Quand la Maison Blanche se joint à la communauté du Libre

Beverly & Pack - CC byLa vaste communauté Drupal compte un contributeur bien particulier puisqu’il s’agit ni plus ni moins de la Maison Blanche.

C’était déjà bien d’adopter le célèbre CMS libre pour faire tourner le site officiel (ce que nous avions signalé dans un précédent billet), mais c’est encore mieux de participer à son amélioration en reversant le code spécifique développé pour l’occasion, et en le faisant savoir sur son blog (traduit ci-dessous)[1].

Un billet et une traduction directement suggérés par ce journal LinuxFr de Francois G (auteur de la rafraichissante nouvelle de science-fiction Églantine et les ouinedoziens) dont la présentation se suffit à elle-même :

« Le site de la Maison Blanche vient de diffuser le code source des améliorations qu’ils ont apportés au projet Drupal (à noter tous les liens vers le site du projet Drupal dans le billet).

Les 3 bonnes nouvelles :

  • La Maison Blanche a compris qu’elle peut être maître de ses outils informatiques.
  • Elle en profite (modifications spécifiques) et en fait profiter les autres (diffusion à tous).
  • Elle communique sur cette action. De ce fait, elle annonce officiellement son support et son utilisation des logiciels libres.

Compte tenu de la volonté de l’Élysée de copier la Maison Blanche, on peut espérer un changement de politique chez nous. »

WhiteHouse.gov participe à l’Open Source

WhiteHouse.gov Releases Open Source Code

Dave Cole – 21 avril 2010 – The White House Blog
(Traduction Framalang : Quentin Theuret et Julien Reitzel)

Dans le cadre de nos efforts continus pour développer une plateforme ouverte pour WhiteHouse.gov, nous mettons à disposition de tous une partie du code source personnalisé que nous avons développé. Ce code est disponible à tous pour l’analyser, l’utiliser ou le modifier. Nous sommes impatients de voir comment des développeurs à travers le monde pourront utiliser notre travail dans leurs propres applications.

En reversant une partie de notre code source, nous bénéficions de l’analyse et de l’amélioration d’un plus grand nombre de personnes. En fait, la majorité du code source de WhitHouse.gov est dès à présent open source car il fait partie du projet Drupal. Le code source que nous relâchons aujourd’hui ajoute des fonctionnalités à Drupal dans trois domaines importants :

1. Évolutivité : Nous publions un module nommé Context HTTP Headers, qui permet aux webmasters d’ajouter de nouvelles métadonnées au contenu qu’ils publient. Nous utilisons cela pour nos serveurs qui manipulent des pages spécifiques, comme la mise en cache de ce type de page pendant 15 minutes ou ce type pendant 30. Un second module concernant l’évolutivité s’appelle Akamai et il permet à notre site web de s’intégrer avec notre réseau d’envoi de contenu Akamai.

2. Communication : Beaucoup d’agences gouvernementales ont des programmes actifs d’emails qu’ils utilisent pour communiquer avec le public à travers des services qu’ils fournissent. Nous avons une liste de diffusion pour la Maison Blanche, où vous pouvez trouver les mises à jour des nouveaux contenus et des initiatives. Pour rendre plus dynamique l’adaptation des emails aux préférences des utilisateurs, nous avons intégré l’un des services les plus populaires pour les programmes d’emails gouvernementaux dans notre CMS avec le nouveau module GoDelivery.

3. Accessibilité : Nous prenons très au sérieux nos obligations pour être sûrs que WhiteHouse.gov soit accessible le plus possible et nous nous sommes engagés à tendre vers les standards d’accessibilité décrits par la Section 508. Dans le cadre de cette conformité, nous voulons être sûrs que toutes les images sur notre site Web aient des métadonnées appropriées pour les rendre visibles sur des logiciels de lecture vocale. Pour nous aider à atteindre cela, pour que ce soit plus facile de gérer les contenus photos et vidéos que vous voyez sur notre site, nous avons développé Node Embed.

Notes

[1] Crédit photo : Beverly & Pack (Creative Commons By)




La vidéo qui donnait envie de connaître et comprendre le logiciel libre

Collègues, amis, membres de la famille… il n’est pas toujours facile de faire partager son intérêt, voire même son éventuelle passion, pour le logiciel libre et sa culture à un public qui nous est proche mais qui ne s’intéresse pas à « l’informatique ».

Or, pour l’avoir faite suivre à de nombreuses reprises, j’ai constaté qu’une vidéo particulière possédait, si ce n’est des vertus miracles, tout du moins l’inédite capacité d’interpeller un large auditoire qui, rendu curieux, se retourne alors vers vous pour vous poser moult questions.

L’élan a changé de sens. Ce n’est plus vous qui venez faire votre petit topo à des gens qui ne vous ont souvent rien demandé. Ce sont eux qui, la puce à l’oreille après la projection, souhaitent spontanément que vous leur apportiez quelques précisions. Pédagogiquement parlant ce mouvement inversé a bien plus de chances de porter ses fruits.

Quelle est donc cette vidéo qui murmure le Libre (et non « l’open source ») à l’oreille du profane ? Il s’agit de la chronique d’Emmanuelle Talon sur « notre » biographie de Richard Stallman, proposée le 22 janvier 2010 dans le cadre de La Matinale de Canal+ (reproduite et transcrite ci-dessous).

Nous en avions déjà parlé sur le Framablog. Mais le nez dans le guidon de la sortie du livre, nous avions surtout fièrement souligné qu’un grand média évoquait le projet, sans prendre véritablement conscience des qualités intrinsèques de la vidéo. Avec le recul, on s’aperçoit en fait que le livre est ici secondaire. C’est un pretexte pour parler de Richard Stallman et par extension pour parler du Libre.

En quoi cette ressource apporte-elle de l’eau à notre moulin de la sensibilisation en captant favorablement le temps de cerveau disponible de celui qui l’a sous les yeux ?

Il y a d’abord le facteur « vu à la télé ». Internautes assidus que nous sommes, c’est quelque chose que nous avons appris à désacraliser. Mais pour bon nombre de nos compatriotes (dont les quelques 40% encore non connectés) le passage par le petit écran continue de faire son petit effet.

Il y a la durée. L’attention est maintenue par cette chronique qui ne dépasse pas les cinq minutes.

C’est beaucoup plus subjectif – et me vaudra quelques virulents commentaires – mais je crois que l’attention est également maintenue par le facteur « dialogue entre deux femmes avenantes », les femmes appréciant que ce soit des femmes et les hommes qu’elles soient avenantes (sic).

