6 bonnes raisons de soutenir Framasoft ?

On n’en donne pas forcément l’impression comme ça mais nous sommes fébrilement en mode « campagne de dons » et ce pendant tout le mois de novembre.

Il faut dire que l’arrivée d’un deuxième permanent, moi en l’occurrence, a certes participé à redynamiser la structure (tout du moins c’était l’objectif), mais aussi quelque peu grevé notre budget (puisque nous avons assez peu de frais fixes hors salaires).

Du coup on tente d’améliorer un peu notre communication autour de la possibilité de nous soutenir parce que, autant dire les choses telles qu’elles sont, nous ne sommes pas des as en marketing. Et puisque nous sommes dans la confidence, on peut aussi vous avouer qu’on ne risque pas de tenir longtemps à ce rythme-là !

Ainsi on réfléchit actuellement à rendre notre accueil du site Soutenir plus clair et « attractif » (au sens propre comme au sens figuré) qu’elle ne l’est actuellement. Parce qu’elle a le mérite d’exister mais elle est hautement perfectible. En résumé, pas très bon en marketing et pas très bon en webdesign non plus 🙂

Alors tout aide, conseil, avis, critique est la bienvenue dans les commentaires.

Le Framablog est un endroit un peu particulier du réseau dans la mesure où il concentre certainement les visiteurs les plus avertis et initiés « au Libre », les plus attachés à Framasoft aussi peut-être (un attachement qui n’exclut en rien la réprobation lorsque l’on vous déçoit, comme on peut parfois le lire en bas de certains billets). Nombreux sont ainsi les commentateurs ayant déjà participé de près ou de loin à nos projets, nombreux sont ceux également que l’on a déjà pressé comme des citrons par le passé (et qui acceptent de bonne grâce, parce que nécessité fait loi, cet énième appel à soutien). Vous avez toute notre gratitude soit dit en passant.

On a ainsi pensé ci-dessous à une énumération du pourquoi du comment que ce serait bien de nous soutenir à placer où bon nous semble (à définir).

Trop emphatique ? Trop « on s’la joue » ? Bon, d’un autre côté il faut convaincre dans ce genre d’exercice, non ?

Toujours est-il que vous êtes donc cordialement invité(e) à confirmer ou infirmer le principe même de cette liste et/ou, plus en détail, nous donner votre avis sur son contenu, quitte bien entendu à supprimer ou ajouter des points.

Merci de votre éventuelle participation et de votre fidélité (ouais, désolé, ça fait un peu animateur radio cette conclusion).

Framasoft - Mosaïque

6 bonnes raisons de soutenir Framasoft (version draft 1.0)

1. Une décennie au service du logiciel libre et sa culture

Plus de 10 ans d’existence, plus d’un million de visites par moi sur l’ensemble du réseau, près d’une vingtaine de projets en direction du grand public pour faire connaître et diffuser le logiciel libre, sa culture et son état d’esprit. Framasoft est l’une des portes d’entrée principale du logiciel libre francophone. Notre témoignage préféré : « J’ai découvert le logiciel libre grâce à Framasoft ».

2. Des projets innovants

Framasoft fut parmi les premiers à proposer en libre, dans la sphère francophone : un annuaire sous Windows (2001), une clé USB portables (2005) avec Ubuntu (2009) et Wikipédia (2012), un DVD (2009), un installateur (2010), une collection de livres (2006), une plateforme vidéo (2007), une boutique (2009), un éditeur (2011) ou un tableur collaboratif (2012)… et nous en avons d’autres dans nos cartons 🙂

3. Une communauté au service du bien commun

Tout[1] ce que produit Framasoft au sein de son réseau est placé sous licence libre favorisant la confiance et la collaboration. Ce sont ainsi des centaines de personnes qui sont impliquées bénévolement au quotidien dans nos projets. Nous incubons et soutenons également des structures tierces et travaillons en partenariat étroit avec les autres acteurs du libre.

4. Un modèle économique qui a du sens

Toute cette activité a un coût et nécessite maintenance technique et coordination humaine. Ne bénéficiant ni de subventions publiques ni de fonds privé[2], Framasoft repose avant tout sur vos dons. En cas de succès, cette fragilité se transforme en force car cela nous garantit notre indépendance et porte le message que l’on peut agir dans le « Libre » et créer des emplois (2 permanents actuellement) à partir de la somme des générosités individuelles sollicitées sur Internet.

5. La défiscalisation

Framasoft s’appuie sur une association 1901 à but non lucratif qui bénéficie de la déduction fiscale liée à son caractère d’intérêt général. Ainsi, par exemple, pour un don récurrent de 120 € (soit 10 € par mois pendant un an), la réduction est de 79,20 € et donc le coût réel de votre don est de 40,80 €.

6. Ensemble nous changeons le monde

Au delà du logiciel, le « Libre » propose un modèle alternatif de société où la coopération prend le pas sur la compétition. Nous assumons notre optimisme, voire notre idéalisme, face à la « crise » qui n’est pas une fatalité. Proactifs, nous avançons en informant et démontrant par la pratique que bien des choses sont possibles. Comme on dit chez nous : « la route est longue mais la voie est libre ».

Notes

[1] Ce n’est pas tout à vrai, par exemple pour certaines traductions de ce blog. Est-ce selon vous publicité mensongère que d’exprimer pourtant cela ainsi ?

[2] Ce n’est pas tout à fait vrai non plus, avec la présence de la pub Google sur 2 des sites du réseau, l’annuaire et la Framakey. On a pensé un temps la retirer pendant toute la durée de cette campagne et voir un peu si on arrivait à atteindre et dépasser le seuil des 100 nouveaux donateurs récurrents (ce que cela rapporte mensuellement) pour pouvoir (enfin) la supprimer définitivement. Mais nous ne sommes pas encore assez solides et sereins pour l’envisager aujourd’hui, sauf donc à connaître un soudain pic de dons 😉




Quand le gouvernement US s’arroge le droit de lire nos données personnelles

Megaupload était une système de partage de fichiers techniquement neutre. Oui, il contenait beaucoup de contenus enfreignant les lois sur le copyright. Mais il y avait également des utilisateurs qui y plaçaient leurs propres ressources dans la plus stricte légalité et qui se sont retrouvés du jour au lendemain dans l’incapacité d’y accéder lorsque le gouvernement américain a fait fermer Megaupload.

C’était le cas de Kyle Goodwin qui a déposé un recours pour tenter de les récupérer.

Mais le gouvernement américain ne l’entend pas de cette oreille en choisissant volontairement de mettre des bâtons dans les roues de la procédure. Pire encore il se permettrait d’aller fouiller sans autorisation dans le feu compte Megaupload de Kyle Goodwin afin d’y trouver d’éventuelles preuves d’une quelconque culpabilité (comme par exemple y puiser un fichier illégal).

Et ce n’est plus le seul problème de Kyle Goodwin avec Megaupload qui est en jeu ici, c’est le devenir de toutes les données personnelles que nous mettons dans le cloud computing, puisque rien ne semble empêcher demain le même gouvernement d’aller fouiller sans vous prévenir dans votre compte Google, Apple ou Amazon !

Nous devons lutter contre ces agissements brutaux et dangereux du gouvernement américain. Mais nous devons aussi nous interroger quant au devenir de nos données que nous laissons, parfois naïvement, dans le cloud, a fortiori si derrière ce cloud se cachent des serveurs sur territoire américain (et donc juridiction américaine).

Fernando - CC by-sa

Megaupload et l’attaque du cloud computing par le gouvernement Américain

Megaupload and the Government’s Attack on Cloud Computing

Cindy Cohn et Julie Samuels – 31 octobre 2012 – EFF.org
(Traduction : Zii, Husi10, A-xis, KoS, lgodard, Ag3m, Maxauvy, Ryoanji, 3josh)

Hier, EFF (Electronic Frontier Fondation), pour le compte de son client Kyle Goodwin, a déposé un recours en justice dans l’affaire Megaupload afin de rendre le gouvernement responsable des actions entreprises (et celles qu’il n’a pas reussi à entreprendre) lorsqu’il a fermé le service de Megaupload et ainsi empêché des tiers comme M. Goodwin d’accèder à leurs biens. Le gouvernement a également déposé son propre recours, imposant la mise en place d’un long et difficile processus qui demanderait à des tiers (souvent des anonymes ou des petites entreprises) de voyager jusqu’à de lointains tribunaux et de participer à de multiples audiences, uniquement pour récupérer ce qui leur revient de droit.

