Pouhiou dans les starting-blocks

…en fait il est déjà parti !

Diable d’hemme ! À peine a-t-il annoncé qu’il partait que Pouhiou est déjà plus loin et que voici sa toute première étape, un genre de contre-la-montre de son Tour de France (en roue libre naturellement). En guise d’EPO, des feuilles de thé, en guise de préparation, un petit tour de chauffe à l’Assemblée Nationale et maintenant, en avant ! Il va tricoter du texte sur sa bécane par-ci par-là, avec des supporters hôtes à chaque étape, un sprint quotidien pour tenir la cadence, et des billets au fil du vent de la course !

J’irai écrire chez vous — épisode 0 : Préparatifs.

Le thé est chaud. Un thé vert importé du Japon par mes premiers accueillants. C’est le matin du 1er novembre, le premier jour du NaNoWriMo. Je devrais écrire… mais je m’accorde une dernière raison de procrastiner : il faut que je raconte ces derniers jours !

Tout le monde en parle (ou presque…)

L’appel pour ce “J’irai écrire chez vous” a résonné de partout. Sur le Framablog déjà, grâce au soutien indéfectible de Framasoft, pour qui je suis fier de battre la campagne. Et voilà qu’ActuaLitté rejoint la partie. Juste après la parution de l’article sur le Framablog, je leur fais un tweet. Parce que je sais qu’ils ont un regard attentionné sur les écrivains aux projets doux et dingues (oui, je parle bien du Projet Bradbury où Neil Jomunsi nous explique que dans “piratage” il y a “partage”).

Moins d’un quart d’heure après ce tweet, je reçois un coup de fil enthousiaste de Nicolas Gary. Qui aime le projet. Va reprendre l’article appelant à m’héberger. On parle de Neil, d’Amanda Palmer. On se met d’accord pour faire passer mon journal de bord de l’aventure (donc à suivre sur noenaute.fr, framablog.org et actualitte.com : ça c’est du collaboratif !!!). On se dit que si on arrive à ça avec zéro préméditation, qu’est-ce qu’on pourrait parvenir à faire en préparant notre coup à l’avance… #ASuivre.

Tout le monde l’entend (ou pas loin)

Je dois dire que j’hallucine de voir tant de générosités et de propositions. En quelques jours, le Framadate s’est rempli d’hébergeurs volontaires des quatre coins de France, voire de Suisse et d’Espagne ! Je peux pas faire un petit mot à tout-e-s celles et ceux chez qui je n’irai pas écrire (cette fois…?) sinon je ne parviendrai jamais à me lancer dans ce roman. Mais merci à tou-te-s de démontrer (une fois de plus) qu’un rapport de confiance et d’échange fonctionne et peut remplacer un rapport commercial de méfiance.

Il a bien fallu choisir. Dans les critères se sont ajoutées des dates-clés (Lyon du 25 au 28 pour y animer un atelier d’écriture collaboratif ouvert à vous, et Nice du 28 au 30 pour les Journées Méditerranéennes du Logiciel Libre. Cela, c’est en plus du Capitole du Libre les 23 et 24 novembre à Toulouse, où j’animerai un atelier d’écriture et une conférence.

J’ai tenté de choisir en fonction des trajets (histoire que ça me prenne pas trop de temps et que ça me coûte pas ultra-cher en trains et co-voiturages) ce qui donnera :

  • du 1 au 4 : Paris (Pierre & Steven)
  • du 4 au 7 : Rouen (Mathias)
  • du 7 au 10 : Brest (Moosh)
  • du 10 au 13 : Rennes (Orianne)
  • Du 13 au 16 : re-Paris (Adrienne)
  • du 16 au 19 : Limoges (Etienne & Valérie)
  • du 19 au 22 : Foix (Kiro & Nelwynn)
  • du 22 au 25 : Toulouse (Claire)
  • du 25 au 28 : Lyon (Pyg)
  • du 28 au 30 : Nice (Gee)

Pouhiou prend son bâton de pèlerin, image de odysseuslibre

Tout le monde aime le Domaine Public (ou peu s’en faut)

Donc mercredi dernier, train Toulouse Paris. Avec des rencontres et des discussions incroyables dans mon wagon : on a juste changé le monde (ne serait-ce que dans nos crânes). J’ai pris le train avant-hier car hier, j’étais à l’Assemblée Nationale. Lionel Maurel (Calimaq) et SavoirsCom1 y avaient organisé (sur l’invitation d’Isabelle Attard) une journée d’étude sur le Domaine Public. Et on est (trop) peu d’auteurs vivant dans le Domaine Public, donc on me fait témoigner.

C’est marrant de voir comme on ne considère que l’auteur qui prend des poses de bronze mal coulé. L’auteur qui souffre et pleure quand des vilains le pressurent et trahissent son œuvre, son sang. L’auteur génie spolié par ces outrecuidants qui en le diffusant et le partageant l’empêcheront d’écrire sa prochaine livre de chair. Pour paraphraser le collègue Piérick : ne me traitez pas d’auteur, ou je vous traiterai de public !

À l’ombre du piédestal, au pied de la statue du Grand Auteur, il y a un bac à sable qui s’appelle Domaine Public. Où chaque œuvre est une pâte à modeler de nouvelles créations, de nouvelles œuvres. On est plein de créateurices à vouloir jouer là. On veut juste un peu de soleil, et protéger le bac des chiens qui viennent… marquer un territoire. Hier de nombreuses personnes l’ont compris, et j’espère que cette journée portera ses fruits légaux.

Tout le monde a peur (non : surtout moi, en fait !)

Le livre III du cycle des NoéNautes. 50 000 mots minimum en moins d’un mois. Ces derniers jours, dès que j’y songeais, j’avais la fourbe phrase « mais que diable allait-il faire dans cette galère ? » qui me venait en tête. Je suis excité et effrayé. Je veux retrouver mes amis imaginaires, les NoéNautes, mais je ne sais combien ils auront changé, ni si elles seront fidèles au rendez-vous.
J’ai préparé mes chapitres. Comme pour les autres livres : 8 hexagrammes du Yi King interprétés. Huit situations de cet « oracle de sagesse » chinois qu’il va falloir traduire en une trame narrative. Ajouter les 3 personnages des lecteurs qui ont choisi cette récompense dans le Crowdfunding #MonOrchide. Et toutes ces intuitions sur les formes que va prendre ce nouvel opus…
Quand je vois Ploum, l’auteur passionnant et passionné a qui j’ai piqué l’idée de faire le NaNoWriMo, qui est à fond sur son roman (si tu le soutiens tu reçois des nouvelles régulières de ses avancées : il y en a déjà !!!). Je suis jaloux. Moi je suis encore dans cette crainte excitée de celui qui va sauter à l’élastique… Allez, je prends une grande respiration, et on se retrouve en bas ?

À dans 3 jours… si tout va bien !

— Pouhiou.

PS : Notez que vous pouvez suivre l’aventure depuis http://noenaute.fr (même que vous pouvez y télécharger les romans et/ou participer aux frais de transport grâce aux boutons flattr et paypal dans les articles), https://framablog.org et même depuis http://actualitte.com ! Je rappelle que Framasoft a besoin de soutiens et dons pour continuer à soutenir des dingueries comme les miennes http://soutenir.framasoft.org.




Pouhiou vient écrire chez vous : 1 mois, 1 roman, 1 sac à dos !

Démarche originale (et sociale) de Pouhiou, membre émérite et hyperactif de Framasoft.

Il se propose en effet de venir écrire le tome 3 du Cycle des NoéNautes chez vous, durant tout le mois de novembre. Transformant du même coup votre maison en résidence d’artiste improvisée 😉

Vous en êtes ?

Pouhiou - Toulouse - Capitole du Libre 2012

J’irai écrire chez vous : 1 mois, 1 roman, 1 sac à dos.

J’ai déjà parlé sur mon blog du NaNoWriMo. Chaque année en novembre, une foultitude d’internautes se lancent en chœur dans un défi dingue et personnel : écrire un roman. Chacun-e a pour but son histoire de 50 000 mots minimum entre le 1er et le 30 du mois. C’est d’ailleurs ce qui m’a inspiré cette règle d’un épisode par jour du lundi au vendredi pendant 4 mois…

Mon défi : écrire le livre III en novembre

Je savais déjà que le livre III des NoéNautes allait bousculer les codes. Je ne vais pas l’écrire en direct. Il ne va pas paraître épisode par épisode, mais chapitre par chapitre. J’ai même envie qu’il paraisse au fur et à mesure que tu t’y intéresses (d’ailleurs si tu es dev php, on a besoin de ton aide pour créer un petit outil qui pourrait bien révolutionner les internetz. Nom de code : Framajauge !) J’ai su tout ça durant ces six derniers mois, mais je ne l’ai pas écrit : j’ai bossé. Un mi-temps « malheureusement » trop intéressant : il a capté mon temps de cerveau disponible.

Novembre 2013 : je me déconnecte de ma vie et je l’écris

C’est Ploum qui a fini par m’y inciter. Cet auteur dont je découvre des facettes redoutables (sa série Printeurs alterne entre le cyber-punk délicieusement paranoïaque et l’anticipation déshumanisée trash et gore… un régal !) échange avec moi, en privé, sur l’intérêt de s’imposer des contraintes d’écriture. Puis sur son envie de faire un NaNoWriMo cette année. Vous pouvez d’ailleurs le soutenir tout au long de novembre dans sa démarche en la découvrant ici ! Bref : le mec m’a donné grave envie, alors en vilain copieur des internetz, je me suis dit : et pourquoi je m’y mettrais pas, moi aussi ?

Le libre est un échange, le livre est un échange.

J’ai passé un mois d’octobre sur les routes des Villes en Biens Communs, à faire des conférences sur la culture libre, à animer des ateliers d’écriture collaborative. J’ai distribué des #Smartarded rendus gratuits par mes lecteurs dans nombre de villes et d’évènements. A Rennes j’ai rencontré des libristes, puis j’ai débattu sur les cultures et les contes LGBT. A Toulouse j’ai expliqué ma démarche de Commoner, et nos besoins pour mener à bien la FramaJauge. A Bolbec j’ai débattu avec un auteur qui souhaite qu’on ne touche pas à ses livres et qu’on les paie coûte que coûte. A Paris, j’ai assisté à une copyparty en bibliothèque avant d’aller signer des romans dans la librairie de Bookynette…

J’ai eu envie de poursuivre ces rencontres, d’aller plus loin dans l’échange.

Et pendant tout ce temps, cette idée de NaNoWriMo qui me trottait dans la tête… Jusqu’à ce que la connexion se fasse : et si j’allais écrire ce roman chez les gens ? Je le sais : me déconnecter de ma bulle, de ma colloc’ avec mes potes, ma famille, mes habitudes, etc. — c’est un très bon moyen d’être efficace ! C’est comme ça que j’ai écrit tout Tocante, que je me suis lancé dans #Smartarded ou que j’ai achevé #MonOrchide… Sans compter qu’en vivant un mois chez les gens, ça amortirait les dépenses sur mes assedics de mi-temps de smicard… Ben oui : faire le choix de ne plus bosser pour écrire, c’est aussi faire le choix de l’indigence ^^ !

