Maraval, Depardieu et les licences libres, par Jérémie Nestel

Que les gros salaires lèvent le doigt, surtout en temps de crise… Mais ce qu’il y a peut-être de plus intéressant dans l’affaire Depardieu, ce qu’elle a rebondi sur une mise en accusation globale du financement du cinéma français, grâce à une tribune mordante de Vincent Maraval dans Le Monde.

On notera au passage que c’est un producteur qui a mis les pieds dans le plat et non un journaliste, ce qui en dit long sur l’inféodation d’une profession qui préfère se voiler la face en se cantonnant à voir des films (gratos) en pondant leur anecdotique et souvent insignifiant « J’aime / J’aime pas ».

« Le système est sclérosé », surenchérit ici Jérémie Nestel, du collectif Libre Accès, en insistant sur une revendication dont le persistant refus devient de plus en plus difficile à justifier : ce qui est financé sur fonds publics doit être placé tôt ou tard sous licence libre. Tard ce serait ici pas plus d’une dizaine d’années en n’attendant surtout pas la trop lointaine échéance du domaine public, 70 ans après les morts de tous les protagonistes d’un film !

Musique, littérature, cinéma… Internet révèle chaque jour davantage une culture soumise à l’industrie culturelle qui ne profite qu’à une minorité, qui criminalise le partage et qui ne peut ou veut s’adapter à son époque.

Vincent Roche - CC by-sa

Pour un cinéma promouvant le droit au partage

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Jérémie Nestel – 6 janvier 2013 – Libre Accès
Licence Art Libre

Notre mémoire collective contribue à forger une morale commune fait de références similaires.

Cette mémoire collective repose essentiellement sur « des œuvres de l’esprit ».

L’incapacité des politiques à préserver les biens communs dont ceux issus des œuvres de l’esprit annonce la fin du contrat social de notre société.

Pourquoi aliéner notre liberté à une société privilégiant des intérêts particuliers à l’intérêt général ?

Les débats autour d’Hadopi, du droit d’auteur et des nouvelles taxes demandées au public pour financer des rentes à vie aux stars des médias et aux multinationales du divertissement trouvent un écho à deux articles du monde commentant l’exil fiscal de Depardieu.

Tout d’abord ce premier article du Monde « Depardieu, enfant perdu de la patrie » faisant le parallèle entre la volonté de Depardieu de renoncer à sa nationalité et une thèse de Pierre Maillot sur l’identification des Français aux acteurs.

L’article suggère que « le Français qui se reconnaît dans Depardieu se reconnaît perdu ». En choisissant l’exil et « sa déchéance nationale » Depardieu devient le symbole d’une France dont le lien social est brisé.

Le deuxième article du Monde « Les artistes français sont trop payés », coup de gueule du producteur Vincent Maraval, qui relativise l’exil de Depardieu au regard des salaires indécents des acteurs du cinéma Français.

On y apprend que le salaire des acteurs n’est pas lié à la recette commerciale de leur film mais à leur capacité à obtenir les fonds cumulés du CNC, des taxes, des avantages fiscaux et de la télévision publique.

« Est-il normal qu’un Daniel Auteuil, dont les quatre derniers films représentent des échecs financiers de taille, continue à toucher des cachets de 1,5 million d’euros sur des films coproduits par France Télévision ? »

Cet article nous apprend qu’aucune des grandes productions françaises ne doit sa viabilité économique à son exploitation commerciale mais uniquement au financement public direct ou indirect.

Ces fonds publics ne servent pas à faire émerger une esthétique cinématographique française mais à maintenir une société d’acteurs et de producteurs percevant des millions.

Système complètement sclérosé où les réseaux de distribution des salles de cinéma et des chaînes de télévision sont saturés par des grosses productions françaises ou américaines et incapables de s’adapter à la démocratisation des outils numériques de production cinématographique et à la multiplicité des réalisateurs !

L’article de Maraval aura donné lieu à des réactions en chaîne du milieu du cinéma, Libération annonçant même une série de conférences dédiées.

On y apprendra pèle mêle :

Thomas Langmann : « Le système d’avance sur recette du CNC, symbole de l’exception culturelle française, est devenu un comité de copinage. Formé de trois collèges, les choix de l’avance sur recettes restent entièrement à la discrétion de ces commissions. ».

Olivier Bomsel : « Les chaînes françaises n’achètent donc que des créneaux de diffusion : leur seul actif est la valorisation instantanée par la diffusion ».

C’est peut-être là le plus grand scandale, au final. Qu’importe que des acteurs perçoivent des millions comme Daniel Auteuil grâce à des fonds publics, mais pourquoi priver les Français de leur droit au partage sur des productions qu’ils ont contribué à financer ?

Si Canal plus avec Studio Canal détient un catalogue grâce aux films qu’ils ont produits, pourquoi interdire ce droit aux chaînes publiques, chaînes publiques qui appartiennent aux Français ?

La société française est prise en otage d’une économie cinématographique et musicale défaillante ne pouvant se maintenir qu’en exigeant toujours plus de taxes, et en privant les français de leur droit au partage. Dans ce contexte surprenante intervention de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, à la tribune de Maraval, pour affirmer que le mode de financement du cinéma est « un un système vertueux ». Pour pérenniser un système défaillant on ne parlera pas d’une nouvelle économie bâtie sur le partage mais de régulation.

En toile de fond, de l’affaire Depardieu, on retiendra sa capacité à mobiliser sur une affaire somme toute personnelle, deux présidents de la République : Incroyable pouvoir d’influence des acteurs du cinéma sur le politique !

Ce n’est donc pas demain qu’un Ministre de la Culture affirmera que tout film produit à l’aide de financement public (CNC, de France Télévision, aides régionales, Européenne etc.) puisse être diffusé sous une licence libre favorisant le partage. L’appropriation « des catalogues de films » par les multinationales du divertissement vole à notre humanité des pans entiers de notre culture commune. Il n’est donc pas injuste de penser qu’au bout de dix ans d’exploitation un film puisse être diffusé sous une licence libre compte tenu que ceux qui l’ont réalisé ont déjà été rémunérés.

Le partage, l’échange de films qui ont marqué notre vie est un acte social à l’heure du numérique aussi banal que de chanter en famille des chansons en fin de dîner.

Crédit photo : Vincent Roche (Creative Commons By-Sa)




Le Libre, entre marxisme et capitalisme ?

Entre les biens communs et le communisme, y aurait-il davantage qu’une parenté lexicale ? Le logiciel libre libère-t-il plus que le code ? Est-il l’instrument d’une lutte contre le capitalisme monopolistique, ou bien une ressource développée en marge du temps salarié et qu’il est pratique de piller dans une logique de marché ?

Des questions de ce type, et d’autres bien plus brutales encore, sont depuis longtemps posées par toutes sortes de personnes et pas seulement dans le milieu de l’informatique ou de sa culture. Voyez par exemple les réflexions avancées sur ce forum de marxistes révolutionnaires, cette autre analyse politico-philosophique déjà ancienne qui pose justement la problématique du Libre au-delà du logiciel en essayant « d’interpréter Marx dans le contexte du logiciel libre ». Ou encore ce texte d’Ernest Everhard qui analyse assez bien les limites politiques du logiciel libre, lequel ne peut suffire à transformer à lui seul la société — une prise de position dont la conclusion est la suivante : « il est nécessaire d’exproprier les grands éditeurs de logiciels ».

Bref, voilà bien un serpent de mer qui donne lieu à beaucoup d’approximations, de conjectures et de théories. Ou plutôt, que l’on tente fréquemment de rapprocher plus ou moins judicieusement de théories ou idéologies aussi variées que contradictoires, comme c’est le cas dans l’article de Jonathan Roberts.

Posons cependant l’hypothèse que ce débat est fertile car il oblige les libristes à se positionner et réfléchir au-delà de leurs mantras stallmanniens. Et peut-être à cerner mieux ce que le mouvement du logiciel libre n’est pas. « Ni de droite ni de gauche » prétendent constamment tous ceux qui refusent de reconnaître dans quel contexte politique il se déploie ou non. « Ni marxiste ni capitaliste » vont peut-être nous expliquer doctement certains commentateurs. Mais encore ? « Ni libertaire ni libertarien » ?

Ne prenez pas trop au sérieux les rapprochements forcément discutables que vous lirez ci-dessous, voyez-y plutôt une invitation à débattre. Librement.

La philosophie du logiciel libre

d’après Jonathan Roberts The philosophy of free software (Tech Radar)

Traduction Framalang ga3lig, peupleLa (relectures), KoS, brandelune, 4nti7rust, Amine Brikci-N, Goofy

Beaucoup de gens adorent se lancer dans un bon débat. Nous leur avons demandé (un peu comme une boutade) s’il était plus facile d’appréhender Linux sous l’angle du marxisme ou sous celui du capitalisme.

Les réponses qui nous sont parvenues étaient très drôles, mais la plupart étaient aussi plutôt élaborées et nous ont invités à réfléchir : comment Linux et le mouvement du logiciel libre trouvent-ils leur place dans les vastes débats philosophiques, économiques, éthiques et religieux qui passionnent les êtres humains depuis des siècles.

En constatant que même Linus Torvalds s’était lancé dans des spéculations aussi oiseuses, comme on peut le voir dans l’interview qu’il a donnée l’été dernier à la BBC, nous avons pensé qu’il serait amusant de poursuivre la conversation.

Nous allons aborder Linux et le logiciel libre selon une perspective cavalière, en l’examinant sous l’angle de quelques-uns de ces débats sans fin. Nous jetterons un coup d’œil à quelques théories pour savoir dans quelle mesure elles pourraient s’appliquer à notre système d’exploitation favori.

Tout d’abord cet avertissement : selon nous, ce qui est le plus important avec Linux et le logiciel libre, c’est qu’il s’agit d’une réalité pratique. C’est tout simplement sympa que ce truc fonctionne bien, c’est gratuit et les gens peuvent prendre beaucoup de plaisir à l’utiliser et à l’élaborer, certains peuvent même gagner un peu d’argent par la même occasion. Tout le reste n’est que littérature, donc ne soyez pas trop bouleversé par ce que vous allez lire !

Puisque nous avons mentionné l’interview de Linus Torvald à la BBC, commençons par là. Il y déclare : « …l’open source ne marche vraiment que si chacun y contribue pour ses propres raisons égoïstes… la propriété fondamentale de la GPL2 c’est sa logique de simple donnant-donnant : je te donne mes améliorations si tu promets que tu me feras profiter des tiennes ».

