et présentatrice du documentaire. Léo Sigrann et moi nous partageons la caméra, qui est un appareil photo, la réalisation et le montage.

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Vous êtes à l’origine de cette nouvelle série documentaire « Promenades en Évolution ». Comment ce projet est-il né ?

Depuis plusieurs années, je suis assez active sur certains forums, notamment au niveau de discussions sur l’évolution – souvent avec des créationnistes. Je me suis rendue compte que les mêmes questions revenaient régulièrement, traduisant des incompréhensions basiques et récurrentes. J’ai écrit un petit texte pour reprendre ces bases sans avoir à me réexpliquer à chaque fois, histoire de permettre aux discussions d’aller plus loin, puis ce texte est devenu un petit livre en 2009, « L’évolution du vivant expliquée à ma boulangère », publié par Inlibroveritas sous licence cc-by-sa (et en lecture libre chez Inlibroveritas et Atramenta). Le projet « Promenades en Évolution » part de la même envie de partage. Je me suis dit que le changement de support pourrait peut-être toucher un public différent. Et puis j’avais envie de répondre à ce qui me semble être un manque dans le monde des documentaires. Il me semble que les documentaires francophones sur la nature que l’on voit à la télévision, s’ils sont souvent époustouflants au niveau des images, n’abordent que rarement les problématiques de fond qui me sont chères. Les questions d’évolution ne sont qu’effleurées, et souvent assez mal, ce qui peut contribuer à entretenir les clichés dans l’esprit des gens (ex: l’évolution, c’est « la survie du plus fort »). En outre, j’ai aussi l’impression que les documentaires sont plus volontiers consacrés aux milieux exotiques, aux gros animaux, qu’à la vie qui foisonne à nos portes. C’est une excellente chose de connaître la vie des lions ou des manchots, mais il ne faut pas ignorer les merveilles qui se trouvent à nos pieds, et que l’on n’a qu’à se baisser pour admirer… Quand je fais une sortie naturaliste avec des gens qui n’en ont pas l’habitude, ils sont souvent très étonnés de la multitude de choses que l’on peut observer après environ trois pas dans n’importe quel petit bois. J’avais également envie de transmettre ça dans le documentaire.

Quel est le public visé ?

Le plus large possible, surtout les gens qui n’ont pas de connaissances particulières en biologie, ceux qui utilisent les parcs, les bois et les champs pour leurs pique-niques, leurs footings, mais oublient un peu de regarder ce qui s’y passe. J’aimerais aussi que ce documentaire puisse être utilisé par les professeurs de collège ou de lycée pour illustrer leurs cours.

Vous avez publié deux livres chez Atramenta, un sous licence cc-by-sa, un autre sous cc-by-nc-sa. Pour la web-série, vous avez opté pour notre plus grand plaisir, pour la creative commons by-sa. Qu’est-ce qui a fait pencher la balance vers une licence complètement libre ?

Nous avons pensé que c’était le plus approprié pour un outil à vocation pédagogique, favoriser un partage maximal. Pour tout vous dire, le framablog n’est pas entièrement étranger à cette décision. J’ai lu l’article de Richard Stallman sur l’usage des licences cc-by-nc-sa pour les documents pédagogiques et je suis d’accord avec lui. Du coup, voilà, nous avons opté pour une cc-by-sa pour le documentaire. Autant ne pas faire les choses à moitié. En outre, l’évolution du vivant reste un sujet très mal compris de nos jours, sur lequel on dit tout et n’importe quoi. Même si ça fait plus de 200 ans que le livre fondateur de Darwin est paru, des idées fausses circulent toujours, et souvent plus efficacement que les idées justes. Il est urgent d’inverser la tendance! Je rêve d’un monde où les scénaristes de comics et de films soient suffisamment bien informés sur l’évolution pour ne pas faire saigner les oreilles ou les yeux des biologistes qui visionnent ou lisent leurs œuvres…

Est-ce que pour un sujet sensible comme la théorie de l’évolution, combattu encore actuellement par de nombreux créationnistes à travers le monde, le fait de pouvoir diffuser, distribuer librement ce documentaire a été un argument dans le choix définitif de la licence ?

Tout à fait. Le créationnisme (au sens large, du fixisme à l’intelligent design en passant par tout un tas d’idées farfelues) gagne de plus en de terrain. Pourtant, quand il est accessible à la raison et ne s’appuie pas uniquement sur une foi aveugle, il repose vraiment sur des incompréhensions basiques. Il est à la portée de tout le monde de repérer les failles dans les « raisonnements » des créationnistes, pour autant que l’on sache de manière un peu précise ce qu’avait dit Darwin déjà à son époque, et comment les études modernes l’ont confirmé. Il faut simplement prendre le temps de comprendre comment fonctionne la démarche scientifique. Mais il y a des créationnistes qui disposent de beaucoup de moyens pour diffuser leurs ouvrages (distribution gratuite de livres dans les universités, écoles etc.), quand bien même leur contenu est parfois à la biologie ce que la blague carambar est à la philosophie. Nous n’avons pas ces moyens financiers, mais nous avons un outil beaucoup plus puissant pour partager: les licences libres !

Ce documentaire est produit par le Mithril Studio. Pourquoi avoir choisi ce studio ?
Parce que c’est le studio que mon compagnon et moi-même avons monté, à la base pour réaliser nos projets. C’est un studio composé surtout d’amateurs bénévoles pour l’instant (« Promenades en évolution » est le premier projet pour lequel nous avons eu un petit financement). Nous avons peu de moyens, mais nous sommes libres de prendre les décisions que nous voulons.

Celui-ci était jusqu’ici connu pour The Fumble Zone http://fumblezone.net une web-série sur les jeux de rôle. Vous voyez un lien spécifique entre l’univers des jeux de rôle et les licences libres ?
Bien sûr ! Les jeux de rôle, sur le principe, sont des outils pour raconter des histoires à plusieurs. L’idée de partage est fondamentale. En outre, chaque meneur de jeu modifie les règles, les univers « à sa sauce », chaque groupe de joueurs invente ses histoires sur les bases de scénarios ou romans existants. Tout cela fait que les licences libres sont à mes yeux un outil idéal pour permettre à tout le monde de s’exprimer et publier ses créations. Les idées d’ouverture font petit à petit leur chemin, peut-être que les jeux sous licence libre, comme Tigres Volants vont finir par fleurir plus nombreux ?

Le studio semble utiliser le plus possible des logiciels libres. Lesquels ont été utilisés pour réaliser ce documentaire ? À quel moment de la création ont-ils servi ?
Léo et moi travaillons avec Kubuntu. Le documentaire a été monté avec Kdenlive et les petites animations réalisées avec Gimp. Le son est le seul élément qui, pour l’instant, n’a pas été traité avec des logiciels libres.

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« Promenades en Évolution » est réalisé en association avec le Centre de Vulgarisation des Connaissances de l’université de Paris XI. Quel est le rôle du CVC ?
Le CVC a apporté son financement, ce qui nous a permis de nous consacrer pleinement à la réalisation de ce premier épisode et nous a fait profiter de sa grande expérience en matière de pédagogie. Nous sommes très reconnaissants de toute l’aide que les gens du CVC nous ont apportée, et des conseils qu’il nous ont donnés.

Sauf erreur de ma part, il s’agit du premier projet sous licence libre du CVC. Quelle a été leur réaction ? Réfractaires ou bien intéressés ?
Intéressés, car la vocation première de ce documentaire est d’être partagé.

