Produire du logiciel libre, le livre culte enfin en français chez Framabook !

Produire du logiciel libre - Framabook - CouvertureFramasoft est fier et heureux d’annoncer officiellement la sortie d’un nouveau volume à sa collection de livres libres Framabook. Il s’agit de la traduction d’un livre considéré comme une référence chez les développeurs anglophones : Producing Open Source Software, de Karl Fogel.

C’est une évidence, maintes fois constatées : il ne suffit pas de coller une licence libre au code source de son application pour en faire un logiciel libre à succès. Nombreux sont les paramètres à prendre en compte pour se donner les moyens de véritablement réussir votre projet. Cela ne coule pas de source, si j’ose dire, et c’est pourquoi un tel ouvrage peut rendre de grands services.

Ayant payé de sa personne, Karl Fogel n’hésite pas à affirmer lui-même que 95% des projets échouent. Et de rédiger alors ce livre pour contribuer à faire en sortie que le pourcentage restant remonte !

Dans la foulée du framabook sur Unix et sur le langage C, nous faisons un effort didactique tout particulier pour accompagner tous ceux qui souhaiteraient se lancer dans la création de logiciels libres ou rejoindre un projet existant. Nous pensons à ceux qui ne maîtrisent pas forcément d’emblée l’anglais.

Nous pensons également aux jeunes débutants. Parce que, comme cela a déjà été souligné, l’informatique est l’une des grandes absentes de l’enseignement secondaire français. Alors, fille ou garçon, l’étudiant motivé se retrouve bien souvent livré à lui-même et c’est à lui de se débrouiller pour extraire le bon grain de l’ivraie du Grand Internet. Nous espérons lui être utile en lui apportant notamment ici gain de temps et efficacité.

Voici comment le livre est présenté dans le communiqué de presse joint à ce billet :

« Teinté d’humour et de réflexions subtiles, ce livre prodigue de précieux conseils à ceux qui souhaitent commencer ou poursuivre un projet de développement en logiciel libre. Pour cela, Karl Fogel propose une description claire et détaillée des bonnes pratiques de développement. Il initie non seulement le lecteur à la méthode de travail collaboratif mais démontre aussi l’importance des relations humaines dans la réussite d’un projet, comme l’art d’équilibrer actions individuelles et intérêt commun. Identifiés à travers sa longue expérience en gestion de projet open source, différents aspects sont abordés : structurer l’ensemble de la communauté de développeurs, maintenir un système de gestion de versions, gérer les rapports de bugs et leurs corrections, bien communiquer à l’intérieur comme à l’extérieur du projet, choisir une licence adaptée au logiciel… »

Grâce à son expérience du développement open source, Karl Fogel nous livre ici bien davantage qu’une simple marche à suivre pour qu’un projet voit le jour et ait une chance d’aboutir. Il s’agit en effet de détailler les éléments stratégiques les plus importants comme la bonne pratique du courrier électronique et le choix du gestionnaire de versions, mais aussi la manière de rendre cohérents et harmonieux les rapports humains tout en ménageant les susceptibilités… En somme, dans le développement Open Source peut-être plus qu’ailleurs, et parce qu’il s’agit de trouver un bon équilibre entre coopération et collaboration, les qualités humaines sont aussi décisives que les compétences techniques. »

La traduction de cet ouvrage a obéi aux mêmes principes que ceux exposés par Karl Fogel. Elle fut le résultat de la convergence entre les travaux initiés par Bertrand Florat et Étienne Savard et ceux de Framasoft coordonnés par Christophe Masutti. Comme d’habitude, ce livre a été finalisé dans La Poule ou l’Œuf et peut se commander en version papier chez InLibroVeritas pour la modique somme de 15 euros.

Comme d’habitude aussi ce livre est sous licence libre (Creative Commons By) et est intégralement consultable en ligne ou téléchargeable dans sa version numérique sur le site Framabook. Parce qu’ici comme ailleurs, et peut-être même plus qu’ailleurs, il nous apparaît fondamental de pouvoir en assurer sa plus large diffusion et participer ainsi à susciter des vocations.

Nous comptons sur vous pour signaler l’information 😉

Framasoft ne serait rien sans les développeurs de logiciels libres. Ce projet est en quelque sorte une manière pour nous de les remercier.




Quand Wikpédia rime avec le meilleur des USA

Stig Nygaard - CC byNous avons déjà publié des articles sur Wikipédia à l’occasion de son dixième anniversaire, mais aucun qui n’avait cette « saveur si américaine », et c’est justement ce qui nous a intéressé ici.

L’auteur se livre ici à une description pertinente mais classique de l’encyclopédie libre, à ceci près qu’il y fait souvent mention des États-Unis[1].

Si le récent massacre de Tucson symbolise le pire des USA, alors Wikipédia est son meilleur. Et merci au passage à la liberté d’expression toute particulière qui règne dans ce pays.

En lecture rapide, on aurait vite fait de croire que l’encyclopédie est américaine en fait !

Or le contenu du Wikipédia n’appartient à personne puisqu’il appartient à tout le monde grâce aux licences libres attachées à ses ressources. Mais que le créateur, les serveurs (et donc la juridiction qui en découle), le siège et la majorité des membres de cette Fondation, aient tous la même origine n’est ni neutre ni anodin.

On a vu le venin de l’Amérique – Saluons désormais Wikipédia, pionnier made in US du savoir-vivre mondial.

We’ve seen America’s vitriol. Now let’s salute Wikipedia, a US pioneer of global civility

Timothy Garton Ash – 12 janvier 2011 – Guardian.co.uk
(Traduction Framalang : DaphneK)

Malgré tous ses défauts Wikipédia, qui vient de fêter ses dix ans, est le meilleur exemple d’idéalisme à but non-lucratif qu’on puisse trouver sur Internet.

