Affaire OOXML – Quand 6 pays disqualifient l’ISO

Nous aurons l’occasion d’y revenir mais la standardisation du format OOXML par l’ISO, dans des conditions de pression qui confinent au scandale, est certainement l’un des gros points noirs de l’année en cours.

Quatre pays, le Brésil, l’Afrique du Sud, le Venezuela, et l’Equateur, avaient officiellement remis en cause cette normalisation en faisant appel de la décision. Peine perdu, l’appel a été rejeté cet été. Plus rien ne s’oppose donc à ce que Office Open XML, le format de fichier bureautique défendu par Microsoft, devienne officiellement la norme ISO/IEC DIS 29500.

Ce qui n’empêche pas les pays en question (plus Cuba et le Paraguay) de dire après coup tout le bien qu’ils pensent de l’ISO dans cette déclaration[1] non diplomatiquement correcte que nous soutenons sans condition et qui rappelle au passage que nous avions déja avec l’ODF une norme bureautique libre et ouverte satisfaisante.

Il est bien dommage que la France en soit absente mais cela n’est malheureusement guère étonnant quand on avait décidé de voter non pour finalement s’abstenir à la dernière minute.

CONSEGI 2008 - Logo

DECLARATION CONSEGI 2008

Nous, les sous-signés représentants de sociétés nationales en informatique du Brésil, d’Afrique du Sud, du Venezuela, de l’Equateur, de Cuba et du Paraguay, faisons part de notre déception après avoir pris connaissance du communiqué de presse émanant de l’ISO/IEC/JTC-1 et daté du 20 août concernant les recours déposés par les instances nationales du Brésil, d’Afrique du Sud, d’Inde et du Venezuela. Nos instances nationales, conjointement à celle de l’Inde, ont chacune, indépendamment, fait part de leur grande inquiétude concernant l’ensemble du processus d’adoption rapide de DIS29500. Le fait que ces inquiétudes n’aient pas été traitées comme il se devait par une commission de conciliation entâche l’integrité de ces institutions internationales de normalisation.

Nous ne gaspillerons pas plus d’énergie à faire pression sur nos organismes nationaux pour qu’ils continuent d’appuyer nos contestations, mais nous jugeons cependant qu’il est important de clarifier certains points :

1. L’assouplissement des règles pour permettre la procédure express pour DIS29500 nous interpelle. Que l’ISO TMB n’ait pas jugé utile d’accorder aux contestations l’attention nécessaire pour les étudier convenablement remet en question la confiance que nous pouvons accorder à ces institutions et à leur capacité à répondre à nos besoins nationaux.

2. L’empiètement de la norme en question sur la norme ISO/IEC26300 (Open Document Format) existante reste sujet à questionnement. Nos pays ont déjà fait d’importants efforts pour employer la norme ISO/IEC26300, l’une des principales raisons étant justement qu’elle avait obtenu le titre de norme ISO en 2006.

3. L’adoption à grande échelle d’une norme pour les documents est longue et coûteuse, des projets s’étalant sur plusieurs années ayant été initiés dans chacun de nos pays. Parmi nous, nombreux sont ceux à avoir allouer beaucoup de temps et de ressources dans cet effort. Par exemple, au Brésil, le processus de traduction de la norme ISO/IEC26300 en portugais a duré plus d’un an.

Les problèmes rencontrés au cours de l’année précédente nous ont tous mis dans des situations délicates. Au vu de l’incapacité de l’organisme a suivre ses propres règles, la capacité de l’ISO/IEC a se transformer en un organisme de normalisation ouvert et libre de toute influence, ce qui est une nécessité urgente, nous semble compromise. Il nous apparaît clairement maintenant que nous allons devoir, quoiqu’à contre coeur, ré-évaluer notre appréciation de l’ISO/IEC, en particulier en ce qui concerne sa pertinence vis à vis des différentes structures d’interopérabilité de nos gouvernements nationaux. Alors que dans le passé la mise en oeuvre au sein d’un gouvernement d’une norme ISO/IEC était automatiquement envisagée, cet état de fait est maintenant discutable.

Signataires :

Aslam Raffee (South Africa)
Chairman, Government IT Officer’s Council Working Group on Open Standards Open Source Software

Marcos Vinicius Ferreira Mazoni (Brazil)
Presidente, Servico Federal de Processamento de Dados

Carlos Eloy Figueira (Venezuela)
President, Centro Nacional de Tecnologías de Información

Eduardo Alvear Simba (Ecuador)
Director de Software Libre, Presidencia de la República

Tomas Ariel Duarte C. (Paraguay)
Director de Informática, Presidencia de la República

Miriam Valdés Abreu (Cuba)
Directora de Análisis, Oficina para la Informatización

Notes

[1] Merci à Olivier et Daria pour la traduction.




Largage de liens en vrac #6

Hamed Saber - CC byC’est devenu une (mauvaise) habitude, encore une liste de logiciels plus ou moins intéressants (a priori), plus ou moins nouveaux (au moins pour moi), mais bel et bien libres[1].

On notera d’ailleurs que désormais les nouveaux logiciels sont libres dans leur très grande majorité, avec il est vrai un bémol pour nos données des sites web 2.0. Il n’empêche : que de chemin parcouru pour en arriver là 😉

  • Adeona : L’idée c’est ni plus ni moins que d’être capable de retrouver un éventuel voleur de votre ordinateur portable ! Pour en savoir plus mieux vaut lire l’article dédié de ZDNet.
  • Ma.gnolia : Le libre aurait-il pour vocation à récupérer les services web 2.0 qui n’arrivent pas à trouver leur modèle économique ? Toujours est-il qu’on peut se réjouir du récent passage au libre de Ma.Gnolia, site web 2.0 de partage de marque-pages Internet. Cela signifie que l’on pourra tous héberger son petit del.icio.us-like de qualité à la maison.
  • OpenTape : Même si nous n’en sommes qu’à la modeste version 0.1, l’un des plus intéressants de la sélection, surtout en ces temps troubles où le partage de la musique est mis à l’index. Permet d’héberger de la musique (par exemple celle sur Dogmazic), de la partager et de la diffuser (par exemple sur votre blog via un player flash embeded). Pour ceux qui connaissent, OpenTape se veut à terme un remplaçant libre de Muxtape qui est pour l’instant fermé à cause de problèmes avec la trop fameuse RIAA. On trouvera sur LifeHacker un tutoriel d’installation (en anglais).
  • Circle Dock : Pour Windows, une manière tout à fait originale d’organiser les icônes (et donc les programmes, fichiers et répertoires) de votre bureau dans un cercle spiralée (ou une spirale cerclée) mobile du plus bel effet. Le mieux c’est encore de jeter un œil sur les vidéos du site pour s’en faire tout de suite une meilleure idée.
  • Simple Tetris Clone : Un énième clone du jeu Tetris, quel intérêt quand bien même il soit sous licence libre ? Il réside dans la propreté du code mais aussi dans ses vertus pédagogiques pour ceux qui se lancent dans la programmation.
  • Simple Invoices : En ligne, un gestionnaire de facturation client plutôt bien conçu (avec sortie direct en PDF attaché au mail si vous le désirez).
  • Family Connections : Comme son nom l’indique un CMS de type réseau social (sauce Facebook) mais restreint à votre famille (ou à qui vous voulez).
  • Flash Gallery : Ceux qui aiment les photos et… le flash seront comblés par cette manière gracieuse de présenter une galerie d’images (sous licence Creative Commons BY, ce qui est plutôt rare pour une application).
  • Kissa.be! : Un clone libre de TinyURL que vous pouvez installer sur votre propre serveur pour offrir donc ce service à vos propres visiteurs.
  • CommentPress : Basé sur le moteur de blog WordPress, permet aux visiteurs de commenter, annoter, etc. le texte d’un article paragraphe par paragraphe (alors que sur un blog classique, on commente juste en bas de l’article).
  • Achievo : Gestion de projets en ligne. Bien présenté et disponible en français, avec de l’Ajax et tout ça…
  • Simple Customer : Pour avoir toujours sur le net accès à sa liste de contacts, de clients, etc. Interface simple et esthétique (avec import/export en CSV).
  • Uzebox : Une console de jeu retro-minimalist libre, rien que ça ! Bien sûr ne vous attendez pas à des miracles au niveau du gameplay mais les bricoleurs électroniques en herbe et tous ceux qui aiment savoir et comprendre ce qui tourne sous le capot apprécieront.
  • Wikipanion : Réservé à ceux qui ont un iPhone (ou iPod Touch), permet de visualiser l’encyclopédie Wikipédia de manière plus rapide et bien plus agréable qu’en y allant normalement (pas tout à fait sûr que cette App soit libre).
  • Amarok, the music player that does it all : Amarok c’est l’histoire d’un logiciel sous Linux qu’il est tellement bien que les windoziens piaffent d’impatience de le voir enfin arriver chez eux, un article qui passe en revue les principales fonctionnalités (je me demande si on va pas le traduire, tiens !)
  • PDFedit : Pas très sexy mais tout à fait utile au linuxien qui aurait l’envie pressante d’éditer du format PDF.
  • Terminator : Spécial geek (sous GNU/Linux), un petit utilitaire qui vous permet d’ajuster parfaitement à l’écran tous vos terminaux ouverts.