Résidence d’artiste improvisée : héberge un Pouhiou !

Voilà comment m’est venue cette idée du « J’irai écrire chez vous ». Je vais donc partir un mois en sac à dos, un mois divisé en 10 lieux, à écrire un peu partout en France… En commençant par Paris, puisque je participerai (avec plein de membres de Framasoft et de SavoirsCom1) à la journée d’étude sur le Domaine Public à l’Assemblée Nationale. De plus, il y aura un passage obligé par Toulouse, vu que le 22-23 novembre je fais une conférence et un atelier (et j’aiderai à tenir le stand Framasoft) au Capitole du Libre http://2013.capitoledulibre.org/programme.html. Et on terminera à Lyon (avec là aussi un atelier d’écriture collaborative). Alors si tu veux héberger un Pouhiou, c’est simple… il te faut :

  • Un canapé pour 3 nuits chez toi (j’ai déjà le sac de couchage)
  • Une place à ta table (même que je mange plus d’animaux morts, donc je suis super économe)
  • Un peu de ton wifi (j’écris toujours sur une tablette, donc il me faut de bonnes ondes)
  • Ne pas avoir peur de me laisser seul, parfois (j’aurai pas le temps de jouer avec des allumettes, je vais écrire ^^)
  • Aller t’inscrire sur le framadate puis me contacter sur les réseaux (Pouhiou) ou par email chez framasoft point org.

Et si tu veux participer autrement qu’en m’hébergeant, tu peux…

  • Aller lire, télécharger et diffuser les 2 premiers romans.
  • Les promouvoir sur ton blog, ton forum, tes réseaux…
  • Acheter les versions papier (même que je touche des sous dessus) http://enventelibre.org/catalog/par-type-de-produit/livres
  • Flattr-er mes articles sur noenaute.fr (convertissez les gens à Flattr, ça marche !)
  • Venir aider sur Framabook (surtout si connais l’édition, le graphisme, la diffusion ou les ebooks)
  • Venir aider sur la framajauge (surtout si tu développes en php)

Suis mes aventures pendant la prochaine Campagne Framasoft

Framasoft héberge mes sites web (et m’aide grandement techniquement) en plus d’éditer mes romans (je donne du grain à moudre à nombre de correcteurices et codeureuses…) Framasoft défend nombre de projets du libre, dans le logiciel comme dans la culture, avec pour but de le rendre accessible à la « famille Michu ». Je suis très heureux d’aller battre la campagne pendant la campagne de financement de cette association (dont le top départ aura lieu en novembre également), que j’aime et dont je suis un membre actif. Tu as remarqué que je n’ai pas fait d’appel aux dons pour cette aventure… Y’a pourtant un bouton de don paypal sur mon blog, mais si tu veux donner des sous, ce serait cool que tu les donnes à Framasoft.

Soutenir Framasoft

Du coup, tu pourras suivre mes aventures de novembre sur le Framablog. J’y rendrai compte des rencontres et de mes avancées, sans aucun spoiler. Je tweeterai régulièrement le nombre de mots que j’ai atteint, et @Framasoft reprendra l’info… Parce que sincèrement, toute cette aventure, toutes ces rencontres, tous ces échanges et toutes ces histoires n’auraient pas été possibles si je n’avais pas rencontré une bande de grand malades qui se défoncent pour que de tels projets aient une chance d’être hébergés, édités, vus et reconnus. Et si tu veux me donner aussi à moi, vraiment : inscris-toi sur flattr et viens offrir une reconnaissance financière aux gens qui œuvrent sur le Net.

Allez hop, j’ai un sac à dos et un roman à préparer !

Au Plaisir,

Pouhiou.

Pouhiou à Bolbec




La « politique » Framabook et les licences libres, Par C. Masutti et B. Jean

Un « livre libre » est un un livre qui offre à l’auteur, au lecteur et à l’éditeur les mêmes libertés (et obligations) qu’un programmeur, un utilisateur ou un éditeur de logiciel libre. Mais comment ces libertés s’accordent-elles avec le droit d’auteur ? Comment faire vivre une collection de livres libres dans le contexte d’une économie culturelle ?

La collection Framabook a dû élaborer une stratégie qui la positionne assez clairement (politiquement et économiquement) à la fois par rapport au droit d’auteur et par rapport aux multiples licences libres (et assimilées) existantes. À l’issue du processus créatif d’un auteur, celui-ci effectue un choix : doit-il on non placer son œuvre sous licence libre? Si oui, quelles sont les clauses les plus susceptibles de protéger son œuvre ? Pour un auteur qui n’est pas forcément spécialiste du droit et familier avec certains concepts inhérents aux licences libres, il peut-être difficile de comprendre le choix de la collection Framabook à ne pas accepter de clauses empêchant les modifications ou limitant les usages commerciaux. Ceci est d’autant plus étonnant que le penchant légitime, et presque naturel, d’un auteur est de souhaiter que son œuvre soit transmise en toute intégrité, dans un respect très strict de ses idées.

Christophe Masutti et Benjamin Jean se font l’écho d’un débat déjà assez ancien, à la fois dans la communauté du Libre mais aussi à l’intérieur de l’association Framasoft. Ils voient que finalement, le choix d’une licence ne s’établit pas seulement sur l’idée qu’une licence libre suffit à elle seule pour protéger une œuvre, mais que cette protection s’établit dans un dialogue entre les droits d’auteur et les licences libres.

Ce débat, ici rapporté pour ce qui concerne la collection Framabook, dépasse ce seul cadre et s’adresse à différents modèles d’édition, du simple blog personnel aux modèles d’éditions ouvertes (dans les sciences ou d’autres domaines). Nous vous invitons après lecture à le poursuivre dans les commentaires.

Remarque : Vous trouverez en pièce-jointe ci-dessous une version de l’article sous différents formats : PDF, HTML, ODT et TeX.

La « politique » Framabook et les licences libres

Article placé sous triple licence Licence Art Libre 1.3, GNU Free Documentation License 1.3 et Creative Commons By-SA 3.0.

Par Christophe Masutti, Benjamin Jean

Christophe Masutti est docteur en histoire des sciences et des techniques, chercheur associé au SAGE (Société, Acteurs, Gouvernements en Europe, Université de Strasbourg), responsable des affaires européennes à la Direction Générale des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Président de l’association Framasoft depuis janvier 2012.

Benjamin Jean est membre de l’équipe du CUERPI (Centre Universitaire d’Enseignement et de Recherches en Propriété Intellectuelle) co-fondateur de la société Inno3, consultant au Cabinet Gilles Vercken et maître de conférence à Science Po. Co-fondateur de l’association Veni, Vidi, Libri et du cycle de conférences European Open Source & Free Software Law Event (EOLE).

Initié en mai 2006, Framabook est le nom donné au projet de collection de livres libres édités par Framasoft[1]. Basée sur une méthode de travail collaborative entre l’auteur et des bénévoles de l’association, la collection dispose d’un comité de lecture et d’un comité éditorial. Elle propose des manuels, des essais et même des bandes dessinées et des romans en lien avec le logiciel libre ou la culture libre en général. Le choix des licences qui les accompagnent les inscrit dans la culture libre et la participation aux biens communs.

Depuis que Framasoft a choisi de devenir éditeur de sa collection, nous avons tant bien que mal travaillé à la construction d’un modèle alternatif et collaboratif d’édition. Dans nos discussions avec les auteurs, la question des licences acceptées pour la diffusion des projets est récurrente (pour ne pas dire systématique). Ce sujet relativement technique a mobilisé le débat de nos assemblées générales, se poursuivant parfois tard en soirée et sur nos listes de discussion, pour des réponses finalement toujours similaires (« des licences libres et seulement des licences libres »). Nous nous sommes aperçus que cette recherche répétée de consensus résultait surtout du manque d’exposition claire des principes auxquels adhère la collection Framabook. C’est pour y remédier que cet article a été écrit. Il cherche à exposer les principes de la politique éditoriale du projet Framabook tout en rassemblant les différents éléments de discussion issus des archives de nos listes et qui concernent précisément les licences libres. D’une certaine manière, il témoigne aussi d’une réflexion devenue mature et qui nous semble valider la pertinence d’un modèle d’édition ouverte.

Nous destinons aussi ces quelques lignes aux auteurs et éditeurs, afin de les aider à cerner les enjeux du choix d’une licence pour une œuvre destinée à être publiée dans la collection Framabook ou ailleurs. Nous avons conscience que ce choix n’est pas anodin et peut même être difficile, tant d’un point de vue culturel après presque trois siècles d’histoire du droit d’auteur, que d’un point de vue économique et éthique, dans le contexte d’une économie de la culture qui multiplie les abus en tout genre. Nous ne cherchons pas non plus à prétendre que ce modèle devrait remplacer les modèles existants, nous souhaitons seulement démontrer qu’il peut être viable et, surtout, qu’il ne génère pas tous les risques et déviances qu’on lui rattache fréquemment.

Bien que l’un de nos ouvrages compte désormais comme une référence en la matière (Benjamin Jean, Option Libre. Du bon usage des licences libres)[2], certaines subtilités nécessitent à la fois une connaissance du droit d’auteur, une connaissance du domaine de l’édition et une connaissance des licences libres. L’ensemble est néanmoins à la portée de tous et n’excède pas les quelques minutes de la lecture à laquelle nous vous invitons, sous la forme de questions fréquemment posées (QFP)…

1. Sous quelle licence dois-je placer mon œuvre dans la collection Framabook ?

Le premier postulat de notre collection est que les auteurs sont absolument libres d’utiliser les licences qu’ils souhaitent pourvu qu’elles soient « libres », c’est-à-dire qu’elles assurent à l’utilisateur une libre utilisation, copie, modification ou redistribution de l’ouvrage ou de ses dérivés (ce qui exclut donc toutes les licences Creatives Commons limitant l’usage commercial « NC » ou la modification « ND », ainsi que nous allons le développer plus loin).

Dans l’esprit du Libre auquel nous adhérons, cette définition n’exclut pas les licences dites copyleft qui imposent la pérennité des libertés assurées à l’utilisateur (garantissant à l’auteur que le livre ne pourra être exploité que librement). Ce choix n’est pas neutre puisque ce type de licences permet d’alimenter un « pot commun » auquel tout le monde peut puiser à condition d’y reverser à son tour ses propres contributions.

En d’autres termes, un Framabook pourra être aussi bien sous Licence Art Libre 1.3, sous licence CC-By-SA 3.0, que sous licence CC-By 3.0 (« tout court ») voire sous CC-0[3]. Vous serez toujours libre de réutiliser ces ouvrages (même commercialement), mais à votre charge de respecter les obligations que ces licences contiennent.

