Intégrer un projet en se faisant connaître (Libres conseils 23/42)

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Traduction Framasoft : Miki, peupleLà, dabou, Astaelquan, Goofy, Julius22, okram, lamessen, Jej, lerouge, SaSha_01, Lycorismeumeul, vvision

Ne soyez pas timide

Máirín Duffy Strode

Máirín Duffy Strode utilise des logiciels libres et open source depuis le lycée et y contribue depuis huit ans. Elle contribue aux communautés Fedora et GNOME et a travaillé sur l’identité visuelle des interactions, l’image de marque ou l’iconographie de plusieurs applications libres et open source importantes telles que Spacewalk, Anaconda, virt-manager, SELinux et SSSD. Elle s’est également engagée dans des activités de sensibilisation en enseignant les techniques de design à des enfants à l’aide d’outils libres et open source tels que GIMP et Inkscape qu’elle défend ardemment. Elle est à la tête de l’équipe de conception graphique de Fedora et designer d’interaction senior chez Red Hat, Inc.

Je connaissais et utilisais des logiciels libres et open source bien avant de devenir contributrice. Ce n’est pas faute d’avoir essayé — il y a eu quelques faux départs auxquels je n’ai pas donné suite principalement parce que j’étais trop timide et que j’ai eu peur d’aller plus loin. Sur la base de ces tentatives avortées et de ce que m’ont rapporté d’autres designers qui se sont embarqués dans des projets libres et open source, j’ai cinq astuces à vous offrir si vous êtes un designer aspirant au statut de contributeur au logiciel libre et open source.

1. Sachez que l’on a besoin de vous et qu’on vous veut (très fort !)

Mon premier faux départ s’est produit alors que j’étais étudiante en première année d’informatique au Rensselaer Polytechnic Institute. Il y avait un projet particulier que j’utilisais beaucoup et auquel je voulais participer. Je ne connaissais personne au sein du projet (ni qui que ce soit investi dans le logiciel libre). J’ai donc fait une tentative à froid. Le site web du projet signalait que les contributeurs voulaient de l’aide et qu’ils avaient un canal IRC. J’y ai alors traîné pendant une semaine ou deux. Un jour, après une pause dans la conversation, j’ai osé élever la voix. J’ai dit que j’étais une étudiante en informatique intéressée par l’ergonomie et que j’adorerais participer.

On m’a répondu : « Dégage ! ». Qui plus est, on m’a fait comprendre que mon aide n’était ni nécessaire ni désirée.

Cela a retardé mon engagement de quelques années — il avait suffi de quelques mots un peu rudes sur IRC pour me dissuader de réessayer pendant près de cinq ans. Je ne découvris que bien plus tard que la personne qui m’avait plus ou moins expulsée du canal IRC de ce projet était en marge du projet, qu’elle avait un lourd passif de ce genre et que je n’avais vraiment rien fait de mal. Si seulement j’avais persévéré dans mes tentatives d’approche et conversé avec d’autres personnes, j’aurais pu commencer à ce moment-là.

Si vous souhaitez contribuer au logiciel libre et open source, je vous garantis qu’il y a un projet quelque part qui a vraiment besoin de votre aide, en particulier si vous êtes orienté design ! Faites-vous du design web ? De l’iconographie ? De l’ergonomie ? De l’habillage ? Des maquettes d’interface utilisateur ? J’ai parlé à de nombreux développeurs de logiciels libres et open source qui non seulement sont désespérément à la recherche d’aide dans ce domaine, mais qui en plus l’apprécieraient vraiment et vous vénéreraient pour l’avoir apportée.

Si vous rencontrez des résistances la première fois que vous essayez de participer dans un projet, apprenez de mon expérience et n’abandonnez pas tout de suite. Si, en définitive, le projet n’est pas fait pour vous, ne vous inquiétez pas et passez votre chemin. Il y a des chances pour que vous trouviez un projet que vous adorerez et qui vous adorera en retour.

2. Aidez le projet pour qu’il vous aide à aider les autres

Bien des projets libres et open source sont aujourd’hui dominés par les programmeurs et les ingénieurs. Et si certains ont la chance qu’une ou deux personnes créatives s’investissent, dans la plupart des projets, un designer, un artiste ou une autre présence créative représente un rêve souvent-caressé-mais-jamais-réalisé. En d’autres termes, même s’ils comprennent qu’ils ont besoin de vos compétences, ils peuvent ne pas savoir quelle sorte d’aide ils peuvent vous demander, quelle information ils doivent vous donner pour que vous puissiez être productif ni même les bases pour travailler avec vous efficacement.

Quand j’ai commencé à m’investir dans différents projets libres et open source, j’ai rencontré beaucoup de développeurs qui n’avaient jamais travaillé directement avec un designer auparavant. Au début, je me suis sentie un peu inutile. Je ne pouvais pas suivre toutes leurs conversations sur IRC parce qu’ils parlaient de leur cuisine interne et de détails techniques qui ne m’étaient pas familiers. Quand ils se sont donné la peine de me prêter attention, ils m’ont posé des questions comme « Quelle couleur dois-je mettre ici ? » ou « Quelle police dois-je utiliser ?  ». Ce que je voulais vraiment en tant que designer d’interactions, c’était d’être associée à la prise de décision lorsqu’on abordait les contraintes spécifiques du projet. Si un utilisateur voulait une fonctionnalité particulière, je voulais avoir mon mot à dire sur le design — mais je ne savais pas où ni quand ces décisions se prenaient et je me sentais exclue.

Le design couvre une gamme assez large de compétences : l’illustration, la typographie, la conception des interactions, la conception visuelle, la conception d’icônes, la conception graphique, la rédaction, etc. et il y a peu de chances qu’un seul concepteur les possède toutes. Il est alors compréhensible qu’un développeur ne soit pas sûr de ce qu’il peut vous demander. Ce n’est pas qu’ils essaient de vous faire obstacle — c’est seulement qu’ils ne savent pas dans quelle mesure vous avez besoin de vous investir ou le désirez.

Aidez-les à vous aider. Montrez-leur clairement le type de contributions que vous pouvez apporter en fournissant des exemples de contributions antérieures. Faites-leur comprendre vos besoins de sorte qu’ils comprennent mieux comment vous aider à vous engager dans leur projet. Par exemple, lorsque vous vous impliquez pour la première fois dans une initiative spécifique pour le projet, prenez le temps de présenter les grandes lignes de son processus de conception et postez cela dans la liste de développement principale afin que les autres contributeurs puissent vous accompagner. Si vous avez besoin d’idées sur des points particuliers, soulignez-les dans votre présentation. Si vous n’êtes pas certain de la façon dont certaines choses se produisent — comme le processus de développement d’une nouvelle fonctionnalité — entrez en contact avec quelqu’un en parallèle et demandez-lui de vous l’expliquer pas à pas. Si quelqu’un vous demande de faire quelque chose au-delà de vos capacités techniques — travailler sur de la gestion de versions, par exemple — et que vous n’êtes pas à l’aise avec ça, dites-le.

Communiquer sur votre processus et vos besoins vous évitera de jouer aux devinettes dans le projet et ses membres seront au contraire capables d’utiliser au mieux vos talents.