Ce qui rend l’observation de Torvalds intéressante c’est qu’on peut la mettre en rapport avec des discussions en philosophie, éthique, biologie, psychologie et même mathématiques qui remontent à Platon (au moins). Dans La République, Platon examine les notions de justice et de morale en posant la question : sont-elles des constructions sociales ou un Bien abstrait ?

Au cours du dialogue, Glaucon, un des protagonistes, évoque l’histoire de l’anneau magique de Gygès qui rend invisible celui qui le porte. Il présume que, juste ou injuste, tout homme qui porterait cet anneau agirait de la même façon : en prenant ce qui lui plaît sur les étals du marché, en s’introduisant dans les maisons pour y coucher avec qui lui plaît ou encore en tuant ses ennemis.

Il déclare :

« Si quelqu’un recevait ce pouvoir d’invisibilité et ne consentait jamais à commettre l’injustice ni à toucher au bien d’autrui, il paraîtrait le plus insensé des hommes à ceux qui auraient connaissance de sa conduite, (…) car tout homme pense que l’injustice est plus profitable que la justice. » (Platon, La République, II, 360d, traduction Robert Baccou)

Quelle vision déprimante de la nature humaine !

Que vous vous accordiez ou non avec Glaucon, il est évident que Torvalds soulève ce même point : sans contraintes sociales telles que la GPL v2, je ne serais pas en mesure de croire qu’en échange de mes améliorations du code, vous me donneriez les vôtres en retour.

Pourquoi le feriez-vous ? Après tout, si vous vous contentez de prendre mon code pour améliorer votre logiciel, vous aurez un avantage sur moi : moins de travail pour un meilleur résultat — et les gens sont égoïstes !

Il semble que même Platon, comme l’a fait plus tard Torvalds, ait au moins considéré que le monde ne tourne pas avec des gens qui disent : « asseyons-nous tous en rond autour d’un feu de camp pour chanter “Si tous les gars du monde…” et le monde sera meilleur ».

Les rapaces et la sécurité

Bruce Schneier traite du même problème dans son dernier ouvrage Liars and Outliers http://www.schneier.com/book-lo.htm… ; il met en évidence à quel point ce débat est courant, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du monde de la technologie. Dans son livre, il décrit un processus appelé le jeu du Faucon-Colombe, inspiré de la théorie des jeux.

La théorie c’est que dans une population d’oiseaux sauvages en compétition pour la même quantité limitée de nourriture, certains sont des faucons et d’autres des colombes. Les faucons sont agressifs et vont se battre pour leur nourriture : quand ils rencontrent un autre faucon, ils vont tous les deux se combattre, et l’un obtiendra la nourriture tandis que l’autre sera blessé voire tué. Les colombes, au contraire, sont passives, et lorsqu’elles sont deux devant la même nourriture, elles choisissent de la partager entre elles. Si un faucon et une colombe sont confrontés, alors c’est toujours le faucon qui aura la nourriture et la colombe va choisir de se retirer.

Bien que vous puissiez tirer bien des conclusions de l’analyse de ce jeu, l’observation la plus importante que fait Schneier est la suivante : quel que soit le scénario envisagé, il y aura toujours au moins quelques faucons dans le lot.

Si la population au départ était composée à 100% de colombes, quelques-unes s’arrangeraient rapidement pour avoir pas mal de nourriture supplémentaire pour elles seules, en se comportant comme des faucons, sans trop de risques d’affronter d’autres colombes qui se comporteraient elles aussi comme des faucons. Bien entendu, à mesure que la population de faucons s’accroît, arrivera un moment où les conséquences en seront dommageables à l’ensemble de la population. Il n’y aura plus assez de nourriture pour les colombes, qui mourront lentement après s’être retirées de tous les combats sans nourriture, et les faucons auront de plus en plus d’affrontements avec leurs semblables, courant des risques plus grands d’être tués.

Bon, arrêtons là avec les faucons et les colombes. Quels rapports avec le logiciel libre et la GPL ? Eh bien on pourrait en déduire que sans la GPL « qui nous permet d’être égoïstes », comme le dit Torvalds, nous pourrions nous trouver dans la situation où trop de faucons s’emparent du code sans contribuer en échange, ce qui dégraderait progressivement la confiance et la participation, et finirait par détruire notre population de programmeurs open source.

Dans le reste de l’ouvrage, Schneier propose divers « mécanismes de sécurité » pour nous aider à avoir confiance dans les actions des autres, et nous permettre de travailler de façon collaborative même si nous ne pouvons pas forcément adhérer aux motivations (égoïstes) des autres. Tandis que Schneier signale des facteurs tels que la loi, l’évolution des neurones miroirs, etc., la GPL pourrait également être considérée selon cet angle ,à savoir comme un mécanisme de sécurité destiné à renforcer la confiance mutuelle et la collaboration. Et c’est aussi très malin.

Le logiciel libre et l’économie

En plus d’être un cas d’étude intéressant pour ceux qui s’intéressent à la coopération, le logiciel libre a reçu beaucoup d’attention pour ses similarités avec divers systèmes économiques. Un bon exemple en est Bill Gates, qui en 2005 disait : « Il y a des communistes des temps modernes qui voudraient se débarrasser des primes pour les (…) éditeurs de logiciels de diverses façons »

Maintenant, bien sûr, il est possible que l’intérêt de Gates ait moins été de tirer un bilan économique sérieux que d’effrayer le marché des entreprises américaines capitalistes qui aiment le libre-échange en les dissuadant d’utiliser des logiciels libres ; c’est une observation qui revient assez fréquemment pour mériter qu’on la prenne en considération.

Le premier point à noter est que le logiciel libre a peu à voir avec le communisme soviétique, dont les principales caractéristiques étaient la planification centralisée et un état policier imposant, complétés par des camps de prisonniers et de travail forcé. Ceux qui ont suivi le logiciel libre depuis suffisamment longtemps savent que la planification centralisée ne se produit que rarement, sinon jamais : la multiplication des formats logiciels, des distributions, suites bureautiques, environnements de bureau, serveurs web et de courriels en est une preuve suffisante.

Qui plus est, personne n’est obligé de travailler sur du logiciel libre ou de l’utiliser. En fait, étant donné que tous les formats de fichier sont implémentés avec un code ouvert, n’importe qui peut les ré-implémenter dans un programme concurrent sans sourciller. Beaucoup se sont emparés de ces arguments pour suggérer que – pour la plus grande frustration de Bill Gates, on peut bien l’imaginer – le logiciel libre a moins en commun avec le communisme soviétique que les pratiques de nombreuses entreprises propriétaires.

Des entreprises comme Apple et Microsoft sont réputées et même félicitées pour leur planification verticale ; elles sont aussi tristement célèbres par la façon dont elles enchaînent les utilisateurs à leurs logiciels et matériels informatiques en créant par défaut des formats de fichiers fermés et propriétaires que les programmes concurrents ne sont pas en mesure d’implémenter facilement eux-mêmes.

Le marxisme

Si le logiciel libre a peu de rapport avec le communisme soviétique, peut-être a-t-il davantage en commun avec le marxisme.

L’une des idées centrales dans cette vision du monde est qu’en détenant les moyens de production, que ce soit les machines, le savoir ou quoi que ce soit d’autre, les classes dominantes peuvent exploiter les classes dominées; tant qu’ils ne possèdent pas les moyens de production, les travailleurs doivent céder « volontairement » leur force de travail contre un salaire pour acheter les biens nécessaires à leur survie : un toit, des vêtements, de la nourriture et des loisirs. Ils ne peuvent véritablement choisir de travailler, et ils ne peuvent jamais avoir vraiment leur mot à dire sur leurs salaires ou la redistribution des profits.

Une des idées constantes chez Marx, c’est son espoir que la situation pourra être améliorée, avec des travailleurs qui conquièrent leur liberté au sein d’une société sans classes dans laquelle les moyens de production seront détenus en commun.

Puisque, dans le monde contemporain, l’un des principaux moyens de production est le logiciel, le logiciel libre correspond assez bien au système de Marx. Le code est effectivement un bien commun. Tout le monde est libre de le lire, de l’étudier, de le partager, de le remixer et le modifier. De ce fait, il est impossible que les travailleurs soient enchaînés par ceux qui les dominent dans le système de classes, puisque à tout instant chacun peut choisir d’utiliser les moyens de production, c’est-à-dire le code, à ses propres fins.

Liberté de pensée

Eben Moglen plaide en faveur de l’influence que la propriété commune du code peut avoir sur notre société, dans un discours prononcé aux Wizards of OS 3, intitulé « Les pensées sont libres : le logiciel libre et la lutte pour la liberté de pensée ».

Dans son discours, il a soutenu que « perpétuer l’ignorance, c’est perpétuer l’esclavage » (il sait vraiment tourner une phrase !). Son argument est que sans la connaissance de l’économie, sans la connaissance de l’ingénierie, de la culture et de la science – toutes ces choses qui font tourner le monde, les classes dominées ne pourront jamais espérer améliorer leur situation, ni espérer s’emparer des moyens de production.

Les logiciels libres, ainsi que le matériel libre, la culture libre et tout ce qui gravite autour du Libre, libèrent des moyens qui mettent la liberté de pensée et d’information à portée de main, si elle n’est déjà atteinte.

Les serveurs web ne sont pas limités seulement à ceux qui possèdent les moyens de production, parce que le code est libre, donc n’importe qui peut partager à sa guise n’importe quelle création culturelle de son choix. Ce peut être une simple chanson, mais ça peut aussi être le moyen de créer une monnaie mondiale, décentralisée, comme le Bitcoin, ou les plans de toutes les machines nécessaires pour construire votre propre petite ville, comme dans le Global Village Construction Set.

Ce qui importe, c’est que tout cela a été rendu possible par la propriété commune du code.

L’ordre spontané

Si vous n’êtes pas trop convaincu que le logiciel libre est un mouvement qu’aurait pu soutenir Marx, vous pourriez être surpris d’apprendre que vous disposez d’un bon argument : c’est une excellente illustration du libre-échange, cette théorie tellement chérie des capitalistes et tellement haïe des marxistes et militants anti-mondialisation sur toute la planète. Bon, peut-être pas le libre-échange, mais du moins c’est l’illustration d’une des idées majeures qui le sous-tend, celle de l’ordre spontané.

Une des principales idées du libre-échange c’est que, guidées par la main invisible du marché, les fluctuations de prix s’ajustent en fonction des efforts individuels d’une manière qui favorise le bien commun. Cette idée est étroitement associée à Adam Smith et Friedrich von Hayek, qui ont utilisé le terme d’ordre spontané pour la décrire, mais elle remonte en fait à David Hume, l’un des plus grands philosophes du mouvement des Lumières écossais.

