Ils tenteront de nous pourrir l’impression 3D avec leurs DRM

Nous sommes en 2023. Vous cassez malencontreusement une assiette. Vous allez tout naturellement chercher son fichier numérique sur le Net pour en créer une nouvelle sur votre imprimante 3D, en la modifiant éventuellement au passage pour l’adapter à vos besoins. Mais deux minutes plus tard la Police du Copyright sonne à votre porte et vous embarque en flagrant délit d’effraction de propriété intellectuelle et contournement de mesure de protection…

En mai 2011 nous publiions une longue et riche traduction : L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air !.

Nous y sommes désormais. Et ils vont chercher à bloquer le système et le partage tout comme ils ont cherché (et partiellement réussi) à le faire avec le logiciel, la musique ou le cinéma.

Sauf qu’ici nous avons déjà nos propres imprimantes, logiciels et formats libres et ouverts. En se débrouillant un peu, et luttant beaucoup, on devrait pouvoir s’épargner un nouveau Napster ou Megaupload de l’impression 3D.

FdeComite - CC by

Comment les DRM vont infester la révolution de l’impression 3D

How DRM will infest the 3D printing revolution

Ryan Whitwam – 16 octobre 2012 – ExtremeTech.com
(Traduction : Kurze, Dryt, Gatitac, goofy, Sylvain, Kiwileaks)

Alors que vous étiez tout occupés à vous exciter et à déclarer que l’impression 3D est le début d’une nouvelle époque, une nouvelle loi sur les brevets s’apprête à pourrir l’ambiance.

En effet, Nathan Myhrvold, ancien DSI chez Microsoft et fondateur d’Intellectual Ventures, société détentrice de nombreux brevets, a réussi à obtenir un brevet étendu sur les DRM de l’impression 3D. Cette révolution de l’impression 3D que nous avons tant espérée s’en trouve tout d’un coup fort contrariée.

Le système envisagé par Myhrvold sera utilisé afin d’empêcher les utilisateurs d’imprimante 3D de violer les « droits de production des objets ». Pour utiliser son imprimante il faut d’abord la charger avec le fichier numérique de l’objet à imprimer. Or ici, avant qu’une quelconque impression ne soit lancée, on va vous obliger à vous connecter à un serveur distant qui vérifiera que vous avez l’autorisation d’imprimer cet objet. Si cela vous semble familier c’est parce que c’est ce qui était arrivé à la musique en son temps dans le sillage de Napster.

La loi sur le droit d’auteur est une grosse machine compliquée et elle n’est pas applicable traditionnellement aux objets. Cependant, un nouvel appareil, une invention ou une nouvelle conception peuvent être brevetés. C’est justement ainsi que ceux d’Intellectual Ventures gagnent de l’argent et c’est probablement la raison pour laquelle ils sont intéressés par ce genre de DRM. L’entreprise acquiert les brevets sur différentes technologies et inventions, se construit ainsi son petit portefeuille, et ensuite elle poursuit tous ceux qui pourraient être en infraction. C’est cela qui a conduit de nombreuses personnes à surnommer ces sociétés des « troll à brevets » (NdT : Patent Troll), et elles ont probablement raison.

Alors comment passe t-on de la situation actuelle à une sorte de dystopie où votre imprimante vous dénonce à la police du copyright ? Il y aura, je pense, deux forces négatives qui nous pousseront dans ce sens.

La première est le risque d’amalgame avec le P2P (échange de fichier peer-to-peer). Plus les imprimantes gagneront en précision, plus les entreprises qui vous vendent ces imprimantes seront comparées à celles qui proposent les logiciels de peer-to-peer. Voilà le premier casse-tête légal auquel ces entreprises devront faire face. Nombreux sont les auteurs de ces applications de partage de fichiers qui ont fini devant les tribunaux et je ne serais pas surpris que quelque chose de similaire arrive un jour ou l’autre aux constructeurs de type MakerBot.

La seconde force qui va s’opposer au développement de l’impression 3D est un peu plus inquiétante. Il y a déjà des gens qui étudient la faisabilité de l’impression de composants d’armes à feu. Ce n’est peut-être pas encore faisable pour le moment, mais ça le sera un jour. Avant que cela n’arrive, des armes plus simples comme des « poings américains » réalisés avec du plastique super résistant vont être susceptibles de poser des problèmes aux gouvernements des pays où ces objets sont illégaux. Les lois sur les armes ne sont pas celles de la propriété intellectuelle mais elles nous amèneront au même point : la restriction de l’usage de l’impression 3D. Les lobbies de copyright pourraient s’appuyer et s’appuieront sur ce problème pour justifier un contrôle plus général.

Les vendeurs d’imprimantes 3D ne seront probablement pas obligés directement par la loi de mettre en place des restrictions, mais le déluge de poursuites pour des armes et des objets brevetés imprimés pourrait les pousser à le faire. Même Google n’a pas eu d’autre choix que de mettre en place des algorithmes sévères de détection automatisée de contenus sous droits d’auteur sur Youtube pour limiter sa responsabilité. Nous avons cependant vu ce système automatisé échouer maintes et maintes fois.

Chaque système de DRM implémenté jusqu’à aujourd’hui a été piraté d’une façon ou d’une autre. C’est vraiment une mauvaise blague pour l’utilisateur moyen : les DRM les bride dans leur vie numérique. Les autres, plus calés, contourneront les règles et pourront imprimer tous les objets brevetés qu’ils voudront. Les DRM ne résoudront véritablement aucun problème. Ils ne le font jamais. Mais ce sera peut-être un élément inévitable de l’avenir de l’impression 3D.

Crédit photo : FdeComite (Creative Commons By)




Complexité de la clause Non Commerciale des Creative Commons : preuve par l’exemple

Ce n’est pas ubuesque mais presque !

On nous le reproche souvent, nous sommes de ceux qui ne considèrent pas comme « libres » les licences Creative Commons possédant la clause Pas d’Utilisation Commerciale NC. Nous préférons alors parler de licences « ouvertes ».

Apposer cette clause Pas d’Utilisation Commerciale à votre œuvre stipule que l’utilisateur n’aura « pas le droit d’utiliser cette œuvre à des fins commerciales » (sans vous en demander au préalable votre autorisation).

Le problème c’est qu’il est fort difficile de définir réellement et pratiquement les contours de ce qui est ou n’est pas commercial, ce qui entrave du même coup le partage et la libre circulation de l’œuvre. La preuve avec les nombreux exemples proposés ci-dessous par Evan Prodromou (Wikitravel, Identi.ca…) sur une liste de discussion des Creative Commons.

Réfléchissez-y à deux fois en choisissant cette clause pour votre propre œuvre parce que vous ne voulez pas que « d’autres se fassent de l’argent sur votre dos »…

Remarque : Cette traduction a été donnée sur grand écran en direct livre de l’Open Word Forum samedi 13 octobre dernier. C’était fascinant de voir virevolter les couleurs des participants sur notre Framapad !

Tax Credits - CC by-sa

Cas d’utilisation de la clause Pas d’Utilisation Commerciale de la licence Creative Commons

Use cases for NonCommercial license clause

Evan Prodromou – 19 avril 2012 – Liste de discussion Creative Commons
(Traduction : JonathanMM, KoS, Pascal, Barbidule, L’gugus, Evpok, aKa, mandourin, TheophrasteL, Cyrille, audece, Franck, Ypll, feedoo)

Je pense qu’il pourrait être utile d’obtenir des réponses de ceux qui s’occupent des licences Creative Commons au sujet d’un certain nombre d’usages plus ou moins « commerciaux ». Voici donc une liste d’exemples dont j’ai cherché à déterminer si oui ou non ils respectaient la clause non commerciale NC. J’ai exprimé mon opinion entre parenthèses en fin de phrase.

(Je suppose ici que l’on respecte les autres dispositions, dont l’attribution BY et la notification de la licence.)

  • Un éditeur télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur internet, en fait un tirage de 100 000 exemplaires et le vend en librairies dans le pays. (Non)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le lit. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante, et lit le document imprimé. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’envoie par courriel à un ami. (Oui)

  • … et le partage avec le monde sur son site web. (Oui)
  • … et le partage avec le monde via un réseau P2P. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante et le donne à un ami. (Oui)
  • …et laisse son ami utiliser son imprimante et son ordinateur pour l’imprimer lui-même. (?)
  • … et envoie la copie imprimée à un ami en facturant au prix coûtant correspondant au prix des frais (papier, encre, électricité…). (?)
  • … et vend la version imprimée à un ami pour le prix des frais et du temps correspondant à la recherche et à l’impression du livre. (?)
  • … et vend la copie imprimée à un ami au prix des frais, plus son temps passé à trouver et à imprimer le livre, plus 10% de bénéfice. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un autre livre imprimé. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un grille-pain. (?)

