Le Centre Français d’exploitation du droit de Copie mène l’enquête à l’école

iLoveButter - CC byDans un récent billet intitulé De l’usage des « œuvres protégées » à l’Éducation Nationale, j’évoquais la situation difficile voire parfois carrément ubuesque dans laquelle était placé l’enseignant suite à des accords complexes avec les ayant-droits détenteurs des droits exclusifs d’exploitation.

L’idée générale de ces accords étaient de permettre aux enseignants d’utiliser ces « œuvres protégées » avec leurs élèves sans avoir à demander à chaque fois les autorisations aux ayant-droits quand bien même sous certaines conditions (voir le billet cité plus haut pour juger de la pertinence pédagogique et technique de certaines conditions !). En contrepartie les différentes sociétés de perception et de répartition de droits (selon le média : livre, presse, image, cinéma, musique…) ont reçu en deux ans, de 2006 à 2008, pas moins de quatre millions d’euros de la part du contribuable Ministère de l’Éducation Nationale.

Mais premier problème avec la redistribution de cette somme rondelette. Comment savoir en effet si une ressource donnée a été utilisée par un enseignant afin de justement rémunérer les ayant-droits de cette ressource ?

Pour le savoir les accords prévoyaient ceci :

La reproduction numérique d’une œuvre doit faire l’objet d’une déclaration pour permettre d’identifier les œuvres ainsi reproduites. Cette déclaration consiste à compléter le formulaire mis en ligne à l’adresse suivante.

Second problème, puisqu’à mon humble avis absolument aucun enseignant (ou presque) n’est venu remplir ce formulaire, tout simplement parce que rien n’a été fait pour le prévenir que cela faisait partie de ses « obligations de service ». Et puis quelle fiabilité peut-on accorder à un formulaire qui ne demande aucune identification (l’ayant-droit de la ressource X peut si cela lui chante entrer cinquante fois la ressource X dans le formulaire). Échec prévisible, échec sûrement constaté.

Qu’a cela ne tienne, on trouvait également ce paragraphe dans ces fameux accords :

Les représentants des ayants droit pourront procéder ou faire procéder à des vérifications portant sur la conformité des utilisations d’œuvres visées par l’accord au regard des clauses de l’accord. Les agents assermentés de chaque représentant des ayants droit auront la faculté d’accéder aux réseaux informatiques des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires. Ils pourront contrôler notamment l’exactitude des déclarations d’usage et la conformité de l’utilisation des œuvres visées par l’accord avec chaque stipulation de l’accord.

Je n’ai pas ouïe dire qu’à ce jour des « agents assermentés » soient entrés dans les lycées pour contrôler « l’exactitude des déclarations d’usage et la conformité de l’utilisation des œuvres visées par l’accord ».

Par contre voici le mail que m’a tout récemment envoyé un collègue (le CFC c’est donc le Centre Français d’exploitation du droit de Copie) :

Je suis un lecteur assidu du Framablog et accessoirement, je suis enseignant au lycée. J’avais bien ri (jaune …) en lisant ton billet sur les droits de reproduction d’oeuvres protégées dans notre belle maison. Sauf, qu’aujourd’hui, je ne rigole plus puisqu’on me demande d’endosser le costard d’inspecteur du CFC. En effet, mon établissement a été sélectionné pour participer à une enquête visant à recenser les œuvres copiées sur une durée d’un mois pour évaluer les reversements aux ayant-droits. Chaque prof doit donc se farcir le remplissage d’un tableau (voir copies jointes).

Le plus intéressant est que ce document était accompagné d’une note de notre chef d’établissement dont je ne peux m’empêcher d’en reproduire la dernière phrase : « Dans l’hypothèse où vos documents ne correspondraient pas à l’attente du CFC comme cela s’est passé dans d’autres établissements, le CFC nous demandera de recommencer et de bloquer notre système de photocopie. »

Ca fait froid dans le dos ! En ce qui me concerne, je vais leur rendre très rapidement leur papier en signifiant que je ne reproduis que des documents dont je suis l’auteur et à défaut des documents sous licences libres. Pas sûr que ça corresponde aux attentes du CFC !

Vous trouverez ci-dessous les copies jointes en question permettant à l’enseignant de renseigner l’enquête. Ici point de formulaire en ligne mais du bon vieux papier à remplir à la main en indiquant a chaque fois titre, auteur, éditeur, collection, niveau scolaire, nombre de pages par élèves, nombre d’élèves destinataires et nombre total de photocopies effectuées (ouf !). Dans la première page il est clairement stipulé que « cette enquête est une obligation prévue par le contrat signé entre votre établissement et le CFC (article 6 du Bulletin Officiel n°15 du 8 avril 2004). »

Allons bon, ce n’est pas des accords sectoriels sur l’utilisation des œuvres protégées à des fin d’enseignement et de recherche qu’il s’agit (Bulletin Officiel n°5 du 1er février 2007) mais d’un accord antérieur et spécifique au CFC : Mise en œuvre par les établissements d’enseignement secondaire publics et privés sous contrat du protocole d’accord du 17 mars 2004 sur la reproduction par reprographie d’œuvres protégées.

Ici en fait nous ne sommes plus dans le numérique mais autour de la photocopieuse[1]. Lorsque l’on se rend sur le site du CFC, on est accueilli par le slogan suivant qu’on ne peut pas louper : « photocopier oui, photocopiller non ». C’est le même glissement sémantique que l’on observe avec le « piratage » de la musique, parce que si j’en crois Wikipédia (si, si, j’y crois moi à Wikipédia), voici que ce nous donne l’article pillage : « Le pillage est un acte de guerre qui tient de la destruction et du vol massif, souvent accompagné de viols, et par extension, tout type d’actes civils semblables ».

Toujours est-il que dans le paragraphe « L’accord assure le respect de la loi » de ces accords spécial CFC, on peut lire ceci :

Le droit d’auteur, récemment consacré, comme le droit à l’éducation, par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, est ancré dans la tradition juridique française depuis plus de deux siècles. Il reconnaît notamment à l’auteur le droit d’autoriser toute reproduction de son œuvre et d’obtenir une juste rémunération.

Le développement rapide de la photocopie depuis les années 1970 a conduit à une multiplication des atteintes aux droits des auteurs face à laquelle le législateur est intervenu, par la loi du 3 janvier 1995, pour mettre en place un régime de gestion collective obligatoire qui confie à des sociétés agréées par le ministère de la culture le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction par reprographie de tout type d’œuvre.

Le service public de l’enseignement doit enseigner le respect du droit d’auteur, trop souvent méconnu voire contesté, alors qu’il est essentiel à la vitalité de la création littéraire et artistique. Cela suppose d’abord que l’éducation nationale montre l’exemple en le respectant pleinement elle-même. L’accord conclu avec le Centre français d’exploitation du droit de copie et avec la Société des éditeurs et des auteurs de musique, même s’il ne couvre qu’une partie des utilisations d’œuvres protégées au sein du service public de l’enseignement, apporte une contribution majeure au respect du droit d’auteur dans le cadre de l’enseignement.

Si l’accord traite principalement la question des droits patrimoniaux des auteurs et de leurs ayants droit, il faut rappeler sans cesse l’importance cruciale du respect du droit moral qui est profondément enraciné dans la conception française du droit d’auteur et qui la distingue du copyright anglo-saxon. Il impose de rappeler, à l’occasion de toute utilisation d’une œuvre protégée, le nom de l’auteur, et interdit de porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Ces principes, qui sont inscrits dans les dispositions législatives du code de la propriété intellectuelle, constituent également des principes pédagogiques de base, inscrits dans l’éthique de l’enseignement. Ils se rattachent à l’exigence de rigueur et d’honnêteté intellectuelle qui est au cœur de la mission du service public de l’enseignement.

Certes. Je ne prône pas la « photocopie libre » dans le monde non marchand par excellence qu’est l’école, et je comprends bien les motivations des deux parties qui cherchent là un compromis satisfaisant. Mais de là à en appeler aux « principes pédagogiques de base, inscrits dans l’éthique de l’enseignement »…

J’ai vraiment hâte que les ressources éducatives numériques libres (c’est-à-dire sous licences libres ou en « copyleft ») se développent et se diffusent au sein du corps enseignant. Elles n’en sont qu’à leurs balbutiements, mais le jour où elles auront atteint une certaine masse critique, elles feront voler en éclat ces accord hérités du siècle précédent.

Notes

[1] Crédit photo : iLoveButter (Creative Commons By)




Ubuntu dans le New York Times

Stopped - CC bySamedi dernier Ubuntu a eu l’honneur d’apparaître dans les colonnes du très prestigieux et (encore) très diffusé journal américain New York Times, repris ensuite par le non moins prestigieux mais plus européen International Herald Tribune.

Il s’agissait avant tout de dresser le portrait de son charismatique et atypique père fondateur Mark Shuttleworth. Il n’en demeure pas moins qu’à travers ce prisme c’est non seulement la plus célèbre des distributions GNU/Linux mais également, nous semble-t-il, la communauté du libre dans son ensemble qui se trouve ainsi mise en lumière auprès d’un large public[1].

Dans la mesure où, au-delà de cette reconnaissance de principe, l’article nous a semblé intrinsèquement intéressant, nous avons mis nos plus fins limiers traducteurs sur le coup pour vous le proposer moins d’une semaine après sa parution.

Un bon samaritain du logiciel qui ne fait pas du Windows

A Software Populist Who Doesn’t Do Windows

Ashlee Vance – 10 janvier 2009 – The New York Times
(Traduction Framalang : Goofy et aKa)

On les considère soit comme de misérables casse-pieds soit comme ceux-là même qui pourraient causer la chute de Windows. À vous de choisir.