Hume croyait qu’en l’absence d’autorité centralisée, les conventions et les traditions ressortent pour minimiser et résoudre les conflits et pour réguler les activités sociales. Contrairement à Smith et Hayek cependant, Hume croyait que les passions humaines vont au-delà du simple appât du gain et que de ces passions peuvent découler règles et conventions.

Quel rapport avec les logiciels libres ? Eh bien, c’est plutôt évident, non ? Le logiciel libre est un exemple d’ordre spontané dans le sens où l’entend Hume. Puisque les personnes qui y travaillent ne peuvent en retirer qu’un maigre profit et qu’il est distribué gratuitement, l’argent y tient peu de place. Dans le logiciel libre les communautés s’associent librement et travaillent ensemble à la création de logiciels auxquels la société dans son ensemble accorde de la valeur.

Il existe cependant quelques signes susceptibles d’influencer les projets sur lesquels les développeurs décident de travailler. Par exemple, si les utilisateurs d’un logiciel libre trouvent une meilleure alternative, ils vont probablement migrer vers celle-ci. Les développeurs, peu désireux de coder des logiciels qui risquent de n’être utilisés par personne, pourraient bien eux aussi aller voir ailleurs et travailler sur de nouveaux projets que les gens trouveront plus utiles.

De cette façon, et sans incitation au profit, les développeurs de logiciels libres concentrent réellement leurs efforts dans les domaines qui seront les plus utiles au plus grand nombre, c’est-à-dire pour le plus grand bien de la société dans son ensemble.




« Libres conseils », une, première !

Qui n’a pas son projet libre ?

Plus qu’une mode ou un engouement passager, c’est un véritable mouvement de fond depuis quelques années : toute une communauté qui crée, échange, élabore, donne et reçoit des contributions, enfourche de nouveaux projets…

Fort bien, mais…

SourceForge récemment et Github aujourd’hui sont de véritables cimetières de projets libres et open source qui n’ont jamais trouvé d’audience, d’équipe de développement, de communauté active. Rien de bien tragique là-dedans. On peut estimer que ces plateformes sont pour beaucoup de libristes une sorte de terrain de jeu, de laboratoire, d’incubateur où le code et sa documentation s’expérimentent par à-coups, avec l’enthousiasme et l’énergie de ceux qui s’emparent d’un outil pour le mettre au service de leur créativité. Un excellent moyen d’apprendre en faisant finalement, à code ouvert. Et qu’importe alors l’absence d’aboutissement dans 80% des cas puisque c’est la démarche qui a été formatrice.

Cependant vous pouvez avoir envie de dépasser le stade du hobbyiste sympathique qui va bricoler son génial projet dans son coin. Vous pouvez avoir le désir de mettre toutes le chances de votre côté pour que le projet libre aboutisse vraiment, gagne en notoriété, entre dans une logique commerciale, vous procure amour, gloire et beauté.

C’est précisément l’intérêt du feuilleton dont vous allez déguster les épisodes semaine après semaine.

42 auteurs vous feront partager leur expérience, avec sérieux et humour, vous raconteront leurs ratages et leurs succès, vous diront comment éviter les uns et atteindre les autres. Des principes, des recommandations mais aussi des trucs et des ficelles, bref une ribambelle chatoyante de libres conseils.

Chaque semaine ou presque, l’équipe framalang vous proposera un nouvel épisode traduit du livre électronique en anglais Open Advice.

Chaque semaine — top départ chaque jeudi soir à 21h — une ou deux tranches du gâteau seront proposées à la traduction collaborative sur un framapad, donc en libre accès pour tous ceux qui souhaitent y contribuer. Participez à l’aventure !

La version que nous publierons ensuite ici même, comme dans le premier échantillon ci-dessous qui est une sorte de préambule, est un premier état de la traduction (donc évidemment perfectible), l’étape suivante sera une révision générale de tous les articles pour les joindre en un Framabook à venir.

Eh oui ça se passe comme ça chez Frama !

Les traducteurs de ce premier round d’échauffement :

peupleLa, Astalaseven, Hideki, Vilnus Atyx, liu qihao, Cyrille L., Khyvodul, jcr83, Slystone, schap2, 4nti7rust, Goofy, Antoine, lamessen + 4 anonymes

Libres Conseils

Logiciels libres et open source : ce que nous aurions aimé savoir avant de commencer

Open Advice est une base de connaissances provenant d’une grande variété de projets de logiciels libres. Elle répond à des questions dont 42 contributeurs majeurs auraient aimé connaître les réponses lorsqu’ils ont débuté. Vous aurez ainsi une longueur d’avance quelle que soit la façon dont vous contribuez et quel que soit le projet que vous avez choisi.

Les projets de logiciels libres modifient le paysage du logiciel de façon impressionnante grâce à des utilisateurs dévoués et une gestion innovante. Chacun apporte quelque chose au mouvement à sa façon, avec ses capacités et ses connaissances. Cet engagement personnel et la puissance du travail collaboratif sur Internet donnent toute leur force aux logiciels libres et c’est ce qui a rassemblé les auteurs de ce livre.

Ce livre est la réponse à la question « Qu’auriez-vous aimé savoir avant de commencer à contribuer ? » Les auteurs offrent un aperçu de la grande variété de talents qu’il faut rassembler pour réussir un projet de logiciel : le codage bien sûr, mais aussi le design, la traduction, le marketing et bien d’autres compétences. Nous sommes là pour vous donner une longueur d’avance si vous êtes nouveau. Et si ça fait déjà un moment que vous contribuez, nous sommes là pour vous donner un aperçu d’autres domaines et projets.

pour les géants et ceux qui se tiendront sur leurs épaules [1] 

Avant-propos

Ce livre parle de communauté et de technologies. Il est le fruit d’un travail collectif, un peu comme la technologie que nous construisons ensemble. Si c’est votre première rencontre avec notre communauté, vous pourrez trouver étrange de penser qu’une communauté puisse être le moteur qui propulse la technologie. La technologie n’est-elle pas l’œuvre des grands groupes industriels ? En fait, pour nous c’est presque l’inverse. Les auteurs de ce livre sont tous membres de ce que vous pourriez appeler la communauté du logiciel libre. Un groupe de personnes qui partagent l’idée fondatrice que les logiciels sont plus puissants, plus utiles, plus flexibles, mieux contrôlables, plus justes, plus englobants, plus durables, plus efficaces, plus sûrs et finalement simplement meilleurs quand ils sont fournis avec les quatre libertés fondamentales : la liberté d’utiliser, la liberté d’étudier, la liberté de partager et la liberté d’améliorer le logiciel.

Et bien qu’il y ait maintenant un nombre croissant de communautés qui ont appris à se passer de la proximité géographique grâce aux moyens de communication virtuels, c’est cette communauté qui en a été le précurseur.

En fait, Internet et la communauté du logiciel libre[2] suivaient des développements mutuellement dépendants. Au fur et à mesure qu’Internet grandissait, notre communauté pouvait grandir en même temps. Mais sans les valeurs ni la technologie qu’apportait notre communauté, il ne fait aucun doute à mes yeux que jamais Internet n’aurait pu devenir ce réseau global reliant les personnes et les groupes du monde entier.

À ce jour, nos logiciels font fonctionner la majeure partie d’Internet, et vous devez en connaitre au moins quelques-uns, comme Mozilla Firefox, OpenOffice.org, Linux, et peut-être même Gnome ou KDE. Mais notre technologie peut aussi se cacher dans votre téléviseur, votre routeur sans fil, votre distributeur automatique de billets, et même votre radio, système de sécurité ou bataille navale. Elle est littéralement omniprésente.

Ils ont été essentiels dans l’émergence de quelques-unes des plus grandes sociétés que vous connaissez, comme Google, Facebook, Twitter et bien d’autres. Aucune d’entre elles n’aurait pu accomplir autant en si peu de temps sans le pouvoir du logiciel libre qui leur a permis de monter sur les épaules de ceux qui étaient là avant eux. Mais il existe également de nombreuses petites entreprises qui vivent de, avec, et pour le logiciel libre, dont la mienne, Kolab Systems. Le fait d’agir activement avec la communauté et dans un bon esprit est devenu un élément de succès essentiel pour nous tous. Et c’est aussi vrai pour les plus grosses, comme Oracle nous l’a involontairement démontré durant et après sa prise de contrôle de Sun Microsystems. Il est important de comprendre que notre communauté n’est pas opposée au commerce. Nous aimons notre travail, et beaucoup d’entre nous en ont fait leur métier pour gagner leur vie et rembourser leurs crédits. Donc quand nous parlons de communauté, nous voulons dire des étudiants, des entrepreneurs, des développeurs, des artistes, des documentalistes, des professeurs, des bricoleurs, des hommes d’affaires, des commerciaux, des bénévoles et des utilisateurs. Oui, des utilisateurs. Même si vous ne vous en êtes pas encore rendu compte ou n’avez jamais appartenu à une communauté, vous faites en réalité déjà partie de la nôtre. La question est de savoir si vous allez y participer activement. Et c’est cela qui nous différencie des poids lourds de la monoculture, des communautés fermées, des jardins clôturés de sociétés telles qu’Apple, Microsoft et d’autres. Nos portes sont ouvertes. Tout comme nos conseils. Et également notre potentiel. Il n’y a pas de limite à ce que vous pouvez devenir — cela dépend uniquement de votre choix personnel comme cela a été le cas pour chacun d’entre nous.

Donc si vous ne faites pas encore partie de notre communauté, ou si vous êtes simplement curieux, ce livre offre un bon point de départ. Et si vous êtes déjà un participant actif, ce livre pourrait vous offrir un aperçu de quelques facettes et de quelques perspectives qui seront nouvelles pour vous.

En effet, ce livre contient d’importantes graines de ce savoir implicite que nous avons l’habitude de construire et de transférer à l’intérieur de nos sous-communautés qui travaillent sur diverses technologies. Ce savoir circule généralement des contributeurs les plus expérimentés vers les moins expérimentés. C’est pourquoi il semble tellement évident et naturel à ceux qui fréquentent notre communauté. Ce savoir et cette culture de la collaboration nous permettent de créer d’extraordinaires technologies avec de petites équipes du monde entier au-delà des différences culturelles, linguistiques et de nationalité. Cette manière de fonctionner permet de surpasser des équipes de développement bien plus grandes de certaines des plus grosses sociétés au monde. Tous les contributeurs de ce livre ont une expérience solide dans au moins un domaine, parfois plusieurs. Ils sont devenus des enseignants et des mentors. Au cours des quinze dernières années, j’ai eu le plaisir d’apprendre à connaître la plupart d’entre eux, de travailler avec beaucoup, et j’ai le privilège de compter certains parmi mes amis.

