MyPads : point de la semaine 23

img-mypads-ulule2Ce qui a été fait

Un certain nombre de tâches ont pu être travaillées en semaine 23, et notamment :

  • un premier jet du module de partage d’administration et d’invitation d’utilisateurs (en mode visibilité restreinte) pour les groupes
    • pour le moment, il est limité aux seuls inscrits et demande de saisir l’identifiant utilisateur ;
    • mais il sera rapidement possible de saisir une adresse mail en plus de l’identifiant et d’inviter des utilisateurs externes, y compris en mode restreint ;
    • il y est possible de révoquer les droits concédés à d’autres administrateurs ou aux utilisateurs.
  • le module d’affichage des pads avec
    • la création automatique du pad sous etherpad au premier affichage ;
    • sa suppression effective en cas d’effacement sous MyPads ;
    • le filtrage des accès en modes restreint ou privé ;
    • l’accès au pad sans restriction en mode public ;
    • la prise en charge du mot de passe, à saisir en cas de visibilité fixée à privée.
  • le partage, par le biais du lien direct etherpad, de l’accès aux pads publics ou privés (avec mot de passe). L’interface est pour le moment sommaire et évoluera vers une meilleure intégration ;
  • le mode archive des groupes, qui affiche pour le moment l’export HTML des pads qui en font partie ;
  • des corrections d’anomalies ;
  • les tests unitaires et fonctionnels des modules développés ;
  • enfin la correction du bug gênant décrit lors de la semaine 17, par un changement du moment où MyPads est configuré quand l’instance etherpad est lancée, ce qui ne permet plus à YAJSML de venir perturber son fonctionnement.

Ce qui est prévu pour cette nouvelle semaine

Pour la semaine 24, il reste un certain nombre de courtes tâches et de petites améliorations à faire. De plus, il est prévu de travailler sur :

  • un module de gestion des favoris par utilisateur : groupes et pads;
  • la mise en place de la gestion de la localisation au niveau du client Web (choisir sa langue pour l’interface) et la traduction vers le français;
  • une prise en charge correcte des permissions avec une véritable séparation entre utilisateurs et administrateurs de groupes et l’apparition du statut d’administrateurs du plugin MyPads.

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MyPads, week 23

What have been done

A little bunch of things have been worked this week, especially :

  • a first draft of the admin sharing and user invitation module (restricted visibility) for groups
    • at the moment, it only supports existing accounts and needs you to enter user login;
    • but it will soon evolve to also allow email addresses and external users invitation, including in restricted mode;
    • it’s possible into this module to dismiss permissions given to other administrators or users.
  • pad view module with
    • automatic creation of etherpad pad at the first display;
    • effective removal when you delete the pad from MyPads;
    • access filtering for restricted and private modes;
    • free access for public mode;
    • password handling, to be entered when visibility has been set up to private.
  • private, with password, and public pads sharing, through the etherpad direct URL. The user interface is for now basic and will evolve to a better integration;
  • archive mode for groups, that display the HTML export for linked pads;
  • a few bugs fixes;
  • unit and functional testing of worked modules;
  • finally, the resolution of the problem described during week 17, by means of a change when MyPads is configured, after the etherpad instance has been launched. This doesn’t allow YAJSML middleware to conflict with MyPads proper functioning anymore.

What to expect from this new week

About week 24, there are number of short tasks and little improvements to do. Moreover, work is planned on :

  • bookmarks management module per user : groups and pads;
  • setup of Web client localization handling (be able to select the user interface language) and translation to French;
  • a correct support for permissions with a true separation between users and admins of groups and the arrival of MyPads plugin administrators.



MyPads : point de la semaine 22

img-mypads-ulule2Travaux effectués

La semaine dernière a été mise à profit pour :

  • la réalisation de la page de détails des groupes, laquelle comprend :
    • toutes les propriétés du groupes affichées ;
    • la liste des administrateurs et utilisateurs du groupe ;
    • la liste des pads attachés à ce groupe.
  • une gestion sommaire des pads depuis cette page, avec :
    • la création d’un nouveau pad, en saisissant son intitulé ;
    • sa modification, en fait son renommage ;
    • l’effacement de celui-ci ;
    • enfin, l’ajout de pad en favori.
  • les tests fonctionnels liés à cette page.

La gestion des pads n’est pas pleinement terminée puisque le client ne propose pas encore d’écraser les options de visibilité du groupe, c’est à dire que par exemple si le groupe est défini comme public, tous les pads attachés le seront également. Ce comportement sera rapidement amélioré.

Pour la semaine 23

Quelques tâches importantes devraient être effectuées cette semaine avec en priorité l’invitation d’utilisateurs déjà inscrits, le partage d’administration du groupe. Selon le temps disponible, une page regroupant tous les favoris sera également créée ou encore sera effectuée la traduction de MyPads vers le français.

MyPads, week 22

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Achieved tasks

Last week has been used for :

  • the group’s details module, that includes
    • the display of all group properties;
    • group administrators and users lists;
    • list of linked pads.
  • a basic pads management from this page, with
    • new pad creation, by entering its title;
    • its edition, actually its renaming;
    • the deletion of the pad;
    • finally, pad bookmarking.
  • functional testing of this page.

Pads management is not entirely finished because the Web client does not offer yet to overwrite group visibility options at the level of the pad. In other words, for example, if a group is defined as public, all linked pads will inherit. This behavior will be improved soon.

About the week 23

Some important tasks should be done this week. As a priority, user invitation, administration sharing of the group. In accordance to available time left, a webpage grouping all bookmarked elements will be created. MyPads translation to French may be done too.




Avons-nous vendu notre âme aux Gafam ?

Attaqué par les pouvoirs d’État redoutant la liberté qu’il donne à chacun, Internet est aussi l’objet d’une constante mise en coupe réglée par les puissances économiques qui exploitent notre paresseuse inertie. Car c’est bien notre renoncement qui leur donne un énorme pouvoir sur nous-mêmes, ce sont nos données et nos secrets que nous leur livrons prêts à l’usage. Et ceci tandis que le futur redouté est en somme déjà là : les objets connectés sont intrusifs et démultiplient un pistage au plus près de notre intimité qui intéresse les GAFAM. Voici un échantillon de nos petites lâchetés face aux grandes manœuvres, extrait du livre récemment paru d’un grand spécialiste en sécurité informatique.

Comment nous avons vendu nos âmes – et bien davantage – aux géants de l’Internet

par BRUCE SCHNEIER
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Cet article paru dans The Guardian est une adaptation de Data and Goliath, publié chez Norton Books.

Traduction Framalang :  KoS, Piup, goofy et un anonyme

De la télévision qui nous écoute à la poupée qui enregistre les questions de votre enfant, la collecte de données est devenue à la fois dangereusement intrusive et très rentable. Est-il temps pour les gouvernements d’agir pour freiner la surveillance en ligne ?

  *    *    *   *   *

L’an dernier, quand mon réfrigérateur est tombé en panne, le réparateur a remplacé l’ordinateur qui le pilotait. J’ai pris alors conscience que je raisonnais à l’envers à propos des réfrigérateurs : ce n’est pas un réfrigérateur avec un ordinateur, c’est un ordinateur qui garde les aliments au froid. Eh oui c’est comme ça, tout est en train de devenir un ordinateur. Votre téléphone est un ordinateur qui effectue des appels. Votre voiture est un ordinateur avec des roues et un moteur. Votre four est un ordinateur qui cuit les lasagnes. Votre appareil photo est un ordinateur qui prend des photos. Même nos animaux de compagnie et le bétail sont maintenant couramment équipés de puces ; on peut considérer que mon chat est un ordinateur qui dort au soleil toute la journée.

Les ordinateurs sont intégrés dans toutes sortes de produits qui se connectent à Internet. Nest, que Google a racheté l’an dernier pour plus de 3 milliards de dollars, fait un thermostat connecté à Internet. Vous pouvez acheter un climatiseur intelligent qui apprend vos préférences et optimise l’efficacité énergétique. Des appareils qui pistent les paramètres de votre forme physique, tels que Fitbit ou Jawbone, qui recueillent des informations sur vos mouvements, votre éveil et le sommeil, et les utilisent pour analyser à la fois vos habitudes d’exercice et de sommeil. Beaucoup de dispositifs médicaux commencent à être connectés à Internet et ils collectent toute une gamme de données biométriques. Il existe – ou il existera bientôt – des appareils qui mesurent en permanence nos paramètres vitaux, les humeurs et l’activité du cerveau.

Nous n’aimons pas l’admettre, mais nous sommes sous surveillance de masse.

Cette année, nous avons vu apparaître deux nouveautés intéressantes dans le domaine des technologies qui surveillent nos activités : les téléviseurs Samsung qui écoutent les conversations dans la pièce et les envoient quelque part pour les transcrire – juste au cas où quelqu’un demande à la TV de changer de chaîne – et une Barbie qui enregistre les questions de vos enfants et les revend à des tiers.

Tous ces ordinateurs produisent des données sur leur activité et une majeure partie sont des données de surveillance. C’est la localisation de votre téléphone, à qui vous parlez et ce que vous dites, ce que vous recherchez et écrivez. C’est votre rythme cardiaque. Les entreprises recueillent, stockent et analysent ces données, souvent à notre insu, et généralement sans notre consentement. En se basant sur ces données, ils tirent des conclusions sur les choses avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord, ou auxquelles nous sommes opposés et qui peuvent affecter nos vies profondément. Nous n’aimons pas l’admettre, mais nous sommes sous surveillance de masse.

La surveillance sur Internet a évolué en une architecture scandaleusement vaste, robuste et rentable. Vous êtes traqué à peu près partout où vous allez, par de nombreuses entreprises et intermédiaires : 10 entreprises différentes sur un site, une douzaine sur un autre. Facebook vous traque sur tous les sites possédant un bouton Like (que vous soyez connecté ou non), tandis que Google vous traque sur tous les sites avec un bouton Google+ ou qui utilisent Google Analytics pour analyser leur trafic.

La plupart des entreprises qui vous traquent ont des noms dont vous n’avez jamais entendu parler : Rubicon Project, AdSonar, Quantcast, Undertone, Traffic Marketplace. Si vous voulez voir qui vous traque, installez un de ces plug-ins qui vérifient vos cookies sur votre navigateur web. Je vous garantis que vous serez étonné. Un journaliste a découvert que 105 entreprises différentes traquaient ses utilisations d’Internet sur une période de 36 heures. En 2010, le site a priori anodin qu’est Dictionary.com a installé installait plus de 200 cookies pisteurs dans votre navigateur quand vous le visitiez.

Ce n’est pas différent sur votre smartphone. Les applications vous traquent aussi. Elles traquent votre localisation et parfois téléchargent votre carnet d’adresses, votre agenda, vos favoris et votre historique de recherche. En 2013 le rappeur Jay Z et Samsung se sont associés pour offrir la possibilité aux personnes qui téléchargeaient une application d’écouter son nouvel album avant la sortie. L’application demandait la possibilité de voir tous les comptes du téléphone, de traquer la localisation et les personnes en contact avec l’utilisateur. Le jeu Angry Birds collecte votre localisation même lorsque vous ne jouez pas. Ce n’est plus Big Brother, ce sont des centaines de « little brothers » indiscrets et bavards.