3. Posez des questions, beaucoup de questions ; il n’y a pas de question idiote

Nous avons parfois remarqué chez Fedora que, lorsque de nouveaux designers arrivaient à bord, ils avaient peur de poser des questions techniques, par crainte de paraître stupides.

Ce qu’on ne vous dit pas, c’est que les développeurs peuvent être tellement spécialisés qu’il y a beaucoup de détails techniques qui sortent de leur domaine de compétence et qu’ils ne comprennent pas non plus — cela se produit même au sein du même projet. La différence, c’est qu’ils n’ont pas peur de demander — donc vous ne devriez pas avoir peur non plus ! Dans mon travail de design des interactions, par exemple, j’ai dû contacter de nombreuses personnes du même projet pour comprendre comment un processus se déroulait dans leur logiciel, car ce dernier comportait plusieurs sous-systèmes et tous les participants du projet ne comprenaient pas forcément comment chaque sous-système fonctionnait.

Si vous ne savez pas sur quoi travailler, que vous ne savez pas par quoi commencer ou que vous ne comprenez pas pourquoi ce que quelqu’un a dit sur le chat est si drôle — demandez. Vous avez des chances que quelqu’un vous réponde qu’il ne sait pas non plus et peu de risques de passer pour stupide. Dans la plupart des cas, vous allez apprendre quelque chose de nouveau qui vous aidera à devenir un meilleur contributeur. Il peut être particulièrement efficace de chercher un tuteur — certains projets ont même un programme de tutorat — et de lui demander s’il veut bien être votre référent quand vous avez des questions.

4. Partagez et partagez souvent, même si ce n’est pas encore prêt, surtout si ce n’est pas encore prêt

Nous avons aussi remarqué que de nouveaux designers pour Fedora et d’autres projets libres et open source sont un peu timides lorsqu’il est question de montrer leur travail. Je comprends qu’on ne veuille pas ruiner sa réputation en publiant quelque chose qui n’est pas ce qu’on peut faire de mieux ni même fini ; mais une grande partie du travail sur des projets libres et open source est de partager souvent et ouvertement.

Plus vous aurez avancé sur un élément avant de le partager, plus il sera difficile à d’autres de vous apporter un retour utilisable, de se lancer et de s’investir. Il est aussi plus difficile pour autrui de collaborer à votre travail et d’avoir un sentiment d’appartenance au projet, de le soutenir et de le pousser jusqu’à l’implémentation. Dans certains projets libres et open source, ne pas être communicatif avec vos ébauches, compositions et idées est même considéré comme offensant !

Publiez vos idées, maquettes ou compositions sur le Web plutôt que par courriel, afin qu’il soit plus aisé pour les autres collaborateurs de faire référence à votre contribution en faisant un copier-coller de l’URL — c’est particulièrement pratique au cours d’une discussion. Plus vos éléments de design seront faciles à trouver, plus il est probable qu’ils seront utilisés.

Essayez ce conseil et gardez l’esprit ouvert. Partagez votre travail tôt et souvent. Rendez disponibles vos fichiers sources. Vous serez peut-être agréablement surpris par ce qui va se passer !

5. Soyez aussi visible que possible au sein de la communauté du projet

Un outil qui — de manière totalement involontaire — a fini par m’aider énormément à démarrer en tant que contributeur de logiciels libres et open source a été mon blog. J’avais commencé à entretenir un blog, simplement pour moi, à l’image d’un portfolio grossier des choses sur lesquelles j’avais travaillé par le passé. Mon blog est un énorme atout pour moi, parce que :

  • En tant qu’enregistrement de l’historique des décisions de projet, il représente un moyen pratique pour rechercher d’anciennes décisions de design — comprendre pourquoi nous avons décidé de laisser tomber tel ou tel visuel à nouveau ou pourquoi une approche particulière, précédemment essayée, n’a pas fonctionné, par exemple ;
  • En tant que dispositif de communication, il aide les autres contributeurs associés à votre projet et même les utilisateurs à être au courant des travaux en cours et des changements à venir pour le projet. De nombreuses fois, j’ai omis quelque chose d’essentiel dans un design et ces personnes ont très rapidement posté un commentaire pour m’en informer !
  • Il m’a aidé à construire ma réputation en tant que designer de logiciels libres et open source, ce qui m’a aidé à gagner la confiance des autres envers mes choix de design avec le temps.

Vous bloguez ? Trouvez quels agrégateurs de blogs lisent les membres du projet auquel vous participez et demandez à ce que votre blog y soit ajouté (il y a en général un lien pour cela dans la barre latérale). Par exemple, l’agrégateur de blogs que vous devrez rejoindre pour faire partie de la communauté Fedora se nomme Planet Fedora. Écrivez un premier billet pour vous présenter aux autres et leur faire savoir ce que vous aimez une fois que vous y aurez été ajouté — des informations du genre de celles listées dans la première astuce.

Le projet aura certainement une liste de diffusion ou un forum où les discussions ont lieu. Rejoignez-les et présentez-vous là aussi. Quand vous apportez une contribution au projet — peu importe qu’elle soit petite ou loin d’être aboutie — postez des billets sur ce que vous faites, téléchargez-le vers le wiki du projet, tweetez à ce sujet et envoyez des liens aux membres importants de la communauté via IRC afin d’avoir leur retour.

Rendez votre travail visible et les gens commenceront à vous associer à votre travail et à vous proposer des projets sympas ou d’autres opportunités, simplement grâce à ça. C’est tout ce que j’aurais aimé savoir quand j’ai essayé de m’investir pour la première fois dans le logiciel libre et open source comme designer. Si vous ne deviez retenir qu’un message de tout cela, c’est que vous ne devriez pas être timide — faites-vous entendre haut et fort, faites connaître vos besoins, faites savoir aux autres quels sont vos capacités et ils vous aideront à les utiliser pour que le logiciel libre envoie du lourd.




Geektionnerd : Google vs France

« Googlelisez-moi, Googlelisez-moi. Oui, mais pas tout de suite, pas trop vite. Sachez me convoiter, me désirer, me captiver. » (Juliette Gréco)

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Sources :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Aaron Swartz n’était pas un hacker solitaire mais le membre d’une armée

Nous ne sommes pas des criminels et nous sommes de plus en plus nombreux à rejoindre les rangs de l’armée d’Aaron Swartz.

Le 24 janvier dernier s’est déroulée une émouvante cérémonie à la mémoire d’Aaron Swartz, dans ce lieu hautement symbolique qu’est l’église de San Francisco qui abrite l’Internet Archive.

Parmi les personnalités qui se sont succédées, il y eut ainsi sa fiancée Taren Stinebrickner-Kauffman, le fondateur d’Internet Archive Brewster Kahle ( allocution remarquée par Calimaq qui en a fait un billet dédié) et son ami Carl_Malamud, fondateur de Public.Resource.org.

C’est cette dernière intervention que nous vous proposons traduite ci-dessous (disponible ici en vidéo).

« J’aimerais que nous puissions changer le passé, mais c’est impossible. Par contre, nous pouvons changer le futur, et nous le devons. »

Open Knowledge Foundation - CC by-sa

L’armée d’Aaron

Aaron’s Army

Carl Malamud – 24 janvier 2013 – PublicRessource.org
(Traduction : brandelune, aKa, Lamessen, KoS, Pouhiou, Garburst, Luc, Tr4sK, Astalaseven)

Ne croyez pas un instant que le travail d’Aaron sur JSTOR était l’acte incohérent d’un hacker solitaire, un peu fou, un téléchargement massif un peu dingue décidé sur un coup de tête.