Wikipédia a eu dix ans samedi dernier. C’est le cinquième site Web le plus visité au monde. Environ 400 million de gens l’utilisent chaque mois. Et je pense que les lecteurs de cet article en font certainement partie. Pour vérifier une information, il suffit désormais de la « googliser » puis, la plupart du temps, on choisit le lien vers Wikipedia comme meilleure entrée.

Ce que cette encyclopédie libre et gratuite – qui contient désormais plus de 17 millions d’articles dans plus de 270 langues – a d’extraordinaire, c’est qu’elle est presque entièrement écrite, publiée et auto-régulée par des volontaires bénévoles. Tous les autres sites les plus visités sont des sociétés commerciales générant plusieurs milliards de dollars. Facebook, avec juste 100 millions de visiteurs en plus, est aujourd’hui évalué à 50 milliards de dollars.

Google à Silicon Valley est un énorme complexe fait de bureaux et de bâtiments modernes, comme une capitale surpuissante. On peut certes trouver des pièces de Lego en libre accès dans le foyer, mais il faut signer un pacte de confidentialité avant même de passer la porte du premier bureau. Quant au langage des cadres de Google, il oscille curieusement entre celui d’un secrétaire de l’ONU et celui d’un vendeur de voitures. On peut ainsi facilement passer du respect des Droits de l’Homme au « lancement d’un nouveau produit ».

Wikipédia, par contraste, est géré par une association à but non-lucratif. La Fondation Wikimedia occupe un étage d’un bâtiment de bureau anonyme situé au centre de San Francisco et il faut frapper fort à la porte pour pouvoir entrer. (On parle d’acheter une sonnette pour fêter les dix ans.) A l’intérieur, la fondation ressemble à ce qu’elle est : une modeste ONG internationale.

Si Jimmy Wales, l’architecte principal de Wikipedia, avait choisi de commercialiser l’entreprise, il serait sans doute milliardaire à l’heure actuelle, comme le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg. Selon Wales lui-même, placer le site sous licence libre était à la fois la décision la plus idiote et la plus intelligente qu’il ait jamais prise. Plus que n’importe quel autre site international, Wikipedia fleure encore bon l’idéalisme utopique de ses débuts. Les Wikipédiens, comme ils aiment se définir eux-mêmes sont des hommes et des femmes chargés d’une mission. Cette mission qu’ils endossent fièrement, pourrait se résumer par cette phrase presque Lennonienne (de John, pas Vladimir) prononcée par celui que tout le monde ici appelle Jimmy : « Imaginez un monde dans lequel chacun puisse avoir partout sur la planète libre accès à la somme de toutes les connaissances humaines ».

Insinuer que ce but utopique pouvait être atteint par un réseau d’internautes volontaires – travaillant pour rien, publiant tout et n’importe quoi, sachant que leurs mots sont immédiatement visibles et lisibles par le monde entier – était, bien entendu, une idée totalement folle. Pourtant, cette armée de fous a parcouru un chemin remarquablement long en dix ans à peine.

Wikipédia a toujours de très gros défauts. Ses articles varient généralement d’un sujet ou d’une langue à l’autre en termes de qualité. En outre, beaucoup d’articles sur des personnalités sont inégaux et mal équilibrés. Ce déséquilibre dépend en grande partie du nombre de Wikipédiens qui maîtrisent réellement une langue ou un sujet particulier. Ils peuvent être incroyablement précis sur d’obscurs détails de la culture populaire et étonnement faibles sur des sujets jugés plus importants. Sur les versions les plus anciennes du site, les communautés de rédacteurs volontaires, épaulées par la minuscule équipe de la Fondation, ont fait beaucoup d’efforts afin d’améliorer les critères de fiabilité et de vérifiabilité, insistant particulièrement sur les notes et les liens renvoyant aux sources.

Pour ma part, je pense qu’il faut toujours vérifier plusieurs fois avant de citer une information puisée sur le site. Un article sur Wikipédia paru dans le New Yorker notait à ce propos la fascinante distinction entre une information utile et une information fiable. Dans les années à venir, l’un des plus grands défis de l’encyclopédie sera de réduire l’écart qui pouvant exister entre ces deux notions.

Un autre grand défi sera d’étendre le site au-delà des frontières de l’Occident, où il est né et se sent le plus à l’aise. Un expert affirme qu’environ 80% des textes proviennent du monde de l’OCDE. La fondation vise 680 millions d’utilisateurs en 2015 et espère que cette croissance sera principalement issue de régions comme l’Inde, le Brésil et le Moyen-Orient.

Pour percer le mystère Wikipédia, il ne s’agit pas de pointer ses défauts évidents, mais de comprendre pourquoi le site fonctionne si bien. Les Wikipédiens offrent plusieurs explications : Wikipédia est né assez tôt, alors qu’il n’existait pas encore autant de sites dédiés aux internautes novices, une encyclopédie traite (principalement) de faits vérifiables plutôt que de simples opinions (ce qui est monnaie courante mais aussi un des fléaux de la blogosphère), mais c’est surtout avec sa communauté de rédacteurs-contributeurs que Wikipedia a trouvé la poule aux oeufs d’or.

Par rapport à l’échelle du phénomène, la masse des rédacteurs réguliers est incroyablement faible. Environ 100 000 personnes rédigent plus de cinq textes par mois mais les versions les plus anciennes comme l’anglais, l’allemand, le français ou le polonais sont alimentés par un petit groupe de peut-être 15 000 personnes, chacune effectuant plus de 100 contributions par mois. Il s’agit en grande majorité d’hommes jeunes, célibataires, qui ont fait des études. Sue Gardner, Directrice Executive de la Fondation Wikimedia, affirme qu’elle peut repérer un Wikipédien-type à cent mètres à la ronde. Ce sont les accros du cyberespace.

