#SpanishRevolution ? Traduction 1.1 du Manifeste « Democracia Real Ya »

Fito Senabre - CC by-sa« Nous ne sommes pas contre le système, c’est le système qui est contre nous ! »

« Si vous nous empêchez de rêver, nous vous empêcherons de dormir ! »

C’est avec de tels slogans que de nombreux espagnols contestent et occupent l’espace public depuis près d’une semaine, en utilisant massivement le réseau pour se coordonner.

Pas de mots d’ordre, pas de revendications précises, pas de leaders, pas d’idéologie (sauf à considérer que le petit livre de Stéphane Hessel Indignez-vous ! puisse servir de référence commune), c’est un mouvement qui déconcerte et qui n’a pas eu encore beaucoup d’écho chez nous, affaire DSK oblige.

Mais qui sait si il ne fera pas tâche d’huile en France et en Europe car, pour le coup, vérité (notamment économique) en deçà des Pyrénées est la même au delà, modulo le fait que tous les pays n’ont pas encore un taux de chômage de sa jeunesse à… 40% !

Pour en savoir plus il y a l’article Wikipédia à suivre au jour le jour (si possible en langue originale). Il y a aussi cette excellente traduction d’Owni : Comprendre le révolution espagnole[1].

« Quelque chose de grand est en train de se passer ici », nous dit-on dans ce billet. On y apprend également que l’un des éléments déclencheurs du mouvement fut le passage d’une loi présentant de forte similitudes avec notre Hadopi et notre Loppsi (la Ley Sinde). Une loi qui fit l’objet d’un pacte entre les trois grands partis coalisés (PSOE, PP et CiU) et qui, no comment, donna l’impression à une majorité d’internautes qu’elle était un cadeau fait aux groupes de pression au détriment des citoyens.

Certains n’y verront peut-être qu’un apéro Facebook amélioré, d’autres au contraire évoquent déjà la contagion du printemps arabe au sein même de nos démocraties (ou de ce qu’il en reste).

Nous verrons bien… Mais en attendant nous vous proposons ci-dessous la traduction française du manifeste de l’un des fers de lance du mouvement, le collectif « Democracia Real Ya ! », « une vraie démocratie, maintenant ! ».

Remarque : On peut considérer cette traduction comme la version 1.1 de celle que l’on peut trouver actuellement sur Internet et qui était, à nos yeux, nettement perfectible, étant entendu que vous pouvez continuer à proposer des améliorations en vue d’une version 1.2 🙂

Manifeste de « Democracia Real Ya ! »

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Nous sommes des personnes simples et ordinaires. Nous sommes comme toi. Des gens qui se lèvent chaque matin pour étudier, pour travailler ou pour chercher du boulot ; des gens qui ont une famille et des amis. Des gens qui travaillent dur tous les jours pour vivre et offrir un meilleur futur à ceux qui les entourent.

Parmi nous, cer­tains se consi­dè­rent pro­gres­sis­tes, d’autres plutôt conser­va­teurs. Certains sont croyants, d’autres pas. Certains ont des idéo­lo­gies affirmées, d’autres sont apo­li­ti­ques. Mais nous sommes tous préoc­cupés et indi­gnés par la situa­tion poli­ti­que, économique et sociale actuelle. Par la cor­rup­tion des poli­ti­ciens, des patrons, des ban­quiers… qui nous laissent impuissants et sans voix.

Cette situa­tion nous fait souffrir au quotidien ; mais si nous nous unissons nous pouvons la modifier. C’est le moment de nous mettre en marche pour bâtir ensemble une société meilleure. Pour ce faire, nous sou­te­nons fermement que :

  • Les priorités de toute société développée doivent être l’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement durable et le bien-être des personnes.
  • Il existe des droits fondamentaux que la société a le devoir de garantir : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à l’engagement politique, à l’épanouissement personnel et le droit à l’accès aux biens nécessaires à une vie saine et heureuse.
  • Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle pour le progrès de l’humanité.
  • La démocratie, par essence, émane et appartient au peuple, mais, dans ce pays, la majorité de la classe politique ne lui prête pas attention. Le rôle des politiciens devrait être de faire entendre nos voix aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies de démocratie directe pour le bénéfice de l’ensemble de la société. Et non celle de s’enrichir et prospérer à nos dépens, en se pliant aux exigences des pouvoirs économiques et s’accrochant au pouvoir par la dictature partitocratique du PPSOE[2].
  • La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns créent inégalités, tensions et injustices, ce qui mène à la violence et que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale qui se consomme par elle-même en enrichissant une minorité et en plongeant les autres dans la pauvreté. Jusqu’à l’effondrement.
  • L’accumulation d’argent est la finalité du système, sans prendre en considération le bien-être de la société et de ceux qui la composent ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs frustrés.
  • Nous sommes les rouages d’une machine destinée à enrichir une minorité qui ne sait plus reconnaître nos besoins. Nous sommes des citoyens anonymes, mais sans nous rien ne serait possible car nous faisons tourner le monde.
  • Nous ne devons plus placer notre confiance en une économie qui ne tourne jamais à notre avantage. Il nous faut éliminer les abus et les carences que nous endurons tous.
  • Nous avons besoin d’une révolution éthique. L’argent ne doit plus être au dessus tout, mais simplement à notre service. Nous sommes des êtres humains, pas des marchandises. Je ne suis pas le produit de ce que j’achète, pourquoi je l’achète et à qui je l’achète.

Pour toutes ces raisons, je suis indigné(e).
Je crois que je peux changer les choses.
Je crois que je peux aider.
Je sais que tous ensemble nous le pouvons.
Il ne tient qu’à toi de nous rejoindre.

Notes

[1] Crédit photo : Fito Senabre (Creative Commons By-Sa)

[2] Contraction des deux partis PP et PSOE, un peu comme si on disait UMPS chez nous.




Google Chromebook ou le choix volontaire du confortable totalitarisme numérique

Jule Berlin - CC byÇa y est, les premiers « ordinateurs Google », les Chromebooks – un Acer et un Samsung pour commencer – vont bientôt arriver sur le marché. Ils seront tous les deux munis du système d’exploitation maison Google Chrome OS (qui, rappelons-le, repose sur une couche open source Chromium OS).

Potentiellement il s’agit bien moins d’une évolution que d’une véritable révolution.

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans… mais souvenons-nous de nos premiers PC. On avait nos applications (téléchargées en ligne ou installées depuis un cédérom) que l’on mettait à jour volontairement et manuellement. Parmi ces applications, il y a une qui a pris de plus en plus d’importance au fil des ans, c’est notre navigateur Web. Mais on conservait encore du temps pour notre suite bureautique ou notre traitement d’images. Si on n’avait pas la chance d’être sur un OS libre alors il fallait aussi un antivirus. Et puis on avait nos fichiers, dans notre disque dur ou nos périphériques.

Avec un Chromebook, tout ceci disparaît d’un coup de baguette magique ! Direction : « le nuage » !

Ici notre ordinateur se confond avec notre navigateur et se transforme en un terminal de connexion à Internet (vous avez dit Minitel 2.0 ?). Nous n’avons plus à nous soucier des applications, de leurs mises à jour, des fichiers et de leur stockage. Ce sont les serveurs de Google qui s’en chargent pour nous. Quel confort, quelle praticité, quelle simplicité !

C’est bien l’image que souhaite nous en donner Google en tout cas dans cette signifiante publicité vidéo : le Chromebook ce n’est pas un ordinateur portable, ce n’est pas un portable qui a accès au Web, c’est le Web matérialisé dans le Chromebook, on peut tout faire désormais sur le Web, y accéder de n’importe où, etc. et la dernière phrase, emblématique : le Chromebook sera prêt quand vous le serez.

Bon, imaginons que ces ordinateurs soient massivement adoptés et qu’au fur à mesure que le temps passe et que la connexion en tout lieu s’améliore, ils soient de plus en plus plébiscités… en grignotant chaque jour davantage de part de marché. Alors, soyons un peu provocateur, il ne servira plus à rien de se rendre, comme nous la semaine prochaine[1], à l’Ubuntu Party de Paris. Car l’adoption ou la migration de Windows vers GNU/Linux sera alors complètement court-circuitée. Idem pour d’autres célèbres migrations, d’Internet Explorer à Firefox (bonjour Google Chrome), de MIcrosoft Office à LibreOffice (bonjour Google Documents). Framasoft aussi du reste ne servira plus à rien (ou presque) puisque son annuaire, ses clés ou ses dvd seront définitivement à ranger dans les archives du Web.

Le danger est réel pour « la communauté du libre ». D’autant qu’en son sein Google jouit d’une bien meilleure image qu’un Microsoft, Apple ou Facebook et que nous sommes nombreux à posséder un compte Gmail.

Mais le danger est encore plus réel pour le futur acheteur d’un Chromebook. Car la condition sine qua non pour l’utiliser c’est de posséder un compte Google et de souscrire de facto à ses conditions d’utilisation. Conditions pas toujours très claires quant à l’usage de vos données personnelles et qui peuvent changer à tout moment selon le bon vouloir de Google (et de ses actionnaires). Vous ne vendrez pas spécialement votre âme au diable, mais dites-vous bien que vous confiez tout, absolument tout, à la société commerciale américaine Google[2].

C’est, entre autres critiques, ce que souligne Ryan Cartwright dans la traduction ci-dessous.

Si le Chromebook devient un succès, peut-être allons-nous devenir de « vieux réacs du Web » (des « Zemmour du Web » !) avec notre souhait et notre souci de conserver le contrôle et donc la liberté sur nos serveurs, nos machines, nos applications, nos fichiers et nos données.

Mais au moins aura-t-on tenté de résister et de vous prévenir…

Chromebooks – Le futur commence aujourd’hui ?

Chromebooks – has the future arrived?

