Geektionnerd : Firefox 5.0 est sorti !

Firefox 5, le navigateur libre et respectueux de votre vie privée est sorti, 3 mois à peine après la version 4.0.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Petite chronique de l’e-G8, retour sur une tempête médiatique

G8 vs Internet - CC by-saLes 24 et 25 mai derniers se tenait à Paris le « Forum e-G8 », en prélude au G8 de Deauville. Ce forum participatif consacré à Internet fut résolument orienté “business” : organisé par le groupe publicitaire Publicis, les invités étaient principalement les dirigeants des plus grosses sociétés de communication (Google, Facebook, eBay, Fox, Bertelsmann, Vivendi, etc.).

Si le commerce fait évidemment partie intégrante des possibilités ouvertes par Internet, cela ne constitue qu’une petite partie de l’utilisation qui est faite du réseau aujourd’hui. Or, la sélection très orientée des intervenants ne portait par conséquent qu’un seul point de vue : « Comment utiliser Internet pour doper la croissance économique ? » et sa question sous-jacente « Comment contraindre et réguler Internet pour s’assurer que les profits continueront d’augmenter ? ».

La société civile était donc complètement marginalisée dans le programme du e-G8, laissant le champ libre à un discours de « civilisation », de « moralisation », voire de contrôle de l’Internet. C’était sans compter sur des interventions de John Perry Barlow (EFF) ou Lawrence Lessig (Creative Commons), et surtout sans la culture du « hacking » (au sens de « bidouillage », « détournement ») d’associations comme la Quadrature du Net qui ont pu faire entendre la voix des principaux concernés : les internautes.

Petite chronique de l’e-G8, retour sur une tempête médiatique

Neurone364 – 24/06/2011 – Framablog

Cette petite rétrospective se propose de parcourir les principaux évènements du « forum e-G8 » tels qu’ils furent présentés par la presse écrite sur Internet. À l’origine de cette initiative, une constatation simple : la revue de presse que tient la Quadrature du Net est passée, lors de ces deux journées pittoresques, d’un rythme de croisière d’environ 5 articles signalés par semaine, à plus de 50 par jour ! La petite équipe bénévole dédiée à la tâche a donc suivi le mouvement imprimé par le porte-parole, les co-fondateurs, les accampagnants[1], les bénévoles et tous les citoyens qui agissent et réagissent en conscience aux attaques contre Internet signalées par la Quadrature, pour finir la semaine sur les rotules, avec un sourire serein et des cernes sous les yeux.

Tout a commencé calmement, le 18 mai 2011, avec la publication par la Quadrature du Net d’un communiqué intitulé « Forum eG8 » : un écran de fumée pour le contrôle gouvernemental du Net. Dans ce communiqué, nous dénoncions l’organisation par le gouvernement d’un processus pseudo-consultatif, mis en place autour d’un show à l’américaine, avec les stars du web commercial réunies à Paris. En parallèle, accompagnée de plusieurs organisations d’artistes et citoyennes, la Quadrature invitait toutes les créativités à s’exprimer contre les tentatives de transformer Internet en un outil de répression et de contrôle en ouvrant le site web http://g8internet.com à l’expression publique.

D’un côté, il y avait donc ce simple espace de liberté, ouvert pour l’occasion par quelques gus dans un garage, et de l’autre, Publicis, un géant mondial à qui l’on confie des budgets d’état pour faire son métier : de la publicité. De la communication pour ceux qui ont, à vendre, la vision d’un Internet restreint aux intérêts de leurs activités…

Vous vous demandiez ce qu’est la Quadrature du Net ? C’est ça : un village d’irréductibles amoureux de la liberté d’expression, celle offerte à tous par l’Internet neutre que nous avons encore entre les mains, et qui s’échappe comme une poignée de sable sur laquelle soufflent de puissants intérêts privés et commerciaux.

Heureusement, cette histoire n’est pas encore écrite, et nous avons avec nous bien mieux qu’une potion magique : un réseau planétaire reliant sans discrimination toutes les bonnes volontés du monde. Il ne tient qu’à chacun de tendre la main (vers son clavier, et son prochain) pour se dresser en rempart de ce droit fondamental qu’est l’accès à Internet, l’accès aux autres.

Ce 18 mai 2011, la presse commençait à frémir devant l’évènement en préparation, LePoint.fr titrait par exemple : « Le forum e-G8 suscite doutes et attentes » notant que si « beaucoup espéraient une mise à plat des politiques de gouvernance du Net, de respect de la vie privée ou de développement des libertés d’expression et d’information, il se pouvait que l’orientation de ce e-G8 soit avant tout économique et tournée vers les grands acteurs privés plutôt que vers les internautes. »

Le 19, c’est Médiapart qui se faisait l’écho d’une société civile oubliée à cette grand messe, dans un article intitulé : « Avant le G8 du Net, les citoyens tentent de garder la parole ». Et ce « tentent » n’était rien moins que défaitiste.

Le 20 mai, la Quadrature du Net annonçait une analyse à paraître dans l’hebdomadaire Marianne et sur le site du journal détaillant la spectaculaire opération de rattrapage tentée par Nicolas Sarkozy auprès des électeurs internautes, après avoir lui-même empêché la tenue d’une conférence mondiale consacrée à la liberté d’expression sur internet, pourtant proposée par Bernard Kouchner. Après avoir menacé de passer les banlieues au karsher, le conquistador de l’Élysée voulait cette fois se donner pour mission de « civiliser » l’internet.

L’Élysée ne veut pas entendre parler de cyberdissidence, ni de liberté d’expression, il veut du “contrôle”. Frédéric Martel, Marianne, 21-27 mai 2011

Cet article de Marianne, repris dans le Figaro sous le titre : « Sarkozy préfère “l’internet civilisé” aux cyberdissidents » sera lu plus de 30 000 fois en une semaine, première goutte de pluie annonçant la fin du calme avant la tempête médiatique.

D’ailleurs des gouttes tombaient déjà au delà de nos frontières, comme en atteste cet article du New York Times paru le même jour, sous le titre narquois « Chaos of internet Will Meet French Sense of Order » ou « Le chaos d’Internet va rencontrer le sens de l’ordre français ».

