Librologies : une nouvelle chronique hebdomadaire sur le Framablog

Valentin VillenaveBonjour à tous, amis lecteurs du Framablog !

À l’invitation d’aKa (qu’il en soit remercié jusqu’à la septième génération — je vous rappelle que Framasoft accepte aussi les dons), je me permets de vous proposer aujourd’hui, et pour les semaines à venir, une chronique hautement bavarde et intellectuelle (voire #lmi), en forme d’auto-critique du mouvement Libre et de ses alentours. C’est une démarche nécessairement subjective, mais j’espère pouvoir aller au-delà de mon point de vue personnel pour pouvoir isoler, analyser et conceptualiser nos petites manies d’internautes et de Libristes.

Ces chroniques se réfèrent abondamment aux Mythologies[1] que publiait Roland Barthes voilà presque 60 ans, à la frontière entre sémiologie, idéologie et politique : bref, c’est ici qu’on déballe les grands mots ! Je ne parle ici qu’en mon seul nom de Libriste de base, musicien, contributeur GNU, sympathisant de plusieurs associations et chercheur-de-petite-bête spécialisé ; cependant je suis extrêmement flatté que cette idée ait pu intéresser le Framablog, dont j’admire depuis longtemps la qualité et la sincérité. Framasoft m’a permis de découvrir le logiciel Libre et sa philosophie depuis près de 10 ans, autant dire que c’est pour moi tout un symbole — ou peut-être un mythe ? À suivre…

Une dernière chose : les commentaires sont là pour troller engager des débats intéressants et rigoureux ; je serai ravi d’y prolonger ces chroniques si nous veillons, par exemple, à choisir et définir soigneusement les termes que nous employons. N’hésitez pas, par ailleurs, à signaler des sèmes ou des motifs qui vous paraitraient dignes d’intérêt ; enfin (je dis ça je dis rien) un formulaire de contact plus confidentiel est disponible sur mon site personnel. Ensemble, traquons le détail qui tue !

Valentin Villenave

Librologie 0 : mythologie des Mythologies

Certains collectionnent les timbres, d’autres codent en Python ; pour ma part, mon loisir préféré se nomme sémiologie. Souvenir de mes études littéraires, signe de mon goût pour le découpage-de-cheveux en quatre, ou simple jeu d’esprit ; ou encore, plus probablement, l’espoir d’apprendre à enfin raisonner correctement.

Nous vivons, de fait, dans un monde où le pouvoir s’exerce principalement par la communication ; l’information n’est pas inaccessible, mais au contraire, multiple et orientée ; les messages innombrables que nous rencontrons chaque jour peuvent s’articuler ensemble pour fabriquer notre consentement.

Au cœur de ce processus, dont il est à la fois le moteur et l’enjeu, se trouve le langage — qu’il soit verbal, visuel ou autre : des mots sont vidés de leur sens, des images nous convainquent ou nous séduisent, des idées nous sont présentées comme des évidences… Or l’appauvrissement d’un langage ne peut aboutir qu’à un épuisement de la pensée : comment prendre le temps de réfléchir, s’interroger ou critiquer lorsque tout invite à se satisfaire d’une pensée toute-prête ?

Ces remarques n’ont rien de nouveau, je m’empresse de l’admettre. La rhétorique et la sophistique existent depuis des millénaires, l’imprimerie depuis six siècles, les médias de masse depuis deux siècles, et leur étude critique s’est considérablement affinée au XXe siècle avec les travaux d’intellectuels tels que George Orwell, Pierre Bourdieu ou Noam Chomsky ; elle continue aujourd’hui avec des publications comme Acrimed ou le Monde diplomatique, et plus généralement, toute une frange de la gauche occidentale éduquée, et dont l’identité s’est précisément construite par une critique des classes dominantes (ce qui n’empêche pas d’en faire partie, comme en témoigne le phénomène dit bourgeois-bohème).

JohnRobertShepherd - CC byL’un des textes fondateurs de cette étude critique de la culture dite « de masse », est aussi l’un des plus accessibles : il s’agit des Mythologies de Roland Barthes, rédigées au cours des années 1950 sous forme de chronique presque anecdotique. Outre l’avènement de cette analyse critique et raisonnée, on peut y lire l’émergence non seulement de Barthes lui-même, qui restera l’un des linguistes les plus importants du siècle, mais aussi de la sémiologie (discipline alors toute récente), de la pensée structuraliste (terme que Barthes récusera volontiers par la suite), et de la sociologie en tant que « sport de combat », pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu.

L’attrait (et l’immense succès) de Mythologies, je le disais à l’instant, semble anecdotique : à travers une cinquantaine de textes courts, l’auteur examine des objets de la vie courante (la dernière Citroën, le steak-frites, le Tour de France,…) avec un regard analytique nouveau (surtout pour l’époque), inhabituel, en un mot : exotique. On conçoit dès lors, de surcroît à l’aune de la célébrité ultérieure de Roland Barthes, auteur `culte´ du monde intellectuel parisien, combien ses Mythologies sont devenues à leur tour… un objet mythologique. Tentons donc ici de dépasser cet aspect « carte postale sémiotique », si charmant soit-il, pas davantage que nous ne nous arrêterons sur ce qu’il révèle de la société d’avant 1968.

Dès son avant-propos, Barthes présente sa démarche comme « une critique idéologique portant sur le langage de la culture dite de masse, et un démontage sémiologique de ce langage », née d’« un sentiment d’impatience devant le `naturel´ dont la presse, l’art, le sens commun affublent une réalité qui, pour être celle dans laquelle nous vivons, n’en est pas moins parfaitement historique ». La nature contre l’Histoire, tel sera l’un des axes principaux qui se dégageront peu à peu au fil des Mythologies (publiées dans leur ordre d’écriture). Barthes le résumera ainsi quelques années plus tard dans Le Mythe aujourd’hui : « la fin même des mythes, c’est d’immobiliser le monde » sous le poids des évidences « naturelles », des tautologies ou des fausses concessions ; immobiliser le monde et désamorcer toute dissension, comme si les choses avaient toujours été telles qu’elles sont, et ne pourraient être autrement.

Le mythe est donc message de résignation et de dé-responsabilisation. Il se distingue également par sa capacité d’absorption, de récupération et d’identification : « un trait constant de toute mythologie petit-bourgeoise est l’impuissance à imaginer l’Autre. L’altérité est le concept le plus antipathique au `bon sens´ ». Autre point récurrent, la propension à réduire le monde à des données quantifiables (et sur lesquelles on peut donc mettre un prix) : « nous savons maintenant ce qu’est le réel petit-bourgeois : ce n’est même pas ce qui se voit, c’est ce qui se compte ».

Le « mythologue » est notamment amené à considérer la place de la culture dans une telle société : elle y est vivement appréciée… tant qu’elle sait rester à sa place et ne pas s’encombrer d’un discours politique. « La culture est un bien noble, universel, situé hors des partis-pris sociaux : la culture ne pèse pas. Les idéologies, elles sont des inventions partisanes : donc (…) on les renvoie dos-à-dos, sous l’œil sévère de la culture (sans s’imaginer que la culture est tout de même, en fin de compte, une idéologie). »

Pour intellectuelle qu’il soit, l’analyse de Roland Barthes n’est pas purement abstraite, mais pleinement politique : « statistiquement, écrit-il, le mythe est à droite. Là, il est essentiel : bien nourri, luisant, expansif, bavard. » (Le mythe existe également « à gauche » (c’est-à-dire dans la gauche non-révolutionnaire), mais il y est « inessentiel ».) Non point que le mythe soit ouvertement politique, propagandiste ou idéologiquement orienté, bien au contraire : « le mythe est une parole dépolitisée, nous dit Barthes, il abolit la complexité des actes humains, (…) il organise un monde sans contradictions parce que sans profondeur, un monde étalé dans l’évidence, il fonde une clarté heureuse : les choses ont l’air de signifier toutes seules. »

Naturellement, ce terme de « bourgeois » qui apparaît peu à peu dans Mythologies et contamine bientôt son analyse tout entière, doit aujourd’hui être questionné d’un point de vue historique. La pensée de Barthes, comme sa terminologie, suit l’histoire de la gauche française : marquée par le Parti Communiste à la Libération, par les révoltes étudiantes en 1968, et ainsi de suite. Ainsi, les « petit-bourgeois » de Barthes sont les mêmes que ceux de Brecht, à qui l’auteur de Mythologies se réfère d’ailleurs plus d’une fois ; autre exemple, dans l’introduction ajoutée en 1970, nous le voyions plus haut, le lexique se fait guerrier et la Norme bourgeoise devient « ennemi capital ».

Si le mot de « bourgeois » est aujourd’hui passé de mode — dans notre société où la notion même de « classe sociale » semble un concept poussiéreux et folklorique — il est particulièrement intéressant de voir que Roland Barthes lui-même, avait prévu dès les années 1950 sa future disparition « la bourgeoisie, écrit-il dans Le Mythe aujourd’hui, se définit comme la classe sociale qui ne veut pas être nommée » (c’est lui qui souligne).

Et de fait, quel que soit le nom qu’on leur donne, les mécanismes rhétoriques et médiatiques démontés par Roland Barthes semblent toujours d’actualité. La pauvreté intellectuelle et le parti-pris idéologique du discours médiatique dominant n’ont jamais plus été dénoncés qu’aujourd’hui, nous l’évoquions plus haut ; les mots creux, les formules spécieuses et les détournements linguistiques (même officiellement sanctionnés) ne cessent de contaminer le langage et parasiter les raisonnements.

Le procédé rhétorique du « constat », que décrivait Barthes en son temps, ne s’est jamais mieux porté en ces temps de décapillotade du système financier, où, d’austérité « inévitable » en rigueur « nécessaire », la quasi-totalité des gouvernements fait sien le There Is No Alternative du Thatchérisme. En France, dans les grands partis de gauche et (plus encore) de droite, l’on se doit désormais d’être réactionnaire décomplexé — j’entends moins par là les saillies racistes, sexistes ou homophobes quasi-permanentes, que la résurgence ahurissante d’un fonds idéologique qui est celui de la Restauration — tout y est : populisme, sécuritarisme, divisions du corps social, retour du catholicisme d’État, et jusqu’aux mots d’ordre tels que « enrichissez-vous » ou « le travail rend libre » ! Quant à la « privation d’Histoire » que dénonçait Barthes voilà plus de cinquante ans, les gouvernements de la dernière décennie nous en donnent une illustration criante par leurs atteintes répétées portées à l’Histoire et son enseignement, notamment concernant l’époque coloniale et la seconde guerre mondiale.

J’évoquais plus haut l’affaiblissement et la « folklorisation » des Mythologies de Barthes, y compris — et surtout — auprès d’un certain public plus ou moins intellectuel. C’est que les sciences humaines sont elles-même devenues l’enjeu d’un processus de récupération : les sciences humaines un tant soit peu subversives, dans les sphères académiques, se voient peu à peu déshéritées au profit de l’enseignement de l’économie, exclusivement sous sa forme la plus orthodoxe ; la sociologie elle-même, sous une forme travestie et dégradée, est devenue marketing ; signe s’il en est, le terme même de « concept » se confond aujourd’hui peu ou prou avec un gizmo publicitaire.

Dans un tel contexte, la situation actuelle des citoyens les plus actifs sur Internet (milieux communautaires, activistes, artistiques, coopératifs, illégitimes,…) pose plus d’un problème épistémologique. À commencer par leur volonté d’échapper à la confidentialité de leur audience, à l’effet d’entonnoir produit par tout message un tant soit peu idéologique : comment, par exemple, s’adresser à des non-initiés lorsque l’on est soi-même geek ? De telles questions sont particulièrement récurrentes dans le mouvement Libre, dont une finalité fondamentale est justement d’atteindre à un degré d’intelligibilité, d’accessibilité et de lien social universel. Et là encore, le langage est à la fois un enjeu et un outil primordial : accéder à une discussion et une réflexion de qualité, encore aujourd’hui, requiert au préalable d’en maîtriser les outils (techniques), les modalités (conceptuelles),… voire de posséder un capital social ou symbolique suffisant pour avoir voix au chapitre.