Parlez-nous un peu de Rachel Nusbaumer qui a composé cette jolie bande-son entêtante.
Nous avons rencontré Rachel sur Internet, via le forum des vidéastes amateurs, et elle a tout de suite été d’accord pour travailler sur des projets sous licence ouverte/libre. Elle compose pour le studio depuis plusieurs années, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés ! Rachel a commencé la musique à 4 ans, avec le solfège et la flûte à bec qui lui a fait découvrir la musique baroque, puis la musique de chambre. Elle a ensuite découvert le hautbois à 15 ans. Elle a étudié la musique au Conservatoire de Delémont (Jura Suisse) puis à Genève. En parallèle à sa formation classique, elle a commencé à composer sur ordinateur, en autodidacte, aidée par un réseau de musiciens sur Internet. Elle s’est ainsi tournée vers l’électro. Ses influences ? Aussi bien Bach ou Corelli, que Jean-Michel Jarre, ou Ennio Morricone. Elle a travaillé avec les Studios Banshee (UK) pour réaliser les musiques de leurs jeux vidéo et a également réalisé des musiques pour des clips promotionnels et des bandes-son pour des courts-métrages (Euphoria, Holiday Bloodyday…). Son site internet : http://www.rachelnusbaumer.com

Le premier épisode vient donc de paraitre le 15 août. Avez-vous déjà préparé les prochains ?
En partie. Nous avons commencé à tourner, mais nous n’avons plus de financement pour l’instant donc c’est moins évident de trouver le temps quand on est purement bénévoles. Mais les choses avancent quoi qu’il en soit. Idéalement, et même sans moyens supplémentaires, nous aimerions sortir un autre épisode avant la fin de l’année.

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Si tout se passe comme prévu, combien d’épisodes composeront cette web-série ?
Ça n’est pas fixé. Il y a énormément de sujets à aborder ! Nous ferons ce que nous pourrons.

Si des lecteurs du blog ont envie de vous aider que peuvent-ils faire et comment ?
Partager ! Plus nous parviendrons à nous diffuser efficacement, plus il nous sera possible de récolter des financements pour tourner la suite (et bien sûr, si quelqu’un veut se débarrasser d’une caméra full HD, ou d’un objectif pour appareil photo Canon EOS…)




La surveillance de la NSA révélée par Snowden : un an après, on récapitule ?

Faire le point sur un an de révélations que nous devons à Snowden permet de comprendre comment nous sommes passés peut-être définitivement dans l’ère de la défiance. Quand la machine ubiquiste de surveillance de masse nous considère tous comme des suspects potentiels, nous ne pouvons faire autrement que de soupçonner à priori le plus vertueux des opérateurs téléphoniques ou des fournisseurs d’accès à l’internet d’être bon gré mal gré un complice de la NSA et de lui remettre les clés de nos vies privées, de nos engagements politiques etc. sans même parler de l’espionnage des grands de ce monde .

Cette liste tire sa force accusatrice de sa sècheresse factuelle. Chaque élément y est toutefois documenté par un lien (en anglais en général) vers un article de presse en ligne.

65 choses sur la surveillance par la NSA que nous savons maintenant mais que nous ignorions il y a un an

Article original sur le site de l’Electronic Frontier Foundation

par Nadia Kayyali et Katitza Rodriguez

Traduction Framalang : hack, Diab, teromene, r0u, Thérèsegoofy, mrtino

Voilà un an que le journal The Guardian a publié pour la première fois le Foreign Intelligence Surveillance Court order, révélé par Edward Snowden, ex-sous-traitant de la NSA. Le document démontrait que la NSA avait mené des opération de surveillance généralisée sur des millions de personnes innocentes. Depuis lors, toute une vague de révélations choquantes, de divulgations, d’aveux partiels des autorités gouvernementales, d’appels aux lois qui garantissent la liberté de l’information, et de poursuites judiciaires, a déferlé sans interruption. Pour l’anniversaire de cette première révélation, voici 65 choses sur la surveillance par la NSA que nous savons maintenant mais que nous ignorions il y a un an.

1. Nous avons vu un exemple des décisions de justice qui autorisent la NSA à récolter potentiellement tout appel téléphonique aux USA – ce qui veut dire qui vous appelez, qui vous appelle, quand, pendant combien de temps et quelquefois même où.

2. Nous avons découvert les diaporamas en Powerpoint de la NSA qui détaillent comment est menée la récolte « en amont », par la collecte d’informations captées directement dans l’infrastructure des opérateurs de télécoms.

3. La NSA a conçu une vaste « drague du Web » en s’assurant qu’elle peut intercepter non seulement les communications d’une cible lorsqu’elle fait partie d’une communication mais aussi celles qui « concernent une cible, même si la personne ciblée ne participe pas à une communication ».

4. La NSA a confirmé qu’elle recherche des données collectées selon les clauses de la section 702 des amendements à la FISA (FISA Amendments Act) pour avoir accès sans mandat aux communications des citoyens des USA, grâce à ce que le sénateur Ron Wyden a appelé « le vide juridique de la recherche via porte dérobée ».

5. Même si la NSA a déclaré de façon répétée qu’elle ne ciblait pas les citoyens des États-Unis, ses propres documents montrent que les fouilles de données menées sous l’égide de la section 702 sont conçues pour déterminer avec un degré de confiance de 51% seulement si la cible est étrangère.

6. Si la NSA n’établit pas l’origine étrangère d’une cible, elle ne va pas arrêter d’espionner cette cible pour autant. Au lieu de ça, la NSA va présumer que la cible est étrangère tant qu’elle ne peut être « identifiée positivement comme une personne des États-Unis ».

7. Un audit interne de la NSA révélé par une fuite a donné les détails de 2776 violations de règles ou de décisions judiciaires en une seule année.

8. Les hackers de la NSA ciblent les administrateurs systèmes, indépendamment du fait que ces administrateurs systèmes peuvent eux-mêmes être totalement innocents de tout acte répréhensible…

9. La NSA et la CIA ont infiltré des communautés de jeu en ligne comme World of Warcraft et Second Life pour récolter des données et mener leur surveillance.

10. Le gouvernement a détruit des preuves dans des procès pour espionnage intentés par l’EFF contre la NSA. Comble de l’ironie, le gouvernement a également prétendu que les clients de l’EFF avaient besoin de ces preuves pour établir la recevabilité de leur plainte.

11. Le directeur du renseignement national, James Clapper, a menti au Congrès lorsqu’il a été interrogé directement par le sénateur Ron Wyden pour savoir si la NSA était en train de rassembler des données de quelque nature que ce soit sur des millions d’habitants des USA.

12. Microsoft, comme d’autres sociétés, a collaboré étroitement avec le FBI afin de permettre à la NSA de « contourner le chiffrement pour avoir accès aux données des utilisateurs ».

13. Pendant la seule année 2013, le budget du renseignement était de 52,6 milliards de dollars — ce chiffre a été révélé par la fuite d’un document, et non par le gouvernement. Sur ce budget, 10,8 milliards de dollars ont été attribués à la NSA. Cela équivaut approximativement à 167 dollars par personne résidant aux Etats-Unis.

14. La Cour fédérale de la surveillance et du renseignement (Foreign Intelligence Surveillance Court) a rendu des décisions qui autorisent la NSA à partager des données brutes — non expurgées des informations permettant d’identifier les personnes — avec le FBI, la CIA et le Centre national de lutte antiterroriste (National Counterterrorism Center).

15. Conformément à un protocole d’accord (memorandum of understanding), la NSA partage régulièrement des données brutes avec Israël sans en expurger les informations personnelles permettant d’identifier les citoyens des USA.

16. Les divulgations de Snowden ont montré clairement que l’administration Obama avait induit la Cour suprême en erreur à propos de questions clés dans le procès intenté par l’ACLU à la NSA pour espionnage, Clapper v. Amnesty International, ce qui a conduit à un renvoi de l’affaire pour manque de preuves.

