Dis-moi si tu préfères bidouiller Arduino ou consommer iPad et je te dirai qui tu es

FreeduinoParmi la centaine de commentaires provoqués par notre récent article Pourquoi je n’achèterai pas un iPad, on a pu noter une opposition franche entre ceux qui pensaient qu’il était important, voire fondamental, d’avoir la possibilité « d’ouvrir le capot » logiciel et matériel de la bête, et ceux qui n’y voyaient qu’une lubie de geeks passéistes et rétrogrades.

Or aujourd’hui nous allons justement évoquer un drôle d’objet qui accepte d’autant plus volontiers de se mettre à nu qu’il sait que c’est sa principale qualité aux yeux de son enthousiaste et créative communauté.

Il s’agit de la carte Arduino qui est un peu à l’électronique ce que le logiciel libre est à l’informatique, puisque le design, les schémas, les circuits et l’environnement de programmation sont disponibles sous licence libre[1].

Pour vous en dire plus sur cet atypique hardware libre, nous avons choisi de traduire ci-dessous un article de présentation qui fait le parallèle et la liaison avec les hackers ou bidouilleurs du monde GNU/Linux.

Nous vous suggérons également cette excellente interview de Alexandra Deschamps-Sonsino, réalisée par Hubert Guillaud pour InternetActu, dont voici quelques larges extraits :

Arduino est une plateforme de prototypage en électronique. Elle permet aux gens de faire par eux-mêmes, c’est-à-dire de fabriquer des projets interactifs, des objets qui répondent, qui réagissent par exemple à la présence des gens, à leurs mouvements, aux pressions qu’ils y exercent… Arduino relie le monde réel au monde virtuel et vice-versa.

Arduino est né en 2005 au sein d’une école de Design en Italie (…). Plusieurs professeurs ressentaient le besoin d’une plateforme technique pour créer des environnements physiques interactifs, utilisables par des gens qui n’avaient pas les compétences techniques pour cela.

(…) Arduino permet de faire un lien entre une entrée et une réponse. Il agit comme un cerveau : quand il reçoit telle information, il fait telle chose, selon la manière dont je l’ai équipé ou programmé. Arduino est à la fois du hardware et du software (du matériel et du logiciel). Il se compose d’une carte électronique de quelques centimètres qu’on connecte à un ordinateur à l’aide d’un câble USB. On télécharge un logiciel gratuit sur son ordinateur qui permet de gérer et programmer la puce de la carte Arduino. Une fois programmée, cette puce exécute ce qu’on lui dit. Il n’y a plus qu’à connecter la carte à une batterie et elle fait ce pour quoi elle a été programmée.

(…) Au niveau de la communauté, cette plateforme a révolutionné la façon dont les gens pensaient et réfléchissaient à la technologie. Il a permis de ne plus penser la techno de manière abstraite, mais de produire et s’impliquer très rapidement. C’est une plateforme qui coûte peu cher (la carte de base et la puce coûtent une vingtaine d’euros). Toute l’information nécessaire pour accéder au matériel et à son fonctionnement est en ligne, en open source, que ce soit via les forums ou via l’aire de jeux (où la communauté publie codes, plans, tutoriels et astuces). La communauté est désormais forte de quelque 6000 personnes très présentes dans les forums pour accueillir et accompagner les débutants. Il s’est vendu plus de 60 000 cartes Arduino à travers le monde et la distribution est désormais mondiale.

(…) L’internet nous a permis de faire plein de choses avec nos vies en ligne… et nous a donné envie de faire la même chose avec les objets de tous les jours.

Depuis la révolution industrielle, on a beaucoup créé de dépendances aux produits déjà fabriqués, déjà organisés. Le mouvement DIY (Do It Yourself, Faites-le vous-mêmes) qui se développe depuis 2 ans, réunit une communauté qui ne veut plus accepter des produits tout finis, tout cuits. Cette nouvelle vague de hackers (bidouilleurs) essaye de regarder ce qu’il y a l’intérieur, alors que les conditions d’utilisation n’encouragent pas les gens à regarder ce qu’il y a l’intérieur de ce qu’ils achètent. (…) Le DIY devient un outil pour la microproduction, permettant à chacun de créer son propre business, de fabriquer 20 exemplaires et de voir ce qu’il se passe. Le DIY est finalement important pour sortir du carcan de la mégaproduction. Avant, il fallait un grand marché potentiel pour lancer un produit. Avec l’internet et des plateformes comme Arduino, chacun a accès à sa micro production.

Arduino s’inscrit donc en plein dans cette approche DIY (Do It Yourself), ou, encore mieux, du DIWO (Do It With Others), que l’on retrouve dans les Fab lab (lire à ce sujet cet article de Rue89).

Le professeur que je suis se met à rêver d’une utilisation accrue de ces objets libres dans nos écoles, en particulier en cours de technologie au collège[2].

Plus de curiosité, de créativité, d’esprit critique, d’autonomie, et d’envie d’appprendre, comprendre et entreprendre ensemble, pour moins d’idolâtrie, de passivité et d’individualisme consumériste : une « génération Arduino » plutôt qu’une « génération iPad » en somme…

PS : Tous les liens de l’article ont été ajoutés par nos soins pour en faciliter la compréhension.

Arduino – La révolution matérielle

Arduino – the hardware revolution

Richard Smedley – 23 février 2010 – LinuxUser.co.uk
(Traduction Framalang : Yoann, JmpMovAdd, Siltaar et Goofy)

Chaque année on nous annonce que ce sera « l’année de Linux sur nos écrans d’ordinateur ». Or cette percée tant attendue du logiciel libre chez le grand public tarde à arriver. Mais au moment même où nous guettons des signes d’espoir tels que les ventes de netbooks sous Linux, l’apparition de sites en Drupal ou le développement des téléphones Android (dont une partie est libre), une autre révolution est en marche, dans le monde physique et pourtant pas si éloigné de la sphère d’Internet.

Et voici Arduino qui fait son entrée : un faible coût, un code source ouvert, une carte matérielle pour le raccordement du monde réel à votre ordinateur, et/ou à tout l’Internet. Que peut-on en faire ? Tout. La seule limite est l’imagination, et comme vous allez le voir à travers quelques exemples de créations que nous passons en revue ici, l’invention de nouveaux usages est la seule règle.

Matériel ouvert

Tout comme dans le cas de GNU/Linux, la propagation de ce matériel tient aux raisons suivantes : tout le monde le possède, peut l’améliorer et il donne envie de s’y impliquer. Les plans de référence pour Arduino sont en effet distribués sous licence Creative Commons (le logiciel est quant à lui naturellement sous licence libre en GPL/LGPL), et la société italienne qui est derrière cette plateforme, Smart Projects, accepte avec plaisir les nouveaux collaborateurs et les suggestions alternatives. Les cartes sont réalisées en différents formats, vendues partout dans le monde entier, et si vous souhaitez en fabriquer une vous-même, le Web regorge de modèles différents, quel que soit votre niveau de compétence.

Le nombre de cartes utilisées est estimé à plusieurs centaines de milliers, mais comme dans le cas des distributions Linux, la possibilité de les copier librement rend délicat le décompte précis. Ce qui n’est pas difficile c’est de constater la nature véritablement ouverte des communautés en ligne et l’émergence de nombreuses réunions entre hackers autour des projets Arduino. Ceci a généré un flot continu des projets géniaux menés par toutes sortes de personnes à la fibre créative et artistique. Mais d’abord, un peu d’histoire…

Ceux qui ont de la mémoire et un intérêt pour l’histoire des geeks et du mouvement du logiciel libre se souviennent peut-être du Tech Model Railroad Club (TMRC) – un groupe d’étudiants du MIT créé dans les années 1950 qui s’étaient réunis pour jouer avec les trains électriques. Certains s’intéressaient avant tout aux modèles réduits mais d’autres se passionnaient pour les circuits, l’aiguillage et tout ce qui fait que les trains partent et arrivent à l’heure. C’est le fameux Signals and Power Subcommittee (NdT : Sous-comité des signaux et de l’énergie) qui a mis en œuvre dans les années cinquante et soixante un système de contrôle numérique semi-automatique très brillant, avant d’acquérir un ordinateurs PDP-11 en 1970.

Les membres du TMRC on incarné très tôt la culture hacker, lui donnant son vocabulaire et ses termes de référence. Beaucoup sont devenus des pionniers au sein des premières grandes entreprises d’informatique (DEC, …). Mais cette culture hacker correspondait bien au stéréotype américain du « nerd » : le génie sociopathe qui n’arrivait jamais à avoir de petite copine (au TMRC il n’y avait, inévitablement, que des garçons).

Les logiciels libres et la culture hacker ont toujours souffert d’un problème d’image, si bien que la participation féminine dans l’informatique professionnelle a chuté de 50% à 20% pendant les 50 dernières années, certain projets libres ont la proportion dérisoire de 1% de femme. C’est déplorable, les gars, vraiment ! mais il y a des lueurs d’espoir.

Au-delà d’Arduino

Les modules sont basées sur les micro-contrôleurs Atmel AVR et une conception open source. Il vous est donc facile de faire votre propre Arduino et en fait il existe beaucoup de versions de ce que l’on appelle les Freeduinos qui ont été créés pour des besoin très différents.

Même le micro-contrôleur Atmel n’est pas indispensable – du moment que l’interface et le langage sont compatibles, on peut bricoler toutes sortes de clones. Il existe aussi des kits pour créer son propre Arduino, vous pouvez même construire votre propre carte si vous êtes à l’aise avec l’électronique embarquée. C’est ce que font finalement certains après des expériences fructueuses avec l’Arduino, bien qu’ils ne soient pas à priori des hackers de systèmes embarqués.