Autre point qui mérite d’être mis en question, l’attitude volontiers critique des citoyens-internautes, Libristes ou non, vis-à-vis du mainstream — ou du moins de ce qu’ils considèrent comme tel, et qui se résume en général aux médias « traditionnels » et à la classe politique. Cette posture se nourrit, sous une forme plus ou moins dégradée, de la critique des médias de ces soixante dernières années, que nous évoquions plus haut — éventuellement sous-tendue, soit d’une culture politique qui peut aller de la gauche radicale à l’anarchisme ou au libertarianisme, soit d’un esprit « potache » (memes, lulz) issu d’un sentiment d’illégitimité.

Quels que soient ses présupposés, cette forme de critique (qui peut aller du simple mouvement d’humeur à une analyse fine et remarquablement étayée) comporte parfois des « taches aveugles » pas toujours assumées ni cohérentes : telle grande entreprise, tel gouvernant, bénéficiera de l’ignorance, l’indulgence ou même la sympathie d’un public pourtant exigeant — particulièrement dans le milieu lié aux licences Libres. Retournement plus intéressant : à partir d’un certain stade, cette attitude originellement critique donne à son tour naissance à une nouvelle culture, de nouvelles chapelles, une nouvelle doxa et les mêmes risques qui l’accompagnent. Dépolitisation du discours, appauvrissement de la réfléxion, recherche du consensus : en fin de compte, le geek n’est que le mainstream de demain.

Signe (et acteur) de ce glissement, l’avénement d’une génération de commerciaux qui investit les lieux de débat public et de coopération communautaire. Marketing dit « viral », chasse au « buzz », data-harvesting, profiling, j’en passe : les échanges sociaux sont contaminés par une démarche de séduction et de vente — d’autant que, nous l’avons vu, les sciences humaines sont passées par là et le publicitaire moderne se doit de faire appel à la connivence du chaland. Il faut être « open », être « in », être « cool », être « pro », être « fun » : les échanges humains semblent tendre vers une moyenne de trois lettres. Dans un mouvement qui n’est pas sans rappeler la conquête des radios commerciales sur la bande FM dans les années 1980 (laquelle s’auto-célébrait alors, non moins que le Web d’aujourd’hui, comme royaume de la diversité et du choix), l’attention des geeks est polarisée autour de quelques sites à la mode et d’une poignée d’« entreprenautes pognophiles » dont il conviendrait d’examiner attentivement les idéologèmes — ne serait-ce que pour s’assurer qu’ils ne sont pas simplement les faux-nez branchés d’une industrie médiatique toute traditionnelle.

De tout cela, je retire à mon tour un « sentiment d’impatience » et l’envie de prendre le temps d’examiner ce monde dont je fais moi-même partie, ce langage dans lequel je baigne, et mes propres manies d’internaute Libriste. Une lecture de Barthes aujourd’hui, n’invite pas à autre chose : questionner nos propres certitudes, notre propre langage, nos propres préconceptions — ou pour paraphraser Descartes, notre propre « bon sens ». Et c’est ce que je voudrais dresser ici : l’ébauche d’une critique idéologique des avant-gardes de la citoyenneté sur Internet, et notamment du milieu des logiciels et pratiques culturelles Libres dont je suis proche. Mes prétentions ne sont pas scientifiques (d’autres l’ont déjà tenté avec perspicacité), mais reposent sur le rapprochement empirique de quelques images, figures, réseaux de signes qui façonnent ce milieu, en dessinent les tensions et les lignes de force, les fragilités et les incohérences, les motivations et les grandeurs.

En d’autres termes plus geek : time to go meta!

Notes

[1] Crédit photo : JohnRobertShepherd (Creative Commons By)




J’ai eu envie un jour de changer le monde – Frédéric Couchet – TEDx Talk

On ne compte plus les interventions publiques de Frédéric Couchet en tant que délégué général de l’April.

Mais il est plus rare (et plus émouvant) qu’il nous parle de lui en nous narrant son parcours personnel et ce qui l’anime, à savoir avant tout une belle et utile aventure humaine.

C’était en mai dernier lors du premier TEDx de Bordeaux.

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Reprenons possession d’Internet – Rebecca MacKinnon – TED Talk

Internet doit-il être au service des citoyens, des gouvernements ou des multinationales ? C’est en caricature la grande question sous-jacente de ce brillant TED talk de Rebecca MacKinnon.

Il s’agit du reste d’un étonnant mais révélateur paradoxe puisque si nous savons depuis longtemps que les intérêts des multinationales ne se confondent pas avec ceux des citoyens, il devrait en être autrement pour les gouvernements. Mais, par exemple chez nous en France, l’Hadopi est passée par là et la méfiance est plus que jamais de mise.

Liberté et contrôle dans le cyberespace… telle est l’une des tensions fondamentales de ce début de siècle. Nous pouvons faire semblant de ne pas la voir (trop occupé à modifier notre statut Facebook) mais nous pouvons aussi faire le choix de tenter de l’infléchir en notre faveur. Ce blog a l’immodestie de penser qu’il y participe dans son petit coin.

Remarque : on notera que si Apple en prend (justement) pour son grade en introduction, M. Sarkozy n’est pas non plus épargné.

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Traduction française Anna Cristiana Minoli (relecture Elisabeth Buffard)
Licence Creative Commons By-Nc-Sa

Je commence avec une publicité inspirée par George Orwell qu’Apple a sortie en 1984.

(Vidéo) Big Brother : Nous sommes une seule personne avec une seule volonté, une seule résolution, une seule cause. Nos ennemis peuvent parler jusqu’à la mort, et nous les combattrons avec leur propre confusion. Nous l’emporterons. Narrateur : Le 24 Janvier, Apple Computer lancera Macintosh. Et vous verrez pourquoi 1984 ne ressemblera pas à « 1984 ».

Rebecca MacKinnon : Le message implicite de cette vidéo reste très puissant encore aujourd’hui. La technologie créée par des sociétés innovatrices nous rendra la liberté. Avancez rapidement de plus de deux décennies. Apple lance l’iPhone en Chine et censure le Dalai Lama ainsi que plusieurs autres applications politiquement sensibles à la demande du gouvernement chinois pour son app store Chinois. Le dessinateur politique Mark Fiore a également vu son application satirique censurée aux États-Unis parce que le personnel Apple s’inquiétait qu’elle puisse offenser certains groupes. Son appli n’a été republiée que quand il a gagné le Prix Pulitzer. Le magazine allemand Stern, un magazine d’actualité, s’est vu censurer son appli parce que les nourrices de Apple l’ont considérée un petit peu trop osée pour ses utilisateurs, et ce malgré le fait que ce magazine est en vente parfaitement légale dans les kiosques en Allemagne. Et encore plus controversé, récemment, Apple a censuré une appli de contestation palestinienne après que le gouvernement israélien ait exprimé des inquiétudes sur la possibilité qu’elle soit utilisée pour organiser des attaques violentes.

Donc voilà, nous sommes dans une situation où des sociétés privées appliquent des standards de censure qui sont souvent très arbitraires et généralement plus stricts que les standards constitutionnels de liberté de parole que nous avons dans les démocraties. Ou bien elles répondent aux demandes de censure de la part de régimes autoritaires qui ne reflètent pas le consentement de ceux qu’ils gouvernent. Ou bien ils répondent aux demandes et aux inquiétudes de gouvernements qui n’ont aucune juridiction sur plusieurs, ou sur la plupart, des usagers qui interagissent avec le contenu concerné.

Donc voici la situation. Dans un monde pré-Internet, la souveraineté sur les libertés physiques, ou son absence, était presque entièrement contrôlée par les états nation. Mais nous avons maintenant cette nouvelle couche de souveraineté privée dans le cyberespace. Et leurs décisions sur le codage des logiciels, sur l’ingénierie, la conception, les conditions d’utilisation agissent toutes comme une sorte de loi qui façonne ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire avec nos vies numériques. Et leur souveraineté, transversale, mondialement interconnectée, peut d’une certaine façon défier la souveraineté des états nations de manière formidable, mais parfois agir également pour projeter et s’étendre au moment où le contrôle sur ce que les personnes peuvent et ne peuvent pas faire avec l’information a plus d’effet que jamais sur l’exercice du pouvoir dans notre monde physique. Après tout, même le leader du monde libre a besoin d’un peu d’aide du sultan du Facebookistan s’il veut être réélu l’année prochaine.

Et ces plateformes ont surement été très utiles aux activistes en Tunisie et en Égypte au printemps dernier et au delà. Comme Wael Ghonim, le cadre égyptien de Google le jour, et activiste secret de Facebook la nuit, a raconté à la CNN après la démission de Moubarak, « Si vous voulez libérer une société, il suffit de lui donner Internet. » Mais renverser un gouvernement est une chose et construire une démocratie stable est un peu plus compliqué. Sur la gauche une photo prise par un activiste égyptien qui était de ceux qui ont pris d’assaut les bureaux de la sécurité d’état égyptienne en Mars. Et de nombreux agents ont broyé le plus de documents possible et les ont laissé derrière eux en tas. Mais certains des fichiers sont restés intacts, et les activistes, certains d’entre eux, ont trouvé leurs propres dossiers de surveillance remplis de transcriptions de leurs propres échanges d’emails, leurs échanges de textos, même les conversations sur Skype. Et un activiste en fait a trouvé un contrat d’une société occidentale pour la vente d’une technologie de surveillance aux forces de sécurité égyptiennes. Et les activistes égyptiens présument que ces technologies de surveillance sont encore utilisées par les autorités transitoires qui gèrent les réseaux dans le pays.

Et en Tunisie, la censure a en fait commencé à revenir en Mai — pas aussi considérablement que sous la présidence de Ben Ali. Mais vous voyez ici une page bloquée, c’est ce qui se passe quand vous essayez de vous connecter à certaines pages de Facebook et à d’autres sites qui, selon les autorités de transition, peuvent inciter à la violence. Pour protester contre ça, le blogger Slim Amamou, qui avait été emprisonné sous Ben Ali et ensuite était rentré dans le gouvernement de transition après la révolution, a démissionné en signe de protestation. Mais de nombreux débats ont eu lieu en Tunisie sur la façon de gérer ce type de problème.

En fait, sur Twitter, il y avait un certain nombre de gens qui soutenaient la révolution qui disait, « Et bien, en fait, nous voulons la démocratie et la liberté d’expression, mais il y a certains discours qui doivent être tenus à l’écart parce qu’ils sont trop violents et pourraient déstabiliser notre démocratie. Mais le problème est, comment décider qui a le pouvoir de prendre ce genre de décisions et comment s’assurer qu’ils n’abusent pas de leur pouvoir ? Comme Riadh Guerfali, l’activiste numérique vétéran tunisien, a commenté l’incident, « Avant les choses étaient simples : il y avait les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. Aujourd’hui, les choses sont plus subtiles. » Bienvenue dans la démocratie, amis tunisiens et égyptiens.

La réalité est que même dans les sociétés démocratiques d’aujourd’hui, nous n’avons pas de bonnes réponses à la question de comment équilibrer le besoin de sécurité et l’application des lois d’un côté et la protection des libertés civiles et la liberté de parole de l’autre dans nos réseaux numériques. En fait, aux États-Unis, quoi que vous pensiez de Julian Assange, même ceux qui ne sont pas nécessairement des grands fans sont très inquiets de la manière avec laquelle le gouvernement des États-Unis et certaines sociétés ont traité Wikileaks. Amazon en tant qu’hébergeur web a laissé tomber Wikileaks en tant que client après avoir reçu une plainte du sénateur américain Joe Lieberman, malgré le fait que Wikileaks n’ait pas été inculpé, encore moins condamné, pour aucun crime.