Par exemple – Si quelqu’un rédige un texte incluant un passage substantiel (en termes qualitatifs ou quantitatifs) tiré d’un Framabook, et même si cet usage dépasse le cadre délimité du droit de citation, la licence libre associée par l’auteur lui accordera les droits nécessaires (à condition que soient parallèlement respectées les contraintes qu’elle impose). Au titre de ces contraintes, certaines licences copyleft imposeront que toutes modifications apportées à ce texte soient diffusées selon la même licence, voire que l’intégralité de l’œuvre utilisatrice soit distribuée selon la même licence (ce qui, contrairement à la première hypothèse, limite grandement le type d’exploitation possible). Ainsi qu’indiqué précédemment, cette obligation permet d’assurer une relative pérennité au projet initial et s’ajoute aux obligations classiques telle que l’obligation d’attribuer la paternité de l’œuvre initiale à nos auteurs (et ceux-ci seulement ; vous serez pour votre part auteur de votre propre version dérivée).

2. Pourquoi utiliser des licences libres ?

Avant toute autre considération, le Libre procède d’une volonté de partage. Si vous placez une œuvre sous licence libre, c’est que vous désirez la partager avec le plus grand nombre d’« utilisateurs » ou de contributeurs possible. Importante dans le monde physique, cette notion de partage se révèle encore plus évidente dans le monde immatériel (celui de la propriété intellectuelle) où l’acquisition par un individu n’implique pas l’aliénation ou la perte par l’autre (bien au contraire)[4].

Ainsi, « Libre » ne signifie donc pas « libre de droits » (notion qui n’a aucune valeur juridique) et les licences libres sont là pour traduire et sécuriser juridiquement la relation souhaitée[5].

Le projet Framabook repose donc sur :

  • l’usage de licences libres par lesquelles les auteurs exploitent leurs droits. C’est grâce à ce contrat que toutes les autorisations indispensables à l’évolution et à la diffusion de l’œuvre sont données (en l’absence de licence, rien ne serait permis).
  • le respect du droit d’auteur dans sa globalité, et notamment des prérogatives morales (droit de divulgation, droit de paternité, droit au respect de l’intégrité de l’œuvre, etc.) qui protègent l’auteur en raison des liens étroits qu’il entretient avec son œuvre. Ajoutons qu’il n’y a pas de remise en cause de ces prérogatives morales par les licences libres ; bien au contraire, celles-ci les rappellent (et parfois renforcent) systématiquement.
  • sur le respect des conditions relatives au prix de vente des livres. La loi Lang (81-766 du 10 août 1981 modifiée 2008) sur le prix unique du livre doit toujours être respectée quelle que soit la politique éditoriale choisie (ces règles s’appliquent aussi sur la vente des versions numériques – même si un prix différent du prix papier peut alors être décidé).

Ainsi, l’utilisation d’une licence libre est indispensable pour assurer aux utilisateurs les libertés proclamées par l’auteur et par la collection.

3. N’est-ce pas contradictoire avec la commercialisation des livres ?

L’adage « libre ne signifie pas gratuit » s’applique parfaitement pour ce qui concerne la collection Framabook. La politique de la collection consiste à proposer un modèle économique du livre basé à la fois sur la primauté de la diffusion et la juste rémunération des auteurs. Puisque nous vendons les livres « papier » et encourageons d’éventuelles rééditions, nous ne voulons pas utiliser de clause de licence interdisant à priori la vente (pas de -NC dans le cas des licences Creative Commons). Bien que la clause NC puisse être légitimée, il y a un contexte propre à la collection Framabook.

Framasoft est un réseau d’éducation populaire dédié au Libre qui s’appuie sur une association d’intérêt général à but non lucratif. De cette orientation découle toute l’importance de la diffusion au plus grand nombre. C’est pour cela que nous avons fait le choix de distribuer gratuitement les versions numériques des ouvrages. Mais elles auraient pu aussi bien être vendues au même titre que les livres « papier ». Quoi qu’il en soit, les sources (les fichiers originaux servant à la composition de l’œuvre) étant elles aussi disponibles, tout le monde peut les utiliser afin de diffuser à son tour gratuitement ou non.

Par essence, la clause de type -NC contrevient au principe de libre diffusion et de partage, à moins de lever à chaque fois cette clause pour chaque cas particulier (et, même dans cette situation, nous nous placerions dans une situation privilégiée qui serait contre-productive compte tenu du partage qui nous motive). Certaines maisons d’édition effectuent ainsi une sorte de « Libre-washing » en profitant de leur position de monopole sur l’œuvre pour lever cette clause temporairement moyennant une rémunération que l’auteur ne touche pas obligatoirement. L’idée est de prétendre une œuvre libre mais en conservant le monopole et en exerçant des contraintes indues. Nous pensons que dans la mesure où une maison d’édition désire rééditer un Framabook, moyennant les conditions exposées à la question numéro 4, elle devrait pouvoir le faire indépendamment de Framasoft, en directe relation avec l’auteur. Nous n’avons donc pas à fixer un cadre non-commercial et encore moins fixer un prix pour ces rééditions. L’exemple typique est le besoin d’une réédition locale hors de France afin d’économiser des frais de port parfois exorbitants : soit il s’agit d’une réédition, soit il s’agit d’une simple ré-impression, mais dans les deux cas, nous n’avons aucun profit à tirer puisqu’il s’agit de toute façon d’un territoire ou d’un secteur dans lequel nous ne sommes pas présent ou actif. Au contraire, une telle diffusion par un tiers (partenaire ou non) est créateur de valeur pour ce tiers, pour la collection ainsi que pour l’auteur (qui, selon nous, mérite un intéressement bien que les négociations ne nous regardent pas). Par ailleurs, ne bénéficiant que d’une simple cession de droits non exclusive de la part de nos auteurs, nous assumons pleinement le risque d’être concurrencés dans notre rôle d’éditeur si jamais nous ne remplissions pas nos engagements (éthiques ou économiques).

Dans le cas d’une traduction, l’usage d’une licence contenant une clause -NC interdirait à priori la vente de l’œuvre traduite (et donc modifiée). En faisant une nouvelle voie d’exploitation, des maisons d’édition proposent parfois de lever la clause pour cette traduction moyennant une somme forfaitaire sur laquelle l’auteur peut le plus souvent ne rien toucher puisque son contrat ne le lie qu’à la première maison d’édition. Par ailleurs, comme le contrat de cet auteur est généralement exclusif, il ne peut contracter librement avec la maison d’édition qui édite la traduction, sauf accord préalable avec la première. Nous pensons au contraire que non seulement les contrats d’édition ne doivent pas « lier » (au sens premier) un auteur avec sa maison d’édition mais aussi que celle-ci doit prendre la mesure de sa responsabilité éditoriale sans exercer de monopole et signer avec l’auteur des contrats non exclusifs qui lui permettent d’être contacté par une maison d’édition cherchant à traduire son œuvre à lui, sans pour autant passer par un intermédiaire rendu obligatoire uniquement pour des raisons mercantiles (il peut y avoir des raisons tout à fait acceptables, cependant)[6].

Concernant les livres « papier », nous avons fait le choix de ne pas (tous) les vendre à prix coûtant. Il y a deux raisons à cela :

  1. Depuis 2011, Framasoft a choisi de devenir son propre éditeur. À ce titre nous passons directement des contrats d’édition avec les auteurs, comprenant une rémunération à hauteur de 15% du prix de vente de chaque exemplaire. Ce pourcentage est toujours négociable, mais nous essayons d’en faire une règle, sans quoi il influe trop sur le prix de vente. Nous avons bien conscience que ce pourcentage est nettement plus élevé que ce qui se pratique habituellement dans le monde de l’édition. Il nous semble en effet important que nos auteurs qui ont fait le choix et le pari de la licence libre avec nous s’y retrouvent financièrement et bénéficient ainsi du modèle contributif dans lequel s’inscrit la collection[7].
  2. Framasoft est composé de bénévoles mais repose sur une association qui compte aujourd’hui plusieurs permanents[8]. À ce titre, le budget de tout projet doit être le plus équilibré possible. Or, éditer un livre suppose de nombreux coûts : le prix de vente est basé sur la fabrication, les frais de port et les frais annexes (administration, BAT, pertes, dons de livres, commission de l’association EnVentelibre.org qui se charge de la vente, des livraisons, de la charge TVA, etc.). Dans les frais annexes, nous pouvons aussi inclure les livres qui sont vendus à prix coûtant (afin de maintenir un prix « acceptable »[9]). Ainsi, en faisant en sorte de rester en deçà des prix habituellement pratiqués et gardant comme objectif de favoriser la diffusion des connaissances dont elle est responsable, l’association Framasoft perçoit une somme forfaitaire à chaque vente qui lui permet de contribuer à faire vivre les projets éditoriaux de l’association[10].

Ainsi, l’usage d’une licence qui autorise les usages commerciaux est à la fois conforme à nos objectifs internes (et à la mission d’intérêt général que revêt Framasoft) et constitutive d’un modèle d’édition ouvert qui tire plein profit des opportunités de notre société numérique et internationale.

4. Puis-je rééditer un Framabook ?

Oui, c’est même encouragé, sans quoi le modèle économique que nous défendons n’aurait pas de sens. Cependant, n’oubliez pas que les licences libres imposent certaines contraintes ! En plus de celles-ci, pour ce qui concerne les Framabooks, il y a d’autres éléments à prendre en compte.

  • Toute réédition doit bien sûr respecter la licence de l’ouvrage à la lettre, à défaut de quoi elle serait non autorisée et donc contrefaisante (cela couvre les obligations en matière de mentions légales – respect de la paternité, indication du Framabook d’origine, de la licence, etc. –, mais plus largement toutes les autres obligations de la licence – et donc notamment lorsqu’elle se présente la clause share alike/copyleft à laquelle est parfois associée l’obligation de livrer la version source du fichier publié).
  • Les auteurs des Framabook ont signé des contrats d’édition. Soumis par le Code de la propriété intellectuelle à un régime dédié, les contrats d’édition sont particulièrement protecteurs des intérêts des auteurs (et un éditeur ne peut y déroger)[11]. Les contrats conclus par Framasoft avec les auteurs ne couvrent que notre propre collection et sont dits « non exclusifs » (n’empêchant donc pas un auteur de publier une réédition ailleurs). Toute nouvelle édition de l’ouvrage devra donc donner lieu à un nouveau contrat d’édition signé par le ou les auteurs (avec ou sans un intéressement à la vente, selon les négociations).
  • Toute réédition d’un Framabook consiste à utiliser le contenu d’un livre (en le modifiant ou non) pour le diffuser par une autre maison d’édition, avec un nouvel ISBN. Il ne s’agit donc pas seulement de revendre un Framabook déjà édité par Framasoft. Dans ce cadre, hors accord spécifique avec l’association Framasoft, toute réédition ne doit pas réutiliser l’identité de Framasoft (ou son dérivée Framabook) qui est une marque déposée. Naturellement, Framasoft doit être mentionné dans les crédits (« Première édition : Framasoft <année> »).

5. Alors, tout le monde pourrait modifier mon œuvre et je n’aurais rien à dire ? Ne devrais-je pas plutôt utiliser une licence comme CC-BY-ND (sans modification) ?