Pire, le gouvernement a reconnu avoir eu accès au compte Megaupload de M. Goodwin et en avoir examiné le contenu. En agissant ainsi, le gouvernement a franchi une étape significative et quelque peu effrayante. Il a apparemment fouillé les données saisies dans un but précis alors que sa cible était Megaupload, afin d’utiliser les preuves éventuellement découvertes contre M. Goodwin, qui a été atteint par ces actions mais qui n’est clairement pas l’objet d’une quelconque enquête criminelle, et encore moins concerné par celle visant Megaupload. Il s’agit bien sûr d’une vaine tentative pour attaquer M. Goodwin, en essayant de détourner l’attention de la presse et de la Cour de l’incapacité du gouvernement à prendre des mesures, et encore moins les mesures raisonnables requises par la loi, afin de protéger les droits de propriété des tiers, que ce soit avant ou après l’exécution d’un mandat. Et bien entendu, si le gouvernement est si bien placé qu’il peut fouiller dans les fichiers de M. Goodwin et donner son avis sur leur contenu (et il n’est pas certain que cette seconde fouille ait jamais été autorisée), il peut a priori trouver un moyen de les lui restituer.

Mais, en plus de cela, l’approche du gouvernement devrait terrifier tous les utilisateurs de services de cloud, sans compter les fournisseurs de ces services. Le gouvernement maintient que M. Goodwin a perdu ses droits de propriété sur ses données en les stockant sur un service de cloud computing. Spécifiquement, le gouvernement argumente qu’à la fois le contrat entre Megaupload et M. Goodwin (un contrat standard de cloud computing) et le contrat entre Megaupload et son hébergeur Carpathia (un accord standard également), « limite tout intérêt de propriété qu’il pourrait avoir » dans ses données. (Page 4). Si le gouvernement a raison, aucun fournisseur ne peut plus se protéger contre des pertes soudaines (comme celles dues à un ouragan), ni promettre à leurs clients que leurs droits de propriété seront maintenus en utilisant le service. Ils ne peuvent non plus garantir que leurs fichiers ne risquent pas de disparaître soudainement, sans aucun moyen raisonnable de les récupérer si le gouvernement décide de les saisir avec un mandat. Apparemment, vos droits de propriété « deviennent sévèrement limités » si vous autorisez une tierce personne à héberger vos données sous couvert d’un accord standard de cloud computing. Cet argument n’est aucunement limité à Mégaupload, il s’appliquerait aussi si la tierce partie était le S3 d’Amazon, Google Apps ou Apple iCloud.

La tactique du gouvernement nous démontre une chose effrayante : si les utilisateurs essaient d’obtenir leurs biens, le gouvernement n’hésitera pas à les passer au peigne fin afin d’essayer de trouver une preuve à utiliser contre eux. Le gouvernement cherche également à imposer un fardeau quasi insurmontable aux utilisateurs en demandant au tribunal d’avancer lentement et d’utiliser un processus à plusieurs étapes qui aurait lieu dans un tribunal éloigné. La plupart des personnes utilisant le service de cloud computing pour stocker leurs documents commerciaux ou personnels ne sont pas en mesure d’assister à une seule comparution devant le tribunal de Virginie, et encore moins aux multiples autres que le gouvernement envisage de soumette à la Cour.

Finalement, si le gouvernement ne ressent pas l’obligation de respecter le droit des utilisateurs de Megaupload, et c’est vraiment le cas, il ne va pas changer d’avis si la cible de sa prochaine investigation est un service de partage encore plus populaire. La portée de cette saisie a été sans précédent et ils n’ont pas engagé un processus que la loi nomme « minimisation », que ce soit en amont ou après coup, en faisant en sorte de rendre leurs données aux utilisateurs du cloud et ce en mesurant bien les dégâts. Et maintenant le gouvernement est en train d’essayer d’utiliser les clauses des contrats standards pour vendre le fait que les utilisateurs d’un service de cloud ont au mieux, « sévèrement limité » leurs droits de propriété sur leur propres données.

Tous ceux qui ont réfléchi sur ce qu’impliquent les problèmes soulevés par ce procès ont raison de penser que l’affaire Megaupload va bien au delà de Megaupload.

Crédit photo : Fernando (Creative Commons By-Sa)




Je me souviens de mon voyage d’avant Facebook

Ce billet clôt un sorte de « dossier Facebook » après les témoignage de la maman, du musicien et du blogueur.

Les deux premiers ont décidé de quitter le célèbre réseau social. Ce n’est pas tout à fait le cas ici, juste le constat d’une situation d’avant qui avait son charme, sa nostalgie, voire son authenticité…

Jean-Louis Zimmermann - CC by

Une vie moins « affichée »

A life less posted

Rian – 2 novembre 2012 – Elezea
(Traduction : doc_lucy, ehsavoie, geecko, levouko, Amargein, Munto, ordiclic, Marc)

En août 2003 — quelques mois avant notre mariage — ma femme et moi avons voyagé à travers l’Europe, sac sur le dos. Vous vous souvenez sûrement de cet été en particulier puisque c’était une des plus grandes vagues de chaleur qu’a connu l’Europe depuis une centaine d’années ou presque, il y avait donc une couverture médiatique assez importante. Les boutiques de Paris étaient en rupture de stock de ventilateurs. En sueur, des touristes à moitié dénudés inondaient les rues, ce qui, j’en suis sûr, a certainement rendu les habitants encore plus grincheux que d’habitude car ils devaient céder le contrôle de leur ville à de nombreux étrangers.

Quel voyage — 8 villes en 30 jours. Nous utilisions un service de bus à escales à volonté (« hop-on hop off ») et logions en auberges de jeunesse, comme on le fait lorsqu’on n’a pas d’argent. C’était épuisant, merveilleux, enrichissant, frustrant, superbe. J’adorerais vous montrer quelques photos, mais cela risque d’être difficile puisque mon album se trouve dans ma bibliothèque, chez moi.

Prendre des photos était différent à cette époque. Avant le voyage j’avais acheté dix pellicules Fujifilm ISO 400 de 24+3 vues pour mon Nikon SLR. Je devais prendre en considération l’importance de chaque photo, car non seulement la pellicule était chère, mais nous allions également avoir à faire développer ces fichus machins. Une fois le voyage terminé nous avons passé plusieurs jours à parcourir les photos, à revivre les moments, sélectionnant avec attention celles qui mériteraient d’être dans notre album.

Je feuillette souvent l’album. Il inclut quelques-unes des meilleures photos que j’ai jamais prises, durant l’une des périodes les plus tumultueuses de ma vie. Mes souvenirs de ces instants s’estompent lentement avec ces photos, mais jamais je n’oublierai l‘émotion de ce mois en particulier.

Le mois dernier, plusieurs de mes amis étaient en voyage en Europe. Je le sais parce que je suivais leurs moindres déplacements sur Instagram et Facebook. Parfois, leurs photos me rappelaient des lieux où nous étions allés pendant notre voyage. Parfois j’en étais jaloux. Parfois je me disais simplement, waouh, c’est joli.

Je me demande ce qu’il adviendrait si ma femme et moi faisions notre expédition maintenant, presque une décennie plus tard. J’imagine que je passerais le plus clair de mon temps à prendre des photos avec mon téléphone, ou à chercher du wifi gratuit avec mon téléphone. Parce si vous ne postez pas de photos de ce que vous faites, c’est que cela ne s’est pas vraiment passé, pas vrai ?

En un sens, je suis content que nous ayions fait notre grand voyage en Europe avant que les réseaux sociaux n’existent. Nous consultions nos emails éventuellement une fois dans chaque ville — à condition que nous arrivions à trouver un cyber-café. La plupart du temps nous étions laissés à nous-mêmes. Juste un couple parmi un océan de touristes. C’était la même chose concernant la bouteille de vin que nous avons prise dans ce restaurant italien. À l’exception que c’était notre bouteille de vin, et que nous la partagions juste entre nous. Avec personne d’autre. C’était tout un mois rempli de moments secrets en public, et nous étions juste… là. Nous n’avons pas pointé sur Foursquare, n’en n’avons pas parlé sur Facebook, n’avons posté aucune photo nulle part. Je regarde en arrière à présent et j’apprécie l’incroyable liberté que nous avions de vivre, avant que nous ne soyions tous connectés et que nous ne développions cette idée qui veut que la valeur d’un moment est directement proportionnelle au nombre de « J’aime » qu’il reçoit.

Je me suis levé hier matin pour lire quelques statuts Facebook de gens qui n’aiment pas Halloween, et qui ne laisseraient jamais leurs enfants participer à ces maudites quêtes de confiseries. Je me suis senti immédiatement coupable car j’avais laissé ma fille s’amuser la nuit précédente en la laissant s’habiller de son costume mi-sirène, mi-fée qu’elle avait elle-même choisi.

Et j’ai alors réalisé que je ressentais toujours la même chose sur Facebook. Culpabilité, colère, envie… Il s’agit des émotions qui produisent le plus d’activité sur les réseaux sociaux, mais peut-être encore plus sur Facebook que partout ailleurs. Ce sont les émotions qui nous font partager/aimer/commenter les choses. Et alors j’ai repensé à notre voyage en Europe et à combien je regrette ce temps-là, où nous n’étions pas encore obligés de porter le fardeau des pensées, des sentiments et des opinions de chacune des personnes à qui nous sommes liés en ligne. C’est ce que Franck Chimero a appelé une fois « cracher les gaz d’échappement des vies digitales des autres ».