  • Une personne télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’imprime sur son imprimante. Elle en réalise elle-même des photocopies près de chez elle, qu’elle donne à une amie. (Oui)
  • … et paie le personnel de la boutique pour en avoir une copie, qu’elle donne à son amie. (Oui)
  • … et paie le personnel du commerce pour en faire 100 copies pour elle, qu’elle donnera à ses amis et sa famille. (Oui)
  • Une boutique de reprographie possède un ordinateur à l’accueil. On peut naviguer parmi les livres sous licence CC qu’on aime sur cet ordinateur puis payer le personnel pour réaliser une impression d’un ou plusieurs d’entre eux pour soi. (Non)
  • Une boutique de reprographie possède un site web. Vous pouvez feuilleter les livres que vous voulez sur ledit site et ensuite, remplir un formulaire en ligne pour commander le livre que vous souhaitez acquérir. Le site vous enverra une copie. (Non)
  • Une boutique de reprographie télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 et le reproduit en 100 exemplaires qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en acheter un à la caisse. (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre autant que vous le souhaitez. (Non ?)
  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Sur la couverture, il est écrit : « Avec la permission de la boutique Trucmuche » (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre un gratuitement, pour tout achat de 10$ ou plus. (Non ?)
  • … dont elle fait don à un programme d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • … qu’elle distribue anonymement à un programme local d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • Un particulier qui télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le partage avec le monde sur son site internet. Chaque téléchargement coûte 0,99$. (Non ?)
  • … et le partage dans le monde entier via son site Web. Il faut payer 5,95$ par mois pour devenir membre et pouvoir télécharger. (Non)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Des versements ne sont pas requis, mais il y a des bandeaux publicitaires sur chaque page. (?)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Les versements ne sont pas obligatoires, mais il y a un lien Paypal « Soutenez ce site ! » sur chaque page. (?)
  • Un professeur télécharge une pièce sous licence CC by-nc 2.0 sur internet. Sa classe d’art dramatique joue la pièce devant le reste de son école lors d’une réunion. (Oui)
  • Sa classe d’art dramatique joue la pièce pour les parents, faisant payer 7$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce licence CC by-nc 2.0, à 35$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement dans une école primaire lors d’une assemblée. (Non ?)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement devant les élèves d’une école primaire dans leur propre théâtre. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous licence CC by-nc 2.0. Ils louent les textes imprimés à des enseignants. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous CC by-nc 2.0. Si des instituteurs louent des costumes pour la pièce, ils peuvent utiliser les textes gratuitement. (Non ?)
  • Une boutique de reprographie télécharge une image d’abeille sous licence CC by-nc 2.0 depuis internet. Elle la place dans un encart publicitaire du journal local, en disant, « Soyez malin ! Utilisez la boutique de reprographie Trucmuche ! ». (Non)

  • Un groupe de scouts féminin télécharge une image d’abeille sous licence libre CC by-nc 2.0 à partir d’internet. Il l’imprime sur des prospectus distribués dans le voisinage: « Soyez sympa ! Ne me jetez pas ! » (Oui)
  • … « Soyez cool ! Achetez les cookies des filles scout ! » (Non)
  • … « Soyez cool ! Ne me jetez pas ! (Fabriqué pour vous par la troupe 45 des filles scout qui font de délicieux cookies) (Non)
  • … « Soyez cool ! Donnez de l’argent aux filles scout ! » (Non)

  • … « Soyez cool ! Donnez de votre temps aux filles scout ! » (Oui ?)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe (un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0 de Cory Doctorow) sur son ordinateur. Il paie à compte d’auteur 100 copies reliées, à ses frais, qu’il offre ensuite à des amis et la famille. (Oui)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe sur son ordinateur. Il a un compte personnel à régler avec Cory Doctorow remontant à un cocktail en 1997. Alors, il paie pour que soit produits, à grand peine, 100.000 exemplaires reliés à la main, à ses frais, qu’il distribue ensuite gratuitement, en engorgeant le marché. Doctorow fait faillite. (Oui)
  • Les Éditions Trucmuche téléchargent Eastern standard tribe, publié par leur plus grand rival. Ils font 100 000 copies qu’ils distribuent ensuite gratuitement, engorgeant le marché. Doctorow et son éditeur font faillite. (Non)
  • Une association à but non lucratif qui s’occupe d’apprendre à lire aux enfants télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0. L’équipe reproduit 100 exemplaires avec la photocopieuse de l’association et les distribue aux orphelinats locaux. (Oui)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre, avec une marge de 10%. (Non)
  • … et les distribue publiquement pour attirer l’attention sur la lecture. (Oui)
  • … et les distribue publiquement comme cadeau pour toute donation d’au moins 50 $. (Non ?)
  • … et les vend publiquement avec une marge. (Non)
  • … et les distribue publiquement en « suggérant un montant de donation ». (Non ?)
  • Un groupe d’alphabétisation pour enfant télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nc 2.0. Une boutique de reprographie (Trucmuche) fait don de temps et de matériel pour effectuer 100 copies du livre, qui est ensuite rendu public pour éveiller à la lecture. La couverture arrière dit, « travail et matériel sont le don de la boutique Trucmuche ». (Oui)
  • Une bibliothèque dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. L’utilisation des ordinateurs et imprimante est gratuit. Une personne utilise l’ordinateur et imprime pour elle-même un roman sous licence libre CC by-sa 2.0. (Oui)
  • Un cybercafé dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. Chaque impression coûte 5 centimes la page. Un particulier réserve un ordinateur et imprime un roman sous licence libre CC by-sa 2.0 pour lui-même, et paye pour le temps et les coûts d’impression. (Oui)
  • Une bibliothèque publique qui vend des copies de livres sous licence CC by-nc 2.0. (Non)

Bon, tout ceci me fatigue (et vous aussi j’imagine). Désolé pour cette si longue liste, mais c’est un sujet réellement compliqué. Il y a probablement pas mal d’autres cas marginaux qui mériteraient d’être explorés.

Evan

Crédit photo : Tax Credits (Creative Commons By-Sa)




La libre magie de Marco Tempest

Avant toute chose, prenez cinq minutes de votre temps pour regarder cette vidéo d’une conférence TED de Marco Tempest.

Cela vous donnera envie de lire la suite 🙂

Vince Kmeron - CC by-nc-nd

La magie open source

Open source magic

Lori Mehen -16 janvier 2012 – OpenSource.com
(Traduction : ehsavoie, Ag3m, ordiclic, lgodard, Gagea)

« La magie est le seul métier honnête. Un magicien promet de vous mentir, et il le fait. » — Karl Germain

La magie a toujours été l’art de créer des illusions et de garder le secret de leur réalisation. Si le secret est révélé, l’émerveillement disparaît à jamais. Le secret préserve le mystère. Milbourne Christopher, dans le livre Magic: A Picture History, dit : « Le mystère est le premier attrait de la magie. Une fois que les secrets sont divulgués, le magicien se transforme en un simple manipulateur, un acteur dans une histoire à suspens qui a peu d’intérêt car les spectateurs en connaissent la fin à l’avance ».

Les grands magiciens ont compris que nos esprits sont paresseux, que nos cerveaux se bornent à tester des schémas préexistants, et que les grands gestes masquent les petits.

Mais avec les avancées technologiques d’aujourd’hui, les gens ont la possibilité de découvrir plus facilement les secrets de la magie. On peut ainsi enregistrer un numéro d’un magicien, revoir la vidéo, faire un ralenti, et découvrir comment ça marche. Pour chacun des magiciens sur Youtube aujourd’hui, vous verrez de nombreux commentaires proclamant « Je sais comment il a fait ça ».

Mais alors, comment la magie évolue et innove ? Avec de l’open source, bien sûr !

Marco Tempest, un magicien Suisse vivant à New York, considère parfois son travail comme de la « magie open source ». Il dévoile ses secrets, communique et collabore avec son public en ligne, demande son avis, et partage son travail avec la communauté.

Tempest est un techno-illusionniste qui adore les gadgets et les logiciels. Les illusions de Tempest utilisent la réalité augmentée, la robotique, des logiciels et des écrans, combinés avec les trucs et astuces traditionnels de magie. Sa démarche est décrite comme de la « magie continue » (NdT : sustained magic). Wired explique: « Au lieu d’y avoir une révélation au cours de laquelle, par exemple, la bonne carte est dévoilée, c’est une expérience magique continue ».

Les expériences de Tempest sont suspendues entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Par exemple, Wired écrit : « Dans son tour de projection sur écran, des balles semblent se déplacer entre le monde réel et le monde virtuel. La magie traditionnelle est présente et imbriquée au sein de ses spectacles – mais sans être annoncée. Quand le public n’est plus vraiment sûr (était-ce un tour de magie ou une manipulation de l’ordinateur ?) c’est que ça fonctionne ».

Tempest est également totalement transparent. Une série de tours implique uniquement la caméra de son téléphone – les illusions ne requièrent aucune retouche vidéo ni post-production. Plus tard, il révèle dans d’autres vidéos comment cela a été fait. Et pourtant, il continue d’émerveiller.

Sur les réseaux sociaux, Tempest échange avec ses spectateurs et obtient des retours. Quand il utilise leurs idées, il les crédite dans son travail.

Tempest ne se contente pas de révéler ses secrets, il partage la technologie qu’il crée pour faire ses illusions. Il dit que « comme en sciences, si nous partageons notre savoir et nos recherches, alors la magie progressera plus vite ».

Pour son tour sur l’iPhone, Marco a collaboré avec des personnes de la communauté open source pour créer un logiciel, appellé MultiVid, qui synchronise une vidéo à travers plusieurs écrans. Puis il a rendu ce logiciel librement disponible pour que d’autres artistes puissent le télécharger depuis l’AppStore.

La démarche de Marco révèle une magie plus interactive, inclusive et ouverte. Marco veut atteindre son public et l’impliquer. Il dit que « la magie, c’est construire une relation avec son public, et cette approche atteint pleinement cet objectif ».