Il y a la posture prise par la journaliste. D’ordinaire c’est l’objectivité et la neutralité qui priment. Or ici, au diable la mise à distance, débordée par son enthousiasme communicatif, elle semble prendre fait et cause pour le sujet traité.

Au delà de la forme, il y a aussi et surtout le fond, c’est-à-dire tout ce qui est évoqué dans ce très court laps de temps : définition du logiciel libre qui s’oppose au logiciel privateur, code source, contre-exemple Microsoft, alternatives OpenOffice.org et Firefox, libre ne veut pas dire gratuit, Hadopi… et même Sarkozy !

Mais, d’expérience, ce qui fait surtout mouche ce sont les formules originales permettant de sortir du cadre et d’élargir le débat. Elle sont vos précieuses alliées parce qu’elles intriguent et appellent à des compléments d’information :

  • « Il ne s’agit pas vraiment d’informatique, il s’agit en fait de philosophie. Richard Stallman c’est vraiment un grand philosophe, c’est un vrai penseur. »
  • « Pourquoi au fond il s’est lancé dans cette aventure ? Il s’est lancé dans cette aventure tout simplement pour améliorer le monde, pour encourager le partage et la fraternité. »
  • « C’est une forme de nouveau socialisme, de socialisme logiciel. Et à l’heure où l’on pleure sur la fin des grandes ideologies, on peut se réjouir de voir qu’il y a encore des gens qui essayent de changer le monde. »
  • « En fait la compétition, elle se fait vraiment dans nos têtes. »
  • « Stallman c’est un peu le Luke Skywalker de l’informatique, il faut qu’on se libère des machines et c’est ce jour-là que le Libre pourra gagner. »

Cette vidéo n’est pas parfaite (et prend même quelques libertés avec le droit d’auteur). Mais ces propos étonnent et surprennent. Ils modifient chez l’autre non seulement la perception du logiciel libre mais également la perception de celui qui s’intéresse au logiciel libre (vous en l’occurrence). Ne dites pas à ma mère que je participe à changer le monde, elle croit que je fais bien sagement de l’informatique dans ma chambre !

À vous ensuite d’enchaîner avec brio et éloquence. Mais la stimulation est là, votre interlocuteur veut en savoir davantage et, ça tombe plutôt bien, vous êtes à ses côtés et tout disposé à satisfaire cette soudaine soif de connaissance.

Merci Emmanuelle !

—> La vidéo au format webm

Transcript

Maïtena Biraben : Le logiciel libre, c’est l’une des très grandes révolutions du siècle passé et aujourd’hui on en sait un peu plus sur le créateur du logiciel libre.

Emmanuelle Talon : Oui, Richard Stallman il a aujourd’hui 56 ans, il n’est pas très connu du grand public mais c’est un dieu vivant pour les informaticiens, parce que c’est un des pères du logiciel libre, le père du logiciel libre.

Alors pourquoi on en parle aujourd’hui ? Parce qu’il y a sa biographie qui vient de paraître en français aux éditions Eyrolles « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre ». Alors au début des années 80…

Maïtena Biraben : C’est un bouquin de geek ?

Emmanuelle Talon : Non, justement pas. C’est ça qui est bien, parce que ça n’est pas un bouquin de geek, et même si on ne s’y connaît pas trop, on peut vraiment vraiment comprendre, j’insiste.

Et donc Stallman, au début des années 80 a créé la Fondation pour le Logiciel Libre. Il est à l’origine du projet GNU.

Et juste un petit rappel : qu’est-ce qu’un logiciel libre ? Quand même, voilà c’est important. C’est un logiciel que n’importe qui peut utiliser, copier ou même modifier, pour l’améliorer en quelque sorte, en accédant au code source.

Et le logiciel libre, ça s’oppose à ce que Stallman appelle les logiciels privateurs. Ce sont des logiciels qui nous privent de notre liberté. On ne peut pas modifier le code source, c’est pour cela que Windows est la propriété de Microsoft. Si Windows ne vous convient pas, vous ne pouvez pas l’améliorer. Tandis que l’on peut améliorer par exemple la suite bureautique OpenOffice ou le navigateur Firefox.

Maïtena Biraben : Si on y arrive !

Emmanuelle Talon : Si on arrive, bien sûr, mais vous avez cette liberté.

On l’impression que c’est un peu complexe mais en fait pas tellement parce que cette histoire de logiciel libre… Il ne s’agit pas vraiment d’informatique, il s’agit en fait de philosophie. Richard Stallman c’est vraiment un grand philosophe, c’est un vrai penseur. Et avec cette histoire de logiciel libre… Pourquoi au fond il s’est lancé dans cette aventure ? Il s’est lancé dans cette aventure tout simplement pour améliorer le monde, pour encourager le partage et la fraternité.

Donc c’est une forme de nouveau socialisme, de socialisme logiciel. Et à l’heure où l’on pleure sur la fin des grandes ideologies, on peut se réjouir de voir qu’il y a encore des gens qui essayent de changer le monde. Et aujourd’hui ces gens-là ce sont des informaticiens, et c’est Richard Stallman. C’est pour ça que c’est important de le connaître.

Maïtena Biraben : On a vu son playmobil…

Emmanuelle Talon : Oui on a vu son playmobil, mais en fait c’est un personnage assez amusant, qui a beauocup d’humour, qui a une bonne tête…

Maïtena Biraben : Est-ce que le logiciel libre a des chances de gagner face au logiciel non libre, donc commercialisé, que l’on ne peut plus toucher ?

Emmanuelle Talon : Alors, le logiciel libre il progresse beaucoup en France. Il y a quelques années la Gendarmerie nationale est passée… elle a adopté un logicie libre. Mais, si vous voulez, la compétition elle ne se fait pas vraiment sur cette question-là, sur cette question technique, parce qu’un logiciel libre, on peut considérer que ça vaut au niveau technique un logiciel privateur. En fait la compétition, elle se fait vraiment dans nos têtes.

Le Libre il pourra gagner le jour où, d’après Stallman, on aura, nous, envie de nous libérer et puis de ne pas être soumis à la machine. Parce qu’il explique que quand on utilise un logiciel comme Windows, on ne peut pas le modifier si on n’y va pas, et donc on est esclave de la machine. Stallman c’est un peu le Luke Skywalker de l’informatique, il faut qu’on se libère des machines et c’est ce jour-là que le Libre pourra gagner.