Depuis longtemps, JSTOR a fait l’objet de critiques cinglantes de la part du net. Dans une conférence, Larry Lessig a qualifié JSTOR d’outrage à la morale et je dois vous avouer qu’il me citait. Nous n’étions pas les seuls à attiser ces flammes.

Emprisonner la connaissance derrière des péages, en rendant les journaux scientifiques accessibles uniquement à quelques gamins suffisamment fortunés pour aller dans des universités de luxe et en demandant vingt dollars par article pour le reste d’entre nous, était une plaie purulente qui choquait beaucoup de gens.

De nombreux auteurs de ces articles furent gênés que leur travail soit devenu la marge de profit de quelqu’un, un club privé du savoir réservé à ses adhérents.

Beaucoup d’entre nous ont aidé à attiser ce feu. Beaucoup d’entre nous s’en sentent coupables, aujourd’hui.

Mais JSTOR n’était qu’une des nombreuses batailles. On a essayé de dépeindre Aaron comme un hacker solitaire, un jeune terroriste à l’origine d’un carnage numérique qui fit 92 millions de dollars de dégâts.

Aaron n’était pas un loup solitaire, il faisait partie d’une armée, et j’ai eu l’honneur de m’engager à ses côtés pendant une décennie. De nombreuses choses ont été dites sur sa vie hors du commun, mais ce soir je ne parlerai que d’un aspect de celle-ci.

Aaron faisait partie d’une armée de citoyens qui pensent que la démocratie ne fonctionne que si les citoyens sont informés, s’ils connaissent leurs droits et leurs devoirs. Une armée qui estime que nous devons rendre la justice et le savoir accessibles à tous, et pas uniquement à ceux qui sont bien nés ou qui ont saisi les rênes du pouvoir, afin que nous puissions nous gouverner de manière plus éclairée.

Aaron faisait partie d’une armée de citoyens qui rejette les rois et les généraux et qui croit au consensus général et à son application pratique immédiate.

Nous avons travaillé ensemble sur une douzaine de bases de données gouvernementales. Lorsque nous travaillions sur quelque chose, les décisions n’étaient pas irréfléchies. Notre travail prenait souvent des mois, parfois des années, parfois même une décennie, mais Aaron Swartz n’a pas eu droit à sa part de décennies.

Longtemps, nous avons observé et bidouillé la base de donnée du droit d’auteur américain, un système si vieux qu’il utilisait encore WAIS. Le gouvernement , croyez-le ou non, avait revendiqué le droit d’auteur sur cette base de données du droit d’auteur. Il m’est impossible de concevoir qu’il puisse y avoir des droits d’auteur sur une base de données qui découle directement de la constitution des États-Unis, mais nous savions que nous jouions avec le feu en enfreignant les clauses d’utilisations. Nous étions donc très attentifs.

Nous avons récupéré ces données. Elles ont été utilisées pour alimenter l’Open Library d’Internet Archive ainsi que Google Books. Puis, nous avons reçu une lettre du Bureau du droit d’auteur indiquant qu’il abandonnait son droit d’auteur sur cette base de données. Mais avant cela, nous avons dû consulter de nombreux avocats par crainte que le gouvernement nous traîne devant les tribunaux pour téléchargement massif, malveillant et prémédité.

Ce n’était pas une agression irréfléchie. Nous travaillions sur les bases de données pour les améliorer, pour aider au fonctionnement de notre démocratie, pour aider notre gouvernement. Nous n’étions pas des criminels.

Lorsque nous avons libéré 20 millions de pages de documents de l’U.S District Court de leur péage à 8 cents par page, nous avons découvert que ces fichiers publics étaient infestés d’atteintes à la vie privée : noms de mineurs, noms d’informateurs, dossiers médicaux, dossiers psychiatriques, rapports financiers, des dizaines de milliers de numéros de sécurité sociale.

Nous étions des lanceurs d’alerte et nous avons transmis nos résultats aux juges en chef de 31 cours de justice de district et ces juges ont été choqués, consternés. Ils ont modifié ces documents puis ont incendié les avocats qui les avaient remplis. Finalement, la Conférence judiciaire a changé ses règles de respect de la vie privée.

Mais savez-vous ce qu’ont fait les bureaucrates qui dirigent le Bureau Administratif de la Cour des États-Unis ? Pour eux, nous n’étions pas des citoyens ayant amélioré les données publiques, nous étions des voleurs qui les privions d’1,6 millions de dollars.

Ils ont donc appelé le FBI et ont dit qu’ils avaient été hackés par des criminels, une bande organisée qui mettait en péril leur revenu de 120 millions de dollars provenant de la vente de documents publics du gouvernement.

Le FBI s’est installé devant la maison d’Aaron. Il l’ont appelé et ont essayé de le piéger pour qu’il les rencontre sans son avocat. Le FBI a installé deux agents armés dans une salle d’interrogatoire avec moi pour nous faire avouer les dessous de cette conspiration présumée.

Mais nous n’étions pas des criminels, nous étions seulement des citoyens.

Nous n’avons rien fait de mal. Ils n’ont rien trouvé. Nous avions fait notre devoir de citoyen et l’enquête du gouvernement n’a rien trouvé de répréhensible mais ce fut une perte de temps et d’argent.

Si vous voulez faire peur, faites asseoir quelqu’un avec deux agents fédéraux pendant un moment et vous verrez la vitesse à laquelle son sang se glace.

Il y a des gens qui affrontent le danger tous les jours pour nous protéger — les policiers, les pompiers et les services d’urgence — je leur en suis reconnaissant et je suis ébahi par ce qu’ils font. Mais le travail des gens comme Aaron et moi, faire des DVD et faire tourner des scripts shell sur des documents publics, ne devrait pas être une profession dangereuse.

Nous n’étions pas des criminels, mais des crimes furent commis, des crimes contre l’idée même de la justice.

Quand la procureure fédérale a dit à Aaron qu’il devrait plaider coupable de treize crimes pour avoir tenté de propager le savoir avant qu’elle ne puisse envisager de négocier sa peine, c’était un abus de pouvoir, une utilisation frauduleuse du système de justice criminelle, un crime contre la justice.

Et la procureure fédérale n’a pas agi seule. Elle fait partie d’un groupe dont l’intention est de protéger la propriété, pas les gens. Tous les jours, partout aux États-Unis, des démunis n’ont pas accès à la justice et sont confrontés à ces abus de pouvoir.

C’était un crime contre le savoir qu’une organisation à but non lucratif telle que JSTOR transforme un téléchargement qui n’a causé aucun préjudice ni dommage, en une procédure fédérale de 92 millions de dollars.

Et le monopole de JSTOR sur la connaissance n’est pas unique. Partout aux États-Unis, des sociétés ont planté leurs griffes sur les champs de l’éducation : universités privées qui volent nos vétérans, organismes de normalisation à but non lucratif qui rationnent les codes de sécurité publique alors qu’ils payent des salaires d’un million de dollars, et les conglomérats multinationaux qui évaluent la valeur des articles scientifiques et des documents juridiques à l’aune de leur marge brute.