Ainsi la télécommande Arduino pour caméra de Michael Nicholls’s, élaborée avec au Fizzpop hackerspace, est un voyage parmi les oscillateurs et les signaux carrés de contrôle. Chaque projet peut s’avérer aussi amusant qu’éducatif, et en fait, la vie ne devrait-elle pas toujours lier ces deux éléments ? Les télécommandes pour caméra sont un projet populaire, mais ceux qui souhaitent les rendre encore plus petites vont au-delà du projet Arduino, et développent leurs propres cartes mères.

Pour Abdul A Saleh et Aisha Yusuf, le projet Arduino a été une étape puisqu’ils bidouillaient un circuit à brancher sur des radios ordinaires jusqu’à ce qu’ils réalisent qu’un service Web serait plus utile pour leur idée de startup, un moyen de trouver des émissions télé connexes. Leur système peut désormais pointer sur des podcasts au lieu de parcourir les stations de radios, mais « c’est cela qui donne désormais un nouvel élan à de notre projet » indique Yusuf.

En creusant autour de l’univers amical des hackers d’Arduino on trouve plusieurs startups, micro-sociétés et excellentes petites entreprises de constructeurs, vendeurs et formateurs, ainsi que des artistes. Certains, comme .:oomlout:. entrent dans toutes les catégories à la fois.

Beaucoup sont allés du « suivre la voie du matériel libre », à « poursuivre leur rêves ». Tout comme l’Internet mobile, les ordinateurs portables et les cybercafés ont permis aux créatifs numériques de se lancer en freelance à moindre frais, le bidouilleur de matériel dédié a besoin de son espace de travail partagé à moindre coût, avec si possible plein de collègues créatifs autour. Pour répondre à ce besoin, les hackerspaces (NdT : que l’on pourrait éventuellement traduire par « bidouilloires ») ont finalement vu le jour au Royaume-Uni.

Hackerspaces

Si le netbook n’a pas complètement fait de 2009 « l’année de Linux dans les ordinateurs grand public », il a vu l’arrivée en retard des hackerspaces sur ses rives, avec des groupes se formant à Birmingham, Brighton, Exeter, Leeds, Liverpool, Londres, Manchester, Shrewsbury, Stoke-on-Trent et York, avec deux groupes distincts coopérant à Manchester. (NdT : le même phénomène s’est produit en France avec au moins cinq hackerspaces rien qu’à Paris – voir Hackerspace.net et ce reportage de Rue89)

Fabrique le toi-même, ne l’achète pas. L’éthique du hacker sonne bien ces temps-ci, alors que l’intérêt pour les jardins familiaux va croissant et que les journaux multiplient les dossiers pour nous aider à bâtir des maisons plus écologiques. Ce n’est plus le « fais-le marcher et répare », hérité de nos parents avec le rationnement en temps de guerre, et l’austérité qui a suivi, mais un défi post-société de consommation, pour trouver de la valeur au-delà du « je suis ce que je consomme », par une implication plus profonde dans les choses qui nous entourent. C’est cette implication que l’on retrouve avec les projets Arduino et les réalisations complexes sorties des hackerspaces. Ils témoignent d’une approche vraiment ludique et d’une certaines aisance avec la technologie plutôt que son rejet.

L’Homo sapiens est la seule race définie par les objets dont elle s’entoure, et qui ne peut survivre sans les outils qu’elle fabrique. Des recherches archéologiques ont montré que les néanderthaliens de l’âge de pierre, vivant dans des caves, sans agriculture, et survivant grâce à la chasse et à la cueillette, employaient leurs précieuses heures de temps libre à fabriquer des bijoux et du maquillage.

Il semble que l’envie de jouer, de se parer et de s’amuser soit inhérente à ce que nous sommes. Les hackers et les artistes qui utilisent les modules Arduino pour s’amuser avec le matériel ne sont ni des fondus de technologie ni des artistes d’avant-garde mais la simple incarnation de l’esprit de notre temps.

Quelques liens connexes (en vrac)

Ne pas hésiter à en ajouter d’autres références dans les commentaires et bien entendu à donner votre avis sur Arduino, son modèle et notre choix discutable de l’opposer ici symboliquement et sociologiquement à l’iPad.

Notes

[1] Crédit photo : Freeduino.org (Creative Commons By)

[2] Il est à noter que le groupe toulousain LinuxÉdu (voir ce billet du Framablog) propose le 5 juin prochain une découverte d’Arduino parmi les nombreuses autres actions de sa journée de sensibilisation.




Lancement réussi du premier Traducthon Framalang à l’Ubuntu Party de Paris

Traducthon - Ubuntu Party Paris - mai 2010Votre mission, si toutefois vous l’acceptez…

Le « Traducthon », mais qu’est-ce donc que ce néologisme barbare que l’on vient d’inventer ?

Cela consiste à traduire collaborativement au même moment et au même endroit un document anglophone sélectionné préalablement. Le challenge étant de commencer et surtout terminer l’ensemble du travail dans le temps imparti[1].

À l’initiative du groupe de traducteurs Framalang, le premier « Traducthon » vient à peine de s’achever. Il a eu lieu ce samedi 29 mai de 11h à 14h lors de l’Ubuntu Party de Paris, dont nous remercions les organisateurs pour leur invitation et leur accueil.

Rencontre et convivialité sans perdre de vue l’objectif. C’est un peu comme un apéro Facebook sans Facebook dont l’apéro viendrait après le boulot 😉

En s’insérant dans cette prestigieuse manifestation, l’idée était également d’inviter spontanément les passants curieux à participer avec nous, ou tout du moins leur expliquer ce que nous faisions là avec tant d’enthousiasme. Parce que « l’esprit du Libre » c’est aussi ça et ça n’est donc pas uniquement réservé aux développeurs chevronnés.

Pour coller à l’actualité, nous avons fait le choix d’un article critique sur l’iPad de Cory Doctorow nous expliquant pourquoi il n’en achètera pas (nous non plus d’ailleurs). Pari tenu puisque la traduction a été mise en ligne dans la foulée sur le Framablog !

Voici un cliché, parmi d’autres[2], où figurent quelques uns des participants :

Traducthon - Ubuntu Party Paris - mai 2010

Vous remarquerez la présence d’un écran coloré projetant l’espace de travail du Traducthon.

Nous avons en effet travaillé en temps réel sur un unique fichier issu de l’excellent logiciel d’édition collaborative en ligne Etherpad (dont Google, encore lui, a eu la bonne idée de libérer les sources récemment).

Traducthon - Ubuntu Party Paris - mai 2010Ceux qui y étaient en témoigneront dans les commentaires, travailler à l’aide de l’application Etherpad est pratique et ludique. À chaque couleur son participant, comme l’illustre l’image ci-contre, que l’on voit éditer en même temps qu’on édite, ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser quelques intéressants problèmes d’organisation.

Cliquez (si le serveur tient) sur la frise chronologique de notre fichier à l’instant t=0 et appuyez sur la grosse flèche en haut à droite pour faire défiler le temps… Partagez-vous ma fascination de voir apparaître au fur et à mesure les contibutions, modifications et commentaires de chacun ?

Du coup, ceux qui comme moi n’avaient pu physiquement se rendre sur place à Paris ont eu la possibilité d’apporter néanmoins leur pierre à l’édifice en se connectant à l’instant précis de la date fixée.

Nous n’avions ici que 3 petites heures à notre disposition, ce qui limitait d’autant la taille du document choisi. Mais avec l’expérience de cette première fois plus qu’encourageante, nous vous donnons rendez-vous début juillet à Bordeaux pour la onzième édition des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre où nous serons présents durant les 6 jours de la manifestation pour œuvrer cette fois-ci à un projet bien plus ambitieux : la traduction intégrale d’un livre.

Merci à tous les participants et à très bientôt.

Notes

[1] Le Traducthon est un fork non hostile et adapté à un travail de traduction du concept des Book Sprints issu du site FLOSS manuals.

[2] Crédit photos : Quentin Theuret alias cheval_boiteux (Creative Commons By)




Pourquoi je n’achèterai pas un iPad

Josh Liba - CC byHier, vendredi 28 mai, soit deux mois après les États-Unis, Apple a lancé officiellement la commercialisation en France de l’iPad.

L’occasion pour nous de traduire cet article de Cory Doctorow dont le titre ne souffre d’aucune ambiguïté.

L’ami Cory est l’un de nos plus brillants défenseurs des libertés numériques, et il n’est guère étonnant de le voir ici monter au créneau pour y manifester sa grande perplexité, arguments percutants et convaincants à l’appui.

Avec notre billet iPad’libertés pour les utilisateurs de la Free Software Foundation, cela nous fait deux bonnes raisons d’expliquer aux adorateurs du Veau d’or[1] que sous le vernis clinquant d’une fausse modernité se cache une réalité bien moins reluisante qu’il n’y paraît.

Remarque : Cette traduction a été entièrement réalisée le samedi 29 mai de 11h à 14h dans le cadre du premier « Traducthon », atelier original organisé par l’équipe Framalang et inséré dans l’Ubuntu Party de Paris. Pour en savoir plus…

Pourquoi je n’achèterai pas un iPad (et pense que vous ne devriez pas non plus)

Why I won’t buy an iPad (and think you shouldn’t, either)

Cory Doctorow – 2 avril 2010 – BoingBoing
(Traduction Framalang : la quinzaine de personnes présentes au Traducthon)

Voilà dix ans que j’écris des chroniques sur Boing Boing pour y faire découvrir des trucs sympas que d’autres ont créés. La plupart des nouveautés vraiment intéressantes ne sont pas venues de grosses entreprises aux budgets gigantesques, mais d’amateurs qui expérimentent. Des gens qui ont été capables de créer des produits, de les proposer au public et même de les vendre, sans avoir à se soumettre aux diktats d’une seule entreprise qui s’autoproclame gardien de votre téléphone et autres engins high-tech personnels.