Au mois de décembre, des centaines de ces développeurs controversés de logiciels étaient rassemblés pour une semaine au quartier général de Google à Mountain View, en Californie. Ils venaient des quatre coins du globe, arborant beaucoup de signes de reconnaissance des mercenaires du code : jeans, queues de cheval, visages hirsutes aux yeux injectés de sang.

Mais au lieu de se préparer à vendre leur code au plus offrant, les développeurs ont conjugué leurs efforts généralement bénévoles pour essayer d’ébranler le système d’exploitation Windows de Microsoft qui équipe les ordinateurs personnels, et dont les ventes ont rapporté près de 17 milliards de dollars l’an dernier.

Le clou de la réunion était une chose appelée Ubuntu et un certain Mark Shuttleworth, le charismatique milliardaire sud-africain, qui tient lieu de chef spirituel et financier de cette tribu des codeurs.

Créé il y a maintenant tout juste quatre ans, Ubuntu (prononcez ou-BOUN-tou) s’est imposé comme la version du système d’exploitation pour Linux dont le développement a été le plus rapide et la notoriété la plus grande, il concurrence Windows avant tout par son très, très bas prix : 0 dollar.

On estime à plus de dix millions le nombre d’utilisateurs d’Ubuntu aujourd’hui, et ils représentent une sérieuse menace pour l’hégémonie de Microsoft dans les pays développés, peut-être même plus encore dans les contrées qui sont en train de rattraper la révolution technologique.

« Si nous réussissons, nous changerons complètement le marché du système d’exploitation,» a déclaré M. Shuttleworth pendant une pause au cours de la rencontre, le sommet des développeurs d’Ubuntu. « Microsoft devra s’adapter, et je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. »

Linux est gratuit, mais il y a toujours moyen de gagner de l’argent pour les entreprises qui gravitent autour du système d’exploitation. Des firmes comme IBM, Hewlett-Packard et Dell installent Linux sur plus de 10% de leurs ordinateurs vendus comme serveurs, les entreprises paient les fabricants de matériel et de services informatiques comme les vendeurs de logiciels Red Hat et Oracle, pour régler tous les problèmes et tenir à jour leurs systèmes basés sur Linux.

Mais Canonical, l’entreprise de Mark Shuttleworth qui élabore Ubuntu, a décidé de se concentrer à court terme sur les PC utilisés au travail et par les gens chez eux.

Les partisans de l’Open Source caressent depuis longtemps le rêve de voir en Linux un puissant rival de Windows, et dans une moindre mesure de l’OS X pour Mac de Apple. Ils proclament haut et fort que les logiciels qui peuvent être librement modifiés par le plus grand nombre peuvent s’avérer moins chers et meilleurs que le code propriétaire produit par des entreprises boulimiques. Cependant, ils ont eu beau faire tout leur possible, les adeptes zélés de Linux n’ont pas réussi à provoquer un usage généralisé de Linux sur les ordinateurs de bureau et les portables. Cet excentrique objet qu’est le logiciel demeure la spécialité des geeks, pas celui des grands-mères.

Mais avec Ubuntu, croient les prosélytes, il se pourrait qu’il en aille autrement.

« Je pense qu’Ubuntu a attiré l’attention des gens sur l’ordinateur de bureau Linux, » a déclaré Chris DiBona, le patron du département des logiciels Open Source chez Google. « S’il existe un espoir pour l’ordinateur de bureau Linux, c’est d’Ubuntu qu’il viendra »

Près de la moitié des 20 000 employés de Google utilisent une version légèrement modifiée d’Ubuntu, plaisamment appelée Goobuntu.

Les gens qui feront connaissance avec Ubuntu pour la première fois le trouveront très proche de Windows. Le système d’exploitation propose une interface graphique agréable, avec des menus familiers et toute la gamme des applications habituelles d’un ordinateur : un navigateur Web, un client courriel, un logiciel de messagerie instantanée et une suite bureautique libre pour créer des documents, des feuilles de calcul et des présentations.

Bien que relativement facile à utiliser pour les familiers de la technologie numérique, Ubuntu – et toutes les autres versions de Linux – peut poser quelques problèmes à l’utilisateur moyen. Beaucoup d’applications créées pour Windows ne fonctionnent pas sous Linux, y compris les jeux les plus populaires et les logiciels de gestion financière, par exemple. Et les mises à jour de Linux peuvent provoquer quelques problèmes dans le système, affectant des fonctions de base comme l’affichage ou la gestion de la carte son.

Canonical a essayé de régler en douceur un grand nombre de problèmes qui empêchaient Linux d’atteindre le grand public. Cette attention portée aux détails dans une version de Linux pour ordinateur de bureau contraste vivement avec les préoccupations des grands distributeurs de systèmes d’exploitation comme Red Hat et Novell. Bien que ces entreprises produisent des versions pour ordinateur de bureau, elles passent le plus clair de leur temps à rechercher de juteux profits sur les serveurs et les centres de traitement des données. Résultat : Ubuntu est apparu comme une sorte de communauté rêvée pour tous ces développeurs de logiciel idéalistes qui se voient comme des acteurs d’une contre-culture.

« C’est tout à fait comparable à ce qu’ont réussi des firmes comme Apple et Google, c’est-à-dire constituer une communauté mais surtout une communauté de passionnés », a dit Ian Murdock, le créateur d’une version précédente de Linux appelée Debian, sur laquelle est bâti Ubuntu.

Les entreprises de technologie grand public ont pris bonne note de la vague d’enthousiasme autour d’Ubuntu. Dell a commencé à vendre des PC et des ordinateurs de bureau avec ce logiciel dès 2007, et IBM a commencé plus récemment à proposer Ubuntu en tête d’un lot d’applications qui rivalisent avec Windows.

Canonical, implanté à Londres, a plus de 200 employés à temps plein, mais sa force de travail entière s’étend bien au-delà, grâce à une armée de bénévoles. L’entreprise a invité à ses frais près de 60 d’entre eux à assister à une réunion de développeurs, en considérant qu’ils étaient des contributeurs importants du système d’exploitation. 1000 personnes travaillent sur le projet Debian et mettent leur logiciel à la disposition de Canonical, tandis que 5000 diffusent sur Internet les informations sur Ubuntu, et 38000 se sont enregistrés pour traduire le logiciel en diverses langues.

Lorsqu’une nouvelle version du système d’exploitation est disponible, les fans d’Ubuntu se ruent sur Internet, sur les sites Web souvent dépassés par les événements qui distribuent le logiciel. Et des centaines d’autres organisations, surtout des universités, aident également à la distribution.

La société de recherche en hautes technologies IDC estime que 11% des entreprises américaines utilisent des systèmes basés sur Ubuntu. Ceci dit, la majeure partie des adeptes d’Ubuntu est apparue en Europe, où l’hégémonie de Microsoft a dû subir un sévère contrôle politique et juridique.

Le ministère de l’éducation de Macédoine fait confiance à Ubuntu, et fournit 180000 copies du système d’exploitation aux écoliers, tandis que le système scolaire espagnol procure 195000 portables Ubuntu. En France, l’Assemblée Nationale et la Gendarmerie Nationale (un corps militaire chargé de missions de police) sont équipés ensemble de 80000 ordinateurs sous Ubuntu. « Le mot libre était très important », précise Rudy Salles (NdT : Difficile ici de savoir si il s’agit de « free » dans le sens de « libre » ou de « gratuit », sûrement un peu des deux), le vice-président de l’Assemblée, en observant que cet équipement a permis au corps législatif d’abandonner Microsoft.

Il ne fait aucun doute que la croissance rapide d’Ubuntu ait été aidée par l’enthousiasme qui a entouré Linux. Mais c’est M. Shuttleworth et son mode de vie décoiffant qui ont surtout suscité un intérêt dont bénéficie Ubuntu. Alors qu’il préfère se vêtir sans façons à la manière des développeurs, certaines de ses activités, notamment un voyage dans l’espace, sortent de l’ordinaire.

« Bon, j’ai une vie très privilégiée, d’accord… » dit M. Shuttleworth. « Je suis milliardaire, célibataire, ex-cosmonaute. La vie pourrait difficilement être plus belle pour moi. Être un fondu de Linux rétablit une sorte d’équilibre.»

M. Shuttleworth a commencé à fonder sa fortune juste après avoir obtenu un diplôme de commerce de l’Université du Cap en 1995. Il payait ses factures en gérant une petite entreprise de conseil en technologie, en installant des serveurs Linux pour que des compagnies puissent faire tourner leur site Web, et autres services de base. Son goût pour le commerce et ses connaissances acquises dans les technologies numériques l’ont incité à miser sur l’intérêt croissant de l’Internet. « Je suis plus un universitaire qu’un marchand de tapis prêt à tout pour faire des coups », dit-il. J’étais très intéressé par la façon dont Internet modifiait le commerce et j’étais résolu à aller plus loin encore.»

M. Shuttleworth décida de lancer en 1995 une entreprise appelée Thawte Consulting (NdT : à prononcer comme « thought » la pensée), qui proposait des certificats numériques, un système de sécurité utilisé par les navigateurs pour vérifier l’identité des entreprises de commerce en ligne. À l’âge de 23 ans, il rendit visite à Netscape pour promouvoir un standard généralisé de ces certificats. Netscape, qui était alors le navigateur Web dominant, prit une participation, et Microsoft, avec son navigateur Internet Explorer, en fit autant.