Notes

[1] Crédit photo : Hamed Saber (Creative Commons By)




Libérons les logiciels à l’école – 6 ans déjà…

Dans la série « La route est longue mais la voie est libre ».

Un peu d’histoire… Le 18 juin 2002, il y a 6 ans jour pour jour (et jour symbolique), j’avais activement participé via la liste de discussion dédiée à l’éducation de l’AFUL à une petite opération Libérons les logiciels libres à l’école en réaction à un courrier de promotion que Microsoft avait réussi à mettre dans les casiers des collègues enseignants.

Aujourd’hui Microsoft offre sa suite MS Office à tous les enseignants et le fait savoir en grandes pompes via son canal de diffusion préféré que constitue désormais son partenaire du Café Pédagogique. Et ceux qui œuvrent pour développer, faire connaitre et diffuser le logiciel libre à l’école continuent leur travail de fourmis mais ont toujours du mal à se faire entendre en haut lieu.

Il n’empêche que beaucoup de choses ont bougé en 6 ans, à commencer par la qualité des logiciels évoqués dans l’appel. Aucune raison d’être défaitiste même si on peut constater lucidement que les choses avancent peut-être plus lentement que prévu.

Copie d'écran - Framasoft

Libérons les logiciels à l’école

18 juin 2002

Des acteurs du monde éducatif font de la résistance en invitant les enseignants à "libérer" les logiciels.

Cher collègue,

En cette fin d’année scolaire, nous sommes nombreux à avoir reçu dans nos casiers une brochure publicitaire non sollicitée de la société Microsoft. Sur la couverture, cette simple phrase : "Vous faites tout pour économiser du temps et de l’argent… …voici une opportunité pour en gagner !"

Nous ne ferons pas de commentaires ici sur la manière de faire ni sur le contenu de l’offre, mais il est assez symptomatique que cette société aborde l’école en lui parlant avant tout d’argent.

Dans ce contexte, il nous paraît urgent d’informer plus encore la communauté éducative que de réelles et crédibles alternatives existent parmi la dynamique catégorie des LOGICIELS LIBRES.

Ces derniers, qui se préoccupent beaucoup moins d’argent que de liberté, participent au développement d’une informatique ouverte et pluraliste. Et nous ne pouvions rester insensibles au fait que, de part leur mode original de production et de distribution, ils abordent l’école en lui parlant plutôt de mutualisation, de travail collaboratif, d’intelligence partagée et de transmission réciproque des savoirs.

Ainsi rien qu’avec les trois logiciels OpenOffice.org, Mozilla et The Gimp, vous tenez en version française une suite bureautique complète, une remarquable panoplie d’outils pour le web et un puissant éditeur graphique, que vous pouvez en toute légalité installer sur votre ordinateur personnel et distribuer sur cédérom à vos collègues et vos élèves. Et, quand bien même nous l’appellerions de nos voeux, il n’est pas nécessaire d’être sous le système d’exploitation libre Linux pour les utiliser puisqu’ils se trouvent être également disponibles pour le système d’exploitation propriétaire Windows.

Pour les expérimenter au quotidien, nous pensons que leur utilisation est pertinente dans nos établissements scolaires et permet en outre de s’affranchir d’une logique économique qui n’est pas la nôtre. Si vous ne les connaissez pas encore nous vous invitons vivement à les essayer. Et, n’ayant pas, c’est le moins que l’on puisse dire, les moyens marketing de la société précédemment citée, nous vous invitons également à nous soutenir en relayant cette information sur le Net mais aussi en imprimant la simple page ci-dessous pour l’afficher dans votre salle des professeurs.

Bien cordialement.

Cette lettre et la feuille à imprimer qui l’accompagne ont été rédigées à plusieurs mains par des abonnés de la liste de diffusion "Linux et logiciels libres dans l’éducation" hébergée par l’AFUL.




Dossier OLPC : 6 Sic Transit Gloria Laptopi par Ivan Krstic

Dossier One Laptop Per Child (un portable par enfant)

Sic transit gloria mundi est une locution latine qui signifie « Ainsi passe la gloire du monde » et qui vient rappeler aux hommes qu’aussi puissants soient-ils ils n’en demeurent pas moins mortels…

Sic Transit Gloria Laptopi est un article du blog d’Ivan Krstic[1], hier encore Monsieur Sécurité du projet OLPC, et qui vient rappeler à tous ceux qui s’intéressent au projet quelques vérités qui ne sont pas forcément toutes librement correctes à entendre.

Parce que si l’OLPC est un projet éducatif alors sa technologie libre ne peut constituer une fin en soi…

Copie d'écran - Ivan Krsti? - Sic Transit Gloria Laptopi

Sic Transit Gloria Laptopi

Sic Transit Gloria Laptopi

Ivan Krstic – 13 mai 2008

J’ai été assez mécontent de la qualité des discours de la communauté autour des récentes annonces de passage à Windows comme système d’exploitation. J’ai décidé sur le moment de me retenir de commenter, et n’ai été influencé que par la demi-douzaine de volontaires m’ayant écris personnellement pour de me demander s’il avaient travaillé en vain. Ce n’est pas le cas. Puis je suis parti en voyage quelques jours.

Je ne me suis alors occupé que de mes courriels et flux RSS, et ce que j’ai pu lire a transformé mon mécontentement en colère. Du coup, me voilà finalement parti pour commenter moi aussi la situation, et ce sera le dernier essai que je pense écrire au sujet de l’OLPC. Mais tout d’abord, remettons nous dans le contexte.

Le commencement

Tout au long de sa vie, Nicholas Negroponte à travaillé avec des visionnaires de l’éducation et des technologies tels qu’Alan Kay et Seymour Papert. Au début des années ’80, Nicholas et Seymour lancèrent un programme pilote soutenu pour le gouvernement français qui plaça des machines Apple dans un centre informatique d’une banlieue de Dakar au Sénégal. Ce projet fut un flop spectaculaire pour cause de mauvaise gestion et de conflits de personnalité. En 1983, approximativement un an après le début de l’expérience, le magazine de revue technologique du MIT (NdT : "MIT’s Technology Review") publia cette terrible épitaphe :

Naturellement ça a échoué. Rien n’est aussi indépendant, spécialement une organisation soutenue par un gouvernement socialiste et composée de visionnaires industriels, individualistes forcenés, provenant des quatre coins du globe. De plus, l’altruisme a un problème de crédibilité dans une industrie qui prospère par d’intenses compétitions commerciales.

À la fin de la première année du centre, Papert est parti, tout comme les experts américains Nicholas Negroponte et Bob Lawler. C’est devenu un champs de bataille, marqué par des affrontements de style de direction, de personnalité et de convictions politiques. Le projet ne s’en ai jamais vraiment relevé. Le nouveau gouvernement Français a fait une faveur au centre en le fermant.

Mais Nicholas et Seymour émergèrent tous les deux des cendres du projet pilote à Dakar avec leur foi en les prémisses d’enfants apprenant naturellement avec des ordinateurs intactes. Armés des leçons de l’échec au Sénégal, c’était peut être seulement une question de temps avant qu’ils ne recommencent.

En effet, Seymour essaya seulement deux ans plus tard : le Laboratoire Média (NdT : Media Lab) fut fondé en 1985 et commença immédiatement à supporter le Projet Phare (NdT : Project Headlight), une tentative d’introduction de l’apprentissage constructionniste dans le cursus complet de l’école Hennigan, une école primaire publique à Boston, composée d’étudiants principalement issus de minorités.

Avance rapide d’à peu près deux décennies, aux environs de l’an 2000. L’ancien correspondant étranger du Newsweek devint philanthrope, Bernie Krisher "l’homme unique des Nations Unies", convainquit Nicholas et sa femme Elaine de rejoindre son programme de construction d’école au Cambodge. Nicholas acheta des Panasonic Toughbooks (NdT : ordinateurs portables robustes de la marque Panasonic) d’occasion pour une école, et son fils Dimitri y enseigna quelque temps.