On présume donc qu’Internet est une technologie qui fait voler les frontières en éclat. Voici une carte des réseaux sociaux dans le monde, et il est certain que Facebook a conquis la plus grande partie du monde, ce qui peut être une bonne ou une mauvaise chose, selon que vous aimiez ou non la manière dont Facebook gère son service. Mais les frontières demeurent dans certaines parties du cyberespace. Au Brésil et au Japon, c’est pour des raisons culturelles et linguistiques uniques. Mais si vous regardez la Chine, le Vietnam et certains des anciens états soviétiques, ce qui s’y passe est plus inquiétant. Vous avez une situation où la relation entre le gouvernement et les sociétés de réseaux sociaux locales est en train de créer une situation où, effectivement, le pouvoir que pourrait donner ces plateformes est contraint à cause de ces relations entre les compagnies et le gouvernement.

En Chine, vous avez maintenant, le “grand pare-feu”, comme on l’appelle, qui bloque Facebook, Twitter et maintenant Google+ et de nombreux autres sites étrangers. Et ceci est fait en partie avec l’aide de la technologie occidentale. Mais ce n’est que la moitié de l’histoire. L’autre partie de l’histoire ce sont les conditions que le gouvernement chinois impose à toutes les sociétés qui opèrent sur Internet en Chine, qu’on connait comme un système d’autodiscipline. En anglais courant, cela signifie censure et surveillance des utilisateurs. Voici donc une cérémonie à laquelle j’ai assisté en 2009 où la Internet Society of China a remis des prix aux 20 premières sociétés chinoises les meilleures dans l’exercice de l’autodiscipline — c’est-à-dire dans le contrôle de leurs contenus. Et Robin Li, Directeur Général de Baidu, le premier moteur de recherche en Chine, faisait partie des lauréats.

En Russie, généralement ils ne bloquent pas Internet et ne censurent pas directement les sites. Mais voici un site qui s’appelle Rospil c’est un site anti-corruption. Et cette année, il y a eu un incident troublant au cours duquel les gens qui avaient fait des dons à Rospil à travers un système de paiement qui s’appelle Yandex Money ont soudain reçu des menaces par téléphone de la part de membres du parti nationaliste qui avaient obtenu des détails sur les donateurs de Rospil par le biais des membres des services de sécurité qui avaient d’une façon ou d’une autre obtenu ces informations des gens de Yandex Money. Cela a refroidi les gens quant à leur capacité d’utiliser Internet pour tenir le gouvernement responsable. Nous avons donc une situation dans le monde aujourd’hui où dans de plus en plus de pays la relation entre les citoyens et les gouvernements se fait au moyen d’Internet, qui est compromis à l’origine par des services privés.

Alors la question importante, je crois, ce n’est pas le débat pour savoir si Internet aidera les gentils plutôt que les méchants. Bien sûr, cela donnera du pouvoir à quiconque a le plus de talent dans l’utilisation de la technologie et comprend le mieux Internet par rapport à son adversaire, qui que ce soit. La question la plus urgente que nous devons nous poser aujourd’hui est comment pouvons-nous être sûrs que l’évolution d’internet est centrée sur les citoyens. Parce que je pense que vous serez tous d’accord que le seul but légitime d’un gouvernement est de servir les citoyens. Et je pourrais affirmer que le seul but légitime de la technologie est d’améliorer nos vies, et non de les manipuler ou de nous réduire à l’esclavage.

La question est donc, nous savons comment tenir le gouvernement responsable. Nous ne le faisons pas nécessairement très bien, mais nous avons une bonne idée des modèles politiques et institutionnels pour le faire. Comment tenir les souverains du cyberespace responsable de l’intérêt public quand la plupart des directeurs généraux affirment que leur principale obligation est de maximiser les profits des actionnaires ?

Et souvent la régulation du gouvernement n’aide pas beaucoup. Vous avez des situations, par exemple, en France dans laquelle le président Sarkozy dit aux directeurs généraux des compagnies Internet, « Nous sommes les seuls et légitimes représentants de l’intérêt public. » Mais ensuite il soutient des lois comme la tristement célèbre Hadopi qui déconnecte les citoyens d’Internet suite au partage de fichiers, ce que le Rapporteur Spécial des Nations-Unies pour la liberté d’expression a condamné comme une violation disproportionnée des droits de communication des citoyens, et a soulevé des questions parmi les groupes de société civique pour savoir si oui ou non certains représentants politiques sont plus intéressés par la préservation des intérêts de l’industrie du divertissement plutôt que pas la défense des droits de leurs citoyens. Et ici au Royaume-Uni on s’inquiète aussi d’une loi du nom de Digital Economy Act qui est en train de placer plus d’obligation sur les intermédiaires privés à surveiller les comportements des citoyens.

Nous devons donc reconnaitre c’est que si nous voulons avoir dans le futur un Internet centré sur le citoyen, nous avons besoin d’un mouvement sur Internet plus large et plus soutenu. Après tout, les sociétés n’ont pas arrêté de polluer les eaux, bien entendu, ou d’employer des gamins de 10 ans, uniquement parce que les cadres se sont levés un jour et ont décidé que c’était la bonne chose à faire. C’est le résultat de décennies d’activisme soutenu, de soutien de l’actionnariat et de soutien des consommateurs. De la même façon, les gouvernements ne promulguent pas de lois intelligentes concernant l’écologie et le travail uniquement parce que les politiciens se sont levés un jour. C’est le résultat d’un activisme politique très soutenu et prolongé. qui aboutit à de bons règlements, et avec lequel vous obtenez le bon comportement collectif. Nous avons besoin de la même approche avec Internet.

Nous aurons également besoin d’innovation politique. Il y a 800 ans, à peu près, les barons anglais ont décidé que le droit divin des rois ne leur allait plus tellement bien, et ils ont forcé le roi Jean à signer la Magna Carta, qui reconnaissait que même le roi qui prétendait régner de droit divin devait tout de même respecter une série de règles élémentaires. Ceci a mis en route un cycle de ce que nous pouvons appeler innovation politique, qui a conduit à l’idée de consentement des gouvernés — ce qui a été appliqué pour la première fois par ce gouvernement révolutionnaire radical en Amérique au delà de l’océan. Maintenant nous avons donc besoin de comprendre comment construire un consentement des utilisateurs du réseau.

Et à quoi cela ressemble ? Pour le moment, nous ne le savons pas encore. Mais cela demandera de l’innovation, qui ne devra pas se contenter de se concentrer sur la politique, ou sur la géopolitique, elle devra également s’occuper de questions de gestion des affaires, du comportement des investisseurs, des choix des consommateurs et également de création et construction de logiciels. Nous avons tous un rôle à jouer dans la construction du genre de monde dans lequel le gouvernement et la technologie servent les gens et non le contraire.




Pseudo ou vrai nom ? De l’impact des normes sociales sur les réseaux sociaux

Jack Newton - CC by-saÀ l’occasion de la sortie de Google Plus, on a beaucoup évoqué la question de l’identité numérique via le choix, imposé ou non, du pseudo ou du vrai nom (lire par exemple l’article d’Owni Google Plus, la dictature des vrais noms).

Dans l’article ci-dessous, traduit par Clochix[1], l’influente Danah Boyd nous rappelle l’impact, souvent non prévisibles, des normes sociales dans la direction et les usages d’une plateforme Web communautaire telle qu’un réseau social[2].

Elle affirme ainsi : « Les normes sociales ne font pas partie du logiciel. Elles n’apparaissent pas en expliquant aux gens comment ils doivent se comporter. Les normes sociales apparaissent lorsque les utilisateurs comprennent comment une technologie a du sens et s’intègre dans leur vie. Les normes sociales se renforcent à mesure que les gens intègrent leur propres valeurs et croyances dans le système. »

Certes oui, sauf peut-être lorsque le logiciel est un logiciel libre car alors on peut émettre l’hypothèse qu’un certain nombre de normes sociales, positives et directement induites par la licence libre, feront d’emblée leur apparition. Ce qui pourrait faire l’objet d’un débat dans les commentaires et justifier la présence de cet article sur le Framablog 🙂

Concevoir en respectant les normes sociales, ou comment ne pas créer de foules en colère

Designing for Social Norms (or How Not to Create Angry Mobs)

Danah Boyd – 5 aout 2011 – Apophenia
(Traduction Framalang : Clochix)

Dans son livre de référence « Code », Larry Lessig soutient que les systèmes sociaux sont régis par quatre forces : le marché, la loi, les normes sociales et l’architecture ou le code. En réfléchissant aux médias sociaux, beaucoup de gens ne pensent qu’en terme de monétisation. De même, lorsqu’apparaissent des problématiques comme la vie privée, on voit régulièrement entrer en scène une régulation légale. Et naturellement, les gens pensent toujours à ce que le code permet ou non de faire. Mais je trouve déprimant que si peu de gens pensent au pouvoir des normes sociales. En fait, on ne pense souvent au pouvoir régulateur des normes sociales que lorsque les choses tournent vraiment mal. Et à ce moment, elles sont souvent hors de contrôle, réactionnaires et confuses pour tout le monde. On a vu cela avec les problèmes de vie privée et on le voit encore avec les débats sur les politiques en matière d’utilisation de son « vrai nom ». Au fur et à mesure que je lis la discussion que j’ai provoquée sur ce sujet, je ne peux m’empêcher de penser que nous avons besoin d’un échange plus critique sur l’importance de concevoir en ayant en tête les normes sociales.

Les bons concepteurs d’interface utilisateur savent qu’ils ont le pouvoir d’influencer certaines pratiques sociales par la façon dont ils conçoivent les systèmes. Et les ingénieurs oublient souvent de créditer les gens qui font l’interface pour leur important travail. Mais concevoir le logiciel lui-même n’est qu’une fraction du défi en matière de conception lorsque l’on pense à toutes les implications. Les normes sociales ne font pas partie du logiciel. Elles n’apparaissent pas en expliquant aux gens comment ils doivent se comporter. Et elles ne suivent pas forcément les logiques du marché. Les normes sociales apparaissent lorsque les gens — devrait-on dire les utilisateurs — comprennent comment une technologie a du sens et s’intègre dans leur vie. Les normes sociales se renforcent à mesure que les gens intègrent leur propres valeurs et croyances dans le système et aident à structurer comment les utilisateurs suivant le comprendront. Et de même qu’en matière d’interactions sociales, « la première impression compte », je ne peux pas sous-estimer l’importance des utilisateurs précoces. Ils façonnent la technologie sur des points critiques et jouent un rôle central dans l’édification des normes qui régissent un système.

La façon dont est lancé un nouveau média social a une importance critique. Votre compréhension d’un système en réseau sera largement influencée par les gens qui vous y ont introduit. Lorsqu’un logiciel se répand lentement, les normes ont le temps de bien cuire, les gens peuvent travailler à ce qu’elles devraient être. Mais lorsqu’il se développe rapidement, il y a beaucoup plus de chaos en matière de normes sociales. À chaque fois qu’un nouveau système apparaît, il y a inévitablement plusieurs normes en compétition, promues par des gens déconnectés les uns des autres. (Je ne peux vous dire combien j’aimais regarder Friendster lorsque les gays, les participants au festival Burning man et les blogueurs n’étaient pas conscients de l’existence des autres). Plus les choses vont vite, plus rapidement ces collisions arrivent et plus il y a de confusion sur les normes à adopter.

La culture de l’utilisation de son « vrai nom » sur Facebook ne s’est pas répandue à cause des conditions d’utilisation. Elle s’est développée parce que les normes ont été fixées par les premiers utilisateurs du service, que les gens l’ont vu et s’y sont adaptés. De même, la culture des pseudonymes s’est développée parce que les gens ont vu que c’est ce que faisaient les autres et ont reproduit cette norme. Lorsque les dynamiques sociales sont autorisées à se développer de façon organique, les normes sociales ont un pouvoir de régulation plus puissant que n’importe quelles règles d’utilisation formalisées. À ce moment, vous pouvez souvent formaliser la norme dominante sans rencontrer trop de résistance, surtout si vous laissez une marge de manœuvre. Mais lorsque vous commencez avec une politique de régulation sévère qui ne s’inspire pas de normes sociales — comme l’a fait Google Plus — la résistance sera forte.