La pluie s’est mise à crépiter le 23 mai, à la veille du forum, le lundi de cette fameuse semaine. Les premières éclaboussures vinrent du site PublicSénat.fr reconnaissant que l’évènement annoncé est « Pour le chef de l’Etat, l’occasion de renouer avec le monde du Web, un peu malmené avec la loi Hadopi. Nicolas Sarkozy n’est pas un grand amateur des questions numériques. », et relayant l’analyse de la Quadrature quant au contenu des « débats », voire plutôt du déballage prévu pour les jours suivants. De son côté, l’Express publiait dans un article « Ce qu’il faut savoir sur l’eG8 » confiant que

L’impression générale donnée par le forum est celle d’un grand fourre-tout, dont on imagine qu’il servira de grand rendez-vous de networking. Dans ces conditions, difficile de déboucher sur des annonces concrètes. D’autant que les chefs d’Etat du G8 ne prévoient de consacrer qu’une heure à ces questions lors du sommet de Deauville.

En Europe, le site RTL.be titrait sans illusions et avec le franc-parler que l’on ne trouve plus dans l’hexagone concernant les affaires gouvernementales : « eG8 Forum : politiques et stars du Web à Paris ».

Le mardi 24 mai la Quadrature du Net rappelait dans un communiqué, pour lancement de l’opération, que :

L’eG8 est une mise en scène où un gouvernement déconnecté de la civilisation Internet espère apparaître en phase avec celle-ci en se montrant en compagnie de quelques leaders économiques du secteur. »

Et la pluie se fit alors battante. Elle ruisselait sur nos écrans en ondées numériques défilant comme les vagues vert-phosphorescent des moniteurs de la matrice… Libération parlait ainsi de « L’illustration parfaite d’une collusion malsaine » Europe1 des « “People” et paillettes pour le G8 du web » et Le Monde relevait que l’e-G8 n’allait que « de “Internet civilisé” à l’Internet “facteur de croissance” », se faisant l’écho des analyses de la Quadrature ou de l’IGC[2] pour qui il est anormal que le forum soit « organisé par le secteur privé et que l’accès soit donné aux seuls acteurs des entreprises privées et des gouvernements. »

20Minutes.fr notait également de son côté qu’à l’e-G8 il semblait se confronter « deux visions du Net irréconciliables » tandis que Challenges.fr reprenait le glissement sémantique opéré par le Président qui ne parla plus alors dans ses discours de civiliser l’espace numérique, mais désormais de moraliser l’internet.

SudOuest.fr titra sur la sensationnelle déclaration de Nova Spivack, invité à l’événement :

Internet va balayer les gouvernements

En début d’après midi, la CNIL tapait du poing sur la table dans une spectaculaire sortie intitulée « La protection de la vie privée absente de l’e-G8 : oubli ou rejet ? » et se terminant par plusieurs remarques dont la plus cinglante est sûrement :

Lors de cet événement où tout s’achète, combien coûte la protection de la vie privée ? Apparemment pas grand-chose !

Une petite phrase qui en dit long sur la considération du gouvernement à l’égard de cet indispensable organe de l’état, et qui se répandit sur les blogs et micro-blogs cet après-midi là, alors que le déjeuner des canotiers imaginés par Publicis subissait un orage imprévu.

En milieu d’après midi, la Quadrature publiait, avec une trentaine d’organisations et associations attachées aux libertés sur Internet une « Déclaration de la Société Civile au G8 et e-G8 » rappelant en quatre points essentiels leur attachement à l’accès Internet pour tous, à la liberté d’expression et à la neutralité du réseau.

Déclaration entendue par France24 qui constata en fin de journée que l’e-G8 « ne dissipait pas la crainte de la censure » et le pire était encore à venir.

Le lendemain ce fut le déluge. Des journaux allemands, anglais, italiens, suisses, belges, canadiens ou américains se firent l’écho de l’actualité de la veille, à l’image d’FT.com titrant «? Tech titans’ optimism fades under Paris sun ?» ou « L’optimisme des titans de la technologie s’estompe sous le soleil de Paris » ou encore de V3.co.uk avec son « Rights groups revolt as Sarkozy reveals plans to stamp out Internet freedoms », « les défenseurs des droits sur internet se révoltent face aux plans dévoilés par Sarkozy d’éradiquer les libertés sur Internet ». Pour Cyberpresse.ca « Sarkozy souffle le chaud et le froid » :

Évoquant le rôle qu’a joué Internet dans les soulèvements observés en Tunisie ou en Égypte, il a déclaré que le web est devenu “le vecteur d’une puissance inédite pour la liberté d’expression dans le monde”. Mais, du même souffle, il a soutenu que le réseau mondial ne doit pas être “un univers parallèle affranchi des règles du droit ” Le discours de Nicolas Sarkozy ne risque guère d’apaiser les organisations de défense des usagers de l’internet, qui l’accusent de vouloir “censurer” le réseau.

Analyse on ne peut plus juste, car pendant ce temps là, la société civile se mobilisait pour faire entendre ses voix au cours d’une conférence de presse improvisée tournant au contre-sommet de l’e-G8. Une soixantaine de journalistes vinrent en effet y entendre Lawrence Lessig (fondateur des Creative Commons), Jean-François Julliard (secrétaire général de RSF), le journaliste américain Jeff Jarvis, Susan Crawford (membre de l’ICANN et ex-conseillère de Bill Clinton) ou encore Jérémie Zimmermann (porte parole de la Quadrature du Net). Parmi ces journalistes, ceux de ZDNet devait titrer dans l’après midi « Un “contre eG8” dénonce la mise en scène du forum Internet du gouvernement » rappelant que pour la Quadrature du Net, le « forum » e-G8 n’était qu’un pas de plus vers la régulation des réseaux, les modèles économiques de ces « géants » du web étant basés sur des restrictions aux libertés fondamentales des citoyens[3].

En fin de journée, le Figaro se fit l’écho des « Déceptions à l’e-G8 » tandis que le Monde rappelait l’une des premières revendications de la Quadrature du Net, dans un article nommé : « L’accès à Internet doit devenir un droit fondamental ».