« Il y a sûrement moyen de reproduire ça en plus grand ». C’est l’idée qui s’imposa peu à peu, et le reste de l’histoire est connu : Nicholas courtisa Mary Lou Jepsen alors qu’elle passait un entretien pour un poste dans le corps professoral du Laboratoire, et lui parla de sa folle idée d’une organisation nommée Un Ordinateur portable Par Enfant (NdT : One Laptop Per a Child). Elle vint à bord du CTO (NdT : Chief technical officer, responsable technique). Vers la fin de l’année 2005, l’organisation sorti de l’ombre par un coup d’éclat : Nicholas l’annonça avec Kofi Annan, prix Nobel de la paix et alors secrétaire général des Nations Unies, lors d’un sommet à Tunis.

La partie qui mérite d’être répétée est que le projet éducatif basé sur le constructionnisme de Nicholas au Sénégal fut un désastre complet, à part des commentaires sur les personnalités et égos impliqués, il ne démontra rien. Et le projet de Krisher au Cambodge, celui qui rencontra évidemment un succès suffisant pour motiver Nicholas a démarrer véritablement le projet OLPC, utilisa des pc-portable du commerce, fonctionnant avec Windows, sans aucune personnalisation constructiviste que ce soit du système d’exploitation. (Ils avaient des outils constructivistes, installés sous la forme d’applications normales)

Ce que nous savons

La vérité c’est, lorsqu’il s’agit de passer un programme d’informatique personnelle à une échelle supérieure, que nous sommes complètement dans le noir à propos de ce qui fonctionne véritablement, parce que Eh ! Personne n’a jamais développé un programme d’informatique personnelle à grande échelle avant. Mako Hill écrit :

Nous savons que les bénéficiaires d’ordinateurs portables seront avantagés de pouvoir réparer, améliorer et traduire les logiciels fournis avec leurs ordinateurs dans leur propres langues et contextes. (…) Nous pouvons aider à favoriser un monde où les technologies sont au service de leurs utilisateurs et où l’apprentissage se fait suivant les modalités des étudiants, un monde où tous ceux qui possèdent des ordinateurs portables sont libres car ils contrôlent la technologie qu’ils utilisent pour communiquer, collaborer, créer et apprendre. C’est la raison pour laquelle l’engagement de l’OLPC dans la philosophie constructionniste est si importante à sa mission, et la raison pour laquelle sa mission a besoin de continuer à être menée avec des logiciels libres. C’est pourquoi le projet OLPC doit être sans compromis à propos de la liberté des logiciels.

Ce type d’idéalisme lumineux est séduisant, mais hélas, non soutenu par les faits. Non nous ne savons pas si les bénéficiaires d’ordinateurs portables seront avantagés de pouvoir réparer des bogues dans leurs PC. En effet, je suppose qu’ils vont largement préférer que leur satané logiciel fonctionne et n’ait pas besoin d’être réparé. Alors que nous pensons et même espérons que les principes constructionnistes, comme incarnés dans la culture du logiciel libre, sont utiles à l’éducation, présenter ces espoirs comme des faits encrés dans la réalité est simplement trompeur.

Pour ce que j’en sais, il n’y a pas de réelle étude qui démontre que le constructionnisme fonctionne à grande échelle. Il n’y a pas de projet pilote documenté d’éducation constructionniste à moyenne échelle qui soit un succès convainquant ; Lorsque Nicholas parle de « décennies de travail avec Seymour Papert, Alan Kay et Jean Piaget », il parle de théorie. Il aime à mentionner Dakar, mais n’aime pas trop parler de comment le projet s’est terminé, ou qu’aucun fait à propos de la validité de l’approche n’en soit ressorti. Et, aussi sûrement que l’enfer existe, on ne trouve aucune étude évaluée par des pairs (ou tout autre type, à ma connaissance) montrant que les logiciels libres font mieux que les logiciels propriétaires quand il s’agit d’aider à l’apprentissage, ou que les enfants préfèrent l’ouverture (NdT : du code source) ou qu’ils se préoccupent le moins du monde de liberté des logiciels.

Ayant cela en tête, la missive de Richard Stallman sur le sujet ne fit que m’énerver davantage :

Les logiciels propriétaires laissent les utilisateurs divisés et impotents. Leur fonctionnement est secret, il est donc incompatible avec l’esprit de l’enseignement. Apprendre aux enfants à utiliser un système propriétaire (non-libre) comme Windows ne rend pas le monde meilleur, parce qu’il les met sous le pouvoir du développeur du système – peut-être pour toujours. Ce serait comme initier les enfants à une drogue qui les rendrait dépendants.

Oh, pour l’amour de *$¼?# ! (NdT : la vulgarité employée ne gagnerait pas à être traduite) Tu viens vraiment d’employer une souriante comparaison des systèmes d’exploitation propriétaires avec les drogues dures ? Tu sais, celles qui causent de véritables dommages corporels voire la mort ? Vraiment, Stallman ? Vraiment ?

Si les logiciels propriétaires sont moitié moins efficaces que les logiciels libres pour aider à l’éducation des enfants, alors tu as vraiment raison, ça améliore le monde de faire ces logiciels pour les enfants. Mince, si cela ne limite pas activement l’apprentissage, ça aide à faire un monde meilleur. Le problème est que Stallman ne semble pas se soucier le moins du monde d’éducation (NdT : le langage fleuri employé par l’auteur a ici aussi été adouci) et qu’il ne voit les OLPC que comme un moyen de favoriser son agenda politique. Tout cela est honteux.

Tant qu’on en est à ce sujet

L’un des arguments favoris de la communauté de l’open source et du logiciel libre concernant l’évidente supériorité de ces derniers sur leurs alternatives propriétaires est la capacité supposée de l’utilisateur à prendre le contrôle et modifier un logiciel inadéquat, pour le faire correspondre à leurs souhaits. Comme on pouvait s’y attendre, l’argument à souvent été répété au sujet de l’OLPC.

Je ne peux pas être le seul à voir que le roi est nu.

J’ai commencé à utiliser Linux en 1995, avant que la majorité des internautes actuels n’apprennent l’existence d’un système d’exploitation en dehors de Windows. Il m’a fallu une semaine pour configurer X afin qu’il fonctionne correctement avec ma carte graphique, et j’ai appris d’importantes choses en programmation car j’ai eu ensuite besoin d’ajouter le support d’un disque dur SCSI mal reconnu. (Comme je ne savais pas que la programmation en C et du noyau sont sensés être difficile, je suis resté dessus pendant trois mois avant d’en avoir suffisamment appris pour écrire un patch qui fonctionne.) J’ai été depuis lors principalement un utilisateur d’UNIX, alternant entre Debian, FreeBSD puis ensuite Ubuntu, et j’ai récemment co-écrit un livre à succès à propos de Linux.

Il y a huit mois, alors que je me retrouvais encore en train de me battre avec la fonctionnalité d’hibernation/réveil de mon pc-portable sous Linux, je me suis tellement fâché que je suis allé chez le revendeur agréé Apple le plus proche, acheter un MacBook. Après 12 ans d’utilisation quasi-exclusive de logiciels libres, je suis passé à Mac OS X. Et vous savez quoi, la mauvaise gestion des ressources et les autres fonctionnalités bancales ne sont pas dues à Linux. C’est de la faute des vendeurs inutilement cachotiers qui ne rendent pas publiques les documentations pouvant permettre à Linux de mieux gérer le matériel. Mais, le jour où les vendeurs de matériel et les développeurs de logiciels libres se retrouveront main dans la main pour spontanément travailler d’arrache-pied en une gigantesque et festive communion (NdT : one giant orgiastic Kumbaya) n’étant pas encore venu, c’est le monde dans lequel nous vivons. Donc pendant ce temps, je suis passé à OS X et j’ai trouvé que c’était une expérience informatique faramineusement plus agréable. J’ai toujours mon shell UNIX libre, mon langage de programmation libre, mon système de ports libre, mon éditeur de texte libre, et j’utilise un bon paquet de logiciels libres dans une machine virtuelle Linux. La majorité, voire la quasi-totalité des utilisateurs d’ordinateurs ne sont pas programmeurs. Et parmi les programmeurs, une majorité, voire la quasi-totalité d’entre eux ne s’aventurent pas au pays des roulements internes du noyau. Faisant partie de ceux qui peuvent effectivement bidouiller à gré leur noyau, je trouve que cette capacité ne me manque pas en fait. Ça y est, je l’ai dit. Pendez moi pour trahison.