Maïtena Biraben : Est-ce que libre ça veut dire gratuit Emmanuelle ?

Emmanuelle Talon : Alors non, libre ne veut pas forcément dire gratuit. Il y a des logiciels libres qui ne sont pas gratuits, donc il faut faire attention à cette confusion. C’est vrai que quand on est juste un utilisateur, on peut estimer que la gratuité c’est le principal avantage, mais libre ne veut pas dire gratuit.

Maïtena Biraben : Si on ramène cette idée de logiciel libre à la France, la prochaine bataille c’est Hadopi.

Emmanuelle Talon : C’est Hadopi et Stallman est mobilisé sur cette question. Il estime que c’est une loi tyrannique. Il dit que Nicolas Sarkozy est un ennemi de la démocratie et des Droits de l’Homme. Et pour lui empêcher le téléchargement de musique pour sauver l’industrie du disque, c’est tout simplement comme empêcher les gens de faire la cuisine pour sauver les emplois dans la restauration !

Voilà, juste pour finir, le livre, vous pouvez l’acheter, il coûte 22 euros et c’est bien d’avoir un livre papier. Mais vous allez voir la cohérence de la démarche, en fait le livre est en téléchargement, gratuit, sur le site www.framasoft.net. Vous pouvez modifer le texte du livre, et si vous voulez le traduire, et bien vous pouvez tout à fait le traduire librement dans la langue que vous souhaitez, en ourdou par exemple, je pense que ça n’est pas encore fait.

PS : Pour l’anecdote lorsque avons signalé la vidéo à Richard Stallman, il nous a répondu texto : « C’est très bon (malgré des petites erreurs), mais c’est quoi un playmobil ? ».




Socrate et les hackers – Une conférence de Bernard Stiegler

À peine avions-nous mis en ligne le billet Quand Socrate nous aide à mieux comprendre le logiciel libre qu’un commentaire nous signalait une récente conférence de Bernard Stiegler, dont le titre, séduisant et enigmatique, faisait lui aussi référence au célèbre philosophe grec : « Socrate et les hackers ».

Elle a été donnée le 13 avril dernier à la Maison des Arts de Malakoff.

On y retrouve les thèmes chers à Bernard Stiegler : perte du savoir dans un processus de prolétarisation généralisée lié au marketing et espoir mis dans la figure de « l’amateur ».

Je ne suis pas un hacker mais je pense bien faire parti de ces amateurs. Et, du coup, j’aime bien écouter Bernard Stiegler parce qu’il me donne l’impression que je participe à sauver le monde du marasme dans lequel il se trouve 😉

Tout ceci m’a fait repenser à un très lointain article de Libération (25 mai 2001). Une interview de Pekka Himanen[1] par Florent Latrive.

À la question : quel est votre hacker préféré ? Voici ce que le philosophe finlandais avait alors répondu :

« Socrate. Toute son attitude, cette relation passionnée et modeste au savoir, son ouverture d’esprit, sa quête de directions intellectuelles non prévues: l’attitude des Grecs anciens est très similaire à celle des hackers d’aujourd’hui. Platon, son disciple, a fondé la première académie du monde occidental, et c’est le modèle de la recherche scientifique aujourd’hui. C’est aussi celui des hackers passionnés d’ordinateurs… ».

Bernard Stiegler – Socrate et les hackers

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] À ce propos, c’est vraiment une anomalie de ne plus trouver la moindre trace papier ou numérique de la traduction française de l’Ethique Hacker de Pekka Himanen, alors même que c’est clairement l’un des ouvrages les plus importants de la culture libre. Il y a une note de lecture sur Freescape et puis c’est à peu près tout (si ce n’est une indisponibilité récurrente sur Amazon). L’explication vient du fait qu’Exils, l’éditeur de la traduction n’existe plus, mais c’est bien dommage que personne n’ait pris le relai (et les éventuels droits). Si quelqu’un est assez motivé pour contacter Pekka Himanen et voir avec lui comment on pourrait rééditer son livre en français, qu’il sache que Framasoft et son projet Framabook sont de tout cœur derrière lui.




Scandaleux : l’INPI censure le Libre d’une exposition qui se révèle alors propagande !

Lucas Jans - CC by-saC’est une mésaventure ô combien révélatrice de notre époque trouble et troublée qui est arrivée à Isabelle Vodjdani.

Aujourd’hui s’est en effet ouverte l’exposition « Contrefaçon, la vraie expo qui parle du faux », à la Cité des sciences et de l’industrie à La Villette (Paris).

Le Libre devait y être très modestement présent par un simple article rédigé par Isabelle Vodjdani.

Il n’en sera rien car à quatre jours de l’inauguration on lui a fait savoir que l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), co-organisatrice de l’évènement, refusait son texte. L’explication a le mérite de la clarté : « L’INPI est farouchement opposé à ce que l’exposition donne la parole aux défenseurs du "libre" ».

« D’entrée de jeu, le visiteur est poussé à s’interroger : à qui profite le faux ? Qui est lésé, qui est abusé ? Sommes-nous victimes ou complices ? », nous dit la dépêche AFP dédiée à la manifestation « citoyenne », qui n’évoque évidemment pas l’épisode.

Mais au delà de l’INPI, à qui profite une telle censure ? Qui a intérêt à ce que le grand public ignore que l’on puisse s’adresser à lui autrement qu’en consommateur stimulé par le markting ,en s’extirpant de la dichotomie artificiellement entrenue « monde marchand / contrefaçon de ce même monde marchand » ? Qui a intérêt à taire que d’autres mondes soient possibles ?[1]

Il ne faut pas se méprendre, en censurant ainsi le Libre, l’exposition prend une tournure politique et se fait propagande.

Les masquent tombent et on ne lit alors qu’une seule chose sur les visages : la peur.

PS : Pourquoi ne pas se mobiliser et organiser une petite manifestation de protestation devant l’entrée de l’exposition, avec distribution de tracts et de contenus sous licence libre ?

"Contrefaçon" : La Cité des Sciences censure le Libre à la demande de l’INPI

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Isabelle Vodjdani – 20 avril 2010 – Transactive.exe

"La vraie expo qui parle du faux" se soucie peu de parler vrai.

Résumé : Une exposition aux intentions pédagogiques sur la Propriété Intellectuelle, décrit toutes les formes de contrefaçon mais censure les informations se rapportant aux pratiques licites du Libre et de l’Open-Source. Si on avait voulu faire l’apologie des pratiques illicites on ne s’y serait pas mieux pris !