Comme l’a dit judicieusement Kévin Ottens pendant le Desktop Summit 2011 à Berlin, « construire une communauté, c’est construire de la famille et de l’amitié ».

C’est donc en réalité avec un profond sentiment de gratitude que je peux dire qu’il n’y a aucune autre communauté dont je préférerais faire partie, et je suis impatient de vous rencontrer à l’une ou l’autre des conférences à venir.

— Georg Greve

Zürich, Suisse, le 20 août 2011

Georg Greve a fondé la Free Software Foundation Europe (FSFE) en 2000 et en a été le président fondateur jusqu’en 2009. Durant cette période, il a été responsable du lancement et du développement de nombreuses activités de la FSFE, telles que les alliances, la politique ou les travaux juridiques. Il a intensivement travaillé avec de nombreuses communautés. Aujourd’hui, il poursuit ce travail en tant qu’actionnaire et PDG de Kolab Systems AG, une société qui se consacre entièrement aux logiciels libres. Pour ses actions en faveur du logiciel libre et des standards ouverts, Georg Greve a été décoré de la croix fédérale du mérite (Bundesverdienstkreuz am Bande) par la République Fédérale d’Allemagne le 18 décembre 2009. Thank You! Merci !

Ce livre n’aurait pu voir le jour sans la participation de chaque auteur et des personnes suivantes, qui ont aidé à sa réalisation :

Anne Gentle (relecture)

Bernhard Reiter (relecture)

Celeste Lyn Paul (relecture)

Daniel Molkentin (mise en page)

Debajyoti Datta (site internet)

Irina Rempt (relecture)

Jeff Mitchell (relecture)

Mans Rullgard (relecture)

Noirin Plunkett (relecture)

Oregon State University Open Source Lab (hébergement du site internet)

Stuart Jarvis (relecture)

Supet Pal Singh (site internet)

Saransh Sinha (site internet)

Vivek Prakash (site internet)

Will Kahn-Greene (relecture)

* * * * * *

[1] Note des traducteurs : dédicace par allusion à « Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants. » Bernard de Chartres, XIIe siècle

[2] Note de l’auteur : pour moi, l’Open Source n’est que l’un des aspects de cette communauté. Cet aspect particulier a trouvé son articulation en 1998, c’est-à-dire quelque temps après l’arrivée d’Internet. Mais n’hésitez pas à dire « Open Source » au lieu de « logiciel libre » si vous préférez ce terme.

Crédits photo hellojenuine (CC-BY-SA)




Il faut voir cette vidéo sur le possible futur de l’apprentissage sous-titrée en français

La société Ericsson a rassemblé quelques « grands penseurs de l’Internet éducatif de demain » pour nous proposer une vidéo d’une vingtaine de minutes, intitulée The Future of Learning, qu’on a jugé suffisamment importante pour faire l’effort de la traduction puis du sous-titrage.

On ne mesure pas forcément les grands bouleversements qui nous attendent dans le champ éducatif tant sont fortes l’inertie et la résistance des structures existantes. Il est aussi plus que probable que « le Libre » saura tirer son épingle du jeu car on ne peut désormais pleinement échanger et partager sans lui.

Permettez-moi cependant d’avoir de légers doutes quant à l’accès en masse de toutes ces merveilles promises en temps de crise. Je n’irais pas jusqu’à dire, comme le mouvement #Occupy que cela ne profitera qu’aux 1%, mais il est fort possible, si nous n’y prenons garde, que se développe un enseignement à deux vitesses : celui du vieux public sans le sous gardant ses traditionnelles écoles prisons-casernes et celui du privé captant presqu’à lui seul toute la modernité dont il est question ci-dessous.

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(pour faire disparaître le sous-titrage anglais à l’arrière plan, cliquer sur l’icône CC dans la barre d’état du bas)

URL d’origine du document

Traduction et transcription : GPif, LuD-up, PM, goguette, HgO, albahtaar, Goofy, aKa

Remarque : On peut considérer ce sous-titrage comme une sorte de perfectible « première version ». Si cela ne vous convient pas, c’est comme dans Wikipédia, il suffit d’aller sur Amara, la plateforme de sous-titrage et modifier.

The Future of Learning – Transcription

Sugata Mitra : Tout semble plus excitant quand vous avez cinq ans. Alors, tout était grand, tout était étrange, et je me souviens avoir été un peu effrayé.

Stephen Heppell : Comme beaucoup d’enfants, je me souviens de mes années d’école avec tendresse mais le peu dont je me souvienne ainsi n’est pas le peu dont je devrais me souvenir. Je me souviens des jeux et du sport, de la méchanceté, des espiègleries et des bêtises. En fait, je me souviens du peu qui était hors-norme.

Daphne Koller : C’est un incroyable privilège pour moi d’avoir eu une éducation qui a pris et gardé une place si importante dans ma vie, encore aujourd’hui.

Jose Ferreira : Je me souviens m’être beaucoup ennuyé. Ça n’a pas révélé le meilleur de moi-même, je m’en suis sorti, quoi qu’il en soit. Je n’étais pas très adapté ou le système n’était pas très adapté pour moi. C’est un peu dingue quand on y pense. On prend les enfants et on les force à essayer de s’adapter à ce système bureaucratique vraiment complexe, alors que le système devrait s’adapter à eux.

Sugata Mitra : L’éducation traditionnelle tire ses origines du système militaire, en grande partie. L’armée avait besoin de personnes identiques ; soldats, administrateurs, etc…, elle a donc engendré ce système. Quand la révolution industrielle a eu lieu, on a encore voulu des personnes identiques pour les chaînes de montage. Même pour les consommateurs, on voulait qu’ils soient identiques afin que tous achètent les mêmes choses.

Seth Godin : Alors si on regarde l’école sous cet angle, si on considère le fait qu’on enseigne à vingt ou trente enfants à la fois, en série, exactement comme à l’usine. Si on considère le fait que si vous ratez votre CE2, (d’après Collins; ce qui convient mieux au sujet d’enfants), que vous arrive-t-il ? On vous retient et et on vous reconditionne. Tout correspond aux travaux d’usines, on l’a élaboré à dessein. Et c’était vraiment utile pour son fonctionnement. Mais on ne manque plus de travailleurs à l’usine.

Stephen Heppell : On assiste probablement à la mort de l’éducation, aujourd’hui. Je pense que les structures et les restrictions de l’école, qu’apprendre de neuf heures à quinze heures, en travaillant seul, sans travailler avec les autres ; je pense que tout ça, c’est un système mort ou moribond. Et je pense que l’apprentissage ne fait que commencer.

Seth Godin : J’ai souffert d’un trouble du déficit de l’attention en grandissant, comme beaucoup d’autres maintenant. Et ce sentiment persiste dans l’inconscient collectif qu’il y a quelque chose de brisé chez les enfants sujets à ce genre de troubles, car ils ne sont pas conformes au système. Donc ce que nous faisons, c’est donner des médicament aux enfants pour les rendre conformes au système, au lieu de dire : mais attendez, le système est là pour les enfants. Et il y a beaucoup de gens qui peuvent assez facilement rester assis pendant huit heures et prendre des notes, et ensuite, deux semaines après, répéter ce qu’ils ont écrit. Mais il y a également cette immense quantité de personnes extrêmement talentueuses et engagées qui ne peuvent pas apprendre de cette manière. Il y a une grande différence entre accéder à l’information et l’école, alors qu’auparavant, c’était la même chose. L’information est là, en ligne pour n’importe laquelle des milliards de personnes qui ont accès à internet. Donc cela signifie que si on donne accès à un enfant/quelqu’un de quatre, huit ou douze ans, ils prendront l’information s’ils la veulent.

Sugata Mitra : Savoir quelque chose est probablement une idée obsolète. Vous n’avez en fait pas besoin de savoir quoi que ce soit, vous pouvez le trouver au moment ou vous avez besoin de le savoir. C’est le travail des enseignants de diriger les jeunes esprits vers les bons types de questions. L’enseignant n’a pas besoin de donner les réponses, car les réponses sont partout. Et nous savons désormais après des années d’études que les élèves qui trouvent les réponses par eux-mêmes se souviennent mieux que si on leur avait donné la réponse.

Stephen Heppell : L’Education est très lente à appréhender les données, les nombres, à comprendre les analyses et ce qui en fait est en train de se passer. Nous effectuons un contrôle ici, et un examen là, mais les détails de ce qu’il se passe, nous ne les comprenons pas vraiment. Ce sera, à coup sûr, la prochaine étape importante de notre bagage, notre capacité d’analyser où que nous soyons. Certains de ceux qui regardent ceci seront déjà en train d’analyser leur santé et leur bien-être et les effets sur leur forme. Ils seront aussi en train d’analyser leur apprentissagen bientôt. Et ensuite nous serons vraiment bons à ça.