Danny O’Brien explique très bien pourquoi je ne vois aucun intérêt à l’achat d’un iPad – on dirait vraiment le retour de la « révolution » CD-ROM, quand l’industrie du « contenu » proclamait qu’elle allait réinventer les médias, en concevant des produits hors de prix (à fabriquer et à acheter). J’ai commencé ma carrière dans l’informatique en tant que programmeur pour des CD-ROM, et j’ai moi aussi ressenti cet engouement, mais j’ai fini par comprendre que c’était une impasse et que les plateformes ouvertes et les amateurs inventifs finiraient par surpasser les pros roublards et disposant de gros budgets.

Je me rappelle les premiers jours du Web – et les derniers jours du CD-ROM – quand tout le monde s’accordait à dire que le Web et les PC étaient trop « geek », trop compliqués et trop imprévisibles pour « ma mère » (c’est incroyable le nombre de technophiles qui mettent leur mère plus bas que terre). Si on m’avait donné une action d’AOL à chaque fois qu’on m’a dit que le Web allait mourir parce qu’AOL était simplissime et que le Web était un vrai dépotoir, je serais un gros actionnaire.

Et mes parts ne vaudraient pas grand-chose.

Les entreprises dominantes font de piètres révolutionnaires

Compter sur les entreprises dominantes pour être à l’origine de nos révolutions est une erreur stratégique. Elles ont une fâcheuse tendance à utiliser leurs technologies pour facturer voire interdire tout ce qu’il y a de bien dans leur produit.

Prenez par exemple l’application Marvel dédiée à l’iPad (jetez juste un coup d’œil, pas plus). Enfant, j’étais fan de comics, et je le suis resté. Ce qui me plaisait par-dessus tout, c’était de les échanger. Il n’existait pas de medium reposant davantage sur les échanges entre gamins pour constituer son public. Et le marché des bédés d’occasion ! C’était – et c’est encore – tout simplement énorme, et essentiel. Combien de fois ai-je farfouillé dans les caisses de bédés d’occasion dans un immense entrepôt poussiéreux pour retrouver des anciens numéros que j’avais ratés, ou de nouveaux titres pour pas cher (dans ma famille, c’est devenu une sorte de tradition qui se perpétue d’une génération à l’autre – le père de ma mère l’emmenait tous les week-ends avec ses frères et sœurs au Dragon Lady Comics sur Queen Street à Toronto pour troquer leurs vieilles bédés contre des nouvelles).

Qu’ont-ils fait chez Marvel pour « améliorer » leurs bandes dessinées ? Ils vous interdisent de donner, vendre ou louer les vôtres. Bravo l’amélioration. Voilà comment ils ont transformé une expérience de partage exaltante et qui crée du lien, en une activité passive et solitaire, qui isole au lieu de réunir. Bien joué, « Marvsney » (NdT : Contraction de Marvel et Disney, en référence au récent rachat du premier par le second pour 4 milliards de dollars).

Du matériel infantilisant

Considérons ensuite l’appareil lui-même : à l’évidence, on s’est creusé la tête pour le concevoir, mais on ressent aussi un grand mépris pour l’utilisateur. Je suis intimement convaincu de la pertinence du Manifeste du constructeur (NdT : Maker Manifesto) : « Si vous ne pouvez pas l’ouvrir, alors ce n’est pas à vous ». Il faut préférer les vis à la colle. Le Apple ][+ d’origine était fourni avec le plan schématique des circuits imprimés, et a donné naissance à une génération de hackers qui bidouillaient leur matériel informatique ou leurs logiciels et ont bousculé le monde dans le bon sens.

Mais, avec l’iPad, il semblerait que pour Apple le client type soit la maman technophobe et simplette, celle-là même dont on parle si souvent dans l’expression « c’est trop compliqué pour ma mère » (écoutez les pontifes chanter les louanges de l’iPad, ils ne tarderont pas à expliquer qu’on tient enfin quelque chose qui n’est pas trop compliqué pour leur pauvre maman).

La seule interaction que propose l’iPad est celle du simple « consommateur », c’est-à-dire, selon la mémorable définition de William Gibson, « un truc de la taille d’un bébé hippo, couleur patate bouillie vieille d’une semaine, qui vit seul, dans l’obscurité, dans un mobile home, aux alentours de Topeka. Il est recouvert d’yeux, et transpire en permanence. La sueur dégouline et lui pique les yeux. Il n’a pas de bouche… pas d’organes génitaux, et ne peut exprimer ses pulsions rageuses et ses désirs infantiles qu’en changeant de chaîne avec sa télécommande universelle ».

Pour améliorer votre iPad, ne cherchez pas à comprendre comment il fonctionne pour le bricoler, achetez des iApps. Offrir un iPad à vos enfants, ce n’est pas un moyen de leur faire comprendre qu’ils peuvent démonter et réassembler le monde autour d’eux. C’est un moyen de leur dire que même changer les piles c’est une affaire de pros.

Sur ce sujet, il faut absolument lire l’article de Dale Dougherty sur l’influence d’Hypercard pour toute une génération de jeunes hackers. J’ai effectué mes débuts comme programmeur Hypercard, dont l’invitation douce et intuitive à refaire le monde m’a donné envie d’embrasser une carrière dans l’informatique.

Le modèle de la grande distribution s’étend au logiciel

Intéressons-nous maintenant à l’iStore. Les DRM sont l’alpha et l’oméga d’Apple, alors même que son dirigeant clame partout qu’il les déteste. Apple s’est allié à deux industries (celles du divertissement et des télécoms) qui sont les plus convaincues que vous ne devriez pas être en mesure de modifier vos appareils, d’y installer vos logiciels, d’écrire des applications, et d’outrepasser les instructions envoyées par le vaisseau mère. Apple a construit son activité autour de ces principes. La société utilise des DRM pour contrôler ce que vous pouvez faire sur vos propres appareils, ce qui signifie que les clients d’Apple ne peuvent emmener leur « iContenu » avec eux vers des appareils concurents, et que ceux qui développent pour Apple ne peuvent vendre à leurs propres conditions.

Le verrouillage de l’iStore ne rend pas meilleure la vie des clients ou des développeurs d’applications . En tant qu’adulte, je veux être capable de choisir ce que j’achète et à qui je fais confiance pour l’évaluer. Je ne veux pas que le Politburo de Cupertino (NdT : La ville du siège d’Apple) restreigne mon univers applicatif à ce qu’il choisit d’autoriser sur sa plateforme. Et en tant que créateur et détenteur de copyright, je ne veux pas d’un unique canal de diffusion contrôlant l’accès à mon public et dictant quel contenu est acceptable. La dernière fois que j’ai blogué sur ce sujet, Apple s’est répandu en excuses pour le caractère abusif de ses conditions contractuelles, mais la meilleure était : « Pensiez-vous vraiment que nous fournirions une platefome où vous pouvez faire fortune sans aucune contrepartie ? ». J’ai lu cette phrase en imitant la voix de Don Corleone et ça sonnait vraiment bien. Je crois en un marché où la compétition peut prendre place sans que j’aie pour autant à m’agenouiller devant une entreprise qui a érigé un pont-levis entre mes clients et moi.

Le journalisme en quête d’une figure paternelle

Si la presse parle autant de l’iPad, c’est selon moi parce qu’Apple assure le spectacle, et parce dans le monde merveilleux de la presse, chacun cherche une figure paternelle qui lui promettra le retour de son lectorat payant. Toutefois, ce n’est pas seulement parce que les gens peuvent avoir accès gratuitement aux journaux qu’ils ne paient plus. C’est aussi parce que des contenus alternatifs, gratuits et de qualité équivalente, se multiplient. L’ouverture des plateformes a permis une explosion de la quantité de contenus, certains un peu amateurs, d’autres de qualité professionnelle, la plupart mieux ciblés que ne le proposaient les anciens médias. Rupert Murdoch peut menacer tant qu’il le veut de retirer son contenu de Google, je lui dis : Vas-y Rupert, fonce ! Ta fraction de fraction de morceau de pourcentage du Web nous manquera tellement peu qu’on ne le remarquera même pas, et nous n’aurons aucun problème à trouver du contenu pour combler le vide.

La presse techno regorge de gadgets dont les blogueurs spécialisés raffolent (et qui n’intéressent personne d’autre). De même, la presse généraliste est remplie d’articles qui nourrissent le consensus médiatique. Les empires d’hier pensent faire quelque chose de sacré, vital et surtout mature, et ce sont ces adultes qui veulent nous extraire de ce bac à sable qu’est le Web, plein de contenus amateurs sans circuits de distribution, afin d’y conclure des accords d’exclusivité. Et nous retournerons alors dans le jardin clôturé qui apporte tant de valeur actionariale à des investisseurs dont le portefeuille n’a pas évolué avec le commerce en ligne.

Mais l’observation attentive du modèle économique de l’édition sur iPad nous raconte une toute autre histoire : même des ventes astronomiques d’iPad n’arriveront pas vraiment à arrêter l’hémorragie des ventes de l’édition papier. Et ce n’est pas en poussant de grands soupirs et en regrettant le bon temps où tout était verrouillé que les clients reviendront.

Les gadgets, ça va ça vient

Les gadgets, ça va ça vient. L’iPad que vous achetez aujourd’hui va devenir de l’e-pollution dans un an ou deux (moins, si vous décidez de ne pas payer pour qu’on vous change la batterie). Le vrai problème n’est pas dans les fonctionnalités de ce bout de plastique que vous déballez aujourd’hui, mais dans l’infrastructure technique et sociale qui l’accompagne.

Si vous voulez vivre dans un univers créatif où celui qui a une bonne idée peut en faire un programme que vous pourrez installer sur votre appareil, l’iPad n’est pas fait pour vous.

Si vous voulez vivre dans un monde équitable où vous pouvez conserver (ou donner) ce que vous achetez, l’iPad n’est pas fait pour vous.

Si vous voulez écrire du code pour une plateforme où la seule chose qui conditionne votre succès est la satisfactions de vos utilisateurs, l’iPad n’est pas fait pour vous.