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, j’ai la fausse joie de vous annoncer l’ouverture d’une exposition aux prétentions pédagogiques sur la Propriété Intellectuelle dont le seul volet consacré à la présentation du Libre, un texte concis enregistré par votre serviteur, a été censuré à la demande de l’INPI, principal partenaire de l’exposition.

« CONTREFAÇON, la vraie expo qui parle du faux » commence le 20 avril à la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette et court jusqu’en février 2011[2]. Comme son sous titre accrocheur l’indique, vous y verrez fausse monnaie, fausses marques, faux médicaments, fausses montres,… et dans la foulée, le faux nez de la vraie musique téléchargée illégalement par quelques adolescents dont on se propose de corriger l’égarement à coup de questionnaires faussement ludiques et de sorties scolaires faussement récréatives[3]. Copier c’est mal, voilà tout le message de ce déballage qui décrit les multiples formes de la contrefaçon avec la verve qu’en d’autres temps, des enlumineurs auraient employée pour dépeindre les sept péchés capitaux en motifs grotesques.

Hélas, à côté de ce tableau des pratiques illicites, il ne faut pas s’attendre à trouver beaucoup de nuances dans la définition de ce qui est au contraire licite en matière de propriété intellectuelle. En effet, le domaine du Libre est totalement exclu du corpus de l’exposition. Et quand je dis exclu, il ne s’agit pas d’omission ou d’ignorance, mais bien de censure.

Initialement, les commissaires de l’exposition avaient prévu de consacrer un modeste volet à la présentation du Libre ; cela leur paraissait incontournable et c’est bien la moindre des choses. Dans cette optique, j’avais été contactée en septembre 2009 par une des commissaires adjointes qui me demandait de rédiger un texte concis définissant le Libre, ses enjeux et ses perspectives. Le texte devait être diffusé dans une petite zone de l’exposition équipée de bornes audio avec la version écrite affichée à proximité.

Mais le 16 avril 2010, quatre jours avant l’ouverture de l’exposition, j’ai reçu un mail de la commissaire en chef m’informant que mon texte ne pourra pas être diffusé : « notre partenaire principal, l’INPI, est farouchement opposé à ce que l’exposition donne la parole aux défenseurs du "libre". Nous avons essayé de discuter et d’argumenter avec eux mais l’INPI reste intransigeant sur sa position. Nous sommes donc obligés, avec grand regret, de ne pas présenter votre parole que vous aviez, aimablement, accepté de rédiger et d’enregistrer. ». Quelques minutes plus tard, je recevais un mail d’excuses de la commissaire adjointe, sincèrement désolée. En pièce jointe, elle me restituait mon texte, enrichi des traductions réalisées par son équipe. Je l’en remercie, car ces traductions sont bien le seul avantage que j’aurai tiré de cette affaire.

Qu’un établissement public cède aux desiderata de ses partenaires financiers et renonce à sa liberté de parole est en soi scandaleux[4]. Mais prétendre informer le public sur la question de la Propriété Intellectuelle sans jamais évoquer le modèle du Libre, pourtant en plein développement, est tout simplement malhonnête et relève d’une entreprise de désinformation. Comment peut-on faire semblant de ne pas voir la montagne Wikipedia et l’Himalaya des logiciels libres qui font désormais partie de notre environnement de travail quotidien parmi tant d’autres bourgeons du Libre ? Ne sont-ils pas des exemples éclatants de la réussite d’un régime de propriété intellectuelle qui garantit la liberté de copier, de modifier et de diffuser des œuvres selon un cadre contractuel parfaitement légal ?

Pour moi, ce petit texte est un élément de vulgarisation parmi d’autres et je n’en aurais sans doute pas fait état sans cet acte de censure. Il est d’ailleurs fort probable qu’il serait passé quasiment inaperçu si les choses s’étaient passées comme prévu par les commissaires de l’exposition : qui donc, au détour du fastidieux parcours énumérant les cas de contrefaçon dûment constatés, chiffrés et illustrés, aurait encore le courage de se planter devant une borne audio pour entendre une autre voix ? L’intransigeance de l’INPI qui prive les commissaires de la satisfaction, même illusoire, d’avoir honnêtement couvert le sujet en réservant une portion congrue à la présentation du Libre, est tout à fait étonnant. Pourquoi l’INPI a pris le risque de se ridiculiser en censurant un texte promis aux oubliettes ? Il faut croire que cette voix, aussi discrète soit-elle, dérange encore trop. Elle dérange parce qu’elle n’appartient pas au monde binaire que tentent de nous décrire les lobbys des ayant droit. Cette voix parle à la grande catégorie des amateurs et bricoleurs qui ne se reconnaissent ni dans la figure du faussaire ni dans le masque de l’Auteur floué derrière lequel se cachent les ayant droit[5]. Pour le coup, ce texte que je trouvais quelque peu effacé à cause de l’exercice de concision auquel j’étais astreinte, prend de l’importance. Aussi, je le publie ci-après, et vous invite à copier, diffuser, commenter ou augmenter tout ou partie de cet article en faisant bon usage des dispositions de la Licence Art Libre.

Le libre, un phénomène en expansion

Dans le cadre du droit d’auteur qui protège les créations littéraires et artistiques, un nombre croissant d’auteurs choisissent de mettre leurs œuvres à la disposition du public avec un type de contrats bien spécifiques qu’on appelle des licences libres. Ces licences autorisent quiconque à diffuser des copies de l’œuvre. Elles l’autorisent également à publier sous sa propre responsabilité d’auteur des versions modifiées de l’œuvre. Ces autorisations sont assorties de deux conditions :

  • Premièrement, il faut mentionner l’auteur de l’œuvre initiale et donner accès à ses sources
  • Deuxièmement, les copies ou versions modifiées de l’œuvre doivent être publiées avec les mêmes autorisations.

Les œuvres libres sont nécessairement divulguées avec une licence qui garantit ces conditions. Parmi ces licences, on peut citer la GNU GPL, pour les logiciels, et la Licence Art Libre, pour les œuvres culturelles. Le domaine des œuvres libres n’est donc ni une zone de non droit ni assimilable au gratuit. D’ailleurs les anglo-saxons associent le mot français « libre » au mot « free » pour écarter toute confusion, car il y a des œuvres gratuites qui ne sont pas du tout libres, et il y a des œuvres libres payantes.