Jose Ferreira : Knewton est une plate-forme d’extraction de données et d’apprentissage adaptatif qui permet à n’importe qui, n’importe où de publier du contenu. Ça peut être un éditeur, un professeur en particulier, ou n’importe qui entre les deux. et il produit un cours qui va être personnalisé de manière unique pour chaque étudiant, en se basant sur ce qu’elle sait et comment elle apprend le mieux. Le manuel du futur sera distribué sur des appareils connectés. Ça signifie que le volume incroyable de données que les étudiants ont déjà produit, lors de leurs études, sont à présent à portée de main et utilisables. Donc Knewton et tous les dérivés de Knewton peuvent déterminer des choses comme ; vous apprenez les maths plus efficacement le matin entre 08h32 et 9h14. Vous apprenez les sciences plus efficacement par tranches de 40 minutes. À partir de la 42e minute, votre taux d’attention commence à baisser, nous devrions mettre ça de côté pour le moment et vous diriger vers quelque chose d’autre qui vous maintient attentif. Ce travail intense de 35 minutes, que vous faites tous les jours pendant la pause déjeuner : vous n’en retenez rien ; allez plutôt traîner avec vos amis, et vous ferez ce travail l’après midi quand vous serez plus disposé à apprendre. Vous apprenez mieux ceci avec des questions courtes; mieux celà avec des questions compliquées et difficiles. Nous devrions vous soumettre à nouveau ces informations dans quatre jours pour une mémorisation optimale. Et voici exactement les détails où vous allez batailler quand vous ferez vos devoirs ce soir, parce que vous n’avez pas appris certains concepts nécessaires à cet exercice. Et nous pouvons, en temps réel, allez chercher le petit bout de cours particulier, du mois dernier, ou de l’an dernier, et de manière transparente le placer sous vos yeux, pour que vous n’ayez pas à batailler. Nous pouvons prédire les échecs à l’avance et éviter qu’ils ne se produisent. Nous allons nous émanciper de ce modèle aliénant, parfois ennuyeux et parfois frustrant où tout le monde reçoit exactement la même chose, au même moment, rigoureusement dans le même ordre et avec le même niveau de difficulté. Pour la moitié de la classe, c’est trop difficile, et pour l’autre moitié, c’est trop lassant. On va proposer aux élèves qui ont le meilleur niveau les outils les plus stimulants. Cela leur permettra de libérer leur potentiel d’une manière innovante. Mais pour chaque enfant, quelles que soient ses difficultés, il existe une voie vers la réussite. Cela pourra prendre un peu plus longtemps, mais il existe toujours une voie vers la réussite. Et le système devient aussi de plus en plus performant à mesure que plus de gens s’en servent. Les différentes stratégies sont en compétition entre elles pour être réintroduites au sein de la génération suivante, de façon à ce que la stratégie qui est la plus efficace pour vous, une fois déterminée, n’importe quel enfant pourra ensuite profiter de cette stratégie. C’est complètement nouveau. Quand l’automobile a été inventée, ce n’est pas ce que les gens attendaient : ils demandaient des chevaux plus rapides. Et les gens ne demandent pas encore vraiment Knewton, car il ne savent pas encore ce que c’est, mais une fois qu’ils l’auront vu et essayé, alors ils l’adopteront tout de suite.

Stephen Heppell : On dit que l’éducation évolue très lentement. Mais tout à coup, il suffit d’être connecté. Ca change tout ; ça change les modalités de contribution, votre cerveau peut contribuer à distance.

Sugata Mitra : C’est une chose d’être assis là, dans le labo multimédia, et de discuter du futur. Je vais souvent dans des endroits aussi différents que possible d’un labo multimédia. Et je me demande, quelle est la valeur de toutes mes idées, ici. Mais il y a une grande raison d’avoir de l’espoir. Où que j’aille, la toute première chose que je demande, ou que je vérifie avec mon téléphone, c’est si la bande passante est suffisante pour avoir accès à Internet. Et en plein milieu de la jungle, parfois je constate qu’il y a toujours une connexion. Et je sais que tout ce que je dis peut aller n’importe où, et de la même manière. C’est une question de temps.

Lois Mbugua : La connectivité est réellement en train d’ouvrir le monde. Si vous connectez un village, par exemple Bonsaaso, les élèves peuvent alors réellement communiquer avec d’autres élèves, par exemple à Londres. Cela signifie qu’il peuvent commencer à voir le monde autrement. Éduquez un jeune, et vous éduquez une nation.

Margaret Kositany : “Connecter pour Apprendre” est un partenariat entre Ericsson, l‘“Earth institue” de l’université de Columbia, et la “Promesse du Millénaire”. Il y a deux aspects : cela fournit des bourses d’étude au filles, et “Connecter pour Apprendre” donne aux élèves des ordinateurs et un accès à internet, et leur montre comment s’en servir et comment récupérer des informations. L’éducation était limitée à ce que le professeur pouvait dire aux élèves, et le professeur s’appuyait sur un petit manuel scolaire, ou quelques rares livres, de sorte que l’enseignant n’était pas très impliqué. Maintenant il est possible d’avoir accès à beaucoup d’informations et les enfants discutent et échangent des informations, vous voyez qu’ils ont beaucoup plus de sujets de discussion, car ils ont le sentiment d’être plus impliqués. Et les enfants sont plus confiants.

Lois Mbugua : Ils ont l’énergie, ils ont toute la vie devant eux, et ils sont sur le point de commencer quelque chose de plus grand/à penser plus globalement. Si on leur apporte la connectivité, ils sont en fait capables de faire des transactions et ils peuvent commencer de petites affaires/choses, qui vont les transcender. Donc, je dirais qu’il s’agit en fait de l’ouverture de nos villages, de notre pays, et de tout le continent.

Margaret Kositany : Nous sommes en train de le mettre en oeuvre dans autant de pays que possible en Afrique, et aussi en Amérique du Sud. Il est possible de le développer à l’échelle de n’importe quel pays.

Seth Godin : La manière dont nous résolvons les problèmes captivants consiste à faire des erreurs, et des erreurs, et encore des erreurs, jusqu’à ce que nous réussissions. Et si vous avez eu l’occasion de parler à des gens qui ont réussi, de fait, la chose qu’ils ont presque tous en commun, c’est qu’ils ont essuyé une centaine d’échecs avant de réussir. Et ce qui les distingue des gens qui ne réussissent pas, ça n’est pas le fait qu’ils ont réussi, c’est qu’ils ont échoué plus que les autres.

Jose Ferreira : Je ne suis pas certain que les écoles puissent se permettre de dire : “nous devons nous perfectionner, afin de préparer le plus de gens possible à correspondre à ce système qui repose sur l’expérimentation.”

Stephen Heppell : C’est inimaginable, dans une société où l’on s’assoit pour passer un examen en se disant j’espère qu’il n’y aura pas de questions-pièges dans l’énoncé ; pendant que les professeurs pensent j’espère que je l’ai bien préparé pour tout. Comment cela pourrait-il préparer à un monde où chaque jour apporte son lot de questions-pièges. Un monde où la surprise est partout : dans l’économie, dans la société, dans la politique, dans les inventions, dans la technologie. Chaque jour est une surprise. L’apprentissage nous prépare à faire face aux surprises, l’éducation nous prépare à faire face aux certitudes. Alors qu’il n’y a pas de certitudes.

Sugata Mitra : Le professeur occupe une place entre l’enfant et l’éducation classique, en essayant de faire en sorte que l’enfant se confronte au système. Et jusqu’à ce que ce système s’écroule ou disparaisse, il/elle a un un rôle incroyablement compliqué qui consiste à maintenir la curiosité de l’enfant éveillée, tout en lui déclarant ; écoute, lorsque tu auras seize ans, tu devras commencer à mémoriser certaines choses, de manière à ce que tu puisses aller t’asseoir pour passer un examen, que tu le réussisses et que tu termines ta scolarité correctement.

Seth Godin : Je ne connais personne qui passe d’examen standardisé pour gagner sa vie. Pourquoi donc utilisons-nous les examens standardisés pour vérifier si vous allez être bons alors qu’il n’y aura plus d’examens standardisés après que vous l’aurez passé ? Cette façon de faire a contaminé la totalité de l’écosystème mercatique de l’éducation parce que les universités renommées le sont parce qu’elles sont extrêmement sélectives au regard des résultats du Scholastic Aptitude Test (test d’entrée pour les universités Américaines). Les parents veulent que leurs enfants aillent étudier dans une université renommée. Ils poussent donc les écoles à formater des élèves qui iront dans ces universités en obtenant de bons scores au SAT, ce qui dénature totalement les fondements de l’éducation. Si l’on pouvait faire en sorte que les parents, les enseignants, les enfants et les administrateurs aient cette discussion, qu’ils en parlent entre eux, qu’ensuite aux conseils d’administration des écoles ou aux réunions décennales les questions posées ne soient pas quels sont les résultats de vos élèves au SAT ? ; mais qu’on dise plutôt : le SAT n’a aucun sens, le système d’universités renommées est une escroquerie. On doit créer quelque chose de différent. Ce débat est possible. Ainsi le cours des choses pourra commencer à changer.

Daphne Koller : Coursera est une société d’entrepreneuriat social qui permet aux meilleurs universités de partager leurs meilleurs cours afin que n’importe qui autour du monde, dans la mesure où il possède une connexion internet, puisse jouir de l’accès à une éducation de qualité. À ce jour, c’est-à-dire fin septembre, on compte un million et demi d’étudiants qui viennent de 196 pays, même si la manière de compter les pays reste un peu discutable. On a 195 cours qui proviennent de 33 universités. Les cours les plus importants ont 130 000 inscrits, les cours moins fédérateurs sont suivis seulement par environ 10 000 personnes ; naturellement, ils continuent à se développer ; la plupart des cours n’a même pas commencé. Une classe moyenne, quand elle est lancée, est composée d’à peu près 50 ou 60 000 étudiants inscrits. L’ampleur est intéressante parce qu’elle permet de proposer un produit de grande qualité pour un coût différentiel par étudiant assez bas, ce qui nous autorise à accepter des gens qui ne peuvent vraiment pas se permettre de payer pour l’éducation et ainsi leur fournir une éducation gratuite. Une éducation gratuite de la plus grande qualité, parce que les coûts par étudiant sont si bas. La pratique, chez Coursera, c’est que le cours commence à une date donnée, et chaque semaine, l’étudiant a accès à de nombreuses rubriques. Chaque rubrique est un cours en vidéo, mais une vidéo interactive ; c’est-à-dire que vous ne restez pas assis là, pendant une heure, à regarder une vidéo, vous avez la possibilité d’interagir avec la vidéo. Il y a des contrôles rigoureux et significatifs de diverses catégories ; pas juste des questions à choix multiples, mais des exercices bien réels et approfondis. Et il y a une communauté d’étudiants avec laquelle interagir, à qui poser des questions, afin d’obtenir des réponses d’étudiants suivant le même cursus. Ainsi on a un meilleur apprentissage à travers l’aide réciproque, aussi bien qu’un échange social, de sorte qu’on a une réelle impression d’appartenir à une communauté d’étudiants autour de cette activité intellectuelle. Les gens nous demandent souvent si les universités appartiennent désormais au passé, si les universités vont disparaître… et je pense avec certitude que ce n’est pas le cas. Il y a quelque chose de formidable à l’idée de réunir des gens dans un endroit où des interactions fortuites peuvent voir le jour. Un endroit où on peut avoir un tutorat en face-à-face entre un étudiant et un instructeur, où les étudiants peuvent se parler entre eux, créer ensemble et apprendre à débattre d’idées. Cette expérience sur un campus physique n’a pour le moment aucun équivalent virtuel effectif. Notre but ici, et je pense qu’il faut être pragmatique sur ce sujet, n’est pas nécessairement d’ouvrir la voie, ni de donner un équivalent à des étudiants qui n’ont pas actuellement accès à ce à quoi les étudiants fortunés de Princeton ont accès. Ce qui serait réellement un but enviable, mais qui n’est pas forcément quelque chose que nous pouvons accomplir dans un délai aussi court. Ce que nous aimerions faire, c’est amener ces deux extrêmes à faire considérablement mieux que ce qu’ils peuvent faire actuellement, même s’ils ne se retrouvent pas égaux en fin de compte. Si nous améliorons beaucoup les choses, à la fois pour les étudiants du campus, et ceux qui n’y ont pas accès actuellement accès, je pense que nous aurons fait une chose géniale.