Quelques-unes des illusions de Tempest

  • Les trois iPods Utilisant la vidéo et les glissements de la main sur trois iPods, Tempest raconte l’histoire de la supercherie.
  • Illusion de la caméra du téléphone Tempest va dans les rues pour faire des illusions filmées avec la caméra de son téléphone.
  • L’ardoise magique Une carte projetée et la détection de la position ramène des personnages dessinés à la vie.

Crédit photo : Vince Kmeron (Creative Commons By-Nc-Nd)




Le voyage mouvementé de Wikitravel

En 2003 naissait le projet Wikitravel qui est un peu au voyage ce que Wikipédia est à l’encyclopédie : une rédaction collaborative de guides touristiques (pays, ville, etc.), multilingues, sous licence libre et sur un wiki.

Le fait est que cela a plutôt bien marché (exemple avec Paris). Ils en ont même fait de vrais guides papiers.

Sauf que jetez un œil au graphique ci-dessous et vous comprendrez vite que son histoire n’a pas été un long fleuve tranquille. De Wikitravel, on est passé à Wikivoyage pour espérer en arriver aujourd’hui à Wikimedia Travel. C’est tout le charme de la licence libre (en l’occurrence la CC By-Sa) et de ses forks possibles lorsque le projet prend, selon certains, une mauvaise direction.

C’est de cette histoire (à rebondissements) dont il est question dans l’article ci-dessous.

Remarque : On notera que son auteur (créateur de l’application WikiSherpa) est peut-être trop pessimiste car il se pourrait bien qu’on connaisse un happy ending grâce au concours de Wikimedia. Et puis, sans licence libre, on aurait été dès le départ totalement bloqué.

Timeline - Wikitravel

Tirer la leçon de la dramatique et lente agonie de Wikitravel

Lessons From The Dramatic Slow-Motion Death Of Wikitravel

Jon Evans – 29 septembre 2012 – TechCrunch
(Traduction Framalang : @ali0une, Pandark, aKa, LuD-up, @jfomhover, ali0une, lgodard, Karma-sama, martinien, senshu)

Il était une fois, en 2003, deux entrepreneurs avec un rêve. Ils s’appelaient Evan Prodromou et Michele Ann Jenkins, et ils ont rêvé d’un guide de voyage mondial édité collaborativement — un Wikipedia pour les voyages, si vous préférez. Ainsi, il créèrent Wikitravel. Et ils ont fait mentir l’expression anglaise « Lead zeppelin » qui sous-entend que le projet n’aurait jamais pu décoller. Deux ans plus tard, ils furent racheter pour 1,7 million de dollars (~1,3 million d’euros) par une compagnie nommée Internet Brands, pas mal d’argent pour ces nombreuses journées perdues avant que la startup ne devienne populaire. Et Wikitravel prospéra , et en prenant du recul, c’était plutôt bon.

Jusqu’à ce que le paradis s’en vienne à côtoyer les enfers…

Pendant six ans Wikitravel fonctionna bien. Il y avait bien la présence de quelques publicités mais rien d’intrusif. La plateforme technique sur laquelle il tournait prenait de l’âge et avait ses défauts, mais elle fonctionnait, et c’est tout ce qui compte, n’est-ce pas ?

En 2006 cependant, les administrateurs italiens et allemands (bénévoles et indépendants qui réparaient le site, éliminaient le spam, éditaient structure et langage, et le rendaient pour ainsi dire utilisable) ont forké toutes les pages du site en ces langues pour s’en aller migrer vers un nouveau site, appelé Wikivoyage, principalement à cause de la publicité placée par Internet Brands. C’était tout à fait légal parce que tout le contenu de Wikitravel est sous licence Creative-Commons. Et cela n’affecta pas vraiment Wikitravel (et en rien sa partie principale anglaise) qui continua à attirer un demi-million de visiteurs par mois. Son travail de guide pour la planète entière devenait meilleur de jour en jour…

Mais, il y a quelques mois, les administrateurs de Wikitravel en ont eu assez. Ils ont d’abord constaté l’inclusion de nouvelles publicités encore plus invasives et surtout ils ont perdu patience face à leurs demandes répétées de mises à jour techniques restées sans réponses. D’autant plus que quand Internet Brands se décida enfin à effectuer ces mises à jour la plateforme se retrouva toute pleine de bugs ! En conséquence de quoi les administrateurs de Wikitravel baissèrent les bras et voyagèrent à travers l’Internet jusqu’à cette oasis de contenu libre qui s’appelle la Wikimedia Foundation pour lui dire en substance ceci : « Nous n’en pouvons plus de notre logement actuel. Voudriez-vous héberger un site de voyage ? » La Wikimedia Foundation réfléchit, et décida finalement de répondre par l’affirmative.

Et puis l’enfer des procédures judiciaires s’est déchaîné.

Se sentant menacé par ce fork d’un Wikitravel hébergé par Wikimédia, Interned Brands, après avoir semble-t-il initialement proposé un partenariat, « intenta des poursuites contre les contributeurs bénévoles James Heilman et Ryan Hollliday, pour avoir utilisé le mot « Wikitravel » dans la phrase « Communauté Wikitravel » lors de la communication du fork », nous dit David Gerard. En réponse, la Wikimédia Fondation a elle_même intenté une poursuite stratégique contre la mobilisation publique et demandé des explications devant les tribunaux.

Nous allons laisser les sérieux avocats décider du sort de cette aventure. Je veux juste tirer quelques leçons personnelles de cette débâcle :

  • N’irritez pas vos utilisateurs les plus fidèles et actifs (NdT : power users). Vous pensez peut-être que la masse globale de vos utilisateurs est ce qui importe le plus, mais ce sont avant tout ces utilisateurs là qui fournissent avec passion le gros du travail. Ils sont pour ainsi dire le cœur et l’âme de votre site, et s’ils partent vous aurez de gros ennuis.
  • Ne retardez pas le paiement de votre dette technique. Comme la plupart des dettes, elle subit des interêts composés exponentiels 🙂 Et vous ne connaissez pas son taux d’intérêt jusqu’à ce que vous ayez commencé à la rembourser. Je pense qui si Internet Brands avait géré Wikitravel avec plus de considération et de compétences techniques, le fork n’aurait jamais eu lieu.
  • Ne poursuivez pas vos utilisateurs en justice dans un moment d’aigreur et de dépit. Vraiment. Ne le faites pas. N’avons nous donc rien appris de la RIAA (NdT : à comparer avec notre Hadopi) ? Respirez profondément, prenez un calmant, et détendez-vous. En effet, outre la question d’ordre moral, à partir du moment où vous poursuivez vos utilisateurs, vous perdez toute crédibilité aux yeux d’une fraction énorme de l’Internet. Et la crédibilité compte. Hélas, beaucoup de gens ne le réalisent pas, jusqu’à ce qu’ils perdent la leur.

Une version provisoire du nouveau guide de voyage anglophone est maintenant disponible. En attendant la suite…




Créer et maintenir les lois comme les logiciels libres sur GitHub ou Wikipédia ?

Lorsque vous parcourez un article de l’encyclopédie libre Wikipédia, vous pouvez bien évidemment le lire, mais aussi écrire (le fameux bouton « Modifier ») et consulter tout son historique, sans oublier converser autour avec les autres contributeurs (lien « Discussion »). Il en va de même avec tout logiciel libre déposé sur une plateforme collaborative comme celle de GitHub par exemple (dont l’approche et les fonctionnalités sociales ont donné un coup de vieux à Sourceforge).

Il y a là une manière bien spécifique de fonctionner et une invitation à s’impliquer.

Dans la mesure ou Wikipédia ou GNU/Linux sont d’incontestables réussites, l’un des plus célèbres penseurs du Net, Clay Shirky, s’est récemment demandé, au cours d’une brillante intervention TED, si on ne pouvait pas fortement s’en inspirer pour faire évoluer la politique en générale et l’élaboration de nos lois en particulier.

Ce que l’on pourrait résumer également ainsi : est-ce que le logiciel libre a des choses à dire, voire à enseigner, à la démocratie ?

Fabricio Zuardi - CC by

Peut-on améliorer la politique avec les outils du logiciel libre ?

Could we use open-source tools to improve politics?

Mathew Ingram – 29 septembre 2012 – Gigaom.com
(Traduction : Lamessen, Barbidule, Evpok, David, peupleLa)

Les principes du logiciel libre ont contribué à créer de nombreux logiciels efficients et utiles, y compris le système d’exploitation GNU/Linux et la surpuissante ressource que représente Wikipédia. Cette même approche pourrait-elle être utilisée pour ouvrir le processus de création des lois ? Clay Shirky assure que c’est possible.

La philosophie du logiciel libre a permis entre autres de construire un système d’exploitation et une encyclopédie collaborative de grande qualité. Pourrait-on en faire de même avec la législation et la politique ? C’est ce que le théoricien de la communication Clay Shirky a proposé dans une récente et remarquée conférence TED (Technologie Entertainment Design) à Edimbourg. L’idée est alléchante, employer les méthodes de GNU/Linux et Wikipédia pour rendre les gouvernements plus ouverts et impliquer davantage les concitoyens, mais est-ce véritablement transposable ? L’écriture de logiciels et de services Web est très différente de celle des lois, et l’histoire du logiciel libre a connu son lot de guerres quasi-religieuses. Mais c’est peut-être notre meilleur espoir.

