Victime de son succès Framapad en appelle à la communauté

En pleine crise de croissance, le projet Framapad recherche des ressources humaines, techniques et financières.

Ethan Hien - CC by-sa

Il y a 7 mois, nous lancions le projet Framapad, notre éditeur de texte collaboratif en ligne (propulsé par Etherpad), permettant à tout un chacun de créer facilement un « pad » ou d’y participer, grâce à notre propre hébergement, l’adaptation française du logiciel et la rédaction d’une documentation complète.

Depuis lors, vous avez été très nombreux à l’utiliser quotidiennement pour, par exemple,rédiger à plusieurs mains, traduire, organiser des évènements ou l’utiliser en classe.

Chiffres en croissance continue, Framapad totalise aujourd’hui mensuellement environ 80 000 visites pour plus de 220 000 pages vues, des chiffres qui sont en croissance continue (en outre près de 3 000 comptes ont été créés, permettant à leurs utilisateurs de gérer plusieurs « pad » dans un même espace d’administration et de disposer de « pad » privés).

Nous sommes ravis (et fiers) de ce résultat qui témoigne de la pertinence et de la validité de ce nouveau libre service proposé par le réseau Framasoft.

Malheureusement ce succès met à mal l’unique serveur hébergeant aujourd’hui le site framapad.org, qui subit régulièrement des pics d’activité pouvant provoquer des blocages et coupures momentanés et nuire alors fortement à la qualité d’utilisation des « pad ». Afin d’éviter la rupture et la fermeture du site, nous avons ainsi été obligés de faire des compromis en désactivant totalement les fonctions pourtant souvent utiles d’import et d’export, et en limitant à 12 le nombre d’utilisateurs simultanés par « pad »[1].

Tout ceci est frustrant et non satisfaisant. D’autant plus frustrant que nous sommes à attachés à montrer qu’on peut nous aussi proposer un service en ligne de qualité, basé sur des technologies libres et géré par une association à but non lucratif.

Nous ne pourrons clairement pas atteindre les 100 000 visiteurs par mois dans ces conditions.

La solution passe par un hébergement sur une machine plus puissante[2] mais cela n’est pas pour nous sans conséquences financières et humaines.

Financières car un serveur plus puissant, permettant à Framapad de fonctionner correctement, coûterait environ (au moins, en hypothèse basse) 600 euros par an. Soit 3 fois plus qu’actuellement. Ce besoin peut être assuré par des dons à Framasoft, mais aussi par la mise à disposition d’une machine suffisamment puissante pour nos besoins. Il n’est pas exclu que vous, lecteur du Framablog, soyez impliqué dans une association, institution ou entreprise qui dispose des ressources nécessaires et serait prête à nous accueillir gracieusement sur ses serveurs.

Humaines ensuite. En effet, l’installation et la maintenance d’Etherpad est relativement chronophage et demande d’assez solides compétences techniques[3]. Le noyau dur de Framasoft étant déjà largement occupé par aileurs sur d’autres tâches et projets, nous lançons donc également un appel à nous rejoindre, un appel aux bonnes volontés bénévoles ayant les compétences et la disponibilité nécessaires à la migration et l’administration d’un tel service.

Si vous pensez pouvoir nous aider et proposer des solutions matérielles, financières ou humaines, n’hésitez pas à relayer l’information et laisser un commentaire à la suite de ce billet ou à utiliser le formulaire de contact du Framablog.

Merci pour votre reconnaissance et votre éventuel soutien.

Mise à jour : quelques heures après la publication de cet article, nous avons déjà reçu un certain nombre de propositions d’aide, mais malheureusement pas toujours en relation directe avec notre besoin. Ainsi, si vous souhaitez proposer de l’hébergement, celui-ci devra être sans publicité, et sur une machine totalement dédiée (et non un bout de serveur virtualisé/mutualisé). Côté technique, la machine devra disposer d’au moins de 4Go de RAM, et disposer d’un CPU suffisamment puissant (on évitera donc les processeurs Nano). Enfin, si vous souhaitez proposer votre aide pour la migration/administration, nous ne vous demanderons évidemment pas de signer avec sang (il s’agit d’une administration bénévole) mais les “candidatures” de personnes ayant une implication significative pour des projets libres ainsi que des compétences en administration d’Etherpad (ou au moins de serveur Scala/Comet) seront bien évidemment privilégiées.