Comme la plupart des sites internationaux très connus, Wikipédia tire avantage de sa position privilégiée au sein de ce que Mike Godwin, Conseiller Général chez Wikipédia jusqu’au mois d’octobre dernier, décrit comme « un havre de liberté d’expression appelé les États-Unis » Quel que soit le pays d’origine du rédacteur, les encyclopédies de toutes les langues différentes sont physiquement hébergées par les serveurs de la Fondation situé aux États-Unis. Ils jouissent des protections légales de la grande tradition américaine qu’est la liberté d’expression.

Wikipédia a cependant été remarquablement épargnée par la spirale infernale particulièrement bien résumée par la Loi de Godwin (que l’on doit au même Mike Godwin). Cette règle affirme en effet que « lorsqu’une discussion en ligne prend de l’ampleur, la probabilité d’une comparaison faisant référence au Nazis ou à Hitler est environ égale à 1 ». Ceci est en parti dû au fait qu’une encyclopédie traite de faits, mais aussi parce que des Wikipédiens motivés passent énormément de temps à défendre leurs critères de « savoir-vivre » contre les nombreuses tentatives de vandalisme.

Ce savoir-vivre – traduction française du « civilty » anglais – est l’un des cinq piliers de Wikipédia. Depuis le début, Wales soutient qu’il est possible de réunir honnêteté et politesse. Toute une éthique en ligne, une nétiquette – pardons, une wikiquette – s’est développée et mise en place autour de cette notion, donnant naissance à des abréviations telles que AGF (Assume Good Faith) qu’on pourrait traduire par « Supposez ma Bonne Foi ». Les personnes manquant de savoir-vivre sont courtoisement interpelées puis mises en garde, avant d’être exclues si elles persistent. Mais je ne suis pas en position de juger si tout ceci se vérifie dans les versions sorabe, gagaouze et samoanes du site. Wikipédia a peut-être sa part de propos déplacés, mais si une communauté a tendance à dégénérer, la Fondation a au final le pouvoir d’ôter les tirades incriminées du serveur. (Wikipédia est une marque protégée par la loi, alors que Wiki-autre-chose ne l’est pas ; D’ailleurs Wikileaks n’a rien à voir avec Wikipedia et n’est même pas un « wiki » au sens collaboratif du terme.)

Nous ne sommes toujours pas en mesure de savoir si la fusillade de Tucson, en Arizona, est le produit direct du détestable climat qui règne actuellement sur le discours politique américain, tel qu’on a pu l’entendre sur des émissions de radio et de télévisions comme Fox news. Un fou est peut-être tout simplement fou. Mais le venin servi chaque jour par la politique américaine est un fait indéniable. Pour lutter contre ce climat déprimant, il est bon de pouvoir célébrer une invention américaine qui, malgré ses défauts, tente de propager dans le monde entier une combinaison d’idéalisme bénévole, de connaissance et de savoir-vivre acharné.

Notes

[1] Crédit photo : Stig Nygaard (Creative Commons By-Sa)




Les partisans de l’ouverture participent-ils d’un maoïsme numérique ?

Luca Vanzella - CC by-saOpen, open, open ! les partisans de l’ouverture n’auraient, d’après Jason Lanier[1], que ce mot à la bouche, qu’ils s’appellent WikiLeaks, hackers, logiciels libres ou Wikipédia.

En plus, vous savez quoi ? Cette ouverture signifie la mort de la vie privée, la qualité nivelée par les masses, l’innovation en hibernation et une économie confisquée par une minorité. Ce que Jason Lanier résume par l’expression pas forcément très heureuse de « maoïsme numérique ».

Il n’en fallait pas plus que pour notre ami Glyn Moody, souvent traduit ici, ne réagisse !

La parole est à la défense des hackers et de l’Open Source

Glyn Moody – 18 janvier 2011 – The H Open Source
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

In defence of hackers and open source

À mes yeux, l’avènement de WikiLeaks est un évènement marquant car il apporte un nouvel éclairage sur de nombreux domaines, pas forcément ceux auxquels on pense, parmi ceux-ci : l’éthique des hackers et le monde de l’Open Source.

Jaron Lanier s’y est intéressé récemment dans un article amusant, mais il reste dubitatif. Si vous ne connaissez pas ses hauts faits d’armes, voilà ce que l’autre Wiki, Wikipédia, dit de lui :

Jaron Zepel Lanier (né le 3 mai 1960) est un informaticien américain, compositeur, artiste graphique et essayiste. Il est l’auteur d’un film expérimental, mais ne se considère pas comme un producteur. Au début des années 80, il est l’un des pionniers de ce qu’il contribuera à faire connaître sous le terme de « Réalité Virtuelle ». Il fonda à l’époque la société VPL Research, la première entreprise à commercialiser des produits de réalité virtuelle. Actuellement, il est entre autres, professeur honoraire à l’université de Berkeley, Californie. Il figure dans la liste des 100 personnes les plus influentes du magazine Time de 2010.

Le titre de son essai est « Les dangers de la suprématie des nerds : Le cas de WikiLeaks » (NdT : nerd, qu’on aurait pu traduire par polard ou intello), ce qui vous donne une idée de son point de vue sur les hackers et l’Open Source. Je pense qu’il se trompe dans son argumentaire contre WikiLeaks, comme je l’ai déjà évoqué, mais je me concentrerai ici sur les prises de position contre les hackers et l’ouverture qu’il distille au passage.

Point de départ de sa critique : une rencontre de la plus haute importance qui aurait, selon ses dires, mené à la création de WikiLeaks.