Pensons à nouveau un instant à Friendster… Vous vous souvenez de Fakester ? J’ai écrit à leur sujet ici (NdT: les faux profils, notamment de célébrités). Friendster a perdu un temps fou à jouer au jeu de la taupe avec eux, supprimant les « faux » comptes et en s’en prenant à quelques-uns des plus influents de ses utilisateurs. Le « génocide de Fakester » a amené un nombre impressionnant de gens à quitter Friendster pour rejoindre MySpace, notamment des groupes de musique, parce qu’ils ne voulaient pas être façonnés par Friendster. Le concept de Fakester est mort sur MySpace, mais sa pratique principale — la possibilité pour des groupes d’avoir des représentations reconnaissables — a fini par devenir la principale fonctionnalité de MySpace.

Les gens n’aiment pas être façonnés. Ils n’aiment pas qu’on leur impose la façon d’utiliser un service. Ils ne veulent pas qu’on leur dise de se comporter comme ses concepteurs attendent qu’ils le fassent. Les conditions d’utilisation strictes ne créent pas de bon comportements, elles génèrent des utilisateurs énervés.

Ça ne signifie pas que vous ne pouvez pas ou ne devriez pas concevoir votre produit pour encourager certains comportements. Naturellement vous devriez. Tous l’art de la conception est de créer un environnement où les gens s’investissent de la manière la plus fructueuse et la plus saine possible. Mais concevoir un système pour encourager le développement de normes sociales saines et fondamentalement différent d’arriver et de dire brutalement aux gens comment ils devraient se comporter. Personne n’aime recevoir de fessée, et surtout pas une foule d’adultes obstinés.

De manière ironique, la plupart des gens qui ont adopté Google Plus parmi les premiers utilisaient leur vrai nom, par habitude, ou parce qu’ils pensaient que c’est ainsi que le système devrait fonctionner. Quelques uns ne le faisaient pas. La plupart de ceux-ci utilisaient un pseudonyme reconnaissable, ils n’essayaient même pas de duper quiconque. Leur faire la chasse était juste complètement stupide. C’était faire étalage de sa force, et les gens se sont sentis désemparés. Ils sont devenus furieux. Et à ce moment là, il ne s’agit même plus de savoir si la politique du « vrai nom » était initialement une bonne idée; à présent, c’est un acte d’oppression. Google Plus aurait été dix bazillions de fois meilleur s’ils avaient encouragé discrètement cette politique sans en faire un plat, s’ils avaient choisi de ne la suivre strictement que dans les cas les plus flagrants. Mais à présent ils sont coincés entre le marteau et l’enclume. Ils doivent soit continuer dans cette voie et gérer les foules en colère, ou laisser tomber en signe d’apaisement dans l’espoir que la colère se calme. Il n’aurait pas dû en être ainsi, et ça ne l’aurait pas été s’ils avaient pensé à encourager les pratiques qu’ils voulaient davantage par la conception que par la force.

Il y a bien sûr des raisons légitimes de vouloir encourager les comportements civiques en ligne. Et naturellement les trolls font de sérieux dommages sur un média social. Mais une politique d’usage du « vrai nom » n’arrête pas un troll non repenti ; ce n’est qu’une haie de plus qu’il s’amusera à franchir. Dans mes travaux avec des adolescents, je rencontre tous les jours des cas de harcèlement écrit entre des gens qui savent exactement qui est qui sur Facebook. L’identité de nombreux trolls est connue. Mais ça ne résout pas le problème. Ce qui compte c’est comment la situation sociale est façonnée, les normes sur ce qui est approprié et ne l’est pas, et les mécanisme de régulation à la disposition de chacun (en faisant honte publiquement ou via une intervention technique). Une culture où les gens peuvent bâtir leur réputation sur leur présence en ligne (que ce soit avec leur « vrai » nom ou avec leur pseudonyme) a un long combat à mener contre les trolls (bien que ça ne soit en aucun cas une solution infaillible). Mais cette culture ne s’obtient pas par la force; vous y arrivez en encourageant l’apparition de normes sociales saines.

Les entreprises qui créent des logiciels que les gens utilisent ont du pouvoir. Mais elles doivent être très très prudentes dans la façon dont elles affirment cette autorité. C’est très simple d’arriver et d’essayer de façonner l’utilisateur de force. C’est beaucoup plus dur de travailler assidûment à concevoir et créer l’écosystème dans lequel des normes saine émergeront. Pourtant, ce dernier point est d’une importance capitale pour la constitution de communautés en bonne santé. Parce que vous ne pouvez pas obtenir une communauté vivace par la force.

Notes

[1] De Clochix, on pourra lire l’intéressant (et déprimant) billet sur les problèmes actuels de Mozilla en particulier vis-à-vis de sa communauté : Quel gâchis…

[2] Crédit photo : Jack Newton (Creative Commons By-Sa)




Google m’a tuer

Stephen Brace - CC byVous vous réveillez un matin et constatez la disparition de la totalité de votre vie numérique !

Plus de mails, plus de contacts, plus de photos, plus de vidéos, plus de documents, plus de calendrier, plus de blog, plus de favoris, plus de flux RSS… tout, absolument tout, s’est évanoui !

De la science-fiction ?

Non, un simple compte Google désactivé unilatéralement et sans préavis par la société.

En l’occurrence le compte de Dylan M. (@ThomasMonopoly sur Twitter) qui avait décidé peu de temps auparavant de tout faire migrer sur son unique compte Google. Compte sur lequel étaient attachés les nombreux services qu’offre la firme de Mountain View (Gmail, Picasa, Google Docs, Calendar, Reader, Blogger, etc.).

Et ce sont donc ici 7 années digitales qui partent en fumée d’un simple clic. Adieu données personnelles. Ce n’est alors pas que votre identité numérique qui vacille, mais votre identité toute entière…

Cette triste ou effroyable histoire vraie est malheureusement riche d’enseignements. D’abord parce qu’elle peut arriver à n’importe quel possesseur d’un compte Google (ici on ne saura pas pourquoi le compte a été désactivé et rien ne pourra être fait pour le rétablir !). Mais aussi et surtout parce qu’elle en dit long sur ce que nous acceptons tacitement lorsque nous décidons de faire confiance à ces « sociétés du nuage » en nous inscrivant, le plus souvent gratuitement, à leurs services en ligne.

Et il va sans dire que Facebook, Twitter ou Apple ont toutes le droit d’en faire autant.

Exaspéré et désespéré, Dylan M. a conté sa mésaventure dans une longue lettre ouverte à Google, que vous trouverez traduite ci-dessous. Une lettre publiée sur… TwitLonger et non sur son blog, puisque ce dernier était sur Blogger et dépendait lui aussi de son compte Google !

De quoi faire réfléchir non seulement sur les pratiques du géant Google mais également sur le monde dans lequel nous avons choisi de vivre…

Je vous laisse, j’ai quelques sauvegardes urgentes à faire sur mon disque dur[1].

Edit du 17 août : Il y a une suite à cette histoire.

Cher Google…

Dear Google…

Thomas Monopoly – 22 juillet 2011 – TwitLonger
(Traduction Framalang : Marting, Slystone, Siltaar, Juu, Padoup et Goofy)

Cher Google,

Je voudrais attirer votre attention sur quelques points avant de me déconnecter définitivement de tous vos services.

Le 15 juillet 2011 vous avez bloqué la totalité de mon compte Google. Vous n’aviez absolument aucune raison de faire cela, même si votre message automatique me disait que votre systeme avait repéré une « violation ». Je n’ai en aucun cas violé les Conditions Génerales d’Utilisation, que ce soit celles de Google ou celles spécifiques au compte, et votre refus de me fournir une quelconque explication ne fait que renforcer ma certitude. Et je souhaiterais vous montrer les dégâts que votre négligence a causés.

Mon compte Google était lié à presque tous les produits que Google a développés, ce qui veut dire que j’ai aussi perdu tout ce qui était dans ces comptes. Je venais aussi d’entreprendre de tout regrouper sur un seul compte Google. En fait, j’avais réfléchi à tout cela voici quelques mois et avais décidé que Google était une entreprise sérieuse et digne de confiance. Donc j’ai tout importé de mes autres comptes Hotmail, Yahoo…, dans mon unique compte Gmail. J’ai passé environ 4 mois à migrer lentement toute ma présence en ligne : comptes email, informations bancaires, documents professionnels, etc., dans cet unique compte Google, l’ayant déterminé comme étant fiable. Cela signifie en termes d’informations environ 7 années de correspondances, plus de 4800 photographies et vidéos, mes messages Google Voice, plus de 500 articles enregistrés dans mon compte Google Reader pour mes études (lorsque j’ai fermé mon compte Reader d’origine pour tout regrouper dans mon unique compte portant mon nom, j’ai ré-enregistré plusieurs centaines d’articles et de flux moi-même, à la main, un par un dans ce nouveau compte, celui que vous avez fermé et dont j’ai maintenant perdu tous les articles). J’ai également perdu tous mes favoris, ayant utilisé Google Bookmarks.

J’avais migré mes favoris d’ordinateur à ordinateur pendant peut-être 6 ans, environ 200, et je les ai finalement tous envoyés sur Google Bookmarks, content d’avoir trouvé une solution pour les migrer et content de me préserver de leur perte. J’ai aussi perdu plus de 200 contacts. Nombreux sont ceux pour lesquels je n’ai pas de sauvegarde. J’ai aussi perdu l’accès à mon compte Google Docs avec des documents partagés et des sauvegardes de fichiers archivés. J’ai par ailleurs perdu l’accès à mon calendrier. Avec cela, j’ai perdu non seulement mon propre calendrier personnel avec des rendez-vous chez le médecin, des réunions et autres, mais j’ai aussi perdu mes calendriers collaboratifs que j’avais créés et pour lesquels plusieurs heures de travail humain ont été nécessaires, des calendriers communautaires qui sont maintenant perdus.

Aucun de ces calendriers n’était non plus sauvegardé. J’ai également perdu mes cartes Google Maps sauvegardées et mon historique de voyages. J’ai perdu mes dossiers de correspondances médicales et diverses notes très importantes qui étaient attachées à mon compte. Mon site Web, un compte Blogger pour lequel j’ai acheté le domaine via Google et que j’ai conçu moi-même, a été aussi désactivé et perdu. Pensez-vous réellement que je ferais sciemment quelque chose qui mettrait en péril autant de données personnelles et professionnelles ? Au fur et à mesure que les jours passent, je suis certain que je vais prendre connaissance d’autres choses que Google a détruites dans la désactivation injustifiée de mon compte. Je suis seulement trop en colère en ce moment pour réflechir correctement et tout passer en revue. Pourquoi quelqu’un confierait-il quoi que ce soit à « l’informatique dans les nuages » après ce que j’ai traversé ? C’est quelque chose qui me dépasse complétement.

Je voudrai aussi préciser que je suis en fait un client payant, au point que j’ai acheté mon domaine via Google et j’ai aussi acheté de l’espace de stockage supplémentaire.

J’aimerais attirer votre attention sur d’autres éléments : je suis en ce moment en train de soumettre ma candidature pour les études supérieures. Je recevais occasionnellement des courriels de professeurs et d’autres personnes que je n’attendais pas et dont je n’avais pas les coordonnées. Ceci entraînant qu’en plus de mes amis et de ma famille à l’étanger ou des gens qui ne pouvaient pas me joindre autrement, ces personnes recevront maintenant un message de Google leur signalant que mon adresse électronique n’existe pas. Et j’ose imaginer que certains d’entre eux n’auront pas le temps de trouver d’autres moyens de contacter un candidat à qui ils faisaient une faveur en faisant le premier pas.