Les jours suivants, et jusqu’à la tenue du G8 lui même, la pluie ne s’arrêta pas comme une simple averse. Le 26 mai, Ouest-France tint à résumer « G8 de l’Internet : que faut-il en retenir ? » notant « que le G8 à venir dans les jours suivant veut réguler Internet. Et cette éventualité fait des remous chez les acteurs du web. »

La France paraît assez mal placée pour donner des leçons et pourtant, quel discours le président français a-t-il tenu au gotha mondial des créateurs d’avenir ? Il leur a dit qu’il fallait réguler Internet, le moraliser

Indiquait quant à elle France24 dans un article intitulé : « Sarkozy et Internet : le grand malentendu »

Dans une interview vidéo parue le lendemain sur ITEspresso Tristan Nitot (fondateur et président de l’association Mozilla Europe) indiquait qu’à l’ « e-G8 : il y a un manque de représentativité, on a l’impression de servir d’alibi »

LeMonde concèdait le 28 mai que l’e-G8 restera « un sommet à l’impact limité » alors que Télérama ne mâchait pas ses mots, indiquant plus prosaïquement « L’e-G8 à Paris : game over ! ».

On a surtout assisté, à Paris, pendant les deux jours de ce premier “G8 d’Internet”, à des démonstrations de force et des discours de “winners” du Web en quelques minutes chrono. On n’en ressort pas franchement bouleversés…

Le porte-parole de la Quadrature du Net, Jérémie Zimmermann, qui ne dormit que 10h en trois jours, fut sollicité pour de nombreuses entrevues. Parmi ces interviews, la plus insolite fut sûrement celle accordée à LCI, qui permet aujourd’hui de lire, sur TF1.fr qu’à l’« e-G8 : Nicolas Sarkozy a voulu se racheter une conduite » alors qu’il « s’était adressé mardi exclusivement à un parterre de chefs d’entreprises et d’acteurs “business”. Or, ce n’est qu’une toute petite partie de ce qu’est réellement Internet.»…

Épuisés mais ravis, c’est globalement dans cet état que se trouvaient la plupart des neurones de la Quadrature du Net à la fin de cette intense semaine. Les trois modérateurs du site http://g8internet.com n’ayant par exemple guère profité de plus sommeil, vu l’activité débordante du site. Morceaux choisis :

Mais ces efforts ne furent pas vains, loin s’en faut. On pouvait en effet lire sur Slate.fr le 29 mai, « G8 et internet: un rendez-vous manqué » :

Difficile d’oublier que le eG8 était organisé par la France, le pays qui a introduit l’approche de la riposte graduée et un filtrage administratif du Web . Ce qui lui a valu de faire son entrée dans la liste des pays « sous surveillance » dans le rapport 2011 de Reporters sans frontières sur « Les Ennemis d’Internet ». Des dizaines d’organisations militent pour la liberté d’expression – notamment en ligne – et le respect de la vie privée, or seules deux d’entre elles ont été invitées à s’exprimer dans le cadre du eG8 

Une façon de constater, une fois de plus qu’en usant simplement, mais avec conviction, des recours démocratiques à disposition des citoyens en France, la société civile a vraiment le pouvoir de prendre part à la vie politique du pays, de participer des décisions et d’éviter le plus souvent le pire d’être voté[4]. Or la Quadrature du Net ne se présente à vous que comme une boîte à outil technique et politique, informant sur les enjeux et donnant les clés à chacun pour qu’il construise son intervention citoyenne. Ce n’est pas plus compliqué qu’un courriel, ou qu’un coup de fil, mais c’est ce quelque chose qui change la donne, alors indignez vous ! D’ailleurs, vous avez entendu parler d’ACTA ?

Notes

[1] Néologisme pour : campaigners

[2] Internet Governance Caucus

[3] L’intégralité des interventions de cette conférence de presse est disponible depuis en vidéo sur le Médiakit de la Quadrature du Net

[4] En terme de lois inapplicables ou se révélant contraire à la constitution par exemple…




Un gestionnaire de paquets dans la future Framakey

Capture Synapps, par RoromisEn gestation depuis… 5 ans, la Framakey 2.0 arrive enfin en version beta.

La Framakey a en effet vu le jour à l’été 2005 et, quelques mois à peine après sa sortie, nous écrivions les spécifications de ce qui nous paraissait être la voie à suivre pour en faciliter l’utilisation.

Le principe était simple : s’inspirer de “Synaptic”, le logiciel qui permet aux utilisateurs de Linux de gérer simplement l’ajout et la suppression de logiciels.

Ce concept, présent sur Linux depuis de très nombreuses années, a été repris par nombre de smartphones (dont l’évitable iPhone) : une interface simplifiée me présente les applications disponibles, classées par catégories, je mets celles que je souhaite ajouter dans un “panier”, puis je clique sur “Installer”. Le logiciel se charge alors de télécharger les logiciels sélectionnés, les installe, et crée le raccourci correspondant. Simple, rapide et efficace.

Après diverses phases de tâtonnements dans le développement[1], plusieurs développeurs successifs, et des priorités Framasoftiennes nous ayant éloignées de ce projet, c’est finalement grâce aux talents de Roromis que nous ne sommes pas peu fiers de vous présenter le premier[2] “gestionnaire de paquets pour Windows” : Synapps.

—> La vidéo au format webm

Couplé avec le portail d’applications Framakey, cela permet de proposer un “appstore” pour la Framakey. Mais évidemment, le logiciel est 100% libre, et vous pouvez donc créer vos propres dépôts. Et, mieux encore, rien ne vous oblige à le limiter à des applications logicielles : il est possible d’utiliser Synapps pour proposer des dépôts de tout types de contenus (musique, vidéo, PDF/ePub, etc), ce qui ouvre des perspectives… intéressantes.

La Framakey 2, dont le développement a été confié à Fat115, intègrera donc Synapps et toute la “glue” nécessaire pour proposer une bien meilleure expérience utilisateur à tous ceux qui aiment la Framakey mais pestaient légitimement après sa mauvaise capacité à gérer l’ajout/suppression d’applications.

Vous pouvez d’ores et déjà télécharger une version beta (qui motorise d’ailleurs la Framakey Ubuntu-fr Remix 11.04). Avec ces 39Mo tout mouillés à dézipper sur votre clé[3] , vous pourrez donc vous construire votre clé sur mesure. Evidemment, il s’agit là d’une version beta, aussi il se peut que vous puissiez rencontrer des bugs à l’utilisation, merci alors de nous les remonter sur le forum. À réserver donc pour l’instant à une utilisation de test et de découverte.

Soyez curieux ! 🙂

Notes

[1] le projet a vu des versions alpha développées en PHP/MySQL, en XUL, et même en… Windev, c’est dire !