Quand la folie du point.com (NdT : La bulle internet) se déclencha, des entreprises se montrèrent intéressées par cette boîte implantée en Afrique du Sud qui faisait du profit. En 1999, VeriSign, qui gérait un grand nombre de services structurels pour Internet, acheta Thawte pour 575 millions de dollars. (M. Shuttleworth avait décliné une offre à 100 millions de dollars quelques mois plus tôt.) Comme il était le seul détenteur de la société Thawte, M. Shuttleworth, fils d’un chirurgien et d’une institutrice de jardin d’enfant, s’est retrouvé très riche à 26 ans à peine.

Alors que peut bien faire un millionaire fraîchement éclos ? M. Shuttleworth a regardé vers les étoiles. En versant une somme évaluée à 20 millions de dollars aux autorités russes, il s’est offert un voyage de 10 jours dans l’espace à bord de la station spatiale internationale Soyouz TM-34, en 2002, devenant ainsi le premier « afronaute », comme l’a appelé la presse. « Après la vente de la société, il ne s’agissait pas de se vautrer sur des yachts avec des bimbos » a-t-il dit. « Il était très clair que j’étais dans une situation exceptionnelle qui me permettait de choisir de faire des choses qui auraient été impossibles sans cette fortune. »

Dans les années qui ont suivi, M. Shuttleworth a soutenu des startups et des organisations humanitaires. Grâce à ses investissements aux États-Unis, en Afrique et en Europe, il dit avoir amassé une fortune de plus d’un milliard de dollars. Il passe 90% de son temps, cependant, à travailler pour Canonical, qu’il considère comme un autre projet destiné à reculer les limites du possible.

« Je me suis bien débrouillé dans mes investissements, dit-il, mais cela n’a jamais été pleinement satisfaisant. J’ai peur d’arriver à la fin de ma vie en ayant l’impression de n’avoir rien bâti de sérieux. Et réaliser quelque chose que les gens pensaient impossible est un défi excitant ».

Le modèle choisi par Canonical permet cependant difficilement d’en tirer économiquement profit.

Beaucoup de compagnies Open Source offrent gracieusement une version gratuite de leur logiciel avec quelques limitations, tout en vendant la version intégrale accompagnée des services additionnels qui assurent au produit sa mise à jour. Canonical offre tout, y compris son produit phare, et espère que quelques entreprises vont alors se tourner vers lui pour acheter des services comme la gestion de grands parcs de serveurs et d’ordinateurs, au lieu de gérer ça elles-mêmes avec des experts maison.

Canonical dispose d’une autre source de revenus avec des compagnies comme Dell qui vendent des ordinateurs avec Ubuntu installé, et qui contribuent au logiciel avec des projets technologiques tels que l’implantation de fonctions propres à Linux sur les portables. L’un dans l’autre, le chiffre d’affaires de Canonical doit s’approcher des 30 millions de dollars par an, selon M. Shuttleworth. Un chiffre qui n’a pas de quoi inquiéter Microsoft.

Mais M. Shuttleworth défend l’idée que 30 millions de dollars par an est un revenu qui se suffit à lui-même, juste ce dont il a besoin pour financer les mises à jour régulières d’Ubuntu. Et un système d’exploitation qui s’auto-finance, dit-il, pourrait bien changer la manière dont les gens perçoivent et utilisent le logiciel qu’il ont chaque jour sous les yeux.

« Sommes-nous en train de répandre la paix sur le monde ou de le changer radicalement ? Non », dit-il. « Mais nous pouvons faire évoluer les attentes des gens et le degré d’innovation qu’ils peuvent espérer pour chaque dollar dépensé. »

On estime que Microsoft emploie depuis 5 ans 10000 personnes sur Vista, son nouveau système d’exploitation pour ordinateur de bureau. Le résultat de cet investissement qui se chiffre en milliards de dollars est un produit arrivé trop tard sur le marché, et que les critiques ont descendu en flammes.

Dans le même temps, Canonical publie une nouvelle version d’Ubuntu tous les six mois, en ajoutant des fonctionnalités qui tirent parti des dernières avancées fournies par les développeurs et les fabricants de composants comme Intel. Le modèle de développement de la société c’est avoir une longueur d’avance sur Microsoft, à la fois sur les prix et sur des fonctions qui lui ouvrent de nouveaux marchés.

« Il est pour moi tout à fait clair que la démarche Open Source aboutit à de meilleurs résultats,» dit M. Shuttleworth. De tels propos venant d’un homme désireux de financer un logiciel pour les masses – et par les masses – confortent ceux qui voient dans l’Open Source plus une cause à défendre qu’un modèle économique.

Sur son temps libre, Agostino Russo par exemple, qui travaille à Londres pour un fonds d’investissement chez Moore Europe Capital Management, a conçu une application appelée Wubi qui permet d’installer Ubuntu sur des ordinateurs tournant sous Windows.

« J’ai toujours pensé que l’Open Source était un mouvement socio-économique très important » dit M. Russo.

Mais en fin de compte, plusieurs aspects de l’entreprise de M. Shuttleworth paraissent encore chimériques. Linux demeure mal dégrossi, et le modèle économique de Canonical le rapproche plus d’une organisation humanitaire que d’une entreprise en passe de devenir un poids lourd de l’édition logicielle. Et même si Ubuntu, produit Open Source, s’avère un succès phénoménal, le système d’exploitation sera largement utilisé pour tirer parti de services en ligne propriétaires proposés par Microsoft, Yahoo, Google et les autres.

« Mark est tout à fait sincère et il croit véritablement à l’Open Source » dit Matt Asay, un chroniqueur des technologies Open Source qui dirige la société de logiciels Alfresco. « Mais je pense qu’à un moment donné il va passer par une remise en question de son credo. » M. Asay se demande si Canonical pourra faire vivre durablement sa philosophie du « tout est offert » et « tout est ouvert ».

Canonical ne montre pourtant pas de signe avant-coureur de ralentissement ni d’inflexion de sa trajectoire. « Nous avons déjà une idée claire du terrain sur lequel il nous faut concurrencer Windows », dit M. Shuttleworth. « Maintenant la question est de pouvoir créer un produit élégant et épatant. »

Dans sa vie privée, il continue de tester tout ce qui est possible, demandant par exemple qu’une connexion par fibre optique soit installée chez lui, à la frontière des quartiers chics de Londres que sont Chelsea et Kensington. « Je veux savoir ce que ça fait d’avoir une connexion à un gigaoctet chez soi », dit-il. « Ce n’est pas que j’aie besoin de regarder du porno en haute définition mais parce que je veux voir en quoi ça modifie notre comportement. »

Il affirme que Canonical n’est pas simplement une entreprise de bienfaisance menée par un individu qui a du temps, de l’argent et la volonté de s’attaquer à Microsoft bille en tête. Son idéal est de faire d’Ubuntu le standard pour un ou deux milliards d’êtres humains qui vont bientôt s’acheter un ordinateur personnel.

Notes

[1] Crédit photo : Stopped (Creative Commons By)




De l’évidence du choix Microsoft à l’Éducation Nationale

Outre la question des formats, le problème avec les sites de vidéos en ligne c’est qu’on ne sait jamais trop bien d’où provient la ressource et sous quelle licence est autorisée la diffusion (quand elle est autorisée !). Toujours est-il que je suis tombé sur une vidéo qui s’apparente fort à un reportage de promotion interne de Microsoft dans le secteur éducatif.

La société nous présente là en effet sa solution ENT-E dans le cadre des Espaces numériques de travail (ENT) qui commencent à se déployer un peu partout dans les académies.

Il y a aurait beaucoup à dire sur ces ENT, à commencer par rappeler qu’on en parle depuis plus de cinq ans, mais ce sera l’objet d’un futur billet. En attendait je vous laisse juge de la manière dont Sylvain Geron, Manager Éducation et Recherche chez Microsoft France, nous vend le sien :

Concrètement l’ENT-E c’est un portail web qui permet au chef d’établissement, à l’élève, à ses parents d’échanger entre eux des contenus. Par exemple le professeur peut mettre des contenus relatifs à un TP sur internet, l’élève peut les préparer depuis chez lui, peut poser des questions, le parent peut suivre le travail de l’élève, regarder ses notes… Le chef d’établissement peut faire des statistiques sur les notes ou vérifier les taux de présence des différents élèves dans l’établissement. Finalement l’ENT-E permet à toutes ses catégories de personnes de se retrouver ensemble autour de l’élève sur internet.

Puis une voix off qui tourne brillamment autour du pot du logiciel libre :

Microsoft propose aux collectivités territoriales une solution adaptée à leurs besoins grâce à un code spécifiquement développé pour créer un ENT. La preuve en est la mise à disposition gratuite de ce code spécifique, la possibilité de modification et de distribution dans les académies.

Et Sylvain Geron d’ajouter :

L’ENT-E s’appuie sous le code qui a été développé sur des briques de bases des produits Microsoft, et bien évidemment plus de gens utiliseront l’ENT-E plus les produits Microsoft sous-jacents seront utilisés.

Cela va sans dire mais cette franchise vous honore…

Mais ce qui a provoqué la rédaction de ce billet c’est l’ultime intervention que nous devons à Claudine Colomina, conseillère pour les TIC à l’académie de Montpellier, qui répondait visiblement à la question du choix Microsoft :

Pourquoi Microsoft ? Heu… Le problème ne s’est… on en a souvent discuté… le problème ne s’est absolument pas posé dans l’Académie. Il était évident que l’on voulait travailler sur des outils pérennes, sur du solide, que nous n’avions pas d’équipes de développement qui nous permettaient de travailler sur du libre par exemple, qu’il fallait un suivi dans toutes les activités, dans tout ce que l’on allait construire. Et il n’a jamais été question d’envisager un autre partenariat qu’avec Microsoft pour ce faire.

