Stallman, Torvalds, Novell et la licence GPL v3

GNU GPL - elloa - Flickr - CC BY-NC

La plus célèbre et la plus diffusée de toutes les licences libres, la GNU General Public License, est sur le point de sortir sa troisième version (la GPL v3). Ce sera un événement majeur dans la sphère plus si petite que cela du logiciel libre. Il faut dire que la version précédente, c’est-à-dire la version officielle actuelle pour quelques jours encore, remonte à 1991, Cette remarquable longévité témoigne de son efficience et de sa stabilité mais il fallait bien lui apporter quelques révisions car dans l’intervalle, le développement d’internet, les DRM, les brevets logiciels, le cas exemplaire de TiVo, l’accord Novell Microsoft… de l’eau avait coulé sous les ponts du monde numérique et la nouvelle donne impliquait aussi de nouvelles menaces.

Nous sommes désormais dans la dernière ligne droite d’un long processus de maturation discussion qui aura connu ses difficultés et ses controverses. Ainsi, en septembre 2006, lors de la mise en ligne du deuxième brouillon de cette troisième version, Linus Torvalds en personne menaçait de ne pas faire passer le noyau Linux sous GPL v3 mais de rester sous GPL v2 ce qui aurait inévitablement engendré une crise au sein de la communauté.

Le troisième et dernier brouillon de la GPL v3 (faut suivre !) vient de sortir et, bonne nouvelle, il semble qu’il ait plutôt rassuré Torvalds. Un article de Linux.com par Bruce Byfield fait le point en résumant les avis et positions de Richard Stallman (en quelque sorte le papa de la GNU GPL), de Linus Torvalds (en quelque sorte le papa de GNU/Linux) et d’un représentant de Novell (le papa de ses enfants).

Traduction (n’hésitez pas à en proposer des améliorations dans les commentaires).

Stallman, Torvalds, and Novell comment on GPLv3
Jeudi 29 mars 2007 – Bruce Byfield

Les commentaires à propos de la troisième version de la GNU General Public License (GPLv3), sortie hier, continuent d’affluer. Jusque là nous avons parlé avec le fondateur de la Free Software Foundation : Richard M. Stallman, le créateur de Linux : Linus Torvalds et le directeur des relations publiques de Novell : Bruce Lowry. Leurs réactions apportent de nouvelles perspectives et laissent entrevoir un possible premier pas vers un consensus. Ensemble, ils mettent en avant les points qui monopoliseront sûrement les discussions à propos de cette version dans les jours à venir.

Richard Stallman

Richard Stallman n’a pas pris part à la consultation autour de la GPLv3. A la place, il a quitté son poste de consultant au Software Freedom Law Center pour se concentrer sur les problèmes qui avaient été soulevés. Le processus, qui a duré presque deux ans pour lui, a représenté "pas mal de travail" dit-il. Cependant il ajoute "Je ne vois pas comment on aurait pu l’éviter. Beaucoup de problèmes que nous n’avions pas anticipés ont été soulevés".

Pour Stallman, la GPLv3 fait partie de l’évolution constante de la licence pour empêcher les tendances technologiques et légales de nuire aux principes du logiciel libre. "Avec la GPLv1 je voyais deux moyens pour quelqu’un de rendre un logiciel libre vraiment propriétaire" dit-il. "L’un était par l’ajout de termes supplémentaires à la licence, l’autre moyen était de ne pas publier la source. Donc la GPLv1 a rendu ces deux choses impossibles. Ensuite, en 1990 j’en ai trouvé un autre : les détenteurs de brevet pouvaient faire pression sur les développeurs et leur imposer des conditions plus restrictives sur l’utilisation du logiciel. Alors la GPLv2 a ajouté la Section 7, selon laquelle soit vous distribuez votre produit avec toutes les libertés liées à la GPL soit vous ne le distribuez pas, peu importent les conditions qui vous sont imposées. Actuellement nous avons découvert deux autres manières pour rendre un logiciel libre vraiment propriétaire : l’un d’entre eux est la TiVoisation (NdT : en rapport avec les enregistreurs numériques TiVo aux Etats-Unis) et l’autre est l’accord Novell-Microsoft, donc nous essayons de bloquer les deux. Et à chaque fois que nous découvrirons ce qui constitue une menace pour les libertés des utilisateurs nous essaierons de la bloquer."