La réponse mérite un développement.

Certaines personnes, et c’est en particulier le cas de Richard M. Stallman, affirment que dans le cas d’œuvres dites « d’opinion », la pensée de l’auteur ne devrait pas pouvoir être déformée[12]. Ces œuvres constitueraient donc autant de cas où une licence doit pouvoir empêcher toute modification de l’œuvre[13].

En réalité, le droit d’auteur[14] est bien plus subtil que ne laisse paraître ce genre de posture.

Premièrement, Richard M. Stallman confond le fond et la forme : le droit d’auteur protège la forme que donne l’auteur à certaines idées, en aucun cas il ne protège les idées ou l’opinion d’un auteur (celles-ci n’étant, en tant que telles, génératrices d’aucun droit).

À partir de là, apposer sur la forme une licence qui limite la réutilisation qui peut en être faite apparaît comme une limitation qui empêche in fine (pour un auteur) d’utiliser une certaine matière (les écrits, tournures, etc.) sans pour autant apporter de garantie quant à la réutilisation (ou non) des idées ou opinions qu’elle contient. Cela est d’autant plus dommage que la société actuelle donne une place de plus en plus grande au « mashup », ainsi qu’à tous ces processus de créations utilisant des œuvres premières comme matière, et qu’une licence qui interdit les dérivations s’oppose frontalement à cet usage.

Aussi, jamais une licence libre (qui ne porte donc que sur le droit d’auteur – l’expression, la forme) n’autorisera de modifier une œuvre de telle sorte que cette modification porte atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Dans le cadre d’une œuvre conçue par son auteur comme ouverte et collaborative, la modification par un contributeur est par principe entièrement respectueuse de l’intégrité de l’œuvre. Néanmoins, s’il était porté sur l’œuvre une modification manifestement non conforme à la représentation qu’en avait son auteur, il serait tout à fait valable qu’un auteur agisse sur le fondement de ses droits moraux pour faire cesser cette atteinte (de la même façon qu’il pourrait le faire en l’absence de licence libre), en particulier si l’œuvre était utilisée pour véhiculer des messages manifestement contraires à l’intention de l’auteur.

Au-delà du champ du droit d’auteur, ajoutons qu’il reste bien entendu interdit de publier toute version dérivée qui serait présentée de telle sorte qu’elle véhiculerait une idée fausse : soit que l’auteur initial de l’œuvre en serait aussi l’auteur, soit qu’il ait écrit certaines choses de certaines façons, etc. Ce type de comportement serait tout à fait sanctionnable d’un point de vue civil comme pénal. Il n’est bien sûr pas inutile de le rappeler, mais en revanche nul besoin d’utiliser une « licence verbatim » (interdisant toute modification) à cette seule fin.

Dans le cas des Framabooks, une clause de type -ND (ou toute autre clause de la même famille) est donc superflue. La suite va nous montrer qu’elle peut même être gênante.

Le second argument concerne la réédition. En effet, une modification de l’œuvre n’a d’intérêt que pour la diffuser. Il s’agit dans ce cas d’une réédition. Comme il est expliqué dans la question numéro 4, toute réédition d’un Framabook est soumise à certaines conditions. Parmi celles-ci, le contrat d’édition signé par l’auteur : puisque le contrat est « nommé », il lie l’auteur à son œuvre de manière formelle. Ainsi, il resterait toujours possible pour un imprimeur de réaliser des copies papiers « à la demande » dès lors qu’il ne rentrerait pas dans une démarche similaire à celle d’un éditeur et toute nouvelle édition serait nécessairement rattachable à un auteur (soit l’auteur initial de l’œuvre s’il choisit de souscrire à un nouveau contrat et dès lors que ce nouveau contrat ne souffre pas de la non exclusivité accordée à Framasoft ; soit l’auteur d’une version dérivée dès lors que les apports de chacun des auteurs sont clairement identifiés).

Le troisième argument, « l’absence de risque », est sans doute le plus important. Une licence sans clause -ND (ou autre clause du même genre) aura seulement pour conséquence :

  • de permettre des créations nouvelles empruntant pour partie à l’œuvre initiale, mais : a) en attribuant l’œuvre initiale et b) en se dissociant de façon non équivoque. C’est le cas par exemple de traductions ou des « mises à jour » de l’œuvre ;
  • de permettre des « grandes citations » (ou toute autre réutilisation qui dépasserait le seul cadre des exceptions prévues par la Loi) au sein d’une autre œuvre.

Ainsi, dans la mesure où notre objectif premier est celui de la diffusion, une clause interdisant toute modification fait obstacle à l’apparition de nouvelles créations susceptibles de devenir le support second de cette propagation.

En guise d’illustration, nous pouvons citer deux extraits du préambule de la Licence Art Libre, mise à disposition pour des œuvres artistiques : « Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les œuvres dans le respect des droits de l’auteur (…) L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une œuvre ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des œuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun ». Cet esprit est d’autant plus présent dans la LAL que le texte distingue l’original de la copie : les droits portant sur les copies de l’original (qui pour sa part ne peut être modifié sans autorisation de son auteur et qui doit être mentionné comme tel).

Pour revenir au contexte d’édition dans lequel nous nous situons, le choix d’une licence entièrement libre est aussi une assurance pour le projet et ses contributeurs : même si l’auteur se désengage et ne souhaite ou ne peut assurer de nouvelle version, d’autres pourront prendre le relais (comme ce fut le cas pour le premier Framabook Utilisez Thunderbird 2.0 !).

6. Et si je décide de ne pas m’encombrer les neurones ?

Les raisons esthétiques ci-dessus ne s’appliquent que peu aux ouvrages de la collection Framabook, mais restent néanmoins discutables dans le cadre d’une démarche de partage libre. A contrario, nous pouvons signaler que certains ouvrages de la collection sont, eux, sous licence CC-Zéro. C’est-à-dire qu’il s’agit de ce que l’on pourrait appeler le « domaine public volontaire ».

Certes, nous avons dit plus haut qu’il était impossible pour un auteur, du point de vue légal et dans beaucoup de juridictions, de renoncer à tous ses droits d’auteurs (en particulier les droits moraux). Cela dit, les choses peuvent aussi s’envisager d’un point de vue beaucoup plus pratique : le fait de déclarer que non seulement l’œuvre est libre mais aussi qu’elle a pour vocation de suivre son cours en pleine autonomie, un cours que l’auteur s’engage à ne pas influencer (à ne pas exercer son droit d’auteur qui pourtant lui colle à la peau).

La licence CC-0 cherche à traduire ces effets au sein d’un contrat qui propose alternativement et successivement : une renonciation aux droits, une cession de tous les droits patrimoniaux et moraux ou une cession des seuls droits patrimoniaux. En d’autres termes, les droits de Propriété Intellectuelle (et régimes associés) étant territoriaux, la licence CC-0 fonctionne différemment selon que l’auteur peut renoncer à ses droits, céder ses droits moraux ou non. Dans les faits, la licence confère ainsi à l’œuvre le statut juridique s’approchant le plus de la volonté de l’auteur (en France, un statut très proche de la CC By : une cession très large des droits patrimoniaux avec une obligation de citer l’auteur – sauf si ce dernier souhaite rester anonyme).

C’est notamment le cas du roman Le Cycle des NoéNautes, par Pouhiou[15]. Nous pouvons le citer :

« Dès aujourd’hui, je fais passer Les Noénautes dans le domaine public volontaire. Cela veut dire que tu as le droit d’en faire ce que tu veux. Tu n’as aucun compte à me rendre. Tu peux éditer et vendre cette œuvre pour ton propre compte, tu peux la réécrire, l’adapter, la recopier, en faire de la pub ou des navets… Tu es libre. Parce que légalement, cette œuvre est libre. La loi Française imposerait que tu fasses mention de l’auteur malgré tout : OSEF, j’irai pas t’attaquer ! J’avoue que si tu fais quelque chose de tout cela, ça m’amuserait que tu me tiennes au jus. Mais tu n’as plus d’autres obligations que celles que tu te crées. »[16]

Conclusion

Elle s’exprime en une phrase : la collection Framabook édite des livres sous licence libre, sans clause non commerciale ou empêchant toute modification de l’œuvre. Voici des exemples de licence qui peuvent être utilisés :

  • GNU FDL – Issue du projet GNU, elle est au départ adaptée aux manuels de logiciels. C’est une licence très permissive ;
  • CC-By – Creative commons – paternité (obligation de nommer l’auteur pour toute redistribution avec ou sans modification) ;
  • CC-By-SA – Creative commons – Paternité – Partage à l’identique (share alike) : toute redistribution doit être partagée sous les mêmes termes de licence ;
  • LAL – Licence Art Libre, conçue comme une adaptation de la GNU GPL au domaine de l’art ;
  • CC-Zéro – il s’agit du versement volontaire de l’œuvre dans le domaine public.

Cette liste n’est pas limitative et nous nous ferons un plaisir de vous accompagner si vous souhaitez discuter de la pertinence de toute autre licence. Le choix de la licence de la part de l’auteur doit être un choix éclairé et mûrement réfléchi. Il entre dans une démarche de partage et en même temps dans un circuit éditorial. Il n’échappe néanmoins pas à la juridiction du droit d’auteur.

– Framasoft, le 15 octobre 2013

Notes

[1] Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Framasoft#cite_note-32. La collection est coordonnée par Christophe Masutti.

[2] Nous avons également publié un essai qui propose, lui, de se passer complètement du droit d’auteur : J. Smiers, et M. van Schijndel, Un monde sans copyright… et sans monopole.

[3] De manière plus complexe, certains de nos ouvrages sont soumis à plusieurs licences libres : tel l’ouvrage précité « Option Libre » qui est diffusé sous triple licence CC-By-SA 3.0, Licence Art Libre 1.3, GNU FDL 1.3.

[4] Lorsque je souhaite donner un fichier, je fais une copie, ce qui devient du partage : ce principe est évidemment contrarié par la pléthore de dispositifs de surveillance et de protection de la part des ayants droits (type DRM, ou lobbying législatif) qui visent à empêcher le partage pour des raisons plus ou moins défendables.

[5] Il est en effet admis, au moins en Europe, qu’un auteur ne peut décider d’élever de lui-même une œuvre dans le domaine public (un tel acte serait certainement sans valeur juridique et l’auteur ou ses ayants droit pourraient valablement revenir dessus plusieurs années plus tard).

[6] Nous avons récemment rencontré le cas avec la traduction d’un chapitre de l’ouvrage de C. Kelty, tiré de Two Bits. The Cultural Significance of Free Software (http://twobits.net), que nous souhaitions intégrer dans le Framabook Histoires et cultures du Libre. Bien qu’ayant l’accord de l’auteur, son livre étant sous licence CC-BY-NC-SA, c’est l’éditeur seul qui pouvait lever temporairement la clause NC, moyennant une rétribution (certes faible, de l’ordre d’une centaine de dollars), afin que nous puissions inclure ce chapitre dans l’ouvrage destiné à la vente. La clause -SA posait aussi un grave problème pour l’ensemble de l’ouvrage. Nous l’avons donc inclus uniquement dans la version numérique gratuite.