[2] Il existe des systèmes équivalents pour Windows, mais à notre connaissance aucun n’est à la fois libre et graphique

[3] ou sur votre disque dur, ou sur votre baladeur MP3, ou sur la carte SD de votre appareil photo, ou…




Sensibiliser l’Économie Sociale et Solidaire aux valeurs du libre

Seeminglee - CC by-saL’économie Sociale et Solidaire, selon Wikipédia, “regroupe un ensemble de coopératives, mutuelles, associations, de syndicats et fondations, fonctionnant sur des principes d’égalité des personnes (1 personne 1 voix), de solidarité entre membres et d’indépendance économique.”.

Admettons que si cette définition porte en elle-même un certain flou, elle a le mérite de montrer qu’il s’agit d’institutions qui fonctionnent “autrement”. A tel point qu’on appelle souvent l’ESS le “tiers secteur” car les acteurs de l’ESS ne font pas partie du secteur public, mais ils marquent cependant une différence forte avec le secteur privé classique, en ce sens qu’il ne se fixent pas le profit comme objectif principal.

Or, il faut bien reconnaître à ce secteur un certain nombre de valeurs communes avec le logiciel libre et sa philosophie : une forme de démocratie dans les prises de décisions, et surtout une volonté de faire les choses ensemble, en coopération plutôt qu’en compétition. Le Framablog abordait déjà le sujet dans un texte publié par Bastien Sibille intitulé “Le temps de l’alliance”.

Il convient donc de s’interroger sur ce que ces deux mouvements, logiciels libres et Économie Sociale et Solidaire, peuvent s’apporter.

Cela tombe bien, car c’est justement le thème de la conférence organisée par l’AI2L le 9 juin prochain (inscription gratuite, mais fortement recommandée), à laquelle Framasoft participera.

Cela sera aussi l’occasion de présenter un cahier d’espérance qui “dresse un état des lieux des enjeux soulevés par le logiciel libre et leur pertinence pour l’économie sociale et solidaire, montre l’existence d’initiatives concrètes et propose des pistes pour renforcer les liens entre logiciels libres et ESS.

Quels sont les points de synergie et de divergence entre ces deux mouvements ? Comment pouvons nous “pousser” le libre dans les structures de l’ESS ? Quels apprentissages le mouvement du logiciel libre peut-il tirer de ces structures ? Quels (contre-)exemples pouvons nous citer en termes de ponts entre ces mouvements ? Comment convaincre l’économie “classique” que le libre et l’ESS sont créateurs de valeur(s) ?

Autant de questions auxquelles nous essaieront de répondre, mais sur lesquelles nous souhaiterions avoir vos avis…




Geektionnerd : e-G8

Le e-G8 vient de s’achever et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a laissé un sentiment mitigé.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




20 recommandations pour accompagner la révolution de la fabrication personnelle

Fluid Forms - CC by« Un certain nombre de forces convergentes vont faire passer la fabrication personnelle, ou autofabrication, du statut de technologie marginale utilisée par les seuls pionniers et passionnés à un outil quotidien pour le consommateur et l’entreprise lambda.

Dans quelques années, on trouvera des technologies de fabrication dans les petites entreprises et établissements scolaires.

Dans dix ou vingt ans, tous les foyers et bureaux posséderont leur machine d’autofabrication.

Dans une génération, on sera bien en peine d’expliquer à ses petits-enfants comment on a pu vivre sans son autofabricateur, et qu’on devait commander des biens préfabriqués en ligne et attendre qu’ils nous arrivent dans notre boîte au lettre livrés par la Poste. »

Cette citation qui claque est extraite d’un passionnant rapport américain d’une centaine de pages sur l’émergence de la fabrication personnelle.

Commandé par l’Office of Science and Technology Policy américain, on y expose clairement de quoi il s’agit tout en proposant d’importantes recommandations pour encourager et accompagner le mouvement.

Vous en trouverez le résumé et les principales recommandations traduits ci-dessous[1].

On ne s’étonnera pas de constater que l’accent est avant tout mis sur l’éducation, en relation avec les futurs petite entreprises qui immanquablement sortiront des garages des fab labs pour proposer localement leurs services et redessiner une économie plus humaine[2].

Certains nous reprochent notre idéalisme ou notre irréalisme, mais, telle l’impression 3D qui n’est qu’un élément du mouvement, comment ne pas voir ici l’un des plus grands espoirs d’un avenir incertain ?

Et pendant ce temps-là en France me direz-vous ? Vu comment l’Éducation nationale méprise superbement le logiciel libre et sa culture depuis plus d’une décennie, ce n’est pas demain la veille qu’on rédigera une telle étude et qu’on verra arriver des laboratoires de fabrication personnelle dans nos établissements scolaires. Quitte à prendre encore plus de retard sur le véritable train du futur et du progrès.

Pour en savoir plus sur le sujet, InternetActu est un excellent point de départ : Les enjeux de la fabrication personnelle, La prochaine révolution ? Faites-là vous-mêmes !, FabLabs : refabriquer le monde, Makers (1/2) : Faire société, Makers (2/2) : Refabriquer la société.

L’usine @ la maison : l’économie émergente de la fabrication personnelle (résumé)

Factory@Home : The Emerging Economy of Personnal Manufacturing

Hod Lipson & Melba Kurman – décembre 2010 – OSTP
(Traduction Framalang : Lolo le 13 et Yonnel)

Ce rapport souligne l’émergence des technologies de fabrication personnelle, décrit leur potentiel économique, leurs bénéfices sociaux et recommande des mesures que le gouvernement devrait prendre en considération pour développer leur potentiel.

Les machines de fabrication personnelle, parfois appelées « fabber », sont les descendantes des grandes machines de production de masse des usines, mais de taille minuscule et à faible coût. Ces machines à fabriquer à l’échelle individuelle utilisent les mêmes méthodes de fabrication que leurs ancêtres industrielles mais sont plus petites, meilleur marché et plus faciles à utiliser.

Les machines à la taille du foyer telles que les imprimantes 3D, les découpeuses laser et les machines à coudre programmables, combinées avec plan conçu sur ordinateur (en CAO), permettraient aux gens de produire des produits fonctionnels à la maison, sur demande, en appuyant simplement sur un bouton. En quelques heures, ces mini-usines pourront fabriquer un objet simple comme une brosse à dents, reproduire des pièces d’une machine complexe, créer des bijoux comme un artisan ou réaliser des ustensiles ménagers. En quelques années, les machines de fabrication personnelle pourraient être suffisamment sophistiquées pour permettre à n’importe qui de fabriquer des objets complexes tels que des appareils avec de l’électronique intégrée.