Seth Godin : Alors voyons comment les révolutions fonctionnent. Les révolutions détruisent le parfait et permettent l’impossible. Elles ne passent jamais d’un coup de “tout va bien” à “tout va bien”. Il y a beaucoup d’interférences entre les deux. Quand on observe le milieu musical : l’Internet a d’abord détruit les maisons de disque. Et cela permet seulement maintenant aux musiciens indépendants d’être entendus.

Jose Ferreira : L’éducation a tendance à évoluer par paliers, donc quand, effectivement, ça évolue, le changement est explosif. le mouvement qui va d’avant l’imprimerie à après l’imprimerie est une seule et même transition dans l’Histoire du monde, en termes d’éducation. L’éducation en ligne va bientôt être ainsi. Et nous voulons être sûrs, en tant qu’espèce, que l’espèce humaine fait bien les choses.

Daphne Koller : Une des révolutions que nous nous apprêtons à voir est : comment l’éducation est de moins en moins un pourvoyeur de contenu parce que ça va être une denrée disponible, espérons-le, elle va être accessible pour tous dans le monde entier. Et une partie beaucoup plus importante que ce que nous pensions de l’éducation est en route pour revenir aux origines de l’enseignement. Celle où l’éducateur engage la conversation avec les étudiants et les aide à développer leurs compétences intellectuelles, leur capacité à la résolution de problèmes, et leur passion pour la discipline. Le genre de choses qui sont bien plus faciles à faire dans un face à face et qui sont vraiment très dures à faire avec un format en ligne, mais pour lesquelles l’expérience des universités, comme nous la connaissons c’est : vous êtes à la bonne place pour ce genre de développement de compétences.

Seth Godin : Maintenant ce que je veux voir des écoles c’est : amener les enfants à la vouloir. Créer un environnement où les enfants sont sans repos jusqu’à ce que leur besoin d’informations soit satisfait.

Sugata Mitra : A chaque fois que j’ai une bonne question, j’obtiens un engagement immédiat. Je pense qu’un professeur doit rester en arrière et dire quel est le sujet du jour. Ouvrez vos cahiers et découvrez le vous-mêmes.

Seth Godin : Ce dont nous avons besoin, ce sont des professeurs qui vont regarder les gens dans les yeux et qui vont croire en eux, et les pousser à aller de l’avant, et c’est dur de faire ça sur Internet. Ça doit vraiment être fait en face de la personne.

Stephen Heppell : L’école a décidé d’être meilleure car elle voit les enfants devenir meilleurs. Et les professeurs… Que dit leur t-shirt ? Il dit : “on est là pour le résultat, pas pour le salaire !” Les professeurs sont là car ils peuvent voir le changement chez leurs élèves. Si vous ajoutez tous les enfants de l’histoire du monde, plus d’enfants vont quitter l’école dans les 30 prochaines années qu’ils ne l’ont fait au cours de toute l’histoire. Si je devais changer une seule chose, j’améliorerais juste un peu leur éducation. Et ça changerait l’histoire plus que tout le reste.




Oppikirjamaraton ou comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end !

Je suis professeur de mathématiques et à l’initiative de Framasoft. Un tel projet ne pouvait me faire plus plaisir. Vous verrez qu’un jour de plus en plus de manuels seront rédigés ainsi…

Imaginez un groupe d’enseignants qui se retrouvent le week-end pour rédiger ensemble et de A à Z un manuel scolaire sous licence libre ! (La licence libre est la Creative Commons By, d’où mention sur leur blog, d’où notre traduction ci-dessous).

Il n’ont pas tout à fait achevé l’entreprise dans le temps imparti puisque le livre se trouve aujourd’hui en version 0.92 (et en LaTeX) sur GitHub. Vous pouvez de suite vous rendre compte du résultat actuel en cliquant directement sur le PDF (dont les premières pages vous proposent de soutenir le projet via Flattr et Bitcoin !).

Au delà de son ô combien utile finalité ce fut également une belle et libre aventure humaine

Vapaa Matikka

Oppikirjamaraton : comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end

Oppikirjamaraton: How to Write an Open Textbook in a Weekend

Elliot Harmon – 31 octobre 2012 – Creative Commons Blog
(Traduction : Cyrille L., Kodoque, Nyx, kamui57, Naar, pac)

Il y a quelques semaines de cela nous avons vu passer ce tweet surprenant :

Il nous fallait en savoir plus. J’ai donc contacté Joonas Mäkinen pour avoir davantage d’informations, et il m’expliqua qu’il a participé à monter une équipe pour écrire un manuel scolaire de mathématiques de cycle secondaire tout le long d’un week-end, lors d’un évènement appelé Oppikirjamaraton (marathon du livre scolaire). Le choix de la licence du livre s’est porté sur la Creative COmmons BY, pour que chacun puisse le réutiliser, le modifier et le traduire, en Finlande et dans le reste du monde.

Le texte, désormais en version 0.91 sur GitHub, s’intitule Vapaa Matikka. Le titre se traduit par « Mathématiques libres et gratuites », mais sachant que matikka signifie également lotte en finlandais, on peut aussi le lire comme du « Poisson libre ». Et son slogan, Matikka verkosta vapauteen, devient alors soit un cri de ralliement pour garder les ressources éducatives libres et gratuites, soit un mode d’emploi pour libérer un poisson d’un filet ! (d’où la forme suggérée du poisson sur la couverture du livre)

Mais au delà des jeux de mots mathématico-finlandais, je souhaitais comprendre comment la rédaction express de ce livre s’était déroulée, ce que l’équipe prévoyait de faire du manuel, et quels conseils ils pouvaient donner à d’autres personnes organisant un évènement similaire.

Oppikirjamaraton - Joonas Mäkinen - CC byQue couvre le livre comme concepts mathématiques ?

C’est un manuel pour le premier cours de mathématiques de niveau avancé du collège finlandais. Bien que les élèves débutant ce cursus viennent en général de finir l’école primaire obligatoire, nous avons décidé d’avoir une approche « pour les nuls » en essayant de minimiser les prérequis.

Nous introduisons l’arithmétique, les nombres rationnels, les nombres réels en général. Viennent ensuite les règles de priorité et les racines qui mènent aux bases de la résolution d’équation puis au concept de fonction. Puis leurs mises en application concernent la proportionnalité et le calcul de pourcentages. Nous nous devions de respecter le programme scolaire.

Dites-m’en plus sur les exigences du programme. Sont-elles les mêmes pour toute la Finlande ?

Il y a un programme national en Finlande et tout le monde le suit. Du coup tous les manuels se ressemblent même s’ils approchent les sujets dans un ordre légèrement différent les une des autres. Mais le seul test standardisé est l’examen de fin d’année et donc Il y a un peu de flexibilité, ce qui a facilité les choses.

Oppikirjamaraton - Vesa Linja-Aho - CC byQui a participé ? Étaient-ils tous des formateurs ? Les participants avaient-ils déjà écrit ou édité des manuels scolaires ?

Environ 20 personnes ont participé à l’écriture du manuel durant le week-end. Nous avions des professeurs ordinaires du secondaire, des étudiants à l’université (mathématiques et informatique), un professeur d’électronique pour automobile, mes propres étudiants et quelques professeurs d’université travaillant sur place ou à distance. Nous avions même notre propre petit cercle d‘intégristes de la grammaire et de l’orthographe pour nous aider à rédiger de meilleurs contenus formels que ceux que l’on peut habituellement trouver dans le devanture des grosses maisons d’édition. La diversité des participants s’est révélée être une très bonne chose pour produire une variété de problèmes et de perspectives.

Seules quelques personnes avaient l’expérience de l’écriture et publication d’un manuel classique, commercial et à l’ancienne, mais cela n’a pas été clivant quand nous avons commencé à travailler.

Comment vous êtes-vous organisés ? Les rôles des participants avaient-ils été déterminés en amont du week-end ?

Vesa Linja-aho, qui a eu l’idée de ce book sprint (ou livrathon) était de facto notre coordinateur et s’occupait de la logistique, de l’administratif et de la communication. Lauri Hellsten s’est engagé à prendre le rôle principal pour la maquette et la création de graphiques indispensables à l’ensemble. Mais eux mis à part, aucun auteur n’avait d’assignation prédéfinie. Quelques uns d’entre nous avaient bien leurs sujets de prédilection, mais dans l’ensemble le processus d’écriture fut très spontané et dynamique.

Y a-t-il eu beaucoup de préparation à l’avance ? Avez-vous commencé le week-end avec un plan du livre ? Un emploi du temps ?

Le projet était ambitieux. Nous avons attendu que nos amis et les amis de nos amis remplissent un sondage Doodle pour savoir quel week-end réserver (NdT : ils ne connaissaient pas Framadate). J’avais préparé une table des matières pour avoir un point de départ, mais elle a été passablement modifiée vendredi et samedi. Juhapekka Tolvanen nous avait concocté un modèle LaTeX, et on a aussi eu une réunion préalable pour planifier les choses, choisir les outils techniques (quel système de contrôle de versions utiliser, etc.), mais rien sur le contenu en tant que tel. Il s’agissait également de trouver d’éventuels sponsors, écrire un communiqué de presse, trouver un local, vérifier si nous avions assez d’ordinateurs…

Une anecdote sur le droit d’auteur : nous avions réuni plus ou moins tous les livres disponibles sur le sujet. Pour voir un peu comment les autres avaient expliqué ceci ou cela. mais aussi parce que, dans l’enseignement mathématique (et manifestement dans d’autres disciplines aussi), il y a beaucoup d’exemples et d’exercices pathologiques qu’il est bon de faire mais qui finissent par être excessivement récurrents. Et Vesa Linja-aho avait reçu une décision écrite du conseil local confirmant que les exercices ne sont pas des travaux soumis au droit d’auteur. Or un enseignant qui avait écrit un des livres que nous avions nous a laissé un commentaire sur Facebook pour nous rappeler que ce n’est pas bien de copier le travail des autres. Cela nous a bien fait rire 🙂

Oppikirjamaraton - Lauri Hellsten - CC byQue retirez-vous de cette expérience ? Qu’est ce qui a été plus difficile que prévu ? Quels conseils donneriez vous à d’autres envisageant un projet similaire ?