J’aimerais attirer votre attention sur d’autres éléments : J’ai été ce que l’on pourrait appeler un supporter enthousiaste de Google en tant qu’entreprise. Étant un utilisateur de la première heure, on pourrait presque dire que j’ai été un apôtre du travail de Google. Google sortait ses produits prématurément, et je contribuais au feedback sur ces produits. Lorsque Google a réussi son coup politique en Chine en re-routant les serveurs vers Hong-Kong, j’ai applaudi et j’ai posté des articles à ce sujet sur tous mes réseaux sociaux, et j’ai fait la remarque, par ces mots, à plusieurs personnes que je connais : « Ils l’ont fait avec classe et dignité ». J’ai également convaincu l’entreprise pour laquelle je travaillais de migrer vers Google Business Apps et d’utiliser les Google Apps pour à peu près tout. Je les ai aussi encouragés à acheter de l’espace de stockage avec Picasa pour construire notre base de données d’images. De plus, j’ai convaincu presque toute ma famille et mes amis d’ouvrir un compte Google ou Gmail dans les deux dernières années, et j’ai montré aux gens comment les utiliser et leur ai expliqué les bénéfices de Chrome sur les autres navigateurs. J’ai même des actions Google.

J’aimerais attirer votre attention sur d’autres éléments encore : je ne suis pas fâché que Google ait suspendu mon compte s’ils pensent qu’il a été corrompu, mais je suis absolument furieux qu’ils aient suspendu mon compte sans me prévenir, sans même me donner une raison, et sans me donner quelque moyen que ce soit pour le réactiver, et ensuite ignorer toutes mes tentatives de trouver un interlocuteur. Aucun autre prestataire de service Internet ne se comporte ainsi. Je comprends que Google ne puisse pas offrir de l’aide personnalisée pour chaque demande de ses utilisateurs, mais quand une société comme Google a pris une position de monopole sur des pans entiers de l’Internet, elle a le devoir de se montrer responsable envers leurs clients quand des évènements comme ceux-ci arrivent. J’ai utilisé tous les forums d’aide : en vain. Et cela n’a fait que me mettre davantage en colère. Je ne vais pas prendre la peine de citer toutes les conversations absurdes que j’ai eues, elles sont trop nombreuses et elles vont seulement me rendre de plus mauvaise humeur.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est quand un « top contributeur » a déplacé le fil de la discussion du forum d’aide initial sur lequel je postais vers un autre forum sans ma permission. Puis, quelques jours plus tard, un autre « top contributeur » a laissé un message indiquant que le fil se trouvait dans le mauvais forum et a fermé la conversation, m’empêchant dorénavant au même titre que n’importe quelle autre personne d’y participer ou de faire des progrès. Les forums d’utilisateurs ne sont pas des sources d’information contrairement à ce que pense Google. Et la seule fois qu’un employé de Google a contribué dans mon fil, cela a été pour dire que ma question n’était pas posée dans le bon forum, et pour me dire que j’aurais dû poster dans le forum où je l’avais initialement placé. Cela s’est produit quand j’ai reposé sans arrêt les mêmes questions. En voici un exemple :

Moi : S’il vous plait, aidez-moi, mon compte a été désactivé et je ne sais pas pourquoi !

Utilisateur 1 : Connectez-vous simplement au tableau de bord et faites quelque chose.

Moi : Je ne peux pas, mon compte a été désactivé.

Utilisateur 2 : Salut, je viens juste de voir votre post. Pouvez-vous vous connecter à votre compte et me dire ce que quelque chose dit ?

Moi : Mais puisque JE VOUS DIS que JE NE PEUX PAS me connecter à mon compte !

Utilisateur 1 : Ok, ne vous énervez pas, pouvez-vous faire quelque chose qui implique que je sois connecté ?

Moi : Mais NON ! Je ne peux pas DU TOUT me connecter à mon compte !!!

Puis la conversation a été fermée par quelqu’un et j’ai abandonné, après 5 jours. Je comprends la philosophie qui est derrière les forums modérés par les utilisateurs eux-mêmes. Mais dans de nombreux cas, les problèmes sont hors de portée des autres utilisateurs. Je ne demande pas comment activer les émoticônes dans une signature Gmail ou comment modifier ma photo de profil. Mon problème est un problème grave pour lequel une voie de secours sérieuse devrait être disponible. Je pense mettre le doigt sur une critique valide des insuffisances de l’aide géré par les communautés d’utilisateurs en ligne. Google a mis en place une gestion type Ferme des Animaux sur son site avec des utilisateurs qui pour la plupart sont bien intentionnés mais complètement incapables de prendre des décisions à un niveau administrateur ou d’offrir de l’aide à un tel niveau.

Et cela peut fonctionner en douceur aussi bien pour l’utilisateur que pour l’entreprise, du moment que l’entreprise reste impliquée et prend ses responsabilités quand la résolution d’un problème est entièrement hors de portée d’un autre utilisateur. Google ne fait pas cela.

Je me fiche qu’un service Google soit gratuit. C’est Google qui adopte l’approche : « Vous n’aimez pas ? Tant pis, de toutes façons c’est gratuit ». Gratuit ou non, tous les utilisateurs sont dans l’orbite de Google et c’est en nous montrant des publicités que Google a gagné ses milliards de dollars. Il n’y a pas d’autre société côtée en bourse du niveau de Google qui ne propose pas un support simple et complet à ses utilisateurs.

En plus des forums, j’ai également rempli tous les formulaires et demandes que j’ai pu trouver, et tenté de contacter chaque bureau et même chaque personne dans les deux bureaux de Manhattan. Mais pas une seule personne n’a été capable de m’aider, ce que je trouve choquant et exaspérant comme dans un cauchemar kafkaïen. Un employé m’a même répondu qu’il ne savait pas ce que je devais faire, ajoutant : « honnêtement, je n’utilise même pas Google » !

Après avoir exploré tous les canaux possibles pour obtenir de l’aide, j’ai finalement été contacté tout à coup par un employé de Google qui a vu par hasard mes protestations sur Twitter, un service que j’ai utilisé suite à l’absence complète de support à la clientèle de Google. Il a dit qu’il allait essayer de contacter des personnes chez Google pour m’aider à restaurer mon compte. Après plusieurs échanges d’emails avec lui, il m’a rapporté qu’il avait parlé à quelqu’un de chez Google qui lui a dit que mon compte avait été désactivé, sans lui dire pourquoi. Il a essayé d’expliquer que ça devait être une erreur, mais ils ne pouvaient pas se l’expliquer eux-mêmes.

Alors Google, voici autre chose à laquelle je voudrais que vous réfléchissiez. L’un de vos propres employés est allé vers vous pour moi et vous a indiqué que vous aviez désactivé mon compte par erreur, et votre réponse a été : « Non, on est presque sûr que non ». Votre propre employé a dit : « Écoutez, j’ai parlé à cette personne et je pense qu’une erreur a été faite, vous devriez revérifier ou lui parler ». Et à nouveau, votre réponse a été « Non, on est presque sûr ». Alors, posez-vous la question, quelqu’un comme moi qui a vu son compte être désactivé se lancerait-il dans une telle campagne vociférante et bruyante pour parler à quelqu’un de chez Google afin de leur expliquer qu’une erreur a été commise et que des années de données importantes ont été détruites, quelqu’un comme moi qui aurait volontairement mené des activités illégales sur son compte ferait-il cela ? Vous avez seulement besoin de bon sens pour répondre.

D’autres éléments : J’ai eu des comptes Hotmail, Yahoo, AOL et Compuserve et jamais l’un de ces comptes n’a été désactivé. Lorsque l’une de ces entreprises pensait que mon compte était compromis, il m’en ont averti et j’ai changé mon mot de passe. Pourquoi Google ne m’a-t-il pas notifié, à l’adresse email alternative que j’ai fournie à l’inscription, avant de prendre la décision de désactiver mon compte ? Cela me laisse perplexe. Si vous dites que j’ai violé certaines Conditions Génerales d’Utilisation c’est votre droit, et dans ce cas il est justifié de résilier mon compte. Mais je vous demande maintenant un minimum de preuves de cette violation.

Concernant toute violation, je veux être tout à fait clair : je n’ai causé aucune infraction aux Conditions Génerales d’Utilisation. Si Google pense que quelque chose a été fait de mon côté, je les défie de me dire ce que c’est. Je n’ai d’aucune façon violé de Conditions d’Utilisation, c’est un fait. Je voudrais signaler que quelques jours avant que mon compte ne soit désactivé j’obtenais des messages d’erreur quand j’essayais d’accéder à Google.com via Chrome. Je sais que je ne suis pas la seule personne que je connais à qui cela est arrivé. Mes amis et membres de ma famille utilisant Chrome obtenaient des messages d’erreur en essayant d’accéder à Google.com. Je pense que c’était des avertissements de redirections ou de certificat du site. J’ajoute que mon compte Google Plus se comportait de façon étrange lui aussi avant la désactivation de mon compte. Mais je lance des vérifications antivirus régulièrement et je n’ai jamais eu de virus. Une quelconque « violation perçue » est une méprise de la part de Google, ceci aussi est un fait.

Vous avez coupé mes moyens de communication, perturbé ma vie personnelle et professionnelle, détruit de larges parties des mes données personnelles et professionnelles, m’avez accusé de quelque chose sans me dire de quoi, avez bloqué toute communication directe avec mon accusateur, et ne m’avez donné aucune possibilité de faire appel de cette décision ou de parler à quelqu’un des faits connus dans cette affaire. Cette entreprise se dirige vers une voie très, très menaçante, si elle continue ainsi.

Plusieurs appels ont été faits à l’ONU pour que l’accès à Internet, aux communications essentielles et aux services d’information deviennent des Droits de l’Homme. En Grèce, en Espagne, en France et en Scandinavie, cela a déjà été accordé. Ce ne sera pas long avant que des lois ne soient mises en place concernant les comptes personnels utilisés pour accéder à ces services de communication et d’information, et des lois régulant la sauvegarde des informations personnelles contenues dans ces comptes, comme les correspondances. Il est impardonnable qu’une entreprise telle que Google, qui fait tant de déclarations sur les bonnes pratiques dans les domaines de la communication et de l’information, n’ait pas pris d’elle-même l’initiative et ait à la place choisi de traîner les pieds tant qu’ils n’y sont pas contraints par les gouvernements.

Les entreprises comme Google profitent des lois actuelles et écrivent dans leurs Conditions Générales d’Utilisation des choses telles que :

« …vous accordez à Google le droit permanent, irrévocable, mondial, gratuit et non exclusif de reproduire, adapter, modifier, traduire, publier, présenter en public et distribuer tout Contenu que vous avez fourni, publié ou affiché sur les Services ou par le biais de ces derniers. »
(NdT : Tiré directement de la version française)

Ces conditions ne sont pas viables et je ne doute pas qu’elles seront modifiées à un moment ou à un autre à l’avenir. De nombreux grands médias, tel que le Washington Post, ont déjà commencé à scruter Google et d’autres entreprises qui ont choisi d’imposer de telles drastiques conditions à leurs clients. Voir Google agir de la sorte est infect et inexcusable.

Et je m’inquiète réellement de l’avenir de la dissidence sociale et politique qui devra se battre pour exister dans l’œil du cyclone formé par les réseaux sociaux et l’actuelle politique de Google. Un climat dans lequel la Responsable de la Vie Privée chez Google, Alma Whitten, a encensé YouTube comme un moyen pour les activistes politiques de poster du contenu de manière anonyme. Quelques mois plus tard, une nouvelle décision interne éliminait tranquillement toute possibilité de publier anonymement.

Je tiens aussi à mentionner qu’en aucun cas je n’ouvrirai un autre compte Google.