Ryan Cartwright – 18 mai 2011 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Goofy et Lolo le 13)

On a l’impression que ça fait une éternité que Google a annoncé ChromeOS, ce qui bien sûr a fait couler beaucoup d’encre, y compris dans ce magazine. Maintenant que deux fabricants s’apprêtent à lancer deux modèles de Chromebooks, il pourrait être utile de se souvenir des problèmes liés au « système d’exploitation basé sur le nuage », en général et dans ce cas précis.

C’est quoi le « nuage » ?

Il n’y a pas de réelle définition de ce qu’est le « nuage ». C’est comme la « Propriété Intellectuelle » : c’est surtout un terme de marketing qu’on peut recycler à son gré pour lui faire dire ce qu’on veut. Quand j’utiliserai l’expression ici, « un système d’exploitation dans les nuages » est quelque chose où toutes les données et les applications utilisateurs sont sur le World Wide Web. La seule chose qui reste au plan du matériel lui-même, c’est un système d’exploitation basique sur un disque et un navigateur Web. Je suis certain qu’on peut trouver des définitions plus complexes et plus détaillées de système d’exploitation dans les nuages et/ou de ChromeOS, mais ma définition ira bien pour cet article.

Vie privée et confidentialité des données

Ce sera toujours le plus gros problème en ce qui concerne le système d’exploitation basé sur le nuage. Si vous-même en tant qu’utilisateur vous espérez stocker vos données en ligne, alors vous les mettez (avec beaucoup d’autres choses) en danger. Il y a assez d’exemples de données en lignes qui ont été lues par des personnes non autorisées pour rendre inquiétant un système d’exploitation entier basé sur ce concept. Alors qu’il est vrai que beaucoup de gens ne font pas l’effort de sécuriser leurs données sur un support externe, certains pensent que ces données seront protégées derrière une porte fermée. Oui, donner à ces soi-disant ordinateurs un accès au Web en fait des ressources ouvertes, même si la plupart des données personnelles de l’utilisateur lambda manquent d’intérêt pour les malfaisants. Cependant, réunissez toutes les données sur un simple serveur (ou un groupe de serveurs) et soudain les données deviennent bien plus attractives. Et plus elles sont attirantes plus le risque est élevé. Pour faire une analogie, c’est comme la différence entre ceux qui stockent leur économies dans un coffre-fort à la maison et ceux qui les confient à la banque. Le fait de passer de maison en maison pour faire une série de casses n’était pas très attirant pour les voleurs. Par contre, mettez tout cet argent dans un seul coffre-fort d’une banque et soudain le facteur de retour sur l’effort fait que la chose est bien plus séduisante.

Donc si ChromeOS m’autorisait à stocker mes données dans un serveur de mon choix et me laissait la possibilité d’avoir un autre apps store dans un autre endroit, alors au moins les données pourraient être davantage sous mon contrôle. C’est vrai, plein d’utilisateurs de ces Chromebooks n’y feront probablement pas attention mais sans même cette éventualité, il est inutile de chercher à leur faire comprendre l’idiotie de leur renoncement.

Accès

ChromeOS est conçu et vendu comme « basé sur le nuage », avec la Wi-Fi et la 3G (il existe des versions avec la wifi seule). Ce qui présente aussitôt à mes yeux un problème particulier. Que se passe-t-il quand vous n’avez pas de connexion ? Existe-t-il une option hors-connexion ? Mes recherches suggèrent que non mais pour être honnête toute la documentation sur ce point est soit du marketing de Google ou des fabricants soit rédigée au doigt mouillé sur des sites de technos qui veulent se positionner au plus haut dans les résultats des moteurs de recherche.

J’imagine que la cible marketing des Chromebooks sera le marché des netbooks et tablettes. J’ai noté qu’on utilisait la plupart du temps ce genre d’appareils dans des conférences ou des cafés. Il existe une bonne raison à ça — on trouve généralement dans ces endroits une connexion wifi à peu près correcte. Dans ce genre d’environnement le Chromebook conviendra parfaitement, mais si la connexion Internet devient un peu chancelante, que se passera-t-il ? Que va devenir un document que vous avez à moitié entamé au moment où la connexion s’interrompt ? Je suis certain que Google s’est penché sur le problème mais jusqu’à maintenant je n’ai pas vu grand-chose qui aille dans le sens d’une solution.

Pendant que j’y suis, parlons un peu de l’impression. Comme Chromebooks fait tout « dans le nuage », imprimer localement devient un problème. Il semble que la solution soit de connecter votre imprimante locale à l’Internet et d’imprimer via les serveurs de Google. Oui, vous avez bien lu, et je le répète : pour imprimer avec un Chromebook, vous aurez besoin d’utiliser une imprimante qui sera connectée au réseau. Donc, vous devez partager non seulement vos données avec Google, mais aussi votre imprimante. Bon d’accord en réalité la plupart des utilisateurs enregistreront leurs documents avec Google docs et les imprimeront depuis un ordinateur qui ne sera pas dans le nuage, à l’aide d’une imprimante locale. Mais même ainsi c’est à mes yeux un nouvel inconvénient.

Applis

Aucun appareil digne de ce nom ne peut être lancé sans une myriade d’applis. Dans le cas de Chromebook il existe des applis web pour le navigateur Chrome. Certaines sont gratuites, d’autres sont gratuites dans la période d’essai, d’autres enfin sont carrément commerciales. Aucune de celles que j’ai vues n’est libre au sens où nous en parlons ici. je ne suis pas toujours d’accord à 100% avec Richard Stallman (gare au troll) mais il a raison de déclarer :

« C’est aussi nul que d’utiliser un programme propriétaire. Faites vos opérations informatiques sur votre propre ordinateur avec votre programme respectueux de vos libertés. Si vous utilisez un programme propriétaire ou le serveur web de quelqu’un d’autre, vous êtes sans défenses. Vous êtes à la merci de celui qui a conçu le logiciel ». Richard Stallman, cité par le Guardian, 29 septembre 2008.

Il existe aussi un autre problème qui nous concerne en tant qu’utilisateurs de logiciels libres. La licence de ces applis web n’est pas mentionnée dans la boutique d’applis de Chrome. Google a probablement raison de prétendre que la plupart des utilisateurs de ChromeOS seront plus préoccupés par le prix que par la liberté, mais malgré tout l’absence d’information sur la licence soustrait un point important de l’esprit du public. Quand vous pensez à tout le temps qu’il a fallu pour avoir les libertés en informatique que nous avons aujourd’hui, omettre délibérément ces informations revient simplement à encourager les gens à ignorer les problèmes de liberté et de confidentialité. Les cyniques répondront que c’est le problème de Google (et autres géants du secteur informatique) et que c’est certainement payé par Android. Ce qui a été lancé comme un système d’exploitation pour mobile « basé sur Linux » est maintenant connu comme « Android de Google ». Tout comme si des questions importantes — mais finalement un peu barbantes — comme la sécurité, la confidentialité et la liberté devaient être sacrifiées sur l’autel non du prix cassé mais de l’accès facile. Tant qu’on peut le faire facilement, le sacrifice que vous devez faire passe inaperçu.

Pas ma tasse de thé

Vous aurez probablement deviné que le Chromebook ne figure pas en tête de la liste de cadeaux à me faire sur mon compte Amazon. Mais ce n’est pas un problème car je n’ai pas pour habitude de partager ma liste de vœux avec tout le monde. Il existe simplement beaucoup trop de problèmes importants à mes yeux qui restent sans solution et qui ne pourront être résolus compte-tenu du modèle économique de ChromeOS. Toutefois à la différence des iTrucs (que je déteste pour des raisons évidentes) et les tablettes, qui ne me donnent pas la moindre raison de les acheter (l’indice certain que je vieillis), j’ai comme l’intuition que les Chromebooks ne se vendront pas si bien que ça. La raison majeure c’est que beaucoup ne supporteront pas l’idée de devoir être toujours en ligne. Avoir une connexion un peu faiblarde pour un usage basique du Web c’est une chose, mais quand vous en avez besoin pour votre travail vous êtes vraiment très vite furieux. Mais je pense que les problèmes que je viens de soulever ne vont pas se dissiper. Nous autres dans la communauté du logiciel libre (encore une expression dont les contours sont flous), nous avons pris conscience depuis un certain temps des problèmes de libertés posés par « l’informatique dans le nuage », mais nous avons flirté avec ça sur le marché des appareils mobiles. Je crains que des entreprises propriétaires rapaces ne se mettent à vouloir prendre le contrôle de portions toujours plus vastes de nos vies grâce à des choses comme Chromebook. En quelque sorte ils auront plus vite résolu les problèmes de bande passante que ceux posés par le respect de la vie privée.

Retour vers le passé

La dernière fois que j’ai publié un billet sur ChromeOs j’ai fait quelques prédictions. Comme toujours dans ces cas-là, certaines étaient évidentes (le magasin ChromeOs, les netbooks plus petits et moins voraces en énergie), et d’autres restent encore à accomplir (le développement des logiciels qu’on paiera suivant la consommation). Mais l’une d’entre elles a malheureusement bien des chances de s’accomplir. Si les problèmes que j’ai soulignés dans ce billet comme la confidentialité et les libertés prennent de l’ampleur, alors les logiciels libres, sans forcément disparaître, vont sortir de la sphère d’influence publique et c’est une bien mauvaise chose.

Notes

[1] Voici le programme de l’UP de Paris qui aura lieu du 27 au 29 mai prochain. On notera pour ce qui concerne Framasoft : Le vendredi 27 mai à 13h Utiliser les licences libres par Benjamin Jean, à 14h30 Les logiciels libres c’est quoi par Simon Descarpentries – Le samedi 28 à 14h30 La route est longue mais la voie est libre par Alexis Kauffmann, à 16h Le libre au delà du logiciel par Pierre-Yves Gosset – Le dimanche 29 à 13h Utiliser les licences libres par Benjamin Jean, à 16h l’atelier Framapad, contribuer en ligne par Pierre-Yves Gosset.