Après avoir fait une sorte de tour d’horizon du mouvement open source, en accordant la part belle à GNU/Linux, Shirky a consacré une grande partie de son discours à Github, plateforme collaborative et sociale de dépôt de logiciels qui permet à n’importe qui d’éditer, de « forker » en créant sa propre version, et de suivre les changement que font les autres. De GitHub à l’idée de législation collaborative, il n’y a qu’un pas. Et c’est ce que Shirky semble avoir à l’esprit. Il y a déjà eu quelques tentatives de réalisation directement via GitHub. Ainsi un développeur allemand a, par exemple, déposé l’intégralité des lois allemandes sur la plateforme. De cette façon, les citoyens peuvent recommander et suivre les changements.

C’est séduisant sur le papier : une simple plateforme logicielle dédiée à la collaboration pourrait changer la façon dont on développe et met en oeuvre les lois. Mais est-ce réaliste ?

Beaucoup de sceptiques disaient au départ que Wikipédia n’avait aucune chance de marcher. Pourtant elle est bel et bien là et sa réputation et fiabilité sont excellentes, malgré quelques ratés comme l’incident récent impliquant l’auteur Philip Roth. Il est vrai cependant que de nombreux critiques pensent que la « cabale » des éditeurs qui contrôlent l’encyclopédie collaborative a trop de pouvoir.

Force est de reconnaître que le fonctionnement des gouvernements reste de toutes les façons trop opaque à l’ère d’Internet, et donc que Github ne peut pas faire empirer les choses. D’ailleurs Shirky n’est pas le seul à le penser : le développeur Abe Voelker a proposé un « Github pour lois » qui propose exactement la même approche pour concevoir des lois collaborativement. D’autres expériences basées sur ces mêmes idées d’ouverture ont déjà eu lieu en Finlande, Irlande et surtout en Islande avec la rédaction collective de sa nouvelle Constitution (NdT : lire à ce sujet L’Islande, la crise, la révolution et moi et on notera en France l’initiative d’Étienne Chouard avec sa Constitution nationale d’origine citoyenne sur un wiki).

Un des problèmes posés par la transposition d’une solution technique comme Github à un processus culturel et politique de grande ampleur, c’est que créer des lois, même mineures, est très différent de bidouiller un bout de code afin que GNU/Linux puisse reproduire les styles de polices de caractères Windows, ou encore modifier l’article sur George Bush dans Wikipédia (sachant que ces deux exemples en apparence inoffensifs ont donné lieu à de vives polémiques au sein de leur communauté respective). Comment peut-on dès lors espérer que des politiciens puissent, dans les faits, se servir d’un processus similaire pour changer la manière dont fonctionne le gouvernement, le parlement et ses lois ? Comme le suggère Shirky dans sa conférence, il y a une bureaucratie bien installée qui n’a probablement aucun intérêt à renoncer à ce contrôle au profit du bon peuple.

Dans son livre « Here comes Everybody », Shirky a montré l’impact positif d’Internet sur la dynamiques des groupes. Son admiration pour Github semble prendre place dans une recherche d’outils collaboratifs et ouverts axée sur l’humain. Il est clair que nous en avons besoin, et même si Github n’est peut-être pas la bonne réponse, à ce stade, tout peut valoir la peine d’être tenté.

Crédit photo : Fabricio Zuardi (Creative Commons By)




Condamné par Google pour avoir partagé son propre livre libre sur Internet !

Tu ne partageras point, même ce qui est à toi ! Pas un jour sans une nouvelle affaire #CopyrightMadness du « gang de la GAF » ! (Google, Apple, Facebook)

Cody Jackson, alors en service en Irak, rédige un livre sur le langage de programmation Python. Et pour remercier la communauté de tout ce qu’elle lui a apporté, il décide de le placer sous licence libre Creative Comons By-Sa (exactement comme notre projet Framabook en somme). Il vend la version papier, invite au don, met un peu de pub Google sur le site du projet et propose en libre téléchargement les versions numériques du livre.

Sauf que parmi les liens donnés de ses versions numériques, il a le malheur de proposer du P2P, en l’occurrence du torrent qui pointe directement vers The Pirate Bay ou encore Demonoid.

Quoi ? « Torrent » ! « Pirate Bay » ! C’en est trop pour le robot Mediabot, véritable police automatique du copyright Google. Nous sommes évidemment en présence manifeste de ressources illégales ! Et Google de désactiver illico sans autre forme de procès la pub sur le site de notre auteur. Et ne croyez surtout pas qu’il suffit de retirer les liens incriminés pour que Google remette tout en place. Non, non, le mal est fait.

Et pourtant de mal fait il n’y en eut jamais. Bien au contraire, on voulait juste partager et enrichir le bien commun…

Bien sûr, Google est sous la pression constante des ayants droit de l’industrie culturelle et du Grand Hollywood (qui scrute au quotidien ce qui se passe sur YouTube notamment). Mais avec cet absurde faux positif, Google, son service clientèle déshumanisée et son copyright de fer nous affirment avant tout ceci : puisqu’on ne les envisage même pas, puisqu’on condamne le contenant quel que soit son contenu, il n’y a pas de place actuellement pour les ressources libres sur Internet. Ou, plus généralement, et pour reprendre une expression à la mode, il n’y a pas de véritable place aujourd’hui pour les échanges non marchands.

Edit du 28 septembre : Il y a une suite (favorable) à cette histoire (mais une morale à en tirer ?) que nous vous proposons dans la foulée.

Remarque : Il s’agit d’une nouvelle traduction et vous allez constater un nombre inhabituel de traducteurs dans le crédit ci-dessous. Nous sommes en phase de test pour améliorer Framapad et effectivement, hier soir, c’était spectaculaire, avec, au point culminant de la fête, près de 40 collaborateurs « colorés » travaillant en simultané dans la joie, la bonne humeur et le souci collectif d’un travail de qualité. C’est pourquoi, une fois n’est pas coutume, notre image d’illustration n’a rien à voir avec le font du sujet si ce n’est que dans la forme on l’a obtenu ainsi (cf ce tweet plus précis de @framaka). Ils méritaient bien ce petit hommage (quant à l’évolution du projet Framapad, nous venons d’ouvrir une liste de discussion pour là encore avancer ensemble).

Framapad - Test v2

Google et ses droits de copie restrictifs : un auteur condamné pour avoir partagé son propre livre

Google’s Copyright Crackdown Punishes Author For Torrenting His Own Book

Mike Masnick – 27 septembre 2012 – TechDirt.com
(Traduction : volent, metoo, Smonff, greygjhart, doc_lucy, L’gugus, Toerdas, Wan, Yan G., Evpok, goofy, Rouage, Aymerick, slb, peupleLa, 0gust1, Husi10, Mike, Hellow, Dominique, fredchat, fwix_, e-Gor, TheDarkDweller, minimoy, 5h3d0, lamessen)

Au fil des ans, nous avons souligné à de nombreuses reprises le talon d’Achille de Google : son épouvantable service client.

Essayer de communiquer avec Google s’apparente plus souvent à affronter un bloc de marbre inébranlable plutôt que faire face à un réel être humain. Plus récemment, nous nous sommes inquiétés de l’agressivité excessive de Google pour faire « appliquer » le copyright, dans l’espoir de tenir Hollywood (et ses soutiens au gouvernement) à distance. Combinez ces deux problèmes et vous obtenez une incroyable histoire… comme advenue à notre lecteur Cody Jackson.

Il y a quelques années, alors qu’il était en service actif en Irak, Jackson a écrit un livre sur Python (le langage de programmation) intitulé Start Programming with Python (NdT : Débutez la programmation avec Python). Il a décidé de distribuer le livre gratuitement, en guise de remerciements à la communauté du libre qui, d’après ses dires explicites, lui a énormément apporté. Il a toujours fait en sorte que le livre soit disponible en libre accès et donné les liens vers différentes sources à partir desquelles l’obtenir. Dans le même temps, il a proposé aux personnes de le soutenir via des dons. Et pour se faire un peu d’argent, il a également souscrit au service de publicités Google AdSense qu’il a placé sur son site.

La semaine dernière, il a été contacté par un bot (NdT Googlebot : robot d’exploration de Google), l’informant que AdSense avait été automatiquement désactivé. Pourquoi ? Parce que, affirme-t-on, il distribuait illégalement des contenus protégés par des droits d’auteur. Le courriel, que j’ai pu voir, mentionne que son compte a été désactivé pour la raison suivante :

Précisions au sujet de cette violation

CONTENUS SOUS COPYRIGHT : Comme il est stipulé dans nos conditions d’utilisation, les utilisateurs d’AdSense ne sont pas autorisés à placer des publicités Google sur des sites impliqués dans la distribution de contenus sous copyright. Ceci inclut l’hébergement de fichiers sous copyright sur votre site, ainsi que le fait de fournir des liens ou de rediriger le trafic vers des sites qui proposent des contenus protégés. Plus d’informations sur ces conditions d’utilisation sont à disposition sur la page de notre centre d’aide.

Honnêtement les conditions d’utilisation de Google n’ont ici aucun sens. Fondamentalement TOUT site Web « propose du contenu sous copyright ». Si l’on se réfère à ce que Google a envoyé à Jackson, personne ne pourrait plus faire aucun lien vers d’autres sites s’il souhaite utiliser Google AdSense. Google a une armée de très bons juristes spécialisés dans le copyright, mais ils ont du laisser filer ce point. Je suis sûr que Google voulait plutôt parler de « contenu non autorisé » ou « qui porte atteinte au copyright », mais ce n’est pas ce qui est écrit (NdT : Ou alors ils y sont obligés pour se protéger de tout).