Ma théorie est que les techniciens, en particulier quand ils sont jeunes, ont un plaisir particulier à fourrer leur nez un peu partout dans leur logiciel. (NdT : ici aussi une chaste expression française protège le lectorat de l’impudeur de l’auteur) Exactement comme les confectionneurs de boîtiers d’ordinateur fantaisistes et/ou personnalisés, ces gars trouvent honorifique le fait de passer un nombre incalculable d’heures à compiler et configurer leurs logiciels jusqu’à l’oubli. Eh, j’en était là moi aussi. Et plus je me fais vieux, plus j’attends des choses qu’elles fonctionnent « clé en main ». Ubuntu progresse dans ce domaine pour les utilisateurs novices. Mais certains utilisateurs exigeants semblent penser qu’OS X est inégalé en la matière.

J’avais l’habitude de penser que quelque chose clochait chez moi quand je pensais ça. Puis je me suis mis à regarder les en-têtes des mails sur les listes de diffusions auxquelles je suis abonné, curieux de voir ce que les autres utilisaient parmi les gars que je respecte. Et c’était comme si la majorité des experts lumineux de la communauté de la sécurité informatique, une des communautés les plus sévèrement techniques sur la planète, utilisait OS X.

Et, au cas où vous penseriez que je sois payé par Apple, je mentionnerai Mitch Bradley. Avez-vous lu l’histoire de Mel, le programmeur « réel » ? C’est Mitch, en 2008. Super-hacker de microgiciel (NdT : Firmware), auteur du standard IEEE de microgiciel ouvert, auteur du microgiciel que Sun vendit sur ses machines pendant bien deux décennies, et plus généralement une des rares personnes avec qui j’ai jamais eu le plaisir de travailler et dont les compétences dépassaient si extraordinairement les miennes que ça me donnait l’impression de ne pas savoir par où commencer pour le rattraper. L’ordinateur portable principal de Mitch fonctionne avec Windows.

Tour de passe-passe

Mais vraiment, je me perds en digression. Le fait est que l’OLPC était supposé aider l’éducation, pas les logiciels libres. Et la partie la plus énervante de l’annonce à propos de Windows n’est pas qu’elle révéla que les préoccupations d’un certain nombre de participants au projet n’ont rien à voir avec l’éducation, mais le fait que les erreurs et tours de passe-passe de Nicholas furent mise à jour.

La manœuvre qui consiste à dire « nous sommes en train d’inspecter Sugar, il fonctionnera sous Windows » est un simple non-sens. Nicholas sait assez bien que Sugar ne deviendra pas magiquement meilleur par la simple vertu de fonctionner sous Windows au lieu de Linux. En vérité, Nicholas veut livrer des XP complets, il me l’avait dit. Ce qui n’empêchait pas de poursuivre dans un coin le financement de Sugar, pour éviter un désastre dans les relations publiques du projet, et faire savoir mollement et pour la forme sa « disponibilité », comme une option, aux pays acheteurs.

En fait, j’ai arrêté quand Nicholas m’a dit, et pas qu’à moi, que l’apprentissage n’avait jamais fait partie de la mission. Que la mission était, dans son esprit, d’obtenir le plus d’ordinateurs portables possibles ; que de dire quoi que se soit à propos de l’apprentissage serait présomptueux, et que donc il ne voulait pas que le projet OLPC ait une équipe de développement logiciel, une équipe pour le matériel ou une équipe de déploiement qui aille plus avant.

Ouais, je sais pas vraiment ce qui reste du coup.

Il y a trois problèmes clés dans les projets d’informatique personnelle : choisir un dispositif technique qui convient, l’apporter aux enfants et l’utiliser pour créer une expérience pérenne d’apprentissage et d’éducation. Ils sont listés par ordre de difficulté exponentielle croissante.

L’industrie n’a pas voulu aborder le premier car il n’y avait que peu de profit en jeu. Le projet OLPC a réussi à le leur faire faire de la manière la plus efficace possible : en les menaçant de leur voler leur nourriture. Mais l’industrie des fabricants d’ordinateurs portables ne veut toujours pas aborder le déploiement, car c’est vraiment, vraiment sacrément compliqué, ce n’est pas dans un rayon de 200 kilomètres autour de leur compétences de base, et généralement, ça a un retour sur investissement commercial qui fait pleurer le bébé Cthulhu. (NdT : voir Wikipédia à propos de Cthulhu)

Le premier module de déploiement au Pérou était composé de 40 mille pc-portables, à déployer dans 570 écoles à travers jungles, montagnes, plaines et avec une totale variation dans la disponibilité de l’électricité et une uniforme absence d’infrastructure réseau. Un certain nombre d’écoles cibles sont dans des endroits qui nécessitent plusieurs modes de transports pour les atteindre, et sont tellement retirées qu’elles ne sont même pas desservies par le service postal. La livraison des ordinateurs portables allait être accomplie par des vendeurs non sûrs qui allaient être en position de voler les machines en masse. Il n’y a pas de façon simple de collecter des preuves de ce qui a effectivement été livré, où et à qui. Ce n’est pas évident d’établir une procédure pour s’occuper des unités défectueuses, ou de celles qui étaient mortes à l’arrivée. Comparé à cette problématique, le travail technique que je fais c’est des vacances.

À part l’incroyable Carla Gomez-Monroy, qui travailla à mettre en place les projets pilotes, il n’y avait personne d’autre embauché à travailler au déploiement lorsque j’étais au sein du projet OLPC, avec un total de 360 000 pc-portables en cours de dissémination en Uruguay et au Pérou. J’ai été parachuté la dedans, en tant qu’unique membre à m’occuper de l’Uruguay, et envoyé au Pérou à la dernière minute. Et j’ai plutôt un bon sens pratique, mais qu’est-ce que j’y connais moi en déploiement ? C’est à cette époque que Walter fut rétrogradé et théoriquement fait « directeur du déploiement », un poste où il dirigeait la coûteuse équipe qu’il formait à lui tout seul. Puis il démissionna, et voyez-vous ça : à ce moment là, la compagnie avait un demi million d’ordinateurs portables disséminés dans la nature, avec personne pour ne serait-ce que prétendre être officiellement en charge du déploiement. « J’ai démissionné » me dit Walter au téléphone après être parti, « parce que je ne pouvais pas continuer de travailler sur un mensonge. ».

Mais on ne peut pas dire que le projet OLPC fut pris au dépourvu, ou oublia en quelque sorte que ça allait être un problème. J’ai écrit dans un mémo interne en décembre :

Nous avons en cours de nombreux déploiements en parallèle, de différentes échelles. En Uruguay avec huit mille machines, G1G1 avec potentiellement un quart de million, et avec au moins le Pérou et la Mongolie en prévision dans le mois qui vient. Nous n’avons pas de réelle infrastructure pour supporter ces déploiements, notre processus de développement n’alloue aucune marge pour s’occuper de problème critiques de déploiement qui pourrait (vont inévitablement) arriver, et nous n’avons aucun processus pour gérer les crises qui s’ensuivront. Je voudrais pouvoir dire que c’est la plus grande partie de nos problèmes, mais j’ai mentionné ceux-là en premier simplement parce que je prévois que ce sont ces déploiements qui imposeront le fardeau le plus lourd sur cette organisation dans les mois qui viennent, un fardeau que nous ne sommes présentement entièrement pas préparés à assumer.

(…)

Nous n’avons toujours pas un seul employé concentré sur le déploiement, aidant à le planifier, travaillant avec nos pays cibles pour apprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. De toute évidence notre « plan de déploiement » est d’envoyer selon nos disponibilités un champion super-hacker dans chaque pays, de façon à ce qu’il règle tous les problèmes qui apparaissent une fois sur place. Si ce n’est pas notre plan, alors nous n’avons pas de plan du tout.

Que le projet OLPC n’ait jamais été sérieux à propos de réussir son déploiement, et qu’il semble ne même plus s’intéresser à au moins essayer, est criminel. Laissé sans solution, cela fera du projet un raté historique de la technologie de l’information sans précédent par son ampleur.

Et pour le dernier problème clé, transformer des pc-portables en objet d’apprentissage est un saut logique non trivial, qui demeure inadéquatement expliqué. Non, nous ne savons pas si ça va marcher, spécialement sans professeurs. Et c’est ok — une manière de savoir si ça fonctionne peut très bien être en s’y essayant. Parfois il faut courir avant de pouvoir marcher, ouais ? Mais la plupart d’entre nous qui rejoignirent le projet OLPC étaient convaincus que la philosophie éducative derrière le projet est ce qui en faisait un projet différent des tentatives similaires du passé. Un apprentissage qui soit ouvert, collaboratif, partagé et exploratoire, nous pensions que c’était ça qui pouvait faire fonctionner le projet OLPC. Car certains avaient participé à des projets d’éducation avec des ordinateurs portables ordinaires par le passé, et comme le New York Times le nota en couverture il n’y a pas si longtemps, ils échouèrent lamentablement.