Et voici enfin la vidéo dont il est question dans tout ce billet :

Si un enseignant initié de Montpellier (ou d’ailleurs) passe par là, nous le remercions par avance des précisions qu’il pourrait apporter, parce que cette histoire « d’équipes de développement permettant ou non de travailler sur du libre » ne me semble pas très claire…

Edit du lundi 12 janvier : « L’initié » est bien intervenu en la personne de Benjamin Clerc qui précise dans les commentaires : « Je suis dans l’académie de Montpellier, chargé de mission à la Matice. Cette vidéo date … Mme Colomina est à la retraite depuis plus d’un an et c’est bien une solution libre qui a été retenue dans l’académie de Montpellier (en relation avec les académies de Bordeaux, Orléans et Lille), basée sur e-sup portal. »




En 2009 avec la Free Software Foundation

Angela7dreams - CC byCertains critiquent leur radicalité, d’autres les admirent pour cela. Quoi qu’il en soit, nous sommes de ceux qui pensent que la situation actuelle du logiciel libre doit beaucoup au travail de la Free Software Foundation et de son président Richard Stallman.

C’est pourquoi nous avons choisi de traduire et relayer leur récent appel à soutien dans un article qui en profite pour faire le point sur de nombreuses actions passées et à venir (DRM, Vista, formats OGG et ODF, brevets, matériels…) qui sont autant de témoignages du dynamisme et du volontarisme de la fondation[1].

La Grande offensive 2009 – Appel de la Free Software Foundation

The Big Push 2009 – Free Software Foundation Appeal

Peter T. Brown – 14 décembre 2008 – FSF.org
(Traduction Framalang : Don Rico et Olivier)

Chers partisans du Logiciel Libre,

Notre communauté a accompli d’immenses avancées en créant des outils qui favorisent la communication et la liberté, et qui influent en profondeur sur la vie de tout un chacun. Le logiciel libre est devenu un modèle démontrant que notre société peut avancer de façon collaborative et, parmi ceux qui défendent ces idéaux, les membres de notre communauté sont à la pointe de la lutte.

La revendication, la diplomatie et l’éducation représentent une composante essentielle du travail qu’effectue la Free Software Foundation pour la communauté, mais afin d’ouvrir la voie à une adoption plus large du logiciel libre, notre œuvre doit aussi dépasser les frontières de cette seule communauté. Nous parvenons à toucher un public plus large grâce à des campagnes d’envergure touchant aux questions éthiques associées à nos préoccupations, telles que Defective by Design, campagne visant à faire disparaître les DRM, qui a eu une grande portée sur la perception qu’a le public des verrous numériques appliqués à la musique, aux jeux, aux livres électroniques et aux vidéos. Par ailleurs, tandis qu’applications Internet et autres services en ligne gagnent en popularité et en commodité, nous œuvrons pour qu’on n’impose pas aux utilisateurs de l’outil informatique d’abandonner leur liberté afin d’en bénéficier. La publication de notre licence GNU Affero General Public Licence (AGPL) et les pourparlers que nous menons actuellement avec le groupe autonomo.us constituent des fondations solides pour aborder cette question et aider la communauté à développer davantage d’alternatives libres pour le bien de la société.

La communauté du logiciel libre doit aujourd’hui se pencher sur de nombreuses problématiques : votre employeur ou votre établissement scolaire exige-t-il de vous que vous utilisiez des logiciels Microsoft ? Exige-t-on de vous l’utilisation de formats propriétaires lors de vos échanges avec votre banque ou certaines administrations ? Forme-t-on vos enfants à l’utilisation de produits Microsoft ou Apple au lieu de leur apprendre à avoir le contrôle de leur ordinateur ?

En tant que défenseurs du logiciel libre, nous pouvons bousculer ce statu quo et contester l’argument fallacieux voulant qu’il soit plus commode d’utiliser les outils intrusifs des entreprises de logiciel propriétaire, car nos chances d’obtenir de grands changements n’ont jamais été meilleures :

La Free Software Foundation, dans le cadre de sa campagne End Software Patents (ESP) (NdT : Non aux brevets logiciels) a remis un dossier d’amicus curiae à la cour d’appel du Tribunal Fédéral des États-Unis (CAFC) lors de son audience en banc dans l’affaire Bilski, au terme de laquelle le jugement Bilski a battu en brèche, voire rendu techniquement nul, le jugement State Street qui en 1998 avait ouvert les vannes de la brevetabilité des logiciels et des idées commerciales. Les légions de brevets logiciels utilisés pour menacer les développeurs qui écrivent des logiciels destinés aux distributions GNU/Linux fonctionnant sur les ordinateurs personnels ont, en théorie, été balayées. Le jugement Bilski représente sans nul doute une percée capitale pour le logiciel libre et une victoire pour notre campagne, et grâce à ce jugement nous sommes en mesure de réduire les menaces auxquelles sont confrontées les institutions qui envisagent de passer au logiciel libre.

Des distributions 100% libres, telle la distribution gNewSense, soutenue par la FSF, sont désormais opérationnelles, ce qui semblait hors d’atteinte il y a quelques années à peine. Grâce au travail que nous avons accompli en 2008 auprès de SGI, on peut enfin bénéficier de l’accélération graphique 3D avec des logiciels libres et gNewSense.

Après la mise à jour de notre liste de projets prioritaires, il ressort que le nombre de logiciels propriétaires pour lesquels il n’existe pour l’instant pas de solution de remplacement libre et pour lesquels les utilisateurs estiment qu’on leur force la main se réduit. Une nouvelle preuve si elle était nécessaire que nous attaquons ce problème sur tous les fronts.

Des fabricants de matériel favorables au logiciel libre nous ont offert le premier smartphone sous logiciel libre, le Neo FreeRunner. Le projet OLPC, quant à lui, a débouché sur la création du premier ordinateur portable tournant sous logiciel libre, le XO, lequel a rapidement crée un marché pour les ultraportables à bas prix, marché sur lequel les contraintes économiques ont fait de GNU/Linux une solution incontournable. Depuis quelques mois, les administrateurs système de la FSF travaillent sur le prochain portable Lemote, machine adaptée aux logiciels libres qu’utilise Richard Stallman et qui, nous l’espérons, sera bientôt largement disponible dans le commerce. La possibilité d’acheter du matériel adapté au logiciel libre n’a jamais été aussi grande.

La FSF ne cesse de mener des campagnes pour promouvoir les formats et les standards libres et ouverts. Notre campagne en faveur des codecs audio et vidéo libres porte ses fruits, et le navigateur de Mozilla, Firefox, prendra bientôt nativement en charge le format Ogg, nous offrant ainsi une possibilité sans précédent de promouvoir les codecs libres. Notre action en association avec de nombreux partenaires en faveur du format OpenDocument (ODF) et contre l’OOXML de Microsoft a été couronnée de succès, de nombreux pays ayant adopté des politiques pro-ODF.

Nous avons fêté en 2008 le 25ème anniversaire du projet GNU, avec une vidéo du comédien britannique Stephen Fry qui a fait un tabac. Stephen Fry y fournit un rappel salutaire de notre conception alternative de la technologie, selon laquelle on ne troque pas sa liberté contre une certaine commodité mais on soutient au contraire le développement d’outils qui rendent la société meilleure. Plus d’un million de personnes ont visionné ce film, traduit en 32 langues.

Mises bout à bout, ces percées sont importantes car elles nous donnent l’occasion d’écarter les arguments de ceux qui avancent un soi-disant côté pratique pour promouvoir les outils intrusifs des sociétés à visées monopolistiques, et de soulever des questions vitales auprès de nos employeurs. Pourquoi utilisons-nous ce logiciel propriétaire qui nous rend dépendants de cette entreprise alors que nous pourrions utiliser des logiciels libres qui nous rendraient la maîtrise de nos outils ? Ces avancées nous permettent d’exiger des administrations qu’elles fonctionnent avec des outils ouverts. Pourquoi les administrations de mon pays me forcent-elles à acquérir le logiciel d’une entreprise commerciale alors qu’il existe des formats ouverts fonctionnant avec des logiciels libres ? Et pourquoi tel ou tel établissement scolaire accepte-t-il qu’une entreprise commerciale lui offre des logiciels propriétaires qui mettent des chaînes à l’éducation de mes enfants au lieu d’utiliser des logiciels libres qui leur donneraient la possibilité d’avoir la maîtrise de la technologie dont ils se servent pour apprendre ?

Soutenez dès à présent notre grande offensive pour porter ces questions au premier plan en 2009.
Devenez membre ou faites un don.

Cordialement,

Peter T. Brown
Directeur exécutif de la Free Software Foundation

Notes

[1] Crédit photo : Angela7dreams (Creative Commons By)




Vivre libre ou mourir, ou s’adapter pour survivre ?

Wili Hybrid - CC byQuand un petit malin demande à Richard Stallman ce qu’il pense de la piraterie, on peut s’attendre à une réponse bien sentie… et on aura raison ! Avec l’humour qu’on lui connaît, Stallman en profite pour dénoncer les licences restrictives, les pratiques intrusives des éditeurs de logiciels propriétaires (ou comme il se plaît à les appeler, "privateurs"), et l’amalgame entre partage et vol.

Mais la question, plus vaste, que pose cet article du Deccan Herald, est celle du rapport entre logiciel libre et logiciel propriétaire, et de l’opposition entre deux conceptions assez opposées. À l’avis tranché de Stallman (rejet pur et simple des logiciels propriétaires), s’oppose celui de Jimmy Wales, créateur de Wikipédia, selon qui l’un doit se nourrir de l’autre.[1]

Alors, refus de tout compromis ou adaptation pour la survie de l’espèce, tel est le sujet de réflexion que nous vous proposons avec cette traduction signée Framalang.

Darwinien ou marxiste ?