[2] Crédit photo : Jule Berlin (Creative Commons By-Sa)




Parution du livre «  Libres Savoirs : les biens communs de la connaissance »

Libres Savoirs - C&F EditionsS’il fallait rechercher une unité, une cohérence, voire une politique, à la ligne éditoriale du Framablog, on pourrait bien les trouver du côté de la notion de « biens communs ». C’est pourquoi la parution récente du livre « Libres Savoirs, les biens communs de la connaissance » nous semble un évènement important.

Coordonné par l’association Vecam, ce livre offre un panorama des biens communs de l’immatériel, depuis les usages numériques jusqu’aux savoirs et connaissances scientifiques ou traditionnelles. Cette approche par les communs permet d’interroger les modèles politiques et les activités des mouvements sociaux. Réunissant trente auteurs, venus de tous les continents, il constitue une référence sur la théorie des biens communs, embrassant tout le spectre de ces nouveaux communs de l’immatériel. Et soulevant des questions nouvelles pour le 21ème siècle.

Nous en avons reproduit ci-dessous le texte introductif qui annonce bien la couleur et la suite de l’ouvrage. On trouvera toute l’information sur ce livre sur le site de C&F éditions.

Remarque : Nous sommes fiers d’avoir participé, indirectement et modestement, au projet. En effet le livre contient le fort intéressant article Les biens communs ou le nouvel espoir politique du XXIe siècle ? traduit par nos soins (Framalang) à même ce blog.

Les biens communs, une utopie pragmatique

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Valérie Peugeot – mai 2011 – Libres Savoirs, les biens communs de la connaissance
Licence Creative Commons By-Nc

information, savoir et culture sont chaque jour un peu plus le cœur battant de nos sociétés. Éléments premiers d’une part croissante de notre activité économique, ils contribuent à façonner nos manières de faire société. Nos apprentissages et nos modes cognitifs, notre engagement dans le travail rémunéré tout comme notre autonomie par rapport à ses institutions, nos relations aux autres, nos pudeurs et nos exhibitions, notre espace-temps, nos attentions et inattentions, l’accord de notre confiance et la construction de nos choix, nos déplacements, notre connaissance de soi, nos rapports aux objets, notre distance ou notre attachement à l’égard de la res publica… autant de champs bousculés, voire transformés par cette ébullition créative que l’on appelle société de la connaissance.

Si l’on admet que la connaissance et son vecteur, l’information, sont à l’ère informationnelle ce que l’énergie, les matières premières et la force de travail furent aux sociétés agricole et industrielle, alors les conditions de leur circulation, appropriation et partage deviennent cruciales. La période dans laquelle a émergé la société de l’information – années 1980-2000 – a coïncidé avec une époque de radicalité de la pensée économique libérale dans les pays occidentaux. Simple coïncidence ou facteur déterminant ? Sans rentrer dans ce débat, on observe aujourd’hui que les régimes juridiques qui régissent les conditions de propriété et de redistribution des ressources informationnelles et des connaissances sont totalement imprégnés de cette philosophie. Les logiques de marché y règnent en maître, et les régulations nationales et internationales poussent inlassablement dans le même sens, celui du renforcement des droits de propriété sur l’immatériel, au détriment de tout autre modèle plus équitable. La durée du droit d’auteur est périodiquement rallongée ; les brevets couvrent maintenant des domaines auparavant exempts de toutes formes de propriété, comme le vivant, les découvertes ou les mathématiques ; le domaine public devient un espace de déshérence et non de valorisation des œuvres de l’esprit; les exceptions aux droits de propriété prévues pour les enjeux de santé publique sont contournés par des traités bilatéraux ; des dispositifs techniques viennent verrouiller la circulation des créations ; les savoirs collectifs ancestraux sont confisqués par des acteurs privés… Dans un même temps, les conditions du renouvellement de ces ressources cognitives – l’enseignement, la formation devenue indispensable tout au long de la vie – sont renvoyées à des acteurs publics dont les moyens et l’autonomie ne cessent de baisser.

La connaissance ne peut être assimilée à du pétrole ou de l’acier. L’accaparement du savoir nourrit bien entendu un système inégalitaire, tout comme celui des terres ou des matières premières ; lorsque des entreprises de l’industrie informationnelles dégagent des bénéfices nets de plus de 15 % et nourrissent une finance internationale débridée, cela se fait bien entendu au détriment des populations exclues de cette redistribution. Mais la concentration des biens informationnels et cognitifs et les limites à leur circulation ont d’autres effets tout aussi fondamentaux : ils contribuent à long terme à un assèchement de la créativité et de la diversité culturelle en concentrant les investissements dans les mains de quelques acteurs homogènes ; ils dépouillent des populations de leurs savoirs historiques et ce faisant privent des communautés de leurs propres ressources, notamment en matière agricole ; ils privent des malades de l’accès aux soins au nom de la rentabilisation de l’invention… Culture, santé, survie alimentaire tout autant que justice sociale sont donc en jeu.

Face à cette logique, d’autres manières de penser la mise à disposition de la connaissance, l’accès au savoir et la rémunération des créateurs ont vu le jour. Dans le monde paysan, dans celui de la défense des malades, dans l’univers du logiciel, de la recherche scientifique ou de la création artistique, chez les peuples autochtones, dans le design numérique…, les communautés se sont multipliées pour affirmer et expérimenter la possibilité de placer des savoirs en régime de biens communs. Ces biens communs sont pensés tout à la fois comme un statut alternatif à la privatisation du savoir et comme un mode de gouvernance par une communauté dédiée. Accès aux savoirs, biens communs de la connaissance, deux facettes d’une même question, la première mettant l’accent sur l’obstacle à lever, la seconde sur les réponses apportées.

Éparses dans un premier temps, ces initiatives émanant de communautés spécifiques ont commencé depuis une demi-décennie à se décloisonner, à s’articuler. Ce livre, en rassemblant des auteurs relevant de ces différentes communautés, voudrait marquer ce temps très particulier où des acteurs souvent marginaux, en résistance, se rassemblent et prennent conscience qu’ils participent d’un même horizon de sens et construisent des alternatives à part entière.

Si ce temps est aujourd’hui possible, nous le devons à une série de facteurs.

En premier lieu, les communautés de biens communs du numérique qui ont vu le jour entre le début des années 80 et les années 2000 (depuis le logiciel libre jusqu’aux Creative Commons et aux revues scientifiques ouvertes en passant par les archives en accès libre…) ont montré leur robustesse et leur pertinence, gagnant toujours plus d’utilisateurs et/ou de contributeurs. Toutes n’occupent pas une place essentielle dans leur secteur (la recherche, la culture, l’éducation…). Mais leur appropriation et leur pertinence a minima questionnent les modèles économiques existants, à l’image des journaux scientifiques marchands qui se voient contraints, du fait de l’existence des revues en accès libre, de proposer un modèle de diffusion ouvert à côté du modèle traditionnel. Les actions de ces communautés interpellent les institutions les plus arc-boutées sur le renforcement des droits de propriété intellectuelle, et diffusent une culture de l’alternative dans la société, à l’image des mouvements de partage et de création construisant une « free culture ».

Autre virage essentiel, nous assistons ces dernières années à un rapprochement théorique entre les communautés de biens communs liées à des ressources naturelles et celles dédiées à des connaissances numérisables. Nous le devons notamment à la double impulsion d’Elinor Ostrom et de Charlotte Hess, marquée par la publication en 2007 de leur livre fondateur Understanding knowledge as a commons. Même si des différences substantielles existent entre ressources naturelles et connaissances, notamment leurs propriétés économiques, cette confrontation/collaboration théorique est absolument essentielle, ne serait-ce que parce qu’elle permet de réinscrire les communs de l’immatériel dans une histoire qui leur donne un surcroît de légitimité.

Enfin, l’apparition de nouvelles communautés autour du « open hardware » jette de façon très concrète un pont entre matériel et immatériel: en concevant et fabricant des objets mécaniques ou électroniques dont les modèles de conception sont rendus publics et réutilisables, de telle manière que n’importe qui peut décider de les fabriquer, les distribuer et les utiliser, ces acteurs de la production coopérative (P2P production) s’inspirent du logiciel libre pour en appliquer les règles au monde du tangible.

Articulation des mouvements engagés dans la défense de l’accès au savoir, décloisonnement intellectuel et opérationnel des biens communs de la connaissance et de ressources naturelles, montée en puissance des démarches et des produits ou services qui relèvent de cette dynamique : ces convergences donnent toute leur actualité et leur pertinence aux perspectives ouvertes par les communs.

Le dépassement du dualisme réducteur État/marché qui structure la pensée politique depuis plus d’un siècle et demi constitue l’une de ces perspectives et non la moindre. Alors que partis politiques, syndicats, mouvements militants se situent historiquement sur une ligne partant du tout État pour aboutir au tout marché en passant par tous les métissages possibles, les communs nous enseignent qu’il existe, non pas une troisième voie, mais une autre manière de penser et de faire en politique comme en économie ; une approche qui ne se situe ni contre le marché ni contre l’État mais à côté et s’articule avec ces deux pôles parfois de façon très poreuse. Lorsque l’État du Kérala en Inde édicte une législation pour accompagner les communautés (médecine ayurvédique, plantes médicinales villageoises) dans la protection de leurs savoirs traditionnels, gérés historiquement sous forme de communs, il évite de les placer dans un domaine public, où chacun, et donc prioritairement les mieux dotés, pourrait puiser sans retombées envers les communautés dépositaires. Il y a là articulation positive entre les communs et l’État. Lorsqu’un site web comme Flickr, propriété de Yahoo! laisse le choix à ses utilisateurs de placer leurs photos en droit d’auteur classique ou en contrat Creative Commons et ouvre un espace dédié aux œuvres du domaine public, nous sommes là aussi dans une coopération positive, cette fois-ci entre marché et communs. Cette mise en lumière d’une complémentarité remplaçant la concurrence entre les trois formes de régulation que sont le marché, l’État et les communs s’explique aussi par le pragmatisme de ces derniers. Les défenseurs des communs ne cherchent pas à construire une narration globale mais répondent à des besoins très concrets, souvent très locaux quand il s’agit de communs matériels, auxquels des communautés doivent faire face : assurer l’entretien d’une forêt, transmettre un savoir médicinal, trouver une ressource éducative librement accessible adaptée à un enseignement, créer des objets qui puissent être conçus et produits localement, renouveler la biodiversité cultivée par l’échange des semences… C’est souvent pour résoudre des objectifs personnels que des développeurs créent des logiciels libres, et c’est parce qu’ils souhaitent accéder aisément aux publications des autres que des chercheurs placent leurs résultats en accès libre. C’est l’agglutination progressive de ces expériences de gouvernance « en communs » qui fait promesse et non une idéologie in abstracto dont nul ne sait ni comment ni quand elle adviendra, ni ne peut deviner à l’avance les effets secondaires, dont on sait qu’ils peuvent être catastrophiques.