Dans les deux cas, cela semble être ridicule et faire preuve d’un excès de zèle que de suggérer que tout lien vers un site qui, croit-on, véhicule, parmi d’autres, du contenu illicite, doit être considéré comme une violation des conditions de service, même si en l’occurrence le lien en question redirige vers du contenu tout à fait légitime. Le courriel donne un lien vers une « page exemple » justificative. Cette page est celle où Jackson annonce qu’il délivre un torrent de la seconde édition de son livre, et renvoie les gens vers The Pirate Bay et Demonoid pour le récupérer. Rappelez-vous, c’est son propre livre, qu’il a publié lui-même et qu’il distribue librement et gratuitement… intentionnellement !

On pourrait faire valoir que les conditions d’utilisation de Google sont ici volontairement trop générales et elles le sont assurément. Déclarer que vous ne pouvez pas créer de lien vers du contenu légal que vous avez vous-même publié sur The Pirate Bay et dont vous êtes le légitime propriétaire pourrait avoir un effet dissuasif négatif pour ceux qui choisiraient de mettre leurs propres œuvres sur des sites similaires.

Jackson a essayé de joindre Google pour obtenir de plus amples informations. Il leur a expliqué la situation et leur a indiqué qu’il en était l’auteur et l’éditeur et que l’œuvre était publiée sous la licence libre Creative Commons Paternité – Partage dans les mêmes Conditions (CC By-Sa), rendant ainsi toutes les copies se trouvant sur The Pirate Bay parfaitement légales et autorisées. Google lui a rétorqué qu’ils examineraient son argumentaire… avant de lui renvoyer le message suivant :

Merci de nous avoir fourni des informations complémentaires concernant votre site. Cependant, après avoir examiné de près le site python-ebook.blogspot.com et avoir pris votre réaction en considération, nous sommes dans l’incapacité de remettre en fonction notre service publicitaire sur votre site à l’heure actuelle, puisque votre site semble toujours violer nos conditions d’utilisation.

Si vous voulez que nous étudiions à nouveau la participation de votre site au programme Ad Sense, merci de consulter les conditions d’utilisation de notre programme et d’apporter les modifications nécessaires à vos pages web. Pour plus d’informations sur vos conditions d’utilisation, merci de visiter cette page.

Confus après lecture et sans sentiment d’avoir violé quoi que ce soit, il a cependant docile supprimé les liens vers les fichiers torrents en question, quand bien même pour lui il était tout à fait sensé de les conserver. Comme il me l’a dit dans son courriel : « BitTorrent a été l’un des premiers vecteurs de diffusion de mon livre, puisque c’est là que mes lecteurs spécialisés sont susceptibles de traîner. Il m’a semblé que déposer un fichier torrent sur le site de torrents le plus populaire coulait de source. »

Aussi a-t-il à nouveau répondu au Googlebot, après donc avoir cette fois supprimé les liens… Et il a reçu à nouveau le même message exactement ! Il avait bien supprimé les liens mais pas la mention explicite des noms « The Pirate Bay » et « Demonoid ». Cela a suffit, semble-t-il, pour que l’équipe de Google AdSense continue de prétendre qu’il viole leurs termes incompréhensibles. Ils refusent de s’en expliquer. Ils n’ont pas l’air de vouloir vraiment comprendre ce que dit Cody Jackson. Ils bloquent, c’est tout.

Ce qui vaut la peine d’être retenu, c’est que l’on entend constamment les gens qui détestent Google se plaindre de ce que ce dernier refuse en quelque sorte d’enlever ses publicités des « sites pirates ». Cet exemple suggère précisément le contraire : Google est d’une agressivité excessive dans sa manière de bloquer, sous toutes leurs formes, les publicités qui s’affichent a proximité de sites qu’il a jugé lui seul problématiques, même si le contenu est garanti 100% légal et autorisé. Ajoutez à cela l’horrible relation client robotisée de Google, et vous avez une situation malheureuse où un auteur est puni pour avoir fait quelque chose de parfaitement légal et ne semble pas pouvoir trouver chez Google une seule personne réelle, faite de chair et d’os, qui prenne réellement le temps de comprendre ce qu’il se passe.

Voilà pourquoi nous sommes si inquiets quand Google intensifie son « automatisation » sous la pression de Hollywood. Les dommages collatéraux ne sont que trop réels.

Mise à jour du 28 septembre ci-dessous : Un épilogue heureux mais une leçon à retenir…

Les annonces Google sont de retour

Google Ads are back

Mike Masnick – 28 septembre 2012 – TechDirt.com
(Traduction : Lamessen, Pascal, L’gugus, Metal-Mighty, Ag3m, ti_tux)

Grace au relais du site Techdirt, mon problème a été entendu par les robots de Google et mon compte Adsense a été réactivé.

En effet, cinq heures après la publication de l’article sur Techdirt, je recevais un e-mail de Google m’informant qu’ils avaient réétudié mon cas, et décidé finalement que je n’avais pas enfreint leur politique sur le copyright. Je pouvais donc faire apparaître à nouveau les publicités Google sur mon blog.

Je vais pouvoir, comme avant, mettre des liens directs vers mon fichier torrent, mais plus vers «The Pirate Bay» ou d’autres sites de torrents. Car ne veux pas me retrouver confronté à ce problème à nouveau (bien qu’il sot assez tentant voir ce qu’il arriverait si je le faisais).

Le bon côté de cette histoire, c’est que cela a attiré l’attention du public sur les problèmes de réglementation du copyright en général et des politiques d’entreprise en particulier. Lorsqu’une personne ne peut pas publier ses propres créations sur Internet parce qu’une autre a peur qu’il y ait infraction au droit d’auteur, il y a un véritable problème.

Certains commentaires sur Techdirt affirment que j’aurai dû prévoir cela en proposant des liens vers The Pirate Bay et Demonoid qui sont considérés comme des « bastions du piratage ». Et pourtant, avoir fait appel à eux pour aider les gens à trouver mon livre (sous licence libre) montre qu’on peut aussi les utiliser de manière tout à fait légale. Que certaines personnes y déposent illégalement des contenus protégés ne fait pas de ces sites le mal absolu. Ce sont simplement des outils et ils sont neutres en soi, un peu comme un couteau, qu’on peut utiliser à bon ou mauvais escient.




Les faiseurs de pluie : livre de Christophe Masutti sous CC by-sa

Peut-être encore moins « connu » que son historique fondateur Alexis Kauffmann ou son historique permanent Pierre-Yves Gosset, Christophe Masutti est le nouveau président de l’association Framasoft depuis le début de l’exercice 2012.

Il a néanmoins trouvé le temps pour sortir un livre issu de sa thèse : Les faiseurs de pluie, Dust Bowl, écologie et gouvernement (États-Unis, 1930-1940)

Et comme pour relier les deux, il a choisi de le publier sous la licence libre Creative Commons By-Sa.

Autant de bonnes raisons qui nous ont donné envie de partir à sa rencontre…

Les faiseurs de pluie - Couverture

Entretien avec Christophe Masutti

Bonjour Christophe, peux-tu te présenter rapidement ?

Ça va faire un peu d’auto-promotion, mais tant pis 🙂 Donc je préside depuis janvier 2012 la belle association Framasoft, mais comme j’ai le mauvais goût de travailler pour gagner ma vie, j’occupe deux fonctions. La principale est d’être en charge des Affaires européennes aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et la seconde est d’être chercheur associé au SAGE (Sociétés, acteurs, gouvernements en Europe[1]) à l’Université de Strasbourg.

Tu viens de sortir un livre possédant un fort joli titre, peux-tu nous en dire plus ?

En réalité, il s’agit d’un livre tiré de ma thèse soutenue en 2004. J’ai (enfin) pris le temps de tout récrire et de le publier. J’en avais déjà tiré pas mal d’articles dans des revues à comité de lecture, mais comme d’une part à quelques exceptions près ces articles sont désormais difficilement accessibles moins de 8 ans après leur sortie (à moins d’avoir un abonnement onéreux à des revues électroniques ou de bien chercher au fond des rayonnages des bibliothèques), et que d’autre part les aléas professionnels font que je me concentre sur d’autres thèmes plus ou moins voisins, j’ai tenu à diffuser une synthèse exhaustive de mes recherches doctorales.

Le titre est la traduction française de rainmakers, les faiseurs de pluie.

Ce terme a un double sens aux États-Unis. il fait d’abord référence à ces aventuriers qui sillonnaient les Grandes Plaines durant les périodes de sécheresse en promettant aux communautés, grâce à un dispositif fumeux (et explosif), de faire tomber la pluie moyennant quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Ils n’étaient pas vraiment considérés comme des charlatants. On peut voir sur ce point de film The rainmaker (1956) avec Katharine Hepburn et Burt Lancaster, où un de ces personnages vient dans un village et finalement redonne espoir et courage aux habitants. L’autre sens donné à ce terme est plus moderne et a un rapport avec le monde des affaires, où le rainmaker est celui qui sait saisir les bonnes opportunités et fait des affaires en un temps record (le Golden Boy des années 1980). Là il faut se tourner vers le Rainmaker de F. F. Coppola avec Matt Damon (1997).