Darwinian or Marxist

L. Subramani – 17 décembre 2008 – Deccan Herald
(Traduction Framalang : Goofy, Don Rico et Olivier)

Que pensez-vous de la piraterie ? Richard Stallman, considéré comme le père du mouvement pour le logiciel libre, a donné à cette question une réponse amusante et qui donne à réfléchir. « La piraterie, » a déclaré Stallman lors d’une conférence à Bangalore au mois de décembre 2008, « c’est très mal, parce que c’est mal de s’attaquer à des bateaux en mer. »

Comme la personne qui l’interrogeait était tenace et précisait que la question portait sur la piraterie dans le sens de piratage de logiciels et de musique, Stallman a donné une réponse meilleure encore : « Les pirates ne s’attaquent jamais à des navires avec des logiciels et de la musique, mais avec des canons. »

D’après Stallman, le piratage est un des termes inventés pour attaquer la liberté et la « solidarité d’une communauté », et ce terme doit être rejeté. « Rompre un accord n’est pas correct, mais si un distributeur de logiciels assimile votre désir de partager ce que vous aimez avec vos amis à l’attaque d’un navire, cette idée mérite d’être dénoncée. » a-t-il déclaré, sous les applaudissements de l’assistance.

Sans nul doute, l’idée de logiciel « libre » invite à concevoir le développement et la distribution de logiciel du point de vue de l’utilisateur. La liberté d’utiliser le code, d’en étudier la source, de la modifier, de la partager, d’en distribuer des copies à d’autres, voilà qui s’adresse à l’utilisateur. Mais dans quelle mesure de telles libertés peuvent-elles être exigées dans une ère dominée par les marques déposées et les technologies « juteuses », voilà une question toujours en suspens après tous les arguments convaincants donnés çà et là.

En fait, Stallman lui-même n’a rien contre l’idée de faire du profit en vendant des logiciels, mais il veut que ceux qui développent et distribuent ces produits s’en tiennent rigoureusement à cet ensemble de « libertés ». Il est possible qu’il ait raison de prétendre que les gens sont tellement préoccupés d’acheter ce qui peut tourner sur leur machine qu’ils en oublient leurs droits. Mais on ne peut s’empêcher de se demander s’il est vraiment condamnable que des vendeurs de produits surveillent le système de leurs clients pour s’efforcer de mieux les satisfaire ou pour les empêcher de distribuer leur copie – ce qui est le seul moyen dont ils disposent pour s’assurer de la vente du logiciel.

Comme le fait remarquer Stallman lui-même, on ne se soucie que trop rarement des implications de la licence d’un logiciel. Jusqu’à une période assez récente, beaucoup ne se préoccupaient pas, lorsqu’ils revendaient leur vieux PC, de ce qu’ils risquaient en négligeant d’effacer toutes leurs données personnelles de disque dur. Les experts ont souvent signalé les dangers encourus en signant la « politique de confidentialité » des services en ligne sans la lire vraiment. Mais devrions-nous être « radicaux » dans notre réaction, comme le suggère Stallman, au point de rejeter les logiciels propriétaires et de nous abandonner corps et âme au logiciel libre ? La réponse est venue le même soir de Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia, la plus grande base de connaissance au monde. Wales a élaboré la meilleure application pratique des idées de Stallman en faisant de Wikipedia une plateforme ouverte pour créer, partager et modifier des contenus.

Bien que Wales admette être tout à fait « Stallmanien » dans ses convictions, il reconnaît être moins radical dans le développement d’un système d’accès au savoir en ligne qui comporte des contenus en plus de 200 langues, et rivalise avec de très puissantes institutions comme l’Encyclopædia Britannica.
« Le logiciel libre est une façon de concevoir la création et la distribution de contenu », déclare Wales. « Il existe souvent une tension entre les deux modèles (le libre et le propriétaire). Nous ne pouvons concevoir, par exemple, qu’un individu seul puisse créer un système de logiciels qui serait vendu des millions de dollars. C’est aussi absurde que de croire que de grands distributeurs vont créer des logiciels complètement Open Source. Donc d’une manière ou d’une autre ils doivent apprendre à co-exister. »

Et il existe des raisons de penser que les modèles du logiciel libre et celui du logiciel propriétaire peuvent co-exister. Il est difficile, par exemple, de rejeter l’argument de Stallman suivant lequel l’enseignement dispensé aux enfants à l’école devraient s’appuyer sur les logiciels libres de telle manière qu’ils ne soient pas excessivement dépendants d’un seul système propriétaire.
De la même façon qu’ils apprennent ce que sont les feuilles des plantes en les observant de près, ils peuvent apprendre le fonctionnement d’un logiciel en étudiant son code source, ce qui est possible avec un logiciel libre.

Mais il est aussi difficile de concevoir le développement de logiciels sans un modèle propriétaire. Une solution serait qu’une majorité d’utilisateurs insistent auprès des fabricants de logiciels pour qu’ils soient moins intrusifs. Stallman prétend que les entreprises commerciales devraient faire plus que protéger leurs propres intérêts.

« Les entreprises commerciales doivent fournir des produits utiles aux utilisateurs sans les tenir en otage au moyen de pratiques inacceptables », dit Stallman. « Aujourd’hui, les logiciels installent des programmes espions pour savoir ce que fait l’utilisateur, et les fabricants contraignent les usagers à créer du contenu avec leurs programmes, au lieu de leur vendre une copie de leur logiciel. De telles pratiques compromettent les droits de l’utilisateur, et nous devons insister auprès des fabricants pour qu’ils soient au contraire respectés. » À quel point les fabricants seront-ils réceptifs à ces propos, voilà ce que tout le monde se demande.

Notes

[1] Crédit photo : Wili Hybrid (Creative Commons By)




Licences Creative Commons, reprise des débats !

Kevindooley - CC byDans un billet précédent, aKa constatait que les utilisateurs des licences Creative Commons (ou CC) optaient dans leur grande majorité pour les clauses les plus restrictives qu’elles proposent.

C’est justement le cas de Ryan Cartwright, auteur régulier de billets sur le Free Software Magazine (FSM), surtout connu pour The Bizarre Cathedral, sa série de comic strips ayant pour sujet le monde de GNU/Linux et des logiciels libres. Cartwright a choisi de publier ses vignettes sous la licence CC BY-NC-SA, c’est-à-dire en bon français Attribution / Pas d’utilisation commerciale / Partage à l’identique[1].

Certains ont reproché ce choix à Cartwright, avançant que ces clauses restrictives allaient à l’encontre de l’esprit du logiciel libre et de ses quatre libertés. Dans un billet publié sur le FSM, dont nous vous proposons la traduction, Cartwright a répondu à ces critiques et justifié son choix, expliquant que selon lui des licences adaptées au code et aux logiciels ne pouvaient pas forcément s’appliquer à des œuvres de création, et que ces clauses permettaient surtout de protéger « l’utilisateur final », dans ce contexte le lecteur de The Bizarre Cathedral.

En bonus, je vous livre une traduction à la volée d’une précision sur les arguments de Cartwright publiée sur le site des Creative Commons par Rob Myers (dessinateur, auteur et bidouilleur membre de la FSF et du CC Network) :

Définir la clause SA comme une restriction comparable à la clause NC est une rengaine à la mode, mais erronée. Cartwright en convient mais finit tout de même par écrire que les deux clauses reviennent au même.
Ce n’est pas de la perspicacité, c’est un vieux bobard éculé. La clause SA empêche que soient ajoutées plus tard des restrictions supplémentaires, et la clause NC est une restriction supplémentaire. Qu’y a-t-il de difficile à comprendre ?

Pourquoi la licence de The Bizarre Cathedral est-elle « non libre » ?

Why is the Bizarre Cathedral Licence "Non-Free"

Ryan Cartwright – 21 octobre 2008 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Joan, Don Rico et Olivier)

Depuis plusieurs semaines je crée les petites bandes dessinées The Bizarre Cathedral pour le magazine Free Software Magazine. Chacun d’entre eux est mis à disposition sous une licence Creative Commons BY-NC-SA : Paternité – Pas d’utilisation commerciale – Partage des conditions initiales à l’identique. J’ai récemment reçu quelques mails arguant du fait que c’est une licence « non-libre » et remettant en question l’usage que j’en fais ici. Certains de ces mails sont très polis, d’autres m’ont demandé de changer immédiatement la licence (sous-entendu « ou sinon… »). Je ne vais pas modifier la licence, et voici pourquoi.

Les quatre libertés s’appliquent au logiciel, pas à l’art

Les quatre libertés ne peuvent s’appliquer aux travaux créatifs – et particulièrement à quelque chose comme une bande dessinée. Il n’y a pas de code source que les utilisateurs pourraient étudier et modifier. Le copyleft par contre peut s’appliquer aux projets artistiques et les licences Creative Commons sont la forme la plus courante de licences copyleft appliquées à des œuvres artistiques. La FSF (à laquelle la plupart de mes correspondants semblent faire référence dans leurs arguments) indique que les licences Creative Commons sont incompatibles avec la GNU GPL ou la GNU FDL.

Chacun de ceux qui m’ont écrit à propos du choix de la licence pense que le problème réside dans la clause « Pas d’utilisation commerciale » (NC). Apparemment je passe du côté « non-libre » en stipulant aux lecteurs qu’ils ne doivent pas vendre mes travaux. Ce que je ne comprends pas, c’est comment les clauses « Partage des conditions initiales à l’identique » et « Paternité » sont plus libres. En 2004, quand le projet Xfree86 – serveur graphique X-Window – à l’époque omniprésent – a ajouté une nouvelle clause à sa licence indiquant qu’une mention de paternité dans le code ne pouvait être retirée, la communauté du logiciel libre s’est mise en action. Il me semble me souvenir que « scandale » était un mot très en vogue à l’époque. Le projet (libre) X.Org fit un fork et devint le serveur de choix. Pourquoi donc une clause de paternité est-elle libre dans le monde de l’art mais pas dans celui du logiciel ?