On parle aussi du « monde du libre » pour désigner l’ensemble des acteurs qui participent à la promotion et au développement du domaine du libre. Ce mouvement s’inspire des usages qui régissent la circulation des connaissances dans les milieux académiques. Mais depuis 1983, ce sont les développeurs de logiciels qui sont à l’avant-garde de ce mouvement et de sa formalisation juridique, car dans ce secteur d’activité la nécessité d’innovation est constante et les utilisateurs ont tout intérêt à mettre la main à l’ouvrage pour améliorer les défauts d’un logiciel ou l’adapter à leurs besoins. Ainsi, ils deviennent à leur tour auteurs.

Ce modèle de développement correspond aux aspirations d’une société démocratique composée de citoyens qui apportent une contribution constructive à la vie publique et ne se contentent pas d’être seulement gouvernés. L’intérêt que suscite le Libre est donc d’abord d’ordre politique. Cet intérêt est exacerbé par le fait que les législations de plus en plus restrictives sur le droit d’auteur évoluent à contresens de l’intérêt du public et deviennent des freins pour la création. Dans ce contexte, les licences libres apparaissent comme une issue légale et pragmatique pour constituer un domaine dans lequel les obstacles à la diffusion et à la réutilisation créative des œuvres sont levés.

Dans le domaine de la création artistique et de la publication scientifique, le modèle du libre correspond aussi à une réalité sociale. C’est l’émergence d’une société d’amateurs qui, à la faveur d’un meilleur accès à l’éducation, au temps libre, aux moyens de production et de communication, s’invitent sur la scène en bousculant parfois les positions établies. Ces amateurs sont les vecteurs, les acteurs et les transformateurs de la culture, ils en sont le corps vivant ; sans eux les œuvres resteraient « lettre morte ».

Depuis le 19ème siècle, avec la création des musées et la naissance du droit d’auteur, notre culture a privilégié les moyens de la conservation pour assurer la pérennité des œuvres. Aujourd’hui, les supports numériques et internet sont en train de devenir les principaux moyens de diffusion des œuvres. Certes, internet est un puissant moyen de communication, mais il n’a pas encore fait ses preuves en tant que moyen de conservation. Ce qui se profile avec le modèle du libre, c’est que parallèlement aux efforts de conservation dont le principe n’est pas remis en cause, une autre forme de pérennisation retrouve sa place dans notre culture ; il s’agit de la transmission, qui fonde aussi la tradition. Or, l’acte de transmission passe par un processus d’appropriation (on ne peut transmettre que ce qu’on a déjà acquis ou assimilé), et cela implique des transformations qui font évoluer les œuvres. C’est la condition d’une culture vivante, une culture portée par des acteurs plutôt que supportée par des sujets.

Copyleft : Isabelle Vodjdani, 20 avril 2010, ce texte est libre, vous pouvez le copier, le diffuser et le modifier selon les termes de la Licence Art Libre http://www.artlibre.org.

Notes

[1] Crédit photo : Lucas Jans (Creative Commons By-Sa)

[2] « CONTREFAÇON, la vraie expo qui parle du faux », Cité des Sciences et de l’Industrie, Parc de la Villette, Paris, du 20 avril 2010 au 13 février 2011.

[3] Depuis plusieurs années des études sur l’impact du piratage sur le marché de la musique apportent régulièrement un démenti aux affirmations des lobbys de la répression du téléchargement. Dans la dernière en date, Le GAO affirme que les chiffres du piratage sont contrefaits (ReadWriteWeb, 19 avril 2010)

[4] Précisons que L’INPI est également un établissement public, mais autofinancé et relevant de la tutelle du ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, tandis que la Cité des Sciences et de l’Industrie est sous la tutelle du ministère de la Culture.

[5] Comme on le sait, la figure de l’auteur floué par les petits "pirates" est le masque dont se parent les ayants doits qui, pour rester dans l’ordre des métaphores de la marine, se comportent en véritables "requins". Pour ne citer qu’un seul exemple, voir l’article du Point en date du 10 avril 2010 : Comment la Sacem se goinfre….




Quand Socrate nous aide à mieux comprendre le logiciel libre

HBarrison - CC by-sa« Si vous éprouvez quelques difficultés à saisir l’essence du logiciel libre, je vous invite à parcourir ce dialogue entre Socrate et Antiphon dans Les Mémorables de Xénophon. »[1]

Telle est la suggestion d’un blogueur grec, reprise par un blogueur anglophone, qui a déterré ce court et pertinent passage nous rappelant que les préoccupations d’aujourd’hui ne sont pas sans similarités avec celles de 370 av. J.-C. !

Les Mémorables de Xénophon

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Chapitre VI – Extrait

Une autre fois, Antiphon, s’entretenant avec Socrate, lui dit : « Je ne doute pas, Socrate, que tu ne sois juste, mais savant, tu ne l’es pas du tout, et il me paraît que tu t’en rends compte toi-même, car tu ne tires aucun argent de tes leçons. Cependant ton manteau, ta maison ou tout autre objet que tu possèdes et que tu crois valoir quelque argent, tu ne les donnerais gratuitement à personne, tu ne les vendrais même pas au-dessous de leur valeur.

Il est donc évident que, si tu croyais que ton enseignement vaille quelque chose, tu n’en exigerais pas moins d’argent qu’il ne vaut. Tu es donc un homme juste, puisque tu ne trompes pas par cupidité, mais un savant, non pas, puisque tu ne sais rien qui ait de la valeur. »

A cela Socrate répondit : « C’est une opinion reçue chez nous, Antiphon, qu’on peut faire de la beauté et de la science un emploi honteux aussi bien qu’un emploi honorable. Quand un homme vend sa beauté pour de l’argent à qui veut l’acheter, on l’appelle prostitué; mais si quelqu’un prend pour un ami un homme en qui il a reconnu un amoureux vertueux, nous l’appelons un sage. Il en est de même à l’égard de la science : ceux qui la vendent pour de l’argent à qui veut la payer sont appelés sophistes, comme ceux qui vendent leur beauté, prostitués; mais si un homme, ayant reconnu dans un autre un heureux naturel, s’en fait un ami en lui enseignant ce qu’il sait de bon, nous pensons qu’il se comporte comme il convient à un honnête citoyen.