Je ne dis pas que j’en ai fini avec Facebook — et de toute façon, publier sur son blog sa rupture avec Facebook est devenu tellement cliché que je ne voudrais pas que ce texte y ressemble. Je dis juste que je n’aime pas les émotions que me procure mon flux d’actualités Facebook ; je vais donc aller « voir d’autres personnes » pour un temps, et je verrai bien comment les choses évoluent. Et je vais essayer de retrouver les sensations de ce voyage en Europe, fait il y a une décennie, dans les vies des gens autour de moi.

Crédit photo : Jean-Louis Zimmermann (Creative Commons By)




Je ne sais plus ce que « J’aime » si ce n’est de moins en moins Facebook

Oui, c’est mal : Framasoft a une page Facebook !

Mon falacieux argument, sujet à caution et non partagé par tous en interne (et je vous attends dans les commentaires), est le suivant : en l’an 2000 nous n’avions pas de scrupule à aller chercher les utilisateurs sur Windows pour leur parler du Libre. Windows étant au système d’exploitation ce que Facebook est aujourd’hui à Internet, pourquoi en aurions-nous davantage 10 ans plus tard ?

Bon, ceci étant dit, cette page Facebook a toujours été en mode passif de chez passif. On a fait en sorte que, via les flux RSS, les billets de ce blog et nos gazouillis Identica/Twitter soient relayés automatiquement dessus et c’est tout.

Sauf que pas mal de choses ont changé dernièrement selon le bon vouloir du paramétrage des maîtres du lieu. La syndication automatique a semble-t-il été supprimée (je suis preneur d’une solution pour faire apparaître à nouveau les billets). Et pire encore, lorsque vous postez quelque chose sur votre page, vos fans (c’est-à-dire ceux qui ont cliqué benoîtement sur « J’aime » votre page) ne reçoivent plus l’information. Ou alors quelques uns oui, mais pas tous. Enfin c’est le bordel quoi !

Pour résumé, le « J’aime » d’avant n’est plus du tout le « J’aime » de maintenant. Heurement qu’il n’en va pas de même dans la vraie vie

C’est fâcheux je vous l’accorde. Mais ouf, pour ce qui nous concerne on a d’autres canaux d’information. Je connais cependant des associations (de bénévoles) qui avaient tout misé (ou presque) sur Facebook et qui se retrouvent bien em…bêtée parce que maintenant il faut passer à la caisse des « billets sponsorisés » si vous souhaitez à nouveau toucher tout le monde d’un coup.

C’est ce qui est arrivé à l’auteur du blog Dangerous minds ci-dessous. Ayant l’habitude de poster beaucoup, et donc de relayer beaucoup sur Facebook, il a calculé que pour atteindre tous ces fans, il lui faudrait désormais payer 672 000 $ pour quelque chose qui était totalement gratuit quelques jours auparavant !

Tout ceci porte un nom simple : capitalisme. A fortiori lorsqu’on s’appelle Facebook, qu’on a raté son entrée en bourse et qu’on se retrouve sous la pression de ses actionnaires.

Et la trappe est en train de se refermer sur nous. Tout le monde est coincé. Car tout le monde a accepté volontairement d’aller s’enferrer et s’enfermer sur Facebook. Combien de structures ne prennent même plus la peine désormais d’indiquer l’adresse de leur site Web pour préférer signaler leur page Facebook dans leur communication ? (d’autres vont encore plus loin dans l’intégration comme La Poste avec cette publicité tellement emblématique de mon propos, photographiée d’ailleurs ci-dessous).

Les gros vont peut-être accepter de régler la nouvelle note mais pas les petits, créant un service à deux vitesses qui n’est pas dans les saines et ouvertes habitudes d’Internet.

Sauf à vivre dans le monde des bisounours, n’oubliez jamais qu’un certain gratuit se paye tôt ou tard…

N’oubliez pas non plus, si tout ceci vous fatigue, vous étouffe ou vous exaspère, que le Libre vous accueille en toute confiance à bras ouverts. Vous y perdrez sûrement quelques fans au début mais y gagnerez peut-être une communauté dans lequel votre « J’aime » sera actif et engagé en prenant du sens et de l’authenticité.

En réponse aux critiques, Facebook ajoute un moyen de vraiment, vraiment « aimer » quelque chose

Responding to criticism, Facebook adds a way for you to really, really ‘like’ something

Joel Johnson – 2 novembre 2011 – NBC
(Traduction : GPif, KoS, Yuston, RN, Robin Dupret, Gatitac, LuD-up, PM, bashr, RN, Tchevengour)

Richard Metzger n’est pas très content de Mark Zuckerberg.

Fondateur de Dangerous minds, un blog culturel peu connu au départ, Metzger a rassemblé plus de 50 000 fans sur sa page Facebook au cours de ces trois dernières années. Mais depuis l’introduction en bourse de Facebook en mai dernier, les changements d’algorithme du géant des réseaux sociaux ont rendu l’apparition du contenu publié par Dangerous Minds dans les fils d’actualités de ses fans de plus en plus rare.

Quand vous cliquez sur « J’aime » telle ou telle page, vous pensez peut-être que cela veut dire que votre « journal » recevra toutes les mises à jour postées par le détenteur de cette page. Et c’est bien ce que cela faisait avant. Mais dans sa tentative de soit-disant améliorer l’utilité des informations affichées sur votre journal, par exemple en masquant le contenu qui ne vous intéresse pas, Facebook a aussi semé le trouble chez les utilisateurs et les fournisseurs de contenu quant à la signification du « J’aime ». Pour essayer de clarifier cela, Facebook a ajouté un menu déroulant sous le bouton « J’aime », avec « Recevoir les notifications » et « Afficher dans le fil d’actualité », nécessitant maintenant que les utilisateurs modifient un à un les paramètres de ce qu’ils avaient déjà « aimé ».

Dans un billet passionné et public, Metzger a accusé Facebook d’avoit conçu « le plus gros leurre de l’histoire » en introduisant les « publications sponsorisées ». En somme, Facebook demande aujourd’hui à Dangerous Minds de payer pour mettre en avant ses billets auprès de ses propres fans, pour un montant pouvant dépasser 672 000 $ par an selon Metzger — alors que la même chose était totalement gratuite auparavant.

Metzer détaille son calcul :

Chez Dangerous Minds, on propose entre 10 et 16 publications chaque jour, un peu moins les week-ends. Pour atteindre 100% de nos plus de 50 000 fans (c’est-à-dire l’affichage de l’information sur leur « journal »], Facebook demanderait désormais 200 $ par publication. Ce qui nous coûterait entre 2 000 $ et 3 200 $ par jour, mais retenons uniquement la fourchette basse, plus facile à multiplier. On publie du contenu tous les jours de la semaine, soit 14 000$ par semaine, 56 000$ par mois… pour un total de 672 000 $ par an ! Pour quelque chose que nous pouvions faire gratuitement avant que Facebook ne ferme les vannes cet automne, comme par hasard juste au moment de leur entrée en bourse mal gérée !

Selon Metzger, Dangerous Minds a perdu ainsi entre la moitié et les deux tiers des visites provenant de Facebook, avec pour seul recours apparent de payer Facebook pour promouvoir les messages destinés aux fans. Un porte-parole de Facebook a déclaré à NBC News que Metzger a « mal interprété » l’idée sous-jacente de billets sponsorisés : ils concernent la qualité des billets, et non leur quantité.

« Nous continuons à améliorer le fil d’actualité pour mettre en avant les messages que les fans sont les plus enclins à consulter activement, de manière à leur assurer qu’ils lisent les nouvelles les plus intéressantes » a ajouté le porte-parole. « Cela coïncide avec notre vision que tout contenu publié devrait être aussi attrayant que les messages provenant de la famille ou des amis. »

Le sponsoring réalisé par Facebook est conçu — et tarifé — de manière à ce que « le contenu le plus attractif » soit promu, mais pas de la manière qu’on imagine : plus « l’activité naturelle » du contenu est importante (le temps effectif durant lequel les utilisateurs le consultent, le commentent, ou cliquent sur « J’aime ») moins Facebook facture le promoteur du message pour le mettre en évidence.

Le fait qu’un utilisateur clique sur « J’aime » sur une page ne signifie pas que cette personne, cet éditeur, cette organisation ou cette marque puisse envoyer ses infos sans entrave sur le « journal » de l’utilisateur (même s’il n’ y a pas si longtemps, c’est plus ou moins ainsi que Facebook fonctionnait).

Et cela est donc déroutant aujourd’hui pour des utilisateurs ou des éditeurs qui avaient pris l’habitude d’utiliser les précédentes versions de Facebook un peu comme Twitter ou comme un flux RSS, en montrant l’intégralité du contenu publié par les éditeurs ou les marques « aimées » dans le « journal » personnel.