Stallman dit que le dernier énoncé couvrant l’accord Novell-Microsoft a été achevé moins de cinq jours avant la sortie de la troisième version. L’astuce, dit-il, était d’écrire le langage dans la Section 11 afin de ne pas écarter de tels accords comme les licences partagées entre plusieurs sociétés qui incluent un engagement mutuel sur les brevets ou un arrangement avec ce qu’il appelle les "trolls des brevets", ces sociétés qui obtiennent des brevets et font leur beurre sur des litiges ou par des menaces de procès. A contre cœur il a accepté d’ajouter une ultime phrase qui consacrerait l’accord Novell-Microsoft, mais il dit "J’espère qu’on en arrivera pas là". Le maintien de cette phrase dépend, d’après lui, des commentaires de la communauté sur cette version.

Après le lancement de la GPLv3, Stallman prévoit une révision de la GNU Free Documentation License et de l’Affero GPL, une licence créée pour les logiciels proposés comme services Web. Malgré les efforts d’internationalisation de la GPLv3, il ne s’attend pas à voir de traductions officielles de la licence dans d’autres langues. "Ça serait bien d’avoir des versions officielles", dit-il, "mais c’est aussi très risqué. Je suis très peu enclin à prendre ce risque."

A propos de l’opposition d’opinion entre l’open source et les logiciels libres, que la GPLv3 a souvent accentués, Stallman dit qu’ils font tous les deux partie de la communauté du logiciel libre. Cependant, en se référant aux défenseurs de l’open source, il dit : "Tout le monde n’accorde pas le même prix à la liberté. Quand on donne la liberté aux gens de choisir leur propre opinion, ils ne tomberont pas tous d’accord." En même temps, Stallman dit qu’il pense qu’un consensus sur l’adoption de la GPLv3 est essentiel, car "les projets sous GPLv3 protègent les utilisateurs de nouvelles menaces contre leur liberté. Si la GPLv3 n’est pas largement adoptée, ou si de nombreux programmes restent sous GPLv2, alors ces programmes seront vulnérables à de nouveaux types d’attaques. Par exemple, si Linus (Torvalds) ne se convertit pas à la GPLv3, alors les utilisateurs de Linux seront vulnérables à la TiVoisation. C’est un problème important.

"Quand le but d’un programme est de vous limiter, le rendre plus puissant et fiable dans ce qu’il fait est pire. C’est donc une erreur de dire que l’obtention de logiciels plus puissants et fiables est un but" comme le maintient le point de vue de l’open source. Au contraire, "le but du mouvement des logiciels libres est de vous donner le contrôle du logiciel que vous utilisez. Ensuite, si vous voulez le rendre plus puissant vous pouvez y travailler." Malgré cela, Stallman garde quelques espoirs. Il remarque, par exemple, que les défenseurs de l’open source ne partagent pas tous le même avis. Il montre Sun Microsystems comme exemple d’une société dominée par la pensée open source et qui envisage d’embrasser la GPLv3 pour des raisons qui lui sont propres.

Linus Torvalds

Quand la deuxième version de la GPLv3 a été publiée, Linus Torvalds a été l’un de ses critiques les plus francs. Bien qu’il insiste sur le fait qu’il ne donne qu’une opinion rapide sur la GPLv3, et qu’il pourrait changer d’avis à mesure qu’il l’étudie plus en détail, sa première réponse à la troisième version donne un accord nuancé.

"Est-elle meilleure ?" demande Torvalds rhétoriquement. "Et de loin ! Mais elle a été limité de manière qui la rendent plus saine au moins. Je devrai y réfléchir. Le langage employé est plus clair et meilleur que celui de la GPLv2 à bien des égards et de nombreuses zones que j’aurai qualifiées d’"absurdité évidente et complètement idiote" ont soit été améliorées soit complètement retirées."

Torvalds approuve la reformulation et les clarifications des termes ajoutés dans la Section 7, suggérant que la troisième version rende la double licence plus simple dans des cas particuliers. Il ajoute : "l’absence totale de nouvelles restrictions est un soulagement énorme et rend la licence bien plus utile".

"Je ne suis pas certain que l’accord Novell (avec Microsoft) méritait tant d’attention", dit Torvalds, en référence à la Section 11 de la version. Cependant, il dit : "Je pense effectivement que ce sujet (plutôt que l’hystérie autour des DRM) était potentiellement une bien meilleure incitation à écrire la GPLv3 de prime abord."