C’est ce que je fais moi-même, Antiphon. D’autres se réjouissent de posséder un beau cheval, un chien, un oiseau; moi, je me réjouis, et bien davantage, d’avoir des amis vertueux, et, si je sais quelque chose de bien, je le leur enseigne, et je les présente à d’autres, que je crois capables de les aider à progresser dans la vertu. Je déroule et parcours en compagnie de mes amis les livres où les anciens sages ont déposé leurs trésors. Si nous y voyons quelque chose de bien, nous le recueillons, et nous regardons comme un grand profit de nous être utiles les uns aux autres. »

Notes

[1] Crédit photo : HBarrison (Creative Commons By-Sa)




Google prends les ARM pour défendre Theora

Titlap - CC byComme vous le savez, HTML5 est la cinquième version du langage utilisé pour concevoir les pages Web, qui propose enfin aux développeurs le moyen d’afficher directement et simplement les vidéos dans la page, de la même façon qu’il est déjà possible de le faire pour des images. C’est à dire de façon simple, ouverte et puissante, sans la contrainte de recourir à un plugin propriétaire comme Flash.

Mais la taille des vidéos doit être réduite pour pouvoir être diffusées sur Internet, et comme il a déjà été dit dans ces colonnes, HTML5 est muet quant au format à utiliser pour compresser ces vidéos (on parle aussi de codec). Aujourd’hui, deux codecs peuvent techniquement assumer ce rôle clé : Theora et H264 (en attendant une possible libération du codec VP8 racheté par Google). Mais alors que le premier est entièrement libre et utilisable sans aucune restriction, le deuxième est breveté et son usage est rigoureusement encadré et soumis à redevance.

On comprend alors que l’affrontement de ces deux codecs n’est que la traduction de l’affrontement de deux visions : tandis que Theora doit permettre de maintenir un Web ouvert où chacun serait libre de publier du contenu ou de créer des applications innovantes, H264 permettra à quelques entreprises privées de faire main basse sur le Web.

À côté de l’avènement de HTML5, un autre facteur est en train de rebattre les cartes : il s’agit du nombre grandissant d’appareils mobiles reliés à Internet[1].

Pour ces appareils mobiles, la question de la puissance processeur et de la consommation électrique se pose de manière nouvelle : ces appareils sacrifient souvent la première au profit de la seconde.

Ainsi, à l’inverse de ce qui se passe dans le monde des micro-ordinateurs de bureau, où l’architecture x86 développée par Intel domine, l’univers des appareils ultra mobiles est dominé par une architecture concurrente : ARM.

Les processeurs ARM (pour Advanced Risc Machine) sont des processeurs fabriqués sous licence par différentes sociétés de par le monde à partir des travaux de la société anglaise ARM. Cette société conçoit des processeurs consommant peu d’énergie qui se retrouvent ensuite dans la plupart des appareils mobiles : des sociétés comme Nokia, Google (Nexus One), HTC, Samsung, Apple (Iphone/iPad), Sony Ericsson, Palm (Plam Pre), Siemens, LG, ou encore Motorola l’utilisent dans leurs smartphones.

Dans la mesure où l’on retrouve souvent le codec H264 dans les vidéos en Flash et où le format H264 exige d’importantes ressources processeur pour être décodé, de nombreux appareils mobiles ont été optimisés pour aider au décodage du H264.

De fait, ce handicap initial est devenu paradoxalement un avantage pour le H264 : bien que Theora demande beaucoup moins de ressources pour être décodé et soit ainsi plus adapté aux appareils mobiles, certains lui opposent le fait qu’il ne bénéficie pas du même support matériel que le H264.

Heureusement la situation n’est pas figée et de nombreux développeurs sont à pied d’œuvre pour permettre à Theora de tirer parti de ces optimisations matérielles (en attendant que les fabricants implémentent eux-même leurs optimisations pour Theora).

C’est le cas notamment de Google qui investit dans le développement de theorARM, une version de Theora optimisée pour les processeurs ARM, comme l’explique Robin Watts sur le blog « des projets Open Source » de Google dans le billet traduit ci-après.

Avant de laisser la parole à Robin Watts, remarquons que, depuis que Theora est pressenti comme codec possible pour la vidéo sur le Web, celui-ci s’améliore de manière constante. Tous les défauts relevés à l’encontre de Theora sont en passe d’être corrigés grâce aux efforts conjugués de toute une communauté de développeurs talentueux regroupée derrière la fondation Xiph.Org (qui développe Theora) dont Red Hat, les fondations à but non lucratif Wikimédia et Mozilla, et à présent Google.

H264, de son côté, reste irrémédiablement entravé par son péché originel : celui d’être breveté jusqu’à l’os. Et les meilleurs développeurs du monde n’y pourront rien changer.

Bref, là où Theora promet le meilleur, à tous points de vue, H264 n’annonce que le pire.

Ça bouge du côté de la vidéo sur le Web

Interesting times for Video on the Web

Robin Watts – 9 avril 2010 – Google Open Source Blog (Traduction Framalang : Olivier Rosseler et Goofy)

Si je vous disais que Google a participé au financement d’une version du codec Theora optimisée pour les processeurs ARM, vous seriez nombreux à passer directement au billet suivant de ce blog. Personne ne se soucie des codecs audio ou vidéo, du moins tant qu’ils fonctionnent.

Demandez à la plupart des utilisateurs d’ordinateurs quel est leur codec favori et ils vous regarderont comme si vous aviez demandé leur moteur de machine à laver préféré. « On veut juste que ça marche ! » vous répondront-ils. C’est exactement la même chose pour ceux qui créent et publient du contenu sur le Web. À chaque fois qu’une vidéo est inaccessible au visiteur d’un site Web, c’est un message qui n’atteint pas sa cible. Peu importe la qualité du message et le temps passé à le peaufiner, ou les techniques virales employées pour attirer les visiteurs ; si la page Web n’affiche qu’un beau rectangle vide à l’endroit du contenu, tous ces efforts auront été vains.

Publiez la vidéo afin qu’elle soit lisible partout

L’idée est bonne, mais sa mise en pratique est loin d’être simple. Il n’existe aucun standard vidéo actuellement sur le Web. Certains sites utilisent la technologie Flash, restreignant ainsi leur auditoire aux utilisateurs disposant d’un lecteur Flash et excluant de fait la plupart des téléphones. Certains se servent de lecteurs Java intégrés, mais l’auditoire se limite alors au seul public disposant de machines suffisamment puissantes pour décoder l’audio et la vidéo dans une machine virtuelle, ce qui exclut tout ce qui est plus lent qu’un ordinateur portable. D’autres encore se reposent sur les lecteurs natifs à telle plateforme (comme Windows Media Player) et se coupent ainsi de toutes les autres plateformes. D’autres enfin ne proposent que le lien vers la vidéo et s’en remettent au lecteur vidéo que l’utilisateur a pu éventuellement installer.