[7] Pour les ouvrages où il n’y a pas de contrat d’auteur, les bénéfices sont reversés à Framasoft et entrent dans le cadre de l’équilibre budgétaire (en principe, lorsque celui-ci peut être atteint).

[8] Framasoft compte trois permanents à ce jour, affectés à la gestion des multiples projets de l’association ainsi qu’à son administration.

[9] C’est par exemple le cas des bandes dessinées GKND pour lesquelles nous avons fixé un objectif de prix (pas au-delà de 12 euros la version imprimée). Ce prix permet à l’auteur de toucher un intéressement, mais ne couvre pas les frais annexes (stockages, frais de port pour les approvisionnements, etc.). Cela peut bien entendu changer si nous empruntons une autre voie plus économique pour la production.

[10] L’essentiel des revenus de l’association étant composé des dons faits à l’association. Les revenus provenant de la vente des ouvrages permet d’avoir à disposition un fonds de roulement permettant d’acheter des stocks d’imprimés.

[11] Voir article L132-1 du CPI : « Le contrat d’édition est le contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre, à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion ». Constitue une faute de la part de l’éditeur le fait de n’avoir pas passé un contrat d’édition avec une personne à laquelle il reconnaissait la qualité d’auteur (Paris, 4e chambre, 22 novembre 1990).

[12] R. M. Stallman affirme en effet : « Selon moi, les licences non libres qui permettent le partage sont légitimes pour des œuvres artistiques ou de divertissement. Elles le sont également pour des œuvres qui expriment un point de vue (comme cet article lui-même). Ces œuvres ne sont pas dédiées à une utilisation pratique, donc l’argument concernant le contrôle par l’utilisateur ne s’y applique pas. Ainsi, je ne vois pas d’objection à ce qu’elles soient publiées sous licence CC BY-NC-ND, qui ne permet que la redistribution non commerciale de copies identiques à l’original. »

[13] Dans le même registre, et pour des motifs tout à fait recevables selon l’usage, certaines licences libres – une principalement : la GNU Free Documentation License – permettent d’identifier des passages spécifiques d’une œuvre comme invariants (cela notamment afin d’assurer une plus grande diffusion des textes philosophiques et/ou politiques annexer à une documentation).

[14] Le droit d’auteur se décompose entre droit moral et droit patrimonial : en vertu du droit patrimonial, l’auteur a la possibilité d’exploitation son œuvre (par des contrats de cession telle qu’une licence libre) ; en vertu du droit moral, l’auteur peut limiter certains usages préjudiciables pour son œuvre ou le lien qu’il entretient avec cette dernière.

[15] Ainsi que Joost Smiers et Marieke van Schijndel, op. cit.

[16] Voir : http://noenaute.fr/bonus-13-inspirations-et-digestion/2.




L’un des plus beaux projets qui soit : libérer la musique tout en aidant les malvoyants

Robert Douglas et sa femme pianiste Kimiko Ishizaka sont à l’initiative d’un magnifique projet : libérer la musique classique pour la mettre directement dans le domaine public (enregistrements et partitions).

En effet, même si les auteurs sont généralement depuis longtemps dans le domaine public, les enregistrements eux ne le sont pas et sont soumis au strict copyright (idem pour les partitions qui appartiennent à leurs éditeurs).

Je vous invite à parcourir l’article Wikipédia Open Goldberg Variations pour en savoir plus. Une première campagne a été menée avec succès en 2012 pour y enregistrer les Variations Goldberg de Johann Sebastian Bach. Et le résultat est là : des enregistrement (en haute qualité et pas seulement en mp3) et des partitions mis à la disposition de tous.

On notera que cette campagne a été financée par crowdfunding (financement participatif). Nous sommes de plus en plus nombreux à adhérer à cette idée : payer une fois pour que ce soit directement mis dans le pot des biens communs.

Si vous voulez écouter Kimiko Ishizaka jouer du Bach, je vous invite à voir cette vidéo YouTube réalisée cet été lors du festival OHM. Détente garantie…

Or une seconde campagne vient de démarrer, toujours sur le même modèle et toujours Bach : l’enregistrement du Clavier bien tempéré. Cette campagne s’appelle subtilement Ba©h to Bach

Cette campagne est elle aussi déjà couronnée de succès puisque la somme (non négligeable) à atteindre vient d’être dépassée. Mais le projet veut aller plus loin. en direction de l’accessibilité et des malvoyants, et ce grâce aux logiciels libres. Il nous explique cela ci-dessous et vous invite à continuer à participer financièrement à la campagne si vous jugez que cela le mérite.

Ce projet exemplaire a tout notre soutien et démontre une fois de plus qu’ensemble nous pouvons déplacer des montagnes et agir pour un monde meilleur…

Rodriago - CC by

Faire de la musique libre sur KickStarter et doubler le nombre de partitions pour aveugles

Kickstarting open source music and doubling the number of scores for the blind

Robert Douglass – 14 ocotbre 2013 – OpenSource.com
(Traduction : Penguin, Isammoc, Scailyna + anonymes)

La sérendipité m’a été un jour décrite comme le fait de chercher une aiguille dans une meule de foin et de trouver la fille du fermier. Dans le cas du projet Open Well-Tempered Clavier (NdT: la libération du Clavier bien tempéré de Bach), cela fut plutôt : essayer de faire une version open source de la musique de Bach, et découvrir que les musiciens aveugles affrontaient un manque critique de partitions en braille disponibles pour leurs études. Or, contrairement aux deux siècles précédents, on peut désormais faire quelque chose pour résoudre ce problème, en utilisant les logiciels libres.

Faire de la musique libre avec des outils libres tels que MuseScore est le but premier du projet Open Well-Tempered Clavier, et c’est ce qui a attiré Eunah Choi, une professeur en Corée du Sud, à devenir un backer (souscripteur) sur KickStarter. Cela a conduit à une discussion informelle par e-mail assorties de questions triviales « Êtes-vous une pianiste ? » et « Faites-vous des études dans la musique ? ».

La réponse qu’Eunah nous a envoyée est déchirante. Elle a enregistré un message vidéo de l’email que vous pouvez voir ci-dessous, mais en résumé, elle est malvoyante, et il n’y a pas assez de partitions en braille pour constituer une étude sérieuse du piano. Au bout du compte, elle a abandonné la mort dans l’âme son rêve de devenir une pianiste professionnelle.

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Cette révélation a été très perturbante pour moi et pour l’équipe de MuseScore. Nous avions prévu de rendre la musique accessible et nous avions manifestement échoué pour le groupe de personnes qui en avait le plus besoin.

Nous nous sommes donc demandés : « Est-ce que cela peut être arrangé ? » La réponse à cette question est très clairement « Oui » ! MuseScore a depuis longtemps adopté des standards libres, comme MusicXML, et il y a les bibliothèques libres, Freedots et music21, qui tentent de convertir MusicXML en braille, et qui sont adaptés à la lecture sur des appareils comme ceux qu’Enuah utilise dans ces videos. Mais ces deux bibliothèques ne sont pas terminées et nécessite plus de développement.

Armé de cette nouvelle information, le projet Open Well-Tempered Clavier a élargi sa mission et défini de nouveaux objectifs sur Kickstarter. En supposant qu’il aura un financement suffisant, l’équipe ne proposera pas seulement des partitions et des partitions du Clavier bien tempéré de Bach dans le domaine public (le but initial), mais aussi une version en braille. Puis nous créerons une version en braille des Variations Goldberg de Bach, qui a été publiée en 2012. Grâce à ces efforts, il nous sera possible de créer un service web accessible et libre pour automatiser la chaîne de conversion de partitions MuseScore et MusicXML en braille et de convertir automatiquement plus de 50 000 partitions de la bibliothèque MuseScore.com.

Étant donné qu’il existe à l’heure actuelle moins de 20 000 titres disponibles en braille, l’ajout de 50 000 titres supplémentaires serait véritablement significatif. Abaisser la barrière de la conversion pour les partitions numériques, et fournir les outils sous la forme de logiciel libre, garantit que ce nombre va continuer de croître.

C’est la responsabilité des voyants de fournir des copies de nos trésors culturels dans des formats pouvant être lus par les aveugles et les malvoyants. Les logiciels libres nous aideront à réaliser ce devoir.

» Pour participer à la campagne du projet

Crédit photo : Rodriago (Creative Commons By)




Comment la NSA déploie des logiciels malveillants

Nouvelles révélations, nouvelles précautions

Nous reprenons ici l’article récemment publié par KoS, il s’agit de la traduction française de l’article de l’Electronic Frontier Foundation : How The NSA Deploys Malware: An In-Depth Look at the New Revelations par : Sphinx, KoS, Scailyna, Paul, Framatophe et 2 auteurs anonymes

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Nous avons longtemps suspecté que la NSA, la plus grande agence d’espionnage du monde, était plutôt douée pour pénétrer les ordinateurs. Désormais, grâce à un article de Bruce Schneier, expert en sécurité qui travaille avec The Guardian sur les documents de Snowden, nous avons une vision bien plus détaillée de la manière dont la NSA utilise des failles pour infecter les ordinateurs d’utilisateurs ciblés.

La méthode utilisée par la NSA pour attaquer les gens avec des logiciels malveillants est largement utilisée par les criminels et les fraudeurs ainsi que par les agences de renseignement, il est donc important de comprendre et de se défendre contre cette menace pour éviter d’être victime de cette pléthore d’attaquants.

Comment fonctionnent les logiciels malveillants exactement ?

Déployer un logiciel malveillant via le Web nécessite généralement deux étapes. Premièrement, en tant qu’attaquant, vous devez attirer votre victime sur un site web que vous contrôlez. Deuxièmement, vous devez installer un logiciel sur l’ordinateur de la victime pour prendre le contrôle de sa machine. Cette formule n’est pas universelle, mais c’est souvent ainsi que les attaques sont exécutées.

Pour mener à bien la première étape, qui consiste à amener un utilisateur à visiter un site sous le contrôle de l’attaquant, ce dernier peut envoyer à la victime un courriel avec un lien vers le site web concerné : c’est ce que l’on appelle une attaque par hameçonnage (phishing). La NSA aurait parfois eu recours à ce type d’attaque, mais nous savons à présent que cette étape était généralement accomplie via une méthode dite de « l’homme du milieu » (man-in-the-middle)¹. La NSA contrôle un ensemble de serveurs dont le nom de code est « Quantum », situés sur les dorsales Internet et ces serveurs sont utilisés pour rediriger les cibles vers d’autres serveurs contrôlés par la NSA et chargés d’injecter le code malveillant.

Dans ce cas, si un utilisateur ciblé visite, par exemple, le site yahoo.com, son navigateur affichera la page d’accueil ordinaire de Yahoo! mais sera en réalité en communication avec un serveur contrôlé par la NSA. La version malveillante du site web de Yahoo! demandera au navigateur de l’utilisateur d’adresser une requête à un autre serveur contrôlé par la NSA et chargé de diffuser le code néfaste.