Le nouveau OLPC de Nicholas abandonne ces fantastiques objectifs d’éducation, et oriente le projet vers une organisation sans but lucratif de 50 personnes produisant des ordinateurs portables, en compétition avec Lenovo, Dell, Apple, Asus, HP et Intel sur leur propre terrain, et en utilisant la stratégie que nous savons vouée à l’échec. Mais eh ! Je suppose qu’ils vendront plus d’ordinateurs portables ainsi.

La théorie bancale de Windows

J’ai déjà essayé d’établir qu’il n’existe aucune preuve tangible quant à la supériorité des logiciels libres concernant l’éducation, lorsqu’ils sont comparés à un système d’exploitation propriétaire. Ce point appelle à quelques précisions. Bernie Innocenti, encore récemment CTO de la jeune section Europe de l’OLPC, a écrit il y a quelques jours :

Je ne m’opposerai pas personnellement à un port de Sugar pour Windows. Je ne perdrai jamais mon temps à ça, ni n’encouragerai quiconque à perdre du temps dessus, mais c’est un logiciel libre et donc n’importe qui est libre de le porter vers tout ce qu’il veut.

Stallman a également récemment qualifié de « pas bonne chose à faire » le port de Sugar vers Windows. En fait, un tel port n’est qu’une perte de temps si le logiciel libre n’est pas un moyen ici, mais une finalité. Sur une sollicitation de Nicholas, j’ai écrit un mémo interne à propos de la stratégie logicielle au début de mars. Il fut co-signé par Marco Pesenti Gritti, l’inimitable leader de l’équipe Sugar. Je n’ai pas la liberté de reproduire l’intégralité du document, mais je vais en citer les parties les plus importantes qui tiennent en un minimum de lignes :

… Nous (avons fortement argumenté que nous devrions) découpler l’interface graphique de Sugar du reste des technologies Sugar que nous avons développées comme le partage, la collaboration, le stockage de données et ainsi de suite. Nous devrions peut être alors faire fonctionner ces services dans des environnement Linux normaux, et redéfinir le concept d’activité de Sugar comme étant simplement des applications Linux classiques capables d’utiliser les services Sugar. L’interface graphique de Sugar pourrait elle même, optionnellement et à une date ultérieure, être fournie comme un lanceur graphique, peut être développé pour la communauté.

L’erreur principale de l’approche actuelle de Sugar est qu’elle associe des idées extraordinairement puissantes à propos d’apprentissage, qui devraient être partagées, collaboratives, de pair à pair et ouvertes, avec la notion que ces idées doivent être présentée dans un nouveau paradigme graphique. Cette association est intenable.

Choisir de ré-inventer le paradigme de l’environnement graphique signifie que nous utilisons nos ressources extrêmement limitées à lutter contre des interfaces graphiques, et non à développer de meilleurs outils pour l’éducation. (…) Il est très important de reconnaître que des changements de paradigme graphique ne sont essentiels ni à notre principale mission, ni aux principales idées de Sugar.

Nous gagnerions énormément à détacher les technologies qui supportent directement le mode d’apprentissage qui nous intéresse de l’interface graphique de Sugar. Il devient notamment beaucoup plus facile de répandre ces idées et technologies au travers des plate-formes car nos composants d’interface graphique sont les parties les plus dures à porter. Si les technologies inhérentes à Sugar étaient facilement accessibles à tous les principaux systèmes d’exploitation, nous pourrions favoriser la créativité et travailler à l’élargissement de la communauté pour construire des outils logiciels. Ces outils pourraient ensuite être utilisés globalement par tous les élèves et sur n’importe que ordinateur, XO ou autre. Ça aurait dû être notre constant objectif. Beaucoup des technologies que nous avons construites seraient alors accueillies à bras ouverts dans les système Linux modernes, et un grand nombre de développeurs viendraient nous aider si nous leurs en donnions la possibilité. Au contraire de la situation actuelle, un tel modèle devrait être la direction à prendre : le projet OLPC dirigeant bénévolement des développements eux-mêmes principalement réalisés par la communauté.

Finalement, au regard de la question politiquement sensible de l’engagement de l’OLPC par rapport à l’open source, nous pensons qu’il y a une réponse simple : la politique du projet OLPC devrait être de ne développer que des logiciels libres, utilisant des standards ouverts et des formats ouverts. Nous ne pensons pas qu’un engagement plus grand soit nécessaire. Notre préférence pour la liberté des logiciels ne devrait résulter que de la conviction qu’elle offre un meilleur environnement éducatif que les alternatives propriétaires. À ce titre posséder un ensemble de technologies open source multi plates-formes pour construire des applications d’apprentissage collaboratif fait véritablement sens. Mais fondamentalement, nécessiter une interface graphique particulière ou même un certain système d’exploitation semble entièrement superflu ; nous devrions nous satisfaire de n’importe quel environnement où nos technologies de base peuvent être utilisées comme des briques de base pour délivrer l’expérience éducative qui nous importe tant.

Finalement, il importe peu à notre mission éducative de savoir sur quel noyau fonctionne Sugar. Si Sugar lui même demeure libre, ce qui n’a jamais été remis en question, toutes les fonctionnalités concernées, comme la touche visualisation du code source restent opérationnelles, qu’elles soit sous Windows ou sous un autre OS. Le projet OLPC ne devrait jamais aller dans une direction qui limite volontairement l’audience de ses logiciels éducatifs. Windows aujourd’hui est le système d’exploitation le plus diffusé. Un Sugar compatible-Windows pourrait potentiellement apporter sa riche vision de l’apprentissage à des dizaines voire des centaines de millions d’enfants de par le monde dont le parents ont un ordinateur équipé de Windows, que ce soit des ordinateurs fixes ou portables. Suggérer que cette façon de procéder soit mauvaise car philosophiquement impure est carrément démoniaque.

Et eh, peut être qu’une version Windows de Sugar intéressera suffisamment les enfants au fonctionnement des ordinateurs (et des programmes) pour vouloir vraiment passer à Linux. Trolltech, la compagnie derrière le toolkit graphique Qt fut récemment achetée par Nokia et annonça qu’elle allait ajouter une plate-forme de support pour les versions mobiles de Windows, essuyant alors les accusations de trahison de la communauté du logiciel libre. Mais le responsable technique de Trolltech, Benoit Schillings, ne voit pas les choses ainsi :

Certaines critiques concernent le fait que le support de Windows mobile par Trolltech pourrait limiter la croissance des technologies Linux mobiles et embarquées, mais Schillings voit les choses différemment. En permettant aux développeurs d’application de créer un seul code de base qui puisse être porté sur différentes plateformes de manière transparente, il dit que Trolltech rend la transition à Linux plus simple pour les compagnies qui utilisent actuellement Windows mobile, ce qui signifie pour lui plus d’adoptions du système d’exploitation libre à long terme.

L’homme parle sagement.

Maintenant, faites particulièrement attention : autant je suis clairement enthousiaste à l’idée de porter Sugar pour n’importe quel système d’exploitation, autant je suis absolument opposé à ce que Windows devienne l’unique système d’exploitation que le projet OLPC offre pour ses XOs. Les deux sujets sont complètement orthogonaux, et la tentative de Nicholas de confondre les deux en qualifiant la communauté du logiciel libre de « fondamentaliste » (et regarder la communauté écumer de rage au lieu d’épingler sa logique) est simplement une autre erreur. Ce n’est pas qu’il faille ne pas se sentir légitimement offensé. C’est seulement qu’il a pris l’habitude d’appeler terroristes ses employés.

Le projet OLPC devrait être philosophiquement pur à propos de ses propres machines. Être un organisme à but non lucratif qui attire la bonne volonté d’un grand nombre de volontaires communautaires de par son succès et dont la mission principale est un objectif de progrès social, cela implique une grande responsabilité. Ça ne devrait pas devenir un moyen de créer une incitation économique pour un vendeur particulier. Il ne faudrait pas croire le non-sens qui veut que Windows soit une obligation pour le monde du travail après l’école. Windows est demandé parce que suffisamment d’enfant ont grandit avec, et non l’inverse. Si le projet OLPC faisait grandir un milliard de personne avec Linux, Linux ne serait qu’un dandy pour le monde du travail. Et le projet OLPC ne devrait pas choisir un unique système d’exploitation qui paralyse le matériel des ordinateurs du projet : les versions courantes de Windows ne peuvent ni utiliser intelligemment la gestion de l’énergie des XO, ni son maillage complet ou ses capacités avancées d’affichage.