Comme je l’ai déjà dit, j’ai toujours été un apôtre et un fidèle de Google. Aujourd’hui c’est terminé. Je vais en finir avec les Google Apps qu’utilise mon entreprise et laisser tomber tous les autres produits Google que j’utilise, même les services comme Google News que je consultais auparavant plusieurs fois par jour. J’étais même sur le point de remplacer mon iPhone par un téléphone tournant sous Android. Au lieu de cela, je vais dépenser la même énergie que je consacrais à encenser Google à dénoncer cette entreprise que je considère désormais comme extrêmement nuisible et aux pratiques honteuses. Je vais écrire à mon sénateur, vendre mes actions et contacter ma banque à propos de l’argent que j’ai versé pour le domaine et l’espace de stockage qui sont à présent inaccessibles. Je vais faire pression sur Google par tous les biais possibles pour qu’ils m’expliquent ce qu’ils ont perçu comme une violation de leurs Conditions d’Utilisation. Ces conditions que Google nous présente lors de l’ouverture d’un compte : « Google se réserve le droit de clore votre compte à n’importe quel moment, pour n’importe quelle raison, avec ou sans préavis » ne sont pas des termes défendables (pour certains points, je pense qu’un tribunal pourrait conclure que ces termes sont inacceptables).

Google est une entreprise à qui les gens confient de nombreuses données personnelles dont ils dépendent fortement. C’est pourquoi Google doit fournir la preuve de ce qui cause la désactivation d’un compte. Une fois de plus, on ne peut pas prendre l’argent des gens et avoir un monopole sur des pans entiers de l’Internet sans montrer un minimum de responsabilité vis-à-vis de ses clients. J’ose espérer que Google sera forcé de fournir un moyen de récupérer ses données personnelles telles que sa correspondance ou ses contacts lors de la fermeture d’un compte.

Le fait que pour le moment Google n’offre pas cette option lorsqu’il désactive arbitrairement le compte d’un utilisateur ne fait qu’ajouter l’insulte aux dommages causés.

Quand je pense à tout le business que j’ai fait faire à Google, à tout l’argent que j’ai apporté à cette entreprise, à tous les gens que j’ai convertis de Yahoo ou d’Hotmail, à tous les prêches que j’ai faits envers Android, à tout le travail que j’ai consacré à la souscription de mon entreprise à Google Apps, ça me met en rage et je regrette tout ce que j’ai fait. Et je vais faire tout ce qui est humainement possible pour défaire toutes ces actions, ainsi que pour mettre Google sous pression pour qu’elle devienne une entreprise plus responsable.

Honte à vous et à vos associés ainsi qu’à vos employés qui tolèrent de telles pratiques d’entreprise déplorables, déshonorantes et répréhensibles !

Notes

[1] Crédit photo : Stephen Brace (Creative Commons By)




Bitcoin libérera-t-il la monnaie à l’échelle d’Internet ?

TraderTim - CC by-sa« Papa, tu faisais quoi quand les crédits Facebook sont devenus l’unique moyen de paiement sur internet ? »

C’est par cette phrase cinglante que s’achève le billet de notre ami Ploum, qui nous a fait l’honneur d’un article original sur le Framablog.

Le propos se divise en deux parties.

La première nous explique très clairement pourquoi nous avons urgemment besoin d’un système d’échange monétaire libre et décentralisé, à fortiori lorsqu’il s’agit de micropaiements ou de microdons.

La seconde est consacrée à Bitcoin (cf cette vidéo) qui semble potentiellement d’ores et déjà répondre au besoin mais qui n’est pas sans poser questions et problèmes[1].

Je ne sais si Bitcoin s’imposera, mais celui qui réussira lui ressemblera.

Et ce jour-là Papa sera fier d’annoncer à son rejeton qu’on pourra non seulement se passer des crédits Facebook mais qu’on n’aura plus à trembler servilement lorsque les bourses mondiales se mettent à tousser.

Décentralisation monétaire

Ploum – juillet 2011
Licence Creative Commons By-Sa

Quelle que soit votre motivation profonde, vous êtes beaucoup, parmi les lecteurs de Framasoft, à voir dans l’Internet un espace de liberté, d’expression, de communication, d’échanges, d’entraide et bien d’autres.

Afin que cette liberté soit garantie, il est nécessaire d’éviter à tout prix une centralisation qui mettrait le pouvoir absolu d’un service donné dans les mains d’une seule personne, entreprise ou gouvernement. En effet, un service décentralisé assure non seulement la pérennité du réseau mais permet également une indépendance d’un client par rapport à un fournisseur de service.

C’est pour cette raison qu’à Framasoft nous sommes de fervents défenseurs de l’email, que nous utilisons XMPP à la place de MSN, que nous préférons identi.ca à Twitter et que nous suivons avec impatience les progrès de Diaspora pour proposer une alternative à l’omniprésent Facebook.

Mais si l’entraide, la communication et l’échange sont de très belles choses, ils ne sont malheureusement pas entièrement suffisants et la majorité d’entre nous, Framasoft inclus, a encore terriblement besoin d’argent.

Alors que le troc est entièrement décentralisé, chacun troquant selon ses convenances, l’argent est un service totalement centralisé fourni par les états. D’ailleurs, ne parle-t’on pas de « banque centrale » ?

Ce système est, de plus, complètement opaque, les citoyens devant entièrement faire confiance à l’état central qui, lui-même, délègue une partie de ce pouvoir aux banques privées.

Le fait que ce soit un bien ou un mal reste sujet à interprétation. Néanmoins, en regard de la crise économique de 2008, il faut bien admettre que le résultat de l’actuelle politique économique centralisée est relativement mitigé. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle certaines collectivités ont développé des systèmes d’échange locaux (SEL), en temps qu’alternative locale et auto-gérée à l’économie traditionelle.

Sur le réseau la situation n’est guère meilleure. Quelques acteurs centralisés comme Visa et Paypal monopolisent les transferts entre monnaie réelle et monnaie virtuelle. Cette situation d’oligopole leur est, bien entendu, fortement profitable : taxes à l’entrée d’argent dans le système, taxe à la sortie d’argent du système, commission sur chaque transaction. Sans compter que toutes vos dépenses, représentant une grande part de votre vie privée, sont fichées et archivées entre les mains d’entreprises pas toujours scrupuleuses.

Au final, il s’ensuit un véritable racket de l’internaute : afin que votre correspondant puisse recevoir 1€ au bout de la ligne, il n’est pas rare de devoir verser 1,20€, 1,50€ voire 1,80€, sous forme de frais fixes et de pourcentage sur la transaction. Ces frais, négligeables pour les grosses sommes, empêchent tout développement réel des petits transactions, des microdons, des micro-achats. Ces entreprises acquièrent également un pouvoir politique, s’octroyant le droit de « geler » ou de supprimer des comptes, comme ce fut le cas pour Wikileaks.

Le transfert de petites sommes est pourtant un moteur de notre économie. Si l’on hésite à acheter un album de musique à 14€, acheter une chanson à 1€ peut se faire sur un coup de tête. Les grandes entreprises ont donc développé des systèmes de « comptes » ou d’abonnements. Vous versez une somme importante en une fois que vous pourrez dépenser petit à petit. L’Apple Store ou les crédits Facebook fonctionnent sur ce principe. Mais outre le fait que ces systèmes sont centralisés, ils nécessitent d’immobiliser une grosse somme d’un seul coup et ne sont bien sûr pas interopérables. Une fois vos 25€ versés sur Facebook, ils sont irrécupérables et non-transférables en dehors des applications Facebook.

Quelques alternatives tentent également de proposer un modèle original, comme Flattr. Flattr offre en effet de déterminer une somme mensuelle fixe qui sera divisée par le nombre de dons faits chaque mois. Néanmoins, cela reste centralisé et avec des frais prohibitifs. Ainsi, Framasoft ne touche que 90% des dons faits via Flattr.

Une solution idéale serait de proposer un système d’échange monétaire libre et décentralisé. Un tel système existe et a un nom : Bitcoin.

Techniquement, le fonctionnement de Bitcoin est relativement complexe, se basant sur des algorithmes cryptographiques et le peer-to-peer. Le gros problème d’une monnaie virtuelle est d’éviter la « double dépense ». Par essence, une information virtuelle peut être répliquée à l’infini, problème qui tracasse l’industrie musicale depuis plusieurs années.

Bitcoin résout ce problème en utilisant le peer-to-peer. Lorsque Alice donne un bitcoin à Bob, elle rend la transaction publique. Les participants au réseau bitcoin (les « mineurs ») vérifient que la transaction est légitime en s’assurant que, dans leur historique des transactions, Alice est bien la dernière personne à avoir reçu ce bitcoin précis, chaque bitcoin étant unique. Les « mineurs » annoncent sur le réseau que la transaction est confirmée. Quand suffisamment de « mineurs » ont confirmé la transaction, Bob peut considérer que Alice ne pourra plus dépenser son bitcoin et qu’il en est donc le propriétaire. Si Alice tente de redépenser son bitcoin, les « mineurs » refuseront la transaction, arguant que, d’après l’historique, Bob est le légitime propriétaire du bitcoin.

Pour encourager les « mineurs » à faire ce travail de vérification, le réseau gratifie le premier mineur à vérifier chaque bloc de transactions d’un bonus. Ce bonus, qui est pour le moment de 50 bitcoins, décroît avec le temps et a pour conséquence de distribuer la monnaie graduellement à travers le réseau.

Le nombre de bitcoins ainsi générés étant une fonction décroissante, on a pu calculer que le nombre total de bitcoins ne dépasserait jamais 21 millions.

Intrinsèquement, le bitcoin n’a aucune valeur. C’est juste la preuve qu’un échange a été fait. Mais n’en est-il pas de même pour n’importe quelle monnaie ?

Afin de garantir l’anonymat, les transactions ne se font pas directement entre Alice et Bob mais entre deux adresses du type 1GTkuikUyygRtkCy5H6RMuTMGA1ypqLc1X, qui est la partie publique d’une clé de cryptage asymétrique. Bob donne à Alice son adresse et seul eux deux savent à qui appartient l’adresse. Le réseau ne possède aucun moyen de lier l’adresse réceptrice à Bob. Bob, de son côté, possède la partie privée de la clé, lui permettant de prouver qu’il est bien le destinataire de tous les bitcoins envoyés à cette adresse. Bob peut générer autant d’adresses qu’il le désire et l’usage est de générer une adresse par transaction.

La facilité d’échange et la rareté du bitcoin en font un candidat idéal pour une monnaie électronique décentralisée. Des sites de vente en ligne acceptant les bitcoins sont donc apparus sur le net. Beaucoup de personnes, tablant sur un succès futur des bitcoins, on décidé d’en acheter une certaine quantité, ce qui a fait monter le prix du bitcoin. Une véritable économie parallèle s’est développée, principalement basée sur la spéculation. La valeur du bitcoin est passée de 0,01€ en novembre 2010 à 25€ en mai 2011, avant de redescendre aux alentours de 10€ en juin 2011.

Si Richard Stallman n’a pas encore pris de position publique au sujet du bitcoin, le fait qu’il s’agisse d’un logiciel libre, décentralisé et permettant des paiements anonymes en fait la coqueluche de certains libristes. La Free Software Foundation elle-même accepte dorénavant les donc en bitcoins. Après moins de deux jours, plus de 270 bitcoins avaient été envoyés anonymement, l’équivalent de près de 700€ de dons à l’époque et 2700€ actuellement !

Mais tout n’est pas rose au pays des bitcoins et les critiques sont nombreuses.

Beaucoup s’étonnent notamment au fait d’attacher de la valeur à quelque chose qui n’en a pas. À ce sujet, le bitcoin ne diffère pas d’un bout de papier ou même d’un morceau de métal jaune brillant. La valeur attachée à un objet est en effet liée à la confiance que le possesseur a de pouvoir échanger cet objet. Mais entre accorder sa confiance à un gouvernement et l’accorder à un réseau P2P décentralisé, il y a un pas que beaucoup hésitent à franchir.

Le bitcoin est anonyme et permet de gros échanges d’argent sans aucun contrôle, tel la vente de drogue ou de services illicites. Les partisans du bitcoin répliquent que bitcoin n’est qu’un outil, comme l’est la monnaie papier. Beaucoup d’outils facilitent les activités illégales: Internet, la cryptographie, le réseau Tor. Il est d’ailleurs déjà possible d’acheter de la drogue en ligne en payant en bitcoins. Faut-il bannir ces outils pour autant ? Une chose est certaine: le bitcoin opère dans une zone encore floue de la légalité. Même les activités parfaitement licites sont confrontées à un problème de taille: comment déclarer des revenus en bitcoins ? Faut-il payer des impôts ? À ce titre, Bitcoin peut être considéré comme un gigantesque SEL à l’échelle d’Internet.