Un certain nombre de forces convergentes sont en train d’amener la conception et la production industrielles à un point critique où elles deviendront peu chères, fiables, faciles et suffisamment versatiles pour une utilisation personnelle.

L’adoption des technologies de fabrication personnelle est accelérée par les machines à bas coût, les communautés d’utilisateurs sur Internet, des logiciels de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) d’usage plus aisé, un nombre grandissant de plans de CAO disponibles en ligne et des matières premières de plus en plus accessibles.

Les technologies de fabrication individuelle auront un impact profond sur notre façon de concevoir, fabriquer, transporter et consommer les produits physiques. En suivant le même chemin que l’ordinateur devenu personnel, les technologies de fabrication passeront de l’usine à la maison. Ces outils de production personnalisés permettront aux consommateurs, aux écoles et aux entreprises de travailler et de jouer différemment.

Ces technologies de fabrication naissantes introduiront une évolution industrielle qui réunira le meilleur de la production de masse et de la production artisanale, avec le potentiel d’inverser en partie le mouvement de délocalisation.

Les technologies de fabrication personnelle feront émerger des marchés mondiaux pour des produits personnalisés (sur le modèle de la longue traîne), dont les volumes de vente seront assez rentables pour faire vivre des entreprises spécialisées (fabrication de niche,design…). Les communautés mal desservies ou isolées géographiquement auront la possibilité de concevoir et fabriquer localement leurs propres matériel médical, jouets, pièces mécaniques et autres outils, en utilisant les matériaux présents sur place.

À l’école, les outils de fabrication à petite échelle encourageront une nouvelle génération d’innovateurs et cultiveront l’intéret des élèves pour les cours de sciences, de technologie, d’ingéniérie et de mathématiques.

Les obstacles et les défis

Nombre d’obstacles qui découragent leur généralisation à la maison, à l’école et dans les entreprises se trouvent sur le chemin de l’adoption par le grand nombre des technologies de fabrication personnelle.

Un obstacle majeur est le classique paradoxe de l’œuf et de la poule : les marchés actuels pour les technologies de fabrication personnelles à destination des consommateurs et de l’enseignement sont trop petits pour attirer l’attention d’entreprises, ce qui décourage les investissements dans la création de produits et de services qui donc ne parviennent pas à attirer plus de consommateurs.

Les autres barrières sont les questions de sécurité, les défis de la standardisation des pièces et des contrôles de versions, les problèmes de propriété intellectuelle et un manque de contrôles adaptés sur la sécurité et la réglementation.

Recommandations

Il y a plus de trente ans, notre nation a conduit le mouvement de la révolution de l’informatique personnelle. Aujourd’hui, nous devons nous assurer que nous conduirons le mouvement de la révolution de la fabrication personnelle. Des investissements gouvernementaux réfléchis et visionnaires sont nécessaires pour garantir que les États-Unis resteront compétitifs dans l’ère de la fabrication personnelle et tireront les bénéfices potentiels des technologies de la fabrication personnelle.

Ce rapport recommande les actions suivantes :

1. Créer un laboratoire de fabrication personnelle dans chaque école.

2. Former les enseignants aux technologies de conception et de fabrication en relation avec les matières scientifiques et technologiques.

3. Créer des cursus scolaires de grande qualité avec des modules optionnels de fabrication.

4. Inclure la conception et la fabrication dans les cours de soutien après l’école.

5. Allouer des ressources publiques afin d’initier les entreprises locales à la production numérique en partenariat avec les établissements scolaires locaux.

6. Encourager la publication des spécifications matérielles.

7. Développer les formats de fichiers ouverts pour les plans de CAO.

8. Créer une base de données de fichiers CAO utilisés par les pouvoirs publics.

9. Imposer la publication des sources/de la géométrie pour les ressources gouvernementales publiques.

10. Mettre en place un « Programme de Recherche et d’Innovation Individuelle » pour les entrepreneurs du DIY (Do It Yourself).

11. Donner la priorité lors d’appels d’offres aux entreprises qui utilisent la fabrication personnelle.

12. Établir un « bouclier anti-propriété intellectuelle » pour les agrégateurs et les producteurs ponctuels.

13. Explorer les microbrevets comme une unité de propriété intellectuelle plus petite, plus simple et plus agile.

14. Revisiter les réglementations sur la sécurité pour les produits fabriqués individuellement.

15. Introduire une définition plus granulaire d’une « petite » entreprise industrielle.

16. Encourager la création de Fab Labs.

17. Les avantages fiscaux accordés aux « entreprises propres » devraient également concerner les entreprises de fabrication personnelle.

18. Accorder des réductions d’impôts sur les matières premières aux entreprises de fabrication personnelle.

19. Financer une étude du Département d’éducation sur la fabrication personnelle dans les matières scientifiques et technologiques.

20. Renforcer la connaissance et l’apprentissage sur la conception de produit.

Notes

[1] Dans l’idéal nous souhaiterions traduire l’intégralité du rapport, s’il y a des volontaires qu’ils n’hésitent pas à se manifester via le formulaire de contact.

[2] Crédit photo : Fluid Forms (Creative Commons By)




#SpanishRevolution ? Traduction 1.1 du Manifeste « Democracia Real Ya »

Fito Senabre - CC by-sa« Nous ne sommes pas contre le système, c’est le système qui est contre nous ! »

« Si vous nous empêchez de rêver, nous vous empêcherons de dormir ! »

C’est avec de tels slogans que de nombreux espagnols contestent et occupent l’espace public depuis près d’une semaine, en utilisant massivement le réseau pour se coordonner.

Pas de mots d’ordre, pas de revendications précises, pas de leaders, pas d’idéologie (sauf à considérer que le petit livre de Stéphane Hessel Indignez-vous ! puisse servir de référence commune), c’est un mouvement qui déconcerte et qui n’a pas eu encore beaucoup d’écho chez nous, affaire DSK oblige.

Mais qui sait si il ne fera pas tâche d’huile en France et en Europe car, pour le coup, vérité (notamment économique) en deçà des Pyrénées est la même au delà, modulo le fait que tous les pays n’ont pas encore un taux de chômage de sa jeunesse à… 40% !