La surveillance est le modèle économique de l’Internet

La plupart des données de surveillance d’Internet sont anonymes par nature, mais les entreprises sont de plus en plus capables de corréler les informations recueillies avec d’autres informations qui nous identifient avec certitude. Vous vous identifiez volontairement à un grand nombre de services sur Internet. Vous le faites souvent avec un nom d’utilisateur, mais de plus en plus les noms d’utilisateur sont liés à votre nom réel. Google a essayé de renforcer cela avec sa « politique du vrai nom », qui obligeait les utilisateurs de Google Plus à s’enregistrer avec leur nom légal, jusqu’à ce qu’il l’abandonne en 2014. Facebook exige aussi des vrais noms. À chaque fois que vous utilisez votre carte de crédit, votre vraie identité est liée à tous les cookies mis en place par les entreprises impliquées dans cette transaction. Et toute la navigation que vous faites sur votre smartphone est associée à vous-même en tant que propriétaire du téléphone, bien que le site puisse ne pas le savoir.

La surveillance est le modèle économique de l’Internet pour deux raisons principales : les gens aiment la gratuité et ils aiment aussi les choses pratiques. La vérité, cependant, c’est qu’on ne donne pas beaucoup le choix aux gens. C’est la surveillance ou rien et la surveillance est idéalement invisible donc vous ne devez pas vous en soucier. Et tout est possible parce que les lois ont échoué à faire face aux changements dans les pratiques commerciales.

En général, la vie privée est quelque chose que les gens ont tendance à sous-estimer jusqu’à ce qu’ils ne l’aient plus. Les arguments tels que « je n’ai rien à cacher » sont courants, mais ne sont pas vraiment pertinents. Les personnes qui vivent sous la surveillance constante se rendent rapidement compte que la vie privée n’est pas d’avoir quelque chose à cacher. Il s’agit de l’individualité et de l’autonomie personnelle. Il faut être en mesure de décider à qui vous révélez et dans quelles conditions. Il faut être libre d’être un individu sans avoir à se justifier constamment vis-à-vis d’un surveillant.

Cette tendance à sous-estimer la vie privée est exacerbée délibérément par les entreprises qui font en sorte que la vie privée ne soit pas un point essentiel pour les utilisateurs. Lorsque vous vous connectez à Facebook, vous ne pensez pas au nombre d’informations personnelles que vous révélez à l’entreprise ; vous discutez avec vos amis. Quand vous vous réveillez le matin, vous ne pensez pas à la façon dont vous allez permettre à tout un tas d’entreprises de vous suivre tout au long de la journée ; vous mettez simplement votre téléphone portable dans votre poche.

Ces entreprises sont analogues à des seigneurs féodaux et nous sommes leurs vassaux

Mais en acceptant les modèles économiques basés sur la surveillance, nous remettons encore plus de pouvoir aux puissants. Google contrôle les deux tiers du marché de la recherche des États-Unis. Près des trois quarts de tous les utilisateurs d’Internet ont des comptes Facebook. Amazon contrôle environ 30% du marché du livre aux États-Unis, et 70% du marché de l’ebook. Comcast détient environ 25% du marché du haut débit aux USA. Ces entreprises ont un énorme pouvoir et exercent un énorme contrôle sur nous tout simplement en raison de leur domination économique.

Notre relation avec la plupart des entreprises d’Internet dont nous dépendons n’est pas une relation traditionnelle entreprise-client. C’est avant tout parce que nous ne sommes pas des clients – nous sommes les produits que ces entreprises vendent à leurs vrais clients. Ces entreprises sont analogues à des seigneurs féodaux et nous sommes leurs vassaux, leurs paysans et – les mauvais jours – leurs serfs. Nous sommes des fermiers pour ces entreprises, travaillant sur leurs terres, produisant des données qu’elles revendent pour leur profit.

Oui, c’est une métaphore, mais c’est souvent comme cela qu’on le ressent. Certaines personnes ont prêté allégeance à Google. Elles ont des comptes Gmail, utilisent Google Calendar, Google Docs et utilisent des téléphones Android. D’autres ont prêté allégeance à Apple. Elles ont des iMacs, iPhones et iPads et laissent iCloud se synchroniser automatiquement et tout sauvegarder. D’autres encore ont laissé Microsoft tout faire. Certains d’entre nous ont plus ou moins abandonné les courriels pour Facebook, Twitter et Instagram. On peut préférer un seigneur féodal à un autre. On peut répartir notre allégeance entre plusieurs de ces entreprises ou méticuleusement en éviter une que l’on n’aime pas. Malgré tout, il est devenu extrêmement difficile d’éviter de prêter allégeance à l’une d’entre elles au moins.

Après tout, les consommateurs ont beaucoup d’avantages à avoir des seigneurs féodaux. C’est vraiment plus simple et plus sûr que quelqu’un d’autre possède nos données et gère nos appareils. On aime avoir quelqu’un d’autre qui s’occupe de la configuration de nos appareils, de la gestion de nos logiciels et du stockage de données. On aime ça quand on peut accéder à nos courriels n’importe où, depuis n’importe quel ordinateur, et on aime que Facebook marche tout simplement, sur n’importe quel appareil, n’importe où. Nous voulons que notre agenda apparaisse automatiquement sur tous nos appareils. Les sites de stockage dans le nuage font un meilleur travail pour sauvegarder nos photos et fichiers que si nous le faisions nous-mêmes ; Apple a fait du bon travail en gardant logiciels malveillants en dehors de son app store. On aime les mise à jours automatiques de sécurité et les sauvegardes automatiques ; les entreprises font un bien meilleur travail de protection de nos données que ce que l’on n’a jamais fait. Et on est vraiment content, après avoir perdu un ordiphone et en avoir acheté un nouveau, que toutes nos données réapparaissent en poussant un simple bouton.

Dans ce nouveau monde informatisé, nous n’avons plus à nous soucier de notre environnement informatique. Nous faisons confiance aux seigneurs féodaux pour bien nous traiter et nous protéger de tout danger. C’est le résultat de deux évolutions technologiques.

La première est l’émergence de l’informatique dans le nuage. Pour faire simple, nos données ne sont plus ni stockées, ni traitées par nos ordinateurs. Tout se passe sur des serveurs appartenant à diverses entreprises. Il en résulte la perte du contrôle de nos données. Ces entreprises accèdent à nos données – aussi bien le contenu que les métadonnées – dans un but purement lucratif. Elles ont soigneusement élaboré des conditions d’utilisation de service qui décident quelles sortes de données nous pouvons stocker sur leurs systèmes, et elles peuvent supprimer la totalité de notre compte si elles soupçonnent que nous violons ces conditions. Et elles livrent nos données aux autorités sans notre consentement, ni même sans nous avertir. Et ce qui est encore plus préoccupant, nos données peuvent être conservées sur des ordinateurs situés dans des pays dont la législation sur la protection des données est plus que douteuse.

Nous avons cédé le contrôle

La seconde évolution est l’apparition d’appareils grand public sous le contrôle étroit de leur fabricant : iPhones, iPad, téléphones sous Android, tablettes Kindles et autres ChromeBooks. Avec comme conséquence que nous ne maîtrisons plus notre environnement informatique. Nous avons cédé le contrôle sur ce que nous pouvons voir, ce que nous pouvons faire et ce que nous pouvons utiliser. Apple a édicté des règles concernant les logiciels pouvant être installés sur un appareil sous iOS. Vous pouvez charger vos propres documents sur votre Kindle, mais Amazon a la possibilité d’effacer à distance les livres qu’ils vous ont vendus. En 2009, ils ont effacés des Kindles de leurs clients certaines éditions du roman de George Orwell 1984, en raison d’un problème de copyright. Il n’y a pas de façon plus ironique pour illustrer ce sujet.

Amazon is watching what you read
Amazon is watching what you read

Ce n’est pas qu’une question de matériel. Il devient difficile de simplement acheter un logiciel et de l’utiliser sur votre ordinateur comme vous en avez envie. De plus en plus, les distributeurs de logiciels se tournent vers un système par abonnement (c’est ce qu’a choisi Adobe pour le Creative Cloud en 2013) qui leur donne beaucoup plus de contrôle. Microsoft n’a pas encore renoncé à son modèle de la vente, mais s’arrange pour rendre très attrayant l’abonnement à MS Office. Et il est difficile de désactiver l’option d’Office 365 qui stocke vos documents dans le cloud de Microsoft. Les entreprises nous incitent à aller dans ce sens parce que cela nous rend plus rentables en tant que clients ou utilisateurs.

Compte tenu de la législation en vigueur, la confiance est notre seule possibilité. Il n’existe pas de règles cohérentes et prévisibles. Nous n’avons aucun contrôle sur les actions de ces entreprises. Je ne peux pas négocier les règles concernant le moment où Yahoo va accéder à mes photos sur Flickr. Je ne peux pas exiger une plus grande sécurité pour mes présentations sur Prezi ou ma liste de tâches sur Trello. Je ne connais même pas les fournisseurs de cloud chez lesquels ces entreprises ont délocalisé leurs infrastructures. Si l’une de ces entreprises supprime mes données, je ne ai pas le droit d’exiger qu’on me les restitue. Si l’une de ces entreprises donne au gouvernement l’accès à mes données, je n’ai aucun recours. Et si je décide d’abandonner ces services, il y a de grandes chances que je ne puisse pas emporter facilement mes données avec moi.

Les données, c’est le pouvoir, et ceux qui ont nos données ont du pouvoir sur nous.

Le politologue Henry Farrell observe : « Une grande partie de notre vie se déroule en ligne, ce qui est une autre façon de dire que la majeure partie de notre vie est menée selon les règles fixées par les grandes entreprises privées, qui ne sont soumises ni à beaucoup de règlementation, ni à beaucoup de concurrence réelle sur le marché. »

La bonne excuse habituelle est quelque chose comme « les affaires sont les affaires ». Personne n’est obligé d’adhérer à Facebook ni d’utiliser la recherche Google ni d’acheter un iPhone. Les clients potentiels choisissent de se soumettre à des rapports quasi-féodaux en raison des avantages énormes qu’ils en tirent. Selon ce raisonnement, si ça ne leur plaît pas, ils ne devraient pas y souscrire.

Ce conseil n’est pas viable. Il n’est pas raisonnable de dire aux gens que s’ils ne veulent pas que leurs données soient collectées, ils ne devraient pas utiliser les mails, ni acheter en ligne, ni utiliser Facebook ni avoir de téléphone portable. Je ne peux pas imaginer des étudiants suivre leur cursus sans faire une seule recherche sur Internet ou Wikipédia, et encore moins au moment de trouver un emploi, par la suite. Ce sont les outils de la vie moderne. Ils sont nécessaires pour une carrière et une vie sociale. Se retirer de tout n’est pas un choix viable pour la plupart d’entre nous, la plupart du temps ; cela irait à l’encontre de ce que sont devenues les normes très réelles de la vie contemporaine.