Ce processus d’agglutination est d’ailleurs l’un des enjeux majeurs auxquels doivent faire face les communs : comment les différentes expériences peuvent-elles se féconder au-delà d’une reconnaissance mutuelle ? Là encore, la dialectique entre les communs matériels et ceux de la connaissance constitue une expérience sociale enrichissante. Mais d’autres questions doivent être affrontées. Celle du passage à l’échelle n’est pas la moindre. Les communautés gérant des biens communs de ressources naturelles sont pour l’essentiel ancrées à l’échelle locale. Les communs sont-ils en capacité d’apporter des réponses à des enjeux planétaires comme la question climatique ? Ou de gérer des biens globaux comme les océans ou le spectre électromagnétique ?

La réaction du marché à la diffusion des biens communs, notamment numériques, peut également considérablement changer la donne. Car si les communs ne se construisent pas contre le marché, ce dernier peut néanmoins les percevoir comme une menace. Cette réaction défensive est particulièrement outrancière dans le champ des œuvres culturelles, où on a cherché à disqualifier les communs et les logiques de partage en les assimilant à du vol. Heureusement, dans d’autres secteurs industriels, la réaction n’est pas toujours aussi radicale, certains acteurs du marché ayant bien compris que le renouvellement de l’innovation passe par des modèles plus ouverts que ceux de la R&D traditionnelle. Ainsi voit-on se multiplier des projets de « recherche ouverte » rassemblant des acteurs hétérogènes – entreprises, collectivités locales, ONG… – et imaginant d’autres conditions de circulation des fruits de l’innovation.

Autre complexité pour les acteurs des communs, celle de l’appropriation de la démarche par des acteurs civiques et sociaux issus de la société pré-informationnelle. La philosophie des communs essaime relativement facilement dans le monde du numérique, en raison des qualités intrinsèques de l’immatériel. Les biens numériques sont dotés de propriétés qui précédemment n’appartenaient qu’aux biens publics : non excluabilité et non rivalité, reproduction illimitée pour un coût marginal proche de zéro. Cette situation ouvre par nature une brèche dans la pensée économique et politique et invite au renouvellement des théories. Plaquer des modèles historiques sur l’immatériel ne fonctionne tout bonnement pas. En revanche, pour les syndicats, les mouvements paysans ou les ONG qui œuvrent dans des secteurs économiques traditionnels, les alternatives proposées par les communs sont moins évidentes. Surtout dans la période que nous vivons, quand cohabitent une grille de lecture des rapports de production et des rapports sociaux venant de l’époque à prédominance industrielle, et l’analyse de la nouvelle situation du travail immatériel et de sa place dans l’économie en général. Cette nouvelle étape dans le décloisonnement est désormais essentielle.

Aujourd’hui les acteurs impliqués dans les différentes communautés de biens communs n’ont pas de prétention à être « le » mouvement mais à poursuivre des chemins originaux tout en intensifiant les échanges théoriques et pragmatiques tirés de leurs expériences, de leurs succès comme de leurs échecs, avec un cercle toujours plus large.

C’est à cette dynamique que cet ouvrage entend, modestement, contribuer. Ce sont les mouvements existant autour du partage de la connaissance, de son renouvellement collectif, évitant l’accaparement par quelques monopoles de l’ère informationnelle qui sont aujourd’hui porteurs de ce nouveau questionnement. En essayant de suivre les expériences de construction des communs menées dans les deux dernières décennies, dans leur diversité, comme dans leurs nombreuses similarités, nous voulons offrir au lecteur un éventail aussi large que possible des utopies pragmatiques et des mouvements concrets qui existent autour des communs de la connaissance. En espérant ainsi contribuer au nécessaire renouvellement de la pensée transformatrice dont le monde a tant besoin.




Nouveau Framabook : Un monde sans copyright… et sans monopole

Framabook - Un monde sans copyrightOn fait souvent, et à juste titre, le procès du droit d’auteur à l’ère de l’avènement du numérique. Une manière de résoudre le problème est alors de l’assouplir, en garantissant certains droits ou certaines libertés aux utilisateurs. Et cela donne par exemple la licence GNU/GPL pour les logiciels libres et les licences Creative Commons pour les œuvres culturelles.

Oui, mais allons encore plus loin et imaginons qu’il n’y ait plus du tout de droits d’auteur !

Tel est le sujet (et le débat) de notre dernier framabook « Un monde sans copyright… et sans monopole » Vous le trouverez en pdf et source sur notre site dédié, en lecture en ligne grâce à la Poule ou l’Œuf, et disponible à l’achat sur notre boutique EnVenteLibre.org au prix de 10 €.

Le droit d’auteur est-il un système archaïque ?

Dans cet ouvrage audacieux et polémique, les néerlandais Joost Smiers (professeur de science politique à l’École Supérieure des Arts d’Utrecht) et Marieke van Schijndel (directrice du Musée Catharijne Couvent à Utrecht) répondent par l’affirmative et élaborent un dossier à charge contre le droit d’auteur et les mécanismes économiques qui en découlent.

En formulant l’hypothèse qu’un monde sans copyright (le droit d’auteur et autre droit de propriété intellectuelle) est possible, les auteurs explorent méthodiquement les secteurs où le protectionnisme et les conglomérats culturels créent une distorsion du marché au détriment des artistes, de la création et de la diversité culturelle. Imaginez un terrain de jeu équitable où les artistes pourraient vivre de leur art et où la créativité et les connaissances pourraient intégrer (à nouveau ?) le domaine public pour être partagées… librement.

Nous en avons reproduit la préface et nos commentaires ci-dessous.

Le livre est sous licence Creative Commons Zero 1.0, également traduite pas nos soins, et se retrouve être particulièrement adaptée à la thèse de l’ouvrage.

Préface

Joost Smiers et Marieke van Schijndel – Amsterdam / Utrecht, janvier 2011

Si les systèmes de droits d’auteur et de copyright n’existaient pas, faudrait-il aujourd’hui les inventer ? Probablement pas : ils sont difficiles à maintenir, ont une tendance protectionniste et privilégient essentiellement les grandes stars. Ils suscitent des investissements massifs dans des productions qui dominent le paysage culturel, et, finalement, sont contraires à la démocratie.

Pourquoi cela ? Le droit de propriété intellectuelle nous interdit de modifier la création proposée par l’artiste – c’est-à-dire d’entamer un certain dialogue avec l’œuvre –, et nous condamne au statut de consommateur passif face à l’avalanche des expressions culturelles. Le droit d’auteur est un système archaïque.

Il est difficile de remettre en question la situation actuelle des marchés culturels, complètement dominés par de – trop – grandes entreprises. Certes, il s’agit d’un héritage du néolibéralisme, mais le prix que nous avons encore récemment payé pour les maux causés par cette idéologie confirme, à l’évidence, que nous devons la dépasser.

Nous devons nous sentir libres de nous demander s’il est juste que seuls quelques propriétaires de moyens de production, de distribution et de réception des expressions culturelles influencent et contrôlent substantiellement ce que nous voyons, entendons et lisons. Pour ce qui nous concerne, cela est inacceptable et contraire à l’idée démocratique de la multiplication des sources de créativité cinématographique, musicale, visuelle et théâtrale… en opposition avec les germes de notre imagination, ainsi qu’avec nos rêves, nos plaisirs, nos moments de tristesse, nos désirs érotiques, et tous les débats qui concernent notre vie. Nous devrions pouvoir choisir librement entre toutes les sources et expressions culturelles différentes.

L’objectif de notre ouvrage est d’aller vers un monde sans copyright …. et sans monopole, de construire des marchés culturels plus justes pour la plupart des artistes, et de donner un plus large choix aux citoyens en faveur de notre communication culturelle.

Quelques commentaires

Christophe Masutti, coordinateur de la collection Framabook – Benjamin Jean, administrateur de Framasoft et président de la SARD

Au travers des Framabooks et de multiples autres projets, Framasoft ne promeut pas seulement le logiciel libre, mais œuvre plus généralement pour l’avancement de la culture libre. Un mouvement qui étend les principes fondateurs du logiciel libre à tous les aspects de la création et de la culture, un partage organisé favorisé par le monde numérique dans lequel nous évoluons aujourd’hui.

À notre niveau, nous nous inscrivons ainsi dans une réflexion nouvelle sur les rapports entre la création et l’économie, suivant en cela le chemin ouvert par d’illustres penseurs avant nous. Le juriste Lawrence Lessig, par exemple, laissera sans nul doute une empreinte dans l’histoire pour avoir théorisé et généralisé la nouvelle conception du droit d’auteur amorcé par l’informaticien Richard Stallman[1], et joué un rôle déterminant dans le succès du « mouvement Creative Commons »[2]. En France, nous pouvons citer de même Philippe Aigrain et son regard éclairé sur la liberté des échanges, une liberté sublimée par Internet et qui conditionne la créativité, ou encore Antoine Moreau, artiste, chercheur et initiateur du mouvement Copyleft Attitude, qui avait compris en précurseur l’intérêt d’étendre le copyleft à toutes les sphères de la création. Plus récemment, de nombreux auteurs et artistes ont proposé de réelles alternatives (réfléchies et réalistes) au monde de la privation – considérée contraire à la créativité – dont l’HADOPI en France représente un archétype frappant[3].