Ainsi, c’est avec davantage d’ironie que de méchanceté que Franklin Roosevelt fut bien souvent surnommé The rainmaker par la presse américaine, en particulier celle du Midwest, alors que s’abattait sur le pays la plus grande vague de sécheresse jamais connue qui devait causer une des plus grandes catastrophes agricole du 20e siècle, le Dust Bowl. Il s’agit de l’érosion éolienne des sols agricoles, sur fond de crise économique, qui a jeté sur les routes des milliers de migrants et rendu les sols impropres à l’agriculture. On parle ici d’une extrême pauvreté et, dans certains cas, de famine. Aujourd’hui, le Dust Bowl est en réalité un phénomène récurrent, tant aux États-Unis, où l’on parvient tant bien que mal à jugguler les effets grâce à des techniques modernes, mais aussi aujourd’hui en Chine, et dans bien d’autres pays. L’érosion des sols est un problème mondial et basé sur la même recette que celle de l’épisode américain des années 1930 : industrialisation agricole, surproduction et conception ultra-libérale de l’agriculture, sécheresse, vent (changement climatique).

Les faiseurs de pluie interviennent alors à deux niveaux : d’abord du point de vue de la décision publique, en mettant en place une agriculture planifiée et respectueuse des sols, ce sont les planificateurs, des économistes qui entouraient Roosevelt et mirent en place une politique d’expertise. Ensuite, il s’agit des acteurs de la réhabilitation agricole proprement dite, non seulement ceux qui inventèrent de nouvelles pratiques agricoles, mais aussi ceux qui appliquèrent les résultats des recherches dans le domaine : des agronomes qui se définissaient comme des écologues. En effet, l’écologie avait commencée à être enseignée sous ce terme dans les années 1910 et les spécialistes commencaient alors à être reconnus comme les véritables experts de l’environnement. Par exemple, fondé sur les principes de la théorie de la succession végétale, un grand projet de plantation de ceintures forestières (windbreaks) pour lutter contre le vent a été lancé en 1935, de la frontière canadienne jusqu’au Texas. Ce projet était censé freiner l’érosion éolienne sur la moitié du territoire américain sur plusieurs années de reforestation. Après ca, il était facile d’identifier qui étaient les faiseurs de pluie, à l’échelle gouvernementale.

Qu’est-ce qu’un écologue et en quoi la lecture de ce livre peut nous aider à mieux comprendre la problématique écologique actuelle ?

Aujourd’hui, dans le domaine de l’écologie scientifique, c’est souvent le terme « écologiste » qui est employé pour désigner le scientifique qui fait de l’écologie. C’est un dérivé de l’anglais « ecologist ». Dans cette dernière langue, il n’y a pas le double sens que l’on connaît en français, car l’écologiste (le vert, l’écolo.) c’est l’environmentaliste anglais. Un écologue est donc une appellation un peu désuète mais qui permet au moins de faire la différence en français. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que l’écologie scientifique soit un sanctuaire où le politique n’entre pas. À cela s’ajoute le fait que l’écologie moderne, celle que tout le monde a entr’aperçu au collège en apprenant les cycles écologiques (manger et être mangé), date en fait des années 1940. Elle est dominée par le concept d’écosystème. Ce dernier concept est né en 1935 sous la plume du botaniste britanique Arthur Tansley, et s’est vu adapter les concepts de la thermodynamique par l’américain R. Lindeman entre 1939 et 1942.

Ce qu’il faut savoir c’est que Tansley écrivait en réaction aux conceptions américaines de l’équilibre des communautés végétales, c’est à dire les recherches de Frederic Clements sur l’analyse statistique des formations végétales et qui a formé tous les écologues que l’on croise dans le livre. Ces derniers réfléchissaient en termes d’équilibre, l’idée selon laquelle les communautés végétales se succèdent vers un état stable, final (nommé climax). Par conséquent toute activité humaine peut soit résulter sur la rupture de cet équilibre, soit favoriser un équilibre temporaire (un champ de maïs est un système en équilibre relatif). Pour Tanley (et Lindeman) au contraire, il faut réfléchir en termes de fonctions des espèces, et envisager l’éco-système d’un point de vue énergétique. Il n’y a pas d’équilibre final, ni une sorte de nature idéalisée (ce que devrait être un système) mais des équilibres, des rapports entre biomasses et quantités d’énergie qu’il faut évaluer pour comprendre les changements dans les systèmes. En d’autres termes encore, le fameux « équilibre écologique » qu’on nous sert pour justifier telle ou telle idée écologiste, est en fait une très vieille idée de l’équilibre idéalisé entre les activités humaines et l’environnement non-humain. On fait alors appel alors à une éthique, voire une morale, là où le scientifique est plutôt censé s’occuper des faits.

Dans notre histoire du Dust Bowl, on a affaire à des écologues qui n’en sont pas encore à mettre en place une « éthique environnementale ». On voit en réalité se développer une nouvelle conception des politiques environnementales, l’idée que pour mettre en place une conservation des sols agricoles ou des parcs nationaux, il faut s’en remettre à des experts. Cette politique de l’expertise, dans le gouvernement Roosevelt, est la première dans l’histoire à identifier l’écologie comme une science que l’on dote de moyens d’applications à grande échelle (comme les fermes expérimentales), mais aussi à justifier la décision publique en référence aux recherches écologiques. La crise agricole américaine des années 1930, est alors devenue une « crise écologique », qui a une dimension complexe qui structure les relations sociopolitiques, institutionnelles (mise en place de départements et services exclusivement composés d’écologues et d’ingénieurs) et scientifiques. C’est sur ce modèle tridimentionnel que s’explorent toutes les crises écologiques ou environnementales jusqu’à aujourd’hui. Il était donc important de dé-construire celle-ci 🙂

Ce livre est sous licence Creative Commons ? Pourquoi ce choix ?

Comme dit précédemment, ce livre est le résultat de recherches menées sur fonds publics. L’État français a subventionné pendant 3 ans mon salaire, mes déplacements, et tous les coûts liés aux recherches, à commencer par me fournir un bureau et un ordinateur. La diffusion de ces résultats devrait donc profiter en premier lieu à tout le monde et il fait partie du devoir du chercheur que de diffuser ses recherches.

Aujourd’hui, le mode de production d’écrits scientifiques est quasi-exclusivement le format électronique. Quant à la diffusion (les correspondances entre scientifiques comme envers le public) elle passe par Internet. Cela signifie que modèle qui valait il y a encore une trentaine d’année, à savoir le cycle qui va exclusivement de la production-évaluation à la publication papier est obsolète. Dans ce modèle, les maisons d’éditions effectuaient un travail salutaire : elles assuraient la distribution et la diffusion des connaissances scientifiques sur un support de première qualité, le livre papier. Elles le font toujours, bien entendu, mais le prix de cette diffusion est la cession exclusive de droit d’auteur : l’auteur de l’oeuvre cède de manière exclusive sa production scientifique à un éditeur, en échange de quoi cet éditeur assure la mise en page, l’impression et la distribution. Dans le cas des petits éditeurs, l’évaluation scientifique est assurée par un comité de lecture qui n’est que rarement payé pour cela, et il existe des éditeurs, pas forcément les moins connus, qui n’assurent qu’une évaluation légère de la qualité scientifique des ouvrages et font davantage confiance aux auteurs, comme c’est le cas par exemple lorsqu’un groupe de chercheurs inclu dans son projet la publication finale d’un ouvrage collectif, acheté en quantité pour amortir l’investissement de départ de l’éditeur.

Dans tous les cas, un contrat de cession exclusive est signé et permet l’exploitation de l’oeuvre alors même que tout le jeu des éditeurs est, comme toute entreprise, d’effectuer des bénéfices intéressants. Dans leurs stratégies, les éditeurs déploient plusieurs moyens : la rationalisation du stock d’imprimés (la décision de la réédition dépend alors des bénéfices escomptés, ce qui est le plus souvent compromis dans les publications scientifiques sauf pour les « têtes d’affiche »), l’édition des formats électroniques affublés de DRMs, la revente des formats électroniques à de plus gros éditeurs (type Elsevier) qui effectuent alors d’autres formes de bénéfices via un système d’abonnement aux institutions… Tout cela limite fortement la diffusion d’une oeuvre scientifique, surtout dans le cas des sciences humaines où l’obsolescence est loin d’être évidente après 10, 20, 30, 100 ans…

Le choix de la licence libre, pour cet ouvrage, est le même que pour d’autres revues scientifiques qui font de plus en plus ce choix : privilégier la diffusion de l’oeuvre sur sa distribution, à plus forte raison lorsque celle-ci est réalisée grâce à des fonds publics. Il n’y a aucune raison d’attendre d’avoir la permission d’un éditeur pour diffuser l’oeuvre, au moins au format électronique. Pourquoi ne pas donner le droit aux lecteurs de photocopier l’ouvrage, ou dupliquer le fichier, notamment à des fins pédagogiques ? Après tout, le livre papier n’est aujourd’hui qu’un support parmi d’autres formats de diffusion envisageables.

Et plus précisément pourquoi le choix de la licence libre By-Sa parmi le panel de licence offert par les Creative Commons ?

La licence CC-By-Sa consiste à donner au lecteur la possibilité de partager, diffuser et communiquer l’oeuvre comme bon lui semble, à condition d’attribuer la paternité de l’oeuvre à son auteur. Pour les raisons évoquées ci-dessus, cela me semble être un minimum avec, pour seul prix à payer, le rappel que le droit d’auteur est aussi un droit moral.