À l’heure actuelle, le choix entre les fournisseurs n’est pas un choix entre la surveillance ou pas de surveillance, mais seulement un choix entre les seigneurs féodaux qui vont vous espionner. Cela ne changera pas tant que nous n’aurons pas de lois pour protéger à la fois nous-mêmes et nos données de ces sortes de relations. Les données, c’est le pouvoir, et ceux qui ont nos données ont du pouvoir sur nous.

Il est grand temps que le gouvernement intervienne pour rééquilibrer les choses.

*  *  *  *  *

Crédit image : « Amazon is watching you » par Mike Licht, Licence CC BY 2.0




PIQO : quand on peut faire simple…

Des ordis moins énergivores (mais aussi efficaces) pour les institutions françaises. Libres. assemblés en France ? C’est le pari osé d’une association de Nevers, qui a besoin de sous pour démarrer.
Nous avons voulu en savoir plus avant, peut-être, de mettre la main au portefeuille, et nous sommes allés interroger Émilien Court, l’un des responsables du projet PIQO.

Bonjour, Émilien. Ça vient d’où, ce projet ? Qui êtes-vous ? Comme dirait Isaac : comment justifiez-vous votre existence ?

Je vois qu’on a les mêmes références ! PIQO est le fruit d’un constat : le parc informatique des administrations, entreprises, écoles ou universités est très largement surdimensionné en termes de puissance compte tenu de l’usage qui en est fait. Cela entraîne un coût financier non négligeable en investissement ou consommation électrique. L’impact écologique est également considérable en traitement des déchets électroniques, transport ou production d’énergie. Enfin, tous les équipements informatiques sont actuellement produits en Asie, et il apparaît indispensable de mettre en place un « circuit court » de l’informatique en localisant l’assemblage en France.

PIQO est un projet de synthèse. Ça n’est pas que de l’informatique, c’est aussi un projet social et environnemental.

Je suis tombé dans l’informatique quand j’étais petit, j’en ai même fait mon métier à une époque. Parce que je suis aussi quelqu’un d’engagé et préoccupé par les questions de société, il m’apparaissait normal, dès lors que la technologie le permettait, de la sortir du seul champ de l’informatique pour la mettre au service de l’éducation, de l’économie, de l’environnement ou de l’emploi de façon constructive.

Il n’a pas été difficile de constituer une équipe de personnes issues d’horizons très divers : éducation, économie sociale et solidaire, environnement, industrie, design…

Aujourd’hui, PIQO compte une quinzaine de membres, qui tous voient derrière l’ordinateur un projet de société.

Pourquoi avoir créé une association et faire un crowdfunding ? Vous auriez pu monter une entreprise et démarrer avec un emprunt bancaire…

La question de créer une entreprise ne s’est même pas posée, à vrai dire. PIQO repose sur des technologies libres ou à but non lucratif, et c’est cette philosophie que nous souhaitons porter à grande échelle.

PIQO est aussi un laboratoire. Notre objectif est de démontrer qu’il n’existe pas qu’un seul modèle économique basé sur l’exploitation de l’humain et de la nature. On peut créer de l’activité économique, de l’innovation et des emplois sans recourir au modèle économique libéral. Notre démarche s’inscrit dans l’économie sociale et solidaire, et ce qui peut être fait dans l’informatique peut s’appliquer partout ailleurs.

Dans cette optique de sortie du schéma « capital, dividendes », l’association était la meilleure solution pour garantir l’indépendance et l’autonomie du projet. PIQO n’appartient à personne … ou à tout le monde !

Pourriez vous, nous en dire plus sur les membres de votre association, et ce qui vous a amenés à vous unir ?

Nous sommes issus d’horizons très divers : éducation, santé, technologie, environnement ou encore social. La plupart des membres ne sont pas des pointures en informatique, mais sont cependant tout à fait conscients des enjeux d’un tel projet et de l’impact potentiel sur la société. C’est cette convergence de valeurs qui est la base de notre collaboration, parce que nous avons tous à cœur de proposer une alternative technique, environnementale et sociale.

On a l’impression que le fait que vous êtes tou(te)s Nivernais a une incidence sur la création de PIQO…

La Nièvre, comme beaucoup de départements ruraux, souffre d’une situation économique difficile, d’une baisse de sa population au profit de régions plus prospères, et d’un déficit d’image. La pauvreté de l’offre en matière d’éducation supérieure conduit notamment les bacheliers à quitter le département pour étudier dans les grandes villes, mais peu reviennent finalement sur leur territoire d’origine. La Nièvre offre cependant une excellente qualité de vie et Nevers est une ville à taille humaine dotée de bonnes infrastructures. Parmi les voies de développement, il y a évidemment le numérique. Toutes les villes aujourd’hui essaient de s’équiper pour attirer les entreprises du secteur et cela conduira à une mise en concurrence acharnée des territoires. Je pense que pour être efficaces, ces stratégies doivent tendre à se spécialiser faute de pouvoir affronter les métropoles française ou européennes. L’exemple de Lannion en Bretagne est à suivre. Cette ville de 20 000 habitants a développé son économie autour des technologies de télécommunication, notamment en proposant une offre éducative adaptée.

La Nièvre a ses propres atouts et problématiques. Il serait pertinent de s’appuyer dessus pour développer le numérique : la santé, la prise en charge des personnes âgées ou dépendantes, le tourisme, la compétition automobile et pourquoi pas le logiciel libre. C’est là que PIQO a un rôle à jouer parce que notre volonté est d’offrir au territoire une opportunité de développement qui réponde à des exigences environnementales, éthiques, sociales, et locales.

Je me dis souvent qu’on n’a pas besoin de 4Gio de Ram pour faire de la bureautique. C’est ça, votre postulat de départ ?

Je n’irai pas, comme Bill Gates en 1981, jusqu’à dire que « 640 Ko de mémoire devraient suffire à tout le monde », mais effectivement 4Gio de RAM pour faire de la bureautique c’est trop !

L’informatique a connu une croissance technologique et économique fulgurante. Les ordinateurs sont beaucoup plus puissants qu’hier et beaucoup moins que demain. Pour autant, il faut en mesurer l’impact sur notre civilisation.

Regardons ce qui se passe dans un autre secteur industriel : l’automobile. La notion d’efficience est devenue une nécessité en raison des conséquences environnementales et de l’explosion du coût de l’énergie. La voiture s’adapte de plus en plus aux besoins de l’utilisateur. Il est désormais difficilement concevable d’acheter un véhicule qui consomme 15 litres aux 100km pour faire de petits trajets urbains. Alors que les industriels se livraient par le passé une guerre sur le terrain de la puissance, aujourd’hui ils communiquent sur le confort, la sécurité ou la consommation. Les V8, les V10 ou les V12 disparaissent peu à peu des concessions.

On doit se poser les mêmes questions dans l’informatique. Lorsque j’achète un ordinateur, quelles sont les conséquences sur l’environnement, sur mon portefeuille, sur les ouvriers qui l’ont fabriqué ?

piqo

Certains commentateurs émettent des doutes en se référant au prix du Raspberry Pi 2, qui est le socle de votre solution. Que leur répondez-vous ?

Effectivement, de façon très surprenante nous sommes la cible d’attaques en règle sur ce point. Il nous est souvent opposé que le prix d’un Raspberry Pi 2 n’est que de 35-40€, ce qui est totalement vrai !

Restons pragmatiques. Le coût global d’un produit ne dépend malheureusement pas que du prix d’un seul de ses composants, fut-il aussi essentiel. Si nous pouvions vendre PIQO sous les 50€ nous le ferions avec plaisir, notre objectif n’étant pas le profit. Nous envisageons par ailleurs la possibilité d’une version moins chère dotée d’une mémoire de 8Gio.

Il faut bien comprendre que le Raspberry PI 2 est le socle de notre solution, mais c’est une carte inerte et pour en faire un ordinateur fonctionnel et plug and play pour tout le monde, nous devons lui ajouter d’autres éléments : 32 Gio de mémoire, une alimentation électrique, un boîtier, un OS, un conditionnement etc. Le prix de revient double presque au passage.

Ensuite, il y a des charges liées à la production et à la commercialisation de PIQO : les locaux, le matériel, la logistique ou le service après-vente pour en citer quelques-unes. Les contraintes économiques ne sont pas les mêmes que lorsqu’on bricole à la maison.

Comme toute activité économique, PIQO est soumis à la TVA, ça représente 16,5 € par exemplaire, ainsi qu’à l’IS et à la CFE.

Enfin, « but non lucratif » ne signifie pas « bénévole ». Les dirigeants de l’association ne sont pas rémunérés, mais pour assembler et distribuer PIQO, il faut créer des emplois, et c’est même l’une de nos missions en favorisant l’insertion et la formation des plus précaires.

Nous mettons un point d’honneur à être transparents sur l’activité économique de PIQO, et les coûts liés à sa production sont détaillés sur notre site. Nous poursuivrons cette transparence à l’avenir.

Par ailleurs, PIQO est une association ouverte à laquelle tout le monde peut adhérer pour prendre part aux décisions ou élire le conseil d’administration.

Ce qui est évident, c’est que notre solution ne convient pas aux besoins des technophiles, il leur suffit d’acheter un Rasperry Pi et de bidouiller. On retrouve le même principe chez ceux qui préfèrent montent leur PC et ceux qui l’achètent assemblé au supermarché du coin. Mais le grand public, les administrations ou les entreprises ont besoin de solutions clés en main, d’un service après-vente et de conseils. C’est ce que nous proposons.

D’accord, mais il a quelle valeur ajoutée, le PIQO, par rapport à des solutions qui existent déjà, comme le Linutop et le Cubox ? Qu’est-ce qu’on y trouve de plus ?

Linutop est deux à trois fois plus cher pour des performances similaires voire moindres. Cubox est un beau produit et affiche des prix nettement plus proches, mais sous Android, un OS peu adapté à l’usage desktop auquel nous destinons PIQO, sans parler de l’ingérence de Google dans cet environnement.

Notre objectif est clairement de proposer un ordinateur bureautique, qui prenne en compte les questions sociales, environnementales, et qui soit proche de ses utilisateurs particuliers, professionnels ou institutionnels.

PIQO sera un ordinateur déjà rempli de logiciels… libres. Ce choix du logiciel libre (outre son avantage financier), c’est aussi un choix éthique ? Et du coup, allez-vous mettre votre distribution maison à disposition des bidouilleurs et bidouilleuses qui veulent faire leur PIQO de leurs propres mimines ?

Le choix du logiciel libre est effectivement éthique. La contrainte financière est réelle aussi puisqu’il serait impossible de proposer PIQO à un tel prix avec des logiciels propriétaires. Nous aimons particulièrement l’idée que des milliers de personnes à travers le monde ont travaillé pendant toutes ces années pour aboutir à cet éventail de logiciels, sans rien attendre en retour que la satisfaction d’avoir été utiles à la collectivité. Nous travaillons avec la même philosophie et notre distribution basée sur Xubuntu sera évidemment disponible en téléchargement (c’est déjà le cas de la pre-alpha).