Dans le procès JSTOR, la position plus qu’agressive des procureurs du Département de la Justice et des agents de la force publique était-elle une vengeance liée à l’embarras de nous avoir vu nous tirer à bon compte, en tout cas à leur yeux, de l’affaire du PACER ? Est-ce que la poursuite sans merci de JSTOR était la revanche de bureaucrates embarrassés d’avoir été ridiculisés dans le New York Times, d’avoir reçu un blâme du Sénat ?

Nous n’aurons probablement jamais la réponse à cette question, mais il semble certain qu’ils ont détruit la vie d’un jeune homme par simple abus de pouvoir. Ce n’était pas une question criminelle, Aaron n’était pas un criminel.

Si vous pensez posséder quelque chose et si je pense que ce bien est public, il me semble juste de vous voir au tribunal. Si vous avez raison et que je vous ai fait du tort, je prendrais mes responsabilités. Mais quand nous retournons le bras armé de la Loi contre les citoyens qui contribuent à accroître l’accès à la connaissance, nous brisons l’esprit de la loi, nous profanons le temple de la justice.

Aaron Swartz n’était pas un criminel. C’était un citoyen et un soldat courageux dans une guerre qui continue aujourd’hui, une guerre dans laquelle des profiteurs corrompus et vénaux essayent de voler, de profiter, d’assécher notre domaine public au profit de leurs gains privés.

Quand des gens essaient de restreindre l’accès à la loi, ou qu’ils essaient de collecter des droits de péage sur les routes du savoir, ou refusent l’éducation à ceux qui n’ont pas de moyens, c’est eux qui devraient subir le regard sévère d’un procureur outragé.

Ce que le Département de la justice a fait endurer à Aaron pour avoir essayé de rendre notre monde meilleur, ils peuvent vous l’infliger. Notre armée n’est pas réduite à un loup solitaire, elle est forte de milliers de citoyens, beaucoup d’entre vous dans cette pièce, qui se battent pour la justice et le savoir.

J’affirme que nous sommes une armée, et je mesure bien l’usage de ce mot car nous affrontons des personnes qui veulent nous emprisonner pour avoir téléchargé une base de données afin de l’examiner de plus près, nous affrontons des personnes qui croient qu’ils peuvent nous dire ce que nous pouvons lire et ce que nous pouvons dire.

Mais quand je vois notre armée, je vois une armée qui crée au lieu de détruire. Je vois l’armée du Mahatma Gandhi marchant pacifiquement vers la mer pour récolter du sel pour les gens. Je vois l’armée de Martin Luther King marchant pacifiquement mais avec détermination sur Washington pour réclamer ses droits, car le changement ne coule pas de source, il provient de luttes continues.

Quand je vois notre armée, je vois l’armée qui crée de nouvelles opportunités pour les pauvres, une armée qui rend notre société plus juste et plus égalitaire, une armée qui rend le savoir universel.

Quand je vois notre armée, je vois les gens qui ont créé Wikipédia et l’Internet Archive. Je vois ceux qui ont programmé GNU, Apache, BIND et Linux. Je vois ceux qui ont fait l’EFF et les Creative Commons. Je vois les gens qui ont créé notre internet en tant que cadeau au monde.

Quand je vois notre armée, je vois Aaron Swartz et j’ai le cœur brisé. Nous avons vraiment perdu l’un de nos anges gardiens.

J’aimerais que nous puissions changer le passé, mais c’est impossible. Par contre, nous pouvons changer le futur, et nous le devons.

Nous le devons à Aaron, nous nous le devons à nous-mêmes, nous le devons pour rendre notre monde meilleur, en faire un lieu plus humain, un endroit où la justice fonctionne et où l’accès à la connaissance est un droit de l’Homme.

Crédit photo : Open Knowledge Foundation (Creative Commons By)




Débat : 9 points (ou tabous ?) jamais (ou rarement) discutés dans le logiciel libre

Nous traduisons souvent Bruce Byfield, libre penseur du logiciel libre, sur le Framablog.

A-t-il raison d’affirmer qu’il est des sujets pour ainsi dire tabous dans la communauté et surtout que la situation a évolué, n’en déplaise à certains ?

Laëtitia Dulac - CC by

Neuf choses dont on ne discute jamais sur l’open source

9 Things That Are Never Admitted About Open Source

Bruce Byfield – 22 janvier 2013 – Datamation
(Traduction : Moosh, brandelune, Sky, ehsavoie, Astalaseven, petit bonhomme noir en haut à droite, mike, goofy, KoS, Mowee, arcady, maxlath, Astalaseven, mariek, VifArgent, Rudloff, VIfArgent, Penguin, peupleLa, Vilrax, lamessen + anonymous)

Quels sont les sujets tabous dans l‘open source de nos jours ? Certains peuvent se deviner mais d’autres pourraient bien vous surprendre.

On pourrait penser qu’un groupe de personnes intelligentes comme les membres de la communauté des logiciels libres et open source (NdT : FOSS pour Free and Open Source Software) seraient sans tabous. On pourrait s’attendre à ce qu’un tel groupe d’intellectuels juge qu’aucune idée n’est interdite ou gênante – mais ce serait une erreur.

Comme toute sous-culture, la communauté FOSS est cimentée par des croyances. Ces croyances contribuent à bâtir une identité commune : par conséquent, les remettre en cause revient à remettre en cause cette identité.

Certains de ces sujets tabous peuvent saper des évidences admises depuis vingt ans ou plus. D’autres sont nouveaux et contestent des vérités communément acceptées. Quand on les examine, on s’aperçoit que chacun d’entre eux peut être aussi menaçant que la déclaration de valeurs communes peut être rassurante.

Pourtant, même s’il est inconfortable d’interroger ces tabous, il est souvent nécessaire de le faire. Les croyances peuvent perdurer longtemps après le temps où elles s’appliquaient, ou après avoir dégénéré en semi-vérités. Il est utile de temps en temps de penser l’impensable, ne serait-ce que pour mettre ces croyances en phase avec la réalité.

Suivant cette logique, voici neuf observations sur l‘open source qui nécessitent selon moi un nouvel examen.

1. Ubuntu n’est plus le dernier grand espoir de l’open source

Quand Ubuntu est apparue il y a neuf ans, nombreux sont ceux qui l’ont considérée comme la distribution qui mènerait la communauté à dominer le monde. Débarquant de nulle part, Ubuntu s’est immédiatement concentrée sur le bureau comme aucune autre distribution avant elle. Des outils et des utilitaires furent ajoutés. De nombreux développeurs Debian trouvèrent un travail chez Canonical, la branche commerciale d’Ubuntu. Des développeurs virent leurs frais payés pour des conférences auxquelles ils n’auraient pas pu se rendre autrement.

Au fil du temps, une bonne partie de l’enthousiasme initial est retombée. Personne ne semble s’être intéressé à la demande de Mark Shuttleworth, le fondateur d’Ubuntu, à ce que les principaux projets coordonnent leurs cycles de livraison ; ils l’ont tout simplement ignorée. Mais on a vu des sourcils se froncer lorsqu’Ubuntu a commencé à développer sa propre interface plutôt que de contribuer à GNOME. Canonical a commencé à contrôler ce qui se passait dans Ubuntu, apparemment pas pour l’intérêt général mais surtout pour la recherche de profits. Nombreux, aussi, furent ceux qui n’apprécièrent pas l’interface d’Ubuntu, Unity, à sa sortie.