17. La NSA « a pénétré le système de communication interne d’Al Jazeera ». Les documents de la NSA font état de ce que « les cibles sélectionnés avaient un “fort potentiel en tant que sources de renseignement” ».

18. La NSA a utilisé des cookies soi-disant anonymes de Google comme balises de surveillance, aidant ainsi à pister les utilisateurs individuels.

19. La NSA « intercepte “des millions d’images par jour” – dont environ 55 000 “images de qualité suffisante pour la reconnaissance faciale” » et les traite avec de puissants logiciels de reconnaissance faciale.

20. Le programme de reconnaissance faciale de la NSA « peut maintenant comparer les photos des satellites d’espionnage avec les photos personnelles interceptées prises en extérieur, pour déterminer leur localisation ».

21. Bien que la réforme de la NSA se soit essentiellement focalisée sur la Section 215 du PATRIOT Act, et que la plupart des magistrats aient également poussé à réformer la Section 702 du FISA Amendments Act, certains des pires espionnages de la NSA ont été effectués conformément au décret 12333, que le président Obama pourrait abroger ou modifier dès aujourd’hui.

22. La NSA a collecté les informations de localisation des téléphones mobiles des citoyens des USA durant deux ans sous couvert d’un projet pilote ayant pour but de voir comment pourraient être analysées de telles informations dans ses énormes bases de données.

23. Au cours du seul mois de mars 2013, la NSA a rassemblé 97 milliards de renseignements en provenance de réseaux informatiques du monde entier, dont 3 milliards de renseignements des réseaux propres aux USA.

24. La NSA a ciblé Tor, un ensemble d’outils qui permet aux internautes de naviguer sur le net de manière anonyme.

25. Le programme MUSCULAR de la NSA infiltre des liens entre les data centers mondiaux des sociétés technologiques comme Google et Yahoo. De nombreuses sociétés ont répondu à MUSCULAR en chiffrant le trafic sur leur réseau interne.

27. Le programme XKEYSCORE analyse les courriers électroniques, les conversations en ligne et l’historique de navigation de millions de personnes n’importe où dans le monde.

28. À travers BULLRUN, la NSA sabote les outils de chiffrement auxquels se fient les utilisateurs ordinaires, les entreprises et les institutions financières, cibles ou non, dans un effort sans précédent visant à affaiblir la sécurité des utilisateurs d’Internet, vous y compris.

28. L’opération Dishfire a collecté 200 millions de textos par jour à travers le globe, qui peuvent être utilisés pour extraire des informations intéressantes sur vous : localisation, contacts, données de carte de crédit, appels manqués, alertes d’itinérance (qui indiquent que vous franchissez une frontière), cartes de visite électroniques, informations sur vos paiements par carte, alertes aux voyageurs, et renseignements sur vos réunions.

29. À travers l’opération CO-TRAVELER, les États-Unis collectent des informations de localisation provenant de relais de téléphonie mobile GSM, d’émetteurs Wi-Fi et de concentrateurs GPS, qui sont ensuite analysées en fonction du temps pour déterminer entre autres avec qui une cible voyage.

30. Un mémo de 2004 intitulé DEA – The “Other” Warfighter (DEA – « l’autre » combattant) montre que la NSA et la DEA « profitent d’échanges réciproques d’information ».

31. Quand la DEA agit sur les renseignements que sa division « Opérations spéciales » reçoit de la NSA, ils cachent la source de l’information à travers une « construction parallèle », une mascarade recréant une enquête imaginaire destinée à cacher la source de l’indice, non seulement au défenseur, mais à la Cour. Il s’agit de faire en sorte qu’aucun tribunal ne rende de décision sur la légalité ou la finalité de l’usage qui sont faits des données de la NSA dans les enquêtes ordinaires.

32. Le produit de la surveillance de la NSA finit régulièrement entre les mains de l’IRS (NdT : le fisc des États-Unis). Tout comme la DEA, l’IRS utilise la « construction parallèle » pour dissimuler l’origine de l’indice.

33. Même le Conseil de surveillance de la vie privée et des libertés civiles (Privacy and Civil Liberties Oversight Board), dont les membres sont triés sur le volet par le président des États-Unis, a recommandé que le gouvernement fasse cesser la collecte massive des enregistrements téléphoniques autorisée par la section 215 [NdT : du PATRIOT Act], cette collecte étant inefficace, illégale, et probablement anticonstitutionnelle.

34. La NSA a des projets pour infecter potentiellement des millions d’ordinateurs en y implantant des malwares dans le cadre du programme Tailored Access Operations (opérations d’accès personnalisé).

35. La NSA a eu un contrat secret de 10 millions de dollars avec la société de sécurité RSA pour créer une « porte dérobée » dans ses produits de chiffrement, largement utilisés par les entreprises.

36. « Dans le cadre d’une proposition visant à salir la réputation de ceux dont l’agence pense que les discours incendiaires radicalisent les autres », la NSA a surveillé leurs accès aux contenus pornographiques et rassemblé d’autres informations d’ordre explicitement sexuel.

37. La NSA et ses partenaires exploitent les applications mobiles, comme le jeu populaire Angry Birds, pour accéder à des informations privées sur les utilisateurs comme la localisation, l’adresse personnelle, le genre, et plus encore.

38. Le Washington Post a révélé que la NSA récolte « des centaines de millions de carnets d’adresses provenant de comptes personnels de courriel ou de messagerie instantanée du monde entier, dont beaucoup sont des citoyens des USA ».

Beaucoup de révélations de Snowden ont concerné les activités de la NSA à l’étranger, ainsi que les activités de certains des plus proches alliés de la NSA, comme son homologue britannique le GCHQ. Certaines de ces activités ont été des entreprises coopératives. En particulier, les « Cinq Yeux » – les États-Unis, la Nouvelle Zélande, l’Australie, le Royaume-Uni et le Canada – se communiquent mutuellement les données concernant leurs citoyens, constituant ainsi des failles susceptibles de saper la législation nationale.

39. La NSA a versé à son homologue britannique, le GCHQ, 155 millions de dollars ces trois dernières années « pour sécuriser l’accès aux programmes de collecte du renseignement britannique et les influencer ».

40. The Guardian a rapporté ceci : « Sur une période de six mois en 2008, [le GCHQ] a collecté les l’images de webcam – y compris une quantité importante de communications explicitement sexuelles – de plus d’1,8 millions de comptes utilisateurs Yahoo à l’échelle mondiale. »

41. Le GCHQ a utilisé des logiciels malveillants pour compromettre des réseaux appartenant à l’entreprise belge de télécommunications Belgacom.

42. Les principales entreprises de télécommunications, y compris BT, Vodafone, et Verizon business ont fourni au GCHQ un accès illimité à leurs câbles de fibre optique.

43. Le GCHQ a utilisé des attaques DDoS et autres méthodes pour interrompre les communications des Anonymous et de LulzSec, y compris les communications de personnes qui n’étaient accusées d’aucun délit.

44. La station Bude du GCHQ a surveillé des dirigeants de l’Union européenne, de l’Allemagne et d’Israël. Elle a également ciblé des organisations non gouvernementales comme Médecins du monde.

45. Partenaires de la NSA aux antipodes, les services de l’Australian Signals Directorate, ont été impliqués dans des violations de communications entre avocat et client couvertes par le secret professionnel, remettant en question un principe fondamental de notre système de justice pénal commun.

46. Les agents du renseignement australien ont espionné les téléphones mobiles du cabinet ministériel indonésien et du président Susilo Bambang.

47. En 2008, l’Australie a offert de partager les données brutes concernant ses citoyens avec ses partenaires du renseignement.