Notes

[1] Crédit photo : Ethan Hien (Creative Commons By). On vous rassure, Framapad ne tourne pas sous Windows + IIS 😉

[2] Une autre solution d’avenir serait d’utiliser le logiciel Etherpad Lite, qui est prévu pour être une version se basant sur des technologies plus modernes que l’actuel Etherpad. Il a le double avantage de consommer bien moins de ressources et de pouvoir s’installer plus facilement, permettant à presque tout le monde d’installer sa propre instance. Malheureusement, cette version est encore bien trop instable et le développement trop peu avancé pour remplacer à court terme, et dans une certaine urgence, le site actuel.

[3] Etherpad repose sur MySQL, Javascript, et Scala/Comet. Voir https://wiki.ubuntu.com/Etherpad ou http://wiki.framasoft.org/Etherpad/Etherpad




20 ans de plus pour le Copyright musical en Europe : C’est là qu’est le véritable Vol !

Alan Stanton - CC by-saL’Europe prolonge de 20 ans les droits des interprètes et producteurs de musique pouvait-on lire dans Le Monde il y a un mois.

Pourquoi 20 ans au fait ? Et nous a-t-on jamais demandé notre avis ? D’ailleurs pourquoi 20 ans de plus et pas de 20 ans de moins ?

C’est ce que se demande, non sans une certaine (acide) ironie, l’un de ceux que nous traduisions le plus à Framalang : notre ami Glyn Moody[1].

Le copyright c’est le vol

Copyright Theft

Glyn Moody – 13 septembre 2011 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Nilux, ZeHiro, Duthils et Penguin)

L’idée de « vol de copyright » est très répandue et l’idée que les gens « volent » du contenu numérique aux créateurs, sont des figures de style récurrentes chez les maximalistes du droit d’auteur. Tout ceci n’est bien sûr que des âneries. La loi stipule clairement qu’il ne s’agit que d’infraction au droit d’auteur, et la logique nous prouve que la copie numérique n’est pas du vol, puisqu’elle ne prive de rien, mais multiplie.

On peut effectivement se poser la question de savoir si la duplication non autorisée engendre une perte de revenus, mais la réponse n’est pas aussi simple que ce que l’on voudrait nous faire croire. Un large éventail d’études démontre que ce partage stimulerait les ventes, agissant comme une sorte de marketing officieux – et gratuit.

C’est pourquoi j’ai longtemps préconisé des recherches indépendantes sur ce sujet – après tout, si les industries liées au droit d’auteur sont si sûres que le partage de fichiers engendre des pertes de revenus, qu’auraient-elles à craindre d’études objectives à ce sujet ? Pourtant, elles semblent réticentes ne serait-ce qu’à envisager cette idée.

Mais quels que soient vos avis sur ce problème en particulier, il y a de grandes chances que ce qui suit ne fasse que l’aggraver :

Le Conseil Européen a adopté aujourd’hui, à la majorité qualifiée, une directive qui fait passer de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection des droits des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs d’enregistrements musicaux dans l’UE.

Sur le plan pratique, cela signifie qu’il y a très peu de chances que je – ou n’importe lequel de mes contemporains qui soit plus mélomane que moi – puisse un jour utiliser la musique d’aujourd’hui pour créer de nouvelles œuvres. Tout comme avec les autres médias, la musique enregistrée aujourd’hui vivra pendant près d’une centaine d’années dans une bulle aseptisée dans laquelle personne ne sera autorisé à entrer.

Tout ceci est théorique et très éloigné de nous ; il n’est peut-être pas évident de voir où est le problème. Examinons donc de plus près ce qu’il s’est passé en imaginant un étrange monde parallèle, remarquablement identique au nôtre, dans lequel ceci se serait produit:

Le Conseil Européen a aujourd’hui adopté à la majorité qualifiée une directive réduisant la durée de protection des droits des des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs d’enregistrements musicaux dans l’UE de 50 à 30 ans.

Comme vous pouvez le constater, ce monde est presque strictement identique au nôtre, à la légère différence que la durée de validité du droit d’auteur pour les enregistrements musicaux a été raccourcie de 20 ans au lieu d’être allongée. Légère différence, penseriez-vous – après tout, 20 ans de plus ou moins, qu’est-ce que cela change ? Si on peut rallonger cette durée, on peut aussi la raccourcir, non ?