Quand un utilisateur ciblé visite un site web mal intentionné, quels moyens l’attaquant utilise-t-il pour infecter l’ordinateur de la victime ? Le moyen le plus direct est probablement d’amener l’utilisateur à télécharger et à exécuter un logiciel. Une publicité intelligemment conçue s’affichant dans une fenêtre pop-up peut convaincre un utilisateur de télécharger et d’installer le logiciel malveillant de l’attaquant.

Toutefois, cette méthode ne fonctionne pas toujours et repose sur une initiative de l’utilisateur visé, qui doit télécharger et installer le logiciel. Les attaquants peuvent choisir plutôt d’exploiter des vulnérabilités du navigateur de la victime pour accéder à son ordinateur. Lorsqu’un navigateur charge une page d’un site, il exécute des tâches telles que l’analyse du texte envoyé par le serveur et il arrive souvent qu’il charge des greffons (plugins) tels que Flash pour l’exécution de code envoyé par le serveur, sans parler du code JavaScript que peut aussi lui envoyer le serveur. Or, les navigateurs, toujours plus complexes à mesure que le web s’enrichit en fonctionnalités, ne sont pas parfaits. Comme tous les logiciels, ils ont des bogues, et parfois ces bogues sont à la source de vulnérabilités exploitables par un attaquant pour prendre le contrôle d’un ordinateur sans que la victime ait autre chose à faire que visiter un site web particulier. En général, lorsque les éditeurs de navigateurs découvrent des vulnérabilités, ils les corrigent, mais un utilisateur utilise parfois une version périmée du navigateur, toujours exposée à une attaque connue publiquement. Il arrive aussi que des vulnérabilités soient uniquement connues de l’attaquant et non de l’éditeur du navigateur ; ce type de vulnérabilité est appelée vulnérabilité zero-day.

La NSA dispose d’un ensemble de serveurs sur l’internet public désignés sous le nom de code « FoxAcid », dont le but est de déployer du code malveillant. Une fois que des serveurs Quantum ont redirigé une cible vers une URL spécialement forgée et hébergée sur un serveur FoxAcid, un logiciel installé sur ce serveur se sert d’une boîte à outils d’exploitation de failles pour accéder à l’ordinateur de l’utilisateur. Cette boîte à outils couvre vraisemblablement des vulnérabilités connues, utilisables contre des logiciels périmés, et des vulnérabilités zero-day, en règle générale réservées à des cibles de haute valeur ². Nos sources indiquent que l’agence utilise ensuite ce code malveillant initial pour installer d’autres logiciels à le plus long terme.

Quand un attaquant réussit à infecter une victime avec du code malveillant, il dispose d’ordinaire d’un accès complet à l’ordinateur de cette dernière : il peut enregistrer les saisies du clavier (qui peuvent révéler mots de passe et autres informations sensibles), mettre en route la webcam ou lire n’importe quelle donnée conservée sur cet ordinateur.

Que peuvent faire les utilisateurs pour se protéger ?

Nous espérons que ces révélations pousseront les éditeurs de navigateurs à agir, que ce soit pour renforcer leurs logiciels contre les failles de sécurité ou pour tenter de détecter et de bloquer les URL utilisées par les serveurs FoxAcid.

Entre-temps, les utilisateurs soucieux de leur sécurité s’efforceront de suivre des pratiques de nature à assurer leur sécurité en ligne. Gardez toujours vos logiciels à jour, en particulier les greffons des navigateurs tels que Flash, qui nécessitent des mises à jour manuelles. Assurez-vous de bien faire la différence entre les mises à jour légitimes et les avertissements sous forme de pop-ups qui se font passer pour des mises à jour. Ne cliquez jamais sur un lien suspect dans un courriel.

Les utilisateurs qui souhaitent aller un pas plus loin — selon nous, tout le monde devrait se sentir concerné —, utiliseront l’activation en un clic de greffons Flash ou Java de manière à ce que ces derniers ne soient exécutés sur une page web qu’à la condition que l’utilisateur l’approuve. Pour Chromium et Chrome, cette option est disponible dans Paramètres => Afficher les paramètres avancés => Confidentialité => Paramètres du contenu => Plug-ins.

La même chose peut être faite pour Firefox à l’aide d’une extension comme Click to Play per-element. Les greffons peuvent également être désactivés ou complètement désinstallés. Les utilisateurs devraient également utiliser un bloqueur de publicité afin d’empêcher les requêtes superflues du navigateur destinées aux publicitaires et aux pisteurs du web. Ils devraient en outre utiliser l’extension HTTPS Everywhere afin d’utiliser le chiffrement des connexions associées à HTTPS sur le plus de sites possibles.

Si vous êtes un utilisateur prêt à supporter quelques désagréments au bénéfice d’une navigation plus sûre, regardez du côté de NotScripts (Chrome) ou de NoScript (Firefox), qui permettent de limiter l’exécution des scripts. Cela signifie qu’il vous sera nécessaire d’autoriser par un clic l’exécution des scripts un à un. JavaScript étant très répandu, attendez-vous à devoir cliquer très souvent. Les utilisateurs de Firefox peuvent s’orienter vers une autre extension utile, RequestPolicy, qui bloque le chargement par défaut des ressources tierces sur une page. Ici aussi, votre navigation ordinaire pourrait être perturbée car les ressources tierces sont très utilisées.

Enfin, pour les plus paranoïaques, HTTP Nowhere permettra de désactiver l’ensemble du trafic HTTP, avec pour conséquence que votre navigation sera entièrement chiffrée et, par la même occasion, limitée aux seuls sites offrant une connexion HTTPS.

Conclusion

Le système de la NSA pour déployer les logiciels malveillants n’a rien de particulièrement novateur, mais avoir un aperçu de la façon dont il opère devrait aider les utilisateurs et les éditeurs de logiciels et de navigateurs à mieux se défendre contre ces types d’attaques, et contribuer à une meilleure protection de tous contre les criminels, les agences de renseignement et une pléthore d’autres attaquants. C’est pourquoi nous jugeons vital que la NSA soit transparente quant à ses capacités et aux failles ordinaires de sécurité auxquelles nous sommes exposés — notre sécurité en ligne en dépend.


1. Le terme « homme du milieu » est parfois réservé aux attaques sur les connexions sécurisées par cryptographie, par exemple au moyen d’un certificat SSL frauduleux. Dans cet article, toutefois, on entend plus généralement toute attaque où l’attaquant s’interpose entre un site et la victime.
2. D’après l’article de The Guardian, « Les exploits les plus précieux sont réservés aux cibles les plus importantes ».




Villes en biens communs, c’est parti ! (et Framasoft n’est pas en reste)

Villes en biens communs - Logo

Un mois de festival pour explorer, créer et faire connaître les biens communs[1] au quatre coins de la francophonie, ça vous dit ?

Plus de 200 événements sont organisés à partir d’aujourd’hui et durant tout le mois d’octobre dans une quarantaine de villes francophones à travers le monde pour explorer et faire connaître toute la diversité des biens communs.

Pendant ce « Mois des Communs », à Brest, Lyon, Montréal, Ouagadougou, Paris, Rennes, Lausanne, Bamako…, des visites, conférences, ateliers pratiques, et initiations en tous genres permettront aux citoyens de tous les âges de découvrir des initiatives pour créer, gérer et partager des ressources collectives.

Conférence, table ronde, expo photo, atelier d’écriture et de traduction, dédicace, musique du domaine pubic… Framasoft participera à une bonne douzaine d’événements divers et variés à Paris, Lyon, Toulouse, Rennes, Bolbec et à… l’Assemblée nationale (voir le détail ci-dessous).

-> http://villes.bienscommuns.org/

Les biens communs sont des ressources créées, gérées et partagées collectivement par une communauté de citoyens : zones urbaines transformées en jardins partagés, informations ajoutées dans l’encyclopédie Wikipédia, cartographies OpenStreet Map nourries par les utilisateurs, savoirs traditionnels, logiciels libres, science ouverte, publications en libre accès, pédibus scolaires, fours à pains mutualisés, systèmes d’irrigation agricole partagés, semences libres, contenus éducatifs ouverts, échanges de savoirs, justice participative, données ouvertes collectées par les personnes…

Quelles que soit leur échelle – de l’immeuble à la planète –, les approches par les biens communs apportent des réponses inédites et robustes, là où la puissance publique et le marché sont souvent absents ou inefficaces. Les événements de « Villes en Biens communs » cherchent à donner une visibilité à ces innovations sociales et citoyennes. Les communs ouvrent de nouvelles voies pour répondre aux différentes crises que traversent nos sociétés (écologique, économique, sociale…)

Nous en profitons pour remercier tout particulièrement l’association Vecam sans qui rien n’aurait pu se faire.

Où retrouver Framasoft

  • Samedi 12 Octobre 2013 de 13h30 à 19h00 – Toulouse – Journée « Cultures Libres » à la Novela (Pouhiou y animera un atelier d’écriture et Alexis Kauffmann une conférence ainsi qu’une participation à une expo photo, plus de détails ici)
  • Vendredi 18 Octobre 2013 de 09h30 à 16h30 – Bolbec – Ecriture collective d’une nouvelle policière (qui sera mise sous licence libre et surtout rédigée par des élèves de CM1 sous leur regard de leurs professeurs et de Pouhiou)
  • Vendredi 18 Octobre 2013 de 20h00 à 22h30 – Bolbec – To be or not to be free! (rencontre grand public en présence de Pouhiou)

Notes

[1] Cela me fait penser qu’il faudrait qu’on améliore ensemble l’article Wikipédia des Biens communs. Edit : On m’apprend dans les commentaires que cela fera justement l’objet d’une activité !




Le chiffrement, maintenant (5)

Un service de chat furtif : Off-the-Record (OTR)

Traduction : Feadurn, Paul, lamessen, goofy

Off-the-Record (OTR) est une couche de chiffrement qui peut être ajoutée à n’importe quel système de messagerie instantanée existant, pourvu que vous puissiez vous connecter à cette messagerie instantanée avec un client qui prend en charge l’OTR, comme Pidgin ou Adium. Avec OTR, il est possible d’avoir des conversations sécurisées, chiffrées de bout en bout, en passant par des services comme Google Talk ou Facebook sans que ni Facebook ni Google n’aient accès au contenu de ces conversations. Notez bien que c’est un système différent de l’option « off the record » de Google, qui n’est pas sécurisée. Et souvenez-vous : bien qu’une connexion HTTPS avec Google ou Facebook offre une très bonne protection à vos messages quand ils circulent, les deux services ont les clés de vos échanges et peuvent donc les communiquer aux autorités.

OTR remplit deux missions : le chiffrement des conversations de messagerie instantanée en temps réel et la vérification de l’identité des personnes avec lesquelles vous communiquez. Cette dernière est extrêmement importante mais beaucoup d’utilisateurs d’OTR la négligent. Même si OTR est bien plus facile à prendre en main que d’autres formes de chiffrement à clé publique, vous devez malgré tout en comprendre le fonctionnement et savoir à quelles attaques il peut être exposé si vous souhaitez l’utiliser en toute sécurité.