48. Le CSEC a aidé la NSA à espionner les dirigeants politiques durant le sommet du G20 au Canada.

49. Le CSEC et le CSIS ont été récemment réprimandés par le juge d’une cour fédérale pour l’avoir induit en erreur dans une demande de réquisition faite il y a 5 ans, à propos de l’utilisation des ressources des Cinq Yeux pour pister les Canadiens à l’étranger.

Ironie du sort, certaines opérations de la NSA ont ciblé des pays qui avaient collaboré directement avec l’agence en d’autres circonstances. Et certaines semblaient simplement non indispensables et disproportionnées.

50. Les documents de la NSA montrent que tous les gouvernements ne sont pas transparents sur leur propre niveau de coopération avec la NSA. Comme le rapporte The Intercept : « Peu de dirigeants élus ont connaissance de cet espionnage, voire aucun ».

51. La NSA intercepte, enregistre et archive chaque communication de téléphone mobile des Bahamas.

52. La NSA a surveillé les communications téléphoniques d’au moins 35 chefs d’États.

53. La NSA a espionné des diplomates français à Washington et aux Nations Unies.

54. La NSA a piraté les réseaux de l’entreprise chinoise Huawei et volé les sources de son code.

55. La NSA a posé des mouchards dans les ambassades de l’Union européenne à New York et à Washington. Elle a copié des disques durs dans les bureaux de l’UE à New York, et a mis sur écoute le réseau informatique interne des ambassades de Washington.

56. La NSA a collecté les métadonnées de plus de 45 millions d’appels téléphoniques italiens sur une période de 30 jours. Elle a également entretenu des stations de surveillance à Rome et à Milan.

57. La NSA a stocké les données d’approximativement 500  millions de connexions des systèmes de communication allemands chaque mois.

58. La NSA a collecté les données de plus de 60 millions d’appels téléphoniques espagnols sur une période de 30 jours, fin 2012 et début 2013, et a espionné des membres du gouvernement espagnol.

59. La NSA a collecté les données de plus de 70 millions d’appels téléphoniques français sur une période de 30 jours, fin 2012 et début 2013.

60. The Hindu, sur la base de documents de la NSA, a rapporté que « Sur une liste exhaustive des pays espionnés par les programmes de la NSA, l’Inde est en cinquième place. »

61. La NSA a pénétré le compte officiel de courriel de l’ancien président mexicain Felipe Calderon.

62. D’après The Guardian : « La NSA a, pendant des années, systématiquement écouté le réseau des télécommunications brésiliennes et et a intercepté, collecté et stocké sans discrimination les courriels et enregistrements téléphoniques de millions de Brésiliens ».

63. La NSA a surveillé les courriels, les appels téléphoniques et les textos de la présidente brésilienne Dilma Rousseff et de ses plus proches collaborateurs.

64. Les agences du renseignement allemand ont coopéré avec la NSA et ont implémenté le programme de la NSA XKeyscore, tandis que la NSA était en train d’espionner les dirigeants allemands.

65. Le quotidien norvégien Dagbladet a rapporté que la NSA a acquis des données sur 33 millions d’appels de téléphones mobiles norvégiens sur une période de 30 jours.

Il ne fait aucun doute que les relations internationales qu’Obama s’était engagé à restaurer, de même que la confiance du peuple des États-Unis dans le respect de sa vie privée et de ses droits constitutionnels, ont été sapées par la surveillance tous azimuts de la NSA. Mais un an après, le gouvernement des USA aussi bien que les gouvernements d’autres pays n’ont pas pris les mesures nécessaires pour faire en sorte que cette surveillance cesse. C’est pourquoi chacun doit se mobiliser – contactez votre député, rejoignez Reset the Net, et apprenez comment la loi internationale s’applique à la surveillance états-unienne aujourd’hui.

Toutes les images sous licence CC BY 2.0, par EFF, JeepersMedia et Richard Loyal French,




Geektionnerd : TrueCrypt

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Sources sur Numerama :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Intervention d’Alexis Kauffmann (Framasoft) au TEDx de Genève

Le 7 avril dernier, je participais au TEDX de Genève qui avait pour (fort joli) thème « Freedom (@ digital age) ».

Mon intervention s’intitulait « La route est longue mais la voie est libre » et, comme le veut le format TED, il s’agissait d’évoquer un parcours, une expérience, une vision inspirante, en s’exprimant à la première personne (l’exercice n’est pas évident et j’avais un sacré trac !).

Étaient entre autres également invités, Richard Stallman (dont on attend la vidéo, format TED oblige avec des slides pour la première fois de sa vie en conférence, cf un échantillon probant ci-dessous) et Tristan Nitot. J’ai par exemple particulièrement apprécié le passage de Gwenn Seemel au sujet de l’imitation dans le processus créatif (que les tenants d’un copyright dur devraient méditer).

J’en profite pour remercier Théo Bondolfi et toute son équipe pour la chaleur de l’accueil et la parfaite organisation.

Stallman - Slide - TEDxGeneva




Microsoft et l’Éducation nationale : le scandale continue…

Microsoft Académie de Paris

Le 28 mai prochain, l’académie de Paris organise sa « Journée 2014 de l’innovation et du numérique éducatif ».

Cette journée est ouverte à tout le personnel, à savoir « encadrement, formateurs, enseignants du premier et du second degrés, CPE de l’académie de Paris ». Et pour finir la journée (en beauté) : « Clôture par Monsieur le recteur de l’académie de Paris ».

Elle est ainsi présentée : « Le numérique vivifie la pédagogie, facilite l’accès au savoir et favorise le travail collaboratif. Bref, le numérique peut changer l’école. Comment alors s’y préparer ?

Faciliter l’accès au savoir et favoriser le travail collaboratif… Naïvement on pense naturellement au Libre.

Il n’en sera rien puisque cette journée se déroulera au siège de Microsoft France !!! (qui en profite au passage, dans le programme, pour y glisser sa « Classe immersive »).

Faut-il que l’académie de Paris manque à ce point de locaux pour devoir organiser cette journée chez Microsoft ? Accepterait-on que le ministère de l’Agriculture organise son colloque chez Monsanto ?

Ce n’est pas le première fois que Microsoft invite ainsi nos fonctionnaires : en 2011 Les inspecteurs de l’éducation nationale convoqués chez Microsoft, et en 2013 L’école selon Microsoft : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer l’éducation privatrice et fermée.

Nous sommes en 2014 et l’Éducation nationale baigne toujours dans une culture propriétaire. C’est bien joué de la part de Microsoft. Beaucoup moins de la part d’une institution qui s’égare une fois de plus dans sa mission de service public, au détriment de ses élèves et de nos enfants.

Edit du 22 mai : la réponse Twitter de l’académie de Paris qui évoque un « choix technique » assez peu convaincant.

Réponse Académie de Paris

Edit du 30 mai : Basta! (Les profs réfléchissent sur le numérique à l’école… chez Microsoft !) et le site de l’Humanité (Quand l’éducation nationale se fait « sponsoriser » par Microsoft (SNUipp-FSU Paris)) ont consacré un article à ce sujet.

Sources :




Réponse de la FSF à la décision de Mozilla d’accepter des DRM

La semaine dernière, l’annonce de Mozilla d’accepter les DRM dans Firefox a fait couler beaucoup d’encre sur la Toile.

Nous vous proposons ci-dessous la réponse traduite de la Free Software Foundation de Richard Stallman.