On est bien loin du « ça marche, tout simplement », et aucune de ces solutions ne semble en prendre le chemin. Que ça vous plaise ou non, avec la multiplication des appareils connectés, ce Graal va être de plus en plus difficile à atteindre. À une époque, il suffisait de s’assurer que la vidéo était lisible sur PC et sur Mac. Maintenant il faut jongler entre Android, ChromeOS, iPhoneOS, Linux, Maemo, Symbian et plein d’autres systèmes encore. Et ce n’est pas tout, puisqu’il faut prendre en compte toute une gamme de processeurs de puissances différentes, depuis les ordinateurs de bureaux aux téléphones en passant par les ordinateurs portables, les netbooks et les PDA. Le problème est loin d’être résolu, bien au contraire.

Heureusement, HTML5 nous apporte de l’espoir. Cette nouvelle version d’HTML (le langage de base utilisé pour écrire les pages Web) introduit un élément video.

Un standard existe maintenant pour que les gens spécifient dans le code de la page l’intégration d’une vidéo. À chaque navigateur, ensuite, d’implémenter la lecture des vidéos : soit qu’il lise lui-même la vidéo soit qu’il délègue cette tâche à un lecteur incorporé ou externe. Dans tous les cas, la décision appartient à l’utilisateur au lieu d’être imposée par le créateur du contenu. Le plus génial dans tout cela, c’est que cette fonction est déjà supportée : Firefox, Opera, Chrome et Safari prennent déjà en charge le HTML5 et les autres navigateurs suivront rapidement.

Alors, problème réglé ?

À vrai dire, non. Il existe désormais un langage commun pour publier des vidéos, c’est un bon début, mais la question du format n’est pas résolue. Là, il n’y a pas de « taille unique ». La vidéo est-elle visionnée sur un téléphone avec un petit écran, sur un netbook, sur un PC de bureau, ou sur un écran LED 3D de 150 pouces à la résolution quatre fois supérieure à celle de la TVHD ? La taille de l’écran, la connectique et la puissance de calcul jouent chacune un rôle ici. Un peu comme la transition de la VHS au DVD puis au BluRay pour les vidéos télévisées, la vidéo sur le Web va s’améliorer au fur et à mesure. Et c’est très bien ainsi : la technologie des serveurs Web permet d’adapter la vidéo au navigateur et à l’appareil utilisés.

En revanche, il nous faut assurément nous accorder sur un plus petit dénominateur commun, un format standard qui servira de format par défaut si tout le reste échoue. Ça ne doit pas nécessairement être le format le plus complexe, ou le plus marketé, ni même celui créé par l’union du plus grand nombre d’entreprises. Il doit simplement être disponible, partout. Le codec le plus adapté actuellement est Ogg Theora, dérivé du codec VP3 libéré par On2 il y a quelques années. Il se débrouille plutôt bien en termes de qualité et de compression, et il n’a pas à rougir face à ses rivaux plus populaires comme le MPEG4, tout en étant bien plus simple à décoder. Mais surtout, il se démarque de ses concurrents par le fait qu’il est libre. Vraiment libre. Pas seulement « libre d’utilisation dans les décodeurs » ou « libre d’utilisation si vous signez cet accord de licence compliqué », mais vraiment, honnêtement, authentiquement, 100% libre. Les spécifications du flux et le code source de l’encodeur/décodeur sont accessibles publiquement et peuvent être librement utilisées/modifiées par n’importe qui. Theora a toujours été développé avec comme objectif premier d’éviter les brevets. Aucun autre codec que Theora ne peut se targuer de n’enfreindre aucun brevet et de n’être soumis à aucune redevance tout en tenant malgré tout la dragée haute à ses concurrents.

Alors, qu’est-ce qu’on attend ?

Décoder une vidéo demande beaucoup de ressources au processeur. Un important travail reste à accomplir avant de réaliser le rêve de lire une vidéo sur n’importe quel appareil. Theora est bien moins complexe que bon nombre de ses concurrents : les autres codecs nécessitent souvent du matériel dédié pour atteindre des performances décentes, alors que, bien programmé, Theora peut être décodé sans aide extérieure. En fait, sur les ordinateurs portables ou de bureau, le décodage à la volée est possible dans un lecteur Java intégré (comme par exemple l’excellent Cortado, lui aussi libre), ce qui permet la lecture de vidéos dans les navigateurs ne prenant pas encore en compte l’élément video. Mais ça n’est pas envisageable pour les appareils comme les PDA, les téléphones, les netbooks, les tablettes ou les lecteurs portables. Ces engins reposent souvent sur des processeurs ARM qui sont bien moins énergivores que les processeurs qui équipent habituellement les micro-ordinateurs. Malgré les gains de puissance continus réalisés au cours de ces dernières années, ils ne rivalisent pas encore avec leurs cousins plus costauds pour ce qui est de la puissance pure. Cette gamme très importante d’appareils construits autour de processeurs ARM représente le dernier défi pour un décodage fluide de Theora. Tout progrès d’efficacité réalisé se traduit par davantage d’autonomie ou des écrans plus grands.

C’est là que l’aide financière de Google intervient. En subventionnant le développement de TheorARM (une version libre de Theora optimisée pour les processeurs ARM), ils nous aident à nous rapprocher du jour où la vidéo fonctionnera partout sur le Web, pour tout le monde. Ça serait plutôt pas mal, non ? Ça y est, maintenant vous pouvez passer au billet suivant du blog.

Notes

[1] Crédit photo : Titlap (Creative Commons By)




Le CRM libre et citoyen CiviCRM adopté par la FSF

CiviCRM - LogoCRM est l’acronyme anglais de Customer Relationship Management, que l’on traduit chez nous par Gestion de la relation client.

Dans la communauté du libre, il y a un CRM qui a le vent en poupe actuellement, c’est CiviCRM. Déjà utilisé par Creative Commons ou la Fondation Wikimedia, c’est aujourd’hui la Free Software Foundation (FSF) de Richard Stallman qui a décidé de l’adopter (et nous invite à faire autant), en nous disant tout le bien qu’elle en pense dans un communiqué traduit ci-dessous.

Remarque : On est beaucoup plus ici dans la gestion de la relation de membres d’associations que dans la gestion de la relation de clients.

PS : La prochaine étape sera-t-elle la Paypal libération ?