Pourtant, à écouter les employés de Canonical, ou les bénévoles Ubuntu, on aurait presque l’impression qu’il ne s’est rien passé pendant ces neuf dernières années. Lisez notamment le blog de Shuttleworth ou ses déclarations publiques : il se donne le rôle de figure de proue de la communauté et déclare que les « hurlements des idéologues » finiront par cesser devant son succès.

2. Le « cloud computing » sape les licences libres

Il y a sept ans, Tim O’Reilly affirmait que les licences libres étaient devenues obsolètes. C’était sa manière un peu dramatique de nous prévenir que les services en ligne mettent à mal les objectifs du logiciel libre. Comme le logiciel, le cloud computing offre aux utilisateurs l’usage gracieux des applications et du stockage, mais sans aucune garantie ou contrôle quant à la vie privée.

La Free Software Foundation (NdT : Fondation pour le Logiciel Libre) répondit à la popularité grandissante du cloud computing en dépoussiérant la GNU Affero General Public License, qui étend les idéaux du FOSS au cloud computing.

Après cela, pourtant, les inquiétudes à propos de la liberté logicielle au sein du cloud ont faibli. Identi.ca fut créé comme une réponse libre à Twitter, et MediaGoblin développé comme l’équivalent libre d’Instagram ou de Flickr, mais ce genre d’efforts est occulté par la compétition. On n’a pas mis l’accent sur l’importance des licences libres ou du respect de la vie privée dans le cloud.

Par conséquent, les avertissements de O’Reilly sont toujours aussi pertinents de nos jours.

3. Richard Stallman est devenu un atout contestable

Le fondateur de la Free Software Foundation et le moteur derrière la licence GNU GPL, Richard M. Stallman, est une des légendes des logiciels libres et open source. Pendant des années, il a été l’un des plus ardents défenseurs de la liberté du logiciel et la communauté n’existerait probablement pas sans lui.

Ce que ses supporters rechignent à admettre, c’est que la stratégie de Stallman a ses limites. Nombreux sont ceux qui disent que c’est un handicapé social, et que ses arguments se basent sur la sémantique — sur les mots choisis et comment ils influencent le débat.

Cette approche peut être éclairante. Par exemple, lorsque Stallman s’interroge sur l’analogie entre le partage de fichiers et les pillages perpétrés par les pirates, il révèle en fait le parti-pris que l’industrie du disque et du cinéma tente d’imposer.

Mais, malheureusement, c’est à peu près la seule stratégie de Stallman. Il dépasse rarement ce raisonnement qu’il utilise pour fustiger les gens, et il se répète même davantage que des personnes qui passent leur temps à faire des discours. Il est perçu de plus en plus, par une partie de la communauté, comme quelqu’un hors de propos voire même embarrassant. Comme quelqu’un qui fut efficace… mais ne l’est plus. Il semble que la communauté a du mal à admettre l’idée que Stallman a eu un impact certain pendant des années, mais qu’il est moins utile aujourd’hui. Soit il est défendu férocement pour son passé glorieux, soit il est attaqué comme un usurpateur parasite. Je crois que les affirmations concernant ce qu’il a accompli et son manque d’efficacité actuel sont vraies toutes les deux.

4. L’open source n’est pas une méritocratie

L’une des légendes que les développeurs de logiciels libres aiment à se raconter est que la communauté est une méritocratie. Votre statut dans la communauté est censément basé sur vos dernières contributions, que ce soit en code ou en temps.

L’idée d’une méritocratie est très attirante, en cela qu’elle forme l’identité du groupe et assure la motivation. Elle encourage les individus à travailler de longues heures et donne aux membres de la communauté un sentiment d’identification et de supériorité.

Dans sa forme la plus pure, comme par exemple au sein d’un petit projet où les contributeurs ont travaillé ensemble pendant de nombreuses années, la méritocratie peut exister.

Mais le plus souvent, d’autres règles s’appliquent. Dans de nombreux projets, ceux qui se chargent de la documentation ou bien les graphistes sont moins influents que les programmeurs. Bien souvent, vos relations peuvent influencer la validation de votre contribution au moins autant que la qualité de votre travail.

De même, la notoriété est plus susceptible d’influencer les décisions prises que le grade et les (surtout si elles sont récentes) contributions. Des personnes comme Mark Shuttleworth ou des sociétés comme Google peuvent acheter leur influence sur le cours des choses. Des projets communautaires peuvent voir leurs instances dirigeantes dominées par les sponsors privés, comme c’est de fait le cas avec Fedora. Bien que la méritocratie soit l’idéal, ce n’est presque jamais la seule pratique.

5. L’open source est gangrené par un sexisme systémique

Une autre tendance qui plombe l’idéal méritocratique est le sexisme (parfois sour la forme de la misogynie la plus imbécile) que l’on trouve dans quelques recoins de la communauté. Au cours des dernières années, les porte-parole du FOSS ont dénoncé ce sexisme et mis en place des règles officielles pour décourager quelques uns de ses pires aspects, comme le harcèlement pendant les conférences. Mais le problème demeure profondément ancré à d’autres niveaux.

Le nombre de femmes varie selon les projets, mais 15 à 20 pour cent peut être considéré comme un chiffre élevé pour un projet open source. Dans de nombreux cas, ce nombre est en dessous des cinq pour cent, même en comptabilisant les non-programmeurs.

De plus les femmes sont sous-représentées lors des conférences, à l’exception de celles où les femmes sont activement encouragées à faire part de leurs propositions (ces efforts entraînent, inévitablement, leur lot d’accusations quant à des traitements spéciaux et des quotas, quand bien même aucune preuve ne peut être avancée).

La plus grande évidence de sexisme se produit quotidiennement. Par exemple, Slashdot a récemment publié un entretien avec Rikki Ensley, membre de la communauté USENIX. Parmi les premiers commentaires, certains se référaient à une chanson populaire dont le refrain mentionne le prénom Rikki. D’autres discutent de son apparence et lui donnent des conseils pour avoir l’air plus « glamour ».

On assiste à des réactions du même ordre, et bien d’autres pires encore sur de nombreux sites dédiés au monde du libre ou sur IRC, dès qu’une femme apparaît, surtout s’il s’agit d’une nouvelle venue. Voilà qui dément les affirmations d’une communauté qui prétend ne s’intéresser qu’aux seules contributions, ou encore l’illusion que la sous-représentation des femmes serait simplement une question de choix individuels.

6. Microsoft n’est plus l’ennemi irréductible du logiciel libre

Il y a à peine plus d’une dizaine d’années, vous pouviez compter sur Microsoft pour traiter le monde du Logiciel Libre de « communiste » ou « anti-Américain », ou sur leurs intentions parfois divulguées dans la presse de vouloir détruire la communauté.

Une grande partie de la communauté s’accroche encore à ces souvenirs. Après tout, rien ne rassemble plus les gens qu’un ennemi commun, puissant et inépuisable.

Mais ce dont la communauté ne se rend pas compte, c’est que la réaction de Microsoft est devenue plus nuancée, et qu’elle varie d’un service à l’autre au sein de l’entreprise.