Par ailleurs, il n’y a pas de LUG actif dans la Nièvre, est ce que le projet PIQO, ou des membres de votre association, prévoient de développer des actions autour du Logiciel Libre ?

Nevers comme capitale française du logiciel libre, l’idée est séduisante ! Certains membres de l’association utilisent le Libre depuis longtemps, d’autres le découvrent et sont surpris de voir qu’il est en fait tout à fait possible de s’extraire des systèmes propriétaires. La vocation de PIQO est de faire cette démonstration à grande échelle, et cela passe par des actions de terrain. J’aimerais personnellement beaucoup pouvoir organiser des install-parties ou des conférences dans la Nièvre pour expliquer ce qu’est la philosophie du libre et sensibiliser les utilisateurs aux risques des logiciels propriétaires. On a de la place pour accueillir du monde et le cadre est sympa !

En fait en soutenant PIQO, on soutient indirectement des actions en faveur du logiciel libre et de l’open hardware dans la Nièvre ?

On peut dire ça. Le principe de réciprocité est selon moi indissociable du Libre. Si PIQO rencontre le succès, il est normal qu’à son tour l’association se fasse le porte-voix de cette philosophie et fédère autours d’elle d’autres utilisateurs, acteurs ou curieux.

Émilien, du projet PIQO. Photo Jérémie Nestel - CC by-sa
Émilien, du projet PIQO.
Photo Jérémie Nestel – Licences Art Libre


Supposons que la Mairie de Paris, qui vient d’adhérer à l’APRIL, vous passe commande pour 20.000 PIQO. Vous pouvez fournir ?

Vous me l’apprenez, c’est une grande nouvelle ! Nous sommes déjà en discussion avec des collectivités pour des volumes de 1500 pièces par an. 20 000 pièces d’un coup c’est une commande énorme, et un investissement considérable. Mais avec l’appui de nos partenaires institutionnels, et un délai raisonnable, nous serions en mesure de relever le défi.

Un dernier mot pour nous convaincre de participer à votre financement participatif ?

Le Libre est mûr pour faire son entrée dans la cour des grands ! Nous tâchons modestement à notre échelle d’œuvrer dans ce sens, tout en développant une activité économique qui soit socialement et moralement responsable.
Ça demande parfois un petit effort d’imagination pour certains, mais c’est possible !

En savoir plus et contribuer :

* Le site du projet PIQO : http://www.piqo.fr/
* Le financement participatif : http://www.kisskissbankbank.com/piqo
* Contacter l’équipe : http://www.piqo.fr/contact/

 


 

Merci à Jérémie Nestel d’être allé enquêter sur place.




MyPads point de la semaine 21

img-mypads-ulule2Tâches réalisées

Le prestataire a été à l’arrêt pour raison médicale la semaine 20 ainsi qu’une partie de la semaine 21. Les avancées n’ont donc couru que sur quelques journées et se sont focalisées sur la page de liste des groupes avec :

  • une séparation claire entre les groupes mis en favoris, ceux en lecture seule et les autres ;
  • un léger remodelage de la vision des éléments principaux pour chaque groupe directement sur cette page ;
  • une recherche par mot clé, insensible à la casse, qui parcourt les noms et labels associés à chaque groupe ;
  • des filtres pré-définis : les groupes dont je suis administrateur, ceux dont je suis simple utilisateur, les groupes restreints, privés ou publics ;
  • des filtres par labels (tags) : la liste de tous les labels employés pour les groupes affichés est disponible dans la barre de filtres et il est possible d’en sélectionner un ou plusieurs ;
  • chaque filtre est cumulable : il est par exemple possible de rechercher les groupes dont le mot « informatique » apparaît dans le titre, qui ont pour labels « astuce » et « programmation » et qui sont publics ;
  • le test fonctionnel de cette page.

Cette semaine

La gestion des pads sur le client Web va enfin démarrer et devrait pouvoir être terminée dès cette semaine. Il est également prévu la prise en charge des invitations pour les groupes et pads restreints ainsi que le partage d’administration avec d’autres utilisateurs.

 

MyPads, week 21

img-mypads-ulule2Tasks done

The contractor has paused the development for medical reason during week 20 and for part of week 21. So progress has been focused around group list page with :

  • a clear separation between bookmarked groups, archived ones and others;
  • a light redesign of visible elements per group into this page;
  • search by keyword, case-insensitive, processing group names and tags;
  • ready-made filters : groups I am administrator, those I am just user, restricted, private or public groups;
  • tags filters : a list of all tags used for displayed groups is available into the filters sidebar and it’s possible to select one or more;
  • each filter is cumulative : for example you can search for groups with the word « computer », which have tags « tooltip » and « development » and are public;
  • functional testing of this module.

This week

Pads management, into the Web client, will finally begin and should be done this week. It’s also planned to start user invitation for groups and pads and administration sharing with other.




#FixCopyright : deux visions d’une journée au Parlement Européen

Nous poursuivons notre série d’articles sur le rapport Reda avec le récit de la journée « Meet the New Authors » par deux créateurs de contenu différents. Cette journée, organisée par l’eurodéputée Julia Reda et son cabinet, avait pour but de montrer la création qui se fait par et pour internet, et de donner voix à ces artistes qui ne veulent pas que l’on emprisonne des pirates et entérine une guerre au partage « en leur nom ».

Étrangement, voici deux créateurs qui ne se connaissent pas, qui ont vécu une expérience différente de cette journée, et qui pourtant en repartent avec la même réserve…

Auteur et éditeur (au sein de la maison d’édition numérique Walrus ebooks qui offre de belles nuits blanches à bien des membres de l’asso), Neil Jomunsi expérimente régulièrement autour de l’écriture numérique et incite fortement les auteurs à publier sous licence Creative Commons. Le bilan qui suit est donc CC-BY-SA Neil Jomunsi et a été originellement publié sur son blog « Page 42. »

Neil et Pouhiou, des auteurs très à l'aise avec les selfies.
Neil et Pouhiou, des auteurs très à l’aise avec les selfies.

Meet the New Authors : petit bilan

Le lundi 20 avril dernier a eu lieu au Parlement européen de Bruxelles un évènement organisé par l’eurodéputée Julia Reda et son équipe. Intitulée « Meet the New Authors », la journée donnait la parole aux artistes, journalistes, philosophes qui mettent le Web au centre de leur processus de création et qui, pour la plupart, voient dans les propositions du rapport Reda une manière d’engager un dialogue nécessaire sur l’évolution du droit d’auteur au regard des défis qui s’offrent à nous — qu’il s’agisse de la baisse de revenu des artistes, du piratage, des nouveaux moyens de financement et de diffusion, des restrictions territoriales ou de l’essor d’une culture indépendante et diversifiée. J’avais la chance d’être invité à m’exprimer aux côtés de l’écrivain Cory Doctorow, de la réalisatrice Lexi Alexander, du youtubeur et écrivain Pouhiou, du cyberphilosophe Alexander Bard, de Brit Stakston et de Martin Shibbye du projet journalistique Blank Spot, du photographe Jonathan Worth et du réalisateur Nicolas Alcala — autant de créateurs et d’innovateurs aux parcours très instructifs. Autant dire que la journée a été pour moi très inspirante.

À notre arrivée, un déjeuner avait été préparé dans un salon du Parlement. Autour de la table, Julia Reda, son équipe et les invités, mais aussi quelques eurodéputés — certains acquis aux idées du rapport, d’autres plus sceptiques — invités à partager un moment de discussion informelle. Cory Doctorow engage une conversation animée avec la députée assise à côté de moi. Il parle vite, et même si je considère avoir un niveau d’anglais assez correct, certaines phrases m’échappent. Je participe à l’échange, qui devient vite une tentative de convaincre la députée du bien-fondé de certaines idées. Elle est ouverte à la discussion, écoute nos arguments, semble en prendre note. À ma droite, Brit Stakston et Martin Shibbye m’expliquent comment ils ont sorti un journal de ses ennuis financiers grâce au crowdfunding. Un peu plus tard, dans le panel dans lequel elle s’exprime, Brit Stakston expliquera, entre autres choses passionnantes, qu’il faut toujours si possible faire coïncider la fin d’un crowdfunding avec une fin de mois — le moment où les internautes reçoivent leur salaire, et où ils sont donc plus enclins à la générosité. Pas bête. Un peu plus loin, Pouhiou est en grande discussion avec l’excentrique cyberphilosophe, qui lors du tour de présentation a affirmé être plus riche que nous ne pourrions jamais en rêver. Je ne comprends pas le thème de leur discussion, mais je crois entendre que ça parle de sexe et que c’est très animé. D’une manière générale, quand il s’empare d’un sujet, ça s’énerve assez vite. Le cinquantenaire — crâne rasé, barbe de hipster et short d’écolier — aime catalyser l’attention.

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Avant le dessert, nous partons avec Cory Doctorow et Lexi Alexander pour une conférence de presse. La salle n’est pas bondée, mais les journalistes attentifs. Face à mon hésitation entre utiliser Julien Simon et mon nom d’auteur, Lexi Alexander me suggère de toujours me présenter en tant que Neil Jomunsi — question d’image et de marketing. Je sais qu’elle a raison, mais autant je n’ai aucun mal à utiliser mon nom de plume par écrit, j’ai encore un peu de mal à l’employer à l’oral. Va pour Neil, donc. Après une introduction de Julia Reda, nous expliquons en deux mots la raison de notre présence et notre vision du problème face aux journalistes. Cory Doctorow et Lexi Alexander sont beaucoup plus rompus que moi à l’exercice — d’ailleurs, je ne savais même pas qu’on m’inviterait à la conférence de presse et je n’avais rien préparé. Heureusement, il y a des traducteurs : je peux m’exprimer en français. J’improvise. Première vraie conférence de presse pour moi, ça se passe mieux que je le pensais, mais c’est impressionnant. La session est chronométrée, nous devons partir à 14h pour les panels.