Pour les associations à but non lucratif, il est temps d’abandonner les outils propriétaires de collecte de dons

Matt Lee – 14 avril 2010 – FSF.org
(Traduction Framalang : Eric Moreau)

La Free Software Foundation (FSF) annonce aujourd’hui que CiviCRM a obtenu son agrément en tant que système complet de gestion de donations et de relations clients pour les associations à but non-lucratif.

Dans le cadre de sa campagne hautement prioritaires, la FSF avait souligné la nécessité d’une solution libre dans ce secteur. En parallèle à ce communiqué, la FSF adopte CiviCRM pour ses propres besoins, et encourage vivement les autres associations sans but lucratif à en faire autant.

Depuis toujours, les associations sans but lucratif sont dépendantes de solutions propriétaires ou « SaaS » (NdT : Software as a Service, logiciel en tant que service en ligne) pour la collecte de dons, comme Blackbaud’s Raiser’s Edge ou eTapestry. Les organisations qui les utilisent en sont prisonnières, ont peu de contrôle sur les fonctionnalités du logiciel, et sont à la merci des caprices d’une seule entreprise. Ces associations doivent également assumer le coût de la migration si elles souhaitent passer à un système propriétaire différent, et ne parviennent pas à gagner leur indépendance. Dans ces conditions, les outils censés améliorer leur efficacité finissent en réalité par réduire leur capacité à accomplir leurs missions sociales.

CiviCRM, au contraire, partage le code de son logiciel pour permettre aux associations de comprendre son fonctionnement, offre la possibilité à tout un chacun de lui apporter des améliorations, et peut aussi l’héberger sur ses serveurs sécurisés. Le code et le format de données étant libres, utiliser ce programme n’implique pas qu’on en devienne prisonnier. Puisqu’il est disponible pour le système d’exploitation libre GNU/Linux, il permet aussi de s’affranchir d’un autre logiciel souvent nécessaire à l’utilisation des solutions propriétaires de collecte de dons : Microsoft Windows.

« Les avantages qu’offre CiviCRM satisferont les associations qui souhaitent organiser leurs relations avec les donateurs, les sympathisants et les médias. En plus de sa fonction de répertoire de contacts, il prend en charge la collecte de fonds en ligne, l’inscription à des manifestations, la gestion des adhésions et l’envoi de courriers personnalisés, électroniques ou traditionnels. Cerise sur le gâteau, ce logiciel libre est distribué sous la licence GNU Affero General Public License : les associations peuvent l’héberger elles-mêmes et garder la liberté nécessaire afin de mener leur activité sans entraves », a déclaré John Sullivan, le directeur des opérations de la FSF.

Les idéaux du logiciel libre encourageant le partage et la modification sont au cœur du développement de CiviCRM, explique le développeur Dave Greenberg. « Le projet CiviCRM a été lancé par un groupe de développeurs et de directeurs de projet qui avaient auparavant collaboré sur une application propriétaire de gestion des dons. Étant très désireux d’accroître la portée et l’efficacité des associations sans but lucratif, nous nous sommes rendu compte qu’existait le besoin d’une application de GRC capable de répondre aux demandes du secteur associatif. Dès le départ, il nous a paru évident que celle-ci devait être un logiciel libre, développée en collaboration avec une communauté qui en aurait la jouissance. En ce qui me concerne, je trouve l’interaction avec notre communauté d’utilisateurs stimulante et gratifiante intellectuellement. Voir des gens qui possèdent une expertise dans un domaine particulier donner de leur temps et nous soumettre des idées pour nous aider à améliorer le produit, c’est très excitant. »

En adoptant ce nouveau service, la FSF rejoint d’autres organisations telles qu’Amnesty International, Creative Commons et la Fondation Wikimédia, qui utilisent elles aussi CiviCRM.

Le directeur exécutif Peter Brown décrit comment la FSF utilise logiciel et a l’intention de la donner publiquement en exemple : « Je me réjouis d’encourager les autres associations sans but lucratif à échapper à leur logiciels propriétaires actuels ou à leurs systèmes de « logiciels en tant que service » et à essayer plutôt CiviCRM. La FSF gère plus de 40 000 contacts et 15 000 dons par an, une branche éditoriale, une boutique en ligne et plusieurs sites de campagne auxquels sont associées des listes de diffusions – le tout avec des logiciels libres.

Un système complet de gestion des dons et de relations clients constituera la dernière pièce du puzzle pour les associations caritatives qui désirent n’utiliser que des logiciels libres. Nous prévoyons de publier un guide destiné à faire partager notre expérience à d’autres associations soucieuses de l’aspect éthique de leurs logiciels.

Nathan Yergler, responsable des ressources informatiques de Creative Commons, fait lui aussi l’éloge de cet outil : « CiviCRM est une composante cruciale de l’infrastructure de Creative Commons. Nous avons vu cette application mûrir et s’améliorer au fil du temps, offrir de nouvelles fonctionnalités et des performances meilleures à chaque nouvelle version. La communauté de développeurs de CiviCRM est accessible et réactive, et se met en quatre pour aider ses utilisateurs lorsque c’est nécessaire. Je recommande chaudement CiviCRM aux associations semblables à Creative Commons qui cherchent une solution de GRC. »

Piotr Szotkowski, membre de l’équipe principale de CiviCRM, indique que malgré la maturité du projet, il reste encore du travail gratifiant à accomplir : « Tous ceux qui souhaitent nous aider sont les bienvenus. Contribuer au développement de CiviCRM est source de nombreuses satisfactions, par exemple lorsqu’on sait que le code qu’on a écrit a servi à aider les victimes de l’ouragan Katrina, qu’il aide les associations comme Amnesty International ou Front Line à se battre pour les droits de l’Homme, ou la Fondation Wikimedia à mieux organiser son excellent travail sur Wikipedia et tous ses autres projets. »

Pour savoir où télécharger CiviCRM, comment l’utiliser et comment y contribuer, rendez-vous à l’adresse : http://civicrm.org. Vous trouverez une discussion ayant pour sujet la comparaison des solutions disponibles pour les bases de données libres sur le wiki LibrePlanet de la FSF.

Pour connaître les dangers que représente l’utilisation des « logiciels en tant que service », consulter Who does that server really serve? (NdT : De qui ce serveur est-il vraiment le serviteur ?).




Geektionnerd : CoursDeProfs.fr

Cette semaine, c’est notre billet critique vis-à-vis du projet CoursDeProfs.fr qui a fait réagir à sa manière notre ami Gee…

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)