Mais alors que peut bien signifier ce« J’aime » fluctuant ? Comme me le disait Allen Tingley sur Twitter, « le simple fait que « J’aime » quelque chose ne veut pas dire je veux votre publicité (de merde) à longueur de journée dans mon fil d’actualité. L’aspect « social » du réseau ne signifiant pas publicité gratuite ». Mais pour d’autres utilisateurs, cliquer sur « j’aime » peut signifier qu’ils veulent recevoir autant de mises à jour que possible de la part de la page choisie.

Cette confusion ne vient pas uniquement d’une nouvelle perception des utilisateurs de ce que signifie cliquer sur « J’aime », mais aussi des modifications que Facebook a faites ces dernières années (et continue de faire), sur le fonctionnement de l’algorithme qui fait apparaître les contenus sur le « journal » des utilisateurs.

Cliquer sur « J’aime », représente seulement « un dixième de ce qui est compté comme de l’engagement » selon Facebook (la seule façon de compter les désengagements pour ainsi dire, c’est de cliquer sur le bouton qui masque les publications de votre « journal »).

Ecrire une publication sur un mur, marquer une photo, commenter une page, toutes ces choses s’additionnent dans les coulisses pour informer Facebook de ce qu’il devrait ou ne devrait pas poster sur votre « journal ». Il tente alors de vous présenter en théorie le contenu qu’il estime le plus pertinent à vos yeux.

Plus vous vous engagez auprès d’une marque, une organisation, ou une personne, plus il est probable que vous voyiez son contenu dans votre « journal » (malheureusement, c’est un à peu près le seul contrôle que vous ayez sur votre journal puisqu’il n’existe pas de fonction « Tout voir de Untel ou Untel »).

À moins, bien sûr, qu’un annonceur, de la grande marque au petit éditeur comme Metzger en passant par l’un des vos amis, ne paie pour faire apparaître certains contenus sur votre « journal ». Comme Google, Facebook est fondamentalement une régie publicitaire. Ou du moins, tel semble être le désir des actionnaires qui veulent leur retour sur investissement.

Pour un petit éditeur comme Metzger, qui a passé des années à investir temps et ressources pour construire sur Facebook une communauté qui engendrait en retour du trafic vers son site, la récente commercialisation par Facebook de son travail sonne comme une trahison. « L’idée que la direction générale de Facebook n’ait pas prévu cela — une réaction très négative de ses utilisateurs les plus engagés — laisse pantois » a affirmé Metzger à NBC News. Selon lui, ces 50 000 personnes sont des amis — ou à tout le moins des « amis » — alors que Facebook les considère comme des clients partagés.

Mais, on le sait, Facebook ne peut continuer à offrir indéfiniment des services gratuitement, du moins pas à tout le monde. Comme il est peu probable que les particuliers paient pour leurs comptes Facebook, il ne reste que les annonceurs. Même si, dans le cas de Metzger et de Dangerous Minds, le réseau social ne le considère pas comme un annonceur, mais bien comme un utilisateur lambda.

C’est une nouvelle version du vieil aphorisme « si tu ne paies pas la marchandise, c’est que tu es la marchandise ». Cette fois, Dangerous Minds est à la fois la marchandise et le client. Le blog a construit une communauté et a fourni du contenu à Facebook ; Facebook a construit un réseau social qui, en retour, fournit gratuitement du trafic et des outils à Dangerous minds, jusqu’à ce que la communauté que Metzger a construite ait pris assez de valeur pour être vendue à des publicitaires, y compris Metzger.

Alors qu’il est peu probable que Facebook ne revienne à la version précédente « partage sans entrave » de son algorithme, la société a confirmé que les utilisateurs pourraient dorénavant choisir de recevoir toutes les publications d’une page « aimée » en activant la fonction Recevoir les notifications directement sur le bouton « J’aime ». Sauf que cela nécessite que les fans se rendent une à une sur les pages « aimées » et fassent eux-mêmes le réglage, ce que la plupart ne feront probablement pas…

Metzger voit cela comme une amélioration. « Evidemment, quelle que soit la façon dont je regarde la chose, c’est tout de même un changement positif important, mais si l’algorithme de Facebook avait été conçu initialement en « opt-in » (choix d’engagement et donc de tout recevoir par défaut) et non « opt-out » (choix du refus par défaut), Facebook ne se serait pas attiré les foudres de l’opinion lors de la mise en place des billets sponsorisés. » Metzger qualifie l’implémentation originale de « vautour capitalisme amateur ».

Toujours est-il que Metzger a peut être réveillé l’attention des autres utilisateurs de Facebook, car il a affirmé à NBC News qu’en 24h son coup de gueule a été « aimé » plus de 20 000 fois sur Facebook.




De la puissance combinée d’Internet, du crowdfunding et de l’esprit du Libre

Mélangez envie d’aider son prochain, Internet, le crowdfunding et l’esprit du Libre et vous obtenez l’un des modèles de développement les plus dynamiques à l’heure actuelle pour démarrer un projet.

Un modèle totalement impossible à envisager il y a à peine dix ans de cela.

Il s’agit ici de créer une prothèse du doigt très bon marché. Les deux inventeurs ont travaillé à distance et ont choisi d’ouvrir la conception plutôt que de déposer un brevet. L’argent n’est ici qu’on moyen pour continuer à travailler pour le bien commun et non un objectif d’enrichissement en soi.

Ce n’est pas autrement que nous changerons le monde

Sauf que pour que cela modèle fonctionne et soit valide pour le projet qui nous concerne ci-dessous, il convient de participer à la campagne. Il reste à peine 10 jours pour trouver un peu plus 1000 dollars. C’est jouable non ?

Prosthetic Fingers

Des collaborateurs à distance créent une prothèse de doigt peu coûteuse sous licence libre

Long-distance collaborators create inexpensive prosthetic finger

Adam Williams – 31 octobre 2012 – GizMag
(Traduction : ordiclic, geecko, seirl, greygjhart)

Quand l’artisan Sud-Africain Richard Van As perdit la plupart des doigts de sa main droite dans un accident d’origine industrielle, il décida d’essayer de créer une prothèse de doigt pour regagner une partie de sa mobilité perdue. Dans ce but, Richard demanda de l’aide auprès d’Ivan Owen, originaire de Washington, après avoir été impressionné par la vidéo que celui-ci, a postée sur YouTube, présentant une main mécanique. Le résultat pourrait être une aubaine pour tous les amputés, partout dans le monde.

Bien qu’ils vivent à plus de 15 000 kilomètres l’un de l’autre, Richard et Ivan se sont mis au travail en échangeant des courriels, des photos et des dessins tout en discutant par Skype pour construire un prototype fonctionnel. La tâche fastidieuse de produire la prothèse de doigt a commencé lorsque Richard a créé une réplique en plastique de sa main pour Ivan, de manière à s’assurer qu’ils travaillaient tous deux sur la même base, et de là le design a ensuite été peaufiné.

Le prototype en cours est tenu en place par un appareilllage, similaire à un gant, modelé pour correspondre à la main de la personne amputée. La prothèse de doigt, elle, consiste en un bras de levier rigide et un bout de doigt avec un tampon adhésif. C’est une approche qui relève beaucoup moins de la haute technologie que d’autres doigts prothésiques, comme ceux faits par Touch Bionics ? cependant, la prothèse est aussi bien plus abordable, et améliore significativement la capacité de Richard à attraper des objets.

Richard et Ivan tentent aujourd’hui de collecter des fonds pour leur permettre d’améliorer le prototype, et il ne leur reste que deux semaines pour atteindre le seuil des 5000$ (soit environ 3 900€) qu’ils se sont fixés. L’argent collecté jusqu’à maintenant a servi à payer une fraiseuse, alors que les donations futures serviront à amortir le coût du matériel, des outils et du voyage.

Plutot que de faire breveter leurs travaux, Richard et Ivan ont décidé de distribuer les plans librement afin de faire profiter d’autres personnes de leurs recherches, et l’objectif final est de proposer une prothèse de doigt sans autre coût que les matières premières. Le duo a aussi émis l’idée de proposer la prothèse sous la forme d’un kit peu coûteux à assembler soi-même.

Cette vidéo montre une démonstration du prototype de la prothèse de doigt par Richard et Ivan et raconte l’histoire du projet et de cette rencontre.




Oppikirjamaraton ou comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end !

Je suis professeur de mathématiques et à l’initiative de Framasoft. Un tel projet ne pouvait me faire plus plaisir. Vous verrez qu’un jour de plus en plus de manuels seront rédigés ainsi…

Imaginez un groupe d’enseignants qui se retrouvent le week-end pour rédiger ensemble et de A à Z un manuel scolaire sous licence libre ! (La licence libre est la Creative Commons By, d’où mention sur leur blog, d’où notre traduction ci-dessous).

Il n’ont pas tout à fait achevé l’entreprise dans le temps imparti puisque le livre se trouve aujourd’hui en version 0.92 (et en LaTeX) sur GitHub. Vous pouvez de suite vous rendre compte du résultat actuel en cliquant directement sur le PDF (dont les premières pages vous proposent de soutenir le projet via Flattr et Bitcoin !).