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La FSF condamne le partenariat entre Mozilla et Adobe pour le soutien aux DRM

FSF condemns partnership between Mozilla and Adobe to support Digital Restrictions Management

14 mai 2014 – Free Software Foundation
(Traduction[1] : r0u, Olivier, Julien, MonsieurTino, audionuma, marc, Teromene, goofy + anonymes)

Boston, Massachusetts, États-Unis d’Amérique – mercredi 14 mai 2014 – En réponse à l’annonce de Mozilla de soutenir – à contrecœur – les DRM dans son navigateur web Firefox, John Sullivan, le président exécutif de la Free Software Foundation, a fait le commentaire suivant :


« Une semaine seulement après la Journée Mondiale contre les DRM, Mozilla a annoncé son partenariat avec l’éditeur de logiciel propriétaire Adobe pour implémenter le support web des restrictions numériques (DRM) dans son navigateur Firefox, en utilisant les Extension de Contenus Chiffrés (Encrypted Media Extension, EME).

La Free Software Foundation est profondément déçue par l’annonce de Mozilla. La décision compromet des principes importants dans le but d’apaiser des craintes infondées de pertes de part de marché face aux autres navigateurs. Elle associe Mozilla avec une entreprise opposée au mouvement du logiciel libre et aux idéaux fondamentaux de Mozilla.

Même si Mozilla ne va pas directement embarquer le greffon propriétaire d’Adobe, le navigateur va, de façon officielle, encourager les utilisateurs de Firefox à installer le plugin d’Adobe quand une page embarquera uncontenu nécessitant l’utilisation de DRM. Nous sommes d’accord avec Cory Doctorow sur l’absence de différence significative entre « installer des DRM » et « installer du code qui installe des DRM »

Nous sommes conscients que Mozilla fait ceci à contrecœur, et nous le croyons d’autant plus qu’il s’agit de Mozilla et non de Microsoft ou Amazon. Cependant, presque tous ceux qui intègrent les DRM disent qu’ils sont forcés à le faire, et cette absence de responsabilisation permet à cette pratique de persister. Avec cette annonce, Mozilla se place malheureusement – dans ce cas – dans la même catégorie que ses concurrents propriétaires.

Contrairement à ses concurrents, Mozilla va prendre des mesures pour réduire certains des principaux défauts des DRM, en essayant d’isoler le greffon dans un « bac à sable ». Mais cette approche ne peut résoudre le problème éthique fondamental des logiciels propriétaires, ou les problèmes qui apparaissent inévitablement quand un logiciel propriétaire est installé sur un ordinateur.

Dans cette annonce, Mitchell Baker assure que Mozilla avait les mains liées. Mais juste après, elle vante la « valeur » que peut apporter Adobe et suggère qu’il existe un équilibre nécessaire entre les DRM et la liberté de l’utilisateur.

Il n’y a rien de nécessaire dans les DRM, et entendre Mozilla faire l’éloge d’Adobe – l’entreprise qui a été et continue d’être une opposante farouche au logiciel libre et à l’Internet libre – est choquant. Avec la mise en place de ce partenariat, nous nous inquiétons de la capacité et de la volonté de Mozilla à critiquer les pratiques d’Adobe dans le futur.

Nous comprenons que Mozilla craigne de perdre des utilisateurs. Cory Doctorow souligne qu’ils n’ont pas apporté de preuves qui confirmeraient cette crainte ni fait de véritable examen de cette situation. Plus important encore, la popularité n’est pas une fin en soi. Cela est particulièrement vrai pour la Fondation Mozilla, une organisation à but non lucratif avec une mission éthique. Dans le passé, Mozilla s’est distingué et a connu le succès en protégeant la liberté de ses utilisateurs et en expliquant l’importance de cette liberté : en publiant le code source de Firefox, en autorisant des tiers à le modifier, et en respectant les standards du Web face aux tentatives d’imposer des technologies propriétaires.

La décision prise aujourd’hui renverse la situation, en allouant les ressources de Mozilla pour livrer ses utilisateurs à Adobe et à des distributeurs de médias hostiles. Dans ce processus, Firefox perd son identité, qui le différenciait de ses compétiteurs propriétaires – Internet Explorer et Chrome – qui tous deux implémentent EME d’une manière bien pire.

Évidemment, un certain nombre d’utilisateurs veulent uniquement et simplement que les médias avec restrictions comme ceux de Netflix fonctionnent dans Firefox, et ils seront irrités si ce n’est pas le cas. Ce n’est pas surprenant étant donné que la majeure partie du monde n’est pas familière des problèmes éthiques qui entourent le logiciel propriétaire. Ce débat a été et reste une occasion unique de présenter ces concepts aux utilisateurs et de les inviter à s’unir pour adopter certaines décisions difficiles.

Voir Mozilla se compromettre sans faire publiquement l’effort de rallier les utilisateurs contre ce supposé « choix forcé » est doublement décevant. Ils devraient revenir sur cette décision. Mais qu’ils le fassent ou non, nous les appelons à se joindre à nous en allouant autant de leurs ressources pour éliminer définitivement les DRM qu’ils en utilisent à l’heure actuelle pour les soutenir. La FSF aura d’autres déclarations et actions à faire sur ce sujet dans les jours à venir. Pour le moment, les utilisateurs qui se sentent concernés par ce problème sont invités à :



  • Rejoindre notre effort pour empêcher l’approbation de l’EME au W3C. Tandis que l’annonce d’aujourd’hui rend évident le fait qu’un rejet par le W3C de l’EME ne va pas empêcher son implémentation, elle clarifie aussi le fait que le W3C peut rejeter l’EME sans crainte, de façon à envoyer le message que les DRM ne font pas partie de notre vision d’un Web libre.
  • Utiliser une version de Firefox qui ne contient pas le code EME : comme son code source est disponible sous une licence qui permet à qui le veut de le modifier et de le distribuer sous un autre nom, nous nous attendons à ce que des versions sans EME soient mises à disposition, et vous devriez plutôt utiliser celles-ci. Nous les listerons dans le répertoire des logiciels libres.
  • Faire un don pour soutenir le travail de la Free Software Foundation et notre campagne Defective by Design pour mettre un terme aux DRM. Jusqu’à ce qu’elles soient complètement supprimées, Mozilla et d’autres seront constamment tentées de capituler, et les utilisateurs seront forcés de continuer à utiliser des systèmes propriétaires. Même si ce n’est pas pour nous, donnez à un autre groupe luttant contre les restrictions numériques. »

Notes

[1] Une traduction proposée en direct live de l’atelier « La tête dans les nuages ? » lors de Vosges Opération Libre.




Fin du support XP, un collège espagnol migre vers Ubuntu

Migrer vers Ubuntu pour un utilisateur habitué à Windows est aujourd’hui une opération relativement aisée, en particulier parce que l’on bénéficie de l’aide de la communauté à chaque étape (n’hésitez pas à rejoindre l’Ubuntu party à la Villette et des évènements libristes partout en France). Cependant, le seul fait de changer d’habitudes demeure un peu délicat et demande un temps d’adaptation à chacun. Imaginez ce que doivent être ces petites difficultés lorsque une communauté scolaire entière franchit le pas : institution, enseignants, élèves, matériels… autant d’écueils sur la voie Libre qu’un collège espagnol est en train de franchir, grâce à un activiste convaincu et passionné.

Choisir la migration c’est d’abord lutter contre une inertie de l’institution, plus prompte à conclure des contrats léonins avec Microsoft qu’à s’embarrasser de scrupules. C’est aussi s’efforcer d’échapper à une alternative pénible : être soumis à l’obligation de payer de coûteuses licences ou inviter les utilisateurs à l’illégalité en les piratant plus ou moins discrètement.

Les conditions de cette migration, telles qu’évoquées dans l’article ci-dessous, sont probablement tout à fait similaires de notre côté des Pyrénées. N’hésitez pas à nous livrer votre expérience, nous le publierons ici en commentaire ou pourquoi pas sous forme d’un autre témoignage : faire connaître les difficultés et les réussites est aussi un bon moyen d’avancer sur la voie du Libre.