Dans ce registre, la collection Framabook s’enrichit présentement d’un essai pour le moins audacieux et polémique. Le livre de Joost Smiers et Marieke van Schijndel s’inscrit en effet dans cette tradition des essais engagés, qui n’hésitent pas à remettre en cause les paradigmes les plus ancrés, pour nous exposer les méfaits du droit d’auteur et des mécanismes économiques qui en découlent. Dans le même temps, nos deux auteurs s’inscrivent dans une autre tradition, cette fois beaucoup plus ancienne, initiée par le philosophe Thomas More et sa description de l’île-république d’Utopia, porte ouverte à la modernité européenne, invitation à l’action et au changement social. Ainsi, non satisfait de remettre en question, ils proposent un réel système de substitution qui illustre et rend tangible leur proposition – bien loin de l’acception péjorative et anticréatrice qu’a le mot utopie aujourd’hui, serait-ce un signe des temps ?

À les écouter, cependant, Smiers et van Schijndel ne proposent pas exactement une utopie, mais un remède concret aux maux des artistes – précarité et instrumentalisation sont les qualificatifs qu’ils utilisent bien souvent – et de leur public – qui, tel un consommateur, ne dispose que d’un choix d’artistes limité et n’a pas son mot à dire. Ils s’arment ainsi d’audace et imaginent une rupture pleinement assumée avec le modèle actuel afin de faire table rase (abolition des lois relatives au droit d’auteur, mais aussi suppression des « conglomérats culturels » qui pervertissent le système par leur présence) et laisser la place à une nouvelle économie culturelle. Néanmoins, à la radicalité de la suppression (autoritaire) du copyright et des monopoles répond une analyse fine et détaillée des bases sur lesquelles une économie de la création égalitaire et rétributive pourrait se construire de manière durable.

Qu’elles convainquent ou non, ces réflexions méritent indubitablement d’être largement partagées. Le caractère incitatif du droit d’auteur (et autre droit de propriété intellectuelle) se voit mis à mal dans notre société où l’auteur ne peut vivre de son art tandis que celui qui exploite ses droits en tire un monopole grâce auquel il domine le marché. La doctrine juridique elle-même est réservée quant à l’évolution actuelle des différents droits de propriété intellectuelle et, même si elle reste généralement protectrice des auteurs et de leur propriété (bien qu’il soit précisé que cette dernière ne doive pas nécessairement être aussi absolue que celle du Code civil), elle devient très critique à l’encontre des exploitants, de leurs monopoles et lobbing[4]… précisant, s’il le fallait, qu’ « à tout vouloir protéger, on passe d’une logique de l’innovation à une logique de la rente »[5].

Nous sommes donc dans une période assez propice à la réflexion, voire à la contestation, et ce n’est pas une surprise si de nouveaux modèles incitatifs sont proposés afin de remplacer ou rééquilibrer le système actuel – telle la SARD[6] qui a pour objet de favoriser le libre accès à la culture, grâce à un système de financement par le don (modèle économique très en vogue sur Internet[7]).

Enfin, la question de la licence de cet ouvrage illustre parfaitement le décalage entre le droit positif et le système imaginé par les auteurs. Selon ces derniers, les licences libres et open source sont davantage focalisées sur les œuvres à partager que sur la réalité économique et sociale à laquelle se confrontent les artistes. Elles participeraient ainsi à la constitution d’une classe souvent dévalorisée et parfois démunie. Néanmoins, publier cet ouvrage sans mention de licence aurait eu pour conséquence d’empêcher sa diffusion, ce qui nous a conduit à proposer l’utilisation de la licence CC-Zero[8] – un beau clin d’œil puisque cette licence reconnaît les droits avant d’organiser leur abandon…

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, Imagine there is no copyright… fut choisi pour une traduction collective lors des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre tenues à Bordeaux en juillet 2010. Initié par l’équipe Framalang, ce « Traducthon » fut un essai réussi. Même si le résultat ne pouvait évidemment pas être publié tel quel sans quelques mesures éditoriales, on peut souligner la force avec laquelle il démontra qu’un projet collaboratif, sur une période très courte d’une semaine intensive, permet de produire un résultat de premier ordre en conjuguant les compétences et les motivations. Forts de cette nouvelle expérience, ne doutons pas que les prochains « Traducthons » contribueront eux aussi au partage des connaissances en produisant de nouveaux Framabooks.

Nous tenons à remercier ici Joost Smiers et Marieke van Schijndel pour leur disponibilité et leur écoute, ainsi que toute l’équipe Framalang, les relecteurs de l’équipe Framabook, la Poule ou l’Œuf et In Libro Veritas, toutes les personnes ayant contribué à ce projet et sans qui le partage ne serait qu’un vain mot.

-> La suite sur Framabook…

Notes

[1] Stallman, Williams et Masutti, Richard Stallman et la révolution du logiciel libre. Une biographie autorisée, 2010.

[2] Lessig, The Future of Ideas. The Fate of the Commons in a Connected World, 2002.

[3] À ce sujet, voir notamment : Nestel, Pasquini and collectif d’auteurs, La Bataille Hadopi, 2009.

[4] Gaudrat, Les modèles d’exploitation du droit d’auteur, 2009.

[5] Vivant, L’irrésistible ascension des propriétés intellectuelles ?, 1998, p. 441.

[6] La Société d’Acceptation et Répartition des Dons, fondée en 2009 (sard-info.org).

[7] Ce modèle se généralise avec des initiatives comme Yooook, Flattr, Ullule, Kachingle ou « J’aime l’info » (ce dernier étant dédié à la presse en ligne).

[8] Elle aussi traduite pour les besoins du livre (voir un article du Framablog à ce propos).




Pourquoi je contribue et ne contribue pas au logiciel libre

Yasuhiro - CC byPour un débutant participer au logiciel libre peut être si intimidant qu’on n’hésite pas à évoquer « un aquarium à requins » pour qualifier la communauté !

Un blogueur explique pourquoi il ne contribue pas au logiciel libre (alors qu’au fond de lui il le souhaite sincèrement). Un autre lui répond, en théorie mais aussi en pratique en s’appuyant sur GitHub (qui a le vent en poupe actuellement chez les développeurs). Telle est la petite passe d’armes que nous vous proposons traduite ci-dessous[1].

En ce qui nous concerne, c’est aussi pour cela que l’on a publié notre framabook Produire du logiciel libre. Afin de participer à ce qu’il y ait de plus en plus de développeurs francophones, notamment parmi les plus jeunes qui ne reçoivent pour le moment aucune sensibilisation ou formation pendant leur cursus scolaire.

Pourquoi je ne contribue toujours pas à l’open source

Why I still don’t contribute to open source

The Daily Flux – 3 mai 2011 – Brandonhays.com
(Traduction Framalang : Pandark)

Je suis tellement hypocrite. Il y a quelques mois, je me demandais dans un billet comment surmonter ma peur de contribuer aux logiciels open source ?¹?.

Depuis, je n’ai toujours pas vraiment participé. Sur Twitter, j’ai écrit que les FOSS ressemblent à un aquarium de requins pour les newbies, et il faut que je le confirme.

Le fait est que je contribue activement d’une manière ou d’une autre à plusieurs projets open source. Cependant, je me sens toujours extérieur au projet, car mes contributions ne sont généralement pas liées au code. Alors pourquoi est-que je ne m’implique pas complètement dans le FOSS (et je pense, beaucoup d’autres comme moi) ?

Au risque de prêter aux autres mon ressenti personnel, j’aimerais vous faire part des obstacles qui peuvent, selon moi, intimider les nouveaux devs qui voudraient contribuer à des logiciels open source.

Il n’y a pas de certification, de cérémonie ou de badge du mérite disant « Tu es prêt à contribuer au FOSS ». (Il y en a cependant un pour après)

Il n’est pas évident de savoir par où commencer. D’après ce que j’entends, beaucoup de contributions aux FOSS surviennent parce que quelqu’un a besoin d’une fonctionnalité qui n’existe pas dans un logiciel, ou trouve un bug. Il peut proposer une procédure de test reproductible, voire un patch. Dans mon utilisation quotidienne, je ne croise pas beaucoup de ces situations. Il n’y a pas beaucoup de devs qui agitent les bras en demandant spécifiquement de l’aide sur un projet, et encore moins qui voudraient prendre un nouveau développeur sous leur aile.

Les règles de participation (guidelines) rendent souvent la vie d’un mainteneur plus facile, et compliquent la mienne. Oui, maintenir un projet open source est une tâche ardue et ingrate. Cependant, j’ai vu des règles/lignes de conduite pour contribuer qui transformaient une simple idée de correction en un mur de brique bureaucratique digne de Microsoft. La page d’accueil aux contributions accompagnée d’un tutoriel vidéo de Wayne Seguin est une exception remarquable à cela.

L’open source est pour les gens qui sont meilleurs que moi. J’ai bien conscience que c’est une excuse pour ne pas me lancer, mais je ne suis simplement pas à l’aise de me retrouver à un endroit où je pourrais publier des logiciels suffisamment bons pour que de véritables développeurs les utilisent.

Essayer de contribuer et échouer me donne le sentiment d’être stupide. J’ai déjà soumis plusieurs requêtes de pull et aucune n’a été acceptée, sans commentaire expliquant pourquoi. C’est comme si l’univers confirmait que oui, je suis un idiot, et mon « aide » n’est pas utile. Quelle perte de temps profondément déprimante !

J’ai pas le temps. J’ai des enfants, un nouveau boulot, et un nombre grandissant de responsabilités. Cela me prend entre 3 et 10 fois plus de temps pour écrire du code qu’un développeur plus expérimenté. Maintenant, mes contributions non liées au code mangent le temps que je passais à coder. Oui, tout le monde a la même excuse, du genre qui se dissipe si les autres excuses disparaissent, mais ça vaut le coup de le mentionner.