Notes

[1] Crédit photo : Josh Liba (Creative Commons By)




Code is Law – Traduction française du célèbre article de Lawrence Lessig

Chiara Marra - CC byLe 5 mars dernier, Tristan Nitot se pose la question suivante sur Identi.ca : « Je me demande s’il existe une version française de Code is Law, ce texte sublime de Lessig ».

Monsieur Nitot qui évoque un texte sublime de Monsieur Lessig… Mais que vouliez-vous que nos traducteurs de Framalang fassent, si ce n’est participer à modifier favorablement la réponse de départ étonnamment négative !

Écrit il y a plus de dix ans, cet article majeur a non seulement fort bien vieilli mais se serait même bonifié avec le temps et l’évolution actuelle du « cyberespace » où neutralité du net et place prise par les Microsoft, Apple, Google et autres Facebook occupent plus que jamais les esprits et nos données[1].

Bonne lecture…

Le code fait loi – De la liberté dans le cyberespace

Code is Law – On Liberty in Cyberspace

Lawrence Lessig – janvier 2000 – Harvard Magazine
(Traduction Framalang : Barbidule, Siltaar, Goofy, Don Rico)

À chaque époque son institution de contrôle, sa menace pour les libertés. Nos Pères Fondateurs craignaient la puissance émergente du gouvernement fédéral ; la constitution américaine fut écrite pour répondre à cette crainte. John Stuart Mill s’inquiétait du contrôle par les normes sociales dans l’Angleterre du 19e siècle ; il écrivit son livre De la Liberté en réaction à ce contrôle. Au 20e siècle, de nombreux progressistes se sont émus des injustices du marché. En réponse furent élaborés réformes du marché, et filets de sécurité.

Nous sommes à l’âge du cyberespace. Il possède lui aussi son propre régulateur, qui lui aussi menace les libertés. Mais, qu’il s’agisse d’une autorisation qu’il nous concède ou d’une conquête qu’on lui arrache, nous sommes tellement obnubilés par l’idée que la liberté est intimement liée à celle de gouvernement que nous ne voyons pas la régulation qui s’opère dans ce nouvel espace, ni la menace qu’elle fait peser sur les libertés.

Ce régulateur, c’est le code : le logiciel et le matériel qui font du cyberespace ce qu’il est. Ce code, ou cette architecture, définit la manière dont nous vivons le cyberespace. Il détermine s’il est facile ou non de protéger sa vie privée, ou de censurer la parole. Il détermine si l’accès à l’information est global ou sectorisé. Il a un impact sur qui peut voir quoi, ou sur ce qui est surveillé. Lorsqu’on commence à comprendre la nature de ce code, on se rend compte que, d’une myriade de manières, le code du cyberespace régule.

Cette régulation est en train de changer. Le code du cyberespace aussi. Et à mesure que ce code change, il en va de même pour la nature du cyberespace. Le cyberespace est un lieu qui protège l’anonymat, la liberté d’expression et l’autonomie des individus, il est en train de devenir un lieu qui rend l’anonymat plus difficile, l’expression moins libre et fait de l’autonomie individuelle l’apanage des seuls experts.

Mon objectif, dans ce court article, est de faire comprendre cette régulation, et de montrer en quoi elle est en train de changer. Car si nous ne comprenons pas en quoi le cyberespace peut intégrer, ou supplanter, certaines valeurs de nos traditions constitutionnelles, nous perdrons le contrôle de ces valeurs. La loi du cyberespace – le code – les supplantera.

Ce que contrôle le code

Le code élémentaire d’Internet est constitué d’un ensemble de protocoles appelé TCP/IP. Ces protocoles permettent l’échange de données entre réseaux interconnectés. Ces échanges se produisent sans que les réseaux aient connaissance du contenu des données, et sans qu’ils sachent qui est réellement l’expéditeur de tel ou tel bloc de données. Ce code est donc neutre à l’égard des données, et ignore tout de l’utilisateur.

Ces spécificités du TCP/IP ont des conséquences sur la régulabilité des activités sur Internet. Elles rendent la régulation des comportements difficile. Dans la mesure où il est difficile d’identifier les internautes, il devient très difficile d’associer un comportement à un individu particulier. Et dans la mesure où il est difficile d’identifier le type de données qui sont envoyées, il devient très difficile de réguler l’échange d’un certain type de données. Ces spécificités de l’architecture d’Internet signifient que les gouvernements sont relativement restreints dans leur capacité à réguler les activités sur le Net.

Dans certains contextes, et pour certaines personnes, cette irrégulabilité est un bienfait. C’est cette caractéristique du Net, par exemple, qui protège la liberté d’expression. Elle code l’équivalent d’un Premier amendement dans l’architecture même du cyberespace, car elle complique, pour un gouvernement ou une institution puissante, la possibilité de surveiller qui dit quoi et quand. Des informations en provenance de Bosnie ou du Timor Oriental peuvent circuler librement d’un bout à l’autre de la planète car le Net empêche les gouvernements de ces pays de contrôler la manière dont circule l’information. Le Net les en empêche du fait de son architecture même.

Mais dans d’autres contextes, et du point de vue d’autres personnes, ce caractère incontrôlable n’est pas une qualité. Prenez par exemple le gouvernement allemand, confronté aux discours nazis, ou le gouvernement américain, face à la pédo-pornographie. Dans ces situations, l’architecture empêche également tout contrôle, mais ici cette irrégulabilité est considérée comme une tare.

Et il ne s’agit pas seulement des discours nazis et de pornographie enfantine. Les principaux besoins de régulation concerneront le commerce en ligne : quand l’architecture ne permet pas de transactions sécurisées, quand elle permet de masquer facilement la source d’interférences, quand elle facilite la distribution de copies illégales de logiciels ou de musique. Dans ces contextes, le caractère incontrôlable du Net n’est pas considéré comme une qualité par les commerçants, et freinera le développement du commerce.

Que peut-on y faire ?

Nombreux sont ceux qui pensent qu’il n’y a rien à faire : l’irrégulabilité d’Internet est définitive. Il n’est rien que nous puissions faire pour y remédier. Aussi longtemps qu’il existera, Internet restera un espace incontrôlable. C’est dans sa nature même.

Mais rien n’est plus dangereux pour l’avenir de la liberté dans le cyberespace que de croire la liberté garantie par le code. Car le code n’est pas figé. L’architecture du cyberespace n’est pas définitive. L’irrégulabilité est une conséquence du code, mais le code peut changer. D’autres architectures peuvent être superposées aux protocoles de base TCP/IP, et ces nouvelles couches peuvent rendre l’usage du Net fondamentalement contrôlable. Le commerce est en train de construire une architecture de ce type. Le gouvernement peut y aider. Les deux réunis peuvent transformer la nature même du Net. Il le peuvent, et le font.

D’autres architectures

Ce qui rend le Net incontrôlable, c’est qu’il est difficile d’y savoir qui est qui, et difficile de connaître la nature des informations qui y sont échangées. Ces deux caractéristiques sont en train de changer : premièrement, on voit émerger des architectures destinées à faciliter l’identification de l’utilisateur, ou permettant, plus généralement, de garantir la véracité de certaines informations le concernant (qu’il est majeur, que c’est un homme, qu’il est américain, qu’il est avocat). Deuxièmement, des architectures permettant de qualifier les contenus (pornographie, discours violent, discours raciste, discours politique) ont été conçues, et sont déployées en ce moment-même. Ces deux évolutions sont développées sans mandat du gouvernement ; et utilisées conjointement elles mèneraient à un degré de contrôle extraordinaire sur toute activité en ligne. Conjointement, elles pourraient renverser l’irrégulabilité du Net.

Tout dépendrait de la manière dont elles seraient conçues. Les architectures ne sont pas binaires. Il ne s’agit pas juste de choisir entre développer une architecture permettant l’identification ou l’évaluation, ou non. Ce que permet une architecture, et la manière dont elle limite les contrôles, sont des choix. Et en fonction de ces choix, c’est bien plus que la régulabilité qui est en jeu.

Prenons tout d’abord les architectures d’identification, ou de certification. Il existe de nombreuses architectures de certification dans le monde réel. Le permis de conduire, par exemple. Lorsque la police vous arrête et vous demande vos papiers, ils demandent un certificat montrant que vous êtes autorisé à conduire. Ce certificat contient votre nom, votre sexe, votre âge, votre domicile. Toutes ces informations sont nécessaires car il n’existe aucun autre moyen simple pour établir un lien entre le permis et la personne. Vous devez divulguer ces éléments vous concernant afin de certifier que vous êtes le titulaire légitime du permis.

Mais dans le cyberespace, la certification pourrait être ajustée beaucoup plus finement. Si un site est réservé aux adultes, il serait possible – en utilisant des technologies de certification – de certifier que vous êtes un adulte, sans avoir à révéler qui vous êtes ou d’où vous venez. La technologie pourrait permettre de certifier certains faits vous concernant, tout en gardant d’autres faits confidentiels. La technologie dans le cyberespace pourrait fonctionner selon une logique de « moindre révélation », ce qui n’est pas possible dans la réalité.

Là encore, tout dépendrait de la manière dont elle a été conçue. Mais il n’est pas dit que les choses iront dans ce sens. Il existe d’autres architectures en développement, de type « une seule carte pour tout ». Dans ces architectures, il n’est plus possible de limiter simplement ce qui est révélé par un certificat. Si sur un certificat figure votre nom, votre adresse, votre âge, votre nationalité, ainsi que le fait que vous êtes avocat, et si devez prouver que vous êtes avocat, cette architecture certifierait non seulement votre profession, mais également tous les autres éléments vous concernant qui sont contenus dans le certificat. Dans la logique de cette architecture, plus il y a d’informations, mieux c’est. Rien ne permet aux individus de faire le choix du moins.

La différence entre ces deux conceptions est que l’une garantit la vie privée, alors que l’autre non. La première inscrit le respect de la vie privée au cœur de l’architecture d’identification, en laissant un choix clair à l’utilisateur sur ce qu’il veut révéler ; la seconde néglige cette valeur.