Tant qu’on y est, la clause « Partage des conditions initiales à l’identique » ne restreint-elle pas également la liberté ? Ne devrait-on pas avoir le droit de distribuer The Bizarre Cathedral sous la licence de son choix ? Certains clament que la licence GNU-GPL n’est pas vraiment libre car le copyleft restreint la liberté des utilisateurs à redistribuer le logiciel. La même chose peut s’appliquer aux licences CC.

Au bout du compte, la recherche de la liberté absolue pour une licence débouche sur une seule conclusion : pas de licence ou domaine public. « Faites-en ce que vous voulez », tel est le message des travaux du domaine public.

Pourquoi j’utilise cette licence « non-libre »

Il existe parfois de bonnes raisons de limiter les libertés de certains pour assurer une plus grande liberté pour tous. C’est la raison pour laquelle on met les assassins en prison – leur liberté est réduite pour assurer au plus grand nombre la liberté de vivre sans être assassiné (en tous cas, c’est la théorie). Le copyleft procède de la même logique, en réduisant certaines libertés lors de la redistribution, il assure une plus grande liberté pour les utilisateurs finaux. C’est pourquoi j’ai choisi la licence CC BY-NC-SA pour The Bizarre Cathedral.

  • BY car je souhaite que les personnes qui obtiennent un seul épisode puissent venir apprécier les autres ici, à FSM.
  • SA car je souhaite que tout le monde ait le même accès aux comic strips.
  • NC car je souhaite que les gens puissent les apprécier sans aucune dépense. Je suis payé pour les faire, donc je veux qu’ils puissent être appréciés sans coût.

Pour préciser davantage mon sentiment sur la clause NC, je ne suis pas foncièrement opposé à la revente de mes travaux, mais par le passé j’ai découvert que certains se les appropriaient et en demandaient des sommes indécentes. Cela a réduit la portée et l’impact du projet. Plus jamais ça. Les licences CC permettent de retirer chaque restrictions que j’impose sur mes travaux sur simple demande. Donc, si vous souhaitez en vendre un, ou une œuvre dérivée, contactez-moi et nous en discuterons. Comme mentionné plus haut, je n’ai pas d’objections à ce qu’on demande de l’argent pour ce que je fais, j’exige simplement qu’on obtienne d’abord ma permission expresse.

Certains ont été un peu troublés par tout ce ramdam autour de la catégorisation « non-libre » due à la clause NC. Pour résumer, voici ce que vous pouvez faire avec les comic-strips The Bizarre Cathedral :

  • Les redistribuer et les partager
  • Les traduire
  • Les utiliser dans d’autres projets
  • Les étudier et les savourer

Vous pouvez faire tout ça à condition de :

  • indiquer la source des originaux
  • ne pas faire payer ceux à qui vous les proposez

La liberté a énormément de valeur à mes yeux : j’écris du logiciel libre, j’écris pour Free Software Magazine, et j’encourage la liberté dans la vie de tous les jours. Je suis en désaccord sur le fait que la clause NC à elle seule rend « non-libre » cette licence. Je dirais plutôt « moins libre » mais je maintiens qu’en soi elle n’est pas vraiment moins libre que les clauses BY ou SA ou que le copyleft. La GPL est-elle « non-libre » parce qu’on ne peut pas l’associer avec une librairie non copyleftée, ou est-elle seulement moins libre que la LGPL ?

Pour finir, et pour que ce soit clair pour tout le monde, The Bizarre Cathedral restera sous licence CC BY-NC-SA pour l’instant.

Notes

[1] Crédit photo : Kevindooley (Creative Commons By)




Les drôles de conseils du site Educnet

Zara - CC by-saNous le savons, et n’ayons pas peur de paraphraser les Beatles pour appuyer notre propos (et montrer toute l’étendue de notre culture), « logiciel libre » et « éducation » sont des mots qui vont très bien ensemble.

Voici ce qu’en disait récemment le Département de l’instruction publique du canton de Genève : « Dans sa volonté de rendre accessibles à tous les outils et les contenus, le libre poursuit un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication. »

En France pourtant cette association ne va pas de soi. Nouvelle illustration avec le site Educnet, portail TICE du Ministère de l’Éducation Nationale et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (autrement dit c’est ici que l’on traite des Technologies de l’information et de la communication pour l’éducation ou TICE).

Sur ce site donc, dans la catégorie juridique Légamédia[1], on trouve, et l’intention est louable, une page consacrée non pas aux logiciels libres mais aux logiciels « Open Source » : L’utilisation et le développement de logiciels issus de l’Open Source.

Il est difficile pour un site qui aborde tant de sujets d’être « expert en tout » mais dans la mesure où il s’agit d’un canal officiel de l’Éducation Nationale, je n’ai pu m’empêcher de réagir[2] et d’en faire ici une rapide lecture commentée.

1- Définition technique et pratique : L’Open Source est le nom donné à leur mouvement en 1998 par les acteurs du logiciel libre. Fruit de la mouvance libertaire de l’Internet, les bases de l’Open Source ont été jetées en 1984 par Richard Stallman avec son projet GNU (GNU’s not Unix). Ce projet consistait à créer un système d’exploitation aussi performant qu’Unix et complètement compatible avec lui. Est ainsi né le premier système d’exploitation dit « libre », car son utilisation, sa copie, sa redistribution voire sa modification étaient laissées au libre arbitre de l’utilisateur. Sous le nom d’Open Source, sont fédérées toutes les expériences d’accès libre au code source des logiciels.

Le site Educnet s’adresse à la communauté éducative dont en tout premier lieu aux enseignants. Expliquer rapidement ce qu’est un logiciel libre n’est pas chose aisée mais on aurait tout de même pu s’y prendre autrement, à commencer par privilégier l’expression « logiciel libre » à celle d’« Open Source ». Par exemple en empruntant la première phrase de l’article dédié de Wikipédia : « Un logiciel libre est un logiciel dont la licence dite libre donne à chacun (et sans contrepartie) le droit d’utiliser, d’étudier, de modifier, de dupliquer, et de diffuser (donner et vendre) le dit logiciel ».

Une fois ceci posé et compris, on aura bien le temps par la suite d’entrer plus avant dans le détail et d’aborder les choses plus finement en évoquant le code source ou les différences d’approche entre « logiciel libre » et « Open Source ». Quant à la « mouvance libertaire de l’Internet » je n’évalue pas l’effet produit sur le lecteur mais elle oriente assurément le propos.

1.1- Les principes de l’Open Source : En réaction au monopole d’exploitation reconnu par le droit d’auteur ou le Copyright, la finalité de l’Open Source est la promotion du savoir et sa diffusion auprès d’un public le plus large possible. Il est proposé aux internautes utilisant et développant les logiciels issus de l’Open Source de créer un fonds commun de logiciels en ligne. Concrètement, l’utilisation de logiciels issus de l’Open Source permet le libre accès au code source du logiciel, sa copie et sa libre redistribution.

Je continue à me mettre à la place d’un enseignant qui découvrirait ici le logiciel libre et cela demeure complexe à appréhender ainsi présenté. Reprendre la traditionnelle introduction de Richard Stallman (« je peux résumer le logiciel libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité  ») aurait eu certainement plus de sens et d’impact. Retenons cependant que la finalité est « la promotion du savoir et sa diffusion auprès d’un public le plus large possible », ce qui tombe plutôt bien quand on s’intéresse à l’éducation, non ?!

1.2- Les conditions d’utilisation : Afin de développer à un moindre coût un projet informatique, des élèves et leur enseignant peuvent utiliser des logiciels « Open Source », les modifier ou les améliorer afin de les adapter à leurs besoins. En revanche, les améliorations effectuées sur le logiciel initial doivent être versées dans le fond commun mis en ligne. Il est possible de puiser gratuitement dans le fond des logiciels libres, à condition qu’à son tour on enrichisse le fond de ses améliorations en permettant à d’autres de les exploiter gratuitement…

Qu’est-ce que c’est alambiqué ! Et faux par dessus le marché : nulle obligation d’enrichir le fond des logiciels libres pour les utiliser ! On voudrait nous faire croire que les logiciels libres sont réservés aux informaticiens que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

2- Les points de vigilance : En utilisant des logiciels issus de l’Open source, les élèves comme leurs enseignants doivent avoir conscience des conditions d’utilisation particulières de ce type de logiciel. Cela permet d’avoir des outils logiciels performants à moindre coût, mais son apport dans l’amélioration du logiciel n’est nullement protégé. Il faut au contraire le mettre en libre accès en rappelant sur le site de téléchargement du logiciel les principes de l’Open Source.

Là ce n’est plus alambiqué c’est carrément de parti pris ! La tournure et le champ lexical adopté (« vigilance », « avoir conscience », « conditions », « mais », « nullement protégé », « au contraire »…) ne peuvent que conduire à inspirer une certaine méfiance au lecteur alors même qu’on devrait se féliciter de l’existence du logiciel libre, véritable facilitateur de vie numérique en milieu scolaire !

Et pour finir en beauté, l’ultime conseil, dans un joli cadre pour en signifier toute son importance (les mises en gras sont d’origine) :

Conseils : Il est donc déconseillé d’utiliser ce type de logiciel si les élèves, leurs enseignants, voire l’établissement scolaire souhaitent garder un monopole d’utilisation des travaux de développement du logiciel libre. Les principes de l’Open Source obligent les développeurs à garantir un accès libre aux améliorations du code source du logiciel libre.