C’est une activité solitaire. Je pense que la plupart des gens comprennent ces choses par eux-même, et que ce serait donc un peu trop demander que d’attendre d’être pris par la main. Mais est-ce vraiment une démarche spirituelle où personne ne peut vous accompagner, de crainte que vous n’appreniez rien ?

Donc oui, le FOSS peut sembler intimidant, voire autant qu’un aquarium de requins. Je n’ai pas toutes les réponses à ces problèmes, mais je voudrais voir plus de mainteneurs cherchant des contributions avec une certaine spécificité, et répondant ensuite aux requêtes de pull, un appel pour des cas de tests supplémentaires, des corrections de bugs et, oui, de la documentation.

Github a beau être on ne peut plus ouvert, il n’y a pas de système type Quora/StackExchange qui permette de savoir quel projets ont besoin de quelque chose qui correspond à ce que vous pouvez faire. Ça pourrait être une bonne fonctionnalité.

Toi (oui, toi !), tu devrais contribuer à l’open source

You (yes, you!) should contribute to open source

Steve Klabnik – 10 mai 2011 – TheChangelog.com
(Traduction Framalang : Pandark)

Si vous lisez ce blog, vous vous souciez évidemment de l’open source. Si vous n’avez jamais contribué à un projet open source, cependant, vous êtes peut-être frileux à ce propos. Donc, inspiré par le concours de documentation Ruby 1.9.3, j’ai écrit un billet pour mon blog à propos de la manière de contribuer à la documentation de Ruby. J’ai reçu des retours comme celui-ci :

TheChangelog.com

@steveklabnik Hé, c’est génial. Il est temps pour moi de m’engager et de me mettre au boulot. Merci pour la motivation supplémentaire !

Je me suis donc dit que quelque chose de plus général pourrait vous encourager à vous impliquer dans n’importe lequel des projets open source que vous utilisez, même si ce n’est pas en Ruby. Tout projet peut avoir besoin d’un coup de main supplémentaire, en particulier les petits.

Un petit aparté à propos du fait d’être frileux.

Si vous ne contribuez pas parce que vous pensez que vous n’êtes pas prêt, ne vous inquiétez pas pour ça ! Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, mais vraiment, vous êtes prêt. Un de mes amis a publié un article à propos des raisons pour lesquelles il ne contribue pas, et je suis sûr que beaucoup de personnes partagent ce genre de peurs. Greg Brown a répondu et a dissipé certaines de ses inquiétudes, mais la plupart des gens auxquels j’ai parlé s’y refusent principalement pour deux raisons :

  • C’est trop dur
  • Je ne suis pas assez bon pour contribuer
  • Je n’ai pas le temps

Parlons de chacun de ces points dans l’ordre inverse. C’est vrai, vous pouvez avoir une vie remplie. Je ne connais pas votre emploi du temps personnel. Cependant, je suis sûr que vous pouvez trouver une heure ou deux, peut-être un week-end ? Il n’en faut pas plus pour commencer. La plupart des projets sont construits sur la base de milliers de minuscules commits. Vous n’avez pas besoin de faire une grosse contribution, même les petites sont importantes.

Si vous avez peur que la qualité de votre code ne soit pas suffisante, eh bien la seule manière de vous améliorer est de pratiquer. Alors lancez-moi cet éditeur et soumettez un patch ! En général, si quelque chose ne va pas dans votre soumission, il y aura une discussion à son propos sur GitHub et tout le monde peut y apprendre quelque chose.

Prenez cette demande de pull, par exemple. À l’origine, Colin a soumis un patch qui faisait un lien vers la mauvaise url ; wilkie l’a mentionné, et Colin a mis le code à jour. Cela sera intégré dès que j’aurai fini d’écrire ce billet pour The Changelog. 🙂 Mais c’est généralement ce qui arrive si votre première proposition est un peu inexacte. N’ayez pas peur ! C’est comme ça que l’on a tous appris, les uns des autres.

Cette lamentation « c’est trop dur » débouche souvent sur un « je ne suis pas assez bon ». Cela peut aussi arriver si vous essayez de contribuer à un gros projet ayant beaucoup de règles. Les lignes de conduite pour contribuer, obligation de relecture du code, mise à jour des fichiers AUTHORS et CHANGELOG… les gros projets doivent avoir des procédures pour gérer le grand nombre de contributeurs, mais cela peut certainement créer une barrière à l’entrée pour les nouveaux venus. Si ces procédures vous intimident, j’ai une suggestion : commencez petit ! Les petits projets ont généralement peu, voire pas du tout de procédure. De plus, vous vous sentirez incroyablement bien. Pensez à ça : Python reçoit un tas de patchs tous les jours, mais si vous avez un petit outil que vous avez écrit sur GitHub, et que soudainement vous recevez un courriel « Hé, quelqu’un a un patch pour vous, » je parie que vous en serez rudement content.

Le B.A BA

Lorsque l’on contribue à un projet open source sur GitHub, il y a un processus que presque tous les projets suivent. Trois étapes : fork, commit, demande de pull.

GitHub rend l’étape du fork très simple. Cliquez simplement sur le bouton « fork » trouvé sur la page de n’importe quel projet. Utilisons Ruby comme exemple. La page du projet est ici. Vous pouvez voir le bouton fork en haut à droite. Il ressemble à ceci :

TheChangelog.com

Cliquez dessus, et vous verrez certaines « hardcore forking action, » puis vous serez dans votre propre fork ! C’est votre propre version du projet, et elle apparait sur votre page GitHub. Par exemple, voici mon fork de Ruby. Vous verrez une URL sur la page, qui vous permettra de cloner ce projet lui-même.

$ git clone git@github.com:steveklabnik/ruby.git

Cela crée un répertoire « ruby » avec tout le code à l’intérieur. Ensuite, ajouter un lien vers le projet parent pour pouvoir suivre les modifications qu’il fait.

$ cd ruby
$ git remote add upstream https://github.com/ruby/ruby.git
$ git fetch upstream

À partir de maintenant, à n’importe quel moment, nous pouvons récupérer les modifications du dépôt Ruby principal en faisant un rebase :

$ git rebase upstream/master

Une petite remarque : ruby continue d’utiliser à la fois svn subversion et git, ils appellent donc leur branche maîtresse trunk. Si vous faites cela pour Ruby, vous devrez faire git rebase upstream/trunk. Maintenant que vous avez cloné, vous pouvez faire votre boulot ! J’aime travailler dans des branches par fonctionnalités, parce que cela rend les choses plus propres et jolies, et que je peux travailler sur deux fonctionnalités à la fois.

$ git checkout -b feature/super-cool-feature
$ vim something
$ git add something
$ git commit -m "Fixed something in something"

Une fois que vous avez obtenu des commits qui fixent votre problème, envoyez les (faites un push) sur GitHub :

$ git push origin feature/super-cool-feature

Ensuite, vous cliquez sur le bouton pull request :

TheChangelog.com

Choisissez votre branche, modifiez la description comme vous le souhaitez, et vous êtes prêt à vous lancer ! Le mainteneur du projet y jettera un coup d’œil et vous aurez peut-être droit à une discussion, et bientôt vous aurez quelque chose accepté quelque part !

À quoi devrais-je contribuer ?

Le meilleur moyen de contribuer est d’aider un projet que vous utilisez effectivement. De cette manière, vous arriverez à tirer profit du fruit de votre labeur. Vous serez plus motivé, vous comprendrez déjà le projet et ce qu’il fait, ce qui vous rendra tout ça plus facile.

Si vous ne voulez pas ou ne pouvez pas trouver comment fonctionne quelque chose que vous utilisez, le deuxième meilleur moyen est de commencer à utiliser de nouveaux logiciels ! Continuez à lire The Changelog et choisissez un projet qui a l’air intéressant, utilisez le quelques semaines, puis contribuez !

Nous sommes tous dans le même bateau

J’espère que ceci vous encouragera à vous salir les mains, vous retrousser les manches, et contribuer. Même le plus petit des patchs est important, alors s’il vous plaît, trouvez un moment dans votre emploi du temps, choisissez un projet et faites un essai. Mais attention, vous pourriez vite vous retrouver accro !

Notes

[1] Crédit photo : Yasuhiro (Creative Commons By)




Peut-on encore sortir du labyrinthe des brevets ?

Opensourceway - CC by-saEn février dernier nous mettions en ligne un extrait du film Patent AbsurdityRichard Stallman prenait appui sur la musique pour illustrer les dangers d’une dérive des brevets.

Au départ, il s’agissait de protéger et développer l’innovation, mais aujourd’hui, à force d’avoir laissé breveter un peu tout et n’importe quoi, on ne peut que constater la stricte inversion des rôles. Et ceci est particulièrement vrai dans le domaine des brevets logiciels[1].

Il va falloir continuer à faire pression sur le politique pour qu’il cesse de démissionner face à l’économique, sinon c’est bien un monde bloqué et sous contrôle que l’avenir nous réserve…

Les start-ups dans le labyrinthe des brevets

Chris – 28 mars 2011 – StormDriver.com
(Traduction Framalang : Brandelune)

Start-ups in the maze of software patents

Vous est-il déjà venu à l’idée de breveter une fenêtre popup, un système de sondages en ligne, un tableau de score pour jeu en réseau ou un système d’ouverture d’application en cliquant une icône ? J’ai de mauvaises nouvelles pour vous, c’est impossible. Non parce que les revendications sont stupides, mais parce que ces systèmes sont déjà brevetés (voir ici, ici, ici et ici).

Et tout ça est très rigolo jusqu’au jour où vous vous trouvez dans le rôle d’une start-up informatique à galérer dans le long tunnel des brevets logiciels qui va vousun mener de la station Tout Est Super à la station Prend Toi Le Mur.

Galère de start-up

Les débats sur le système des brevets logiciels vont et viennent, prennent parfois de l’ampleur lors de brèves controverses quand deux géants se mettent à se jeter leurs brevets au visage lors de batailles rangées en public. On en fait des films (et vous devriez vraiment voir celui-ci), on en écrit des articles et le public a petit à petit appris à considérer ces brevets comme quelque chose qui fait partie du paysage, comme la guerre des navigateurs ou le lancement de nouvelles machines. En apparence, rien ne change.