Nul doute que les dirigeants de Microsoft continuent de voir le logiciel libre comme un concurrent, bien que les dénonciations hautes en couleur aient cessé.

Cependant, Microsoft a pris conscience que, compte-tenu de la popularité du logiciel libre, les intérêts à court terme de l’entreprise seraient mieux servis si elle s’assurait que les outils libres (en particulier les langages de programmation les plus populaires) fonctionnent correctement avec ses propres produits. C’est d’ailleurs la mission principale du projet Microsoft Open Technologies. Récemment, Microsoft est même allé jusqu’à publier une courte déclaration faisant l’éloge de la dernière version de Samba, qui permet l’administration des serveurs Microsoft depuis Linux et les systèmes Unix (NdT : Voir aussi cette FAQ en français publiée par Microsoft).

Bien sûr, il ne faut pas non plus s’attendre à voir Microsoft devenir une entreprise open source ou faire des dons désintéressés d’argent ou de code à la communauté. Mais, si vous faites abstraction des vieux antagonismes, l’approche égoïste de Microsoft à l’égard du logiciel libre n’est pas très différente de nos jours de celle de Google, HP, ou n’importe quelle autre entreprise.

7. L’innovation des interfaces stagne

En 2012, nombreux furent ceux qui n’ont pas adopté GNOME 3 et Unity, les deux dernières interfaces graphiques majeures. Cet abandon fut largement lié à l’impression que GNOME et Ubuntu ignoraient les préoccupations des utilisateurs et qu’ils imposaient leur propre vision, sans concertation.

À court terme, cela a mené à la résurrection de GNOME 2 sous des formes variées.

En tant que prédécesseur de GNOME 3 et de Unity, GNOME 2 fut un choix évident. C’est une interface populaire qui n’impose que peu de restrictions aux utilisateurs.

Quoi qu’il en soit, cela risque d’être, à long terme, étouffant pour l’innovation. Non seulement parce que le temps passé à ressuciter GNOME 2 n’est pas mis à profit pour explorer de nouvelles voies, mais parce que cela semble être une réaction à l’idée même d’innovation.

Peu sont ceux, par exemple, qui sont prêts à reconnaître que GNOME 3 ou Unity ont des fonctionnalités intéressantes. Au contraire, les deux sont condamnés dans leur ensemble. Et les développements futurs, tels l’intention de GNOME de rendre la sécurisation et la confidentialité plus simples, n’ont pas reçu l’attention qu’ils méritaient.

Au final, au cours des prochaines années, l’innovation en sera probablement réduite à une série de changements ponctuels, avec peu d’efforts pour améliorer l’ergonomie dans son ensemble. Même les développeurs hésiteront à tenter quoi que ce soit de trop différent, afin d’éviter le rejet de leurs projets.

Je me dois d’applaudir le fait que les diverses résurrections de GNOME 2 marquent le triomphe des requêtes des utilisateurs. Mais le conservatisme qui semble accompagner ces aboutissements m’inquiète : j’ai bien peur que cette victoire n’engendre d’autres problèmes tout aussi importants.

8. L’open source est en train de devenir une monoculture

Ses partisans aiment à revendiquer que l’un des avantages du logiciel libre et open source, c’est d’encourager la diversité. À la différence de Windows, les logiciels libres sont supposés être plus accueillants pour les idées nouvelles et moins vulnérables aux virus, la plupart des catégories de logiciels incluant plusieurs applications.

La réalité est quelque peu différente. À la lecture d’une étude utilisateurs vous remarquerez un modèle plutôt constant : une application ou technologie recueille 50 à 65% des votes, et la suivante 15 à 30%.

Par exemple, parmi les distributions, Debian, Linux Mint et Ubuntu, qui utilisent toutes le format de packet en .DEB, recueillent 58% du choix des lecteurs 2012 du Linux Journal, que l’on peut comparer aux 16% recueillis par Fedora, openSUSE, et CentOS, qui utilisent quant à elles le format .RPM.

De même, Virtualbox atteint 56% dans la catégorie « Meilleure solution de virtualisation », et VMWare 18%. Dans la catégorie « Meilleure gestion de versions », Git recueille 56% et Subversion 18%. La catégorie la plus asymétrique est celle des « Suites bureautiques » dans laquelle LibreOffice recueille 73% et (sic) Google Docs 12%.

Il n’y avait que deux exceptions à cette configuration. La première était la catégorie « Meilleur environnement de bureau », dans laquelle la diversification des dernières années était illustrée par les scores de 26% pour KDE, 22% pour GNOME 3, 15% pour GNOME 2 et 12% pour Xfce. La deuxième catégorie était celle de « Meilleur navigateur web »dans laquelle Mozilla Firefox recueillait 50% et Chromium 40%.

De manière générale, les chiffres ne rendent pas compte d’un monopole, mais dans la plupart des catégories, la tendance est là. Au mieux, on pourrait dire que, si la motivation n’est pas le profit, le fait d’être moins populaire n’implique pas que l’application va disparaître. Mais si la concurrence est saine, comme tout le monde aime à le dire, il y a tout de même des raisons de s’inquiéter. Quand on y regarde de près, les logiciels libres sont loin d’être aussi diversifiés que ce que l’on croit.

9. Le logiciel libre est bloqué si près de ses objectifs

En 2004, les logiciels libres et open source en étaient au stade où ils couvraient la plupart des usages de base des utilisateurs : envoi de courriels, navigation sur internet et la plupart des activités productives sur ordinateur. En dehors des espoirs de disposer un jour d’un BIOS libre, il ne manquait plus que les pilotes pour les imprimantes 3D et les cartes WiFi pour atteindre l’utopie d’un système informatique entièrement libre et open source.

Neuf ans plus tard, de nombreux pilotes libres de carte WiFi et quelques pilotes libres de cartes graphiques sont disponibles – mais nous sommes loin du compte. Pourtant la Free Software Foundation ne mentionne que rarement ce qui reste à faire, et la Linux Foundation ne le fait pratiquement jamais, alors même qu’elle sponsorise l’OpenPrinting database, qui liste les imprimantes ayant des pilotes libres. Si l’on combinait les ressources des utilisateurs de Linux en entreprise, on pourrait atteindre ces objectifs en quelques mois, pourtant personne n’en fait une priorité.

Admettons que certaines entreprises se préoccupent de leur soi-disant propriété intellectuelle sur le matériel qu’elles fabriquent. Il est possible également que personne ne veuille courir le risque de fâcher leurs partenaires commerciaux en pratiquant la rétroingénierie. Pourtant, on a bien l’impression que l’état actuel de statu quo persiste parce que c’est déjà bien assez, et que trop peu de personnes ont à cœur d’atteindre des objectifs dont des milliers ont fait le travail de leur vie.

Des discussions, non des disputes

Certains ont peut-être déjà conscience de ces sujets tabous. Cependant, il est probable que chacun trouvera dans cette liste au moins un sujet pour se mettre en rogne.

Par ailleurs, mon intention n’est pas de mettre en place neuf aimants à trolls. Même si je le voulais, je n’en aurais pas le temps.