Pour en savoir plus il y a l’article Wikipédia à suivre au jour le jour (si possible en langue originale). Il y a aussi cette excellente traduction d’Owni : Comprendre le révolution espagnole[1].

« Quelque chose de grand est en train de se passer ici », nous dit-on dans ce billet. On y apprend également que l’un des éléments déclencheurs du mouvement fut le passage d’une loi présentant de forte similitudes avec notre Hadopi et notre Loppsi (la Ley Sinde). Une loi qui fit l’objet d’un pacte entre les trois grands partis coalisés (PSOE, PP et CiU) et qui, no comment, donna l’impression à une majorité d’internautes qu’elle était un cadeau fait aux groupes de pression au détriment des citoyens.

Certains n’y verront peut-être qu’un apéro Facebook amélioré, d’autres au contraire évoquent déjà la contagion du printemps arabe au sein même de nos démocraties (ou de ce qu’il en reste).

Nous verrons bien… Mais en attendant nous vous proposons ci-dessous la traduction française du manifeste de l’un des fers de lance du mouvement, le collectif « Democracia Real Ya ! », « une vraie démocratie, maintenant ! ».

Remarque : On peut considérer cette traduction comme la version 1.1 de celle que l’on peut trouver actuellement sur Internet et qui était, à nos yeux, nettement perfectible, étant entendu que vous pouvez continuer à proposer des améliorations en vue d’une version 1.2 🙂

Manifeste de « Democracia Real Ya ! »

URL d’origine du document

Nous sommes des personnes simples et ordinaires. Nous sommes comme toi. Des gens qui se lèvent chaque matin pour étudier, pour travailler ou pour chercher du boulot ; des gens qui ont une famille et des amis. Des gens qui travaillent dur tous les jours pour vivre et offrir un meilleur futur à ceux qui les entourent.

Parmi nous, cer­tains se consi­dè­rent pro­gres­sis­tes, d’autres plutôt conser­va­teurs. Certains sont croyants, d’autres pas. Certains ont des idéo­lo­gies affirmées, d’autres sont apo­li­ti­ques. Mais nous sommes tous préoc­cupés et indi­gnés par la situa­tion poli­ti­que, économique et sociale actuelle. Par la cor­rup­tion des poli­ti­ciens, des patrons, des ban­quiers… qui nous laissent impuissants et sans voix.

Cette situa­tion nous fait souffrir au quotidien ; mais si nous nous unissons nous pouvons la modifier. C’est le moment de nous mettre en marche pour bâtir ensemble une société meilleure. Pour ce faire, nous sou­te­nons fermement que :

  • Les priorités de toute société développée doivent être l’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement durable et le bien-être des personnes.
  • Il existe des droits fondamentaux que la société a le devoir de garantir : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à l’engagement politique, à l’épanouissement personnel et le droit à l’accès aux biens nécessaires à une vie saine et heureuse.
  • Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle pour le progrès de l’humanité.
  • La démocratie, par essence, émane et appartient au peuple, mais, dans ce pays, la majorité de la classe politique ne lui prête pas attention. Le rôle des politiciens devrait être de faire entendre nos voix aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies de démocratie directe pour le bénéfice de l’ensemble de la société. Et non celle de s’enrichir et prospérer à nos dépens, en se pliant aux exigences des pouvoirs économiques et s’accrochant au pouvoir par la dictature partitocratique du PPSOE[2].
  • La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns créent inégalités, tensions et injustices, ce qui mène à la violence et que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale qui se consomme par elle-même en enrichissant une minorité et en plongeant les autres dans la pauvreté. Jusqu’à l’effondrement.
  • L’accumulation d’argent est la finalité du système, sans prendre en considération le bien-être de la société et de ceux qui la composent ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs frustrés.
  • Nous sommes les rouages d’une machine destinée à enrichir une minorité qui ne sait plus reconnaître nos besoins. Nous sommes des citoyens anonymes, mais sans nous rien ne serait possible car nous faisons tourner le monde.
  • Nous ne devons plus placer notre confiance en une économie qui ne tourne jamais à notre avantage. Il nous faut éliminer les abus et les carences que nous endurons tous.
  • Nous avons besoin d’une révolution éthique. L’argent ne doit plus être au dessus tout, mais simplement à notre service. Nous sommes des êtres humains, pas des marchandises. Je ne suis pas le produit de ce que j’achète, pourquoi je l’achète et à qui je l’achète.

Pour toutes ces raisons, je suis indigné(e).
Je crois que je peux changer les choses.
Je crois que je peux aider.
Je sais que tous ensemble nous le pouvons.
Il ne tient qu’à toi de nous rejoindre.

Notes

[1] Crédit photo : Fito Senabre (Creative Commons By-Sa)

[2] Contraction des deux partis PP et PSOE, un peu comme si on disait UMPS chez nous.




Google Chromebook ou le choix volontaire du confortable totalitarisme numérique

Jule Berlin - CC byÇa y est, les premiers « ordinateurs Google », les Chromebooks – un Acer et un Samsung pour commencer – vont bientôt arriver sur le marché. Ils seront tous les deux munis du système d’exploitation maison Google Chrome OS (qui, rappelons-le, repose sur une couche open source Chromium OS).

Potentiellement il s’agit bien moins d’une évolution que d’une véritable révolution.

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans… mais souvenons-nous de nos premiers PC. On avait nos applications (téléchargées en ligne ou installées depuis un cédérom) que l’on mettait à jour volontairement et manuellement. Parmi ces applications, il y a une qui a pris de plus en plus d’importance au fil des ans, c’est notre navigateur Web. Mais on conservait encore du temps pour notre suite bureautique ou notre traitement d’images. Si on n’avait pas la chance d’être sur un OS libre alors il fallait aussi un antivirus. Et puis on avait nos fichiers, dans notre disque dur ou nos périphériques.

Avec un Chromebook, tout ceci disparaît d’un coup de baguette magique ! Direction : « le nuage » !

Ici notre ordinateur se confond avec notre navigateur et se transforme en un terminal de connexion à Internet (vous avez dit Minitel 2.0 ?). Nous n’avons plus à nous soucier des applications, de leurs mises à jour, des fichiers et de leur stockage. Ce sont les serveurs de Google qui s’en chargent pour nous. Quel confort, quelle praticité, quelle simplicité !