La Section 6 autour de l’anti-TiVoisation couvre déjà cette "hystérie des DRM". A propos du langage tenu dans cette section de la version actuelle, qui remplace une interdiction complète des technologies restrictives et les logiciels espions par l’obligation d’inclure leur code source : "Il prétend toujours contrôler non seulement le logiciel, mais aussi le matériel ou l’environnement sur lequel le logiciel est installé. Je trouve ça odieux, mais le langage est bien meilleur, et ils (la FSF) semblent avoir réalisés que leurs anciennes versions étaient insensées (c’est-à-dire qu’ils disent clairement que si quelque chose est créé pour ne pas recevoir de mise à jour il n’y a pas de raison qu’il demande des ‘informations d’installation’ et des clés). Le fait de limiter les choses aux ‘dispositifs pour utilisateurs’ permet aussi de se débarrasser d’un grand nombre de problèmes idiots présents dans les versions antérieures de la GPLv3. "Sous cette nouvelle forme je pense que la GPLv3 devient au moins une alternative viable à la GPLv2. Je dois encore la lire en entier quelques fois et laisser les choses se décanter mais intérieurement, après l’avoir lue une première fois, je sens au moins que je n’ai plus cette impression de ‘Je n’aurai jamais choisi cette licence si je devais commencer un projet.’"

Novell

Représentant Novell, Bruce Lowry a refusé de fournir une réaction détaillée à cette version, apparemment pour réserver les commentaires officiels pour la version finale. Cependant il indique rapidement que "Rien dans cette nouvelle version de la GPLv3 ne réduit la capacité de Novell à inclure des technologies sous licence GPLv3 dans SUSE Linux Enterprise, openSUSE et d’autres offres open source, ni maintenant ni dans le futur."

Lowry dit "Nous sommes fermement décidés à poursuivre le partenariat avec Microsoft et ce, comme nous l’avons toujours fait, en total accord avec les termes des licences des logiciels que nous proposons, logiciels sous licence GPLv3 compris. Si la version finale de la GPLv3 a un impact potentiel sur l’accord que nous avons avec Microsoft, nous réglerons ça avec Microsoft." Lowry décrit Novell comme un "soutien fort au logiciel libre et à l’open source" et comme un "donateur important pour un grand nombre de logiciels libres et de projets open source."

Un avant goût des mois à venir

Stallman, Torvalds et Novell attendent de voir ce qui va se passer et la version finale de la licence avec de s’engager pleinement. Cependant, leurs commentaires mettent en avant les problèmes autour desquels tourneront les discussions dans les trois prochains mois à mesure que la GPLv3 s’approche de sa version finale. Malgré des efforts évidents de la part de chacun pour éviter les conflits et malgré quelques signes encourageants, le consensus est encore loin d’être atteint, mais l’adhésion générale à la GPLv3 semble déjà plus probable qu’il y a six mois.

Bruce Byfield est un journaliste informatique qui écrit régulièrement pour Newsforge, Linux.com et IT Manager’s Journal.




Léo Ferré libéré en 2063 !

Aujourd’hui je suis retombé sur Le testament une veille chanson de Léo Ferré. Je vous l’aurais bien reproduite dans son intégralité mais les ayants droits veillent alors il est plus prudent de n’en citer que l’introduction.

Avant de passer l’arme à gauche
Avant que la faux ne me fauche
Tel jour, telle heure, en telle année
Sans fric, sans papier, sans notaire
Je te laisse ici l’inventaire
De ce que j’ai mis de côté…

Et de citer ensuite une liste d’objets simples mais chers à l’artiste comme La serviette en papier où tu laissa ta bouche ou encore Quelques stylos à bille au roulement d’espoir.

Sans fric, sans papier, sans notaire… Pas si sûr parce que du coup m’est revenu en mémoire un récent article du Figaro La folle histoire d’argent de Léo Ferré (02-12-2006) évoquant la guerre fratricide de la famille Ferré sur les droits d’auteurs de l’artiste.

Une bataille sans fin. Léo Ferré est mort en 1993, mais ses droits d’auteur et la propriété de ses créations font toujours l’objet d’un combat féroce. Celui-ci dure depuis 30 ans. Les magistrats se sont succédé et ont, au total, ordonné cinq expertises, rendu six ordonnances et trois arrêts en appel. Et ce n’est pas fini. Ceux de la Cour de cassation doivent s’y préparer à leur tour, car un pourvoi vient justement d’être déposé à leur intention au Palais de justice…

Pirotek - CC by-nc-saQue les héritiers d’un artiste se disputent ses droits d’auteurs après sa mort, c’est assez courant. Qu’il s’agisse de notre poète anarchiste national Léo Ferré c’est, comment dire, assez ana… chronique.