Interview : migration d’un collège de Windows XP à Ubuntu

Source : Entrevista: Migración de un colegio desde Windows XP a Ubuntu

Traduction Framespagnol : Diab, TV, rou, Omegax + anonymes [rejoindre ce groupe de traduction]

La fin du support de Windows XP met certaines institutions informatiques et leur système informatique face à un vrai dilemme. Un système éducatif à l’avant-garde se doit de passer à Ubuntu.

Fernando Lanero, pour ceux qui ne le connaissent pas, est professeur et responsable TIC du collège des Augustins à León (España). Un activiste du logiciel libre qui s’est attelé à la migration d’un collège de 1200 élèves vers le système d’exploitation Ubuntu. Je vais discuter avec lui pour qu’il nous raconte de première main où en est cette intéressante eXPérience, dont les enjeux sont multiples.

Marcos Costales : Bonjour Fernando. Comment vas-tu ? Raconte-nous comment tu as débuté dans le petit monde de l’informatique et quand est née ta prise de conscience pour les logiciels libres et plus particulièrement pour Ubuntu…

Fernando Lanero : Bonjour ! Alors, j’ai commencé dans le monde passionnant de l’informatique avec un ordinateur 8086 que m’ont acheté mes parents en CM1 pour avoir réussi tous mes examens. C’était un Olivetti qui devait avoir 16Ko de RAM, un disque dur de 20Mo, un écran monochrome vert fourni avec MS-DOS que j’ai supprimé moins d’un mois après sans le faire exprès (del *.* dans le répertoire racine, tu vois ce que je veux dire). À partir de là j’ai eu des amis avec des ordinateurs et je suis devenu accro, vous imaginez facilement combien d’heures j’y ai passé.

En ce qui concerne le logiciel libre j’ai commencé en 1997 ou 1998. Années où il y eu un boom pour Linux, avec une grande quantité de revues qui incluaient un CD avec des distributions. Là, j’avais un pentium cadencé à 120 Mhz. Mes tentatives d’installation furent un désastre complet, j’étais encore à l’école, il n’y avait pas internet et tout ce que je pouvais faire était de lire et relire la revue et essayer d’en tirer quelque chose qui tienne debout. Mes débuts en ligne de commande, bien que je vienne de MSDOS, furent aussi un désastre complet. Au final, oui, j’ai pu en installer une, je serais maintenant incapable de te dire laquelle. Probablement Slackware ou Fedora.

Ensuite je l’ai abandonnée et suis retourné du côté obscur avec Microsoft et son Windows 98. Dix ans plus tard, aux alentours de 2007, je suis revenu à Linux par le biais de Ubuntu, grâce aux bonnes indications et commentaires de Ricardo Chao, professeur et camarade de classe et grand ami.

Vous avez déjà commencé la migration ?

Pas encore, nous allons attendre la version définitive d’Ubuntu 14.04. Nous faisons actuellement des tests, au départ avec les versions alphas et maintenant avec les bêtas.

Quel système d’exploitation utilisez-vous actuellement et pourquoi avez-vous décidé d’en changer ?

Au collège tous les ordinateurs sont actuellement équipés de Windows, 90% sont sous Windows XP et les plus récents tournent sous Windows 7. Celui du Directeur est sous Windows 8 car c’est le dernier qui ait été acheté. La raison pour laquelle ce logiciel est utilisé est uniquement due au fait qu’il était pré-installé.

De combien d’ordinateurs parlons-nous et quelles sont leurs caractéristiques ?

Il y a deux ordinateurs, ceux du Secrétariat, que nous ne migrerons pas pour des raisons administratives mais nous allons migrer les 98 ordinateurs restants. En réalité, de mon point de vue, c’est un nombre de machines considérable vu qu’il s’agit d’un environnement comme la province de León, une région dépourvue de grandes entreprises technologiques de pointe.

A quoi servent ces 98 ordinateurs ?

Ils sont utilisés pour des activités pédagogiques en classe, pour l’usage des professeurs lors de projections vidéos, de tableaux numériques, pour le dessin technique etc. Il y a également 60 ordinateurs répartis entre la salle informatique et les salles de langues.

Quels programmes utilisez-vous aujourd’hui avec les élèves? As-tu une idée approximative du coût de ces programmes pour le centre?

Le programme phare est Microsoft Office sans aucun doute. Et nous devons renouveler les licences de cette suite logicielle chaque année, comme un loyer. Le coût annuel de renouvellement des suites Office avoisine les 3000€ à 4000€ pour l’ensemble des ordinateurs.

Crois-tu que les élèves puissent utiliser ces programmes chez eux en payant eux-mêmes leur licence ?

C’est bien le problème. Ça c’est le piège du logiciel privatif. Dans tes cours tu enseignes avec le logiciel dont tu as besoin pour ton activité d’enseignement. Mais que se passe-t-il ? Si tu enseignes à l’élève à travailler avec un programme privatif, au jeune tu lui apprends à maîtriser ce programme, et ce que tu fais c’est que tu crées un utilisateur de ce programme pour le compte de cette entreprise (car il devient un client potentiel). la contrepartie logique de ce processus c’est que tu risques de l’inciter à pirater ce programme et du coup, à aller à l’encontre de la loi lorsqu’elle ne lui convient pas (tu en fais un délinquant potentiel). Il n’y a pas d’alternative possible à ces deux options avec le logiciel privatif.

classe avec ordis

Tu formes des consommateurs pour une multinationale ou des pirates informatiques, en apprenant aux élèves à enfreindre les lois lorsqu’elles ne conviennent pas. C’est le plus gros danger. Les gens se plaignent en Espagne de cette culture de la tricherie ou du vol dans notre société. Et c’est pourtant ce qui se fait dans de nombreuses écoles, enseigner à tricher de manière indirecte à travers les logiciels privatifs. Si par exemple tu enseignes Photoshop, le centre dispose d’une licence achetée, parfait. Mais, l’élève va-t-il acheter le programme pour faire ses devoirs à la maison ? Impossible ! Et que va-t-il se passer ? Ou tu le lui passes sous la table ou tu l’encourages à aller le télécharger avec un crack. Tu es déjà en train de créer des délinquants, parce que tu les incites à outrepasser la loi.

As-tu vérifié s’il existe des logiciels libres susceptibles de remplacer les logiciels privateurs que vous utilisez actuellement ?

À 100%. Pour Photoshop et MS Office nous pouvons passer à Gimp et LibreOffice sans problème. Nous avons aussi commencé à entrer en contact avec les éditeurs. Maintenant tous les manuels scolaires sont accompagnés d’un logiciel de soutien pour les classes numériques. Ainsi tu travailles avec les élèves de la classe de manière interactive, surtout avec les manuels de langues, d’histoire, dans les cycles maternelle et primaire. Que se passe-t-il ? Elles ont toutes un logiciel pour Windows, mais aucun pour Linux. En discutant avec eux, je leur ai expliqué que nous allions migrer sous Linux et que si leur logiciel ne fonctionnait pas sous Linux nous changerions les manuels scolaires pour d’autres qui nous faciliteraient leur utilisation ou simplement qui disposeraient de logiciels multi-plateformes. Ou ils se démènent pour que leurs produits fonctionnent sous Linux ou nous chercherons des alternatives.

As-tu détecté d’autres problèmes d’utilisation de Windows XP à part le coût des licences ?