Mais dans ce monde parallèle, imaginez les hurlements de douleur et de colère qui émaneraient de l’industrie musicale face à cette réappropriation outrageuse et injustifiée de ce qui leur revient de droit. Les musiciens descendraient manifester dans la rue, et les compagnies vivant sur leur dos activeraient comme jamais leurs groupes de pression pour inverser cette terrible décision.

Heureusement pour eux, il ne s’agit que d’un monde parallèle. Mais grâce à la symétrie du droit d’auteur – c’est-à-dire le fait qu’il soit une aubaine aussi bien pour les créateurs que pour leur public, les premiers obtenant un monopole temporaire en échange d’un passage dans le domaine public une fois ce monopole expiré – c’est vous, moi et chaque membre de ce nébuleux public – qui sommes dépossédés. À la seule différence que personne n’est descendu dans la rue pour protester.

Quand les musiciens ont enregistré leurs chansons, l’accord était qu’ils recevraient des droits d’auteurs pendant 50 ans (ou moins, selon l’époque à laquelle ils les ont enregistrées). En contrepartie de ces 50 ans, ils acceptaient que le domaine public s’en voie enrichi pour que nous, le public, puissions faire ce que bon nous semble de cette musique.

Ce pacte, accepté librement par les deux parties, vient tout juste d’être brisé. Les enregistrements n’entreront plus dans le domaine public à la date convenue ; au lieu de ça, nous devrons attendre 20 années de plus. Dans les faits, on nous a volé 20 ans de domaine public, vu que rien ne nous a été donné en échange de cette perte soudaine.

Il n’y a donc pas à chipoter pour savoir s’il s’agit de vol ou non, puisque quelque chose nous a été pris sans que l’on nous en demande la permission. Oui, le Conseil Européen est censé, en théorie, agir en notre nom, mais je ne me souviens pas que l’on m’ait, à aucun moment, demandé mon accord. Le fait est que le Conseil a agi de façon unilatérale, à l’injonction de l’industrie musicale qui voulait le beurre et l’argent du beurre – et non parce que nous, le public, demandions aux politiciens de changer la loi en ce sens pour nous rendre plus pauvres que nous ne l’étions.

Voilà ce qu’est le vrai vol de droit d’auteur : on vole le public par une extension injustifiée et non démocratique du droit d’auteur.

Notes

[1] Crédit photo : Alan Stanton (Creative Commons)




Geektionnerd : Un génie est mort

Dennis Ritchie, le père du langage C, est mort nous informe Numerama (qui nous dit aussi que Stallman est “content que Steve Jobs soit parti”, pas qu’il soit mort).

Comme disait Magritte ceci n’est pas un troll mais un hommage 🙂

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Librologie 8 : Les petits cœurs de tatie Nina

Bonjour à vous, courageux public du Framablog !

Avec l’épisode d’aujourd’hui et le prochain, qui concluera cette première partie de saison Librologique, je vous propose d’ébaucher le portrait de deux personnalités importantes du monde Libre, parfois complémentaires, parfois opposées.

Contrairement à Linus Torvalds ou Richard Stallman avec qui nous avions ouvert ces chroniques, il ne s’agit pas là de programmeurs ni de techniciens, mais d’auteurs : de ces auteurs qui réfléchissent sur leur propre droit — puisque le droit d’auteur, c’est bien conçu pour… les auteurs, non ? (Comment ça, « rien compris » ?)

V. Villenave.

Librologie 8 : Les petits cœurs de tatie Nina

« En 1988, à l’âge tendre de 20 ans, je quittai ma ville natale de Urbana, Illinois, pour Santa Cruz en Californie, afin d’y poursuivre le rêve naïf de devenir hippie, new-age et ésotérique. Au lieu de quoi je suis devenue illustratrice et cynique. »

C’est ainsi que Nina Paley raconte son histoire, de la banlieue de Chicago (Urbana, dont son père a été un maire courageux) à la Californie — le choix de Santa Cruz n’est pas innocent : indissociable des bouleversements sociaux des années 1960-1970, cette ville correspond bien à l’arrière-plan idéologique de la « Nouvelle Gauche » de cette époque, effectivement liée au mouvement hippie, mais également à l’avènement d’une conception nouvelle des sciences humaines (sociologie, psychiatrie alternative,…). Avec toutefois une tournure moins optimiste dans le cas de Paley : par exemple, elle revendique son choix de ne pas faire d’enfants comme un choix militant ; membre revendiquée du Mouvement pour l’Extinction Volontaire de l’Espèce Humaine, sa principale préoccupation politique (tout au moins dans la période 1995-2005) semble être la surpopulation humaine.