Heureusement on n’en a plus pour longtemps puisque les droits d’auteurs ne s’étendent en France que 70 ans après la mort de l’artiste[1].

Avec le temps, va, tout s’en va… Même certains droits pas forcément légitimes et exagérément longs…

Notes

[1] Crédit photo : Pirotek (Creative Commons By-Nc-Sa)




Public relations

Mon attachée de presse me susurre dans l’oreillette que je ferais bien de mettre enfin en ligne l’extrait vidéo[1] de la soirée de lancement de Firefox 2 le 26 octobre dernier à Paris où Tristan Nitot dans son discours inaugural a eu la bonne idée de citer spontanément Framasoft.

Bien que cela heurte de plein fouet ma profonde humilité qui confine à la modestie, je m’exécute ici pour lui faire plaisir.

—> La vidéo au format webm

PS : Moi aussi j’aime bien Debian 😉

Notes

[1] Voir l’intégralité (ou presque) de l’intervention de Nitot sur Dailymotion




Linux : toujours libre mais moins « bénévole » ?

GNU/Linux - ContributeursUn bon gros troll bien poilu ? Non plutôt une interrogation furtive sur le caractère réel ou mythique du logiciel libre qui serait, dit-on, principalement développé par des bénévoles passionnés[1] sur leur temps libre.

Après une étude assez poussée des principaux contributeurs de la dernière version du noyau Linux, la 2.6.20, un récent article de LWN.net intitulé Who wrote 2.6.20? affirme :

at least 65% of the code which went into 2.6.20 was created by people working for companies

Au moins 65% du code inclu dans le noyau 2.6.20 a été créé par des personnes travaillant pour des sociétés.

C’est plus une conjecture qu’une réelle affirmation parce qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer l’origine des contributeurs, ni de savoir si ils ont participé sur leur temps de travail ou non. La méthode de l’auteur est avant tout de prendre la terminaison de l’adresse mail des contributeurs. Si elle se termine par ibm.com alors il le fait entrer dans la catégorie "IBM". Si une telle adresse fait défaut mais qu’il est de notoriété publique qu’un tel travaille pour un tel alors il est mis lui aussi dans une case. Il va même jusqu’à envoyer directement un mail à certains contributeurs pour en savoir plus sur leur appartenance.

Cette hypothèse de travail vaut ce qu’elle vaut mais du coup l’article exhibe des tableaux avec une minorité de bénévoles (le champ None) et une majorité d’employés (pour des sociétés telles qu’IBM, Red Hat, Novell, Google, Intel, Nokia, Oracle, HP, etc..). Ce qui sous-entend que ces personnes ont développé sur leur temps de travail et donc ont été payées pour cela par leur employeur.

Il me semble évident que la majorité des logiciels libres sont encore le fruit du travail bénévole de développeurs sur leur temps libre (comme il semble tout aussi évident qu’on ne sait plus très bien ce qu’est un bénévole et son temps libre à l’ère de la société de l’information où heures de bureau et heures de travail ne coïncident plus vraiment).

Mais est-ce encore le le cas pour les gros gros projets comme le sont devenus Linux, Mozilla ou OpenOffice.org ? Et comme ce sont justement ces exemples-là qui sont le plus souvent cités pour expliquer et illustrer le logiciel libre au néophyte, ne devrions-nous pas nuancer cette image un peu romantique des développeurs bénévoles connectés les uns les autres via le réseau pour produire seuls un logiciel libre de haute qualité ?

Ne serait-il pas plus conforme à la réalité d’évoquer désormais pour eux une sorte de coopération ou convergence d’intérêts entre une communauté de bénévoles et des sociétés commerciales classiques pour produire de toutes les façons quelque chose d’ouvert qui reste dans le pot commun ?

Finalement le seul gros projet libre qui reste majoritairement bénévole ne serait-il pas… Wikipédia ?!

Notes

[1] On pourra lire à ce sujet L’Éthique hacker de Pekka Himanen.




Que l’Estrémadure libre fasse école !