Le grand amphithéâtre est plutôt bien rempli quand nous arrivons. Je m’installe sur la scène à côté de Pouhiou, déjà assis, de la modératrice Jennifer Baker, du cyber-philosophe Alexander Bard et de la réalisatrice Lexi Alexander. Nous expliquons pourquoi nous sommes favorables à telle réforme ou à tel point du rapport, expliquons les problèmes que nous rencontrons et les solutions que nous aimerions voir mises en place. Le ton monte vite, s’accélère, s’envenime même un peu. Je ne suis pas très à l’aise quand il s’agit de hausser la voix, je préfère des discussions posées, pas facile de trouver le rythme. La salle, remplie en partie de membres du Parti Pirate, est acquise à la cause et applaudit sitôt qu’une pique est adressée à l’industrie culturelle. Quand le président d’une société d’auteurs prend la parole lors des questions du public, les pannelistes le rembarrent. D’une manière générale, j’ai l’impression que le débat autour du droit d’auteur manque de nuances : soit on est pour une réforme, soit on est contre. Quand on est pour, c’est qu’on veut « supprimer le droit d’auteur » selon ceux qui s’opposent à toute réforme. Quand on ne veut rien changer, c’est qu’on est un « vieux con passéiste qui n’a rien compris à internet » selon les partisans de la réforme. Il n’y a pas d’entre-deux et je trouve ça assez dommage, ça me fait penser à ces discussions sur l’allaitement où chacun campe sur ses positions. À la fin du panel, j’ai l’impression que tout le monde a dit ce qu’il avait à dire, mais que le débat n’a pas vraiment avancé. C’est une des choses que je retiendrai de cette journée : il faut de la nuance, tout le temps et le plus possible. Discuter avec tout le monde. Nous avons à apprendre des deux côtés. D’ailleurs, à la fin de la session, je vais discuter avec le représentant de la société d’auteurs. Le dialogue est franc, plutôt cordial une fois qu’il constate que je n’ai rien d’un ayatollah. On s’accorde à dire qu’il faudrait davantage de discussions posées entre les différents « camps », peut-être loin du public et des caméras qui ne font qu’exacerber les tensions.

J’écoute le second panel, celui auquel participe Cory Doctorow, avec grande attention. Le ton est plus posé, moins revendicatif, moins énervé aussi, du coup je le trouve beaucoup plus intéressant. Cory Doctorow a l’habitude de participer à de tels évènements : on sent qu’il a de l’expérience. Chaque phrase qu’il prononce donne l’impression d’être tirée d’un puits de bon sens, une punchline toutes les minutes, la salle écoute, oreilles grandes ouvertes. Ce type est passionnant. Quand je lui demande plus tard quel est son secret, il m’explique qu’il suffit de participer à ce genre de conférence des dizaines de fois par an et que l’habitude fait le reste. C’est un auteur très accessible, un « pro », qui fait le boulot et reste d’égale humeur tout du long. Les anglo-saxons savent faire ressentir une certaine proximité là où beaucoup d’auteurs européens que j’ai rencontrés n’y arrivent pas. C’est un truc que j’aimerais bien apprendre — surmonter ma timidité surtout, qui peut vu de l’extérieur ressembler à une certaine froideur. Doctorow a sorti un livre l’année dernière « Information doesn’t want to be free », que j’avais dévoré en numérique à sa sortie. Il nous en explique quelques axes forts. Les crowfunders suédois poursuivent la discussion, suivis du photographe Jonathan Worth qui publie une partie de ses images sous licence Creative Commons et de Nicolas Alcala, auteur du projet transmedia et sous Commons « Le Cosmonaute ». Ce dernier semble assez désabusé, presque déçu, de son expérience. Mais il nous expliquera au dîner que même si cela avait été dur, il a encore beaucoup de projets à venir.

Nous terminons la journée par une présentation plus complète du livre de Cory Doctorow par l’auteur lui-même, qui se termine en séance de dédicace. L’équipe — qui a fait du super boulot tout au long de la journée — a prévu des dizaines d’exemplaires gratuits à distribuer, que l’écrivain dédicace à tours de bras au terme des questions-réponses. On prend quelques photos, puis nous terminons la soirée dans un bar-restaurant près du Parlement. Nous sommes une bonne cinquantaine et l’atmosphère bruyante n’est pas forcément propice à la réflexion : pas grave, nous en profitons pour causer et rire autour d’une bière — il faut dire que la pression retombe. Des mails sont échangés, des pseudos Twitter aussi, et tout le monde se quitte sur les coups de 23h-minuit. Bruxelles bruisse de politique en permanence, mais elle semble plutôt calme une fois la nuit tombée.

J’ai trouvé cette journée vraiment enrichissante, et elle m’a beaucoup inspiré pour les semaines et les mois à venir. Je remercie Julia Reda et son équipe de m’y avoir convié, et j’aurai l’occasion d’expliquer plus en détails les conséquences directes des réflexions dans lesquelles elle m’a plongé. En attendant, je ne peux que vous conseiller de lire (ou de relire, ce que je suis en train de faire) le livre de Cory Doctorow. Cet ouvrage est un phare dans la brume des questions nébuleuses qui se posent à nous autour d’une éventuelle réforme positive du droit d’auteur et j’invite chacun à en prendre  connaissance.

Neil Jomunsi

NotaBene : le bilan en vidéo

Benjamin Brillaud est le créateur de NotaBene, une chaîne YouTube sur la thématique de l’Histoire. Il est aussi à l’origine du collectif des Vidéastes d’Alexandrie (des vidéos à thématique culturelle sur YouTube). Il a surtout été très enthousiaste dès que l’idée a circulé sur les réseaux de faire une vidéo soutenant le rapport REDA, et c’est lui qui s’est chargé de monter/réaliser cette vidéo « Nos Créations sont Hors la Loi » (en travaillant au passage à rassembler les troupes et les énergies).

Tous les vidéastes ont été invités à assister à cette journée Meet The New Authors. Finalement, seuls Fujixguru (le papa de l’internet), lui et moi avons pu nous y rendre. Il tire de cette journée un reportage vidéo (attention c’est sur YouTube et non-libre ^^) très intéressant ainsi qu’une conclusion en demi-teinte…


Vidéo « Nota Bene - bilan de la journée au parlement européen » sur Youtube

 




Nous voulons (aussi) du matériel libre !

…nous dit Richard Stallman. Le logiciel a ses licences libres, la culture et la création artistique ont aussi leurs licences libres. Mais depuis quelques années les créations physiques libres se multiplient, ce qui rend urgent de poser les questions des libertés associées aux objets, comme aux modèles de conception qui permettent de les réaliser. Avec beaucoup d’acuité et de précision, Richard Stallman examine ces nouveaux problèmes et évalue la possibilité d’adapter à ce nouveau domaine les principes libristes employés pour les logiciels.

La version originale en anglais de cet article a été publiée en deux parties dans wired.com en mars 2015 :

  1. Pourquoi nous avons besoin de plans libres pour le matériel
  2. Les plans du matériel doivent être libres, voici comment procéder

L’article ci-dessous reprend le texte publié sur le site gnu.org. C’est le fruit d’une traduction collaborative entre Sébastien Poher et Framalang (Thérèse Godefroy, aziliz, Omegax, Piup, r0u, sebastienc, goofy) – Révision : trad-gnu@april.org.

 

Matériel libre et plans libres pour le matériel

par Richard M. Stallman

3Dprinterbot
Dans quelle mesure peut-on appliquer les idées du logiciel libre au matériel ? Est-ce une obligation morale de rendre libres les plans de notre matériel, tout comme c’en est une de rendre libre notre logiciel ? Est-ce que conserver notre liberté nous oblige à refuser le matériel construit sur des plans non libres ?

Définitions

L’expression « logiciel libre »1 se réfère à la liberté et non au prix ; en gros, elle signifie que les utilisateurs du logiciel sont libres de le faire fonctionner, de le copier et de le redistribuer, avec ou sans modification. Plus précisément, la définition repose sur les quatre libertés essentielles. Pour bien faire ressortir que free fait référence à la liberté et non au prix, nous accolons souvent le mot français ou espagnol « libre » à free.

Si l’on transpose directement ce concept au matériel, matériel libre signifie que l’utilisateur est libre de l’utiliser, de le copier
et de le redistribuer, avec ou sans modification. Toutefois, il n’y a pas de système de copie pour les objets matériels, à part la reproduction des clefs, de l’ADN et de la forme extérieure d’objets plastiques. La plupart des composants matériels sont fabriqués sur plan. Le plan précède le matériel.

Par conséquent, le concept dont nous avons vraiment besoin est celui de plan libre pour le matériel. C’est simple, il s’agit d’un plan dont l’utilisateur peut se servir (c’est-à-dire à partir duquel il peut fabriquer le matériel) et qu’il peut copier et redistribuer, avec ou sans modification. Un tel plan doit offrir les quatre libertés, évoquées plus haut, qui définissent le logiciel libre. Le terme « matériel libre » désigne alors un matériel pour lequel un plan libre est disponible.

Lorsque les gens découvrent le concept de logiciel libre pour la première fois, ils l’assimilent souvent à « possibilité d’en obtenir gratuitement un exemplaire ». Il est vrai que beaucoup de programmes libres sont disponibles à prix nul, puisque cela ne vous coûte rien de télécharger votre propre copie, mais ce n’est pas le sens de free dans free software (de fait, certains programmes espions tels que Flash Player ou Angry Birds sont gratuits, bien qu’ils ne soient pas libres). Accoler le mot « libre » à free aide à clarifier ce point.

Pour le matériel, cette confusion tend à aller dans l’autre direction ; les composants matériels ont un coût de production, donc ceux qui sont produits dans un but commercial ne peuvent être gratuits (à moins qu’il ne s’agisse de produits d’appel ou de vente liée), mais cela n’empêche pas leurs plans d’être libres. Les objets que vous fabriquez avec votre imprimante 3D peuvent être très bon marché, mais ils ne seront pas totalement gratuits car vous devez payer pour le matériau brut. D’un point de vue éthique, l’enjeu de la liberté prime absolument sur l’enjeu du prix, car un appareil qui refuse la liberté à ses utilisateurs vaut moins que rien.

Les expressions « matériel ouvert » et « matériel open source » sont utilisées par certains avec la même signification que « matériel libre », mais elles minimisent la problématique de la liberté. Elles sont dérivées de l’expression « logiciel open source », qui correspond plus ou moins au logiciel libre, mais passe sous silence la liberté et ne présente pas la problématique en termes d’opposition bien-mal. Pour souligner l’importance de la liberté, nous ne manquons pas d’y faire référence chaque fois que cela est pertinent ; puisqu’« open » ne permet pas cette distinction, ne le substituons pas à « libre ».

Matériel et logiciel

Le matériel et le logiciel sont fondamentalement différents. Un programme,même sous sa forme compilée exécutable, est une collection de données qui peut être interprétée comme instructions par un ordinateur. Comme toute autre création numérique, on peut le copier et le modifier en se servant d’un ordinateur. Un exemplaire de programme n’a pas de forme physique ni matérielle intrinsèque.

Au contraire, le matériel est une structure physique et sa nature physique est cruciale. Alors que le plan du matériel peut être représenté par des données, même par un programme dans certains cas, le plan n’est pas le matériel. Le plan d’un CPU ne peut pas exécuter un programme. Vous n’irez pas très loin en essayant de taper sur le plan d’un clavier ni en affichant des pixels sur le plan d’un écran.

De plus, alors que vous pouvez vous servir d’un ordinateur pour modifier ou copier le plan d’un composant matériel, un ordinateur ne peut pas convertir ce plan dans la structure physique qu’il décrit. Cela demande un équipement de fabrication.