Plus important encore, le système d’exploitation fourni avec l’OLPC devrait incarner la culture de l’éducation à laquelle le projet adhère. La culture d’enquête ouverte, de divers travaux coopératifs, de la liberté d’utiliser et déboguer, ça c’est important. Le projet OLPC a la responsabilité de diffuser la culture de la liberté et les idées que sa mission éducative soutient ; ceci ne peut être fait en offrant uniquement un système d’exploitation propriétaire pour ses ordinateurs portables.

Dit différemment, le projet OLPC ne peut pas clamer qu’il est préoccupé par l’éducation et dans le même temps entrainer les enfants à être des drones d’informatique de bureau, contraints par l’invisible rhétorique des drones de bureau à déployer des ordinateurs contenant des logiciels de drones de bureau. Nicholas avait l’habitude de dire qu’imaginer que les XOs puissent être utilisés pour enseigner à des enfants de six ans comment se servir de Word et Excel le faisait grincer des dents. Apparemment, ce n’est plus le cas. Qu’en est-il aujourd’hui ? L’indécision doit prendre fin. Comme on dit chez nous : relance ou casse-toi (NdT : shit or get off the pot)

Comment aller plus loin

Voici un extrait d’un de mes derniers mails à Nicholas, envoyé peu de temps avant ma démission :

Je continue de penser qu’ils est fort dommage que tu ne tires pas avantage de la position actuelle de l’OLPC. Maintenant qu’il a réussi à faire travailler l’industrie sur des ordinateurs portables à bas prix, le projet OLPC pourrait devenir le point de rassemblement de la défense du constructionnisme, publiant du contenu éducatif, fournissant des logiciels d’apprentissage, et gardant trace des déploiements mondiaux et des leçons à en tirer. Quand un pays choisit cette option, le projet OLPC pourrait être l’endroit où s’arrêter en travaillant véritablement avec ce pays pour aider à sa réalisation, sans s’occuper du fabriquant qui aura été choisi, capitalisant ainsi sur les plans de déploiement, l’expérience et la base de logiciels et contenus facilement disponibles. Dit autrement, le projet OLPC pourrait être le service global IBM des programmes d’informatique personnelle. C’est, je le maintiens, la bonne voie à suivre pour avancer.

Je suis en train d’essayer de convaincre Walter de ne pas démarrer une Fondation Sugar, mais une Fondation de l’Éducation Libre (NdT : Open Learning Foundation). Pour ceux qui s’intéressent encore à l’éducation dans ce panier de crabes, la mission pourrait être de lancer cette organisation, puisque le projet OLPC ne veut pas l’être. Avoir une compagnie indépendante de tout matériel et concentrée entièrement sur l’écosystème éducatif, depuis le déploiement jusqu’au contenu de Sugar, ce n’est pas seulement ce que je pense être prioritaire pour vraiment porter les efforts d’informatique personnelle à un autre niveau, mais c’est également une approche qui a une bonne chance de faire en sorte que cette organisation fasse des choses à peu près auto-financées.

Donc voilà pour l’éducation ouverte, le logiciel libre, la force des convictions personnelles, et pour avoir suffisamment de foutu humilité pour se souvenir que le but est d’apporter l’éducation à un milliard d’enfants de par le monde. Le milliard attend que nous mettions nos idiotes querelles de côté, que nous finissions nos interminables complaintes, pour y aller enfin.

Allons-y maintenant.

Notes

[1] Merci à Simon Descarpentries pour la traduction.




Léo Ferré libéré en 2063 !

Aujourd’hui je suis retombé sur Le testament une veille chanson de Léo Ferré. Je vous l’aurais bien reproduite dans son intégralité mais les ayants droits veillent alors il est plus prudent de n’en citer que l’introduction.

Avant de passer l’arme à gauche
Avant que la faux ne me fauche
Tel jour, telle heure, en telle année
Sans fric, sans papier, sans notaire
Je te laisse ici l’inventaire
De ce que j’ai mis de côté…

Et de citer ensuite une liste d’objets simples mais chers à l’artiste comme La serviette en papier où tu laissa ta bouche ou encore Quelques stylos à bille au roulement d’espoir.

Sans fric, sans papier, sans notaire… Pas si sûr parce que du coup m’est revenu en mémoire un récent article du Figaro La folle histoire d’argent de Léo Ferré (02-12-2006) évoquant la guerre fratricide de la famille Ferré sur les droits d’auteurs de l’artiste.

Une bataille sans fin. Léo Ferré est mort en 1993, mais ses droits d’auteur et la propriété de ses créations font toujours l’objet d’un combat féroce. Celui-ci dure depuis 30 ans. Les magistrats se sont succédé et ont, au total, ordonné cinq expertises, rendu six ordonnances et trois arrêts en appel. Et ce n’est pas fini. Ceux de la Cour de cassation doivent s’y préparer à leur tour, car un pourvoi vient justement d’être déposé à leur intention au Palais de justice…

Pirotek - CC by-nc-saQue les héritiers d’un artiste se disputent ses droits d’auteurs après sa mort, c’est assez courant. Qu’il s’agisse de notre poète anarchiste national Léo Ferré c’est, comment dire, assez ana… chronique.

Heureusement on n’en a plus pour longtemps puisque les droits d’auteurs ne s’étendent en France que 70 ans après la mort de l’artiste[1].

Avec le temps, va, tout s’en va… Même certains droits pas forcément légitimes et exagérément longs…

Notes

[1] Crédit photo : Pirotek (Creative Commons By-Nc-Sa)




Photos souvenirs Framasoft des RMLL 2006

Quelques instantanés des dernières Rencontres Mondiales du Logiciel Libre cet été à Nancy. Les différents acteurs sont ici nommés par leur pseudo du forum. Les commentaires sont la plupart du temps le fruit de mon imagination et si ils s’avéraient vrais ce ne serait que purement fortuit.

Kaneda aka Tetsuoka à aKa : "Ubuntu est un ancien mot africain qui signifie j’arrive pas à installer correctement ma Debian".

RMLL 2006 Framasoft

Pyg avec la seule machine sous Windows de toutes les RMLL (qu’il préférait cacher dans sa caisse).

RMLL 2006 Framasoft

Pseudogaëtan & aKa : the men in bob

RMLL 2006 Framasoft

Le repas du Libre avec Leviathan en avant-plan (qui met de l’eau dans son vin).

RMLL 2006 Framasoft

Pyg en pleine démonstration publique de la Framakey.

RMLL 2006 Framasoft

Frenchy en train de nous dire tout le bien qu’il pense d’AntoineP.

RMLL 2006 Framasoft

Même au café ça bosse (enfin surtout Pyg).

RMLL 2006 Framasoft

Totomatisme en tenue de soirée pour la reception à la mairie de Nancy.

RMLL 2006 Framasoft

Séance de travail bien studieuse. En arrière plan les patates au tableau sont censées illustrer la roadmap 2006-2007 de Framasoft.

RMLL 2006 Framasoft

Free like a bird sera assez content d’apparaître en compagnie de la seule fille du diaporama (en l’occurrence une charmante inconnue).

RMLL 2006 Framasoft

Un peu private joke celle-là. Je donne mon bob à celui qui arrivera à lire l’inscription au tableau (importante pourtant pour notre future évolution).

RMLL 2006 Framasoft

Bon alors qui c’est qui veut s’occuper de la maintenance et du suivi de l’annuaire des logiciels libres cette année ? Euh…

RMLL 2006 Framasoft

Pyg assez convaincant dans son militantisme StopDRM !

RMLL 2006 Framasoft

Rendez-vous l’année prochaine à Amiens…




Zikapanam : une asso de musiciens amateurs qui organise des jams

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de Zikapanam, qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Merci à Laurent pour son témoignage riche, et bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ? Qui es-tu, ton parcours ? Ton rôle dans l’association ?

Je suis Laurent Schwartz, l’un des quatre fondateurs de l’association Zikapanam créee en octobre 2022. J’en suis son actuel Président et le seul opérationnel sur l’acquisition et le développement des outils informatiques de l’association. J’ai une formation d’ingénieur en informatique. L’informatique et la musique (Basse, Batterie et Chant) sont deux des mes passions depuis mon adolescence.  J’utilise Linux au quotidien depuis 2008.