Extinction Volontaire des Humains
Une facette peu connue de Nina Paley…

Dès ses premières publications, N. Paley se définit clairement comme cartooniste : ses récits se présentent sous forme de comic strips (en une ou deux lignes, avec une chute humoristique) ; ses décors sont limités au strict nécessaire, et ses personnages (souvent animaliers) sont dessinés de façon schématique et expressive — signe symbolique du cartoon, les mains n’ont que quatre doigts. Le mot cartoon, qui désignait à l’origine de simples dessins, a glissé peu à peu vers le domaine de l’animation ; nous verrons que c’est à peu de choses près l’évolution que suivra Paley elle-même.

À cette filiation s’ajoute, dès l’origine, une nette dimension autobiographique : sa série Nina’s Adventures (les aventures de Nina) commence dès 1988 et se poursuivra (avec talent) pendant plus de dix ans. Ce format d’auto-fiction en bande dessinée, encrée et éditée directement par l’auteur, renvoie évidemment à un courant de bande dessinée alternative (voire underground) américain qui s’est développé dans les décennies précédentes, allant des intellectuels New-Yorkais (notamment d’origine ashkénaze comme Eisner, Spiegelman, ou Paley elle-même) aux anarcho-libertariens de San Francisco (Crumb). (Le lecteur francophone ne manquera pas de remarquer que c’est précisément en 1987, à l’époque où débute la carrière de Paley, que se tient le en France le fameux colloque de Cerisy qui préfigurera le renouveau de la bande dessinée francophone dite « d’art et d’essai », avec des groupes comme OuBaPo ou L’Association.)

Communication par mitraillettes
© Nina Paley, 1995 ? Licence CC by-sa.

Voici comment Paley présentera plus tard, en 2000, sa démarche qu’elle qualifie — non sans humour — d’anarcho-syndicaliste :

— À quoi sert l’Anarcho-Syndicat ?
— L’Anarcho-Syndicat [NdT : jeu de mot intraduisible avec le mot syndicate, circuit de distribution de médias de masse aux États-Unis] a pour vocation exclusive de distribuer et promouvoir la merveilleuse bande dessinée Nina’s Adventures de Nina Paley.

— Que signifie l’intitulé Anarcho-Syndicat ?
— Étant ma propre employée, cela revient à dire que je m’exploite moi-même pour en tirer profit. Cependant je me suis organisée et ai réuni mes forces avec moi-même pour former un anarcho-syndicat. J’ai ainsi pu renverser mon régime d’oppression Capitaliste, et suis devenue un Collectif Unipersonnel Prolétarien en autogestion.[…]

— Êtes-vous vraiment disposée à consacrer 10% de vos bénéfices pour démanteler le Capitalisme ?
— C’est très sérieux. Malheureusement nous n’avons encore réalisé aucun bénéfice à ce jour. Mais nous sommes déterminées à démanteler le Système, du moment que nous participons totalement au système en question afin de générer les fonds qui nous permettront de le renverser.

— Euh, pardon ?
— Et vous pouvez nous y aider en vous abonnant à la merveilleuse bande dessinée Nina’s Adventures de Nina Paley. C’est sympa, c’est mode, c’est sophistiqué et c’est amusant ! Les lecteurs l’adorent, et vous l’adorerez aussi.

— Mais que deviennent les 90% restants de vos bénéfices ?
— Ça suffit, achetez la BD.

Fluff
© Nina Paley, 1997. (Licence indéterminée.)