La frontière entre matériel et logiciel

Où se situe la frontière, dans un appareil numérique, entre matériel et logiciel ? Nous pouvons la déterminer en appliquant les définitions suivantes : le logiciel est la partie opérante d’un appareil qui peut être copiée et modifiée dans un ordinateur ; le matériel est la partie opérante qui ne peut pas l’être. C’est le meilleur moyen de faire la distinction car cela renvoie à des conséquences pratiques.

Entre le matériel et le logiciel, il existe une zone grise occupée par les micrologiciels [firmware] qui peuvent être mis à jour ou remplacés, mais ne sont pas conçus pour être mis à jour ou remplacés une fois le produit vendu. En termes conceptuels, la zone grise est plutôt mince. En pratique, ceci est important car de nombreux produits sont concernés. Nous pouvons donc presque considérer ces micrologiciels comme du matériel.

Certaines personnes ont prétendu que préinstaller des micrologiciels et des circuits logiques programmables de type « FPGA » (réseau de portes programmables in situ) « effacerait la frontière entre matériel et logiciel », mais je pense qu’il s’agit là d’une mauvaise interprétation des faits. Un micrologiciel installé lors de l’utilisation est un logiciel ordinaire ; un micrologiciel intégré à un appareil et non modifiable est un logiciel par nature, mais nous pouvons le traiter comme si c’était un circuit. Dans le cas des FPGA, le circuit FPGA lui-même est du matériel, mais le schéma logique de portes chargé dans ce circuit FPGA est une sorte de micrologiciel.

Faire fonctionner des schémas de portes libres sur des FPGA pourrait être une méthode utile pour créer des appareils numériques libres au niveau des circuits. Toutefois, pour rendre ces FPGA utilisables dans le monde du libre, nous avons besoin d’outils de développement libres adaptés. L’obstacle à cela est que le format du fichier de schéma logique de portes chargé dans le FPGA est secret. Jusqu’à récemment, il n’existait aucun modèle de FPGA pour lequel ces fichiers pouvaient être reproduits sans outils non libres (privateurs).

Grâce aux efforts de rétroingénierie, il est maintenant possible de compiler des programmes écrits en C et de les exécuter sur le circuit FPGA Xilinx Spartan 6 LX9. Ces outils ne gèrent pas encore le code HDL (langage de description de matériel), cela n’offre donc pas une alternative utilisable pour de vrais circuits numériques. D’un autre côté, ce modèle de FPGA se fait vieux. Ces outils constituent une formidable avancée en comparaison de la situation d’il y a quelques années, mais la route est encore longue avant que les FPGA ne soient totalement utilisables en toute liberté.

Quant au code HDL lui-même, il peut agir en tant que logiciel (lorsqu’il s’exécute dans un émulateur ou après chargement dans un FPGA) ou en tant que schéma de composant matériel (lorsqu’il est mis en œuvre dans des semiconducteurs inamovibles ou dans un circuit imprimé).

La question éthique posée par les imprimantes 3D

Sur le plan éthique, le logiciel doit être libre, car un programme non libre est source d’injustice. Faut-il avoir la même optique en ce qui concerne la conception de matériel ?

Il le faut, sans aucun doute, dans les domaines concernés par l’impression 3D (ou plus généralement par toute fabrication personnelle). Les modèles servant à imprimer des objets utiles, pratiques (c’est-à-dire fonctionnels plutôt que décoratifs) doivent être libres parce qu’ils sont réalisés dans un but utilitaire. Les utilisateurs doivent en avoir le contrôle, tout comme ils doivent avoir le contrôle des logiciels qu’ils utilisent. Diffuser un modèle non libre pour un objet fonctionnel est aussi mal que de diffuser un programme non libre.

Soyez attentifs à choisir des imprimantes 3D fonctionnant avec du logiciel exclusivement libre ; la Free Software Foundation homologue de telles imprimantes. Certaines imprimantes 3D sont conçues à partir de plans libres mais la Makerbot est de conception non libre.

Devons-nous refuser le matériel numérique non libre ?

La conception non libre d’un matériel numérique (*) engendre-t-elle une injustice ? Devons-nous, au nom de nos libertés, rejeter tous les matériels numériques créés à partir de plans non libres, tout comme nous devons rejeter le logiciel non libre ?

Étant donné qu’il y a un parallèle conceptuel entre les plans du matériel et le code source du logiciel, beaucoup de bidouilleurs de matériel informatique sont prompts à condamner les plans non libres au même titre que le logiciel non libre. Je ne suis pas d’accord, car la situation est différente pour le matériel et le logiciel.

De nos jours, les technologies de fabrication des puces et des circuits ont beaucoup de similitudes avec la presse à imprimer : elles se prêtent parfaitement à une production de masse dans une usine. Cela ressemble plus à la façon dont on copiait des livres en 1950 qu’à la façon dont on copie du logiciel aujourd’hui.

La liberté de copier et de modifier le logiciel est un impératif éthique car ces activités sont à la portée de ceux qui utilisent le logiciel : l’équipement qui vous permet d’utiliser le logiciel (un ordinateur) est suffisant pour le recopier et le modifier. Les ordinateurs mobiles d’aujourd’hui sont trop peu puissants pour être adaptés à cet usage, mais n’importe qui peut se procurer un ordinateur assez puissant.

De plus, même si vous-même n’êtes pas programmeur, il vous suffit d’un ordinateur pour télécharger et exécuter la version modifiée par une personne capable d’effectuer cette modification. Et de fait les non-programmeurs téléchargent des logiciels et en font tourner tous les jours. C’est pourquoi le logiciel libre change véritablement les choses pour eux.

Dans quelle mesure cela est-il transposable au matériel ? Ceux qui utilisent du matériel numérique ne savent pas toujours modifier le schéma d’un circuit ou d’une puce, mais tous ceux qui possèdent un ordinateur ont l’équipement nécessaire pour le faire. Jusque-là, le matériel et le logiciel sont similaires, mais ensuite vient la grande différence.

Vous ne pouvez pas compiler et exécuter les plans d’un circuit ou d’une puce sur votre ordinateur. Construire un circuit complexe représente beaucoup de travail méticuleux et cela suppose que vous disposiez de la carte. Fabriquer une puce n’est pas faisable par une personne isolée aujourd’hui ; seule la production de masse permet de réduire suffisamment les coûts. Avec la technologie actuelle, les utilisateurs ne peuvent pas télécharger et faire tourner le plan d’un composant numérique modifié par Amélie la bricoleuse, alors qu’ils peuvent le faire avec un logiciel modifié par Amélie la programmeuse. Ainsi, les quatre libertés ne donnent pas aux utilisateurs le même contrôle collectif sur un plan de matériel que sur un logiciel. C’est à partir de là que le raisonnement démontrant que tout logiciel doit être libre cesse de s’appliquer aux technologies actuelles de fabrication du matériel.

En 1983, il n’y avait pas de système d’exploitation libre mais il était clair que si nous en disposions, nous pourrions l’utiliser immédiatement et accéder à la liberté du logiciel. Tout ce qui manquait était le code d’un système de ce type.

En 2015, même si nous avions des plans libres pour un processeur de PC, les puces produites en série à partir de ces plans ne nous donneraient pas la même liberté dans le domaine du matériel. Si nous achetons un produit fabriqué en série dans une usine, cette dépendance envers l’usine cause la plupart des problèmes rencontrés avec les plans non libres. Pour que des plans libres nous donnent la liberté du matériel, nous avons besoin de technologies de fabrication nouvelles.

Nous pouvons envisager un avenir dans lequel nos « fabricateurs » personnels pourront fabriquer des puces et nos robots pourront les assembler et les souder avec les transformateurs, interrupteurs, touches, écrans, ventilateurs, etc. Dans ce monde futur, nous fabriquerons tous nos propres ordinateurs (ainsi que nos fabricateurs et nos robots) et nous serons en mesure d’utiliser à notre avantage les plans modifiés par ceux qui maîtrisent la conception du matériel. Les arguments pour rejeter le logiciel non libre s’appliqueront alors aussi aux plans du matériel.

Ce monde futur se situe à plusieurs années de distance, au moins. En attendant, il n’est pas nécessaire de rejeter par principe le matériel dont les plans ne sont pas libres.


* Ici, « matériel numérique » recouvre également le matériel utilisant quelques circuits et composants analogiques en plus des circuits et composants numériques.

Nous avons besoin de plans libres pour le matériel numérique

Bien que dans la situation actuelle nous n’ayons pas besoin de rejeter le matériel numérique issu de plans non libres, nous avons besoin de développer des plans libres et nous devons les utiliser quand c’est faisable. Ils procurent des avantages aujourd’hui, et à l’avenir ils pourraient être la seule façon d’utiliser du logiciel libre.

La disponibilité de plans libres pour le matériel offre des avantages pratiques. De nombreuses entreprises peuvent fabriquer le même, ce qui réduit la dépendance à un fournisseur unique. Des groupes peuvent s’organiser pour les fabriquer en grande quantité. Lorsqu’on possède les schémas ou le code HDL des circuits, on peut étudier les plans des composants pour y déceler d’éventuelles erreurs ou fonctionnalités malveillantes (il est connu que la NSA a introduit des faiblesses intentionnelles dans certains matériels informatiques). En outre, ces plans libres pourraient servir de modules élémentaires dans la conception d’ordinateurs et autres appareils complexes, dont les spécifications seraient publiées et dont moins de composants pourraient être utilisés contre nous.

Il nous sera peut-être possible d’utiliser des schémas libres pour certains composants de nos ordinateurs et de nos réseaux, ainsi que pour les systèmes embarqués, avant de pouvoir nous en servir pour fabriquer des ordinateurs complets.

Les plans libres pour le matériel pourraient même devenir essentiels avant que nous puissions fabriquer le matériel nous-mêmes, s’ils deviennent la seule façon d’éviter le logiciel non libre. Comme le matériel commercial le plus courant est de plus en plus conçu pour assujettir les utilisateurs, il devient de moins en moins compatible avec le logiciel libre, car ses spécifications sont confidentielles et il oblige le code à être certifié par quelqu’un d’autre que vous. Les puces des modems de téléphones mobiles et même certains accélérateurs graphiques exigent déjà un micrologiciel certifié par le fabricant. Tout programme, tournant sur votre ordinateur, que quelqu’un d’autre a le droit de modifier mais pas vous, est un instrument de pouvoir injuste envers vous ; du matériel qui impose cette exigence est du matériel malveillant. En ce qui concerne les puces des modems de téléphones mobiles, tous les modèles actuellement disponibles sont malveillants.

Un jour, le matériel numérique de conception libre pourrait être l’unique plateforme permettant de faire tourner du logiciel libre. Ayons pour but d’avoir à notre disposition d’ici là les plans numériques libres requis, et espérons que nous aurons les moyens de fabriquer le matériel correspondant à des coûts suffisamment bas pour tous les utilisateurs.

Si vous concevez du matériel, veuillez s’il vous plaît libérer vos plans. Si vous utilisez du matériel, rejoignez notre effort en insistant auprès des entreprises, en faisant pression sur elles, pour qu’elles rendent libres les plans de leur matériel.