GnuLinEx - Iberia

Le Framablog est souvent porté sur l’éducation, occupation officielle de votre serviteur oblige.

Résistances et avancées

Par la négative on peut une fois de plus se focaliser sur la société Microsoft pour stigmatiser sa politique commerciale dans nos universités et les atternoiements d’un gouvernement qui ferait mieux de s’inspirer des recommandations d’un autre gouvernement[1].

Par la positive, on peut se féliciter du déploiement toujours plus fréquent mais pas forcément très médiatisé de solutions libres dans nos écoles (voir par exemple le sympathique petit blog Ubuntu en salle des profs).

Cependant, en France, cela s’apparente à du coup par coup à l’intérieur d’une politique générale peu cohérente et surtout frileuse voire parfois carrément méfiante vis-à-vis du logiciel libre. On sait bien pourtant que le mouvement est inéluctable et risque d’ailleurs de s’accélérer avec la sortie de Windows Vista qui obligera d’étudier d’encore plus près les alternatives (vu les coûts matériels qu’exige le trop gourmand nouveau système d’exploitation de Microsoft).

Hypothèse

Soit, d’accord. Imaginons qu’on ait majoritairement du logiciel libre dans les ordinateurs de nos écoles. Ce sera long et il va encore y avoir de nombreuses résistances à convaincre ou écarter (et on y travaillera ensemble) mais, je le répète, c’est pour moi et depuis longtemps une histoire écrite d’avance.

Aura-t-on gagné pour autant ?

Pas forcément parce qu’on peut très bien passer pédagogiquement à côté de tout ou partie de ce qu’offre les nouvelles technologies d’aujourd’hui (surtout si l’on se contente d’avancer l’argument financier pour migrer vers le libre).

Si c’est juste pour laisser chaque élève dans son coin mettre en forme (certes sur OpenOffice.org) le cours magistral du prof pour faire plus joli que dans son cahier, alors c’était peut-être pas la peine de dépenser tant d’énergies. Mais si c’est pour insérer son texte dans un projet collectif de type wiki accompagné par le prof et toujours accessible sur le net, alors ça peut devenir beaucoup plus intéressant.
Ce que nous appelons à Framasoft l’état d’esprit du libre est une notion floue aux contours mal définis. Nous pensons cependant qu’il serait souhaitable de le voir d’une manière ou d’une autre pénétrer plus encore l’école car il est fort probable qu’on touche là quelque chose d’important pour les générations futures.

ExtraMad’Hourra !

C’est en tout cas pour toutes ses raisons que le cas de la petite région espagnole de l’Estrémadure est exemplaire.

Je ne sais si la réalité colle totalement à celle décrite par ces reportages mais on tient là (enfin) une politique globale à grande échelle qui non seulement met techniquement en place et utilise massivement du logiciel libre mais forme ses enseignants et s’interroge sur les potentialités pédagogiques des outils logiciels disponibles.

Ces deux reportages semblent déjà vieux mais nous invitons toute personne intéressée de près ou de loin à la question éducative à y jeter un coup d’oeil (et, le cas échéant à faire circuler l’information) car il est des pays et des régions qui malheureusement ne se sont pas spécialement améliorés dans l’intervalle, loin s’en faut.

Reportage EuroNews

Le premier est un documentaire d’EuroNews réalisé en octobre 2003.

—> La vidéo au format webm

Squeak in Extremadura

Le second, tourné en novembre 2005, traite de l’utilisation de l’excellent logiciel libre Squeak en classe dans le cadre du projet Linex de l’Estrémadure (en anglais mais avec la diction parfaite de la demoiselle et le sous-titrage, on s’en sort très bien).

—> La vidéo au format webm

Merci donc à l’Estrémadure, véritable pionnier d’une politique publique progressiste et citoyenne en nouvelles technologies[2].

Comme qui dirait… La route est longue mais la voie est libre.

Quelques liens connexes

Sur Squeak

Sur l’Estrémadure et le libre

Sources des reportages

Notes

[1] On peut également déplorer le tout récent et pas forcément ultra pertinent choix du Café Pédagogique de faire confiance aux technologies Microsoft (.asp, .wma, .wmv) pour son nouveau et très attendu site web.

[2] L’illustration est une opération de promotion de gnuLinEx que l’on pouvait trouver dans certains avions de la compagnie Iberia cet été (avec CD présent sur le siège de chaque passager et ce slogan sé legal, copia gnuLinex autrement dit Soyez légal, copiez gnuLinEx !).