Le nid qui vit éclore WikiLeaks est un forum organisé par John Gilmore, l’un des fondateurs de l’Electronic Frontier Foundation. J’aurais d’ailleurs pu moi-même devenir l’un des fondateurs de l’EFF. J’étais présent quand tout a commencé, lors d’un repas à San Francisco, dans le quartier de Mission, avec John, John Perry Barlow et Mitch Kapor. C’est un pressentiment qui m’a empêché de suivre les autres dans la création de l’EFF, le pressentiment que quelque chose clochait.

Il poursuit :

Le chiffrement les obsédait, le Graal qui rendrait les hackers aussi puissants que les gouvernements, et ça me posait un problème. Les têtes enflaient : Nous, hackers, pouvions changer le cours de l’Histoire. Mais si l’Histoire nous a appris quelque chose, c’est bien que la quête du pouvoir ne change pas le monde. Vous devez vous changer vous-même en même temps que vous changez le monde. La désobéissance civile est avant tout une question de discipline spirituelle.

Mais c’est là, je pense, que son argumentation est fausse : les hackers ne sont pas en « quête de pouvoir ». Les actions qu’ils entreprennent leur confèrent peut-être un certain pouvoir, mais ce n’est qu’un effet secondaire. Par définition, les hackers hackent car ils aiment hacker : c’est l’équivalent au XXIe siècle de « l’art pour l’art ». Je concède que Richard Stallman et ses sympathisants ajoutent une dimension hautement morale au hack : apporter la liberté aux peuples. Mais, je le répète, ils ne sont pas en « quête de pouvoir » : ils veulent le donner, pas le prendre.

Vers la fin de son article, Lanier écrit :

J’ai toujours pensé qu’un monde ouvert favoriserait l’honnête et le juste et dé-crédibiliserait le magouilleur et l’arnaqueur. Appliquée avec modération, cette idée est attrayante, mais si le concept de vie privée venait à disparaître, les gens deviendraient d’abord sans intérêt, puis incompétents et ils finiraient eux-mêmes par disparaître. Derrière cette idée d’ouverture radicale se cache une allégeance de l’Homme aux machines.

Là encore il nous sert une hypothèse sans fondement : « si le concept de vie privée venait à disparaître ». Il ne me semble pas que beaucoup de hackers aient appelé à la «disparition du concept de vie privée » (aucun nom ne me vient à l’esprit d’ailleurs). Il y a confusion entre « ouverture » et « absence de vie privée » alors que ce sont deux choses bien distinctes (bien que l’ouverture ait certainement des implications sur la vie privée, mais de là à définir le premier par l’absence du second, il y a un grand pas).

Cette tendance à créer des épouvantails et à passer allégrement dans le hors-sujet est récurrente chez Lanier. Sa précédente diatribe sur tout ce qui est ouvert, « Maoïsme numérique » en est un bon exemple. Voilà le passage consacré à l’Open Source :

Il faut que je m’accorde une parenthèse sur Linux et les projets similaires. Qu’ils soient « libres » ou « Open Source », ces logiciels ne sont pas, à bien des égards, comme Wikipédia, à vouloir agréger tous les contenus. Les programmeurs de Linux ne sont pas anonymes, au contraire, la reconnaissance personnelle fait partie de leurs motivations, c’est ce qui fait avancer de tels projets. Mais des points communs existent, comme l’absence d’opinion représentative ou de sens du design (au sens esthétique du terme), ce sont des défauts que partagent les logiciels Open Source et Wikipédia.

Ces mouvements excellent dans la création de tout ce qui est infrastructure cachée, comme les serveurs Web. Mais ils sont incapables de créer des interfaces utilisateurs léchées ou d’améliorer l’expérience utilisateur. Si le code de l’interface utilisateur de Wikipédia était aussi ouvert que ses articles, vous pouvez être sûr que ça deviendrait rapidement un bourbier inextricable. L’intelligence collective parvient avec brio à résoudre des problèmes qui peuvent être évalués sur des critères objectifs, mais elle n’est pas adaptée ici lorsque les goûts et les couleurs comptent.

Il a raison, c’est simplement une question de critères. Pour le code source, de nombreux critères objectifs existent, vitesse, poids, portabilité, etc. Mais pour ce qui est d’imaginer une interface, tout est très subjectif, difficile donc de s’assurer que les choses évoluent dans le bon sens à chaque transformation. Mais ce n’est pas l’« ouverture » ou le « collectif » qui posent problème ici : les projets extrêmement centralisés rencontrent les mêmes difficultés pour mesurer les « progrès » dans les domaines très subjectifs, alors que pour eux aussi, les questions plus objectives sont plus simples à résoudre.

Il semblerait que Lanier s’en prend une nouvelle fois à l’« ouverture » dans son dernier livre You Are Not a Gadget (NdT : Vous n’êtes pas un gadget). Je dis « il semblerait », car je ne l’ai pas lu : il y a bien d’autres livres que j’aimerais commencer avant, surtout si je me fie à ce résumé (et d’après ses autres écrits, je peux) :

Dans son ouvrage paru en 2010 (You Are Not A Gadget), Lanier critique l’« esprit de ruche » et compare l’Open Source et l’expropriation de la production intellectuelle orchestrée par les contenus ouverts à une forme de maoïsme numérique. Il trouve qu’ils ont ralenti le développement de l’informatique et l’innovation musicale. Il s’en prend à quelques icônes sacrées telles que Wikipédia et Linux dans son manifeste, Wikipédia pour la toute-puissance des auteurs et éditeurs anonymes qui font régner leur loi, pour la faiblesse de son contenu non-scientifique et pour l’accueil brutal réservé aux personnes qui ont effectivement une expertise dans leur domaine. Il affirme également que certains aspects de l’« Open Source » et de l’« Open Content » possèdent leurs limitations et qu’au fond ils ne créent rien de vraiment neuf ou innovant. Il poursuit en disant que ces approches ont retiré aux classes moyennes des opportunités de financer la création et ont concentré la richesse dans les mains de ceux qu’il nomme les « dieux dans les nuages » : ceux qui, plutôt que d’innover deviennent des intermédiaires, des concentrateurs de contenus, présents au bon endroit au bon moment, dans les « nuages ».