Ainsi, le fait que l’architecture de certification qui se construit respecte ou non la vie privée dépend des choix de ceux qui codent. Leurs choix dépendent des incitations qu’ils reçoivent. S’il n’existe aucune incitation à protéger la vie privée – si la demande n’existe pas sur le marché, et que la loi est muette – alors le code ne le fera pas.

L’identification n’est qu’un exemple parmi d’autres. Prenons-en un deuxième, concernant la confidentialité des informations personnelles. RealJukebox est une technologie permettant de copier un CD de musique sur un ordinateur, ou de de télécharger de la musique sur le Net pour la stocker sur un disque dur. Il est apparu en octobre que le système était un peu trop curieux : il inspectait discrètement le disque dur de l’utilisateur, puis transférait à l’entreprise le fruit de ses recherches. Tout ceci en secret, bien entendu : RealNetworks n’avait prévenu personne que son produit collectait et transférait des données personnelles. Quand cet espionnage a été découvert, l’entreprise a tout d’abord tenté de justifier cette pratique (en avançant qu’aucune donnée personnelle n’était conservée), mais elle a fini par revenir à la raison, et a promis de ne plus recueillir ces données.

Ce problème est dû, une fois de plus, à l’architecture. Il n’est pas facile de dire qui espionne quoi, dans le cyberespace. Bien que le problème puisse être corrigé au niveau de l’architecture (en faisant appel à la technologie P3P, par exemple), voici un cas pour lequel la loi est préférable. Si les données personnelles étaient reconnues comme propriété de l’individu, alors leur collecte sans consentement exprès s’apparenterait à du vol.

Dans toutes ces circonstances, les architectures viendront garantir nos valeurs traditionnelles – ou pas. À chaque fois, des décisions seront prises afin de parvenir à une architecture d’Internet respectueuse de ces valeurs et conforme à la loi. Les choix concernant le code et le droit sont des choix de valeurs.

Une question de valeurs

Si c’est le code qui détermine nos valeurs, ne devons-nous pas intervenir dans le choix de ce code ? Devons-nous nous préoccuper de la manière dont les valeurs émergent ici ?

En d’autres temps, cette question aurait semblé incongrue. La démocratie consiste à surveiller et altérer les pouvoirs qui affectent nos valeurs fondamentales, ou comme je le disais au début, les contrôles qui affectent la liberté. En d’autres temps, nous aurions dit « Bien sûr que cela nous concerne. Bien sûr que nous avons un rôle à jouer. »

Mais nous vivons à une époque de scepticisme à l’égard de la démocratie. Notre époque est obsédée par la non-intervention. Laissons Internet se développer comme les codeurs l’entendent, voilà l’opinion générale. Laissons l’État en dehors de ça.

Ce point de vue est compréhensible, vu la nature des interventions étatiques. Vu leurs défauts, il semble préférable d’écarter purement et simplement l’État. Mais c’est une tentation dangereuse, en particulier aujourd’hui.

Ce n’est pas entre régulation et absence de régulation que nous avons à choisir. Le code régule. Il implémente – ou non – un certain nombre de valeurs. Il garantit certaines libertés, ou les empêche. Il protège la vie privée, ou promeut la surveillance. Des gens décident comment le code va se comporter. Des gens l’écrivent. La question n’est donc pas de savoir qui décidera de la manière dont le cyberespace est régulé : ce seront les codeurs. La seule question est de savoir si nous aurons collectivement un rôle dans leur choix – et donc dans la manière dont ces valeurs sont garanties – ou si nous laisserons aux codeurs le soin de choisir nos valeurs à notre place.

Car c’est une évidence : quand l’État se retire, la place ne reste pas vide. Les intérêts privés ont des objectifs qu’ils vont poursuivre. En appuyant sur le bouton anti-Étatique, on ne se téléporte pas au Paradis. Quand les intérêts gouvernementaux sont écartés, d’autres intérêts les remplacent. Les connaissons-nous ? Sommes-nous sûrs qu’ils sont meilleurs ?

Notre première réaction devrait être l’hésitation. Il est opportun de commencer par laisser le marché se développer. Mais, tout comme la Constitution contrôle et limite l’action du Congrès, les valeurs constitutionnelles devraient contrôler et limiter l’action du marché. Nous devrions examiner l’architecture du cyberespace de la même manière que nous examinons le fonctionnement de nos institutions.

Si nous ne le faisons pas, ou si nous n’apprenons pas à le faire, la pertinence de notre tradition constitutionnelle va décliner. Tout comme notre engagement autour de valeurs fondamentales, par le biais d’une constitution promulguée en pleine conscience. Nous resterons aveugles à la menace que notre époque fait peser sur les libertés et les valeurs dont nous avons hérité. La loi du cyberespace dépendra de la manière dont il est codé, mais nous aurons perdu tout rôle dans le choix de cette loi.

Lawrence Lessig est professeur de droit des affaires au Centre Berkman de la Harvard Law School. Son dernier livre, « Le code, et les autres lois du cyberespace » (Basic Books), vient d’être publié (voir http://code-is-law.org). Le site du Centre Berkman pour l’Internet et la Société est http://cyber.law.harvard.edu.

Notes

[1] Crédit photo : Chiara Marra (Creative Commons By))




Google Chrome m’a tuer ou le probable déclin de Firefox si nous n’y faisons rien

Jasen Miller - CC byCe billet d’anticipation se demande si le navigateur Google Chrome n’est pas en route pour doucement mais sûrement tout écraser sur son passage et si la communauté du Libre peut ou doit y faire quelque chose, sachant que l’une des principales victimes collatérales pourrait bien être Firefox.

Je me souviens des premières interventions de Tristan Nitot, il y a quatre ans de cela, quand Firefox a commencé à émerger. Il s’agissait de casser le monopole de Microsoft qui avec son tristement célèbre Internet Explorer 6 ralentissait le Web tout entier en bloquant l’innovation. Ouvert, communautaire et, last but not least, de meilleure qualité, force est de constater que Firefox a parfaitement relevé le défi en devenant l’un des exemples emblématiques de la réussite du logiciel libre[1].

À Firefox le Web reconnaissant

On est ainsi passé d’une situation où Internet Explorer culminait à 95% de parts de marché et des miettes pour les autres à celle actuelle qui voit en Europe Internet Explorer à 57%, Firefox à 30%, Google Chrome à 6% et Safari à 5%.

Extraordinaire succès pour le navigateur de Mozilla et grands progrès pour les utilisateurs puisque Firefox a également directement participé à ce que toute la concurrence tende à respecter les standards d’Internet, facilitant ainsi la vie de tous les créateurs et lecteurs de pages Web. Et si on a pu parler d’un « Web 2.0 », avec ses riches et complexes applications en ligne, c’est aussi à Firefox qu’on le doit.

Contrat rempli haut la main. Firefox nous a effectivement et indéniablement offert un meilleur Internet. Et c’est un logiciel libre conduit par une fondation à but non lucratif qui nous a fait ce cadeau-là. Merci Firefox, merci Mozilla et derrière la fondation, merci à toute sa communauté.

Sauf que la situation a tant et si bien évolué que l’on peut légitiment se demander aujourd’hui si Firefox n’est pas en train, contre sa volonté, de vivre ses ultimes heures de gloire. N’assiste-t-on pas aux prémisses de la fin d’un cycle ? Son déclin aurait-il déjà commencé ? Doit-on s’y résoudre et quelles conséquences cela peut-il bien avoir pour le logiciel libre ?

Accusé levez-vous !

Pourquoi toutes ces questions qui peuvent sembler exagérées voire provocatrices ?

Parce que Google Chrome.

Le navigateur de la firme de Mountain View a beau ne réaliser aujourd’hui que 6% malheureuses petites parts de marché, il peut potentiellement faire très mal à Firefox. Jusqu’à devenir un « Firefox-killer » si la tendance actuelle persiste.

Car c’est bien cette tendance qui inquiète. Sur la dernière année en Europe et dans le monde, Internet Explorer a encore baissé mais, pour la première fois, Firefox a stagné, tandis que Google Chrome, en pleine phase d’ascension, a plus que triplé le nombre de ses utilisateurs.

Firefox, en croissance continue ces dernières années, se trouve donc si ce n’est stoppé dans son élan tout du moins fortement ralenti. On se dit alors que ce n’est pas forcément bien grave puisque Chrome capte avant tout des utilisateurs d’Internet Explorer sur le principe des vases communicants. Certes mais ce sont autant d’utilisateurs Windows qui, faisant l’effort de changer de navigateur, ne migrent pas vers Firefox.

Et puis, il ne faut pas se le cacher, il y a également des nouveaux venus chez Chrome provenant directement de Firefox. Je vous épargne les liens vers des billets de blogs anglophones ou francophones titrant « Pourquoi j’ai choisi de remplacer Firefox par Google Chrome », mais ils existent et seraient même de plus en plus nombreux, surtout depuis que Chrome accepte les extensions.

Le grand perdant est donc clairement Internet Explorer, ce dont on ne se plaindra pas. Mais on a un nouveau gagnant, c’est inédit et cela interpelle. Y a-t-il de la place pour ces deux rivaux déclarés de Microsoft dans un secteur qui a longtemps souffert d’une absence de concurrence ? Oui à court terme mais à long terme rien n’est moins sûr, malgré les rassurants discours officiels de Google et Mozilla qui prennent bien soin de ne jamais se critiquer mutuellement.

On ne vous le dira pas publiquement mais on se marche un peu sur les pieds (puisque les deux applications se ressemblent et se positionnent comme des alternatives à Internet Explorer). Pour s’en convaincre il suffit de chercher à comprendre ce qui a bien pu motiver Google à carrément sortir un nouveau navigateur plutôt que de contribuer avec Mozilla à l’amélioration de Firefox.

Pourquoi un tel succès ?

Google Chrome soufflera sa deuxième bougie en septembre prochain. Comment une application si jeune a-t-elle pu se faire si rapidement une place dans l’espace à priori sursaturé des navigateurs ?