Quand le gouvernement anglais déconseille Microsoft à l’école…

Sadness - DiegoSCL - Creative Commons BY

Quelle attitude adopter face à l’arrivée de Vista OS et de MS Office 2007 de Microsoft ?[1]

Le mouvement du libre est, on s’en doutait (et, oserais-je ajouter, à juste titre), plus que critique. Mais d’autres organismes bien moins suspects de partialité manifestent ouvertement leur perplexité.

Ainsi, comme le rapporte le magazine Computer Business dans deux récents articles (11 janvier 2006), ce n’est rien moins que le gouvernement anglais qui, après étude, évalue jusqu’à la critique l’intérêt des licences Microsoft pour ses écoles quitte à envisager les alternatives libres, et surtout leur déconseille fermement pour l’heure les grosses mises à jour que constituent Vista et MS Office 2007[2].

Le premier UK schools at risk of Microsoft lock-in, says government report évoque un rapport de la très officielle et institutionnelle British Educational Communications and Technology Agency (Becta) qui s’inquiète des risques de dépendance des écoles à la société Microsoft.

L’agence suggère fortement aux établissement scolaires d’évaluer avec attention la question des licences Microsoft qui semblent, tiens, tiens, poser quelques problèmes (surtout si au bout de quelques années l’on doit nécessairement en changer).

Du coup les alternatives libres sont évoquées.

The review also considered the potential barriers to Microsoft alternatives following a May 2005 Becta report that had indicated that the use of Linux and OpenOffice.org could produce total cost savings of 44% per PC for primary schools and 24% for secondary schools, compared to standard commercial software PC configurations.

On the subject of promoting alternatives, Becta noted that the UK’s Open Source Consortium would like to see Becta proactively promoting choice by adopting open source standards" and stated that it will "discuss with key stakeholders the practical steps it could take to facilitate wider competition in choice in relation to software licensing in schools."

Migrer vers l’open source ? Le premier argument est financier mais le deuxième concerne les standards dont on commence enfin à se préoccuper en haut lieu.

Le second article, au titre explicite, UK government agency tells schools to ignore Vista, évoque le fait que que Vista et MS Office n’apportent rien de très significatif en terme de fonctionnalités si ce n’est qu’ils sont tellement gourmands en ressource qu’il n’est pas possible actuellement pour la très grande majorité du parc informatique scolaire de les faire tourner (avec ou sans le très poudre aux yeux Aero).

Oakleigh[3] also found that a number of Office alternatives, including Corel Wordperfect Office X3, Openoffice.org, StarOffice, Easy Office, One SE and Lotus SmartSuite, offered "about 50% of the functionality of the Office 2007 suite" but that "this 50% included functionality that met or exceeded basic requirements in relation to word processing, spreadsheets, and presentation development."

Even if schools or colleges are tempted by the new software, their hardware will be unlikely to run it, according to the report. It found that at the very most, only 6% of current educational computers could run Vista with the Aero graphics engine turned on, while 55% of current computers could not even run Vista with Aero tuned off.

Sans oublier un petit mot sur les formats de fichiers Office 2007 : Les écoles ne devraient déployer Office 2007 que si l’interopérabilité avec d’autres logiciels est satisfaisante. Une manière à peine voilée d’emettre quelques doutes sur les qualités du nouveau format Open XML.

As if that was not enough criticism, the report also suggested that Microsoft’s choice of the Open Office XML file formats in Office 2007 "has the potential to exacerbate ‘digital divide’ issues" as a result of the format not being in use on other products.

While Becta noted Microsoft’s recent decision to support the OpenDocument Format, which is also used in OpenOffice, StarOffice and others, it warned that schools and colleges should only deploy Office 2007 when its interoperability with alternative products is "satisfactory".

Et de conclure :

"Early deployment is considered extremely high risk and strongly recommended against," Becta stated. "On the basis of current understanding, the total cost of deployment is significant, the risks are high, and the benefits are far from clear."

On ne saurait être plus clair. The risks are high, and the benefits are far from clear. Les risques sont élevés et les avantages peu évidents…

À quand de telles sages et pertinentes recommandations chez nos propres supérieurs du Ministère de l’Éducation Nationale ?[4]

Notes

[1] L’illustration est un détail d’une photographie de DiegoSCL intitulée Sadness issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.