C’est bien l’image que souhaite nous en donner Google en tout cas dans cette signifiante publicité vidéo : le Chromebook ce n’est pas un ordinateur portable, ce n’est pas un portable qui a accès au Web, c’est le Web matérialisé dans le Chromebook, on peut tout faire désormais sur le Web, y accéder de n’importe où, etc. et la dernière phrase, emblématique : le Chromebook sera prêt quand vous le serez.

Bon, imaginons que ces ordinateurs soient massivement adoptés et qu’au fur à mesure que le temps passe et que la connexion en tout lieu s’améliore, ils soient de plus en plus plébiscités… en grignotant chaque jour davantage de part de marché. Alors, soyons un peu provocateur, il ne servira plus à rien de se rendre, comme nous la semaine prochaine[1], à l’Ubuntu Party de Paris. Car l’adoption ou la migration de Windows vers GNU/Linux sera alors complètement court-circuitée. Idem pour d’autres célèbres migrations, d’Internet Explorer à Firefox (bonjour Google Chrome), de MIcrosoft Office à LibreOffice (bonjour Google Documents). Framasoft aussi du reste ne servira plus à rien (ou presque) puisque son annuaire, ses clés ou ses dvd seront définitivement à ranger dans les archives du Web.

Le danger est réel pour « la communauté du libre ». D’autant qu’en son sein Google jouit d’une bien meilleure image qu’un Microsoft, Apple ou Facebook et que nous sommes nombreux à posséder un compte Gmail.

Mais le danger est encore plus réel pour le futur acheteur d’un Chromebook. Car la condition sine qua non pour l’utiliser c’est de posséder un compte Google et de souscrire de facto à ses conditions d’utilisation. Conditions pas toujours très claires quant à l’usage de vos données personnelles et qui peuvent changer à tout moment selon le bon vouloir de Google (et de ses actionnaires). Vous ne vendrez pas spécialement votre âme au diable, mais dites-vous bien que vous confiez tout, absolument tout, à la société commerciale américaine Google[2].

C’est, entre autres critiques, ce que souligne Ryan Cartwright dans la traduction ci-dessous.

Si le Chromebook devient un succès, peut-être allons-nous devenir de « vieux réacs du Web » (des « Zemmour du Web » !) avec notre souhait et notre souci de conserver le contrôle et donc la liberté sur nos serveurs, nos machines, nos applications, nos fichiers et nos données.

Mais au moins aura-t-on tenté de résister et de vous prévenir…

Chromebooks – Le futur commence aujourd’hui ?

Chromebooks – has the future arrived?

Ryan Cartwright – 18 mai 2011 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Goofy et Lolo le 13)

On a l’impression que ça fait une éternité que Google a annoncé ChromeOS, ce qui bien sûr a fait couler beaucoup d’encre, y compris dans ce magazine. Maintenant que deux fabricants s’apprêtent à lancer deux modèles de Chromebooks, il pourrait être utile de se souvenir des problèmes liés au « système d’exploitation basé sur le nuage », en général et dans ce cas précis.

C’est quoi le « nuage » ?

Il n’y a pas de réelle définition de ce qu’est le « nuage ». C’est comme la « Propriété Intellectuelle » : c’est surtout un terme de marketing qu’on peut recycler à son gré pour lui faire dire ce qu’on veut. Quand j’utiliserai l’expression ici, « un système d’exploitation dans les nuages » est quelque chose où toutes les données et les applications utilisateurs sont sur le World Wide Web. La seule chose qui reste au plan du matériel lui-même, c’est un système d’exploitation basique sur un disque et un navigateur Web. Je suis certain qu’on peut trouver des définitions plus complexes et plus détaillées de système d’exploitation dans les nuages et/ou de ChromeOS, mais ma définition ira bien pour cet article.

Vie privée et confidentialité des données

Ce sera toujours le plus gros problème en ce qui concerne le système d’exploitation basé sur le nuage. Si vous-même en tant qu’utilisateur vous espérez stocker vos données en ligne, alors vous les mettez (avec beaucoup d’autres choses) en danger. Il y a assez d’exemples de données en lignes qui ont été lues par des personnes non autorisées pour rendre inquiétant un système d’exploitation entier basé sur ce concept. Alors qu’il est vrai que beaucoup de gens ne font pas l’effort de sécuriser leurs données sur un support externe, certains pensent que ces données seront protégées derrière une porte fermée. Oui, donner à ces soi-disant ordinateurs un accès au Web en fait des ressources ouvertes, même si la plupart des données personnelles de l’utilisateur lambda manquent d’intérêt pour les malfaisants. Cependant, réunissez toutes les données sur un simple serveur (ou un groupe de serveurs) et soudain les données deviennent bien plus attractives. Et plus elles sont attirantes plus le risque est élevé. Pour faire une analogie, c’est comme la différence entre ceux qui stockent leur économies dans un coffre-fort à la maison et ceux qui les confient à la banque. Le fait de passer de maison en maison pour faire une série de casses n’était pas très attirant pour les voleurs. Par contre, mettez tout cet argent dans un seul coffre-fort d’une banque et soudain le facteur de retour sur l’effort fait que la chose est bien plus séduisante.

Donc si ChromeOS m’autorisait à stocker mes données dans un serveur de mon choix et me laissait la possibilité d’avoir un autre apps store dans un autre endroit, alors au moins les données pourraient être davantage sous mon contrôle. C’est vrai, plein d’utilisateurs de ces Chromebooks n’y feront probablement pas attention mais sans même cette éventualité, il est inutile de chercher à leur faire comprendre l’idiotie de leur renoncement.

Accès

ChromeOS est conçu et vendu comme « basé sur le nuage », avec la Wi-Fi et la 3G (il existe des versions avec la wifi seule). Ce qui présente aussitôt à mes yeux un problème particulier. Que se passe-t-il quand vous n’avez pas de connexion ? Existe-t-il une option hors-connexion ? Mes recherches suggèrent que non mais pour être honnête toute la documentation sur ce point est soit du marketing de Google ou des fabricants soit rédigée au doigt mouillé sur des sites de technos qui veulent se positionner au plus haut dans les résultats des moteurs de recherche.