Le principal conseil est de bien mettre en place l’aspect technique avant de commencer. Cela évitera d’inutiles moments de tension pour vous consacrer pleinement et exclusivement à la rédaction du contenu. On a utilisé LaTeX pour le texte et sa mise en forme et GitHub pour gérer les versions, mais on a connu des soucis qui nous ont retardés. Tout le monde n’était pas forcément familiarisé avec ces outils et les ordinateurs pas toujours bien préparés et optimisés pour leurs usages. Ceci nous a malheureusement fait perdre du temps.

De plus certains étaient encore en train de discuter pour savoir si nous devions ajouter ceci ou cela le samedi voire le dimanche, et c’est quelque chose qu’il faut éviter. Dans un tel projet, c’est toujours mieux de simplement continuer à écrire davantage de contenu pour éventuellement le commenter ou le modifier plus tard. On a même connu quelques discussions houleuses, peut-être liées au manque de sommeil. Restez calmes et n’oubliez pas d’y prendre plaisir !

Oppikirjamaraton - Siiri Anttonen - CC byEt après ? Y a-t-il une période de relecture/modification prévue ? Des professeurs pensent-ils utiliser d’ores et déjà votre manuel ?

Le sentiment général, unanime et immédiat après avoir fini le marathon dimanche était l’euphorie. Tout le monde était d’accord pour organiser un autre book sprint. Les retards techniques et le manque de graphistes ont fait que le livre n’a pas atteint le niveau de finition que nous voulions pour l’envoyer à l’impression. Mais c’est vivant maintenant : les gens nous envoient des rapports de bug sur Github et les participants ont continué à apporter des améliorations : corriger les coquilles, ajouter des exercices, corriger les incohérences…

Notre livre existe maintenant en version 0.9, et nous allons attendre quelques semaines avant de décider s’il est prêt à être imprimé et traduit. Cependant, on nous a déjà rapporté que le livre avait été utilisé comme manuel par quelques professeurs en proposant notamment à leurs élèves des exercices du livre. Bien entendu, d’autres auteurs et moi-même l’avons aussi utilisé pour enseigner à nos propres élèves. Lorsque nous l’aurons un peu peaufiné, nous sommes confiants quant à sa diffusion.

Le projet était si sympa et son accueil si bien reçu que nous ferons un autre book sprint très bientôt !

Oppikirjamaraton

Crédit photos : Senja Opettaa (Creative Commons By)




Rien ne serait arrivé sans la loi de Moore

La loi de Moore (qui n’est en fait qu’un conjecture) affirme que le nombre de transistors des microprocesseurs sur une puce de silicium double tous les deux ans. Ce qui, par extension, a donné pour le grand public que le rapport entre la puissance d’un ordinateur et son prix double tous les dix-huit mois.

Autrement dit, les machines sont de plus en plus puissantes et de moins en moins chères.

C’est bien ce qu’il s’est produit et se produit encore, pour le plus grand bonheur du logiciel libre et sa culture…

Leonardo Rizzi - CC by-sa

Un allié secret de l’open source : la loi de Moore

Open source’s secret ally: Moore’s Law

Glyn Moody – 10 octobre 2012 – The H
(Traduction : KoS, ProgVal, Sylvain, greygjhart)

Linux est passé du statut de petit bidouillage sympa dans une chambre à celui de logiciel capable de changer le monde il y a un peu plus de 21 ans lorsque Linus a envoyé son fameux message : « Bonjour aux utilisateurs de minix », invitant les gens à le rejoindre. Comme je l’ai remarqué le mois dernier, cette approche ouverte, collaborative était tout à fait nouvelle et s’est avérée décisive dans l’adoption et le développement de Linux.

Cela fut possible car Internet était déjà suffisamment présent pour qu’assez de gens se joignent à l’équipe de volontaires de Linus en faisant jouer à plein l’intelligence distribuée. En d’autres termes, l’émergence du logiciel libre est intimement liée à internet. En effet, le décollage rapide de Linux, comparé aux progrès plutôt lents du projet GNU est probablement dû, au moins en partie, au fait que ce dernier ne pouvait se reposer sur une connectivité globale. C’est grâce à cela que Richard Stallman a pu vivre des ventes de GNU Emacs, qu’il distribuait sur des bandes magnétiques.

La nature symbiotique du logiciel libre et d’internet, le premier utilisant le second, le second étant utilisé par le premier, est maintenant largement reconnue. Mais un autre facteur clé dans l’apparition de l’open source a été sous-estimé, alors que Linus lui-même le mentionne dans ce fameux premier message :

Je programme un système d’exploitation (gratuit, c’est juste un passe-temps, ça ne sera pas un gros projet professionnel comme GNU) pour des clones AT 386(486).

Comme nous vivons à l’ère Intel depuis deux décennies, une ère qui touche peut-être à sa fin, avec la montée en puissance des smartphones et des tablettes et leurs processeurs de familles différentes, il est facile de négliger l’importance du fait que Linus développa Linux pour les processeurs 80386.

Aussi étrange que cela puisse paraître , l’ordinateur principal de Linus avant qu’il n’écrive Linux était un Sinclair QL, un ordinateur typiquement anglais qui utilisait le processeur Motorola 68008 (qui fonctionnait à 7,5 MHz), fourni avec 128K de RAM et utilisait un infâme microdrive comme stockage.

Passer à un PC 386, fonctionnant à 33MHz, avec 8 Mo de RAM et 40Mo de disque dur, était un véritable bond en avant pour Linus, et poussa ses finances à leurs limites. En fait, il n’a pu acheter son premier PC que le 5 janvier 1991 parce qu’il reçut de l’argent pour Noël qu’il ajouta à un prêt étudiant que le gouvernement Finlandais lui avait récemment accordé. Ce dernier était censé payer sa nourriture et son logement pendant qu’il étudiait à l’université d’Helsinki mais comme il vivait toujours avec sa mère pendant cette période, il réussi à le détourner pour un usage plus intéressant.

Le fait qu’il puisse se payer un système aussi performant reposait sur l’amélioration continuelle du matériel, couplée à la diminution régulière des prix. C’est à dire que c’est grâce à la loi de Moore, qui dit que le ratio entre performances et prix double tous les 18 mois environ, que Linus a pu se retrouver avec le système 386 qu’il mentionne dans le premier message sur Linux.

Sans la loi de Moore, il serait sans doute resté avec son Sinclair QL, codant pour un système dont peu de gens se souciaient. Avec le 386, il a pu rentrer dans le courant dominant de l’informatique en même temps que de nombreuses autres personnes. Partout dans le monde (ou en tout cas dans les zones les plus riches) les jeunes gens ont pu s’acheter de vrais ordinateurs basés sur l’Intel 80386 et (plus tard) 80486. Cela signifiait qu’ils pouvaient faire tourner le code de Linux dès ses débuts, et aussi qu’ils pouvaient contribuer.

Encore une fois, sans la loi de Moore mettant des ordinateurs moins chers dans les mains de bidouilleurs, Linus n’aurait pas été en mesure de construire cette communauté mondiale à travers Internet et le rythme de développement en aurait souffert. En effet, comme la loi de Moore continuait de tirer les prix vers le bas tout en augmentant les performances, de plus en plus de gens dans un nombre croissant de pays ont pu acquérir des PCs suffisamment puissants pour rejoindre le projet Linux. Des processeurs plus rapides signifiaient des temps de compilation plus courts pour les programmes ce qui rendait le bidouillage du code plus facile – et plus agréable.

Il y a ici un contraste intéressant avec le développement du logiciel propriétaire. Les avancées dues à la loi de Moore ne profitent que peu aux programmeurs dans les entreprises, puisqu’ils ont généralement du matériel assez bon. Et les entreprises n’en bénéficient guère plus, puisque ce qui coûte le plus dans la programmation est le salaire des programmeurs, pas le prix de leurs PCs. Dans le monde du logiciel libre, les programmeurs volontaires sont bénévoles et le facteur limitant est le prix du matériel. C’est pourquoi la loi de Moore est très avantageuse pour l’open source.

Potentiel futur

Ce n’est pas un effet purement historique des premières heures de Linux. Nous voyons encore aujourd’hui la Loi de Moore tirer les prix vers le bas en accueillant toujours plus d’utilisateurs. Un bon exemple est le mini-ordinateur Raspberry Pi. Il offre les bases de la puissance d’un PC sur une petite carte mère, à un prix minuscule. Cela signifie que non seulement les personnes ordinaires – même des enfants – peuvent l’acheter sans avoir à penser au prix, mais aussi que les écoles peuvent envisager d’en acheter un pour chaque étudiant, ce qui est normalement inenvisageable avec les prix prohibitifs des PC, même ceux bon marché.

L’effet que le Raspberry Pi aura sur l’éducation n’est pas encore clair, mais il semble que celui-ci ou l’un des nombreux systèmes semblables à prix très bas va permettre l’arrivée de nouveaux types de projets avec des nouveaux groupes de contributeurs, dans les pays émergents par exemple.

Et les choses sont déjà en train d’aller plus loin. Voici un projet Kickstarter qui illustre à merveille cette progression continue rendue possible grâce à la loi de Moore. Il s’agit de Parallella. l se décrit comme un « Supercalculateur Grand Public », et ce n’est pas une blague.

Une fois terminé, l’ordinateur Parallella devrait fournir l’équivalent d’un processeur à plus de 45Ghz sur un circuit de la taille d’une carte de crédit tout en consommant moins de 5 Watts en fonctionnement normal. En s’en tenant seulement à la fréquence, c’est plus de puissance qu’un serveur haut de gamme qui coûte des milliers de dollars et consomme 400W.

Important, tout le système sera ouvert :

  • Accès ouvert : absolument aucun accord de non divulgation ou accès spéciaux nécessaires ! Toute l’architecture et le kit de développement seront publiés sur le web dès que le projet sera financé sur Kickstarter.
  • Open Source: la plateforme Parallella sera basée sur des outils et des bibliothèques libres et gratuites. Tous les fichiers de conception des circuits seront fournis une fois que Parallella sera sur le marché
  • Bon marché : les coûts du matériel et des outils de développement ont toujours été une barrière très difficile à franchir pour les développeurs cherchant à écrire des applications haute-performance. Notre but est de fournir l’ordinateur haute-performance Parallella à un coût inférieur à 100$, le rendant accessible à tous.