Au delà de son ô combien utile finalité ce fut également une belle et libre aventure humaine

Vapaa Matikka

Oppikirjamaraton : comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end

Oppikirjamaraton: How to Write an Open Textbook in a Weekend

Elliot Harmon – 31 octobre 2012 – Creative Commons Blog
(Traduction : Cyrille L., Kodoque, Nyx, kamui57, Naar, pac)

Il y a quelques semaines de cela nous avons vu passer ce tweet surprenant :

Il nous fallait en savoir plus. J’ai donc contacté Joonas Mäkinen pour avoir davantage d’informations, et il m’expliqua qu’il a participé à monter une équipe pour écrire un manuel scolaire de mathématiques de cycle secondaire tout le long d’un week-end, lors d’un évènement appelé Oppikirjamaraton (marathon du livre scolaire). Le choix de la licence du livre s’est porté sur la Creative COmmons BY, pour que chacun puisse le réutiliser, le modifier et le traduire, en Finlande et dans le reste du monde.

Le texte, désormais en version 0.91 sur GitHub, s’intitule Vapaa Matikka. Le titre se traduit par « Mathématiques libres et gratuites », mais sachant que matikka signifie également lotte en finlandais, on peut aussi le lire comme du « Poisson libre ». Et son slogan, Matikka verkosta vapauteen, devient alors soit un cri de ralliement pour garder les ressources éducatives libres et gratuites, soit un mode d’emploi pour libérer un poisson d’un filet ! (d’où la forme suggérée du poisson sur la couverture du livre)

Mais au delà des jeux de mots mathématico-finlandais, je souhaitais comprendre comment la rédaction express de ce livre s’était déroulée, ce que l’équipe prévoyait de faire du manuel, et quels conseils ils pouvaient donner à d’autres personnes organisant un évènement similaire.

Oppikirjamaraton - Joonas Mäkinen - CC byQue couvre le livre comme concepts mathématiques ?

C’est un manuel pour le premier cours de mathématiques de niveau avancé du collège finlandais. Bien que les élèves débutant ce cursus viennent en général de finir l’école primaire obligatoire, nous avons décidé d’avoir une approche « pour les nuls » en essayant de minimiser les prérequis.

Nous introduisons l’arithmétique, les nombres rationnels, les nombres réels en général. Viennent ensuite les règles de priorité et les racines qui mènent aux bases de la résolution d’équation puis au concept de fonction. Puis leurs mises en application concernent la proportionnalité et le calcul de pourcentages. Nous nous devions de respecter le programme scolaire.

Dites-m’en plus sur les exigences du programme. Sont-elles les mêmes pour toute la Finlande ?

Il y a un programme national en Finlande et tout le monde le suit. Du coup tous les manuels se ressemblent même s’ils approchent les sujets dans un ordre légèrement différent les une des autres. Mais le seul test standardisé est l’examen de fin d’année et donc Il y a un peu de flexibilité, ce qui a facilité les choses.

Oppikirjamaraton - Vesa Linja-Aho - CC byQui a participé ? Étaient-ils tous des formateurs ? Les participants avaient-ils déjà écrit ou édité des manuels scolaires ?

Environ 20 personnes ont participé à l’écriture du manuel durant le week-end. Nous avions des professeurs ordinaires du secondaire, des étudiants à l’université (mathématiques et informatique), un professeur d’électronique pour automobile, mes propres étudiants et quelques professeurs d’université travaillant sur place ou à distance. Nous avions même notre propre petit cercle d‘intégristes de la grammaire et de l’orthographe pour nous aider à rédiger de meilleurs contenus formels que ceux que l’on peut habituellement trouver dans le devanture des grosses maisons d’édition. La diversité des participants s’est révélée être une très bonne chose pour produire une variété de problèmes et de perspectives.

Seules quelques personnes avaient l’expérience de l’écriture et publication d’un manuel classique, commercial et à l’ancienne, mais cela n’a pas été clivant quand nous avons commencé à travailler.

Comment vous êtes-vous organisés ? Les rôles des participants avaient-ils été déterminés en amont du week-end ?

Vesa Linja-aho, qui a eu l’idée de ce book sprint (ou livrathon) était de facto notre coordinateur et s’occupait de la logistique, de l’administratif et de la communication. Lauri Hellsten s’est engagé à prendre le rôle principal pour la maquette et la création de graphiques indispensables à l’ensemble. Mais eux mis à part, aucun auteur n’avait d’assignation prédéfinie. Quelques uns d’entre nous avaient bien leurs sujets de prédilection, mais dans l’ensemble le processus d’écriture fut très spontané et dynamique.

Y a-t-il eu beaucoup de préparation à l’avance ? Avez-vous commencé le week-end avec un plan du livre ? Un emploi du temps ?

Le projet était ambitieux. Nous avons attendu que nos amis et les amis de nos amis remplissent un sondage Doodle pour savoir quel week-end réserver (NdT : ils ne connaissaient pas Framadate). J’avais préparé une table des matières pour avoir un point de départ, mais elle a été passablement modifiée vendredi et samedi. Juhapekka Tolvanen nous avait concocté un modèle LaTeX, et on a aussi eu une réunion préalable pour planifier les choses, choisir les outils techniques (quel système de contrôle de versions utiliser, etc.), mais rien sur le contenu en tant que tel. Il s’agissait également de trouver d’éventuels sponsors, écrire un communiqué de presse, trouver un local, vérifier si nous avions assez d’ordinateurs…

Une anecdote sur le droit d’auteur : nous avions réuni plus ou moins tous les livres disponibles sur le sujet. Pour voir un peu comment les autres avaient expliqué ceci ou cela. mais aussi parce que, dans l’enseignement mathématique (et manifestement dans d’autres disciplines aussi), il y a beaucoup d’exemples et d’exercices pathologiques qu’il est bon de faire mais qui finissent par être excessivement récurrents. Et Vesa Linja-aho avait reçu une décision écrite du conseil local confirmant que les exercices ne sont pas des travaux soumis au droit d’auteur. Or un enseignant qui avait écrit un des livres que nous avions nous a laissé un commentaire sur Facebook pour nous rappeler que ce n’est pas bien de copier le travail des autres. Cela nous a bien fait rire 🙂

Oppikirjamaraton - Lauri Hellsten - CC byQue retirez-vous de cette expérience ? Qu’est ce qui a été plus difficile que prévu ? Quels conseils donneriez vous à d’autres envisageant un projet similaire ?

Le principal conseil est de bien mettre en place l’aspect technique avant de commencer. Cela évitera d’inutiles moments de tension pour vous consacrer pleinement et exclusivement à la rédaction du contenu. On a utilisé LaTeX pour le texte et sa mise en forme et GitHub pour gérer les versions, mais on a connu des soucis qui nous ont retardés. Tout le monde n’était pas forcément familiarisé avec ces outils et les ordinateurs pas toujours bien préparés et optimisés pour leurs usages. Ceci nous a malheureusement fait perdre du temps.

De plus certains étaient encore en train de discuter pour savoir si nous devions ajouter ceci ou cela le samedi voire le dimanche, et c’est quelque chose qu’il faut éviter. Dans un tel projet, c’est toujours mieux de simplement continuer à écrire davantage de contenu pour éventuellement le commenter ou le modifier plus tard. On a même connu quelques discussions houleuses, peut-être liées au manque de sommeil. Restez calmes et n’oubliez pas d’y prendre plaisir !

Oppikirjamaraton - Siiri Anttonen - CC byEt après ? Y a-t-il une période de relecture/modification prévue ? Des professeurs pensent-ils utiliser d’ores et déjà votre manuel ?

Le sentiment général, unanime et immédiat après avoir fini le marathon dimanche était l’euphorie. Tout le monde était d’accord pour organiser un autre book sprint. Les retards techniques et le manque de graphistes ont fait que le livre n’a pas atteint le niveau de finition que nous voulions pour l’envoyer à l’impression. Mais c’est vivant maintenant : les gens nous envoient des rapports de bug sur Github et les participants ont continué à apporter des améliorations : corriger les coquilles, ajouter des exercices, corriger les incohérences…

Notre livre existe maintenant en version 0.9, et nous allons attendre quelques semaines avant de décider s’il est prêt à être imprimé et traduit. Cependant, on nous a déjà rapporté que le livre avait été utilisé comme manuel par quelques professeurs en proposant notamment à leurs élèves des exercices du livre. Bien entendu, d’autres auteurs et moi-même l’avons aussi utilisé pour enseigner à nos propres élèves. Lorsque nous l’aurons un peu peaufiné, nous sommes confiants quant à sa diffusion.

Le projet était si sympa et son accueil si bien reçu que nous ferons un autre book sprint très bientôt !

Oppikirjamaraton

Crédit photos : Senja Opettaa (Creative Commons By)




Facebook : et si nous assistions au lent début de la fin ?