Oui, le principal problème de la migration est l’administration de Castilla León. Que se passe-t-il ? Le conseil de Communauté autonome a signé en 2011 un accord avec Microsoft pour utiliser leurs logiciels pendant 5 ans (bien entendu sans appel d’offres d’aucune sorte). La nouvelle a été publiée par les médias, la directrice de Microsoft Iberia est venu, il y a eu une réunion avec Bill Gates…

Le problème de cet accord est que toutes les applications web qui sont développées doivent fonctionner avec des logiciels de Microsoft et sont uniquement accessibles avec Internet Explorer. Ce qui est un énorme problème ; c’est notre principal inconvénient et la raison pour laquelle nous ne migrons pas les deux ordinateurs du secrétariat, parce que c’est notre seule manière de communiquer avec le conseil de communauté autonome : via Internet Explorer, lequel ne fonctionne bien entendu que sur les systèmes Windows.

Quand tu as envisagé la migration suite à l’obsolescence de Windows XP, je suppose que tu as envisagé la possibilité de passer au système d’exploitation Windows 8. As-tu subi un quelconque type de pression de la part du collège ou du conseil pour que, parmi les différentes alternatives envisagées, tu optes pour Windows 8 ? La question vaut aussi pour Windows 7.

Le processus de migration s’est décidé lors de l’annonce de la fin du support et des mises à jour de Windows XP de la part de Microsoft pour cause d’obsolescence. Au collège le principal problème au niveau de la sécurité concerne la transmission des malwares via des dispositifs amovibles de stockage, parce que les gens fonctionnent principalement avec des clefs USB pour le transfert de documents, c’est un authentique incubateur de virus. Il y a quelques années nous avons eu un grave problème dû à un malware qui se transmettait par les clés USB et qui avait échappé aux mailles de l’antivirus de notre collège ; ça a été la folie jusqu’à ce que nous arrivions à tout éradiquer.

Je n’ai pas subi de pression, j’ai eu beaucoup de liberté et en me demandant quelle direction prendre face au problème qui se présentait à nous, je leur ai dit qu’on ne pouvait plus continuer avec XP. Mon premier choix a été de changer pour Windows 7 qui fonctionnait bien, ils m’ont donné leur accord et nous avons demandé un devis. La surprise a été que Windows 7 avait déjà été supprimé du catalogue et que Microsoft ne fournissait déjà plus de licences pour ce logiciel.

On ne peut déjà plus l’acheter ?

Tu ne peux plus l’acheter, Windows 7 n’est plus en vente. Et bien sûr en version piratée tu ne peux pas l’installer pour toutes les raisons que j’ai citées précédemment, au delà des questions légales. Nous avons donc demandé au fournisseur un devis pour la migration vers Windows 8, qui s’est avéré complètement hors de prix : environs 12.000€ pour changer toutes les licences, c’est à dire la moitié du budget du collège pour toute l’année scolaire. C’est ingérable pour un centre éducatif. Et ce prix inclut la remise de 50% pour l’éducation.

L’interface en mosaïque proposée par Windows 8 avec Métro n’est pas non plus adéquate pour un environnement d’enseignement. L’interface avec laquelle tu travailles qui te met la météo de la région de León, l’horoscope et les dernières nouvelles. Cela n’a aucun sens au sein d’une classe. Windows 8 pour l’éducation n’est absolument pas viable selon moi. Il ne me paraît pas utile. De plus les ordinateurs n’ont pas la capacité de faire tourner cette version de manière fluide et en ajoutant la mise à jour du matériel pour migrer avec succès aux nouvelles versions de Windows 8, le budget aurait pu tranquillement monter à 25.000€. Le collège était disposé à le financer si nous n’avions aucun autre recours et c’est là que je leur ai proposé de passer au logiciel libre.

Combien coûte une seule licence Windows 8 pour le collège ? Il pratiquent des remises?

120 € avec la remise de 50% pour l’éducation. Incroyable.

Beaucoup d’administrations d’Espagne appuient et promeuvent le logiciel libre, tu connais la position du conseil de la communauté autonome de Castilla León à ce sujet ? ” Le conseil appuie le logiciel libre à 0 %. Ils ne veulent rien savoir là-dessus. Nous sommes David contre deux Goliath : le conseil de Castilla León et Microsoft.

Quelles autres alternatives as-tu étudiées pour la migration ?

Au vu du matériel, j’ai aussi testé Xubuntu et Lubuntu. Lors de la publication par Canonical de la première version Alpha de Ubuntu 14.04, je l’ai essayé sur l’ordinateur le plus ancien, Unity étais complètement fluide alors j’ai installé Ubuntu 14.04 sur les autres.

Quel est le plus gros avantage d’utiliser Ubuntu au collège ? Pourquoi Ubuntu et pas d’autres distributions ?

Le plus grand avantage c’est que dans le collège toute la communauté associe déjà le logiciel libre à Ubuntu, tous connaissent Ubuntu et en ont entendu parler à un moment ces dernières années.

L’autre grand avantage est le support de pilotes que propose Ubuntu. J’ai essayé beaucoup de distributions et aucune ne propose un support aussi important. Pour une centaine d’ordinateurs de configurations matérielles diverses on ne voulait pas avoir de problème avec le fonctionnement de la carte graphique, de la carte audio, de la connexion réseau… Nous avions besoin d’une distribution qui fonctionne à 100% dès le début sur tous les ordinateurs.

As-tu rencontré un problème concret pour choisir Ubuntu ?

Oui, les gens. Les gens sont réticents à changer pour Linux. Ils sont réticents à changer en général. « Et ça comment ça va m’affecter ? » Je leur réponds que ça ne va pas fondamentalement les affecter, qu’ils vont pouvoir continuer à effectuer leurs tâches de la même façon, voire de façon plus efficace. La suite bureautique LibreOffice peut leur donner quelques problèmes parce que tout le monde fonctionne avec Microsoft Office et lors de l’import de documents des dernières versions l’apparence change et ça les rends fous. Mais ça ne me préoccupe pas beaucoup, nous avons un bon support au collège !

un libriste espagnol qui migre son collège vers ubuntu

Quel sera le coût économique de migrer vers Ubuntu ? Vous avez envisagé de payer le support officiel de Canonical ? Pourquoi ?

Pour le moment nous ne pensons pas payer le support officiel, même si cela pourrait être une bonne option. Le coût réel est de 0€, vu que nous allons l’installer nous-mêmes.

100 ordinateurs représentent beaucoup d’équipements. Auront-ils tous la même configuration ? Comment allez-vous faire ?

Nous allons faire une ISO spécifique pour le collège en unifiant certaines choses. Pour ceux qui sont sur le même réseau, nous les installeront par le réseau… et ceux qui ne le sont pas, nous les installerons un par un.

Combien de temps va prendre la migration ?

Environ 2 mois.

Avez-vous des problèmes de pilotes avec les tableaux numériques interactifs ?

Oui, nous avons des problèmes, mais Hitachi nous donne le code source et c’est beaucoup plus simple. Il y a un groupe d’un autre collège de Barcelone emmené par Francisco Javier Teruelo qui nous aide beaucoup sur ce sujet avec l’idée finale de créer un paquet d’installation pour tout automatiser.

En plus du gain économique, que gagneront le corps professoral, les élèves et les parents avec Ubuntu? Y a-t-il un avantage par rapport à l’utilisation de Windows 8 ?

Ce qu’ils vont gagner c’est la tranquillité à 100%, surtout en supprimant tous les malwares qui pullulaient, ce qui au collège devient une véritable paranoïa. La conversation typique du collège ressemble à ceci :

— Tous les ordinateurs sont remplis de virus. — mmmh attends, avec ton ordinateur à la maison, depuis combien de temps tu n’as pas actualisé l’antivirus ? — Je ne sais pas. J’ai acheté l’ordinateur et l’antivirus était livré avec, je n’y ai plus jamais touché. — Et il a quel âge ? — Six ans — Ok, donc d’où viennent tous les virus du collège ? De ton ordinateur.