Il y a bien sûr la force de frappe de Google. Pour la première fois on a vu la société se payer un peu partout d’agressives campagnes de publicité. On a vu également des invitations à le télécharger apparaître sur ses propres sites (YouTube, accueil du moteur de recherche…). À n’en pas douter ça aide à faire connaitre et diffuser son logiciel.

Mais il y a surtout la qualité du produit.

Là aussi il ne faut pas se le cacher, Google a réussi à innover en débarquant avec Chrome, directement sur les trois plateformes Windows, Mac et GNU/Linux. Sécurité, interface épurée (fidèle à la tradition Google), affichage fluide et agréable, onglets indépendants, moins gourmand en ressources, une très pratique recherche à même la barre d’adresses, la présence d’extensions dans la dernière version… et puis cet argument massue : la rapidité.

Il faut être de mauvaise foi pour ne pas reconnaitre que cette rapidité est réelle. Et elle est décisive parce que c’était et cela demeure, malgré les récents progrès de la version 3.6, l’un des défauts majeurs de Firefox.

On me reprochera la radicalité de ce qui va suivre, car tout est relatif dans ce bas monde, mais la raison principale de la croissance de Google Chrome est finalement d’une limpide simplicité : c’est techniquement parlant aujourd’hui le « meilleur » navigateur du marché.

Voilà ce que les ingénieurs de chez Google ont réussi à produire en à peine plus d’un an et demi ! Et l’essayer, c’est réellement prendre le risque de l’adopter.

Çà n’est qu’un début…

Oui, 6% de parts de marché pour Chrome, c’est aujourd’hui ridicule. Mais la dynamique est clairement en faveur du navigateur de Google.

Le rythme de développement de Chrome reste impressionnant. Ainsi on apprend aujourd’hui que la prochaine version 5 de Chrome sera 35% plus rapide que la précédente, c’est-à-dire l’actuelle, qui est déjà la plus rapide du marché ! Cette avance-là n’est pas prête d’être rattrapée…

Quant à la toute récente rumeur qui verrait pour la première fois Chrome (ou plutôt sa déclinaison libre Chromium) remplacer Firefox par défaut dans la prochaine version netbook de la distribution Ubuntu 10.10, elle fera à n’en pas douter jaser dans les chaumières ubunteros. L’exemple a valeur de symbole. Et si Chromium équipait par défaut toutes les versions d’Ubuntu demain ?

Et puis surtout il y a l’avènement annoncé de Google Chrome OS, ce système d’exploitation d’un nouveau genre que l’on trouvera pré-installé dans des ordinateurs neufs, et peut-être bien plus tôt que prévu. Ils ne remplaceront pas Windows du jour au lendemain, mais nul doute qu’ils trouveront leur public en augmentant d’autant l’effectif des utilisateurs du navigateur Chrome.

La gêne manifeste de la communauté du logiciel libre

Aujourd’hui que répondre à Tata Janine qui a comparé Firefox à Chrome et lui préfère ce dernier ? Quel navigateur installer sur le vieil ordinateur de Tonton Jacques alors qu’on sait très bien que Chrome ramera bien moins que Firefox ?

Qu’il est déjà loin le temps où Firefox n’avait que l’horrible Internet Explorer 6 en face de lui. Et qu’il était facile pour la communauté du Libre de trouver des arguments pour inciter à passer de l’un à l’autre. Google Chrome est un compétiteur d’un tout autre calibre pour Firefox.

Il y a donc sa redoutable qualité technique mais il y a aussi le fait que Google Chrome repose sur la couche libre Chromium. Ne l’oublions pas, Google Chrome n’est pas un logiciel libre mais presque !

Pour ne rien arranger, rappelons également la situation schizophrénique et paradoxale des ressources de la Mozilla Foundation apportées à plus de 90% par l’accord avec… Google ! Quand vous dépendez financièrement d’un partenaire qui se transforme jour après jour en votre principal concurrent, vous vous sentez légèrement coincé aux entournures !

Toujours est-il que Google soutient donc indirectement le développement de Firefox et nous propose, pour tout OS, le plus véloce des navigateurs dont la base est libre par dessus le marché. On comprendra alors aisément l’embarras de certains d’entre nous.

J’y vais ou j’y vais pas ? D’aucuns « résistent » mais d’autres « craquent ». Coupons la poire en deux en adoptant Chromium plutôt que Chrome ? C’est se donner momentanément bonne conscience, mais ne nous-y trompons pas, cela fait quand même le jeu de Google. Peut-être retrouve-t-on d’ailleurs ici la fameuse différence d’approche entre « ceux du logiciel libre » (éthique) et « ceux de l’open source » (technique), les seconds étant plus enclins que les premiers à franchir le pas.

Le débat est du reste également présent chez nous à Framasoft, puisqu’au sein de l’équipe Framakey certains ont récemment évoqué l’éventualité d’une clé plus rapide ne reposant plus sur Firefox mais sur Chromium.

En tout cas les statistiques du Framablog ne viennent pas contredire cette valse hésitation. Il y a un an on avait du Firefox à 71%, Internet Explorer à 16% et Chrome à 2%. Aujourd’hui, c’est du Firefox à 66%, Chrome à 11% et Internet Explorer à 9%. On peut supposer, chers et tendres lecteurs, que vous êtes un public averti, ce que tend à prouver les 35% qui arrivent ici sous GNU/Linux, mais cela n’empêche en rien un certain nombre d’entre vous d’avoir déjà adopté Chrome (ou Chromium ou Iron), visiblement parfois en lieu et place de Firefox.

Ce qu’il y a de caractéristique lorsque l’on discute avec quelques uns de ces nouveaux transfuges, c’est qu’il ne sentent pas forcément très fiers d’être passés à Google Chrome/Chromium. Jusqu’à éprouver comme un étrange sentiment de culpabilité d’avoir ainsi sacrifié leur fidélité à Mozilla sur l’autel du confort de leur navigation. Parce que, quand bien même aurait-on préféré Chromium à Chrome, on sait très bien que l’on se fait complice d’un Google toujours plus présent et puissant alors qu’on a plus que jamais besoin de structures comme Mozilla pour lui donner le change.

Passer de Thunderbird à Gmail n’était déjà par forcément très glorieux mais cela ne portait pas, pensait-on, à grande conséquence. Il en va différemment ici.

Au revoir et merci Firefox ?

Va-t-on se réveiller un jour en surfant plus agréablement mais en ayant perdu l’un des fleurons du logiciel libre ?

Firefox est potentiellement en danger car il est effectivement momentanément détrôné. La force marketing de Google conjuguée à l’impressionnante qualité du logiciel font aujourd’hui de Google Chrome la principale solution alternative à Internet Explorer sous Windows. Cette qualité est telle qu’elle réussit de plus à faire en sorte que même des membres aguerris de la communauté du Libre décident de l’adopter.

La belle affaire, me diriez-vous. Chrome est innovant, respectueux des standards et se base sur du libre, alors que le meilleur gagne et ainsi va la vie. Certes, sauf que nos choix ne sont pas anodins et à l’heure de l’informatique dans les nuages et de l’exploitation souvent trouble des données personnelles, nous aurions beaucoup à perdre à consolider encore davantage Google et affaiblir d’autant Mozilla.

D’un côté Google, multinationale à la taille démesurée, qui force peut-être l’admiration mais dont les contrats d’utilisation restent plus qu’ambigus. De l’autre côté Mozilla, fondation à but non lucratif dont le Manifeste aura d’autant plus de chances d’être influent que ses applications seront diffusées et utilisées.

À qui accorderiez-vous votre confiance ? Qui avez-vous envie de soutenir pour participer à rendre le Web tel que vous le souhaitez ?

J’ai évoqué plus haut ces blogs qui titrent : « Pourquoi je suis passé (la mort dans l’âme) de Firefox à Google Chrome ». Mais au sein de la même communauté on voit également fleurir en ce moment de nombreux billets diamétralement opposés qui pourraient se résumer ainsi : « Pourquoi j’ai fermé tous mes comptes Google en migrant vers des alternatives libres ». La préoccupation est là, la division également.

Oui, Firefox stagne et les indicateurs sont pour la première fois à la baisse. Mais rien n’est inéluctable et la tendance aura d’autant plus de chances de s’inverser que nous ne nous montrerons ni passifs ni complices.

Même si la différence de rapidité est flagrante au démarrage mais moins évidente à la navigation, même si les extensions lui donnent encore une longueur d’avance, il faut impérativement que Mozilla et sa communauté améliorent rapidement Firefox sinon le soutien deviendra de plus en plus délicat. La version 3.6 montre le chemin et la prochaine version 4.0 promet beaucoup et pourrait bien combler son retard voire passer devant.

Mais il convient également de se serrer les coudes et d’être solidaires face à l’adversité en ne quittant pas forcément le navire à la première vague venue. Ne dit-on pas que c’est dans les moments difficiles qu’on reconnaît ses vrais amis ?

Notes

[1] Crédit photo : Jasen Miller (Creative Commons By)




Vu à la télé – Le logiciel libre pour nos enfants demain ?

Le logiciel libre pour nos enfants demain ?

C’est la question que l’on se pose depuis des années, en se désespérant de constater que l’Éducation nationale ne fait pas grand chose pour que ce demain devienne aujourd’hui.

Mais nous ne sommes pas les seuls, parce que c’est aussi la question que posait le 17 mars dernier le titre de la chronique « Clair et Net » d’Emma Rota dans l’émission Les Maternelles de France 5 (reproduite et transcite ci-dessous).

Elle y mettait en avant les trois projets éducatifs libres bien connus ici que sont Abuledu, Sésamath et OOo4Kids.