Fournisseurs de services et Jabber

OTR assure uniquement le chiffrement du contenu de vos conversations et non celui des métadonnées qui leur sont associées. Celles-ci comprennent vos interlocuteurs, quand et à quelle fréquence vous communiquez avec eux. C’est la raison pour laquelle je recommande d’utiliser un service qui n’est pas connu pour collaborer avec les services secrets. Cela ne protègera pas forcément vos métadonnées, mais vous aurez au moins une chance qu’elles restent privées.

Je vous conseille aussi d’utiliser un service XMPP (aussi appelé Jabber). Tout comme le courrier électronique, Jabber est un protocole ouvert et fédéré. Les utilisateurs d’un service Jabber comme riseup.net peuvent discuter tant avec des utilisateurs du service jabber.ccc.de qu’avec ceux du service jabber.org.

Clients OTR

Pour utiliser OTR, vous devrez télécharger un logiciel. Sous Windows, vous téléchargerez et installerez Pidgin et le plugin OTR séparément. Sous GNU/Linux, vous installerez les paquets pidgin et pidgin-otr. La documentation explique comment configurer vos comptes Pidgin avec OTR. Si vous êtes sous Mac OS X, vous pouvez télécharger et installer Adium, un client de chat libre qui intègre le support d’OTR. Là aussi, reportez vous à la documentation officielle pour configurer le chiffrement OTR avec Adium. Il existe aussi des clients Jabber et OTR disponibles pour Android (Giggerbot) et pour iOS (ChatSecure).

Votre clé

Quand vous commencez à utiliser OTR, votre client de chat génère une clé de chiffrement et la stocke dans un fichier de votre répertoire utilisateur personnel sur votre disque dur. Si votre ordinateur ou votre smartphone est perdu, volé ou rendu inutilisable par un logiciel malveillant, il est possible que l’inviolabilité de votre clé OTR soit compromise. Si c’est le cas, un attaquant aura la possibilité de prendre le contrôle de votre serveur Jabber et de lancer une attaque de l’homme du milieu (MIDTM) contre vous pendant que vous discutez avec des interlocuteurs qui avaient auparavant vérifié votre identité.

Sessions

Si vous souhaitez utiliser OTR pour discuter en privé avec vos amis, ces derniers doivent l’utiliser également. Une session chiffrée entre deux personnes nécessite deux clés de chiffrement. Par exemple, si vous-même et votre correspondant vous êtes tous deux identifiés sur le chat de Facebook en utilisant Adium ou Pidgin après avoir configuré OTR, vous pourrez discuter en privé. En revanche, si vous vous êtes logué en messagerie instantanée en utilisant Adium ou Pidgin mais que votre interlocuteur discute en utilisant directement facebook.com, vous ne pouvez pas avoir de conversation chiffrée.

Si vous souhaitez utiliser les services de Facebook ou Google pour discuter avec vos amis, je vous recommande de désactiver le chat de l’interface web pour ces services et de n’utiliser qu’Adium ou Pidgin pour vous connecter, et d’encourager vos amis à faire de même ; voici la marche à suivre pour Facebook et Google.

Quand vous lancez une session chiffrée avec OTR, votre logiciel client vous indique quelque chose comme :

Lancement d'une conversation privée avec utilisateur@jabberservice... Conversation non-vérifiée avec utilisateur@jabberservice/démarrage du client chat. 

Si vous avez déjà vérifié l’empreinte OTR de la personne à laquelle vous parlez (voir plus bas), votre session ressemblera à ceci :

Lancement d'une conversation privée avec utilisateur@jabberservice... Conversation privée avec utilisateur@jabberservice/démarrage du client chat. 

Quand vous commencez une nouvelle session OTR, votre logiciel OTR et celui de votre correspondant s’échangent une série de messages pour s’accorder sur une clé pour la nouvelle session. Cette clé temporaire n’est connue que par vos deux clients de messagerie instantanée, ne circule jamais sur Internet et sert à chiffrer et déchiffrer les messages. Une fois la session terminée, les deux logiciels clients « oublient » la clé. Si vous recommencez à chatter plus tard avec la même personne, votre client OTR génèrera une nouvelle clé de session.

De cette façon, même si une personne indiscrète enregistre toutes vos conversations chiffrées — ce que la NSA pense être légalement autorisée à faire même si vous êtes un citoyen étatsunien et qu’elle n’a pas un mandat ou une bonne raison de le faire — et que plus tard elle compromet votre clé OTR, elle ne pourra pas retrouver ni déchiffrer vos anciennes conversations.

Cette propriété est appelée sécurité itérative, et c’est une particularité d’OTR dont PGP ne dispose pas. Si votre clé PGP privée (article à venir sur les clés PGP) est compromise et que l’attaquant a eu accès à tous les messages chiffrés que vous avez reçus, il peut les retrouver et en déchiffrer l’intégralité.

Apprenez-en davantage sur la façon dont fonctionne la sécurité itérative, et la raison pour laquelle la majorité des grandes sociétés d’Internet devraient l’adopter pour leurs site web ici. La bonne nouvelle, c’est que Google utilise déjà la sécurité itérative et que Facebook va l’implémenter dès que possible.

Vérification d’empreinte OTR

Quand vous commencez une nouvelle session OTR avec quelqu’un, votre logiciel de chat reçoit une empreinte[1] de sa clé de chiffrement et votre logiciel OTR se souvient de cette empreinte. Aussi longtemps que la personne utilise la même clé de chiffrement lorsqu’elle communique avec vous, probablement parce qu’elle utilise le même logiciel/client(?), elle aura la même empreinte. Si cette empreinte change, c’est soit parce que la personne utilise une clé OTR différente, soit que vous êtes tous deux victimes d’une attaque MITM.

Sans cette vérification de clés, vous n’avez aucun moyen de savoir si vous êtes victime d’une attaque MITM réussie et non détectée.

Même en étant sûr que la personne avec qui vous discutez est réellement votre interlocuteur, parce qu’elle connaît des choses qu’elle seule peut connaitre, et en utilisant un chiffrement OTR, un attaquant peut être en train de lire votre conversation. Peut-être avez vous en réalité une conversation chiffrée avec l’attaquant, lui-même en pleine conversation chiffrée avec votre interlocuteur, relayant les messages entre vous et ce dernier. Au lieu de l’empreinte de votre interlocuteur, votre client verra celle de l’attaquant. Tout ce que vous pouvez constater en tant qu’utilisateur est que la conversation est « non vérifiée ».

Les captures d’écran suivantes montrent les indications visuelles de Pidgin concernant la vérification de l’empreinte. Si vous avez vérifié l’empreinte OTR, votre discussion est privée : dans le cas contraire, votre conversation est chiffrée mais rien ne garantit que vous n’êtes pas en train de subir une attaque. Vous ne pouvez en avoir la certitude absolue qu’à condition de vérifier.

Si vous cliquez sur un lien non vérifié (sur Adium c’est une icône de cadenas), vous pouvez choisir « authentifier l’ami ». Le protocole OTR propose trois méthodes de vérification : le protocole du millionnaire socialiste, le secret partagé et la vérification manuelle de l’empreinte. Tous les clients OTR permettent la vérification manuelle de l’empreinte, mais pas forcément les autres types de vérification. Dans le doute, choisissez la vérification manuelle de l’empreinte.

Dans la capture d’écran ci-dessus, on voit l’empreinte OTR des deux utilisateurs de la session. Votre interlocuteur doit voir exactement les mêmes empreintes que vous. Pour être certain que chacun des interlocuteurs voit les mêmes empreintes, vous devez soit vous rencontrer en personne, soit avoir un échange téléphonique (si vous pouvez reconnaitre vos voix) soit trouver une autre solution en-hors du chat mais sécurisée pour vérifier les empreintes, comme envoyer un courriel PGP chiffré et signé.

Les empreintes OTR sont constituées d’une suite de 40 caractères hexadécimaux. Il est statistiquement impossible de générer deux clés OTR ayant la même empreinte, ce qui est appelé une collision. Il est toutefois possible de générer une clé OTR qui, sans être véritablement une collision, semble en être une lors d’une vérification superficielle. Par exemple, les premiers et derniers caractères peuvent identiques et les caractères centraux différents. Il est donc important de comparer chacun des 40 caractères un à un pour être sûr d’avoir la bonne clé OTR.

Comme, en général, vous créez une nouvelle clé OTR chaque fois que vous utilisez un nouveau terminal (par ex., si vous voulez utiliser le même compte Jabber pour discuter à partir de votre téléphone Android avec Gibberbot et à partir de votre PC Windows avec Pidgin), vous vous retrouvez souvent avec plusieurs clés et, par conséquent, plusieurs empreintes. Il est important de répéter l’étape de vérification sur chaque terminal et pour chaque contact avec qui vous discutez.

Utiliser OTR sans vérifier les empreintes est toujours préférable à ne pas utiliser OTR du tout. Comme un attaquant qui tente une attaque MITM contre une session OTR court un risque important d’être pris, cette attaque n’est utilisée qu’avec prudence.

Journaux d’activité

Voici un extrait d’un des journaux de discussion entre Bradley Manning et Adrian Lamo, transmis aux autorités par ce dernier et publié par Wired.

(1:40:51 PM) bradass87 n'a pas encore été identifié. Vous devez authentifier cet utilisateur.
(1:40:51 PM)  une conversation non vérifiée avec bradass87 a commencé.
(1:41:12 PM) bradass87: Salut
(1:44:04 PM) bradass87: Comment vas-tu?
(1:47:01 PM) bradass87: je suis analyste du renseignement à l'armée, à l'est de Bagdad et dans l'attente d'une décharge pour  « trouble de l'adaptation » au lieu de « trouble de l'identité de genre ».
(1:56:24 PM) bradass87: Je suis sûr que tu es très occupé... Tu dois avoir plein de boulot...
(1:58:31 PM) bradass87: Si tu avais un accès privilégié à des réseaux classifiés 14 heures par jour, 7 jours sur 7 et plus de 8 mois dans l'année, que ferais-tu ?
(1:58:31 PM) info@adrianlamo.com: je suis fatigué d'être fatigué
(2:17:29 PM) bradass87: ?
(6:07:29 PM) info@adrianlamo.com: Quel est ton MOS[2]

Comme on peut le voir grâce à la ligne « une conversation non vérifiée avec bradass87 a commencé », les deux interlocuteurs utilisaient OTR pour chiffrer leur conversation, or cette dernière a été en définitive rendue publique sur le site web de Wired et utilisée comme pièce à conviction contre Bradley Manning. Il est possible que leur conversation ait fait l’objet d’une attaque MITM, mais c’est très improbable. Ce sont plutôt les clients OTR de Bradley Manning et Adian Lamo qui conservaient une copie de leur conversation sur leur disque dur, non chiffré.