Au collège nous avons un antivirus totalement actualisé et même comme ça nous avons le problème dont je te parlais de contagion par USB.

Plus d’avantages ? La rapidité du réseau. Suite à la récente migration à la fibre optique et la configuration du réseau en Gigabit, tout va être beaucoup plus rapide et encore plus avec Linux. Parce que sincèrement, je ne sais pas ce que fait Windows, mais il ralentit n’importe quel réseau de 10% à 15% en comparaison d’un réseau fonctionnant avec Linux. Ou alors la NSA nous espionne…

On nous a dit que les professeurs étaient un peu réfractaires au changement, les élèves aussi ?

Les élèves sont intéressés. Les enfants sont curieux par nature. Parmi eux il y a une culture pro-Linux. Au fil des ans j’ai réussi à faire germer l’idée que Linux « déchire », qu’il est utilisé par les gens qui ont un réel intérêt pour l’apprentissage et la connaissance du fonctionnement réel des choses et les jeunes sont très attirés par cette idée. Ils ne sont en rien réfractaires au changement. Ils recherchent la nouveauté et le changement.

On dirait que l’initiative citoyenne a des années-lumière d’avance sur l’administration, surtout en lisant des nouvelles qui disent que l’Administration migrera vers Windows 8 sans appel d’offre. Que dirais-tu à tous ceux qui disent qu’une migration vers Ubuntu est complexe, aussi onéreuse que vers Windows 8, non viable ou mille autres boniments ?

Boniment, tu l’as dit. La phrase exacte est « boniments vendus par la propagande des grandes multinationales ». Ces circonstances que tu viens de citer c’est ce que te vend Microsoft, qui a fait une publicité subliminale impressionnante pour te faire voir que ce qui est bien c’est Windows. Windows m’a apporté mille problèmes pendant des années sur les ordinateurs du collège avec son manque de support pour les vieilles cartes ATI. Avec Linux, tu as beaucoup plus de compatibilité sur du vieux matériel. Tout est plus simple.

En ce qui concerne le coût, qu’ils ne viennent pas nous en parler. Nous sommes passé de 12.000€ à 0€. Parce que nous l’installons nous-mêmes, et si nous ne l’avions pas installé il aurait fallu faire appel à une société pour l’installation, mais celle-ci ne nous aurait pas facturé 12 000€ pour l’installation, loin de là.

S’il avait fallu employer une entreprise ça aurait également créé de l’emploi local.

Tout à fait. Beaucoup mieux. Tu aurais des gens qui travaillent dans ton entourage et pas qui touchent des aides par manque d’emploi.

La fin du support a-t-elle servi à se demander quelles seront les prochaines technologies qui seront utilisées, avec l’objectif d’être plus ouvertes et moins dépendantes d’une société en particulier ?

C’est sûr. Tout est bon pour envisager d’autres alternatives technologiques. Un article dans le Quotidien de León sur cette migration a suscité beaucoup d’intérêt dans notre entourage. Voir qu’il existe d’autres alternatives. Bien supérieures et avec une philosophie ouverte du partage d’égal à égal. Linux a commencé à s’associer à l’avant-garde… grâce au travail de toute la communauté. Android a aussi fait beaucoup de bien à Linux. Bien que ce ne soit pas une alternative 100% libre, les gens entendent parler de LINUX. Leur téléphone fonctionne très bien et ça c’est bien !

Quand j’étais petit, il y avait un ordinateur par foyer, avec de la chance. J’avais une vraie passion pour les films comme WarGames, Internet n’existait pas et je lisais avec ferveur les peu de revues qui racontaient comment les vrais hackers volaient du temps de travail pour programmer les gros ordinateurs de leurs universités… Maintenant nous avons facilement 2 ordinateurs par personne, une tonne de documentation, un accès bien plus facile à la technologie… Les vrais natifs numériques sont les élèves d’aujourd’hui… Ont-ils cet intérêt que nous avions dans le temps pour l’informatique ? Tu les crois passionnés par Ubuntu ? Ils l’utilisent chez eux ?__

Oui. C’est vrai que maintenant beaucoup plus de gens se servent de l’informatique et c’est beaucoup plus accessible, mais le niveau d’utilisation est plus superficiel. Quand nous étions petits nous approfondissions beaucoup plus, je me souviens que j’avais un manuel de 300 pages sur MS-DOS avec les commandes et je l’étudiais parce que j’adorais ça. Maintenant c’est impensable. La majorité des enfants utilisent surtout les réseaux sociaux, il ne s’agit pas de l’intérêt pour l’informatique en soi que nous avions. C’est un intérêt focalisé sur les applications. Je dois reconnaître qu’avec le 8086 je jouais à Monkey Island, mais si tu avais un problème avec le son tu devais te débrouiller pour trouver ce qu’il se passait. Maintenant si quelque chose ne fonctionne pas, ils changent d’appareil.

Disons qu’avant ils étaient là par choix et qu’aujourd’hui ils sont là par obligation…

Aujourd’hui c’est parce qu’ils l’ont et comme ils l’ont, ils l’utilisent. Nous avons un peu perdu l’esprit des « pionniers » que nous avons connu.

J’ai pourtant vérifié in situ avec le Linux & Tapas à León où beaucoup de tes élèves sont venus, qu’ils ont une réelle passion pour le logiciel libre…

Oui, c’est vrai qu’à eux autant qu’à d’autres j’ai toujours essayé de montrer les bienfaits de l’utilisation de systèmes libres… de leur faire voir que la voie, c’est le partage avec les autres, l’entraide. La philosophie Ubuntu dans un système éducatif est fondamental. A la fin de l’année scolaire, j’ai toujours une dizaine d’élèves qui l’installent pour leur propre compte, autant que je sache.

Merci beaucoup Fernando d’avoir partagé avec nous cette expérience et bonne chance pour la migration.

Article sous licence Creative Commons CC BY-SA 3.0




Vers un espace numérique libre ? Une lecture philosophique de Véronique Bonnet

Le 19 avril dernier Véronique Bonnet était à Bar-le-Duc pour y donner une conférence à la Médiathèque Jean Jeukens intitulée : « Vers un espace numérique libre ? Une lecture philosophique. »

L’espace numérique qui s’édifie est-il le digne héritier des idéaux des Lumières, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, notamment de son article 11, et de la Déclaration Universelle des droits de l’homme ?

La devise des Lumières, « ose savoir », peut-elle s’accomplir plus que jamais, dans nos pratiques informatiques très ostensiblement émancipatrices, portails numériques, écritures échangées, confrontées,et collaboratives, exercices qui forment tant le citoyen que le citoyen du monde ?

L’affaire Snowden appelle à une vigilance analogue à celle que préconisait Kant, attentif dans Qu’est-ce que les Lumières ? à la ruse de certains despotes éclairés. Ceux-ci prétendaient que leurs peuples n’était pas mûrs pour la liberté pour les placer sous surveillance, les infantiliser, en vue de les assujettir encore davantage, sous prétexte de les préparer à devenir majeurs.

Depuis trente ans, l’éthique du free software, mouvement initié par Richard Matthew Stallman, invite à une prise en mains effectivement autonome, par chacun, de son informatique. Pour déjouer les dispositifs privateurs et aller, sans ambiguïté ni spoliation, vers un authentique espace numérique libre.

Voir aussi sur le Framablog : Richard Stallman, Rousseau et Kant

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Captation vidéo réalisée par la Médiathèque Jean Jeukens, le 19 avril 2014, sous licence Creative Commons By-SA.