Le fait qu’il ressorte ce bon vieux troll montre que ses arguments sont usés jusqu’à la corde, a-t-il seulement entendu parler de ce truc qu’on appelle Internet, dont la création repose entièrement sur des protocoles et du code ouvert ?

De même, l’idée que le financement de la création de contenu par la classe moyenne est moins probable nie le fait que les gens créent plus de contenu que jamais, gratuitement, pour l’amour de la création, vous voyez on retrouve « l’art pour l’art ». Je vous accorde que ce ne sont pas que des chefs-d’œuvre, mais bon, cela a toujours été le cas, non ? La grande majorité des créations ont toujours été médiocres. Par contre, maintenant on s’en rend mieux compte car nous jouissons d’un accès sans précédent à la création. C’est cette richesse, cette variété dans l’abondance que Lanier semble ne pas apprécier lorsqu’il écrit :

L’idéologie qui pousse une bonne partie du monde connecté, pas seulement WikiLeaks, mais aussi des sites très visités comme Facebook par exemple, est que l’information en suffisamment grande quantité devient automatiquement une Vérité. Cela implique pour les extrémistes qu’Internet est en train de devenir une nouvelle forme de vie, singulière, mondiale, supérieure, post-humaine. Pour les sympathisants plus modérés, si l’information est vérité et que la vérité vous rend libre, alors enrichir l’Internet de plus d’informations rend automatiquement les gens plus libres et le monde meilleur.

Pour les hackers, ce n’est pas tant la quantité qui compte, mais plutôt la qualité, c’est ce qui fait la force des logiciels libres. L’ouverture a simplement pour but d’encourager les gens à s’appuyer sur l’existant pour améliorer les choses, pas juste pour amasser des lignes de code. De plus, la culture hacker valorise fortement les échanges interpersonnels. Le don et la collaboration sont des éléments clés de la méthodologie Open Source. Ça fonctionne car l’un des piliers de la culture hacker est l’attribution : ne pas indiquer que l’on s’appuie sur le travail d’autres personnes est une bévue monumentale. C’est une bonne protection contre les personnes mal intentionnées qui voudraient siphonner la bonne volonté de la communauté.

Au fond, Lanier devrait plutôt louer les hackers et l’Open Source, puisqu’ils partagent son désire d’allégeance aux Hommes plutôt qu’aux machines. Quel dommage qu’une personne de sa qualité ne s’en rende pas compte.

Notes

[1] Crédit photo : Luca Vanzella (Creative Commons By-Sa)




WebM contre H.264 : La FSF soutient le choix de Google

Dawn - CC byCe n’est pas forcément tous les jours que la Free Software Foundation (FSF) de Richard Stallman applaudit et soutient ouvertement Google dans ses choix de format vidéo pour le Web. Et d’appeler les internautes à en faire de même.

Google est même qualifié d’audacieux, puisque l’adoption d’un format ouvert – WebM – s’accompagne de la suppression d’un format fermé – H.264.

Pour en savoir sur le sujet, nous ne saurions trop vous conseiller notre article : Bataille de la vidéo sur le Web : Quand Google restreint pour mieux ouvrir ?[1].

Pas de double standard : soutenir l’appui de Google à WebM

No double standards: supporting Google’s push for WebM

Brett Smith – 19 Janvier 2011 – FSF.org (Traduction Framalang : Cheval boiteux, Jérémie et Antistress)

Nous avons décidé de soutenir le projet WebM et nous encourageons les autres fondations et organisations à nous rejoindre pour connaître la marche à suivre. Aujourd’hui, nous exhortons également les gestionnaires de sites web à distribuer les vidéos dans le format WebM et à abandonner le H.264.

La semaine dernière, Google a annoncé qu’il planifiait la suppression du support du codec vidéo H.264 des ses navigateurs au profit du codec WebM qui a récemment été libéré. Depuis, il y a eu beaucoup de discussions concernant les incidences possibles sur l’avenir du Web, au moment où la spécification HTML5 — dont la balise video — mûrit.

Nous applaudissons Google pour ce changement : c’est une avancée positive pour le logiciel libre, ses utilisateurs, et pour chaque personne qui utilise le Web. Cela fait un moment déjà que regarder une vidéo sur le Web peut s’avérer périlleux. La plupart d’entre elles sont publiées à l’aide de Flash qui est un logiciel non-standard et propriétaire. Les alternatives libres comme GNU Gnash sont disponibles, mais l’expérience utilisateur n’est pas toujours à la hauteur.

Quand le travail a commencé sur la nouvelle version du standard HTML, HTML5, le travail sur la diffusion et la lecture des vidéos était une priorité. Mais, bien que tout le monde était d’accord sur ce à quoi la balise <video> devait ressembler, il n’y avait pas de consensus sur le format d’encodage des vidéos. Microsoft et Apple soutenaient H.264, Mozilla et Opera soutenaient WebM et Ogg Theora. Jusque là, Google supportait tous ces codecs, mais aujourd’hui il a fait preuve d’audace en décidant de supporter les standards libres et ouverts et de laisser tomber H.264.

Ceci est une bonne nouvelle, car si H.264 devenait le standard de fait pour la vidéo sur le Web, cela ne serait pas mieux que la situation actuelle. H.264 est un codec lourdement breveté ; le consortium MPEG LA oblige les développeurs qui l’implémentent à accepter une licence de brevet. Cette licence est fondamentalement incompatible avec les logiciels libres. Elle exige des développeurs qu’ils restreignent l’utilisation qui sera faite de leur logiciel, et permet la collecte d’une redevance dans la plupart des situations.