Tu nous parles de ton association ? Quel est son objet, les valeurs qu’elle porte ? 

Zikapanam est une association de musiciens amateurs de tout niveau qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Des musiciens adultes de toute l’île de France nous rejoignent. Nous organisons nos événements et nos rencontres musicales sur Paris intra muros et petite couronne. 
La bienveillance caractérise les relations souvent décrites par les nouveaux arrivants .

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ? y a-t-il des salarié⋅es ? Êtes-vous localisé géographiquement ou bien un peu partout ?

Nous sommes (juin 2024) environ 190 membres cotisants. La cotisation est modique. L’association est basée entièrement sur le bénévolat. L’ancrage de Zikapanam est la région parisienne. Nous souhaitons aussi développer une communauté de jams distancielles par internet pour attirer des musiciens francophones de toute la France.

Tim Sheerman-Chase, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

Nous utilisons beaucoup d’outils pour communiquer (Discord, solution logicielle maison, réseaux sociaux etc.), il y a donc un filtrage conséquent à l’arrivée sur notre Discord. Les gens qui vont au bout du processus d’inscription sont les plus motivés et peut-être aussi ceux qui prennent le temps de s’adapter à nos outils. Nous sommes composés de musiciens et pour la plupart l’ordinateur fait peur. Ils utilisent plutôt leur téléphone. Cependant, parmi les bénévoles, l’usage de l’ordinateur est souvent la norme.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Nous avons une partie de nos membres qui est sensible aux enjeux du libre et qui utilisent les outils Framasoft ou du Fediverse.. C’est arrivé à mes oreilles et je me suis renseigné car je constatais qu’il y avait des freins importants à l’adoption de certains réseaux sociaux comme Meta même par des gens qui n’étaient pas forcément activiste du libre …
Au gré de mes réflexions sur le sujet, je me suis donné ces objectifs :
– offrir un accès libre à nos communications sur nos réseaux sociaux (sans besoin de créer un compte) ;
– limiter la nuisance de la publicité et des algorithmes qui décident pour vous les publications qu’on vous présente …  Qui détournent l’attention de nos publications ;
– toucher tous nos followers plutôt que le 5% que Meta dans « sa bonté généreuse » nous laisse toucher !

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ? Y a-t-il une équipe dédiée au projet ? Ou plutôt une personne seule ? Quelles compétences ont été nécessaires ?

Je suis le seul opérationnel en informatique mais je reçois des idées de beaucoup de monde dans l’association. Il est cependant à ma charge de qualifier la pertinence des propositions qui me sont faîtes. Le monde du libre est documenté mais n’arrive pas dans le top des moteurs de recherche que j’utilise … Et ça complique grandement les recueils d’informations ! En tant qu’ingénieur en informatique, j’ai l’habitude de me former aux outils, de les découvrir et d’apprécier leurs fonctionnalités mais ça demande du temps et je ne peux le faire qu’à certaines périodes de l’année.  C’est ce que j’appelle la veille techno.

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ? Quelles étapes avez-vous suivi ?

À vrai dire, je n’ai rien contre les GAFAMs. Ces sociétés ont apporté beaucoup à internet à son démarrage et leurs actions d’aujourd’hui sont compatibles avec un monde d’entreprise où l’argent est roi !. Mon raisonnement est pragmatique, nous sommes une association et nous n’avons pas les moyens financiers d’une entreprise commerciale ! Les outils que nous serons amenés à utiliser ou que nous utilisons déjà le seront parce qu’ils nous sont accessibles financièrement, peuvent convenir et fédérer un maximum de personnes parmi lesquels des technophobes. Et c’est un véritable challenge !

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Notre arrivée sur le Fediverse est récente et les outils à ma disposition actuellement ne permettent pas de qualifier l’adhésion des membres de notre association à ces réseaux sociaux. Je constate juste que très peu de membres se sont créés des comptes sur le Fediverse mais ça ne veut pas dire qu’il ne le consulte pas ponctuellement ou même régulièrement puisque la création d’un compte n’est pas obligatoire pour accéder à ces contenus. D’après mes premières remontées d’information, se créer un compte sur le fediverse ne serait pas trivial … Un effort de formation devra sûrement être engagé sur ce point.

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Nous n’avons pas « remplacé » Meta, Les bars et les lieux culturels avec lesquels nous travaillons sont tous sur ces réseaux. Mais nous avons commencé à développer nos réseaux parallèlement sur le Fediverse.. Nous développons des usages qui nous permettent de mettre en valeur la souplesse de Mobilizon. De plus  keskonfai, pixelfed et Mastodon nous ont apporté une certaine visibilité supplémentaire dans les moteurs de recherche au contraire de Meta qui par exemple empêche l’intégration aux moteurs de recherche des événements publics que nous organisons  afin de nous forcer à acheter de la publicité pour les mettre en avant …
Note : Plus récemment j’ai découvert Linkstack une alternative sérieuse à Linktree.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Oui, bento. J’aimerai avoir une ferme de bento spécifique à notre asso mais je n’ai pas encore trouvé d’alternative à bento en logiciel libre. Voilà ce que nous faisons avec Bento : https://bento.me/strawberry-jam-band et nous avons une dizaine d’autres dans le même genre.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière (formation, tutos, support, etc.) ?

Non pas encore.  Mais j’y pense sous forme de vidéo conf sur Discord.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Dans notre newsletter, j’ai largement communiqué sur keskonfai, pixelfed et mastodon mais cette communication doit être rappelée régulièrement et je vais m’y astreindre.

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Bénéficier de l’adhésion de toute notre communauté est un challenge que j’ai accepté. Il faut convaincre en allant à la rencontre des membres et en expliquant avec un argumentaire concret à toute épreuve qui voit avant tout leurs intérêts quotidiens !
Le potentiel du Fediverse est important. En tant qu’ingénieur, je vois bien les efforts d’interconnexion qu’il existe entre ces plateformes et je les apprécie en tant qu’utilisateur !
J’espère que d’ici 6 mois/un an, je pourrai faire un bilan très positif sur cette première étape dans la Dégafamisation !!
Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur ce sujet. Plus d’infos sur notre association : https://linktr.ee/AssoZikapanam



La nouvelle #solarpunk du jour : « 100 Papier »

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, découvrons un étrange personnage accroc au papier dans un monde où ce matériau est devenu… interdit !

100 Papier

Auteur·rices : Zatar Myriam , ASPE Candice , MOURCHID Soumaya ,GAO Rongtian, KADRI Elias, Nkoumba Eric Donald

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

« Bonjour Paris, il est 8 heures, on est le 9 septembre 2042 et la journée s’annonce ensoleillée ! Aujourd’hui, je rappelle que c’est la douzième journée mondiale sans papier. Alors, la question du jour est : comment vivez-vous sans papier ? Tout le monde est invité à laisser un message sur notre ToothBook. »

« Bonjour à tous ! Vous êtes chanceux aujourd’hui, je suis un précurseur de la vie sans papier ! Je m’appelle Jordan. Ça fait 20 ans que je l’ai aboli. Avec mon casque VR et mon PC, je vis la belle vie tout en protégeant la planète. Je peux jouer à GTA et envoyer un mail en même temps ! Le papier était une véritable catastrophe écologique. Maintenant, je m’amuse sans couper aucun arbre ! » 

Léon Roman éteignit sa radio, marmonnant des injures : « Comment avez-vous pu… » 

« Chéri, regarde devant toi ! » s’exclama Juliette en tendant le bras depuis le siège passager. 

Devant, la police effectuait une fouille des véhicules. La voiture freina, écrasant la ceinture de sécurité sur le ventre arrondi de sa femme. Son mari inspira bruyamment, le cœur battant à tout rompre, face aux gyrophares bleus et rouges vers lesquels ils progressaient lentement. Il ne remarqua pas la goutte de sueur coulant sur son front. Le souvenir de sa rencontre avec la police lors de la précédente manifestation lui procura une impression désagréable. 
Loin d’être dupe, Léon respirait de plus en plus vite : de toute évidence, ils étaient en quête de contrebande. Et juste sous la banquette arrière de sa voiture se trouvait aujourd’hui le trafic le plus important au monde : du papier.

Un jeune policier, le regard vif et un sourire crispé sur le visage, s’approcha du jeune couple.

— Bonjour madame et monsieur, inspecteur Hernandez. Nous sommes tenus de contrôler tous les véhicules. Sortez du véhicule. Où allez-vous ?