Ces lignes sont plutôt le résultat de mes efforts pour identifier en quoi des évidences largement admises dans la communauté devraient être remises en question. Je peux me tromper. Après tout, je parle de ce que j’ai pris pour habitude de penser, moi aussi. Mais au pire, cette liste est un bon début.

Si vous pensez qu’il y a d’autres sujets tabous à aborder et à reconsidérer au sein de la communauté des logiciels libres et open source, laissez un commentaire. Cela m’intéresse de voir ce que je pourrais avoir oublié.

Crédit photo : Laëtitia Dulac (Creative Commons By)




Geektionnerd : LibreOffice 4.0

Bienvenue LibreOffice 4.0 !

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Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Pas de Web libre et ouvert sans navigateur

Nous reproduisons aujourd’hui le dernier billet de Tristan Nitot, dont nous avons traduit la version originale. Il attire notre attention sur un problème crucial aujourd’hui et vous propose d’apporter votre contribution au débat. Alors qu’un véritable raz-de-marée d’applications déferle sur les smartphones et que nous en sommes friands (— ah bon, pas vous, vraiment ?) il est temps de s’interroger sur ce qui fait la force d’un navigateur qui nous permet de tirer le meilleur parti du Web. Car il ne s’agit pas seulement d’y acheter des contenus mais bien d’en faire l’espace de nos libertés, de notre création, de notre vie en ligne.

Et si le navigateur disparaissait ?

Par Tristan Nitot, Mozilla Principal Evangelist

(Adaptation d’un article en anglais publié sur le blog officiel Mozilla, Beyond the Code, sous le titre What if the browser disappeared?. Sky, Slystone, goofy pour la traduction).

L’autre jour, je lisais un article provocateur intitulé The end of the browser? (NDT : « La fin du navigateur ? »). Cet article soutient fondamentalement que tout le monde utilisant de plus en plus d’appareils nomades, les applications mobiles remplacent les navigateurs Web pour diverses raisons, la principale étant qu’elles sont plus pratiques que les pages Web affichées dans les navigateurs.

Bien qu’en désaccord avec l’auteur, je pense qu’il s’agit d’une question très intéressante qui soulève deux problèmes :

  1. Et si le Web était remplacé par les applications mobiles ? En quoi serait-il dommageable de perdre les navigateurs Web en tant que canal principal d’accès à l’information et aux services ?
  2. Que pouvons-nous faire pour nous assurer que le navigateur Web ne devienne pas une relique du passé pendant que le monde devient mobile ?

Et si le Web était remplacé par les applications mobiles ?

— Je pense que le monde y perdrait énormément. Il y perdrait tellement que je ne sais même pas par où commencer…

Liberté d’expression

Le Web n’est pas seulement fait de contenu commercial. Avoir la possibilité de s’exprimer est fondamental. Le Web permet cela, et avoir une structure décentralisée sur laquelle publier des trucs est nécessaire. Les magasins d’applications centralisés, comme les Appstores, ont montré une certaine tendance à censurer agressivement les contenus pour éviter les litiges, qu’il s’agisse d’art, de politique, de liberté de la presse ou simplement de mauvais goût.

Liberté de façonner mon expérience

Les navigateurs Web modernes sont équipés d’un système d’extensions qui permet aux utilisateurs de personnaliser leur expérience. Mais même avant que Firefox ne rende les extensions si populaires, il était possible d’utiliser des feuilles de styles alternatives ou même les feuilles de style de l’utilisateur pour modifier la présentation du contenu d’un site. Il ne s’agit pas seulement des goûts et des couleurs, mais également de l’importance pour le contenu du Web d’être accessible aux personnes handicapées.

N’oublions pas que chaque plateforme majeure propose un navigateur Web, de Windows à MacOS en passant par GNU/Linux et tous les smartphones : les utilisateurs n’ont pas à acheter un matériel ou un logiciel spécifique pour accéder au Web. Tout ce dont ils ont besoin c’est un ordinateur qui puisse faire tourner un navigateur Web.

Liberté d’apprendre, de bricoler et de créer

Ce qui rend le Web différent des autres médias est la possibilité pour chacun de participer. Contrairement à la télévision, vous n’avez pas besoin de posséder une chaîne de télé pour partager votre point de vue avec un public. Tout le monde peut publier un billet de blog qui renvoie vers d’autres pages, partager des photos ou des vidéos, et c’est un progrès fantastique pour la démocratie, comparé aux temps de la télé, de la radio et des journaux.

Mais l’Internet et le Web ne sont pas seulement des médias. Ce sont des plateformes d’innovation. Comme tout le monde peut apprendre comment le Web fonctionne en regardant le code source, le Web permet à chacun de créer une application Web, ce qui conduit à plus d’innovations, provenant d’encore plus de gens.

Que pouvons-nous faire pour nous assurer que le navigateur Web ne devienne pas une relique du passé pendant que le monde devient mobile ?

La réponse à cette question est plus courte que la précédente, je vais vous présenter ce que fait Mozilla à ce sujet :

  1. Continuer de faire un super navigateur pour le bureau : Firefox ;
  2. Continuer de faire un super navigateur pour les mobiles : Firefox pour Android ;
  3. Travailler sur un système d’exploitation mobile ouvert pour faire du Web la plateforme mobile de choix : Firefox OS (bientôt sur les téléphones portables près de chez vous !).

La nature ouverte du Web donne à chacun toutes sortes de libertés, et c’est pourquoi Mozilla s’investit dans Firefox OS : c’est le meilleur moyen de s’assurer que le Web a un futur dans un monde où la plupart des gens utilisent Internet sur leur téléphone portable.

Que pensez-vous que le monde perdrait si le navigateur Web disparaissait ? Vous pouvez nous le dire dans les commentaires là-dessous.




Geektionnerd : 140 euros

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Donnez-moi la liberté de vous payer… par Ploum

Et si nous faisions en sorte qu’Internet nous permette de payer en toute liberté ?

Que nous sortions du double carcan de la somme fixe et unique pour tout le monde et du poids moral négatif induit par l’usage (de la copie) sans rétribution ?

Flattr - CC by

Si c’est possible de le copier, alors vous le trouverez gratuitement sur Internet. Ceci n’est pas un slogan publicitaire mais une constatation. Nous vivons dans un monde où le contenu s’est affranchi de son support matériel et des limites inhérentes. Dans ce monde, les barrières de l’accès à la connaissance sont tombées. Tout le monde peut partager une réflexion philosophique, une analyse d’une œuvre de Monet. Ou une vidéo de chatons et le dernier clip d’un chanteur à la mode.

Au fond, c’est merveilleux. Cela devrait nous émerveiller tous les matins. Aucun auteur de Science-Fiction n’avait osé en rêver. C’est génial ! Sauf si on gagne sa vie à vendre du contenu sur un support physique. Auquel cas, la perspective est un peu inquiétante.

Alors que le support physique n’était jamais qu’un moyen comme un autre de diffuser de l’information, les vendeurs ont tout d’abord tenté de lier irrémédiablement le contenu avec son contenant. Voire de distribuer le contenu de manière virtuelle mais en ajoutant artificiellement les contraintes du matériel, quand bien même ce matériel n’existait plus.

Après cet échec prévisible, les industries du contenu cherchèrent d’autres méthodes de rentabilisation. Après tout, il existe des journaux gratuits, des chaînes de télévision gratuites. Le dénominateur commun étant le financement par l’ajout de publicité.