Oui, c’est un super ordinateur à 45GHz, fourni en standard avec Ubuntu, pour moins de 100$. Si Parallella parvient à sortir cela – et en tant que projet Kickstarter (il y a toujours le risque qu’il ne soit pas totalement financé ou qu’il ne fonctionne pas correctement) il va mettre un nouveau niveau de puissance de calcul entre les mains de tout le monde, y compris les étudiants.

Potentiellement, cela va permettre à des gens qui, jusqu’à présent, ne pouvaient tout simplement pas s’acheter une telle puissance de calcul de démarrer une toute nouvelle génération de projets open source. Encore une fois, le principal bénéficiaire ici est l’open source : si une entreprise a besoin d’un supercalculateur, elle va généralement l’acheter immédiatement, puisqu’elle peut se permettre de payer un prix conséquent pour les modèles actuels. Ce que Parallella apporte, grâce à la loi de Moore, est la démocratisation d’une puissance de calcul de cet ordre, qui ne va plus être réservée à des projets commerciaux disposant de solides fonds.

Il est important de noter que c’est la loi de Moore, agissant sur le matériel qui apporte ces bénéfices, plutôt que n’importe quel changement exponentiel dans le logiciel (qui n’y contribue qu’indirectement). De plus des lois de Moore pour d’autres types de matériel commencent également à prendre forme. Un exemple frappant en est l’impression 3D, où les prix baissent régulièrement. Ou encore le monde du séquençage du génome, démêler les milliards de « lettres » chimiques qui forment la double hélice de l’ADN, qui voit l’arrivée de changements encore plus importants.

Vous savez peut-être que le coût de séquençage du génome baisse mais vous n’avez peut-être pas la moindre idée de la vitesse à laquelle il baisse. Le National Human Genome Research Institute qui fait partie du National Institute of Health américain a compilé des données étendues sur le coût de séquençage de l’ADN au cours de la dernière décennie et a utilisé ces informations pour créer deux graphique à couper le souffle. Les chercheurs du NHGRI montrent que non seulement les coûts de séquençage sont en chute libre mais ils dépassent la courbe exponentielle de la loi de Moore d’une grande marge.

Cela signifie que le coût de séquençage de votre génome, ou de n’importe quel autre organisme, va bientôt devenir à la portée de tout le monde. Cela va-t-il créer une communauté globale de bio-hackers libristes, menée par un nouveau Linus avec un séquenceur de bureau (et peut-être un supercalculateur Parallella) dans sa chambre à coucher ? L’expérience des logiciels libres suggère que oui et nous apprend que nous ne devrions jamais sous-estimer le simple pouvoir de la loi de Moore à conduire des changement inattendus et révolutionnaires.

Crédit photo : Leonardo Rizzi (Creative Commons By-Sa)




Opposons-nous aux brevets qui tuent la liberté de l’impression 3D

Notre premier billet consacré à l’impression 3D date de 2008. Depuis cette technologie a fait de gros progrès, elle frappe déjà à la porte de nos maisons pour le plus grand bénéfice de tous. Et tous les espoirs sont permis puisque l’esprit du libre s’est penché dès le départ sur son berceau.

Sauf qu’ici comme ailleurs, nous ne sommes pas au pays de bisounours et la résistance de l’ancien monde sera à n’en pas douter dure et acharnée. C’est d’ailleurs pour être prêts en amont que nous avons déjà publié ces deux articles : L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air ! et Ils tenteront de nous pourrir l’impression 3D avec leurs DRM.

Comme cela est déjà le cas pour le logiciel, de nombreuses attaques viendront du côté des brevets (et la récente affaire Apple Samsung n’est pas faite pour nous rassurer).

Heureusement la législation américaine a mis en place une nouvelle procédure qui permet à tout citoyen de participer au processus de validation (ou non) d’un brevet. C’est ce droit de vigilance que se propose d’exercer l’Electronic Frontier Foundation (ou EFF) avec nous.

Oui, cela ne concerne (pour le moment) que les États-Unis mais dans ce domaine on sait très bien que ce sont eux qui donnent le la au niveau mondial.

Edit : Gérald Sédrati-Dinet (alias Gibus) qui en connaît un rayon sur le sujet, lire par exemple cette excellente interview sur PCInpact, nous met en garde dans les commentaires. Cette procédure ne fait pas le jeu de ceux qui réclamment purement et simplement la suppression des brevets logiciels. Ce serait même contre-productif et l’EFF a tort de s’engager sur cette voie.

Fdecomite - CC by

Rejoignez les efforts de l’EFF pour que l’impression 3D reste libre

Join EFF’s Efforts to Keep 3D Printing Open

Julie Samuels – 24 octobre 2012 – EFF.org
(Traduction : KoS, Ward, PostBlue, tibs, Simounet, Ag3m, Damien, Jeff_, HgO, Aylham, 4nti7rust)

Grâce à la communauté « open hardware » (NdT : ou matériel libre), vous pouvez maintenant posséder une imprimante 3D pour quelques centaines de dollars, avec des douzaines de modèles disponibles. Ces imprimantes conçues par la communauté surclassent déjà les modèles propriétaires qui coûtent pourtant 30 fois plus cher. Cette innovation incroyable est possible grâce à l’expiration, il y a plusieurs années, du brevet principal couvrant les technologies de l’impression 3D, ce qui a permis à des projets comme RepRap de prouver ce que nous savions déjà, à savoir que le libre dépasse souvent le système de brevets pour stimuler l’innovation.

Les matériels d’impression libres ont déjà été utilisés pour le prototypage rapide de nouvelles inventions, pour imprimer des pièces de remplacement d’objets d’appareils domestiques, par des maîtres du bricolage pour transformer une perceuse en centrifugeuse, pour des jeux où nous pouvons créer nos propres pièces, et pour des milliers d’autres choses par des gens de tous horizons. Des projets comme MakerBot et Solidoodle ont rendu les imprimantes 3D aussi faciles d’accès qu’un dispositif plug&play, où vous n’avez même plus à souder quoi que se soit pour commencer à manufacturer des objets que vous avez dessiné ou dont vous avez téléchargé les plans sur Internet. Avec l’expiration des brevets, la communauté de l’open hardware sera en mesure de libérer son esprit créatif sur les nouvelles technologies, des technologies qui ont déjà été utilisées pour concevoir des prothèses personnalisées, des guitares, des chaussures, et plus encore. Les possibilités sont illimitées (NdT : traduit ici par le Framablog).

Le Problème

Alors que les principaux brevets restreignant l’impression 3D ont expiré ou sont sur le point de l’être, il existe un risque que les creative patent (NdT : brevets sur les idées) continuent de verrouiller les idées au-delà des 20 ans initialement prévus pour ces brevets, ou qu’ils ne restreignent les avancées futures de la communauté open source. Alors même que, nous le savons, la nature incrémentielle des innovations sur l’impression 3D la rend particulièrement inéligible pour les brevets.

Le projet

Comme nous l’avons dit précédemment , l’America Invents Act n’a pas réussi à corriger le problème de l’excessive brevetabilité. Malgré on y trouve au moins une clause récente qui, nous le pensons, pourra être utile : le Preissuance Process.

Cette procédure autorise des tiers à participer au processus de dépôt de brevets en ayant la possibilité d’informer les examinateurs de l’état antérieur de la technique en question. Nous sommes fiers de voir que le Patent Office (NdT : Bureau des Brevets) a ouvert le processus à ceux qui ne déposeront probablement pas de brevets eux-même, mais qui en seront impactés dans leur vie quotidienne. Nous sommes content de savoir que ce nouvelle procédure pourra aider à endiguer la déferlante de brevets illégitimes.

L’EFF et la Cyberlaw Clinic au Centre Berkman de Harvard pour l’Internet et la Société travaillent ensemble pour utiliser cette nouvelle procédure afin de mettre à l’épreuve les dépôts de brevets qui menacent particulièrement les technologies d’impression 3D en plein développement. En premier lieu, nous évaluons les dépôts de brevets sur l’impression 3D qui sont actuellement en cours devant le Patent Office pour identifier de potentiels dangers. Nous avons besoin de vous ! Si vous connaissez des applications qui couvrent les technologies d’impression 3D et qui selon vous devraient être contestées, faites-le nous savoir par mail à 3Dprinting@eff.org (indiquez nous également tous les précédents pertinents que vous connaîtriez).

Pour s’impliquer, il est possible de se rendre sur l’outil de recherche du USPTO (NdT : Bureau de gestion des brevets et des marques déposées des États-Unis), du PAIR (NdT : Récupération d’informations des dépôt de brevets) et/ou de Google Patents. Chacune de ces sources contient de nombreux détails sur les brevets actuellement en attente de validation au USPTO.

Voilà le problème : avec les lois en vigueur, un dépôt de brevet ne peut être contestée par la Preissuance Submission que dans les six mois suivant sa publication (ou avant la date du premier rejet, si cette action se passe après). Ce qui signifie que le compte à rebours a déjà commencé pour les rejets concernant les dépôts de brevet en cours.

Une fois les cibles identifiées, nous nous renseignerons sur les précédents pertinents. Nous vous demanderons à nouveau votre aide à ce moment là, alors, s’il vous plait, soyez vigilants. Tout document disponible publiquement avant le dépôt d’un brevet est considéré comme un précédent; cela peut inclure des e-mails sur des listes publiques, des sites internet, et même des thèses universitaires. En raison de la limite temporelle, nous devons effectuer ces recherches très rapidement.

Il est heureux d’avoir à disposition cette nouvelle façon de combattre le dépôt de brevets dangereux avant qu’ils ne deviennent réellement dangereux. Mais l’America Invents Act et les capacités de recherche du site du Patent Office ne nous rendent pas la tâche aisée. Nous avons besoin de votre aide pour pouvoir accomplir cela, alors s’il vous plaît, faites ce que vous pouvez pour aider à protéger la communauté de l’impression 3D des brevets flous et nocifs qui peuvent menacer de passionnantes innovations.

Crédit photo : Fdecomite (Creative Commons By)




Framavectoriel, à peine lancé et déjà utilisé pour faire du Mondrian en Corse !

Framavectoriel

Nous avons annoncé la sortie du projet Framavectoriel il y a à peine quelques heures.

Et l’on nous a gentiment signalé sur Twitter qu’on l’utilisait déjà avec des enfants dans un espace public numérique corse !

Il s’agit de l’espace Cyber-base emploi / P@m de Folelli dans la cadre d’un CLAE (Centre de Loisirs Associé à l’Ecole).

Nous en sommes ravis et félicitations à tous ces petits Mondrian en herbe 🙂

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