Malheureusement, les brevets ont une propriété qui semble avoir échappé à tout le monde : ils se multiplient. Et ils le font avec une rapidité qui surprendrait nos plus chauds lapins comme ce tableau vous le démontre.

Si vous développez une application et que vous souhaitez le faire en toute légalité, je vais vous décevoir. Il est strictement impossible que vous puissiez créer quoi que ce soit qui ne soit pas en violation d’au moins un brevet existant puisqu’ils vous interdisent désormais d’utiliser la plupart des techniques de base. Il est même probable que vous avez déjà violé une douzaine de brevets tout simplement en pensant à votre application. Chaque jour, le Bureau américain des brevets publie près de 3000 nouveaux brevets, une grande partie d’entre eux étant à portée excessive, génériques ou tout simplement ridicules. Une grande partie de ces brevets ont créé des labyrinthes légaux où il est impossible de trouver son chemin même pour les entreprises qui emploient des armées de clones génétiquements modifiés de super-avocats. Il vous suffit de regarder la tempête de papiers qui souffle devant le nez de l’Android de Google.

La vie d’un dévelopeur de start-up n’est même plus une course à l’aveuglette à travers un champ de mines, parce que même les yeux fermés, vous avez au moins une chance de traverser un champ de mines sain et sauf.

Breveter l’évident

Le problème vient du fait que la plupart des brevets logiciels attribués sont sans intérêt. Par exemple, Amazon a réussi à obtenir un brevet pour une caisse d’achat en-ligne qui est violé par pratiquement tous les magasins en-ligne du monde. Une petite entreprise possède un brevet pour créer un fichier unique à partir de plusieurs fichiers source. Aussi bien WinZip que WinRAR violent ce brevet sans doute possible. Il existe même un brevet pour des réponses courriel automatiques, son propriétaire a fait un procès à AOL, Amazon, Yahoo et de nombreux autres.

Les acteurs importants sur le marché du logiciel contournent ce problème en s’autorisant réciproquement l’utilisation de leurs brevets. C’est leur seul moyen de fonctionner. Par exemple, Microsoft a dû « emprunter » des brevets pour de nombreuses parties de l’interface homme-machine de Windows ou de son code. Mais ces autorisations réciproques créent d’autres problèmes car quand il s’agit des conditions d’utilisation de leurs paquets de brevets, les entreprise sont particulierement ingénieuses. Les accords brevets de Microsoft interdisent aux autres entreprises d’utiliser une forme quelconque du noyau Linux à moins qu’elles payent Microsoft pour quelque chose que Microsoft n’a pas créé et qui est de fait un logiciel libre.

Laissez-moi vous donner un example clair de ce qui ne va pas avec le système actuel de brevets. Microsoft est un géant du brevet : il en possède 17258 valables alors qu’il n’a développé aucune inovation logicielle significative dans toute son histoire, n’hésitez pas à consulter cette liste très intéressante.

Mais ce n’a pas toujours été comme ça. Il y a longtemps, au début de l’âge des technologies de l’information, il n’était pas possible de breveter un algorithme. Depuis, les entreprises ont découvert qu’elles pouvaient faire passer leur brevet en substituant au terme « algorithme » les termes « système et méthode » ou en brevetant un ordinateur qui exécute l’algorithme, une manière sournoise de donner la forme d’une invention à un morceau de code trivial. Elles ont aussi appris à déposer leurs brevets là où les juges fédéraux sont connus pour laisser passer n’importe quelle revendication. Petit à petit, les digues qui nous protégeaient des mauvais brevets ont été rompues.

Il ne peut y en avoir qu’un

La meilleure analogie pour ces brevets sauvages est la création musicale. Un programme informatique et une composition musicale partagent de nombreuses similarités. Ils reflètent tous deux des lois fondamentales et mathématiques. Ils sont tous deux créés à partir de blocs de base qui peuvent être combinés de certaines manières. S’il est possible de breveter une fenêtre pop-up ou un algorithme de vérification de boîte à lettres alors pourquoi ne serait-il pas possible de breveter des crescendos, tremolos et autres combinaisons de notes ? S’il est possible de breveter des « systèmes et méthodes » pour créer un tableau de score, pourquoi pas un brevet de « systèmes et méthodes » pour créer un morceau de rock ?

Imaginez un monde où Elvis ne pourrait pas jouer à cause d’un brevet Rock and Roll possédé par Jackie Brenston, un monde où Eric Clapton aurait été condamné à la non-existence par la Fondation pour l’héritage de Lonnie Mack, un monde où Iron Maiden n’existerait pas parce que Black Sabbath n’aurait pas autorisé l’utilisation du brevet pour le Heavy Metal.

Dans le monde des brevets, il ne peut y avoir qu’une idée. Bien souvent, la meilleure implémentation d’une idée n’est pas celle qui est apparue la première. J’en ai déjà parlé plus haut. Avant Facebook il y a eu quantité de réseaux sociaux qui n’ont pas pris. Le problème c’est que dans quelques années, un début à la Zuckerberg ne sera plus possible à cause de la multiplication infinie des brevets.

Une course à travers un champ de mines

Retournons à notre start-up. Il est clair que quoi que vous fassiez, vous allez violer la propriété intellectuelle de quelqu’un. Dans l’idéal, avant même de commencer à travailler, vous devriez déposer quelques brevets à portée excessive pour avoir des munitions pendant les batailles de paperasses que vous allez avoir à mener. Et même avec ça, soyez prêt à affronter vague sur vague de trolls à brevets. Il sera impossible de négocier une utilisation réciproque avec eux ou de les menacer de vos propres brevets, car ils ne produisent rien. Il vous sera impossible de négocier des accords raisonnables avec eux car ils vous demanderont des millions de dollars en compensation. Certains d’entre eux sont particulièrement vicieux, comme une certaine entreprise texane qui a finalement révélé un ancien brevet pour le géo-marquage et qui a porté plainte contre 397 entreprises différentes, y compris Google et Microsoft.

Même si vous avez une taille suffisante pour ne pas craindre ces trolls, des poissons plus gros vous attendent dans la mare. Un peu comme Unisys l’a fait à des entreprises qui utilisaient les formats TIFF ou GIF parce qu’ils utilisaient une méthode de compression brevetée par Unisys. Ou comme Yahoo l’a fait à Xfire pour permettre d’envoyer des messages à ses amis lorsqu’ils se connectent à un jeu en réseau, même si la plupart des jeux en ligne massivement multijoueurs font exactement la même chose sans payer un centime à Yahoo.

Alors, comme les start-ups peuvent-elles gérer cette situation ? Elle ne le font pas. Car le seul moyen d’avancer c’est d’ignorer l’existence du droit des brevets. Et il semble que ceci soit même recommandé par les experts de l’industrie. J’ai beau essayer de trouver une autre activité économique où le non respect de la loi fait partie du « business model » et à part une longue liste d’activités louches qui peuvent vous amener droit en prison, je ne trouve rien. À part écrire des logiciels.

Bien sûr, votre situation sera considérablement plus sûre si vous développez à l’étranger, dans des environnements plus libéraux mais cela ne fera que différer vos problèmes jusqu’au jour où vous passerez à l’international, parce qu’il ne faut pas se leurrer, la base utilisateur américaine est d’une importance clé pour la plupart des start-ups.

La morale de cette histoire est qu’après des années d’autorisation de brevets à portée excessive ou évidents, tout ce que qui peut vous passer par la tête est déjà breveté et tout ce que vous faites est très certainement illégal. La seule chose que vous puissiez espérer est que personne ne fera attention ou ne s’intéressera à votre application de start-up, ou que les trolls à brevet meurent sous les coups de ses propres armes – Haliburton a fait le premier pas vers un brevetage du trollage par brevet.

Vous pourriez probablement contribuer à la lutte en brevetant l’idée de breveter l’évident. Mais soyez rapide, parce que mon dépot est déjà parti en direction du Texas.

Notes

[1] Crédit photo : Opensourceway (Creative Commons By-Sa)




Un kit libre pour démarrer une civilisation !

Dans un récent billet intitulé Open Source Ecology ou la communauté Amish 2.0 nous nous faisions l’écho d’un projet assez extraordinaire consistant à placer sous licence libre les spécifications d’une cinquantaine de machines agricoles permettant théoriquement à un village d’accéder à l’autosuffisance.

Un projet qui méritait bien les honneurs d’une conférence TED que nous avons choisi de vous reproduire ci-dessous.

Soit dit en passant, les conférences Ted, au format court caractéristique et de plus en plus souvent sous-titrées en français, constituent avec le temps une véritable mine d’or pour tout internaute curieux de mieux comprendre et appréhender les enjeux d’aujourd’hui et de demain. Je suggère fortement à tout enseignant d’indiquer cette ressource à leurs étudiants et de leur en montrer quelques unes en classe (les interventions sont placées sous licence Creative Commons By-Nc-Nd).

Leur slogan est : « des idées qui méritent d’être diffusées ». Celle-ci, comme les autres, le mérite amplement.

PS : Une ressource signalée par l’excellente revue de presse hebdomadaire d’InternetActu.

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Transcript

Marcin Jakubowski – Avril 2011 – Open Source Ecology

Marcin Jakubowski: Open-sourced blueprints for civilization

Salut, je m’appelle Marcin, fermier, ingénieur. Je suis né en Pologne, je vis désormais aux États-Unis. J’ai lancé un groupe intitulé « Open Source Ecology » (« Écologie en Accès Libre ») Nous avons identifié les 50 machines les plus importantes qui, selon nous, permettent à la vie moderne d’exister, depuis les tracteurs et les fours à pain aux graveuses de circuits imprimés. Nous avons essayé de créer une version accessible, FLVM, une version « faites-le vous-même » que n’importe qui pourrait construire et entretenir en ne supportant qu’une partie du coût. Nous appelons cela le Kit de Construction du Village Global.