Niveaux de conception

Le logiciel a plusieurs niveaux de conception ; par exemple, un paquet peut inclure des bibliothèques, des commandes et des scripts. Mais du point de vue de la liberté du logiciel, ces niveaux ne présentent pas de différence significative parce qu’il est possible de rendre libre chacun d’entre eux. La conception des composants d’un programme est de même nature que la conception du code qui les combine ; de même, compiler les composants à partir de leur code source est de même nature que compiler le programme à partir de son code source. Rendre l’ensemble libre nécessite simplement de poursuivre le travail jusqu’à ce qu’il soit terminé.

Par conséquent, nous insistons pour que les programmes soient libres à tous les niveaux. Pour qu’un programme puisse être considéré comme libre, chaque ligne de code qui le compose doit être libre, de sorte qu’on puisse le compiler à partir du seul code source libre.

Les objets physiques, en revanche, sont souvent construits à partir de composants qui eux-mêmes sont conçus et construits dans différentes sortes d’usines. Par exemple, un ordinateur est constitué de puces, mais la conception (ou la fabrication) des puces est très différente de la conception (ou de la fabrication) de l’ordinateur à partir de ces puces.

Ainsi, nous avons besoin de distinguer des niveaux dans les plans d’un produit numérique (et peut-être de certains autres types de produits). Le circuit qui connecte les puces est l’un de ces niveaux ; le plan de chaque puce en est un autre. Dans un FPGA, l’interconnexion des cellules primitives constitue un niveau, tandis que les cellules primitives elles-mêmes en sont un autre. Dans un avenir idéal, nous voudrions que le plan soit libre à tous les niveaux. Dans les circonstances actuelles, le simple fait de rendre libre un niveau est une amélioration significative.

Cependant, si à l’un des niveaux le plan fait appel à des parties libres et à des parties non libres – par exemple un circuit HDL « libre » qui incorpore des processeurs softcore privateurs – nous devons conclure que le plan dans son ensemble est non libre à ce niveau. De même pour les « assistants » ou les « macros » non libres, s’ils définissent une partie des interconnexions des puces ou bien les parties des puces dont les connexions sont programmables. Les parties libres peuvent constituer une étape vers notre objectif futur de liberté des plans, mais pour atteindre cet objectif il faudra remplacer les parties non libres. Elles ne pourront jamais être acceptables dans le monde du libre.

Licences et copyright adaptés aux plans libres pour le matériel

Pour rendre libre le plan d’un matériel, il faut le publier sous une licence libre. Nous recommandons la licence publique générale GNU, version 3 ou ultérieure. Nous avons conçu la version 3 de la GPL en envisageant cet usage.

Placer des circuits ou des formes d’objets non décoratifs sous copyleft ne va pas aussi loin que l’on pourrait le supposer. Le copyright sur ces plans s’applique uniquement à la manière dont le plan est dessiné ou écrit. Le copyleft étant une façon d’utiliser le droit du copyright, son effet ne se fait sentir que dans la mesure où le copyright s’applique.

Par exemple, un circuit, en tant que topologie, ne peut pas faire l’objet d’un copyright (et par conséquent ne peut pas être placé sous copyleft). Les définitions de circuits écrit en HDL peuvent être placées sous copyright (et donc sous copyleft), mais le copyleft ne régit que les détails de l’expression du code HDL, pas la topologie du circuit qu’il génère. De même, un dessin ou le diagramme d’un circuit peut être placé sous copyright, donc sous copyleft, mais cela ne couvre que le dessin ou le diagramme, pas la topologie du circuit. N’importe qui peut légalement dessiner le même circuit d’une façon apparemment différente, ou écrire une définition différente en code HDL qui produise le même circuit.

Étant donné que le copyright ne régit pas les circuits physiques, lorsque des gens construiront des exemplaires du circuit, la licence des plans n’aura aucune incidence juridique sur ce qu’ils feront avec les appareils qu’ils auront construits.

En ce qui concerne les dessins d’objets et les modèles pour imprimantes 3D, le copyright ne s’applique pas à un dessin différent de la forme du même objet purement fonctionnel. Il ne couvre pas non plus les objets physiques utilitaires fabriqués à partir du dessin. Sous le régime du copyright, chacun est libre de les fabriquer et de les utiliser (et c’est une liberté dont nous avons grand besoin). Aux États-Unis, le copyright ne régit pas les aspects fonctionnels de ce que décrit le plan, mais en revanche il couvre les aspects décoratifs. Quand un objet a des aspects décoratifs et des aspects fonctionnels, on se trouve en situation délicate (*).

Tout ceci est peut-être vrai également dans votre pays, ou non. Avant de produire des objets pour un usage commercial ou en grande quantité, vous devriez consulter un juriste local. Le copyright n’est pas le seul problème qu’il vous soit nécessaire de prendre en compte. Vous pourriez être attaqué au plan des brevets, très probablement détenus par des entités qui n’avaient rien à voir avec l’élaboration des plans que vous utilisez ; et d’autres problèmes juridiques peuvent aussi se présenter.

Gardez à l’esprit que le droit du copyright et le droit des brevets sont radicalement différents. C’est une erreur de supposer qu’ils aient quoi que ce soit en commun. C’est pourquoi le terme « propriété intellectuelle » est source de pure confusion et doit être totalement rejeté.


* Un article de Public Knowledge donne des renseignements utiles sur cette complexité (pour ce qui est des États-Unis) bien qu’il tombe dans l’erreur commune consistant à utiliser l’expression fallacieuse « propriété intellectuelle » et le terme de propagande « protection ».

Promotion du matériel libre par le biais des dépôts

Pour favoriser la liberté des plans de matériel, le moyen le plus efficace est d’édicter des règles dans les dépôts où ils sont publiés. Les opérateurs de ces dépôts doivent mettre la liberté des personnes qui vont utiliser les plans au-dessus des préférences des personnes qui les réalisent. Cela suppose d’exiger la liberté des plans d’objets utiles comme condition préalable à leur publication.

Pour les objets décoratifs, cet argument ne s’applique pas, aussi ne devons-nous pas insister pour qu’ils soient libres. Cependant, nous devons insister pour qu’ils puissent être partagés. Ainsi, un dépôt qui gère à la fois des objets décoratifs et des objets fonctionnels doit avoir une politique appropriée en matière de licence pour chaque catégorie.

Pour les plans d’appareils numériques, je suggère que le dépôt préconise instamment la GNU GPL v3 ou ultérieure, la licence Apache 2.0 ou la CC-0. Pour les modèles 3D d’objets fonctionnels, le dépôt doit demander à l’auteur du modèle de choisir l’une des quatre licences suivantes : GNU GPL v3 ou ultérieure, Apache 2.0, CC-SA, CC-BY ou CC-0. Pour les modèles d’objets décoratifs, le choix doit être entre la GNU GPL v3 ou ultérieure, la licence Apache 2.0, la CC-0 ou n’importe laquelle des licences Creative Commons.

image satirique, un policier armé dit à un homme qui s'enfuit effrayé qu'il n'a rien à craindre car son arme est du matériel libre créé à partir de plans libres. Le fuyard dit merci à RMS

Le dépôt doit exiger que tous les plans soient publiés en tant que code source, étant entendu que les codes sources en formats secrets utilisables uniquement par des logiciels privateurs de conception ne sont pas vraiment adéquats. Pour les modèles 3D, le format STL n’est pas le format préféré pour les modifications et par conséquent n’est pas du code source, aussi le dépôt ne doit-il pas l’accepter, sauf peut-être s’il accompagne le vrai code source.

Il n’y a aucune raison de choisir un format unique pour le code source des plans de matériel, mais les formats sources qui ne peuvent pas être reconnus par des logiciels libres doivent être acceptés avec réticence dans le meilleur des cas.

Matériel libre et garanties

En général, les auteurs de plans libres pour du matériel n’ont aucune obligation morale d’offrir une garantie à ceux qui mettent en œuvre ces plans. Il s’agit d’un problème différent de celui de la vente de matériel physique, qui doit être accompagné d’une garantie du vendeur ou du fabricant.

Conclusion

Nous avons déjà des licences appropriées pour rendre libres nos plans de matériel. Ce dont nous avons besoin est de reconnaître que c’est notre devoir en tant que communauté, et d’insister pour que nos plans soient libres lorsque nous fabriquons nous-même des objets.


Note de traduction

  1. En anglais, free software. Le mot free a deux signification : « libre » et « gratuit ».

Cette page peut être utilisée suivant les conditions de la licence Creative Commons attribution de paternité, pas de modification, 3.0 États-Unis (CC BY-ND 3.0 US). Copyright © 2015 Richard Stallman




#FixCopyright : de bonnes raisons de soutenir le rapport REDA.

Nous entamons ici une série d’articles autour du rapport REDA, une initiative visant à dépoussiérer et harmoniser les lois du droit d’auteur/copyright sur le territoire européen. Il s’agit d’un sujet important et d’une opportunité unique de trouver un compromis qui pourrait favoriser les auteurs, les échanges culturels sur les Internets sans écorcher l’industrie de production et diffusion culturelle.

L’idée de cette série d’articles est de donner la parole à des créateurs de contenus, au nom desquels sociétés de gestion collective de droits et industriels de la culture voudraient lancer une « guerre au partage ».

Ce premier article est signé Greg, dont le blog l’Antre du Greg est à suivre avec attention. Greg est un auteur aux créations Libres. Il a su résumer les points fondamentaux et les enjeux de cette proposition législative qui pourrait (en douceur et avec des compromis) changer la donne dans la relation auteur-audience, d’internaute à internaute.

Le contenu qui suit est donc CC-BY-SA Greg, et a été originellement publié sur l’Antre du Greg.

Pourquoi je soutiens le rapport REDA (et pourquoi vous aussi, vous devriez)

meet the new authors
CC-BY-SA le parti pirate Thèque (source : flickr)

En ce moment, au parlement européen, on prépare la réforme du droit d’auteurs, initiée par le rapport Reda (du nom de la députée Julia Reda, non pour Réforme Européenne pour le Droit d’Auteur (ne riez pas, on m’a pourtant fait cette remarque)). Ce rapport, quoiqu’en disent les grands acteurs de l’industrie culturelle, donne plus de droits aux créateurs, se basant sur les nouvelles technologies, mais aussi aux internautes. Je vous invite à lire une explication du rapport de Julia, si vous ne le connaissez pas, et si vous voulez le texte en détail, c’est par ici. Je voulais vous partager mon ressenti sur les débats qui ont lieu en ce moment, mais aussi vous expliquer pourquoi, selon moi, il est important de le soutenir. La liste n’est cependant pas exhaustive, sinon, je pense que mon plaidoyer atteindrait la taille d’un mini-livre. Voici donc déjà des points essentiels, mais n’hésitez pas à approfondir le sujet.