Nombreux, également, sont ceux qui pointent l’inégalité de Bitcoin. En effet, les premiers bitcoins étaient très faciles à générer. Les tous premiers entrants ont donc, sans effort, récolté des milliers de bitcoins. Est-ce que le fait d’avoir cru en bitcoin avant tout le monde est suffisant pour justifier leur nouvelle richesse ? Le bitcoin n’est-il pas une gigantesque pyramide de Ponzi ? De manière amusante, cette critique semble typiquement européenne. Dans un monde où la richesse est un signe de succès, les Américains ne semblent en effet pas y voir le moindre inconvénient, surtout dans la mesure où cet enrichissement entièrement virtuel ne s’est pas fait au détriment d’autres personnes.

Économiques, philosophiques, morales, techniques ou politiques, Bitcoin interpelle et soulève de nombreuses questions à propos du système dans lequel nous vivons, ne laissant personne indifférent. À tel point que certains se demandent si le prix actuel du bitcoin n’est pas entièrement artificiel et créé par l’enthousiasme des spéculateurs. Sa difficulté d’utilisation et l’apparent amateurisme des sites acceptant les bitcoins ne semblent pas plaider en faveur du bitcoin.

En Juin 2011, MtGox.com, le principal site d’échange de bitcoin contre des dollars, a été piraté et des opérations ont été réalisées de manière frauduleuse, plongeont l’économie du bitcoin dans l’incertitude pendant une semaine complète. La valeur du bitcoin n’en a que peu souffert mais, pour certains, l’évênement a été un signal d’alarme: le bitcoin est encore très expérimental et sa valeur peut tomber à zéro en quelques heures.

Mais, malgré tout, Paypal, les crédits Facebook et les pièces d’or de World of Warcraft nous ont démontré que la généralisation des monnaies virtuelles est une évolution inéluctable. Si elle n’est pas exempte de critiques, Bitcoin semble à ce jour la seule alternative libre et décentralisée utilisable.

Bitcoin disparaitra-t-il comme une bulle spéculative après quelques mois ? Transformera-t-il durablement la société ? J’avoue ne pas en avoir la moindre idée mais je sais que mon plus grand cauchemar est de me réveiller un matin avec une petite tête blonde me demandant auprès de mon lit: « Papa, tu faisais quoi quand les crédits Facebook sont devenus l’unique moyen de paiement sur internet ? »

Notes

[1] Crédit photo : TraderTim (Creative Commons By-Sa)




Le Framablog fête ses 1000 billets !

Shandi Lee - CC byBon ben voilà, ceci est (déjà) le millième billet du Framablog ! Il tombe un dimanche matin en plein mois d’août, il ne devrait pas y avoir beaucoup de convives au banquet[1]. La fête sera plus que confidentielle 🙂

L’aventure avait commencé ici, en septembre 2006, et contrairement à ce qui avait été annoncé on a beaucoup plus parlé du « Libre » que de Framasoft.

Par contre nous sommes restés relativement en phase avec à la phrase mise en exergue sur le bandeau : « mais ce serait peut-être l’une des plus grandes opportunités manqués de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code ».

Les digues de la résistance sont hautes et solides et il reste encore beaucoup à faire. Mais l’agent émancipateur logiciel libre est bien en train de produire ses effets et d’inspirer dans son sillage de toujours plus nombreux domaines de l’activité humaine.

C’est cette histoire en marche que nous essayons modestement de témoigner et de chroniquer ici depuis cinq ans, en assumant notre oscillation permanente entre la neutralité journalistique et le parti pris de ceux qui y croient.

Je dis « nous » parce que la plume de ce blog n’est pas uniquement tenue par son « dictateur bienveillant à vie ».

Il y a eu d’autres rédacteurs, tel l’auteur du Geektionnerd pour n’en citer qu’un. Il y a eu aussi tous ceux qui ont bien voulu que l’on reproduise leurs articles en ces lieux. Et puis surtout, ce qui constitue sans nul doute la plus forte valeur ajoutée du site, toutes ces traductions que nous devons à notre dream team Framalang. En y ajoutant les commentateurs, on a l’équipe au complet que je remercie chaleureusement comme il se doit pour son implication.

Ici comme ailleurs, la route est décidément fort longue mais ensemble la voie semble bel et bien toujours plus libre. Rendez-vous, soyons prudent, au prochain anniversaire, aKa.

PS : J’en ai profité pour mettre à jour la page « Best of » censée compiler non pas tant le meilleur du blog que des articles dont l’interet est susceptible de dépasser le temps éphémère de l’actualité.

PS2 : À propos de chiffre mille, je rappelle subrepticement l’existence de notre campagne de dons « 1000 10 1 », car là aussi il reste beaucoup à faire si nous ne voulons pas réduire la voilure.

Notes

[1] Crédit photo : Shandi Lee (Creative Commons By)




Unhosted : libre et salutaire tentative de séparer applications et données sur le Web

Michiel de JongIl est désormais possible de se passer de la suite bureautique Microsoft Office et du système d’exploitation Windows en utilisant de fiables alternatives libres (GNU/Linux et Libreoffice pour ne pas les nommer).

Mais quid du réseau social Facebook et des services Google par exemple ? Est-il possible de proposer des alternatives libres à ces applications dans les nuages du web qui demandent une énorme bande passante et nécessitent des batteries de serveurs, avec tous les coûts faramineux qui vont avec (et que ne pourra jamais se permettre le moindre projet libre qui commence avec cinq gus dans un garage) ?

L’enjeu est de taille car c’est de nos données qu’il s’agit et dont on fait commerce.

Une piste de solution, qui sur le papier semble tout autant lumineuse que triviale, serait de pouvoir séparer l’application web des données que cette application traite. L’application serait quelque part sur un serveur et les données ailleurs sur un autre serveur (chez vous par exemple).

Imaginez un Facebook où toutes les données de ses utilisateurs ne seraient plus sur le site et les serveurs de Facebook ! Facebook serait bien bien plus léger du coup à administrer (moins rentable aussi c’est sûr).

Finis la centralisation et le contrôle sur vos données qui retrouvent du même coup une liberté qu’elles n’auraient jamais dû perdre. Et le web (re)devient un meilleur web.

C’est l’objectif pour le moins ambitieux mais ô combien urgent et utile du projet Unhosted conduit par Michiel de Jong dont nous vous proposons une instructive et enthousiasmante interview ci-dessous.

On notera au passage que le projet collabore avec Libreoffice. À quand un « Google Docs Killer » basé sur unhosted ?

On remarquera également que le projet n’hésite pas à accorder de suite une forte importance au confort de l’utilisateur. Extrait : « Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté. »

Bonne lecture. La problématique exposée ici constitue certainement l’un de nos prochains combats. En fait la bataille a déjà commencé. Elle s’annonce rude mais on déplacé tant de montagnes par le passé qu’il n’y a aucune raison de perdre confiance et de laisser le champ… libre aux seuls monopoles commerciaux à la taille démesurée.

Mais avant cela rien de tel que cette courte vidéo introductive pour se mettre dans le bain et comprendre plus encore de quoi il est question :

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Entretien de Michiel de Jong avec la communauté

Fellowship interview with Michiel de Jong

Chris Woolfrey – 23 avril 2011 – Followship of FSFE
(Traduction Framalang : Pandark, Pyc et Slystone)

Michiel de Jong a travaillé comme programmeur, chercheur et administrateur système à Amsterdam, Oxford, Londres et récemment à Madrid en tant qu’ingénieur en scalabilité (ou adaptabilité) pour le réseau social espagnol Tuenti. L’hiver dernier il a pris deux mois de vacances (de hacker) à Bali pour monter le projet Unhosted. Il vit maintenant à Berlin avec Kenny Bentley et Javier Diaz, où ils prévoient de travailler à plein temps sur le projet si les donations le permettent.

Chris Woolfrey : Pouvez-vous expliquer ce qu’est le projet Unhosted avec vos propres mots ?

Michiel de Jong : Il y a plusieurs manières de le présenter ; mon approche préférée est l’angle du logiciel libre. Le terme de logiciel libre signifiait auparavant que l’on avait un pouvoir de contrôle (utilisation, partage, étude et amélioration) sur le code source et le logiciel exécuté par l’application, c’est la définition utilisée par la FSFE.

À l’époque, c’était suffisant. On considérait comme acquis le contrôle des données traitées par l’application ; c’est évident, elles sont sur votre ordinateur ou votre serveur, sur lequel vous avez un accès complet aux données utilisées par vos applications.

Concernant les logiciels installés, que ce soit sur un ordinateur de bureau ou sur un serveur, cette vision était juste : si vous contrôlez le code source, vous possédez la liberté logicielle. Mais ensuite, lentement, les logiciels installés ont été remplacés chez l’utilisateur par des logiciels hébergés (comme Google Docs, Facebook et Twitter). Ces sites web hébergés ne sont alors plus une source d’information comme les classiques sites web d’avant ; ce sont des applications interactives, et la liberté logicielle n’existe pas dans ce contexte.

Il est absurde que les logiciels hébergés vous fassent céder vos données à l’auteur de l’application en question, mais c’est ainsi que cela se passe. Cela s’est installé progressivement et insidieusement, car les sites web d’information sont devenus peu à peu des sites dynamiques, et ces sites dynamiques ont commencé à accepter les contributions d’utilisateurs et sont peu à peu devenu des applications interactives. Désormais, les logiciels hébergés sont largement utilisés, souvent en lieu et place d’anciennes applications installées localement sur les ordinateurs.

Dans la transition des applications locales aux application hébergées, la liberté logicielle a été oubliée. Personne ne parle plus désormais de logiciels installés localement, on parle de logiciels hébergés, et pourtant certains disent « Mon ordinateur ne contient que des logiciels libres ; seul le microprogramme de la carte graphique est propriétaire », et c’est une erreur car une bonne partie des « logiciels » qu’ils utilisent ne sont pas installés localement sur leur ordinateur mais utilisés au travers d’un navigateur internet.

Le projet Unhosted a pour but d’inventer et promouvoir un moyen de résoudre ces problèmes. La liberté logicielle doit, de nos jours, être non seulement la liberté du code mais aussi celle des données.

CW : Comment Unhosted permet-il ceci ?

MdJ : Nous séparons le code d’une application de ses données.

Quand vous vous connectez à une application web Unhosted, l’URI affichée dans la barre d’adresse indique l’emplacement du code de l’application, mais le nom de domaine suivant l’arobase de votre identifiant indique l’emplacement de vos données ; ce qui libère vos données de l’emprise du serveur de l’application, tout en libérant ledit serveur de la charge de l’hébergement de vos données.

Ceci implique que l’hébergement d’applications libres redevient possible sur le web. Après tout, il existe un évident substitut libre à Microsoft Windows : GNU/Linux, comme il existe un évident substitut libre à Microsoft Office : Libre Office.

Mais quel logiciel libre pour remplacer aussi évidemment Google Docs ? Pourquoi ne pas se connecter à « www.libredocs.org », par exemple, et utiliser là des applications web libres, comme pour un logiciel installé localement ?

La réponse simple est le coût inhérent au fonctionnement d’une application distante, trop élevé pour permettre la fourniture de ces services gratuitement. Pour coder du logiciel libre, il suffit que des développeurs y consacrent du temps et du savoir-faire. Mais il est impossible de proposer des logiciels libres en ligne sans coût financier, parce que cette activité nécessite l’utilisation de serveurs, et qu’il faut rétribuer les hébergeurs.

En séparant le code des données, laissant leur traitement au navigateur, notre solution règle ce problème : il devient très économique d’héberger des applications web libres parce que vous n’avez à héberger que l’application elle-même, son code, pas les données qu’elle doit traiter.

C’est le côté « libérez les applications du poids des données » de notre projet. Puis arrive l’autre coté : le logiciel c’est du code et des données, le logiciel libre c’est du code libre et des données libres.