Afin de s’assurer que le Web reste libre et ouvert pour tous, nous avons besoin qu’un codec libre s’impose comme standard de fait pour HTML5. WebM peut être ce codec : Google fournit avec le standard une licence de brevet qui est compatible avec les licences des logiciels libres et propose même une implémentation libre. Ils promeuvent également avec force ce codec, et leur décision de laisser tomber H.264 est une étape de plus dans cette direction.

Des réactions au geste de Google ont suggéré que cela représentait un pas en arrière pour les standards sur le Web, car H.264 est supporté par un plus grand nombre de matériels et de logiciels. Ces commentaires révèlent une incompréhension fondamentale de la vision d’un Web libre et ouvert. Nous ne pouvons être libres que si nous rejetons les formats de données qui sont assujettis à brevets.

Mais la question n’est pas encore règlée. C’est le moment pour tout le monde d’agir et de faire en sorte que WebM soit effectivement adopté par le plus grand nombre À cette fin, nous avons décidé de soutenir le projet WebM et nous encourageons les autres fondations et organisations à nous rejoindre — écrivez à webmaster AT webmproject.org pour connaître la marche à suivre. Aujourd’hui, nous exhortons également les gestionnaires de sites web à distribuer les vidéos dans le format WebM et à abandonner le H.264.

Bientôt, nous allons transformer notre campagne PlayOgg en PlayFreedom et nous allons mettre l’accent sur les moyens permettant à chacun d’encourager l’adoption de WebM. Vous pouvez vous inscrire dès maintenant pour en savoir plus sur la manière d’aider. Ensemble, nous pouvons veiller à ce que le Web remplisse sa promesse d’être libre pour tout le monde.

Notes

[1] Crédit photo : Dawn (Creative Commons By)




Je suis amoureux de Joss Stone !

Interrogée en 2008 par la chaîne de télévision argentine Todo Noticias sur ce qu’elle pensait du « piratage » de la musique sur Internet, la pétulante chanteuse Joss Stone a eu cette réponse pleine de naturel et spontanéité.

« La musique est faite pour être partagée », rien de plus simple et de plus vrai. Et pourtant certains ne l’entendent pas de cette oreille…

Cela méritait bien un petit sous-titrage maison signé Framalang 😉

PS : Drôlement pétillants ses yeux quand même…

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Transcript du sous-titrage

URL d’origine du document

Le journaliste : Vous êtes chanteuse et faites partie du show-business maintenant, alors que pensez-vous du piratage de musique sur Internet ?

Joss Stone : Je trouve ça génial.

Le journaliste : Génial ?

Joss Stone : Oui, j’adore ça. Je trouve ça brillant et je vais vous dire pourquoi.

La musique devrait être partagée. Je crois que la musique est devenue un business dingue. La seule chose que je n’aime pas dans la musique, c’est le business qu’il y a autour. Par contre, si la musique est gratuite, il n’y a plus de business, seulement de la musique. Donc, j’aime ça. Je crois que nous devrions partager.

Si un seul l’achète, ça me convient. Gravez-le, partagez-le entre amis, je m’en fiche. Je me fiche du moyen de l’écouter, tant que vous l’écoutez. Tant que vous venez à mon concert, et que vous prenez du bon temps en y assistant, c’est parfait. Je m’en fiche. Je suis contente qu’ils l’écoutent.

Le journaliste : Je pense que vous êtes la première chanteuse à me répondre ça.

Joss Stone : Car la plupart des gens ont subi un… lavage de cerveau.




Geektionnerd : MegaUpload ou le dommage collatéral de la loi Hadopi

Le site d’hébergement de fichiers en ligne Megaupload (et son pendant en streaming Megavideo) est dans l’œil du cyclone actuellement.

Une planche directement inspirée de cet article du Numerama : Merci Hadopi : MegaUpload en plein boom en France depuis Hadopi 2.

Un tel succès qu’il semblerait qu’Orange tente de le brider artificiellement mettant ainsi à mal la neutralité du Net.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Internet favorise l’anglicisation, la robotisation et la globalisation du monde ?

Pink Sherbet Photography - CC byUne courte traduction à la sauce « Café Philo » qui n’est là que pour engager un petit débat avec vous dans les commentaires si vous le jugez opportun.

Anglicisation, machinisation et mondialisation sont ici trois arguments qui font dire à l’auteur qu’Internet est loin d’être neutre et nous oblige implicitement ou explicitement à adopter certaines valeurs, avec toutes les conséquences que cela implique[1].

Peut-être ne serez-vous pas d’accord ? Peut-être estimerez-vous que l’on enfonce des portes ouvertes ? Peut-être ajouterez-vous d’autres éléments à la liste ?

Les commentaires vous attendent, même si il est vrai que le débat s’est lui aussi déplacé, des forums et des blogs vers les Facebook et Twitter (et en se déplaçant il a changé de nature également).

Un billet à rapprocher par exemple des articles suivant du Framablog : Code is Law – Traduction française du célèbre article de Lawrence Lessig, Internet et Google vont-ils finir par nous abrutir ?, Quand Internet croit faire de la politique ou encore notre Tag sur Bernard Stiegler.

Utiliser Internet nous force-t-il à adhérer automatiquement à certaines valeurs ?

Does the use of the internet automatically force us to accept certain values?

Michel Bauwens – 19 janvier 2011 – P2P Foundation
(Traduction Framalang : Martin et Goofy)


Ci-dessous une intervention de Roberto Verzola, extraite de la liste de diffusion « p2p-foundation » :

« Je suis assez d’accord avec Doug Engelbart, l’inventeur de la souris, quand il dit que nous façonnons nos outils, et que nos outils nous façonnent à leur tour. Il parle d’une co-évolution de l’homme et de ses outils. Nous devrions peut-être appeler cela « un déterminisme réciproque ». Quand il dit « nous façonne », je suppose que le « nous » désigne aussi les relations sociales.