Ce n’est pas la première fois que nous vous proposons un témoignage raz-le-bol de Facebook qui joint la théorie à la pratique en décidant de quitter réellement le célèbre réseau social.

Après « la maman », voici « le musicien »… Et si ces deux cas isolés anticipaient un futur (et salutaire) mouvement de fond ?

Le constat va croissant, nombreux sont désormais les gens autour de moi qui n’aiment pas (ou plus) Facebook. L’attrait de la nouveauté envolé, les changement soudain de paramétrage qui désorientent et menacent notre vie privée, le temps passé dessus au détriment de « la vraie vie » (avec des morceaux de vrai(e)s ami(e)s dedans)… nombreuses sont les raisons qui font que la « douce saveur » du début a un arrière-gout de plus en plus amer.

Mais, contrairement à nos deux courageux, la grande majorité y reste pourtant, par habitude ou « parce que, vous comprenez, tout le monde est dessus ».

La parallèle est discutable mais ça me fait penser à tous ces utilisateurs, passés ou présents, enchaînés à leur système d’exploitation Windows. On finit par haïr Microsoft mais on en redemande quand même. Et cela porte un nom : addiction.

Facebook est le Windows de notre époque et il n’a toujours pas trouvé son GNU/Linux (puisqu’en l’occurrence notre musicien ne s’en va malheureusement pas beaucoup plus loin en choisissant Google+).

Phphoto2010 - CC by-nd

Facebook en voie de devenir le prochain MySpace ?

Is Facebook becoming the next MySpace?

Christian Grobmeier – 31 octobre 2012 – Blog personnel
(Traduction : lgnap, tiossanne, Yuston, ehsavoie, Yann, Gatitac, unnamed4, Naar, Damien, Maxauvy, Paul, Simon Villeneuve, 3josh)

Je suis musicien amateur. Bon, entre Time & Bill et d’autres projets me prenant tout mon temps, je suis actuellement un musicien « en pause », mais en 2005, j’étais plutôt actif et je me souviens que nous voulions sortir notre prochain CD. Tous mes amis musiciens étaient sur MySpace et nous parlaient de la pub efficace qu’ils pouvaient y faire. J’ai toujours trouvé le site laid, mais il y avait tellement de monde dessus que je m’y suis inscrit à mon tour, j’y ai déposé nos chansons et j’ai fait l’effort de construire un réseau. Ça a bien fonctionné pendant un moment. Ensuite, il est apparu qu’il y avait plus de musiciens que d’auditeurs sur le site. J’ai reçu des tonnes de messages comme « Écoute mon nouveau titre » ou « Viens à notre concert ». Les commentaires sur notre page ressemblaient à un grand mur couvert de pubs collées par d’autres musiciens. Parfois, parmi tous ces messages, on pouvait voir des femmes nues proposant leurs services. J’ai fini par fermer les commentaires. Puis MySpace a commencé à « faire mieux» (NdT : nouveau slogan du site). Ça a échoué, le site est simplement devenu plus lent, laid et inutilisable. Finalement, j’en suis parti et me suis préoccupé uniquement de notre site web. MySpace était un vrai bazar et n’avait plus aucune utilité.

Ensuite, tout le monde est passé à Facebook. J’y ai jeté un œil, sans être emballé. Il était difficile d’y mettre de la musique. Il y avait un côté restrictif et j’ai vraiment détesté l’interface utilisateur, mais bon, là encore tout le monde s’y est inscrit, et j’en ai donc fait de même. J’ai trouvé quelques applications tierces qui permettaient à mes visiteurs d’écouter ma musique. Tout allait bien. Après quelques temps, j’y ai même retrouvé avec émotion de vieux amis. Tout semblait aller pour le mieux.

C’est alors que les jeux sont arrivés. Tout à coup, ce fut le bazar. Eh, je ne veux pas gagner d’or, tuer des dragons ou cultiver des salades. Je suis juste là pour discuter avec des amis et échanger avec les fans de notre groupe. Cela empira au point de vouloir quitter Facebook lorsque j’ai découvert FBPurity. Et les choses s’arrangèrent. Quand j’ai découvert comment faire pour que Facebook arrête de m’envoyer des e-mails « Veux-tu jouer à ce jeu super ? », tout est rentré à nouveau en ordre, apparemment.

J’ai pendant longtemps ignoré toutes les discussions sur la confidentalité des données. Je ne publie rien de sensible sur Facebook. Les photos téléversées sont du tout-venant. Je ne réponds pas à toutes les questions que Facebook me pose. Ainsi, j’ai pu vivre avec le fait que Facebook fasait des choses vraiment étranges avec mon profil. À un moment, des clients m’ont ajouté à leur liste d’amis, j’ai donc dû devenir plus prudent avec mon profil. Il est probablement étrange pour mes clients de lire sur mon mur les invitations de ma maman à récolter de la salade sur Farmville, mais bon, ils doivent faire avec.

La confidentialité des données — est-ce vraiment un problème ? Parce que j’ai appris que la majeure partie du contenu sur Facebook est de la vraie foutaise. « Aïe, je me suis cassé un orteil » est l’un des messages les plus intéressants. Parfois, quelqu’un a un bébé, et si c’est un vieil ami, je le sais déjà. Si c’est une personne dont je n’ai pas entendu parler depuis des années, ce n’est pas aussi amusant que de lire les bêtises d’un autre ami dans un bar. Alors, quelles sont les « données importantes » dont nous nous préoccupons tous ? Si ce ne sont pas les absurdités que nous écrivons, c’est probablement lorsque nous cliquons sur « J’aime », parce que Facebook sait alors que nous aimons Coca-Cola et qu’il peut vendre notre profil client à n’importe qui.

Néanmoins, je peux accepter qu’ils vendent mes données pour me fournir un service apte à promouvoir mon groupe et garder contact avec avec mon réseau de relations, même si l’interface est toujours un cauchemar. Depuis le lancement de Google+, Facebook est devenu encore plus bordélique. Par exemple, il me faut toujours un temps fou pour ajouter des évènements à une page qui m’intéresse pour un ami.

Maintenant, qu’est-ce qu’on nous propose ? Des pubs partout,me forçant à utiliser AdBlock+ (j’y suis passé). Du contenu bien souvent sans intérêt et trop chronophage, je suis bien assez occupé comme ça. Mon profil est vendu à des inconnus. Ah, et au fait, j’oubliais : Facebook modifie pas mal de choses sans notification préalable.

Par exemple, vous ne pouvez plus cibler tous les fans de votre page lorsque vous postez un nouveau contenu. C’est vrai, Facebook me conseille maintenant de payer pour cela. Voici un billet intéressant à ce sujet qui décrit la situation. Après tout, il faut bien compenser la chute des actions en bourse…

À présent, Facebook a largement dépassé la moisissure qu’était Myspace. Non, je ne paierai pas pour ça, et je vais cesser de poster du contenu. Pourquoi continuerais-je à en poster si personne ne le lit ? Pourquoi paierais-je pour discuter de choses futiles et anodines avec mes amis ? Le téléphone est bien moins cher ! Pourquoi paierais-je pour la présence de mon groupe sur cette plateforme alors qu’il ne génère aucun revenu actuellement ?

Il en va souvent ainsi j’imagine, parfois, les grands réseaux sociaux oublient que les utilisateurs ne sont pas que des machines à fric, et aussi qu’ils peuvent partir. Je compte d’ailleurs quitter Facebook au profit de Google+. J’y poste déjà le contenu de tous mes blogs, si vous souhaitez me suivre. J’aime beaucoup son interface. ses bulles, ses cercles et son tchat vidéo. On y trouve du contenu de meilleure qualité que sur Facebook, et beaucoup de spécialistes sur un sujet donné.

Ce qui fait que Twitter et G+ sont désormais mes principaux canaux de communication. Du moins, jusqu’à ce qu’ils empirent. Twitter fait déjà des choses étranges, comme avec ses nouvelles modifications plus restrictives de l’API. Voyons ce que le futur nous réserve.

Enfin, je crois fermement qu’un jour, il y aura un réseau social décentralisé fondé sur des outils open source.

Adieu Facebook. Tu ne me manques pas.

Crédit photo : Phphoto2010 (Creative Commons By-Nd)




The future is open et c’est Google qui le dit

Il y a 3 ans nous traduisions un article issu du blog de Google et rédigé par l’un de ses hauts gradés Jonathan Rosenberg : The meaning of open. Il y expliquait pourquoi et comment la célèbre entreprise prônait l’ouverture à tous ses étages.

Le même auteur récidive ici en dépassant la problématique Google pour affirmer non sans un certain optimisme (à l’américaine) que c’est le futur tout entier qui est désormais ouvert et que c’est très bien comme ça.

Remarque 1 : Nous avons choisi de traduire tout du long « open » par « ouverture » ou « ouvert ». L’adéquation n’est pas totalement satisfaisante, mais laisser le terme d’origine en anglais eut été selon nous plus encore source de confusion.