[2] On notera qu’à aucun moment le gouvernement anglais trouve le libre très sympa pour obtenir des meilleurs prix chez Microsoft comme c’est malheureusement le cas chez son homologue français !

[3] Consultant indépendant à qui la Becta a commandé l’étude.

[4] Par extension, ce qui vaut pour l’école vaut ici un peu pour tout le monde en fait. Jamais à bien y réflechir la période n’a été si favorable au passage à Linux.




Stallman en tournée prochainement dans votre ville

Richard Stallman n’en finit pas d’arpenter les quatres coins de la planète pour évoquer les quatres libertés du logiciel libre et demander aux foules de le rejoindre maintenant et partager le logiciel[1]. Il a un petit côté gros nain de jardin voyageur d’Amélie Poulain mais il a toute ma sympathie et mon admiration dans sa quête quasi messianique.

Le voici donc en novembre dernier en Équateur et, rituel oblige, de conclure son propos avec la fameuse chanson du logiciel libre the Free software song (son portable en guise de grosse caisse ?!).

—> La vidéo au format webm

Jusqu’ici ceux qui connaissaient déjà le personnage n’apprendront rien (si ce n’est peut-être qu’outre le français l’espagnol aussi est bien maîtrisé).

Mais peut-être que vos mélomanes oreilles étaient passées à côté de cette autre chanson qui dénonce les conditions de détention des prisonniers de Guantanamo. Les paroles sont donc de Sir Stallman (recopiées ci-dessous) quant à la musique…[2]

Guantanamero

Me odiaba mi primo
Por celos a mi carrera.
Lo arrestaron y dijo
Que terrorista yo era.

Guantanamero, soy preso guantanamero.
Guantanamero, soy preso guantanamero.

Ha decidido el imperio
Tenerme por siempre preso
Y la cuestión es hacerlo
Con o sin falso proceso.

Guantanamero, etc.

Cuando me hieren el cuerpo,
Dicen que no me torturan.
Me dan heridas profundas
De esas que nunca se curan.

Guantanamero, etc.

No me permiten que duerma:
Mi fin no es un misterio.
Voy a salir cuando muera
O caiga el gran imperio.

Guantanamero, etc.

Traduction en anglais :

Guantanamero

My cousin hated me;
He was jealous of my career.
They arrested him and he said
I was a terrorist.

Guantanaman, I’m a Guantanaman prisoner.
Guantanaman, I’m a Guantanaman prisoner.

The empire has decided
To keep me in prison forever.
The question is whether to do it
With or without a fake trial.

Guantanaman, I’m a Guantanaman prisoner.
Guantanaman, I’m a Guantanaman prisoner.

When they injure my body
They say they are not torturing me.
They cause me grave wounds
Such as never heal.

Guantanaman, I’m a Guantanaman prisoner.
Guantanaman, I’m a Guantanaman prisoner.

They don’t let me sleep:
My end is no mystery.
I will get out when I die
Or the great empire falls.

Guantanaman, I’m a Guantanaman prisoner.
Guantanaman, I’m a Guantanaman prisoner.

Edit : J’ajoute un joli fond d’écran sous Art Libre que l’on doit, merci pour lui, à harrypopof, un fidèle visiteur de Framagora (en pièce jointe ci-dessous).

Art Work - harrypopof - Free software song - Art Libre

Notes

[1] Join us now and share the software…

[2] Stallman explique que c’est quand il a réalisé que Guantanamera signifiait fille de Guantanamo qu’il a décidé d’en réécrire les paroles.




Framasoft doit-il cesser d’être « Sage » pour ne plus être accusé de contrefaçon ?

ThinkDraw - CC byVoici une histoire assez surréaliste mais malheureusement bien révélatrice du climat ambiant.

L’annuaire de logiciels libres Framasoft contient une notice d’une sympathique extension Firefox répondant au doux nom de « Sage » et qui permet de lire facilement les flux RSS depuis le célèbre navigateur.

Or il se trouve que c’est également le nom adopté, que dis-je adopté dé-po-sé, par un éditeur français de solutions logicielles (propriétaires) de gestion d’entreprise[1].

Accusé Framasoft levez-vous !

Du coup en tant que président de l’association qui anime Framasoft, j’ai eu droit à cette lettre recommandée avec accusé de réception que je vous reproduis intégralement ci-dessous en ayant simplement anonymisé son expéditeur.