La cerise sur le gâteau, pour définitivement convaincre le lecteur que non seulement le logiciel libre c’est compliqué mais qu’il est en fait à déconseiller alors même qu’il ne viendrait jamais à l’idée des élèves, enseignants et établissements scolaires de « garder un monopole d’utilisation des travaux de développement du logiciel libre ». Sommes-nous sur Educnet ou sur un site du Medef ?

Que l’Institution souhaite conserver un positionnement neutre vis-à-vis du logiciel libre, je le déplore et le conteste mais je peux le comprendre. Personne ne lui demande en effet de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant : logiciel libre, logiciel libre, logiciel libre ! Mais de là à présenter les choses ainsi…

Soupir… Parce qu’on avait déjà fort à faire avec Microsoft et ses amis.

Et ce n’est malheureusement pas terminé parce que, autre intention louable, il y a également une page consacrée (nouvel emprunt à l’anglais) à « l’Open Content » : L’utilisation de contenus issus de l’Open Content.

1- Définition technique et pratique : Dans le prolongement du mouvement Open Source qui concernait que les logiciels, l’Open Content reprend les mêmes principes de libre accès à la connaissance en l’appliquant cette fois à tout type de contenus en ligne (content). Sur l’Internet, des auteurs mettent en libre accès leurs créations musicales, photographiques, littéraires, etc. … Ils choisissent ainsi de contribuer à l’enrichissement d’un fonds commun de savoir mis en ligne. Lors de l’élaboration d’un site web ou de tout autre travail, les élèves ou les enseignants peuvent utilement puiser dans ce fonds et intégrer ces contenus issus de l’Open Content dans leurs propres travaux. Enfin, à leur tour, les élèves et leurs enseignants peuvent aussi verser leurs propres travaux dans le fonds commun de l’Open Content. Il faut pourtant garder à l’esprit quelques règles à respecter.

Cela commençait fort bien mais, comme précédemment, un bémol final : « il faut pourtant garder à l’esprit quelques règles à respecter ». C’est tout à fait juste au demeurant, il y a bien des règles à respecter, celles de la licence accolée à la ressource. Amusez-vous cependant à comparer par exemple la licence (« Open Content ») Creative Commons By-Sa avec les directives (non « Open Content ») concernant les usages des « œuvres protégées à l’Éducation Nationale, effet garanti !

2- Les points de vigilance : L’Open Content est un choix conscient et maîtrisé par l’auteur, comme le démontrent les licences d’utilisation de ce type de « contenus libres ». Les conditions d’utilisation sont claires.

Là encore, il faut que le lecteur soit « vigilant » en ayant la « maîtrise » des « conditions d’utilisation » et la « conscience » de ses choix. Faites mille fois attention avant d’adopter de telles licences ! Dois-je encore une fois renvoyer à cet article pour illustrer des conditions d’utilisation bien moins claires que n’importe quelle ressource sous licence libre ?

2.1- Les prérogatives morales : Tout d’abord, les licences sont l’occasion de rappeler aux futurs utilisateurs, élèves et enseignants les prérogatives morales de l’auteur : le respect de la paternité et de l’intégrité de l’œuvre. En utilisant ces contenus, le nom de l’auteur doit être mentionné et aucune modification à l’œuvre originale doit être apportée sauf si elle est mentionnée avec l’accord de l’auteur.

Avec l’accord de l’auteur… sauf dans le cas où la licence choisie confère d’office certains droits à l’utilisateur qui n’a alors rien à demander à l’auteur pour jouir de ces droits. C’est justement le positionnement adopté par les licences libres et les licences de types Creative Commons (voir ce diaporama à ce sujet), licences de la plus haute pertinence à l’ère du numérique surtout en… milieu scolaire. Imaginez-vous en effet devoir demander à chaque auteur les autorisations d’usage pour chaque œuvre que vous souhaitez utiliser et étudier en classe !

Et n’oublions pas non plus l’existence du domaine public qui n’est pas mentionné ici.

2.2- Les prérogatives patrimoniales : De même, la licence précise les conditions d’exercice des prérogatives patrimoniales de l’auteur : les droits de reproduction et de représentation. Sur ces points, selon le principe de libre accès, la licence permet la copie et la redistribution de l’œuvre à condition que les copies soient faites dans une finalité non commerciale. Il s’agit d’une cession à titre gratuit limitée. Les contenus issus de l’Open Content peuvent donc être utilisés sans restriction dans le cadre de l’activité scolaire à la condition de respecter les prérogatives morales des auteurs initiaux et en rappelant sur les pages où se trouvent les contenus « libres » les conditions des licences « Open Content ».

Encore du jargon juridique qui n’est pas de nature à être véritablement compris par l’enseignant, qui plus est sujet à caution puisque les licences libres autorisent généralement aussi bien la modification que l’exploitation commerciale d’une œuvre soumise à cette licence.

Et comme pour l’article précédent, un (étrange) conseil à suivre pour conclure :

Conseil : Il est par contre déconseillé au milieu scolaire d’utiliser ce type de contenus si on envisage de valoriser ses travaux en s’associant avec un partenaire privé pour une exploitation commerciale.

S’agit-il de « valoriser » ou de « monétiser » les travaux ? Et là encore, vous en connaissez beaucoup vous des enseignants qui envisagent de s’associer à un partenaire privé pour une exploitation commerciale ? De plus il n’y a aucune antinomie, on peut très bien adopter des licences libres et s’associer à un partenaire commercial pour exploiter (avec succès) ses travaux, Sésamath et ses manuels scolaires libres en vente chez l’éditeur Génération 5 nous en donne un parfait exemple.

Résumons-nous. Avec les licences libres appliquées aux logiciels et aux ressources, on tient de formidables instruments favorisant l’échange, le partage et la transmission de la connaissance en milieu scolaire (c’est ce que je tente de dire modestement au quotidien sur ce blog en tout cas). Mais de cela nous ne saurons rien si ce n’est que consciemment ou non tout est fait pour dissuader l’enseignant de les évaluer sérieusement en le noyant sous la complexité et les mises en garde avec des considérations économiques qui viennent parasiter un discours censé s’adresser à la communauté éducative.

Ces deux pages, non retouchées depuis un an, mériteraient je crois une petite mise à jour. Qu’il me soit alors permis de suggérer à leurs auteurs la lecture de ces quelques articles qui ne viennent pas d’un illégitime électron libre et « libriste » (comme moi) mais qui émanent du sérail : Les Creative Commons dans le paysage éducatif de l’édition… rêve ou réalité ? (Michele Drechsler, mars 2007), Un spectre hante le monde de l’édition (Jean-Pierre Archambault, septembre 2007) et Favoriser l’essor du libre à l’école (Jean-Pierre Archambault, juin 2008). Peut-être y trouveront-ils alors matière à quelque peu modifier le fond mais aussi la forme du contenu tel qu’il se présente actuellement.

Sur ce je souhaite une bonne rentrée à tous les collègues et à leurs élèves, ainsi qu’une bonne année à tous les lecteurs du Framablog. Il serait tout de même étonnant que l’année qui vient ne voit pas la situation évoluer favorablement pour le logiciel libre et sa culture, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’école.

Notes

[1] On notera par ailleurs, bien mise en évidence dès l’accueil de la rubrique Légamédia, un « conseil de prudence aux agents publics souhaitant bloguer » qui doivent avoir le souci « d’éviter tout propos susceptible de porter atteinte à la fois à la dignité des fonctions qu’ils exercent et aux pouvoir publics  ». C’est bien de le rappeler mais on retrouve le même climat de méfiance voire de défiance, cette fois-ci vis-à-vis des blogs. J’espère que critiquer comme ici le contenu d’un site officiel ou s’interroger sur la pertinence des accords sur l’usage des « œuvres protégées » n’entrent pas dans ce cadre sinon je crains que ce billet soit l’un des derniers du Framablog.

[2] Crédit photo : Zara (Creative Commons By-Sa)




La tête dans les nuages mais les pieds sur terre

Nicholas T - CC byGMail, Google Apps, Zoho, Flickr, Del.icio.us, Box.net, Wuala, DropBox, Plaxo… Ça vous parle ? Vous savez, ces applications en ligne (ou Web Apps) pratiques et séduisantes qui poussent comme des champignons aux quatre coins de la Toile, souvent accompagnées de la mention beta pour faire hi-tech. On a même trouvé un terme pour englober tout ce petit monde, le très à la mode Cloud Computing, soit l’informatique dans les nuages ou dématérialisée[1].

Que celui qui n’a pas un compte chez l’un de ces services en ligne me jette la première pierre. Reconnaissons qu’il est fort commode, notamment pour qui travaille sur plusieurs postes ou de façon nomade, de pouvoir accéder à ses courriels, à ses documents et à certaines données depuis n’importe quel PC (voire téléphone mobile) à condition de disposer d’une connexion Internet.

Mais n’est-on pas en droit de s’inquiéter de savoir que tant de nos données se baladent on ne sait trop où dans l’espace virtuel ? Plaxo, par exemple, avait été critiqué à ses débuts car assez porté sur le spam et l’exploitation peu scrupuleuse des carnets d’adresses qu’on lui confiait (même si ce service a depuis redressé la barre). Quid des documents créés avec Google Docs, des fichiers conservés chez Box.net, des mails échangés avec GMail ? De plus en plus de grands groupes ou de start-ups se lancent sur ce marché apparemment juteux et se battent pour posséder nos données.