Les créateurs sont hors-la-loi…

Les créateurs de vidéos, principalement sur Youtube, sont considérés à l’heure actuelle comme des hors-la-loi en Europe. En effet, il existe aux USA le principe du Fair Use qui permet de mettre un petit extrait d’une œuvre pour illustrer son propos. En Europe ce n’est pas le cas. Mettre un passage d’une chanson, une citation d’un film est une violation du copyright. Oui, votre youtuber préféré, qui a remixé une œuvre, a fait un mash-up, est un criminel aux yeux des ayants droit. Mais plutôt que de vous faire une longue diatribe contre l’état actuel de la législation, je vous invite à regarder cette petite vidéo, pleine de gens bien qui vous expliqueront tout ça bien mieux que moi.

 


Vidéo « Nos créations sont hors la loi » sur Youtube

 

…Mais l’internaute aussi.

La copie a toujours existé. Les moines copistes en sont la preuve. Nous avons tous, dans le passé, pris un peu de temps avec une photocopieuse. Nous avons enregistré des disques sur cassettes audio que nous repassions à nos copains. Pareil pour les films avec les cassettes vidéo. Jamais nous n’aurions pensé que nous serions considérés comme des criminels, que l’on passerait en jugement et que nous risquerions prison ou amende. C’est pourtant ce qui est en train de se passer : la criminalisation du partage. Si vous avez le malheur de mettre la moindre œuvre artistique sur un réseau de peer-to-peer vous êtes considéré comme le pire des criminels.  Le rapport REDA propose de renforcer les droits des utilisateurs, avec entre autre, la facilitation du prêt numérique pour les bibliothèques.

Ce n’est pas le piratage qui tue un artiste ou une œuvre, mais bien l’absence d’offre concrète et suffisante. On a souvent l’impression que les grandes maisons d’édition passent plus de temps à lutter contre le piratage qu’à créer une véritable offre : les titres numériques sont très peu nombreux par rapport à leur équivalent papier, et tout un temps, les livres numériques n’étaient que de vulgaires scans. Les grandes maisons d’éditions s’érigent en spécialistes du numérique sans même en connaître tous les tenants et aboutissants : rien que dernièrement, un auteur préconise l’abandon du format epub parce que c’est devenu le standard du piratage : c’est une aberration totale. Un fichier reste un fichier, si un format disparaît, un autre prendra rapidement sa place.

Pour clore ce paragraphe, je terminerai en soulignant une idée défendue aussi par Thierry Crouzet mais aussi Ploum, et beaucoup d’auteurs libres : publier c’est rendre public, mettre à la disposition de tout un chacun et  laisser son œuvre vivre sa vie, se propager. Beaucoup d’auteurs se plaignent que le piratage tue leurs œuvres. J’ai vu dernièrement un auteur se plaindre que son livre ne s’était vendu qu’à deux cents exemplaires mais qu’il avait été téléchargé plus de sept cents fois. Je ne comprends pas la plainte : s’il a été téléchargé, c’est que des personnes se sont intéressées à son travail et l’ont propagé. Elles ont aidé à la faire connaître. Je ne trouve pas plus gratifiant de recevoir de l’argent que d’être lu par un plus grand nombre, c’est même le contraire (même s’il est vrai que comme beaucoup d’auteurs, j’aimerais vivre de ma plume, je serai nettement plus honoré de voir mon œuvre se propager sur les sites internet, cela prouve que du monde s’intéresse à ce que je fais et veut le faire découvrir à d’autres). Et si vous ne voulez pas voir votre œuvre se propager sur internet, n’écrivez et ne publiez pas.

L’aberration des hyperliens

Un hyperlien est un lien que vous faites pour illustrer votre propos vers un autre article. C’est le fondement de l’internet, faire des liens vers d’autres ressources qui approfondissent le sujet. Sans ces derniers, le net serait nettement moins vivant. Vous ne copiez pas l’information, vous dirigez vos lecteurs vers l’information, vers « le propriétaire » de son contenu (je n’aime pas cette façon de voir les choses, une idée, pour moi, n’appartient à personne, mais j’y reviendrai dans un billet ultérieur). Vous ne violez donc pas le droit d’auteur de cette personne. Julia Reda demande donc que l’hyperlien ne soit pas soumis à des droits exclusifs. Petit exemple, qui pourrait se généraliser. J’écris un article sur un sujet X et pour montrer ce que j’explique, je fais un lien vers un site d’une société de l’audio-visuel belge. Je suis bien dans l’illégalité, si on regarde les conditions d’utilisation de ce site :

RTL

Je n’ai pourtant pas copié le contenu de l’article. Je n’ai fait qu’un simple lien. En réalité, cette société devrait être reconnaissante envers quelqu’un qui fait un lien vers elle. Elle gagne en visibilité, gagne des visiteurs qui sont intéressés par le sujet. Mais non. Selon eux, une telle pratique reste une violation du droit d’auteur.

« Vendre » de la culture, c’est comme vendre des poires

Dès la présentation du rapport, une levée de bouclier a eu lieu de la part d’eurodéputés. Le député le plus virulent, Jean-Marie Cavada, s’est farouchement opposé au rapport de Julia Reda. Neil Jomunsi, auteur et propriétaire de la maison d’édition Walrus, a voulu lui expliquer ce que le rapport apportait, et en quoi il est important pour les auteurs. Mais la réaction de Cavada fut totalement consternante : premièrement, on a clairement eu l’impression qu’il n’avait pas lu la moindre ligne de la lettre, répondant des phrases préformatées, comme si elle avait été dictée par des lobbyistes. Il souligne que des jeunes « Robin des bois des temps modernes » veulent abolir le copyright, alors que ce n’est pas du tout le cas : il s’agit d’un renforcement DES droits des auteurs et des utilisateurs. On remarque bien dans sa réponse que sa préoccupation n’est pas l’auteur mais bien l’industrie. Il en vient même à comparer un bien culturel à un produit que l’on vend sur les marchés. Même si un bien culturel nourrit l’esprit, je ne suis pas sûr que le comparer à une poire ou une carotte soit très gratifiant.

Vous n’êtes considéré comme auteur que si vous êtes publié par une grande maison

J’aime écrire. J’écris des petites histoires, que je mets ici, sur mon blog, ou sur d’autres réseaux. Je mets des mini-livres numériques à disposition de tout un chacun. Pour des tas de raisons, je n’ai pas cherché à prendre un éditeur. Pour un député européen, Monsieur Cavada (oui, toujours le même), je ne suis donc rien. Je n’ai droit à aucune considération. J’aimerais cependant paraphraser Arnaud Lavalade et Manuel Darcemont, les fondateurs de Scribay :

«Un auteur le devient dès la première ligne.

N’importe qui est auteur dès qu’il se met à écrire. Personne n’a le droit de dire qui est auteur et qui ne l’est pas. C’est l’acte de création qui détermine un auteur, pas sa validation par une quelconque autorité.»

Je constate ici un mépris de chaque internaute qui se lance dans une activité créative et fait partager son art. Mais on remarque une fois de plus la volonté de protéger une industrie qui a du mal à s’adapter aux évolutions technologiques plutôt que de protéger tout acte de création, sans laquelle cette industrie ne pourrait de toute façon pas survivre.

Ce que vous avez financé, ne vous appartient pas et vous pouvez vous asseoir dessus.

Il y a des tas de créations qui n’ont pu avoir lieu qu’avec l’aide de financement public. Prenons un petit exemple : les universités, dans le cadre de leurs travaux, reçoivent de l’argent public (donc oui, votre argent, puisque vous payez des impôts). Les résultats de ces travaux, les thèses, les découvertes, devraient donc être dans le domaine public, puisque tout un chacun les a financés. Mais non, ils restent la propriété de la personne ou l’institut. On pourrait même aller plus loin, mais ici c’est une interprétation purement personnelle, avec la presse. Elle est grandement financée par l’argent public, et elle s’écroulerait si elle ne recevait plus aucun subside. Là c’est même pire, vous devez payer une seconde fois pour accéder à l’information (en plus de donner du temps de cerveau disponible pour les nombreuses publicités qui inondent les pages ou sites internet).

Le lobbying porte ses fruits, dénaturant tout le rapport.

À peine publié, directement dénaturé. Des tas d’amendements furent directement modifiés par nombre de députés, vidant pratiquement tout le rapport de sa substance. Je vous les ai cités plus haut, les hyperliens, où les députés demandent de créer «un droit d’auteur » pour ces derniers. Alors que le rapport demande l’abandon des DRMs, des députés modifient le paragraphe pour les mettre en avant ; alors que le rapport demande une harmonisation des règles pour toute l’Union Européenne, facilitant donc la vie de tous les acteurs hors industrie, on le supprime. Dans le cas où le rapport est voté avec ces modifications, on obtiendrait le statu quo, voire pire plus de droits pour l’industrie et non pour les petits auteurs et les utilisateurs. Je vous invite à lire ce billet : Reda report: the 10 worst and the 5 best amendments (en anglais).

#CopyrightForFreedom, ou se battre pour l’industrie du livre et non l’auteur

Le lobbying de l’industrie continue de se mobiliser. Lors de la Foire du Livre de Paris, la Fédération des Éditeurs Européens lance la campagne « Copyright For Freedom », avec la création d’une pétition en ligne demandant justement de renforcer le copyright. Mais renforcer le droit d’auteur, le prolonger à 70 ans voire plus, n’est-ce pas à l’opposé de la liberté ? Dans le cas de cette prolongation du droit d’auteur et des droits voisins après la mort d’un auteur, ce n’est pas l’auteur qui est protégé, mais bien l’industrie. Oui, cette campagne ne sert qu’à protéger cette industrie. Je suis un auteur, et je le clame haut et fort : pas en mon nom. Et je vous le demande à tous, ne signez pas cette pétition.

Mais pour moi, le rapport aurait pu encore aller plus loin.

Je vais terminer par ce qui m’a le plus déçu dans le rapport Reda, bien que certaines nuances aient pu m’échapper. J’aurais aimé voir une reconnaissance et une harmonisation des systèmes de financement alternatifs tels que Flattr, Tipeee et autre. Rien que pour la Belgique (je pense que c’est pareil pour la France avec Flattr), il y a un flou juridique total à ce sujet, personne ne sait ce qu’il convient de faire pour travailler avec ce type de donation, si on doit les considérer comme des dons ou des revenus (et ce n’est pas faute de poser la question à droite et à gauche). Mais peut-être que cette question dépasse le cadre du rapport Reda.

Continuer à creuser…

Voici pour moi les points essentiels, ce que j’ai retenu sur ce rapport. Je vous invite cependant à prendre connaissance des avis d’autres créateurs. Ce lundi 20 avril s’est tenue la conférence Meet The New Authors, au parlement européen. Voici la vidéo des débats organisés par Julia Reda, vous aurez donc des avis différents, complémentaires aux miens, et des problèmes plus spécifiques aux autres secteurs de l’édition.


Merci de m’avoir lu. Bien sûr, ce texte est sous licence Creative Commons BY-SA. Partagez-le, modifiez-le. Propagez les informations. Pour que les auteurs, mais vous aussi, internautes, ayez plus de droits. Pour que nous ne soyons plus hors-la-loi.

Greg.