Par ailleurs, la clause share alike (-Sa) est intéressante dans ce contexte, bien qu’elle ne soit pas nécessaire : il s’agit d’assurer la viralité de la licence dans un monde où le plagiat est de plus en plus à l’étude. En effet, des colloques et des groupes de veille se montent un peu partout à propos du plagiait scientifique, qui ne concerne pas seulement les étudiants, loin s’en faut. Le but de cette clause, ici, est plutôt pédagogique.

Enfin la possibilité de modifier l’oeuvre a surpris certains collègues. Je pars en effet du principe qu’un livre est avant tout un projet de construction scientifique. N’importe quel chercheur pourra vous dire que, plusieurs années après une publication, il arrive parfois d’avoir le regret de ne pouvoir corriger ou améliorer certaines choses. Mais est-ce que l’auteur peut-être le seul juge de ce qu’ill faudrait améliorer? Pourquoi d’autres chercheurs ne pourraient pas eux-mêmes améliorer l’oeuvre et éventuellement soumettre leurs modifications, suggestions et commentaires à l’auteur en vue d’une version ultérieure du livre? C’est la notion d’oeuvre-projet que je défends, l’idée qu’une oeuvre est toujours améliorable et que le processus peut être collectif, à l’image (humaniste) qu’on se fait des sciences.

Quant à la question du droit d’auteur, il est inutile ici de préciser que le droit moral de l’auteur est inaliénable et que par conséquent toute modification de l’oeuvre qui porterait préjudice à l’auteur (par exemple un détournement des propos ou l’appropriation usurpée de l’oeuvre) est punie par la loi, à laquelle ne se substitue pas la licence libre.

A-t-il été compliqué de convaincre un éditeur d’adopter cette licence ?

Par curiosité, j’ai démarché exactement cinq éditeurs (c’est peu) assez connus dans le domaine et deux m’ont répondu négativement d’emblée parce que le livre n’entrait pas dans les clous de leurs collections. Les trois autres ont entammé un dialogue qui n’a finalement pas abouti à une entente. Je l’ai fait sans réelle conviction car j’avais déjà l’idée qu’aucun n’était de toute façon prêt à publier cet ouvrage pour deux raisons :

  • la raison pratique : l’ouvrage est une somme et entre dans des détails qui intéressent un lectorat qui, à la base, n’est pas très large. Ce type d’ouvrage se vend de moins en moins bien. Il y a encore 20 ans, certains éditeurs publiaient avec moins d’hésitation. Or, aujourd’hui, le rapport entre l’investissement d’un éditeur et les objectifs de ventes est primordial. Il aurait donc fallu faire des coupes franches sur les points de détails que, justement, je tenais à publier. Je ne voulais pas que l’intégrité de l’oeuvre soit sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. De plus, si je voulais diffuser gratuitement le format électronique, l’un des éditeurs me proposait de publier directement en achetant un stock d’exemplaires suffisants pour rentrer dans ses frais (l’investissement de départ pour produire quelques 300 exemplaires). Je trouve cela non seulement anti-écologique mais le système d’impression à la demande permet d’éviter ce genre de surproduction. Quant à acheter moi-même un stock de livres pour que l’éditeur puisse rentabiliser ses propres ventes, autant aller voir moi-même l’imprimeur. Je précise enfin que dans tous les cas il n’a été nullement question de rétribution des droits d’auteurs, sous-entendu : zéro ou quelques centimes 🙂
  • la raison économique : pour les éditeurs avec qui j’ai pu échanger plus profondément, publier sous licence libre, avec en plus la volonté de diffuser gratuitement la version électronique était suicidaire. Pour eux, le don de la version électronique est synonyme de perte de marché. C’est peut-être vrai du point de vue de l’éditeur (quoique cela reste à prouver), mais il n’empêche que le principe est inacceptable : si quelqu’un me demande la version électronique du livre, je la lui envoie sans hésiter, contrat d’exclusivité ou pas, car c’est mon devoir de scientifique. Par ailleurs que dire des exemplaires disponibles en bibliothèque? et la version électronique ne permet-elle pas un usage plus complet, comme par exemple la recherche de mots, un accès direct à cerains passages, etc.? C’était le principal point de clivage et j’ai même eu des échanges tendus à ce propos. Il s’agit de deux conceptions différentes de l’objet-livre : une conception monolithique (un livre est une oeuvre aboutie, finie une fois pour toutes) et basée sur la notion de propriété / exclusivité, et l’autre conception du livre-projet qui implique de laisser au lecteur une série de droits que s’approprient injustement les éditeurs. Partant de ce constat, la messe était dite.

Qu’en est-il également du droit d’auteur concernant les illustrations de l’ouvrage ?

Il y a deux types d’illustrations. En premier viennent les photographies de la Farm Security Administration que l’on trouve aujourd’hui à la Bibliothèque du Congrès. Ils s’agit de photographies réalisées par de grands photographes célèbres qui étaient alors embauchés par le gouvernement Roosevelt : Dorothea Lange, Walker Evans, Arthur Rothstein… Toutes ces photographies sont dans le domaine public (à condition de mentionner le numéro de référence) et le fait de mentionner l’auteur est plus un soucis d’exactitude. Concernant les 3 cartes climatiques du premier chapitre, elles sont elles aussi dans le domaine public (produites par un institut public).

Cet ouvrage est une publication scientifique ayant fait le choix de l’impression à la demande, cela aussi c’est assez rare dans le milieu ?

L’impression à la demande est peu pratiquée dans la communauté scientifique et pourtant elle mériterait de l’être. Après tout, pourquoi encombrer les sous-sols universitaires de stocks d’invendus et occuper les secrétaires de labo à la gestion des ventes par correspondance? Une revue ou une collection pourrait très simplement, tout en conservant un système d’évaluation par comité de lecture, se contenter de produire le PDF à imprimer à la demande. Plus besoin de débourser alors de l’argent public auprès d’un imprimeur, fut-il l’imprimeur officiel de l’université. Quant à la vente et les revenus, il s’agit la plupart du temps d’associations de type loi 1901, donc un compte en banque suffit.

Le modèle Framabook utilise ce système et je compte d’ailleurs le cloner avec un universitaire de mes amis, pour monter une collection sur le même modèle.

Reprenons ta casquette Framasoft, comment vont les framabooks ?

Parlons-en, justement. Les Framabooks vont bien et la communauté est de plus en plus active. J’en profite d’ailleurs pour les remercier tous pour le travail fourni en relecture, édition des formats, etc. Nous venons de sortir un premier roman, intitulé #Smartarded, par Pouhiou : c’est une nouveauté à double titre, d’abord pour son caractère inédit, mais aussi parce que nous n’avons a priori aucune idée sur la réception du livre par les lecteurs, ou même la nature du lectorat que nous aurons. C’est un domaine encore inconnu, tout comme l’élaboration du modèle de publication Framabook, grâce auquel les arcanes de l’édition commencent à nous être familières. C’est cela qui est stimulant 🙂

Après des années de « dictature bienveillante » de la part d’aKa, tu a récemment pris le relais en tant que président de l’association Framasoft. Pas trop dur, expérience enrichissante ?

Ce n’est pas ma première présidence d’association mais celle-ci est vraiment passionnante. J’en retiens surtout qu’un président-fondateur n’est pas un président comme les autres, et que la transition n’est pas évidente du point de vue du public (les membres, eux, me connaissent depuis assez longtemps, bien que par rapport à certains je fais figure de petit nouveau). J’assure donc la première présidence tournante de Framasoft. Cela demande du temps bien sûr mais nous avons tellement à construire ! La première raison à cela, c’est justement que le fondateur intervient depuis septembre 2012 en tant que salarié, avec une feuille de route qui permettra d’accroître les activités de Framasoft. En termes de productivité, l’arrivée de ce second permanent permet déjà significativement de multiplier les oportunités de partenariats, pour lesquelles il faudra faire attention de ne pas rester dans la phase consensuelle du Yakafokon. D’un autre côté, tout le monde est motivé pour cela et s’engage beaucoup dans ce tournant majeur dans l’histoire de Framasoft. De ce point de vue, la présidence n’est rien, l’engagement fait tout.

Un dernier mot ?

Pour rester dans le thème de ce billet, je tiens à signaler que sans Framasoft, je n’en serais pas arrivé à publier cet ouvrage sous licence libre. C’est bien parce qu’il existe des modèles comme Framabook que l’on voit clairement que le libre peut concerner bien d’autres secteurs que le logiciel. L’objectif de Framasoft est de promouvoir le logiciel libre et la culture libre, et cela implique d’être présent sur de multiples secteurs d’activité, en particulier envers le public. Après plus de vingt ans d’existence du noyau Linux, il faut attendre 2012 pour entendre que le logiciel libre dans l’administration publique est finalement une bonne idée, ce qui me laisse penser qu’on est encore bien loin d’adopter le Libre comme modèle de développement dans la société. Nous sommes convaincus qu’en promouvant le logiciel libre et qu’en montrant par l’exemple que le Libre est un bon modèle pour le développement de l’économie et des connaissances, nous nous dirigeons vers une meilleure société. C’est incroyable (et tellement positif) de voir à Framasoft le nombre de personnes capables de donner bénévolement de leur temps et motivés par le souci du partage (de code ou d’autres choses).

Pour cela, on pourra toujours les remercier mais je pense que la meilleure chose qu’on puisse leur donner, c’est un cadre d’activité, une structure, et c’est ce que propose Framasoft. Pour cela, il faut des moyens et là encore ce sont les dons de ceux qui nous font confiance qui nous permettent d’être efficaces.