Pour ce dernier projet, elle pointait directement vers un billet « énervé » du Framablog : 0,01% du budget licences Microsoft pour soutenir et déployer OOo4Kids à l’école ! Force est de constater que l’argument du manque de soutien a été bel et bien repris et de quelle manière :

« Si ces enseignants optent pour le logiciel libre à l’école c’est parce qu’ils adhèrent à une éthique que personne ne peut décemment rejeter : notre école publique n’est pas un lieu marchand ; donc il devrait être interdit de laisser toute la place à des logiciels propriétaires type ceux de Microsoft (…) Ce qui ne veut pas dire que ces initiatives n’ont pas un coût (…) Et vous serez d’accord avec moi pour décréter que c’est au ministère de l’éducation nationale de les financer un minimum. »

Après merci Emmanuelle, merci Emma !
😉

—> La vidéo au format webm

Le logiciel libre pour nos enfants demain ?

URL d’origine du document

Emma Rota – 17 mars 2010 – Clair et Net / Les Maternelles

Il y a un mois est sorti dans le silence le plus total un rapport de 326 pages commandé par le ministère de l’éducation nationale intitulé « Réussir l’école numérique ». Il s’agit d’un recueil de 12 000 contributions et témoignages d’enseignants, d’élèves, de parents d’élèves qui démontrent combien l’usage de l’ordinateur et d’internet à l’école est un facteur d’égalité des chances et de réussite scolaire. Le rapport préconise la connexion en haut débit pour 100% des écoles d’ici 2012.

Pour rappel, lorsque je faisais cette même chronique il y a maintenant 8 ans à cette même place (ça ne nous rajeunit pas) je rapportais déjà les mêmes genres de vœux pieux de la part du ministère de l’éducation nationale… 😉

Et nous on aime les vœux pieux. Surtout lorsqu’on reçoit en parallèle des mails d’instituteurs excédés qui disent en substance – et c’est la réalité du terrain, tous les chiffres le démontrent - : « nous ne recevons pas le moindre centime de l’état, ce que nous bâtissons de numérique dans nos écoles c’est avec notre énergie toute personnelle et les deniers de notre collectivité locale ».

D’où, vous l’aurez compris, l’énorme disparité du matériel, des logiciels et du savoir numérique selon l’école primaire que fréquente ou que va fréquenter votre enfant…

C’est pourquoi aujourd’hui j’ai décidé de mettre à l’honneur trois belles initiatives numériques montées par des instits, avec leur passion et sur leur temps personnel.

1 – Allons d’abord sur le fantastique site www.abuledu.org, né en 1998 – il y a déjà 12 ans, par un instit passionné de Pessac.

C’est aujourd’hui un site qui propose une liste énorme de logiciels éducatifs scolaires pour les élèves de la maternelle à l’université. Pour y accéder, on clique sur ce qu’ils appellent « le Terrier » et regardez la liste : je vous propose de tester « A nous les nombres » par exemple : un petit logiciel de maths qui permet à l’enfant de dénombrer des barques ou des éléphants en s’amusant. Ou encore le logiciel « Associations » qui lui est pour les enfants dès la fin de la maternelle : il permet d’entendre le son associé à un mot et associé à une image, des exercices pour débuter l’apprentissage de la lecture.

Tous ces logiciels sont des logiciels libres : c’est à dire que leur créateur a voulu dès le départ que tous les enseignants et élèves de la France entière puisse en profiter s’ils le désirent ; chacun de ces logiciels est copiable, distribuable et même modifiable si on veut y apporter des changements soi même ! C’est la différence d’avec un logiciel propriétaire du type Word qui, en plus d’être payant ne va pouvoir être partagé avec personne…

2 – Seconde initiative qui elle aussi connaît actuellement une adhésion phénoménale dans le milieu enseignant : www.sesamath.net Des logiciels libres pour les enseignants ET les élèves pour rendre plus ludique l’apprentissage des mathématiques à tous les âges. Tenez vous bien, quasi 9000 profs de maths ont abonnés à ce site, c’est à dire le quart des profs de maths en France ! Ils profitent des exercices interactifs, des cours et des corrections animés tout en échangeant sur leur manière d’enseigner. Car il est là le principal attrait du logiciel libre éducatif?: partager son savoir, évoluer dans sa manière d’enseigner et donc forcément enrichir ses élèves qui je le rappelle, sont nos enfants. Et personnellement je rêve que mon fils lorsqu’il sera à l’école primaire puisse bénéficier de la curiosité d’enseignants de la trempe de ceux qui sont sur ces sites là…

3 – Enfin troisième initiative à encourager car elle est en train de se construire, on la voit sur cette vidéo.

il s’agit d’une suite bureautique spécialement conçue pour les 7/12 ans avec un design simplifié et adapté aux enfants, avec un traitement de texte et un tableur aux outils simplifiés eux aussi.

Si ces enseignants optent pour le logiciel libre à l’école c’est parce qu’ils adhèrent à une éthique que personne ne peut décemment rejeter : notre école publique n’est pas un lieu marchand ; donc il devrait être interdit de laisser toute la place à des logiciels propriétaires type ceux de Microsoft alors qu’il existe d’autres solutions plus neutres.

Ce qui ne veut pas dire que ces initiatives n’ont pas un coût. Elles ont un coût comme toute chose sur cette Terre, au moins le coût de la sueur et du temps de celui qui le fabrique.

Et vous serez d’accord avec moi pour décréter que c’est au ministère de l’éducation nationale de les financer un minimum. Surtout lorsque l’on se souvient à quel point il s’extasie depuis 10 ans sur les prouesses des outils numériques dans ses écoles.

Ah les vœux pieux, les vœux pieux…




Quand la Maison Blanche se joint à la communauté du Libre

Beverly & Pack - CC byLa vaste communauté Drupal compte un contributeur bien particulier puisqu’il s’agit ni plus ni moins de la Maison Blanche.

C’était déjà bien d’adopter le célèbre CMS libre pour faire tourner le site officiel (ce que nous avions signalé dans un précédent billet), mais c’est encore mieux de participer à son amélioration en reversant le code spécifique développé pour l’occasion, et en le faisant savoir sur son blog (traduit ci-dessous)[1].

Un billet et une traduction directement suggérés par ce journal LinuxFr de Francois G (auteur de la rafraichissante nouvelle de science-fiction Églantine et les ouinedoziens) dont la présentation se suffit à elle-même :

« Le site de la Maison Blanche vient de diffuser le code source des améliorations qu’ils ont apportés au projet Drupal (à noter tous les liens vers le site du projet Drupal dans le billet).

Les 3 bonnes nouvelles :

  • La Maison Blanche a compris qu’elle peut être maître de ses outils informatiques.
  • Elle en profite (modifications spécifiques) et en fait profiter les autres (diffusion à tous).
  • Elle communique sur cette action. De ce fait, elle annonce officiellement son support et son utilisation des logiciels libres.

Compte tenu de la volonté de l’Élysée de copier la Maison Blanche, on peut espérer un changement de politique chez nous. »

WhiteHouse.gov participe à l’Open Source

WhiteHouse.gov Releases Open Source Code

Dave Cole – 21 avril 2010 – The White House Blog
(Traduction Framalang : Quentin Theuret et Julien Reitzel)

Dans le cadre de nos efforts continus pour développer une plateforme ouverte pour WhiteHouse.gov, nous mettons à disposition de tous une partie du code source personnalisé que nous avons développé. Ce code est disponible à tous pour l’analyser, l’utiliser ou le modifier. Nous sommes impatients de voir comment des développeurs à travers le monde pourront utiliser notre travail dans leurs propres applications.

En reversant une partie de notre code source, nous bénéficions de l’analyse et de l’amélioration d’un plus grand nombre de personnes. En fait, la majorité du code source de WhitHouse.gov est dès à présent open source car il fait partie du projet Drupal. Le code source que nous relâchons aujourd’hui ajoute des fonctionnalités à Drupal dans trois domaines importants :

1. Évolutivité : Nous publions un module nommé Context HTTP Headers, qui permet aux webmasters d’ajouter de nouvelles métadonnées au contenu qu’ils publient. Nous utilisons cela pour nos serveurs qui manipulent des pages spécifiques, comme la mise en cache de ce type de page pendant 15 minutes ou ce type pendant 30. Un second module concernant l’évolutivité s’appelle Akamai et il permet à notre site web de s’intégrer avec notre réseau d’envoi de contenu Akamai.

2. Communication : Beaucoup d’agences gouvernementales ont des programmes actifs d’emails qu’ils utilisent pour communiquer avec le public à travers des services qu’ils fournissent. Nous avons une liste de diffusion pour la Maison Blanche, où vous pouvez trouver les mises à jour des nouveaux contenus et des initiatives. Pour rendre plus dynamique l’adaptation des emails aux préférences des utilisateurs, nous avons intégré l’un des services les plus populaires pour les programmes d’emails gouvernementaux dans notre CMS avec le nouveau module GoDelivery.

3. Accessibilité : Nous prenons très au sérieux nos obligations pour être sûrs que WhiteHouse.gov soit accessible le plus possible et nous nous sommes engagés à tendre vers les standards d’accessibilité décrits par la Section 508. Dans le cadre de cette conformité, nous voulons être sûrs que toutes les images sur notre site Web aient des métadonnées appropriées pour les rendre visibles sur des logiciels de lecture vocale. Pour nous aider à atteindre cela, pour que ce soit plus facile de gérer les contenus photos et vidéos que vous voyez sur notre site, nous avons développé Node Embed.

Notes

[1] Crédit photo : Beverly & Pack (Creative Commons By)




La vidéo qui donnait envie de connaître et comprendre le logiciel libre

Collègues, amis, membres de la famille… il n’est pas toujours facile de faire partager son intérêt, voire même son éventuelle passion, pour le logiciel libre et sa culture à un public qui nous est proche mais qui ne s’intéresse pas à « l’informatique ».

Or, pour l’avoir faite suivre à de nombreuses reprises, j’ai constaté qu’une vidéo particulière possédait, si ce n’est des vertus miracles, tout du moins l’inédite capacité d’interpeller un large auditoire qui, rendu curieux, se retourne alors vers vous pour vous poser moult questions.