Outre les questions qu’elle pose, la publicité a le problème de dégrader l’expérience du contenu. Apprécierez-vous d’être interrompu au milieu d’une fugue de Bach par un slogan ventant des croquettes pour chat ? Pire : tout comme il est possible de tout trouver gratuitement, il est également possible de bloquer la publicité.

Un monde virtuel qui ne vivrait que de la publicité serait fortement limité. En effet, la publicité devrait forcément faire référence aux produits du monde réel, celui au grand plafond bleu, produits limités en quantité par le monde réel lui-même. À l’heure où l’on parle de décroissance, on ne peut imaginer augmenter à l’infini les publicités.

Lorsqu’il n’est physiquement plus possible de forcer quelqu’un à vous donner de l’argent, la seule solution est de faire appel à son sens moral. De le convaincre. Deux choix s’offrent au vendeur : la voie positive « C’est bien de donner » et celle négative « Ne pas donner, c’est mal ! ».

Devinez laquelle a été choisie ? Nous vivons dans un monde merveilleux où le partage est possible instantanément à travers la planète et nous avons réussi à transformer cette utopie futuriste, cette réalisation extraordinaire en un péché moral : « Ne pas payer, c’est mal ! », « Ne pas payer est illégal », « Si vous ne payez pas, vous serez poursuivi en justice », « Si vous ne payez pas, vos artistes préférés vont mourir de faim ».

Mais toute cette rhétorique négative se fonde sur une série de postulats.

1. Un artiste doit être payé pour ses réalisations.

FAUX. Cette vision se base sur une séparation nette entre les artistes d’un côté et les consommateurs de l’autre. Internet a démontré que nous sommes tous, à différents degrés, des artistes. Comme le dit Rick Falkvinge, un artiste c’est quelqu’un qui produit de l’art. À partir du moment où cette personne cherche à en tirer du profit, elle devient un entrepreneur. Et, à ce titre, c’est à elle de mettre en place un business model. On pourrait également appliquer cet argument au logiciel libre et dire que tout codeur doit être payé pour ses contributions. Pourtant, le logiciel libre prouve que c’est loin d’être le cas.

2. Tout travail mérite salaire.

FAUX. Le client paie généralement le produit d’un travail, pas le travail lui-même. Creuser un trou dans votre jardin est un travail dur. Le reboucher l’est tout autant. Pourtant, personne ne vous paiera pour cela. Le travail n’est donc rémunéré que lorsque quelqu’un estime intéressant de le faire, quelle que soit sa raison.

3. Il faut payer avant de consommer.

FAUX. Imaginez que vous puissiez entrer dans un restaurant, manger et que le prix soit laissé à votre appréciation. Si vous avez aimé, vous payez beaucoup. Sinon, vous payez moins ou juste assez pour couvrir le prix des produits. Utopiques ? C’est pourtant dans ce monde que nous vivons de plus en plus. La musique en est l’exemple le plus marquant : il n’est pas rare de rencontrer des audiophiles qui achètent un album qu’ils ont téléchargé depuis six mois sous prétexte : « C’est vraiment un bon CD, je l’adore, je l’écoute en boucle. Du coup, je l’achète pour soutenir l’artiste. ».

4. Il est obligatoire de payer.

FAUX. Contrairement à l’exemple du restaurant, la reproduction de l’information à un coût tout à fait nul. Il n’y a donc aucune raison particulière de payer pour consommer du contenu. Nous écoutons de la musique chez des amis, nous lisons un livre trouvé sur un banc, nous entendons un voisin expliquer le sens de la vie par dessus sa haie : nous consommons en permanence du contenu sans le payer. Pire, un même contenu peut être consommé gratuitement à titre promotionnel puis rendu payant par après. Les distributeurs de contenu sont donc dans la position schizophrénique de devoir diffuser le contenu autant que possible tout en empêchant… qu’il soit trop diffusé.

Pourtant, cet argument de l’obligation de payer est tellement tenace qu’il en est devenu « Si c’est gratuit, c’est nul » jusqu’à un extrème « Si c’est cher, c’est bien » exploité par les grandes marques.

5. Chacun doit payer le même prix pour accéder au même contenu.

FAUX. De nouveau, aucune loi naturelle n’oblige à ce que chacun paie la même chose pour le même service. Nous sommes pourtant habitués à ce genre de choses : les militaires, les jeunes et les pensionnés ont des réductions dans les transports en commun. Les journalistes et les professeurs ont des entrées gratuites dans certains musées.

Quand on y pense, payer le même prix est foncièrement injuste. Une personne qui adore un contenu paiera autant que quelqu’un qui n’a agit que par réflexe suite à une publicité et ne le consommera qu’une ou deux fois.

Si nous arrivons à remettre en question ces postulats, alors peut-être arriverons-nous à sortir de cette pernicieuse morale négative. Peut-être pourrons-nous enfin être fiers de cet accomplissement humain : le partage du savoir à tous les niveaux.

Et des solutions commencent à se mettre en place. Ma préférée étant Flattr qui, justement, permet de donner une petite somme d’argent aux contenus que l’on apprécie et ce parfois automatiquement. Avec la subtilité que la somme donnée par mois est fixe, quelque soit la quantité de contenu consommé. Framasoft est sur Flattr et je milite activement pour qu’on puisse Flattrer les billets individuels ! Certes, Flattr est centralisé mais tout service gérant des transferts d’argent le restera tant que Bitcoin ne sera pas généralisé !

Les artistes eux-mêmes commencent à bouger. Après l’expérience de Radiohead en 2007, c’est au tour d’Amanda Palmer de voir dans le « Payez ce que vous voulez » l’avenir des artistes. Et pour ceux qui souhaitent vraiment s’investir dans la réussite d’un artiste, les plateformes de « crowdsourcing » comme Kickstarter sont en train de contourner de plus en plus le rôle des gros producteurs, de décentraliser les industries du contenu.

À ce genre de discours, il est courant d’objecter que, si ils ont le choix, les consommateurs vont éviter de payer. Pourtant, le choix est déjà là. La majorité des consommateurs choisit de payer pour des raisons morales le plus souvent négatives. Il existe également des domaines où le fait de donner volontairement est considéré comme normal : c’est le principe du pourboire. Je vous propose de tester le web payant pour vous faire votre propre idée.

Transformer Internet en une économie du « Payez ce que vous voulez » ne serait donc que transformer les raisons morales afin de les rendre positives. Et, à ce titre, rendre complètement obsolètes tous les fichages, les surveillances et autre HADOPI. Un retour à la liberté.

Flattr ne différencie pas les consommateurs des producteurs de contenu. Nous sommes tous des producteurs de contenu, nous somme tous des artistes. Et nous sommes tous également avides de nouveautés, d’art et d’idées. Finalement, n’est-ce pas un des fondement de l’égalité ?

Contrairement à un achat, où je me sens toujours extorqué de mon argent durement gagné, faire un micro don me réchauffe le cœur, me donne le sentiment d’être, à mon échelle, un contributeur. Un sentiment de fraternité.

Liberté, égalité, fraternité. C’est peut-être la définition du web et de l’art de demain.

Crédit photo : Flattr (Creative Commons By)