J’imagine que la cible marketing des Chromebooks sera le marché des netbooks et tablettes. J’ai noté qu’on utilisait la plupart du temps ce genre d’appareils dans des conférences ou des cafés. Il existe une bonne raison à ça — on trouve généralement dans ces endroits une connexion wifi à peu près correcte. Dans ce genre d’environnement le Chromebook conviendra parfaitement, mais si la connexion Internet devient un peu chancelante, que se passera-t-il ? Que va devenir un document que vous avez à moitié entamé au moment où la connexion s’interrompt ? Je suis certain que Google s’est penché sur le problème mais jusqu’à maintenant je n’ai pas vu grand-chose qui aille dans le sens d’une solution.

Pendant que j’y suis, parlons un peu de l’impression. Comme Chromebooks fait tout « dans le nuage », imprimer localement devient un problème. Il semble que la solution soit de connecter votre imprimante locale à l’Internet et d’imprimer via les serveurs de Google. Oui, vous avez bien lu, et je le répète : pour imprimer avec un Chromebook, vous aurez besoin d’utiliser une imprimante qui sera connectée au réseau. Donc, vous devez partager non seulement vos données avec Google, mais aussi votre imprimante. Bon d’accord en réalité la plupart des utilisateurs enregistreront leurs documents avec Google docs et les imprimeront depuis un ordinateur qui ne sera pas dans le nuage, à l’aide d’une imprimante locale. Mais même ainsi c’est à mes yeux un nouvel inconvénient.

Applis

Aucun appareil digne de ce nom ne peut être lancé sans une myriade d’applis. Dans le cas de Chromebook il existe des applis web pour le navigateur Chrome. Certaines sont gratuites, d’autres sont gratuites dans la période d’essai, d’autres enfin sont carrément commerciales. Aucune de celles que j’ai vues n’est libre au sens où nous en parlons ici. je ne suis pas toujours d’accord à 100% avec Richard Stallman (gare au troll) mais il a raison de déclarer :

« C’est aussi nul que d’utiliser un programme propriétaire. Faites vos opérations informatiques sur votre propre ordinateur avec votre programme respectueux de vos libertés. Si vous utilisez un programme propriétaire ou le serveur web de quelqu’un d’autre, vous êtes sans défenses. Vous êtes à la merci de celui qui a conçu le logiciel ». Richard Stallman, cité par le Guardian, 29 septembre 2008.

Il existe aussi un autre problème qui nous concerne en tant qu’utilisateurs de logiciels libres. La licence de ces applis web n’est pas mentionnée dans la boutique d’applis de Chrome. Google a probablement raison de prétendre que la plupart des utilisateurs de ChromeOS seront plus préoccupés par le prix que par la liberté, mais malgré tout l’absence d’information sur la licence soustrait un point important de l’esprit du public. Quand vous pensez à tout le temps qu’il a fallu pour avoir les libertés en informatique que nous avons aujourd’hui, omettre délibérément ces informations revient simplement à encourager les gens à ignorer les problèmes de liberté et de confidentialité. Les cyniques répondront que c’est le problème de Google (et autres géants du secteur informatique) et que c’est certainement payé par Android. Ce qui a été lancé comme un système d’exploitation pour mobile « basé sur Linux » est maintenant connu comme « Android de Google ». Tout comme si des questions importantes — mais finalement un peu barbantes — comme la sécurité, la confidentialité et la liberté devaient être sacrifiées sur l’autel non du prix cassé mais de l’accès facile. Tant qu’on peut le faire facilement, le sacrifice que vous devez faire passe inaperçu.

Pas ma tasse de thé

Vous aurez probablement deviné que le Chromebook ne figure pas en tête de la liste de cadeaux à me faire sur mon compte Amazon. Mais ce n’est pas un problème car je n’ai pas pour habitude de partager ma liste de vœux avec tout le monde. Il existe simplement beaucoup trop de problèmes importants à mes yeux qui restent sans solution et qui ne pourront être résolus compte-tenu du modèle économique de ChromeOS. Toutefois à la différence des iTrucs (que je déteste pour des raisons évidentes) et les tablettes, qui ne me donnent pas la moindre raison de les acheter (l’indice certain que je vieillis), j’ai comme l’intuition que les Chromebooks ne se vendront pas si bien que ça. La raison majeure c’est que beaucoup ne supporteront pas l’idée de devoir être toujours en ligne. Avoir une connexion un peu faiblarde pour un usage basique du Web c’est une chose, mais quand vous en avez besoin pour votre travail vous êtes vraiment très vite furieux. Mais je pense que les problèmes que je viens de soulever ne vont pas se dissiper. Nous autres dans la communauté du logiciel libre (encore une expression dont les contours sont flous), nous avons pris conscience depuis un certain temps des problèmes de libertés posés par « l’informatique dans le nuage », mais nous avons flirté avec ça sur le marché des appareils mobiles. Je crains que des entreprises propriétaires rapaces ne se mettent à vouloir prendre le contrôle de portions toujours plus vastes de nos vies grâce à des choses comme Chromebook. En quelque sorte ils auront plus vite résolu les problèmes de bande passante que ceux posés par le respect de la vie privée.

Retour vers le passé

La dernière fois que j’ai publié un billet sur ChromeOs j’ai fait quelques prédictions. Comme toujours dans ces cas-là, certaines étaient évidentes (le magasin ChromeOs, les netbooks plus petits et moins voraces en énergie), et d’autres restent encore à accomplir (le développement des logiciels qu’on paiera suivant la consommation). Mais l’une d’entre elles a malheureusement bien des chances de s’accomplir. Si les problèmes que j’ai soulignés dans ce billet comme la confidentialité et les libertés prennent de l’ampleur, alors les logiciels libres, sans forcément disparaître, vont sortir de la sphère d’influence publique et c’est une bien mauvaise chose.

Notes

[1] Voici le programme de l’UP de Paris qui aura lieu du 27 au 29 mai prochain. On notera pour ce qui concerne Framasoft : Le vendredi 27 mai à 13h Utiliser les licences libres par Benjamin Jean, à 14h30 Les logiciels libres c’est quoi par Simon Descarpentries – Le samedi 28 à 14h30 La route est longue mais la voie est libre par Alexis Kauffmann, à 16h Le libre au delà du logiciel par Pierre-Yves Gosset – Le dimanche 29 à 13h Utiliser les licences libres par Benjamin Jean, à 16h l’atelier Framapad, contribuer en ligne par Pierre-Yves Gosset.

[2] Crédit photo : Jule Berlin (Creative Commons By-Sa)