E.F. Schumacher (Small is Beautiful) va plus loin encore et je suis aussi entièrement d’accord avec lui. Il écrit (dans Work) que dès lors que nous adoptons une technologie (conçue par quelqu’un d’autre probablement), nous absorbons l’idéologie (une manière de voir les choses, un système de valeurs) qui va avec. Schumacher pensait que beaucoup de technologies venaient imprégnées d’idéologies, et que ceux qui pensaient pourvoir en importer une en refoulant l’idéologie qui va avec se trompent. Cette vision met sûrement plus l’accent sur le « déterminisme technologique » que celle de Engelbart, mais je pense tout de même que E.F. Schumacher a raison, du moins pour certaines technologies.

En fait, j’ai analysé Internet avec la perspective de Schumacher, et j’y ai trouvé quelques états d’esprit et systèmes de valeurs que ses utilisateurs sont obligés d’absorber, souvent sans en prendre conscience (pour avoir la liste entière suivre ce lien). Il me suffira d’en mentionner trois :

1. L’usage généralisé de l’anglais dans les technologies liées à Internet, jusqu’aux micro-codes des microprocesseurs, nous force à apprendre l’anglais. Et si vous apprenez la langue anglo-saxonne, vous allez sûrement acquérir certains goûts anglo-saxons. Apprendre la langue, c’est choisir la culture.

2. L’esprit de robotisation : remplacer les hommes par des machines. Cela prend du sens dans un pays riche en capital (même si ça se discute), mais beaucoup moins dans un pays où le travail prévaut. Quand nous remplaçons la force musculaire par celle des machines, nous sommes en moins bonne santé. Mais que va-t-il se passer si l’on substitue des machines au travail mental ?

3. Le parti pris implicite (en fait, une subvention) en faveur des acteurs globaux, et pour la mondialisation. C’est flagrant si l’on considère la struture des coûts sur Internet : un prix indépendant des distances. Un fichier de 1 Mo envoyé à un collègue utilisant le même fournisseur d’accès à Internet coûte le même prix qu’un fichier de taille équivalente envoyé à l’autre bout du globe. Pourtant le deuxième utilise bien plus de ressources réseau (serveurs, routeurs, bande passante, etc.) que le premier. Ainsi les utilisateurs locaux paient plus par unité de consommation de ressources que les utilisateurs globaux, ce qui est une subvention déguisée à la mondialisation intégrée à Internet tel qu’il est aujourd’hui.

Devons-nous pour autant rejeter cette technologie ? La réponse de Schumacher dans les années 1970 était une technologie intermédiaire/appropriée. Aujourd’hui, Schumacher reste pertinent, seul le vocabulaire a peut-être changé. J’ajouterais que nous devons aussi être impliqués dans la re-conception de la technologie. C’est pourquoi parler d’un Internet alternatif sur cette liste m’intéresse beaucoup.

Je ne voudrais pas m’attacher à priori à une conception figée, que ce soit celle des « choses » qui déterminent les relations sociales, ou celle des relations sociales qui déterminent les « choses ». Je voudrais explorer ces perspectives au cas par cas, et utiliser toute suggestion nouvelle et utile qui pourrait se présenter, qu’elle puisse venir de l’une ou de l’autre (ou des deux). »

Notes

[1] Crédit photo : Pink Sherbet Photography (Creative Commons By)




Microsoft et l’Open Source ensemble aux Antipodes

Robbie Grubbs - CC by-saS’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, alors j’ai l’honneur de vous faire savoir que Microsoft n’en fait plus partie.

Un communiqué de presse de Microsoft Nouvelle-Zélande, datant de novembre dernier, est passé totalement inaperçu alors qu’il est pourtant tout simplement énorme pour des p’tits gars comme moi qui versent dans le Libre depuis une bonne dizaine d’années et dans l’éducation depuis encore plus longtemps.

Qu’il soit devenu « naturel » pour Microsoft de proposer un plugin à Word afin d’aider le monde de l’éducation à mieux travailler sur les wikis sous Mediawiki (à commencer par Wikipédia), cela passe encore. Qu’on y mentionne et soutienne alors explicitement les Ressources Éducatives Libres sous licence Creative Commons By, cela commence à surprendre. Mais qu’il soit devenu tout aussi « naturel » pour Microsoft de placer ce plugin sous licence libre pour mieux « le partager avec la communauté », c’est tout de même une sacrée (r)évolution.

Quand on pense que, jadis, le logiciel libre était qualifié de « cancer communiste » par les mêmes qui semblent aujourd’hui découvrir ses vertus, on mesure le chemin parcouru !

Certes, ça n’est qu’une extension et non une application toute entière, Word libre ce n’est pas pour tout de suite ! Il convient également de voir concrètement la qualité du convertisseur (ce que je n’ai pu faire faute d’avoir MS Office sur mon ordi), mais la déclaration (d’intention ?) ci-dessous vaut de toutes les façons son pesant de cacahuètes[1].

Certes aussi, il est question du programme Partners in Learning (PIL) dans le communiqué. Et nous avons souvent eu l’occasion de dire dans ces colonnes tout le bien que nous pensions de ce projet Microsoft fort ambigu (lire par exemple L’école Châteaudun d’Amiens ou le pion français de la stratégie planétaire Microsoft, Les industriels lorgnent le futur grand plan numérique de Luc Chatel – Mediapart ou encore En réponse au Café Pédagogique).

Il n’en demeure pas moins que les temps changent (quand même un peu), et Microsoft aussi, semble-t-il, vis-à-vis du logiciel libre et de sa culture.

Et vous vis-à-vis de Microsoft ?