À cette série s’en ajouteront d’autres, qu’elle décrit elle-même comme mainstream — et qui seront d’ailleurs distribuées par des syndicates traditionnels de la bande dessinée américaine commerciale : notamment la série animalière Fluff et The Hots, série là encore partiellement autobiographique. À partir de 2009, Paley reviendra sur toutes ces séries achevées, en récupèrera les droits ou les numérisera pour les entreposer sur l’Internet Archive, puis les republier sous licence Libre, et enfin constituer un recueil complet, organisé et correctement édité. Il convient en effet de mentionner que N. Paley, jusqu’au milieu des années 2000, ne publie que sous droit d’auteur « traditionnel » — elle se plaint même, à l’occasion, que son « copyright » soit enfreint lorsque des gens reproduisent ses dessins ici ou là. Si elle distribue elle-même une partie de ses travaux (notamment en ligne, dès l’apparition du Web), c’est toujours sous des termes contraignants et dans une démarche directement commerciale — comme peut d’ailleurs l’illustrer son choix répété de noms de domaines en .com, ou son goût pour le merchandising de produits dérivés.

Ce qui ne signifie pas pour autant que son travail n’évolue pas : à la fin des années 1990, elle se lance dans une carrière de cinéaste avec plusieurs courts-métrages expérimentaux fort intéressants, animés en volume avec de la terre glaise ou travaillés directement sur la pellicule. Au début des années 2000, elle se tourne vers l’ordinateur comme outil d’expression artistique, et en particulier vers le logiciel Macromedia Shockwave-Flash qu’elle dit « adorer ». C’est avec cet outil qu’elle produira désormais la totalité de son œuvre, sous forme de dessins animés vectoriels parfois mélangés à des collages, comme dans le court-métrage anti-nataliste The Stork, où une cigogne livrant des bébés s’avère être un bombardier transformant l’environnement en urbanisme monstrueux…

L’épiphanie Libriste viendra entre 2005 et 2008 avec le long-métrage Sita Sings The Blues (Sita chante le blues en français) qui constituera un virage à la fois artistique et idéologique. La genèse de ce film mérite d’être évoquée, puisque Paley elle-même la présente comme indissociable de l’œuvre elle-même. En 2002, Nina Paley rejoint son mari en Inde, où elle passe trois mois et découvre notamment l’épopée mythologique du Ramayana. De passage à New York, elle reçoit un courriel lapidaire de son époux qui met fin à leur mariage. La détresse émotionnelle, s’ajoutant aux influences mythologiques indiennes et à la découverte des romances enregistrées dans les années 1920 par la chanteuse de jazz Annette Hanshaw, lui fournit le matériau artistique pour… un premier court-métrage, Trial by Fire, qui sera développé en 2005 (à la suite d’une nouvelle rupture amoureuse) en un long-métrage. Élaboration qui ne se fera pas sans mal : outre la nécessité de trouver des financements, la bande sonore du film soulève de nombreuses questions juridiques : si les chansons de Hanshaw se trouvent dans le domaine public au regard du droit fédéral américain, l’État de New York ne les considère pas comme telles. Pour autant, Paley ne renonce pas et pose l’incorporation de ces chansons comme une exigence artistique incontournable — ou plus exactement, nous le verrons, sacrée.

Annette Hanshaw
Auteur inconnu. (Fair Use sur Wikimedia Commons)

Il faudra pas moins de trois ans de travail, un bataillon d’avocats bénévoles et deux instituts (l’Electronic Frontier Foundation et la Clinique du droit de Propriété Intellectuelle Glushko-Samuelson) pour venir à bout de ce problème… en n’y apportant qu’une demie-solution, puisqu’il s’agira en définitive d’une dépénalisation partielle, qui coûtera à Paley 70 000 dollars (au lieu des 220 000 demandés à l’origine). Aujourd’hui encore, ces enregistrements prêtent le flanc aux menaces juridiques (pour la plupart fantaisistes), comme nous l’avons récemment vu lorsque YouTube® a supprimé la bande sonore du film sous pression de la « SACEM » allemande.