Laissez-moi vous raconter une histoire. J’ai fini à trente ans avec un doctorat en fusion énergétique, et j’ai découvert que j’étais inutile. Je n’avais aucune compétence pratique. Le monde m’a offert des options, et je les ai prises. On pourrait appeler cela un style de vie consumériste. J’ai créé une ferme dans le Missouri et appris les choses en rapport avec l’économie de la ferme. J’ai acheté un tracteur, qui cessa de fonctionner. J’ai payé pour qu’on me le répare, et puis il cessa à nouveau de fonctionner. Alors peu de temps après j’étais moi aussi financièrement incapable de fonctionner.

J’ai réalisé que les outils bon marché, vraiment appropriés, dont j’avais besoin pour établir une ferme durable n’existaient tout simplement pas encore. J’avais besoin d’outils robustes, modulaires, hautement efficaces et optimisés, peu chers, fabriqués à partir de matériaux locaux et recyclés qui dureraient toute une vie, non conçus pour l’obsolescence. Je me suis rendu compte que j’allais devoir les construire moi-même. Et c’est ce que j’ai fait. Je les ai ensuite testés. Et je me suis rendu compte que la productivité industrielle peut être atteinte sur de petites échelles.

Alors j’ai publié les plans en 3D, les schémas, les vidéos d’explication et les budgets sur un wiki. Des participants du monde entier sont apparus, réalisant des prototypes de nouvelles machines à l’occasion de visites de projet dédiées. Jusque-là, nous avons prototypé 8 des 50 machines. Le projet commence à grandir de façon autonome.

Nous savons que l’accès libre a réussi avec les outils de gestion de la connaissance et de la créativité. Le même phénomène est en train de se produire avec le matériel. Nous nous concentrons sur le matériel parce que c’est lui qui peut changer la vie des gens de manière réellement tangible. Si on peut baisser les barrières autour de l’agriculture, de la construction, de la production, nous libèrerons une quantité énorme de potentiel humain.

Cela ne vise pas seulement les pays en développement. Nos outils sont conçus pour le fermier, l’ouvrier, l’entrepreneur ou le producteur des États-Unis. Nous avons vu beaucoup d’intérêt chez ces gens-là, qui peuvent maintenant lancer une société de construction, de fabrication de pièces détachées, d’agriculture bio ou simplement revendre de l’électricité. Notre but est de devenir un répertoire en ligne de plans si clairs, si complets, qu’un simple DVD peut servir de kit de démarrage.

J’ai planté une centaine d’arbres en une journée. J’ai compacté 5000 briques en une journée en utilisant la terre sous mes pieds et j’ai construit un tracteur en six jours. De ce que j’ai vu, ce n’est que le commencement.

Si cette idée est vraiment solide, alors les implications sont considérables. Une meilleure distribution des moyens de production, une chaîne logistique respectueuse de l’environnement, et une nouvelle culture du “faites-le vous-même” pourrait espérer venir à bout d’une rareté artificielle. Nous explorons les limites de ce que nous pourrions faire pour rendre le monde meilleur avec des technologies physiques en accès libre.

Merci.




Ubuntu 11.04 et son interface Unity : l’ordinateur idéal pour l’éducation ?

Okubax - CC-bySortie tout récemment, la dernière version 11.04 de la distribution GNU/Linux Ubuntu offre une spectaculaire nouvelle interface graphique baptisée Unity (cf cette vidéo) que Mark Shuttleworth lui-même n’hésite pas à qualifier de « changement le plus important jamais réalisé sur Ubuntu ».

Et si cette interface[1] se révélait être idéale pour le monde de l’éducation ?

C’est l’hypothèse avancée ci-dessous par Christopher Dawson (ZDNet) en appuyant ses dires par la similarité d’usage avec les smartphones dont nos étudiants sont friands et familiers.

Mais vous ne serez peut-être pas d’accord, d’autant que le chroniqueur s’aventure également à affirmer (ce qui ressemble un peu à un argument pro Mac) que les étudiants sont « des consommateurs peu intéressés à comprendre ce qu’il y a sous le capot » et que « moins ils en voient et mieux ça vaut ».

PS : Pour info, Framasoft sera présent « en force » à la prochaine Ubuntu Party de Paris du 27 au 29 mai prochain.

Ubuntu 11.04 : l’ordinateur idéal pour l’éducation ?

Ubuntu 11.04: The ultimate educational desktop?

Christopher Dawson – 5 mai 2011 – ZDNet Education
(Traduction Framalang : Don Rico et Goofy)

J’utilise Ubuntu 11.04 depuis la version alpha, et c’est mon système d’exploitation principal sur les divers netbooks qui vadrouillent chez moi. Mes lecteurs réguliers savent que j’utilise Ubuntu depuis un bout de temps, que ce soit comme serveur ou comme système d’exploitation pour mon ordinateur. Ces temps-ci, je passe beaucoup de temps sur mon Mac, qui est génial, mais c’est plus fort que moi : je me dis que la dernière version d’Ubuntu pourrait bien être l’ordinateur idéal dans le domaine de l’éducation, pour un tas de raisons.

D’ailleurs, il pourrait bien damer le pion à OS X et devenir mon système d’exploitation favori, mais pour l’instant la question n’est pas là. Le monde de l’éducation a plus à gagner que moi avec Ubuntu 11.04. Voici pourquoi.

La première fois que j’ai essayé Ubuntu, c’était sur de vieux ordinateurs de mon lycée, il y a quelques années, pour tenter d’économiser de l’argent avec des logiciels gratuits et prolonger un peu la vie de quelques ordinosaures. Ça a fonctionné, mais depuis, Ubuntu a fait bien du chemin. Et nos utilisateurs aussi, qu’ils soient adultes ou étudiants. Nous utilisons tous couramment des téléphones sous Android ou des iPhones et naviguons dans une interface qui assume sans complexe n’être pas du Windows. C’est là qu’intervient la nouvelle interface Unity. Steven J. Vaughan-Nichols a interviewé le fondateur de Canonical, Mark Shuttleworth, qui l’évoque en ces termes :

Shuttleworth a commencé par préciser que selon lui, le point le plus important avec Unity dans Ubuntu 11.04, c’était « d’apporter à un large public de consommateurs ce qui a toujours été au cœur de la plateforme Linux : du plaisir, des libertés, de l’innovation et des performances… »

Dans le domaine éducatif, bien plus que dans la plupart des industries, nos utilisateurs sont très consommateurs (du moins la plupart ont-ils une approche de consommateurs pour les nouvelles technologies). Il existe des exceptions remarquables, bien sûr. Je me garderais bien de ranger Karl Frisch parmi les consommateurs, par exemple, et beaucoup de ceux qui utilisent les technologies de manière vraiment innovante ne le sont certainement pas plus.

Mais nos étudiants, qui sont pourtant connectés en permanence, ignorent en général tout de ce qui se passe sous la coque de leur iPhone ou de leur PC sous Windows 7, et qui plus est, ils s’en fichent. Qu’on l’aime ou le déteste (partisans et détracteurs sont également nombreux), Unity remplit fort bien sa mission en masquant les entrailles de Linux pour attirer les accros de Windows comme des abeilles sur le miel. Avec Unity, la partie visible, c’est tout ce dont vous avez besoin.

Dans les établissements scolaires, cela revient à pouvoir choisir son navigateur Web, des logiciels de bureautique si vous n’avez pas opté pour une application en ligne, et tous les logiciels éducatifs que vous déciderez d’utiliser. Moins les étudiants et les professeurs en voient et mieux ça vaut (en-dehors des cours qui exigent d’en savoir ou d’en faire plus). Après tout, ils devraient surtout concentrer leurs efforts sur l’apprentissage et pas sur les joujoux high-tech, les gadgets ou autres sources de distraction qu’ils auraient sous la main.

En fait, Unity se rapproche d’Android plus que n’importe quel système d’exploitation avant lui. Ubuntu a enfin cessé de vouloir à tout prix imiter Windows ou OS X avec les bureaux Gnome et KDE, et c’est à présent le seul système de bureau à offrir une expérience proche de celle des appareils mobiles, ce qui parle à une vaste catégorie d’utilisateurs. Ces utilisateurs de téléphones Android ou d’iPhones basculent avec facilité entre les espaces de travail et les écrans où sont regroupées les icônes des applications qu’ils utilisent le plus fréquemment. On retrouve ce même fonctionnement avec Unity, qui simplifie l’utilisation d’un système stable et gratuit.

Et voilà qu’on reparle de gratuité. Il y a presque six ans, lorsque j’ai installé Ubuntu pour la première fois dans ce labo de misère, c’était parce qu’il était gratuit et ne craignait pas les programmes malveillants. Aujourd’hui, les programmes malveillants ne présentent dans l’ensemble toujours aucun danger, et le système d’exploitation reste libre et gratuit.

À l’évidence, si votre établissement a besoin d’applications essentielles à son activité qui ne sont pas disponibles sur Ubuntu, il faudra aller voir ailleurs. Sans même se pencher sur Edubuntu et les tonnes de logiciels éducatifs libres disponibles dans les dépôts d’Ubuntu, la grande majorité des établissements trouveront de quoi satisfaire pleinement leurs besoins dans l’interface épurée d’Unity. Pour ne rien gâcher, Ubuntu 11.04 démarre en un clin d’œil, sa prise en mains est facile quel que soit le niveau de l’utilisateur, et il fonctionne à merveille sur tous types de machines, de l’ordinateur de bureau le plus complet au plus petit des netbooks. Finies les versions remixées pour netbooks, juste une interface « unifiée » d’une machine à l’autre.

Shuttleworth sera le premier à reconnaître qu’il reste du chemin à faire, mais c’est un projet qui a franchi un pas décisif pour marquer sa différence. Et cette différence peut profiter directement aux professeurs et aux élèves, s’ils désirent retrouver sur leur ordinateur de bureau et leur laptop l’utilisation intuitive de leur smartphone.

Notes

[1] Crédit photo : Okubax (Creative Commons By)