Il y a quelque temps déjà, plusieurs voix s’élevaient contre contre ces services en ligne : Larry Ellison, le fondateur d’Oracle, qualifiait le Cloud Computing de mode, et Richard Stallman, dans un entretien accordé au quotidien anglais The Guardian, allait plus loin en taxant ces services en ligne de pièges. Stallman mettait en garde les utilisateurs contre ces Web Apps et le stockage de données personnelles sur les serveurs d’entreprises commerciales : selon lui, confier ses données à de tels services revient à en perdre le contrôle et pose donc les mêmes problèmes que l’utilisation des logiciels propriétaires.

Stallman, qui n’a pas l’habitude de faire dans la nuance, recommandait donc de n’utiliser aucun de ses services et de leur préférer nos bonnes vieilles applis en dur sur lesquelles nous gardons tout contrôle. (Nul doute qu’il pensait par là à la Framakey…)

Tim O’Reilly, dans son blog, s’est lui aussi penché sur la question et a publié un billet assez fourni, dans lequel il estime qu’il faudrait appliquer au Cloud Computing les principes de l’Open Source et rappelle qu’il avait déjà mis en garde contre le verrouillage du Web, pourtant basé sur des programmes et outils Open Source, par des applications Web 2.0.

Cette question de la confidentialité, du contrôle des données et de l’indépendance de l’utilisateur face au logiciel concerne tous ceux qui ont un usage intensif du Web et de l’outil informatique, mais semble cruciale pour les adeptes du logiciel libre, très sensibles à ces questions. Comme dans le software classique, certains acteurs du Cloud Computing proposent des solutions libres. C’est le cas de Clipperz, qui a développé un gestionnaire de mots de passe et d’informations personnelles sous licence GPL.

Sur le blog de Clipperz , un des auteurs appelle les utilisateurs et les développeurs à agir pour préserver la liberté et la confidentialité dans les nuages, et propose quelques mesures pour que les applications Web 2.0 soient en accord avec les valeurs du libre, du point de vue des licences et du comportements des navigateurs Internet par exemple. On y retrouve par billet interposé Richard Stallman, avec qui l’auteur s’est entretenu et qui y va lui aussi de ses conseils.

Histoire de redescendre un peu sur terre après tant de temps passé dans les nuages, nous vous présentons donc la traduction de ce billet, réalisée par notre équipe Framalang.

Liberté et protection de la vie privée en ligne : agissez !

Freedom and Privacy in the Cloud – a call for action

Marco – 30 mai 2008 – Clipperz
(Traduction Framalang : Olivier, Burbumpa et Don Rico)

Ce message traite de la liberté. La liberté de posséder vos données et la liberté d’utiliser des logiciels libres. Vous devriez aussi pouvoir exiger ces libertés et en jouir quand vous utilisez des applications web.

Si vous soutenez le mouvement du logiciel libre, vous pouvez facilement opter pour Gimp au lieu de Photoshop, pour Firefox au lieu d’Internet Explorer. Vous pouvez également protéger le caractère privé de vos données en utilisant les outils de cryptage disponibles (GPG, TrueCrypt…). Mais dès qu’il s’agit d’applications web, tout se complique.

Les avantages des applications web – ou web apps – (accessibles partout et tout le temps, mises à jour transparentes, stockage fiable, …) sont nombreux, mais bien souvent les utilisateurs perdent la liberté d’étudier, de modifier et de discuter du code source qui fait tourner ces web apps.

De plus, nous sommes contraints de confier nos données aux fournisseurs de ces web apps (marque-pages, documents rédigés, copies des discussions, informations financières et désormais… dossiers médicaux) qui ne résident alors plus sur nos disques durs mais qui sont rangés quelque part dans les nuages. Ce n’est pas vraiment une situation confortable de devoir choisir entre aspect pratique et liberté.

Que l’on soit clair : les web apps sont formidables et je les adore. Mais je pense que le moment est venu de réclamer plus de liberté et de confidentialité. Voilà comment nous pouvons obtenir ces deux résultats en trois étapes.

1. Choisissez l’AGPL

Quelle est l’importance de l’AGPL ? Si vous êtes un fournisseur de services et que vos services s’appuient sur des logiciels placés sous licence AGPL, vous devez rendre le code source disponible à toute personne utilisant ce service. La FSF suggère dans ses directives de placer un lien Source qui renvoie à une archive contenant le code source directement dans l’interface de l’application web.

(Ne me demandez pas pourquoi la communauté des logiciels libres a mis tant de temps à réagir !)

Mesures
  • Aider Clipperz à mettre au point une suite AGPL : un ensemble d’applications web répondant aux besoins les plus courants.
  • Cette suite devrait comprendre : un traitement de texte, un logiciel de discussion, un gestionnaire de mots de passe, un carnet d’adresses, un pense-bête, un calendrier, un gestionnaire de marque-pages … Et chaque web app devra être soumise à la licence AGPL ! Vous pourrez alors oublier Google, del.icio.us, Plaxo, Meebo … à moins qu’ils ne se mettent à l’AGPL aussi.
  • Nous avons déjà deux candidats pour certains postes (Ajax Chat pour les discussions en ligne et, bien sûr, Clipperz pour le gestionnaire de mots de passe), mais la plupart des places sont encore à pourvoir !
  • Aider Clipperz à diffuser les bienfaits de l’AGPL auprès des développeurs de projets web open-source. Demandez-leur de se convertir à l’AGPL.

2. Ajoutez-y une pointe de divulgation nulle de données

Les développeurs Web, comme les utilisateurs, connaissent encore assez peu les possibilités offertes par le chiffrage via un navigateur pour rendre les applications web aussi sécurisées et confidentielles que les logiciels classiques.

Chez Clipperz, nous voulons apporter une nouvelle vision que nous appelons les web apps à divulgation nulle de données (description plus détaillée ici) qui associe l’idée d’un hébergement auquel même l’hébergeur n’a pas accès et un ensemble de règles basées sur le credo confidentialité absolue.

Ce nom est aussi bien un hommage au chiffrage (une garantie de divulgation nulle de données est un protocole de chiffrage standard) que la promesse d’une relation particulière entre l’utilisateur et le fournisseur d’application. Le serveur hébergeant la web app peut ne rien savoir sur ses utilisateurs, pas même leurs identifiants ! Clipperz applique cette vision pour mettre en œuvre son gestionnaire de mots de passe en ligne.

Mesures
  • Appliquer les techniques divulgation nulle de données à chaque composant de la suite AGPL. Convertir une application web à l’architecture divulgation nulle n’est pas simple, mais chez Clipperz nous avons développé un savoir-faire important et nous serons heureux de partager aussi bien ces connaissances que le code de base.

Nous pourrons ainsi finalement jouir d’un traitement de texte en ligne qui ne pourra pas lire nos documents, un logiciel de discussion qui n’enregistrera pas nos conversations, un wiki sur lequel on pourra conserver sans crainte des données importantes, etc.

  • Établir et maintenir à jour une liste des Fournisseurs de Service d’Application (NdT : ASP pour Application Service Provider en anglais) qui hébergent la suite complète sous AGPL. Cette référence sera utile à tous ceux qui attachent de l’importance aux logiciels libres et à la confidentialité mais ne possèdent pas les compétences et les ressources pour faire tourner des web apps sur leur propre serveur.

3. Créer un navigateur plus intelligent

On y est presque, mais il nous reste encore à fournir aux utilisateurs de web apps un environnement encore plus flexible et sécurisé. Dans la pratique, du fait de l’architecture des web apps à divulgation nulle de données, le serveur réalise de façon générale les tâches suivantes :

  • charger le code Javascript dans le navigateur de l’utilisateur (charger le programme) ;
  • authentifier l’utilisateur (optionnel et par un protocole à divulgation nulle de données)
  • rapatrier et stocker les données chiffrées demandées par le navigateur de l’utilisateur.

Logiciel libre est synonyme de contrôle total de ce qui se passe sur mon ordinateur. Se posent alors deux questions :

  • Comment faire tourner une version modifiée du code Javascript à la place de celui chargé par le serveur ?
  • Comment être alerté des modifications apportées au code Javascript que le serveur envoie à mon navigateur ?

J’ai récemment eu l’immense honneur d’échanger mes idées avec Richard Stallman lui-même au sujet de ces problèmes, et il a suggéré une solution futée pour les résoudre tous les deux.

Stallman propose d’ajouter une fonctionnalité au navigateur qui permette à l’utilisateur de dire : « Quand tu charges l’URL X, utilise le code Javascript de l’URL Y comme s’il venait de l’URL X ». Si l’utilisateur fait appel à cette fonctionnalité, il peut utiliser sa propre copie du code Javascript et peut toujours échanger des données avec le serveur hébergeant l’application web.

Un navigateur possédant cette capacité pourrait aussi facilement vérifier si le script Java de l’URL X est différent du script Java sauvegardé à l’URL Y. Si l’utilisateur fait confiance à la version courante du code Javascript de l’URL X, il peut en faire une copie à l’URL Y et sera ainsi alerté de tout changement. Cette solution protège l’utilisateur du code malveillant qu’il pourrait exécuter sans le savoir dans son navigateur, du code qui pourrait voler ses données et détruire l’architecture à divulgation nulle d’information.

Mesures :
  • Écrire des extensions pour les principaux navigateurs libres (Mozilla, Webkit, …) qui mettent en œuvre l’idée de Stallman.

Militer pour l’adjonction de la "suite AGPL" et des navigateurs améliorés pré-cités dans les distributions GNU/Linux.

  • Continuez à lire ce blog où je posterai de nouveaux articles régulièrement.
  • Faites-moi part de vos commentaires et suggestions.
  • Faites passez le message au travers de vos blogs, de vos messages sur les forums, …
  • Faites un don.

Et le meilleur pour la fin : comment nommeriez-vous cet ambitieux projet ? Faites-moi part de vos idées dans les commentaires !

Notes

[1] Crédit photo : Nicholas T (Creative Commons By)