La campagne de soutien à Framasoft va donc commencer mi-octobre. Elle est particulièrment importante cette fois car l’enjeu pour nous est de pouvoir envisager nos activités sur un plus long terme que seulement les prochains 6 mois. Il nous faut du temps pour développer des projets et trouver encore d’autres moyens de financement. Précisons encore deux choses : en tant qu’association reconnue d’intérêt général (et je pense que ce n’est plus à démontrer), les dons sont déductibles des impôts, par ailleurs il n’est nullement obligatoire d’attendre la campagne officielle de soutien, il suffit de vous rendre sur http://soutenir.framasoft.org/ 😉

Crédit photo : Violaine Masutti (Creative Commons By)

Notes

[1] Le SAGE n’existera qu’à partir de janvier 2013, il regroupera entre autre les membres de l’actuel département d’histoire des sciences de la vie et de la santé (dhvs), dont je fais partie.




À la rencontre des « bots » qui veillent eux aussi sur Wikipédia

Connaissiez-vous les « bots » de Wikipédia ?

Le mieux est de commencer tout d’abord par demander à Wikipédia :

« Les bots sont des agents automatiques ou semi-automatiques qui interagissent avec Wikipédia comme le fait un utilisateur, mais pour des tâches répétitives et fastidieuses pour un humain. Les bots peuvent être utilisés pour créer des articles. D’autres peuvent être utilisés pour éditer ou même détruire des articles. Certains bots sont spécialisés dans la gestion des liens d’interlangue, la résolution des homonymies, les annulations de certains vandalismes ou encore les opérations sur les catégories. Des bots bien conçus peuvent apporter un bénéfice concret à Wikipédia. Cependant, parce que le système n’a pas été conçu pour supporter des bots, même un bon bot peut avoir des effets secondaires non souhaitables. »

C’est donc de ces satanés bots dont il est question dans la traduction ci-dessous. Bien moins pour glorifier l’intelligence artificielle que pour rendre hommage à ceux bien humains qui les programment dans les coulisses.

Remarque : Les wikipédiens francophones ont quant à eux souvent à faire avec le bot Salebot (Attention, bot méchant ! nous prévient-on sur sa page « Utilisateur »), un article spécialement dédié lui avait été consacré par Camille Gévaudan sur le site Écrans en août 2008.

Kristina Alexanderson - CC by-sa

Meet the ‘bots’ that edit Wikipedia

Daniel Nasaw – 25 juillet 2012 – BBC News
(Traduction : elfabixx, Pwetosaurus, Gatitac, Jose, ProgVal, Kaya, fck)

Rencontrez les « bots » qui éditent Wikipédia

Wikipedia est écrit et maintenu par des dizaines de milliers de volontaires bénévoles dans le monde, qui sont eux-mêmes assistés par des centaines de « bots » — des programmes informatiques autonomes — qui aident à garder l’encyclopédie fonctionnelle.

« Le pénis est l’organe mâle de copulation et de miction chez les mammifères. » dit la page Wikipédia en question.

Cette affirmation est indéniablement vraie, et donc mérite d’être dans Wikipédia, mais elle n’a assurément rien à faire dans l’article du site consacré à la Cour suprême !

C’est un facétieux lecteur anonyme de Wikipédia vivant en Caroline du Sud a proposé cette contribution à l’encyclopédie mondiale en ligne la semaine dernière, et il a suffi de quelques secondes pour que cette erreur soit détectée et supprimée.

Ce vandalisme n’a pas été trouvé par un autre contributeur, mais simplement par un programme d’intelligence artificielle appelé « bot », qui est une aphérèse de « robot ».

Virtuellement invisible

ClueBot NG, car tel est son nom, réside dans un ordinateur à partir duquel il intervient sur la vaste encyclopédie pour détecter et nettoyer le vandalisme, quasiment dès que celui-ci apparaît.

Il fait partie des quelques centaines de bots qui patrouillent sur Wikipedia à tout moment. Son rôle dans la restauration immédiate de l’article sur la Cour suprême illustre comment les bots sont devenus une partie indispensable — même si virtuellement invisible — du projet Wikipédia.

« Wikipedia serait une belle pagaille sans les bots », écrivait dans un courriel un administrateur de Wikipédia, connu sur le site sous le nom de Herfold.

À elle seule, la version anglaise de Wikipedia dépasse les quatre millions d’articles ce mois-ci. Elle contient autour de 2.5 milliards de mots, équivalent à des millions de pages, et est 50 fois plus grosse que l’Encyclopædia Britannica.

Wikipedia est maintenue dans toutes les langues par des dizaines de milliers de contributeurs — dont environ 77 000 font plus de cinq éditions par mois.

Le projet est devenu avec le temps tellement vaste et sa maintenance un tel travail intensif que cela défie les capacités de ses administrateurs et simples contributeurs humains de le maintenir en ordre.

Intervenir contre les vandales

C’est là que les (ro)bots interviennent.

« On s’amuse à penser au jour où les robots se mettront en grève juste pour que tout monde se rende compte de la quantité de travail qu’ils abattent », dit Chris Grant un étudiant de 19 ans à Perth en Australie, qui fait partie du comité de Wikipédia qui supervise les robots.

« Le site demanderait beaucoup plus de travail de notre part et épuiserait davantage les contributeurs ».

Les bots effectuent ainsi de nombreuses tâches éditoriales et administratives qui sont fastidieuses, répétitives et chronophages mais néanmoins vitales.

Ils suppriment le vandalisme et les grossièretés, organisent et cataloguent les entrées, et gèrent les coulisses de l’encyclopédie, ce qui lui permet de fonctionner efficacement et de garder son apparence soignée et uniforme dans le style.

En des termes plus concrets, les bots sont comme des étudiants qui veillent sur les livres, déplacent des piles d’un étage à un autre, corrigent les codes-barres au dos des livres, et effectuent d’autres tâches ingrates, qui permettent aux bibliothécaires qualifiés de se concentrer sur les acquisitions et la politique du lieu.

Les bots peuvent-ils écrire ?

« Wikipédia s’est tellement développée que je ne sais pas comment les gens pourraient bien la gérer si tous les bots s’en allaient » nous dit Brad Jorsch, un programmeur informatique en Caroline du Nord qui gère un bot qui traque les bandeaux rappelant aux rédacteurs d’ajouter des sources aux articles.

Les bots sont présents depuis presque aussi longtemps que Wikipédia elle-même.

Le site a été fondé en 2001 et l’année suivante, un bot appelé Rambot a créé environ 30 000 articles — à un rythme du millier par jour — sur les villes individuelles des États-Unis. Le bot a puisé ses données directement à partir de tabeaux de recensement américain. Et les articles se lisaient bien comme s’ils avaient été écrit par un robot. Ils étaient courts et convenus, et contenaient à peine plus que des séries de statistiques démographiques.

Mais, une fois qu’ils avaient été créés, des rédacteurs humains prenaient le relais et remplissaient les entrées avec des détails historiques, des informations sur la politique locale et les sites touristiques.

En 2008, un autre bot a créé des milliers de courts articles sur des astéroïdes, renseignants quelques lignes de données pour chacun à partir des bases de données de la NASA.

Aujourd’hui, la communauté Wikipédia demeure divisée quant à l’apport des bots aux articles. Certains administrateurs trouvent que de petits articles composés de quelques données n’ont que peu de valeur, d’autres trouvent que tout nouveau contenu est bon à prendre.

La peur des bots malicieux

Le résultat du débat a été que les bots ne sont désormais plus autorisés à écrire des articles entiers. Cependant, leur capacité à effectuer le plus gros de la maintenance libère les vrais contributeurs humains qui disposent alors de plus de temps pour effectuer une recherche, créer ou modifier un article et vérifier l’exactitude du travail des autres.

« Je ne pense pas que les gens réalisent quelle quantité de maintenance et de travail annexe sont nécessaires sur Wikipédia » dit Grant.

Certains administrateurs craignent les dégâts qu’un bot renégat pourrait un jour occasionner à l’encyclopédie. Pensez à Skynet dans les films Terminator.


Ces peurs sont infondées, d’après Grant.

Déjà, un robot n’est pas comme une automobile : si une partie d’une opération échoue, il s’arrêtera plutôt que de se fracasser quelque part.

« Il faudrait déjà que quelqu’un demande à un programmeur de rendre le bot fou et qu’il efface tout », dit Grant.

« Les bots avec les droits de supprimer des pages, bloquer des éditeurs, et prendre d’autres décisions drastiques ne peuvent être utilisés que par des contributeurs de confiance disposant de hauts privilèges administratifs », dit Grant.

Cependant, les bots aussi font des erreurs lorsqu’ils font face à des situations pour lesquelles ils n’ont pas été conçus. ClueBot NG, le bot anti-vandlisme, a cependant un très faible taux de faux positifs (lorsqu’il confond des articles légitimes avec du vandalisme). Étant donné que Wikipédia garde une trace des éditions, les erreurs peuvent être réparées presque aussi vite qu’elles surgissent, disent les administrateurs.

Les contributeurs humains ne craignent pas d’être un jour remplacés par les bots, disent les maîtres de bots. « Ecrire un article, citer ses sources, ou encore améliorer sa grammaire et son orthographe nécessiteront toujours le concours d’une personne », conclut Jorsch.

Crédit photo : Kristina Alexanderson (Creative Commons By-Sa)