Même s’il peut parfois être utile de garder des journaux de conversations, cela peut aussi gravement mettre en danger votre vie privée. Si Pidgin et Adium ne journalisaient pas les conversations par défaut, il est probable que ces journaux de conversations n’auraient pas fini sur la place publique.

Avec la sortie d’OTR 4.0 en septembre 2012, Pidgin a arrêté de journaliser les conversations OTR par défaut. Adium continue de le faire. Vous devez donc manuellement arrêter cette journalisation, ce qui est une faille d’Adium. Adium étant un logiciel libre avec un système ouvert de suivi de bogues, vous pouvez suivre et participer aux discussions concernant la résolution de cette faille ici et .

(à suivre…)

Notes

[1] rien à voir avec les empreintes digitales que certains confient à leur iPhone

[2] Military Occupation Speciality, la classification des activités au sein de l’armée des États-Unis.

Copyright: Encryption Works: How to Protect Your Privacy in the Age of NSA Surveillance est publié sous licence Creative Commons Attribution 3.0 Unported License.




Participons au financement d’une fonctionnalité de GIMP !

Jehan est un contributeur actif de l’excellent logiciel libre d’édition et de retouche d’image GIMP. Il se propose ici de développer la fonctionnalité « peinture en miroir » et s’en explique (fort bien) ci-dessous.

Il ne demande pas la lune mais quelques deux mille euros. Parce qu’il a besoin de temps et que le temps c’est souvent de l’argent.

Non, logiciel libre ne veut pas dire gratuit, et comme le rappelle François Elie, le logiciel libre est gratuit une fois fois qu’il a été payé (en temps et/ou en argent). L’avantage ici c’est qu’on le paye une seule fois et qu’il s’en va direct dans le pot commun.

L’occasion également de mettre en avant le projet (français) Open Funding, nouvelle et prometteuse plateforme de financement participatif du logiciel libre.

GIMP Peinture Symétrique

Proposition de Financement Participatif de Peinture Symétrique dans GIMP

Jehan – 16 septembre 2013

URL d’origine du document

Salut à tous,

comme vous vous en souvenez peut-être, je suis un des développeurs de GIMP. Je propose ce jour de co-financer une fonctionnalité qui m’intéresse, et qui intéresse apparemment d’autres personnes, d’après ce que j’ai pu voir: la peinture en miroir (ou plus largement « symétrique »).

Introduction

Sur la liste de diffusion de GIMP et ailleurs, j’ai vu plusieurs personnes demandant du financement collaboratif pour améliorer GIMP. J’ai donc décidé d’appliquer l’idée et de tester la viabilité du financement collaboratif pour améliorer du Logiciel Libre.

Notez que je suis un développeur avec un bon passif et partie de l’équipe principale du programme. Cela signifie qu’en cas de financement, j’implémenterai la fonctionnalité complète et m’arrangerai pour qu’elle soit intégrée dans le logiciel final. Ce ne sera donc pas un énième fork qui disparaîtra dans quelques années, mais une fonctionnalité faite pour durer.

La Fonctionnalité

Proposition

Implémentation d’un fonctionnalité de peinture en symétrie/miroir instantanée dans GIMP.

Description

GIMP est l’un des principaux outil de traitement d’image multi-usage et multi-platerforme (Windows, OSX, Linux, BSD…). Pour la peinture en particulier, certaines fonctionnalités manquent. L’une d’elle est de pouvoir dessiner en symétrie instantanée.

À l’heure actuelle, les seule possibilités sont soit de dessiner des formes très simples, soit d’utiliser des filtres ou plug-in après coup, soit de dupliquer puis retourner les calques. Toutes sont de loin moins pratiques que de pouvoir dessiner et voir son dessin apparaître en miroir en temps réel.

Usage

J’ai rencontré au moins un artiste qui utilisait un mode de miroir vertical dans un autre programme pour rapidement conceptualiser des personnages, lors des premières étapes du design de personnages, période pendant laquelle le temps vaut plus que l’art. Je peux aussi aisément imaginer que cela simplifiera la création de designs symétriques complexes (logo, etc.).

Et probablement de nombreux autres usages. Par exemple, jetez un œil au dessin original dans la vidéo ci-dessous. La dessinatrice, Aryeom Han, a testé ma première (instable et encore loin de la perfection) implémentation pour dessiner la réflexion d’un lac, ensuite redimensionnée, puis ajout de gradient et utilisation du nouvel outil warp pour donner un effet liquide.

Implémentation

Idée 1 Ma dernière implémentation de test implémentait la symétrie comme une option d’outil de peinture. Néanmoins je prévois de tester d’autres implémentations en même temps. Par exemple lier les axes de symétrie à l’image pourrait être une implémentation plus appropriée pour un travail de longue durée. Le design final n’est pas encore fixe.

Idée 2 Il doit y avoir des raccourcis pour rapidement activer/désactiver les symétries.

Idée 3 L’idée de base est d’avoir au moins 3 modes de symétries (horizontale, verticale, centrale) à utiliser ensemble ou séparément. Évidemment en allant plus loin, on devrait pouvoir faire faire des rotations sur les axes pour avoir une rotation d’angle arbitraire. Je n’implémenterai peut-être pas cette option avancée (à moins que le financement ait un succès phénoménal), mais si possible j’essaierai de rendre le système suffisamment générique pour être plus tard étendu et permettre la rotation des axes dans le futur.

Idée 4 Les axes/centres de symétrie doivent pouvoir être rendus visibles ou invisibles.

Idée 5 Les axes/centres de symétrie doivent pouvoir être déplaçables sur le canvas par simple drag’n drop, de manière similaires aux guides. J’ai une implémentation en cours, comme vu dans la vidéo et les photos d’écran. Mais le gros du travail pour rendre la fonctionnalité solide n’a pas encore débuté.

Ce à quoi s’attendre

  • J’écouterai les commentaires.
  • Le design peut évoluer pendant le développement. Je ne peux promettre exactement la forme finale car cela nécessite aussi discussion et approbation de mes pairs de l’équipe de GIMP. Je ne suis pas seul à décider.
  • Puisqu’il s’agit d’une toute nouvelle fonctionnalité, elle sortira avec GIMP 2.10 (pas de date de sortie encore), voire même plus tard si ce projet ne peut être financé correctement, ou toute autre raison hors de mon contrôle. Néanmoins dès que les patchs seront prêts, quiconque pourra compiler le projet lui-même à partir de la branche de développement. Notez aussi que si certains attendent vraiment cette fonctionnalité impatiemment et si j’ai obtenu un financement exceptionnel, j’essaierai de proposer des binaires à télécharger.
  • En fonction du succès du financement, s’il dépasse mes espérances, j’implémenterai éventuellement des options plus avancées de la fonctionnalité (comme le fait de pouvoir faire une rotation des axes de symétrie, etc.).
  • Je donnerai des nouvelles de l’avancée sur la page de nouvelles du Studio Girin, c’est à dire ce même site web.

À Mon Propos

Je suis un développeur de GIMP, indépendant, et travaillant dernièrement beaucoup avec une dessinatrice. J’ai participé aux deux dernières versions de correction de bug de GIMP (2.8.4 et 2.8.6) et suis une part active de la prochaine sortie majeure (2.10). Vous pouvez avoir une idée de mon activité dans le logiciel Libre sur Ohloh et sur le suivi de ticket de GNOME.

Liste non-exhaustive de fonctionnalités et corrections déjà intégrées dans GIMP :

  • support du XDG dans GIMP (fichiers de configurations dans $XDG_CONFIG_HOME) sur Linux ;
  • configuration dans le « Roaming Application Data folder » (répertoire utilisateur) sur Windows ;
  • support du standard de gestion des miniatures (Freedesktop’s Thumbnail Management Standard) ;
  • plusieurs améliorations de l’interface et corrections de bugs ;
  • plusieurs corrections de crashs sévères (en particulier le crash quand vous déconnectiez votre tablette graphique ! À partir de GTK+ 2.24.19, vous n’aurez plus à vous en soucier !) ;
  • amélioration de la liste de langages pour localisation (les noms de langages sont self-traduits) ;
  • déja plusieurs améliorations du plugin « Animation Playback » (scroll, zoom, refresh, sélection de la disposition des frames, pas en arrière, raccourcis…) ;
  • encore plus de travail-en-cours sur le plugin « Animation Playback » (dont je suis maintenant mainteneur) afin d’en faire un outil indispensable aux animateurs 2D ;
  • etc.

Je contribue aussi sur d’autres projets divers comme vous pouvez le voir sur la page Ohloh (pas tout n’y est listé, en particulier pour les projets qui utilisent encore CVS ou svn, qui perdent donc la paternité des patchs. Par exemple Blender, etc.).

Et Après ?

Si j’obtiens un financement, je proposerai d’autres fonctionnalités, pour GIMP principalement, mais probablement aussi pour d’autres logiciels que j’utilise. Je travaille actuellement en indépendant, et avoir la communauté des Logiciels Libres et OpenSource comme boss serait un job idéal. J’adorerais travail pour vivre sur des Logiciels Libres et faire du monde un endroit bien à vivre. Pas vous ?

Donc même s’il ne s’agit pas forcément de votre fonctionnalité préférée, je dirais que vous pouvez tout de même y gagner en finançant, si cela me fait continuer à travailler sur des fonctionnalités avancées de GIMP, peut-être même à temps-plein dans le futur, qui sait ? Bien sûr, je prévois de continuer à améliorer GIMP même sans financement, mais il y a des limites à ce qu’il est possible de faire quand on a besoin de vivre par ailleurs.

Une liste possible, non-exhaustive encore, de fonctionnalités qui m’intéressent, et que je pourrais éventuellement proposer dans de futurs projets de financement collaboratifs, est par exemple: faire du plug-in « animation-playback » un outil indispensable pour les créateurs d’animation, les macros, unlimited-sized layers, les images extérieures « liées » comme calques (proche du concept de Smart Object, mais encore plus proche des objets liés de Bender, ce qui est à mon avis bien plus puissant), édition non-destructive, sélection de plusieurs calques pour des modifications de masse, améliorations des options d’export (par exemple redimensionner à l’export sans toucher l’original), et bien plus.

Notez aussi que si cela fonctionne, ce serait aussi un bon précédent pour d’autres développeurs qui pourraient aussi penser à travailler ainsi et améliorer GIMP (et d’autres logiciels Libres et OpenSource). Je pense que c’est gagnant-gagnant ! 🙂

Pour conclure, sachez que je ne travaille pas seulement sur GIMP, mais aussi avec GIMP, ou en particulier avec la dessinatrice talentueuse qui a dessiné le « lapin près d’un lac » dans la vidéo, et nous prévoyons de produire des BDs et des animations, le tout avec des Logiciels Libres et sous des licenses d’Art Libre (comme CC by-sa). Donc en me finançant, vous financez aussi l’Art Libre. Juste au cas où vous ayez besoin de plus d’encouragement ! 😉

Vous n’avez pas encore cliqué sur le lien ?

Co-financez la Peinture en Symétrie dans GIMP !