FRAMASOFT
A l’attention du Président

Paris, le 7 novembre 2006

Envoi par lettre recommandée avec accusé de réception.

OBJET : Interdiction d’utilisation des marques « Sage»

Monsieur,

Nous avons pu constater que votre association utilise la marque Sage pour désigner l’un des logiciels que vous avez développé et décrit sur votre site www.framasoft.net

Or cette marque est une marque déposée par notre société le 14 octobre 1988 sous le numéro 1360796 et concerne notamment la désignation des progiciels dont nous sommes éditeurs. Comme vous ne pouvez l’ignorer, toute utilisation de nos marques pas un tiers non autorisée constitue une contrefaçon entraînant la responsabilité pénale de son auteur, y compris des personnes morales.

Aussi, par la présente, nous vous mettons en demeure de cesser immédiatement toute utilisation de la marque « Sage ».

Nous vous remercions de nous confirmer par retour de courrier que vous cessez l’utilisation illicite de notre marque sans délai.

Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de notre considération distinguée.

C… P…
Juriste

Et voici donc Framasoft accusé carrément de contrefaçon et mis en demeure de cesser immédiatement toute utilisation de la marque « Sage » !

La parole est à la défense…

Heureusement, depuis le temps, on s’est fait quelques amis parmi les juristes 😉
Grand merci donc à leto_2 pour son aide apportée à la réponse ci-dessous envoyée le 18 décembre 2006.

Madame,

Je fais suite à votre lettre en date du 7 novembre 2006 et qui appelle de la part de notre association les réponses/précisions/rectifications suivantes.
Votre demande nous semble irrecevable sur la forme, comme mal dirigée, mais également mal fondée.

1- Mal dirigée

En effet, vous affirmez que nous utilisons la marque Sage pour désigner un logiciel que nous aurions développé.

En réalité, notre association ne développe aucun logiciel répondant à ce nom.
La page à laquelle vous semblez faire allusion (http://www.framasoft.net/article2916.html) n’est qu’une description d’un logiciel développé par un tiers, dont le lien est clairement indiqué ("SITE OFFICIEL").

Par conséquent, votre requête qui nous est adressée en tant qu’éditeur du logiciel litigieux est mal dirigée.

Si la contrefaçon que vous alléguez devait être confirmée par une décision définitive de justice, nous en tirerons toutes les conséquences.

Dans cette attente, notre association ne peut ni se substituer à une autorité judiciaire ni préjuger de sa décision.

2- Mal fondée

Sur le fond, il n’est d’ailleurs pas acquis que cette infraction soit retenue.

En effet, vous faites référence à une marque déposée par votre société le 14 octobre 1988 sous le numéro 1360796.

Ce numéro de dépôt correspond dans le registre de l’Institut National de la Propriété Industrielle à la marque GRANEROS, déposée par la Société anonyme RALSTON PURINA FRANCE, productrice de produits agricoles.

En réalité, le dépôt auquel vous faites référence est celui réalisé auprès du Patent Office du Royaume-Uni par la société The Sage Group plc.

Or comme vous devez le savoir, ce dépôt est inopposable en France, en vertu du principe de territorialité du droit des marques.

Cette société a procédé le 1er avril 1996 à un dépôt en tant que marque communautaire, qui lui est opposable en France, sous le numéro 2387.

Mais le droit des marques est également soumis au principe de spécialité, en vertu des articles L713-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Ainsi l’enregistrement de la marque ne confère à son titulaire un droit de propriété que pour les produits et services qui auront été désignés au dépôt.
Or, le dépôt communautaire désigne en classe 9 les "Logiciels de finance et logiciels de comptabilité. Logiciels pour la gestion de la trésorerie comptable financière. Logiciels d’interface bancaire et logiciels pour la gestion de communications".

En ce qui concerne le logiciel qui motive votre lettre, sa destination est toute autre. Il s’agit d’une extension au navigateur internet Mozilla Firefox qui permet de lire les fils de nouvelle RSS (Really Simple Syndication).
L’usage du mot Sage ne semble donc pas ici employé pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. Dès lors, il ne constituerait pas une contrefaçon.

Pour ces motifs, nous ne pouvons donner suite à votre demande.

Nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de notre considération distinguée.

Alexis Kauffmann
Président de l’association Framasoft

La suite au prochain épisode…

Notes

[1] Crédit photo : ThinkDraw (Creative Commons By)