Remarque 2 (troll et hors-sujet ?) : À comparer avec la situation française où l’on semble actuellement beaucoup plus préoccupé de savoir ce que nous prend ou nous donne l’État que de promouvoir ou pratiquer l’ouverture. Sans oublier, évidemment, la fameuse taxe Google qui « sauvera » la presse !

John Martinez Pavliga - CC by

Le futur est ouvert

The Future Is Open

Jonathan Rosenberg – octobre 2012 – ThinkWithGoogle.com
(Traduction Framalang : nobo, peupleLa, KoS, Smonff, ehsavoie, tibs, Louson, goofy, Khyvodul, Pandark, lgodard, Kiwileaks)

Il y a trois ans, Jonathan Rosenberg, alors vice-président délégué à la gestion de la production, a écrit un mémo (NdT : que nous avions traduit) expliquant pourquoi les entreprises ouvertes seraient les gagnantes du futur. Aujourd’hui, consultant au service du management, il a vu la réalité dépasser ses rêves les plus fous.

Il y a bientôt trois ans, en décembre, j’ai envoyé un courriel à mes chers collègues de Google, pour essayer de donner une définition claire d’un terme galvaudé : Ouvert. Je trouvais gênant qu’entre nos murs, il prenne différents sens selon les personnes, et que trop de Googlers ne comprennent pas l’engagement fondamental de l’entreprise pour ce qui est ouvert. En me référant à la fois aux technologies ouvertes et aux informations ouvertes, j’ai présenté la philosophie sous-jacente à notre volonté de transparence. Rechercher des systèmes ouverts, avais-je argumenté, nous a menés, et continuera de nous mener vers deux résultats souhaitables : Google devient meilleur, et le monde avec lui.

L’argument était convaincant, et plus tard, un billet sur le blog de Google , « The Meaning of Open », permit de clarifier encore plus ce concept parfois difficile à appréhender. Dans les semaines qui ont suivi, j’ai reçu des messages pleins de profondeur de la part d’un public divers et varié : enseignants ou écrivains qui appréciaient ce point de vue de l’intérieur de Google, chefs d’entreprise qui m’expliquaient comment l’ouverture avait influencé leurs affaires, étudiants surpris d’une position qui allait entièrement à l’encontre de la stratégie de fermeture qu’on leur avait enseignée. Trois ans ont passé, et ce qui me saute aux yeux dans ce manifeste c’est que… j’avais tort !

On ne peut pas dire que le développement ouvert n’ait pas fait progresser Google et le reste du monde. Seulement c’est arrivé beaucoup plus vite que je ne l’avais imaginé. C’est au beau milieu d’un des gestes les plus banals du vingt-et-unième siècle que j’en ai pris conscience : je vérifiais mon téléphone, un Droid Razr Maxx. Je fixais la chose, et j’en voyais toute la diversité : deux douzaines d’applications, du New York Times à Flipboard, de Dialer One à OpenTable, de RunKeeper à SlingPlayer, créées par un tas de développeurs différents, sur un téléphone conçu par Motorola. Il m’est apparu que ce que je regardais n’était pas simplement un appareil mobile, mais l’incarnation physique de la façon dont un écosystème ouvert peut se disséminer à travers le monde presque du jour au lendemain.

Sans aucun doute, j’ai toujours senti que cette idée tenait debout – mais je n’avais pas anticipé l’ampleur avec laquelle les règles du jeu entre les secteurs privés et publics allaient être réécrites. C’est la conséquence de trois tendances techniques qui ont évolué à une vitesse étonnante. Premièrement : Internet rend l’information plus libre et omniprésente que ce que j’aurais pu croire ; pratiquement tout ce qui se passait hors ligne est maintenant en ligne. Deuxièmement : ce qui était une vision du potentiel des mobiles est vraiment devenu réalité, puisque les machines sont devenues plus puissantes et plus rapides que prévu, facilitant une portée globale et une connectivité sans précédent. Troisièmement : l’informatique dans le nuage (NdT : Cloud computing) a permis une puissance de calcul infinie à la demande. Et nous sommes loin d’avoir fini. Alors même que j’écris ces lignes, Google Fiber s’apprête à déployer un service à un gigabit à Kansas City, indice que la connectivité est sur le point de franchir une nouvelle limite.

La conjonction de ces progrès techniques a un effet paradoxal : aussi nouveaux soient-ils, ils finissent par ramener les entreprises aux fondamentaux. La gamme et la qualité des produits sont maintenant les facteurs les plus importants pour déterminer le succès d’une entreprise. Historiquement, les entreprises pouvaient profiter d’une pénurie d’information, de connectivité ou de puissance de calcul pour attirer et conserver leurs clients et repousser les concurrents.

De nos jours, les clients peuvent prendre des décisions bien plus éclairées en accédant aux informations des autres consommateurs. En effet, ils renforcent mutuellement leur pouvoir de décision par leurs échanges via des sites comme Yelp et toute une flopée de réseaux sociaux. Une société ne peut plus complètement contrôler l’environnement de ses clients. Au moment où les frontières de la distribution se sont effondrées – pensez aux moyens de transports mondialisés et bon marché, pensez aux étalages infinis des détaillants en ligne – les consommateurs ont de plus en plus de contrôle par eux-mêmes. Avec ce nouveau paradigme, et des marchés toujours plus compétitifs, les sociétés n’ont plus d’autre choix que de se concentrer sur la qualité et les gammes de produits. Si elles ne le font pas, une autre le fera à leur place.

Avec autant de changements en si peu de temps la nécessité de l’ouverture s’est imposée comme une tactique commerciale décisive pour atteindre à la fois l’excellence et la déclinaison des produits. Ouvrir un produit à toute une armée de créatifs est le plus court chemin pour créer de l’innovation et de la diversité, puisque cela permet à chaque contributeur de se focaliser sur ce qu’il fait le mieux et que cela encourage les contributions d’un public le plus large possible.

Chrome et Android, qui ont tous deux décollé depuis que « The Meaning of Open » a été publié, illustrent parfaitement ce principe. Avec chacun d’eux, nous avons maintenu un seul objectif simple dès le début : rendre le produit aussi robuste que possible. Comme nous l’avons appris maintes et maintes fois, il n’y a pas de route plus rapide et plus fiable qu’une route ouverte : davantage de mains travaillant sur un même produit ne peuvent que l’améliorer. L’ouverture permet de prototyper un concept, ou de le tester dans ses toutes premières étapes. Qui plus est, les systèmes ouverts tolèrent mieux les défaillances – et attirent une communauté d’utilisateurs plus fidèles. Ils savent que la motivation première d’un système ouvert est l’excellence ; si la société essaie d’imposer un autre agenda, la communauté de développeurs le repérera immédiatement et se révoltera. En proposant un produit ouvert, la société renonce à la possibilité de faire autre chose que de le rendre meilleur pour l’utilisateur.

Les résultats parlent d’eux-mêmes. Si vous possédiez un smartphone en 2006, il y a des chances pour que « Blackberry » ou « Nokia » ait été inscrit dessus. Il y a encore trois ans, Android représentait à peine 5% du marché. Aujourd’hui nous avons dépassé les 51%, et il y a de fortes chances pour que votre smartphone ait été fabriqué par Samsung, HTC, Motorola ou un autre partenaire d’Android.

Android a même débarqué dans des secteurs que nous n’avions pas anticipés, tels que les téléviseurs, les voitures, les avions, et même les appareils domestiques. (Voyez Ouya, une nouvelle console de jeux vidéo basée sur Android. Sans un Android ouvert, ce genre d’innovation n’existerait pas). Il semble clair à présent que si vous vous investissez dans un système ouvert, vous vous engagez dans une compétition perpétuelle pour garder votre place d’innovateur principal.

La question de l’ouverture n’a pas été moins opérante pour le navigateur Chrome, qui s’est construit par dessus le projet open source Chromium. Aujourd’hui, Chrome est sept fois plus rapide qu’il ne l’était lorsqu’il a été lancé il y a à peine 4 ans, et le nouveau code est disponible pour le monde entier à mesure qu’il se développe. Travailler ainsi au grand jour rend plus difficile le fait d’avoir des agendas cachés ou quoi que ce soit de dissimulé ; faites mal les choses, et une communauté mondiale de développeurs vous repérera instantanément.

Faire de l’ouverture une tactique commerciale peut nécessiter de nouvelles compétences organisationnelles. La vitesse est primordiale, comme l’est la rigueur du processus de décision. Un écosystème ouvert encourage le bouillonnement d’idées. Or trouver de bonnes idées, c’est facile ; ce qui est difficile, c’est de choisir parmi elles. L’ouverture des données peut offrir un avantage concurrentiel important aux entreprises, mais seulement si elles sont correctement positionnées pour pouvoir en profiter. L’autre tactique — qui est notamment utilisée par Apple et nos équipes de recherche — est de garder le système plus fermé, et d’y exercer un contrôle total. Cette approche nécessite son propre jeu de compétences organisationnelles, au-delà de la vitesse d’exécution, puisque l’excellence du produit et son innovation prennent leur source uniquement en interne. Les deux approches peuvent évidemment toutes les deux réussir, mais selon notre expérience, quand il s’agit de construire une plateforme entière, l’ouverture est le chemin le plus sûr vers la réussite.