Avec Unhosted, la liberté des données est assurée par le choix, lors de l’inscription à une application, du domaine devant héberger vos données pour vous. Vous pouvez ouvrir un compte chez un fournisseur de services (ils sont en train d’être mis mettre en place) ou demander à l’administrateur réseau de votre université ou de votre entreprise d’héberger un nœud pour celle-ci ; de cette façon, tout bénéficiaire d’une adresse « @quelquepart » aura la possibilité d’obtenir un compte Unhosted avec le même nom d’utilisateur.

CW : Y a-t-il des bénéfices en termes de vie privée à utiliser Unhosted en comparaison avec une application web qui conserve à la fois le code et les données à distance ?

MdJ : En utilisant une application Unhosted, toutes vos données sont chiffrées par le navigateur avant d’être transmises au serveur hébergeant votre compte Unhosted. De cette façon, les données confiées à votre compte Unhosted peuvent se trouver sur n’importe quel serveur, parce que, bien que vous vous reposiez sur ce serveur pour permettre un accès à vos données, ces données sont stockées et chiffrées, ainsi vous n’avez pas à craindre que l’hébergeur du compte lise vos messages, par exemple. Les données stockées par une application Unhosted sont chiffrées par votre navigateur avant d’être transmises et enregistrées sur votre compte, et elles seront déchiffrées au moment de leur sollicitation par le navigateur, au moment de leur utilisation. Le serveur hébergeant vos données Unhosted est aveugle ; il transmet vos données vers et depuis des sites web Unhosted sans pouvoir lire leur contenu.

Utiliser JavaScript pour la cryptographie n’a habituellement aucun intérêt, parce que si un site web contient des scripts JavaScripts pour chiffrer des données, alors ces mêmes scripts peuvent être utilisés pour espionner ces données chiffrées.

Avec Unhosted il en va autrement car nous séparons le domaine qui fournit l’application de celui qui héberge les données. L’hébergeur du compte Unhosted (celui des données) ne pourra pas accéder aux scripts de cryptographie de l’application, donc l’application Unhosted peut chiffrer des données que le serveur du compte Unhosted ne poura pas déchiffrer.

CW : Quel genre d’applications convient d’après vous le mieux à l’utilisation d’Unhosted ? Quel types d’applications Web vous attendez-vous à voir adopter Unhosted en premier ?

MdJ : Toutes les applications qui n’enregistrent pas un grand nombre de données utilisateur peuvent être facilement adaptées à Unhosted.

Ce sont toutefois les applications comme Google Docs, nécessitant le stockage de beaucoup de données utilisateur importantes, qui bénéficieraient le plus du passage à Unhosted. Celà pourrait aussi bénéficier grandement au parallélisme (informatique). Cependant, pour d’autres services, comme les moteurs de recherche, il faudra trouver de bons algorithmes pour permettre un fonctionnement plus décentralisé. En général, toute application web qui nécessite le stockage d’un grand nombre de données personnelles peut tirer profit d’Unhosted.

CW : Il y a une effervescence actuellement autour de projets libres décentralisé pour proposer des alternatives au réseau social Facebook (Diaspora, Appleseed…) ou au moteur de recherche Google (YaCy, Seeks…). Quel impact et comment pourrait s’adapter votre travail à des projets comme Diaspora, Appleseed et, Seeks ou YaCy ?

MdJ : Unhosted a été d’une certaine façon créé sur la mailing list des développeurs de Diaspora. Nous discutions du basculement de Diaspora de PGP vers SSL, et de la façon dont un chiffrement « de bout en bout » serait plus adapté. Alors j’ai commencé à développer un système de chiffrement de données en Ajax. Il était destinée à intégrer Diaspora. Plus tard, j’ai réalisé qu’il pourrait avoir bien d’autres applications.

Il nous reste encore à écrire une application « sociale » Unhosted qui pourrait fédérer Diaspora et Appleseed. YaCy étant un moteur de recherche, il nécessitera un travail travail d’ingénierie plus conséquent avant de l’intégrer dans l’architecture des applications web d’Unhosted.

Outre ceux que vous avez évoqués, nous avons aussi été approchés par LibreOffice pour discuter de la façon de faire fonctionner ensemble Unhosted et LibreOffice. Ce fut un grand honneur. Nous mettons actuellement en œuvre un cloud-sync Unhosted pour LibreOffice. Il ne déplace pas exactement LibreOffice sur le web, c’est à dire que toute l’application n’est pas dans votre navigateur, mais il fait de LibreOffice un « navigateur de documents », similaire à un « navigateur web », et il sera compatible avec les standards web que nous avons rendu publiques il y a trois semaines.

Pour le reste, nous ne faisons que commencer. Nous avons mis en ligne une application de démonstration qui montre le principe : http://myfavouritesandwich.org. Les gens peuvent copier cette démo et s’en servir comme un « Hello World! », de base pour l’utilisation d’Unhosted.

CW : En voilà un super nom de domaine !

MdJ : Au départ c’était myfavouritecar.org mais Javier estimait que myfavouritesandwich.org était plus marrant.

CW : L’apparence du projet est-elle importante pour vous ?

MdJ : 33% de notre équipe à plein temps est un graphiste. C’est une autre caractéristique relativement unique de ce projet ; je ne pense pas que beaucoup de projets de logiciels libres atteignent ce pourcentage. Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté.

Il n’y a pas de barrière d’entrée pour l’utilisateur : c’est une caractéristique importante pour nous. L’utilisateur n’a pas besoin de savoir si une application est complètement hébergée ou Unhosted. Si l’utilisation d’Unhosted devient transparente, alors nous aurons fait un bon travail.

Il nous faut convaincre les développeurs web de créer des applications Unhosted, et leurs clients n’ont même pas besoin de savoir précisément ce que c’est. Si un client demande à un développeur une nouvelle application, le développeur doit pouvoir juste répondre « OK, on va utiliser la dernière technologie pour développer cette application pour vous », et créer alors une application Unhosted. Le client n’a pas besoin qu’on lui signale l’utilisation d’une architecture Unhosted, seul le développeur doit le savoir.

Nous voulons créer quelques applications de démonstration qui soient vraiment agréables à utiliser, de façon à pouvoir éviter les stigmates qu’associent souvent les non-convertis aux logiciels libres (par exemple un logiciel libre peut bien fonctionner mais il est souvent moche). Je pense qu’il est important que les logiciels libres soient beaux et agréables à utiliser. Beaucoup de projets font du très bon travail aujourd’hui, et nous voulons être l’un d’eux. Voilà pourquoi 33% de notre équipe à plein temps est consacrée au graphisme.

CW : Il semble que vous essayez d’attirer des gens en dehors de l’écosystème existant des logiciels libres. Pensez-vous qu’il y ait des avantages évidents à utiliser Unhosted pour des entreprises et associations non concernées par les logiciels libres ?

MdJ: Oui, certainement. Tout d’abord, une entreprise qui utilise des logiciels comme moyen de production peut vouloir utiliser un chiffrement de bout en bout, de façon à ce que les secrets de l’entreprise ne quittent pas son réseau privé virtuel, mais qu’elle puisse tout de même utiliser le stockage sur les serveurs d’Amazon, par exemple. Ainsi, ils peuvent bénéficier d’applications web Unhosted avec des comptes Unhosted qui stockent des données chiffrées sur des serveurs Amazon, et le tout fonctionnera dans les navigateurs web de leur personnel, sans avoir à installer de logiciels chez eux.

De plus, l’évolutivité et la robustesse d’une architecture distribuée peuvent être un choix stratégique pour une entreprise : si vous désirez proposer une application propriétaire, mais ne voulez pas que vos serveurs soient le maillon faible du système, alors Unhosted apportera à vos applications moins d’indisponibilité, ou au moins les incidents ne toucheront pas tous les utilisateurs et votre application ne sera pas entièrement indisponible à cause de problèmes localisés. Enfin, le coût d’hébergement d’une application Unhosted est bien moins élevé que celui d’une application traditionnelle.

C’est un grand avantage pour les projets libres qui, à l’heure actuelle, ne peuvent simplement pas s’offrir l’hébergement d’applications web, mais pour les applications propriétaires c’est aussi une opportunité intéressante, parce que cela permet de réduire les coûts. Il y a donc là une activité commerciale possible comme fournisseur de comptes Unhosted. Selon le nombre d’applications intéressantes que nous pouvons susciter et promouvoir, des entreprises de ce type écloront, et alors les utilisateurs pourraient avoir un unique identifiant pour l’ensemble des applications Unhosted qu’ils utiliseront.

Les possibilités d’interopérabilité entre les applications sont elles aussi enthousiasmantes — la séparation des applications et des données permettra aussi (quand une complète compatibilité des formats le permettra) de basculer sur un autre site et constater, par exemple, que tous vos albums de photos sont bien là, pour revenir au site précédent pour voir que vos modifications ont été prises en compte instantanément, sans avoir à faire d’import ou d’export, parce que les données sont les mêmes.

Ce sera une expérience incroyable pour les utilisateurs finaux quand nous arriverons à faire fonctionner tout cela ! Certaines personnes ne se soucient pas d’évolutivité, de pérennité, de robustesse, de chiffrement, de vie privée, des applications dans le domaine public ou de logiciels libres, etc., ils ne se soucient que des possibilités d’interopérabilité des données. Ce type d’interopérabilité pourrait être le meilleur atout du projet Unhosted.

CW : Pourquoi a-t-il fallu attendre jusqu’à maintenant pour qu’un projet comme Unhosted voit le jour ?

MdJ: Je pense que tout cela est très récent. Il y a un an, on ne se rendait pas forcément compte qu’il y avait un problème avec nos données. Oui, il y a eu l’article de Richard Stallman au sujet de SaaS, puis les excellentes présentations de Eben Moglen, mais pendant ce temps-là, Facebook est devenu de plus en plus dominant. Sans oublier des projets tout neuf comme le Chrome Web Store et Chrome OS.

Il y a deux ans, ça n’était pas aussi évident. Enfin, je sais que je n’aurais pas pu envisager tout cela il y a deux ans, mais je pense que c’est le bon moment maintenant. Un grand nombre de ces idées ne sont pas les miennes. Certains principes importants viennent de Tim Berners-Lee et Zooko, je les ai juste rassemblées et ai rédigé un « manifeste » sur le sujet, ce qui encore une fois, est essentiellement copié d’Eben Moglen et Richard Stallman.

CW : Comment prévoyez-vous de travailler à plein temps sur Unhosted ?

MdJ : Nous ambitionnons de récolter pendant les prochains mois 36000 €. Nous avions le choix entre créer une entreprise ou développer entièrement le projet dans le cadre d’une association à but non lucratif.

Nous avons choisi la voie non marchande car nous pensons qu’il est important de le faire de cette façon. Nous sommes trois ingénieurs à plein temps, et nous avons l’intention de trouver un hackerspace à Berlin pour nous accueillir tous les trois, plus deux bureaux libres pour les hackers en visite. Nos locaux seront ouverts aux vacanciers qui voudraient passer une semaine à Berlin, trainer dans nos locaux et contribuer à libérer le web. Les loyers sont très bon marché à Berlin, toutefois chacun de nous a besoin d’environ 1000 € par mois pour vivre.

Nous sommes très impliqués dans ce projet. Prochainement, nous publierons des outils et des applications de démonstration afin de faire avancer le web Unhosted, et nous nous occuperons des détails à mesure que nous progresserons. Unhosted est un projet communautaire, entièrement ouvert, mais je pense qu’il est bon d’avoir une structure « fondation plus communauté », avec une petite équipe entièrement dédiée au projet, pour constamment lui donner une impulsion.

Nous encourageons les personnes intéressées à s’inscrire à notre liste de discussion, nous suivre sur Identi.ca et Twitter, et à rejoindre notre canal IRC. D’autre part, nous encourageons les développeurs à forker nos applications de démonstration pour développer leurs propres applications Unhosted.

Le web Unhosted commence aujourd’hui…