L’élan a changé de sens. Ce n’est plus vous qui venez faire votre petit topo à des gens qui ne vous ont souvent rien demandé. Ce sont eux qui, la puce à l’oreille après la projection, souhaitent spontanément que vous leur apportiez quelques précisions. Pédagogiquement parlant ce mouvement inversé a bien plus de chances de porter ses fruits.

Quelle est donc cette vidéo qui murmure le Libre (et non « l’open source ») à l’oreille du profane ? Il s’agit de la chronique d’Emmanuelle Talon sur « notre » biographie de Richard Stallman, proposée le 22 janvier 2010 dans le cadre de La Matinale de Canal+ (reproduite et transcrite ci-dessous).

Nous en avions déjà parlé sur le Framablog. Mais le nez dans le guidon de la sortie du livre, nous avions surtout fièrement souligné qu’un grand média évoquait le projet, sans prendre véritablement conscience des qualités intrinsèques de la vidéo. Avec le recul, on s’aperçoit en fait que le livre est ici secondaire. C’est un pretexte pour parler de Richard Stallman et par extension pour parler du Libre.

En quoi cette ressource apporte-elle de l’eau à notre moulin de la sensibilisation en captant favorablement le temps de cerveau disponible de celui qui l’a sous les yeux ?

Il y a d’abord le facteur « vu à la télé ». Internautes assidus que nous sommes, c’est quelque chose que nous avons appris à désacraliser. Mais pour bon nombre de nos compatriotes (dont les quelques 40% encore non connectés) le passage par le petit écran continue de faire son petit effet.

Il y a la durée. L’attention est maintenue par cette chronique qui ne dépasse pas les cinq minutes.

C’est beaucoup plus subjectif – et me vaudra quelques virulents commentaires – mais je crois que l’attention est également maintenue par le facteur « dialogue entre deux femmes avenantes », les femmes appréciant que ce soit des femmes et les hommes qu’elles soient avenantes (sic).

Il y a la posture prise par la journaliste. D’ordinaire c’est l’objectivité et la neutralité qui priment. Or ici, au diable la mise à distance, débordée par son enthousiasme communicatif, elle semble prendre fait et cause pour le sujet traité.

Au delà de la forme, il y a aussi et surtout le fond, c’est-à-dire tout ce qui est évoqué dans ce très court laps de temps : définition du logiciel libre qui s’oppose au logiciel privateur, code source, contre-exemple Microsoft, alternatives OpenOffice.org et Firefox, libre ne veut pas dire gratuit, Hadopi… et même Sarkozy !

Mais, d’expérience, ce qui fait surtout mouche ce sont les formules originales permettant de sortir du cadre et d’élargir le débat. Elle sont vos précieuses alliées parce qu’elles intriguent et appellent à des compléments d’information :

  • « Il ne s’agit pas vraiment d’informatique, il s’agit en fait de philosophie. Richard Stallman c’est vraiment un grand philosophe, c’est un vrai penseur. »
  • « Pourquoi au fond il s’est lancé dans cette aventure ? Il s’est lancé dans cette aventure tout simplement pour améliorer le monde, pour encourager le partage et la fraternité. »
  • « C’est une forme de nouveau socialisme, de socialisme logiciel. Et à l’heure où l’on pleure sur la fin des grandes ideologies, on peut se réjouir de voir qu’il y a encore des gens qui essayent de changer le monde. »
  • « En fait la compétition, elle se fait vraiment dans nos têtes. »
  • « Stallman c’est un peu le Luke Skywalker de l’informatique, il faut qu’on se libère des machines et c’est ce jour-là que le Libre pourra gagner. »

Cette vidéo n’est pas parfaite (et prend même quelques libertés avec le droit d’auteur). Mais ces propos étonnent et surprennent. Ils modifient chez l’autre non seulement la perception du logiciel libre mais également la perception de celui qui s’intéresse au logiciel libre (vous en l’occurrence). Ne dites pas à ma mère que je participe à changer le monde, elle croit que je fais bien sagement de l’informatique dans ma chambre !

À vous ensuite d’enchaîner avec brio et éloquence. Mais la stimulation est là, votre interlocuteur veut en savoir davantage et, ça tombe plutôt bien, vous êtes à ses côtés et tout disposé à satisfaire cette soudaine soif de connaissance.

Merci Emmanuelle !

—> La vidéo au format webm

Transcript

Maïtena Biraben : Le logiciel libre, c’est l’une des très grandes révolutions du siècle passé et aujourd’hui on en sait un peu plus sur le créateur du logiciel libre.

Emmanuelle Talon : Oui, Richard Stallman il a aujourd’hui 56 ans, il n’est pas très connu du grand public mais c’est un dieu vivant pour les informaticiens, parce que c’est un des pères du logiciel libre, le père du logiciel libre.

Alors pourquoi on en parle aujourd’hui ? Parce qu’il y a sa biographie qui vient de paraître en français aux éditions Eyrolles « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre ». Alors au début des années 80…

Maïtena Biraben : C’est un bouquin de geek ?

Emmanuelle Talon : Non, justement pas. C’est ça qui est bien, parce que ça n’est pas un bouquin de geek, et même si on ne s’y connaît pas trop, on peut vraiment vraiment comprendre, j’insiste.

Et donc Stallman, au début des années 80 a créé la Fondation pour le Logiciel Libre. Il est à l’origine du projet GNU.

Et juste un petit rappel : qu’est-ce qu’un logiciel libre ? Quand même, voilà c’est important. C’est un logiciel que n’importe qui peut utiliser, copier ou même modifier, pour l’améliorer en quelque sorte, en accédant au code source.

Et le logiciel libre, ça s’oppose à ce que Stallman appelle les logiciels privateurs. Ce sont des logiciels qui nous privent de notre liberté. On ne peut pas modifier le code source, c’est pour cela que Windows est la propriété de Microsoft. Si Windows ne vous convient pas, vous ne pouvez pas l’améliorer. Tandis que l’on peut améliorer par exemple la suite bureautique OpenOffice ou le navigateur Firefox.

Maïtena Biraben : Si on y arrive !

Emmanuelle Talon : Si on arrive, bien sûr, mais vous avez cette liberté.

On l’impression que c’est un peu complexe mais en fait pas tellement parce que cette histoire de logiciel libre… Il ne s’agit pas vraiment d’informatique, il s’agit en fait de philosophie. Richard Stallman c’est vraiment un grand philosophe, c’est un vrai penseur. Et avec cette histoire de logiciel libre… Pourquoi au fond il s’est lancé dans cette aventure ? Il s’est lancé dans cette aventure tout simplement pour améliorer le monde, pour encourager le partage et la fraternité.

Donc c’est une forme de nouveau socialisme, de socialisme logiciel. Et à l’heure où l’on pleure sur la fin des grandes ideologies, on peut se réjouir de voir qu’il y a encore des gens qui essayent de changer le monde. Et aujourd’hui ces gens-là ce sont des informaticiens, et c’est Richard Stallman. C’est pour ça que c’est important de le connaître.

Maïtena Biraben : On a vu son playmobil…

Emmanuelle Talon : Oui on a vu son playmobil, mais en fait c’est un personnage assez amusant, qui a beauocup d’humour, qui a une bonne tête…

Maïtena Biraben : Est-ce que le logiciel libre a des chances de gagner face au logiciel non libre, donc commercialisé, que l’on ne peut plus toucher ?

Emmanuelle Talon : Alors, le logiciel libre il progresse beaucoup en France. Il y a quelques années la Gendarmerie nationale est passée… elle a adopté un logicie libre. Mais, si vous voulez, la compétition elle ne se fait pas vraiment sur cette question-là, sur cette question technique, parce qu’un logiciel libre, on peut considérer que ça vaut au niveau technique un logiciel privateur. En fait la compétition, elle se fait vraiment dans nos têtes.

Le Libre il pourra gagner le jour où, d’après Stallman, on aura, nous, envie de nous libérer et puis de ne pas être soumis à la machine. Parce qu’il explique que quand on utilise un logiciel comme Windows, on ne peut pas le modifier si on n’y va pas, et donc on est esclave de la machine. Stallman c’est un peu le Luke Skywalker de l’informatique, il faut qu’on se libère des machines et c’est ce jour-là que le Libre pourra gagner.

Maïtena Biraben : Est-ce que libre ça veut dire gratuit Emmanuelle ?

Emmanuelle Talon : Alors non, libre ne veut pas forcément dire gratuit. Il y a des logiciels libres qui ne sont pas gratuits, donc il faut faire attention à cette confusion. C’est vrai que quand on est juste un utilisateur, on peut estimer que la gratuité c’est le principal avantage, mais libre ne veut pas dire gratuit.

Maïtena Biraben : Si on ramène cette idée de logiciel libre à la France, la prochaine bataille c’est Hadopi.

Emmanuelle Talon : C’est Hadopi et Stallman est mobilisé sur cette question. Il estime que c’est une loi tyrannique. Il dit que Nicolas Sarkozy est un ennemi de la démocratie et des Droits de l’Homme. Et pour lui empêcher le téléchargement de musique pour sauver l’industrie du disque, c’est tout simplement comme empêcher les gens de faire la cuisine pour sauver les emplois dans la restauration !

Voilà, juste pour finir, le livre, vous pouvez l’acheter, il coûte 22 euros et c’est bien d’avoir un livre papier. Mais vous allez voir la cohérence de la démarche, en fait le livre est en téléchargement, gratuit, sur le site www.framasoft.net. Vous pouvez modifer le texte du livre, et si vous voulez le traduire, et bien vous pouvez tout à fait le traduire librement dans la langue que vous souhaitez, en ourdou par exemple, je pense que ça n’est pas encore fait.

PS : Pour l’anecdote lorsque avons signalé la vidéo à Richard Stallman, il nous a répondu texto : « C’est très bon (malgré des petites erreurs), mais c’est quoi un playmobil ? ».