Heureusement, de plus en plus d’organisations perçoivent ce message. Dans Wikinomics, les auteurs Don Tapscott et Anthony D. Williams racontent l’histoire de Goldcorp, une entreprise de mines d’or de Toronto, qui semblait sur le déclin à la fin des années 90. Face à un marché en baisse, une foule de problèmes internes et ce qui semblait être un filon épuisé, le PDG Rob McEwen fit précisément l’inverse de ce que n’importe quel livre sur le business dirait : il commença par donner le peu que l’entreprise avait encore.

Plus exactement, il publia sur le site de l’entreprise 400 Mo d’informations concernant le site minier de 220 kilomètres carrés de Goldcorp. Plutôt que de conserver jalousement ses derniers lambeaux d’information propriétaire, il offrit un prix de 500,000$ à quiconque parviendrait à utiliser ces données, afin de trouver de l’or contenu dans le sol. Ce fut un énorme succès. Plus de 80% des cibles identifiées par le public donnèrent des quantités significatives d’or. Avec ce petit investissement initial, la société tira du sol l’équivalent plus de 3 milliards de dollars en or.

Évidemment, McEwen était seulement en train de s’accorder avec les principes profonds du mouvement open source. Dans les premiers jours confus de l’internet, une éthique d’universalité et d’égalitarisme s’était propagée. « Les jardins cernés de murs (NdT : Walled gardens), tout plaisants qu’ils soient, ne pourront jamais rivaliser en diversité, en richesse et en innovation avec le marché fou et palpitant du Web de l’autre côté du mur » a écrit Tim Berners-Lee, l’inventeur du World Wide Web. Google a toujours prospéré sur cette diversité, cette richesse et cette innovation. C’est ce qui nous a permis de lancer des créations comme Chrome et Android, et c’est ce qui a permis à une entreprise d’extraction vétuste d’éblouir le monde avec des succès similaires et pour des raisons similaires.

Aussi spectaculaire que soit l’histoire de Goldcorp, c’est seulement la partie émergée de l’iceberg. En effet, ce qui avait commencé comme un concept de geek au sein de communautés scientifiques s’est propagé dans tous les domaines, des affaires à la politique, de la santé à l’éducation et bien au-delà. Chez Google, nous envisageons un certain nombre de possibilités au-delà du secteur technique, où l’ouverture pourrait amener des progrès modestes et immenses à la fois.

L’éducation

De Stanford à la Corée, des universités et des enseignants du monde entier commencent à distribuer gratuitement des contenus éducatifs de très grande qualité sous licence libre. Qui plus est, des personnes vivant dans les endroits les plus reculés ont de plus en plus accès à ces contenus. La bande passante et la connectivité ont fait sauter de nombreuses barrières de la société en matière d’éducation.

Tout au bout d’un long chemin de terre à Bombay, un étudiant muni d’un téléphone peut maintenant suivre les cours du MIT au plus haut niveau. De façon tout aussi intéressante, ce même étudiant peut devenir professeur. Grâce à des organisations véritablement démocratiques, telles que la Khan Academy, une organisation à but non lucratif, qui propose en ligne plus de 3 000 cours en vidéo. Partout dans le monde des personnes peuvent à la fois disposer de et contribuer à une bibliothèque de ressources qui ne cesse de croître, depuis des leçons de physique jusqu’à des manuels de finance. Nous savons déjà à quel point l’éducation publique a transformé la société au cours du vingtième siècle. Les possibilités offertes par une éducation ouverte et en ligne semblent tout aussi illimitées.

Les gouvernements

Prétendre à la transparence gouvernementale est une chose mais des exemples comme celui du Canada avec sa Déclaration officielle de Gouvernement Ouvert, en sont une autre. Ce document reconnaît l’ouverture comme un état actif et non passif : il ne s’agit pas seulement de donner aux citoyens un libre accès aux données chaque fois que possible, mais bien de définir une « culture active de l’engagement » comme finalité de ces mesures.

Tandis que toujours plus de villes, de régions et de gouvernements fédéraux avancent dans cette direction, il y a tout lieu de croire que cela finira par payer financièrement (au moment où les données GPS ont été mises en libre accès public à la fin des années 80, par exemple, on estime que les services commerciaux qui en ont tiré parti ont contribué à hauteur de 67.6 milliards de dollars à la valeur économique des États-Unis). À l’inverse, on pourrait dire que lorsque le régime égyptien a verrouillé Internet en janvier 2011, cela a poussé les citoyens à descendre dans la rue pour avoir plus d’informations, et à venir grossir les foules de la place Tahrir. Il est ici probable que le retour à un système plus fermé ait accéléré la chute du gouvernement.

Le système de santé

PatientsLikeMe est un site de réseautage social de santé construit sur des bases de données ouvertes du Département de la Santé des États-Unis. Il ouvre la voie à d’autres initiatives, comme procurer aux patients des moyens de partager des informations et d’apprendre entre personnes souffrant de symptômes similaires. Les chercheurs pourraient également tirer profit de plus d’ouverture dans l’industrie.

L’ouverture des données sur la santé pourrait permettre à des études épidémiologiques à grande échelle de réaliser des percées importantes tout en mettant en place des garde-fous plus forts que jamais pour assurer au patient le respect de la confidentialité. En mettant à la disposition des chercheurs son registre des malformations congénitales, la Californie a permis aux médecins d’accéder à une mine d’informations relatives à l’impact des facteurs environnementaux sur la santé. Et bien sûr, Google Flu Trends a déjà prouvé sa pertinence pour analyser et prévoir l’arrivée d’un virus particulier, tout simplement en permettant que l’information soit partagée et rassemblée.

La science

Chercheurs, institutions, et agences de financement du monde entier commencent à prendre conscience qu’un meilleur partage et une meilleure collaboration sur les résultats de recherches scientifique peuvent mener à des recherches plus rapides, plus efficaces, de meilleure qualité et d’un meilleur impact général. En tant que commissaire européen, Neelie Kroes faisait récemment remarquer dans un discours sur la science et les politiques du libre en Europe, « les chercheurs, les ingénieurs et les petites entreprises ont besoin d’accéder aux résultats scientifiques rapidement et facilement. Si ce n’est pas possible, c’est mauvais pour les affaires ».

Un meilleur accès aux recherches scientifiques peut stimuler l’innovation dans le secteur privé et aider à résoudre des défis importants auxquels le monde doit faire face (les Google ‘Fusion Tables sont un outil que les scientifiques peuvent utiliser pour partager et collaborer sur des ensembles de donnés disparates). Pendant ce temps, l’ouverture dans le domaine scientifique signifie l’ouverture à de tout nouveaux participants. Après avoir échoué pendant plus d’une décennie à résoudre la structure d’une enzyme protéase provenant d’un virus ressemblant au SIDA, les scientifiques ont proposé le défi à la communauté des joueurs. En utilisant le jeu en ligne Foldit, les joueurs ont pu résoudre ce problème en trois semaines.

Les transports

En libérant les données des transports publics, les gouvernements permettent aux entrepreneurs de créer des applications basées sur ces données, et ainsi d’améliorer l’expérience des citoyens ; ces derniers peuvent également utiliser ces données ouvertes pour signaler des problèmes d’infrastructure. Chez Google, nous avons déjà pu observer comment cela fonctionne. Lorsque nous avons commencé à organiser les informations géographiques mondiales, nous avons constaté que, pour de nombreux endroits, il n’existait tout simplement pas de carte correcte. Nous avons donc créé MapMaker, un outil de cartographie participative qui permet à chacun de créer des annotations sur Google Maps. C’est avec cela qu’un réseau de citoyens cartographes est né, traçant en deux mois plus de 25 000 kilomètres de routes précédemment non cartographiées au Pakistan.

Les tendances technologiques convergentes sont maintenant sur le point de modifier, en fait elles ont déjà commencé à le faire, les domaines historiquement fermés, secrets et dormants. « L’avenir des gouvernements, c’est la transparence,» écrivais-je il y a un an, «L’avenir du commerce, c’est la symétrie de l’information. L’avenir de la culture, c’est la liberté. L’avenir de la science et de la médecine, c’est la collaboration. L’avenir du divertissement, c’est la participation. Chacun de ces avenirs dépend d’un Internet ouvert. »

Je mettrais juste un bémol. Étant donnés les changements radicaux auxquels nous avons assisté ces trois dernières années, le défi s’est déplacé. Nous devons viser plus loin même que l’Internet ouvert. Les institutions dans leur ensemble doivent continuer à adhérer à cette philosophie. Atteindre ces futurs objectifs ne sera pas chose facile. Mais je suis content de pouvoir dire que nous en sommes plus proches que jamais.

Crédit photo : John Martinez Pavliga (Creative Commons By)