— Nous allons à la campagne chez ma belle-famille jusqu’à l’accouchement de ma femme, répondit Léon, d’une voix plus aiguë que d’habitude. Un peu en retrait, Juliette observait l’échange, priant pour que l’interrogatoire se finisse sans encombre. Les deux policiers soulevèrent la banquette arrière, dévoilant une pile de livres, à sa grande surprise.

— Cela n’a rien à voir avec ma femme, vous ne…, s’écria Léon, avant d’être plaqué au sol.

— Épargnez-nous ces bêtises, vous en parlerez au juge.

Quelques mois plus tard, la jeune femme, son bébé sur les genoux, pâle de rage, recevait un appel. « Oui, Roman, ici Maître Gimenez. Je suis au regret de vous annoncer la condamnation à perpétuité de votre mari pour trafic de papier. »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 9 septembre 2152 et la journée s’annonce caniculaire ! N’oubliez pas de vous hydrater et de vous abriter durant les heures les plus chaudes. On accueille aujourd’hui sur notre chaîne le spécialiste M. … »

Mathieu coupa l’hologramme en jurant. Encore une fois, il allait devoir installer le « Sunshade », un pare-soleil blanc de son invention. En effet, il a lu que le blanc est la couleur qui absorbe le moins la chaleur. Aujourd’hui, c’était le grand jour ! 

Mathieu descendit dans sa cave, pour échapper à la chaleur étouffante qui alourdissait l’atmosphère. Son plan, préparé depuis plusieurs années, nécessitait encore quelques retouches. Les escaliers craquaient sous ses pieds alors qu’il descendait dans l’obscurité rafraîchissante de sa bibliothèque secrète, héritée de sa famille. Des livres ouverts jonchaient le sol, annotés d’une écriture soignée. Les murs étaient couverts de câbles, de serveurs et d’écrans lumineux. 

9h00 : il s’installa devant son poste de travail, ajustant les lignes de code qu’il avait préparées. Chaque partie qu’il modifiait le rapprochait de son objectif : démontrer les vulnérabilités d’une société entièrement numérique.

J’ai jusqu’à minuit pour exécuter mon plan, avant la mise à jour des serveurs

Sous la pression, il fabriquait des cigarettes en déchirant des pages de livre. Des recettes de cuisine par-ci, des extraits de comédie par là. Après tout, qui aurait besoin de savoir faire une béchamel ou de lire des pièces ennuyeuses ? Les mots imprimés se transformaient en fumée et remplissaient l’air de la cave d’un épais nuage gris.

10h00 : il recevait un coup de fil de sa petite amie Soraya, ingénieure à l’Agence de Sauvegarde des Données Nationales. Une journée portes ouvertes du macro serveur X2150 était prévue sur invitation.

11h00 : il avait déjà fumé sa 39ème clope, le livre de cuisine arrivait bientôt à sa fin.
 11h45 : « ÇA Y EST ! », cria-t-il, « La clé USB est prête. »

Son plan était simple mais brillant. Le virus qu’il avait créé était conçu pour tout détruire sur son passage.

12h00 : pour se récompenser de sa victoire, il prit une longue inspiration : « il est temps de fumer ».

12h15 : Mathieu commença à préparer ses affaires. Je suis tellement stressé, je ne tiendrai pas la journée sans papier, songea-t-il en fouillant frénétiquement dans ses étagères. Il chercha un livre d’où il pourrait arracher des feuilles pour faire ses cigarettes. En ouvrant le premier venu, il découvrit d’anciennes notes familiales entre les pages. Submergé par la culpabilité, il referma délicatement le livre et en prit un autre. Cette fois, il choisit un vieux recueil de contes pour enfants et, avec une nouvelle pointe de honte, arracha plusieurs pages.

13h00 : il quitta son appartement en direction du centre-ville. Il marchait, jetant des coups d’œil à sa montre. Le bâtiment de l’ASDN n’était pas loin, mais chaque minute lui semblait une éternité.

14h00 : « Bienvenue, mesdames et messieurs, à la journée d’inauguration du Macro serveur X2150 », annonça un présentateur.

15h00 : après avoir fait une visite guidée des lieux avec Soraya, Mathieu se dirigea vers le stand d’exposition de la maquette du X2150.

16h00 : un baiser langoureux lui permit de subtiliser à Soraya son badge d’accès à la salle des machines.

17h00 : Mathieu n’avait toujours pas trouvé la salle des machines, peu habitué à utiliser la padlocalisation. Il se cacha pour fumer des clopes de plus.

18h00 : après plusieurs essais, il réussit enfin à identifier le chemin d’accès vers la salle des machines.

19h00 : Mathieu effectua un dernier tour en salle des machines. Puis il rejoignit Soraya dans le hall.

20h00 : des applaudissements retentirent en l’honneur de Soraya. Sa présentation fit un carton !

21h00 : Mathieu s’approcha pour la féliciter. Il se dirigea vers les toilettes avant de rejoindre la salle des machines.

22h00 : les mains tremblantes, il inséra sa clé USB dans un serveur. La barre de transfert s’afficha à l’écran : « Téléchargement du fichier en cours  %2 % ». Ça y est, j’ai réussi ! Épuisé et ruisselant de sueur, il se laissa tomber sur une chaise. Il profita de cette pause bien méritée pour entamer sa 87ème clope de la journée.

22h10 : « OÙ EST MON BADGE ?! » s’exclama Soraya. Elle fonça à son bureau et se jeta sur son PC. Elle localisa le badge dans la salle des machines et remarqua le téléchargement d’un fichier inconnu en cours. Elle parvint à le stopper puis prévint la police.

22h30 : des bruits dans le couloir de plus en plus proches se firent entendre. Mathieu barricada la porte. « POURQUOI LE TÉLÉCHARGEMENT N’AVANCE PLUS ?! ». Des mégots s’accumulaient au sol, une voix grave se fit entendre de l’autre côté de la porte :

— Police ! Sortez immédiatement ou on enfonce la porte !

Illustration « Smoke design » par Hervé Simon (CC By Sa 2.0)

— Je vous interdis de tenter quoi que ce soit sinon JE VAIS TOUT CRAMER ! La sueur perlait sur son front, et chaque mouvement semblait plus laborieux que le précédent. La patience des policiers était mise à l’épreuve. Certains d’entre eux commençaient à se lasser de cette opération. D’autres vérifiaient leur équipement. Quelques-uns échangeaient des blagues nerveuses pour alléger la tension.

23h00 : assis dans la pénombre, les mains tremblantes, le regard perdu, il savait que la police finirait par entrer. Ses pensées tourbillonnaient, une tempête de regrets et de colère contre une société qui l’avait poussé à bout. « Pourquoi ? » murmura-t-il en fixant la barre de téléchargement statique. « Une société sans âme, sans mémoire. Ils disent que le papier est obsolète, que tout doit être numérique. Mais le papier, c’est l’histoire, c’est la culture, c’est nous. »

23h12 : il se leva lentement, les jambes flageolantes, et s’approcha de la porte. « Si près du but… »

— Commissaire, il faut intervenir, on ne peut pas attendre plus longtemps !

— Non, surtout pas. Les serveurs sont trop précieux. Si on cause des dégâts, ce sera encore pire. La seule chose qu’on puisse faire, c’est le persuader.

23h28 : il fuma sa dernière lueur d’espoir avec sa 100ème clope, ignorant les appels insistants de la police.

00h00 : Les larmes coulaient lentement sur ses joues alors que la fumée noire envahissait la pièce, une chaleur intense l’enveloppant. Les alarmes se déclenchèrent, stridentes. « Peut-être qu’un jour, ils comprendront… »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 10 septembre 2152, et la journée s’annonce étouffante ! Aux dernières nouvelles, un acte terroriste a été commis cette nuit. La salle des serveurs de l’ASDN a été incendiée, entraînant la perte totale des données du pays. L’auteur de cet acte, identifié comme Mathieu Roman, descend d’une célèbre famille de terroristes. Il a péri dans l’incendie. »

Soraya, encore sous le choc des événements de la veille, écoutait le cœur serré à l’annonce du nom de Mathieu. « Non… ça ne peut pas être vrai… »

50 ans plus tard… Des enfants s’amusaient dans le parc. L’un d’eux s’aventura un peu plus loin qu’à son habitude. Et là, il l’aperçut, à moitié caché sous une pierre, un livre abîmé intitulé « La culture des pommes de terre au XXIe siècle ». Il y manquait des pages… Fier de sa trouvaille, le petit garçon courut montrer le livre à ses parents.

« C’est quoi, les pommes de terre ? »

"Solarpunk flag, blue diagonal" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.