Microsoft travaille avec les enseignants et l’open source pour prendre en charge un wiki libre de partage du savoir

Microsoft works with educators and open source to support free knowledge sharing wiki

Microsoft Nouvelle-Zélande – 17 novembre 2010 – Communiqué de presse
(Traduction Framalang : Goofy et Martin)

Une nouvelle extension open source pour Microsoft Word permet d’utiliser le format de fichier MediaWiki pour que les utilisateurs puissent mettre en ligne directement leurs documents sur des wikis.

Microsoft, travaillant en collaboration avec la Fondation OER (Open Education Resource) de l’Institut polytechnique d’Otago (Nouvelle-Zélande) et du Ministère de l’éducation, a mis au point une nouvelle extension open source pour Microsoft Word qui permet d’enregistrer des documents dans un format compatible avec les wikis sous MediaWiki, celui-là même qu’utilise la populaire encyclopédie en ligne Wikipédia.

La nouvelle extension aidera les enseignants à collaborer à la construction de nouvelles ressources éducatives ouvertes. Le directeur de la Fondation Otago, Dr Wayne Mackintosh, déclare : « grâce à la prise en charge du style MediaWiki dans Microsoft Office, les professeurs pourront partager vite et facilement leur matériel pédagogique sur des plateformes en ligne telles que Wikipédia et WikiEducator. Cela signifie que les institutions éducatives adoptant la démarche de l’OER pour fournir des ressources et des manuels libres pourront abaisser considérablement la barrière du coût à engager pour fournir aux étudiants les outils et les informations dont ils ont besoin pour apprendre ».

MediaWiki a reçu un soutien sans failles du Ministère de l’éducation qui partage les objectifs de la Fondation EOR dans ce domaine.

« Nous sommes ravis de la nouveauté que constitue une extension open source dans la boîte à outils de Microsoft Office. Elle permettra aux enseignants et étudiants de Nouvelle-Zélande de s’investir plus facilement dans le partage des ressources éducatives et les débats pédagogiques, dans l’esprit du wiki » déclare Leanne Gibson, directrice des systèmes d’information.

L’institut polytechnique d’Otago héberge les bureaux de la Fondation, qui est une organisation indépendante à but non lucratif visant à assurer la prise en main, le développement et le soutien d’un réseau international d’enseignants et institutions éducatives, à travers l’Open Education. WikiEducator est la vitrine de la Fondation EOR, qui s’efforce de rendre libres d’accès les matériels pédagogiques pour les étudiants du monde entier, particulièrement dans les pays en voie de développement pour lesquels les systèmes d’éducation classiques s’avèrent souvent hors de prix.

Microsoft a financé le développement d’une nouvelle fonctionnalité du logiciel Word pour permettre à tous les enseignants du monde de produire et partager des ressources pédagogiques à un coût modeste en utilisant des outils basés sur le wiki.

Le directeur de la plateforme stratégique de Microsoft pour la Nouvelle-Zélande, Andrew Gordon, déclare que l’entreprise s’implique dans la collaboration avec la communauté open source pour développer du matériel éducatif qui bénéficiera autant aux étudiants qu’aux enseignants.

« Microsoft a un lien étroit avec le monde éducatif via nos initiatives Citizenship (citoyenneté) en cours, telles que le concours Imagine, la plus grande compétition du monde étudiant dans le domaine technologique, si bien que MediaWiki était une solution tout à fait naturelle pour nous, comme pouvait l’être la publication du code source sous une licence open source et le fait de permettre son partage avec la communauté. Compte tenu de l’utilisation intensive de Word dans tous les établissements d’éducation à travers le monde, nous chez Microsoft, sommes ravis et fiers de pouvoir apporter notre pierre à l’édifice en rendant accessibles à chacun, quelle que soit sa situation, des ressources pédagogiques de bonne qualité. »

Le convertisseur MediaWiki est si simple qu’il peut être installé rapidement et facilement par des utilisateurs non expérimentés. De plus, son code a été publié sous une licence open source, ce qui signifie que l’application peut être ré-utilisée librement comme base pour d’autres extensions communes avec MediaWiki. Il est également une référence pour quiconque aurait besoin de publier des informations à partir de Microsoft Office. Le convertisseur MediaWiki fonctionnera avec toutes les versions de la suite Office depuis 2007 jusqu’à la version récente de 2010.

Peter Harrison, le vice-président de la New Zealand Open Source Society ne tarit pas d’éloges sur cette initiative : « Internet offre à l’humanité une occasion unique de mettre à profit les technologies de la communication pour éduquer la population du monde entier. À travers les technologies collaboratives telles que le wiki tout le monde pourra travailler de concert pour créer des ressources communes de qualité, ouvertes à tous. En permettant aux utilisateurs d’exporter leurs contenus de Word vers MediaWiki, Microsoft encourage la mise à disposition d’une gamme bien plus large de ressources éducatives en ligne. »

L’Institut polytechnique d’Otago est l’un des pionniers de l’Open Education, et c’est le premier établissement d’enseignement supérieur à avoir signé la déclaration du Cap sur l’Open Education. C’est également la première institution d’enseignement supérieur au monde à approuver et mettre en œuvre une politique de la propriété intellectuelle qui utilise la licence Creative Commons Attribution par défaut (NdT : cf cet article du Framablog Privilégier la licence Creative Commons Paternité CC-BY dans l’éducation), et qui s’investit dans l’éducation au point de l’inclure dans son programme.

Ce projet est complémentaire de l’initiative PIL (Partners in Learning) que Microsoft soutient depuis dix ans à hauteur de 500 millions de dollars : il s’agit d’aider les enseignants et directeurs d’écoles à utiliser les nouvelles technologies pour apprendre et enseigner plus efficacement. Pour davantage d’informations, voir http://www.microsoft.com/education/pil.

Notes

[1] Crédit photo : Robbie Grubbs (Creative Commons By-Sa)