C’est en négociant les droits pour cette bande-son que Paley se retrouve, pour ainsi dire, contrainte à publier son film sous une licence Libre : les ayant-droits exigeant un pourcentage sur toute vente du film, le film ne sera pas vendu mais disponible gratuitement. Vengeance symbolique certes, mais Paley ne s’arrête pas là et ajoute avoir pris pleinement conscience des effets néfastes du « copyright » sur la création artistique. Au fil de ses rencontres et côtoiements avec les milieux promouvant les licences alternatives, Paley en est devenue non seulement une membre reconnue mais la porte-parole distinguée (voire, nous y reviendrons, l’égérie) : en 2007 elle sera engagée comme « artiste en résidence » de l’association Question Copyright (remettre en question le droit d’auteur), créée pour l’occasion par le programmeur Karl Fogel — dont on lira avec intérêt les écrits, notamment sur le logiciel Libre et sur l’histoire du droit d’auteur. À dater de ce moment, la majeure partie (sinon la totalité) de son travail d’auteur sera non seulement teintée, mais fondamentalement motivée, par un militantisme Libriste remarquablement complet : promotion des licences alternatives, protection du domaine public lutte contre la criminalisation du partage de la culture, combat pour les libertés civiques, dénonciation de la propagande des industriels de la culture… Le motif le plus récurrent étant sans doute son aversion envers le système juridique, où le droit prétendument « d’auteur » et les brevets — et même les marques commerciales — auto-alimentent un terrorisme administratif constant dépourvu de fondement, sur lequel repose cette engeance nuisible que sont les avocats : toutes proportions gardées, Paley tourne en ridicule les avocats avec le même acharnement et la même obsession personnelle que Molière brocardait les médecins de son temps.

Copying Is Not Theft
© Nina Paley, 2009. Licence cc by-sa.

La « chanson du copyright » (The Copyright Song), en 2009, exprimera très clairement cette reconversion. Financé notamment par une bourse de 30 000 dollars de la Fondation Andy Warhol pour les Arts Visuels, ce clip musical d’une minute a pour but explicite de susciter une vague d’enthousiasme et de versions dérivées comme, par exemple, la Free Software Song de Richard Stallman. Les paroles, en quatre couplets, ne développent qu’une seule idée simple (et bien connue des Libristes et Pirates), à savoir que les biens immatériels ne sont pas privatifs et que dans un contexte de copie immatérielle, il est simplement ridicule de parler de « vol ». L’animation illustre les paroles, de façon dépouillée et intelligible (quoique redondante) ; quant à la ligne mélodique, sa simplicité (accord parfait arpégé, tessiture restreinte, mouvements conjoints) touche à la maladresse (suremploi des fonctions tonales, syncope d’harmonie à la mesure 6) — pour ne rien dire de l’arrangement jazzy « officiel » réalisé pour Paley par son compère de longue date Nik Phelps.

Ce style engagé, simple et efficace devient ainsi la signature de Nina Paley au sein du mouvement Libre. À sa Copyright Song s’ajoutent d’autres clips vidéo, notamment celui très réussi en hommage à l’Electronic Frontier Foundation, ainsi qu’une nouvelle série en bande dessinée dérivée : le comic strip Mimi and Eunice, non seulement prépublié sur le blog Techdirt mais dont la lecture est même officiellement recommandée par Richard Stallman !

Le charme indéniable de cette simplicité de moyens n’échappe pas, au demeurant, à l’ambiguïté de toute séduction : en préférant l’attractivité et l’efficacité à des raisonnements plus longs et développés, ne serait-il pas tout aussi facile de mettre en œuvre les mêmes moyens pour énoncer et défendre de fausses vérités ou des sophismes ? L’exemple ci-dessous juxtapose, à la version originale de la Copyright Song, un pastiche en anglais qui lui fait dire exactement l’inverse de son propos :

The Copyright Song

Copying is not theft.
Stealing a thing leaves one less left
Copying it makes one thing more;
That’s what copying’s for.
  The Copyright Song

Copyright is not wrong;
You have to protect what you write
From being spoliated outright:
You need it to last long.

Autre critique nettement plus sérieuse, il y a de quoi s’étonner du fait que Paley chante (littéralement) les louanges du mouvement Libre… en utilisant un logiciel éminemment propriétaire. Certes, elle a rendu disponibles les fichiers source de sa chanson, fichiers hélas de bien peu d’utilité pour un public Libriste auquel Paley se révèle, de ce fait, étrangère — tout au moins d’un point de vue technique. (Ou comme le trahit également son usage immodéré de réseaux sociaux propriétaires.)

D’un point de vue juridique, en retour, Paley est l’une des voix critiques envers les licences non-libres utilisées par le projet GNU et la Free Software Foundation ; elle s’est également élevée à plusieurs reprises contre les licences de type Non-Commercial, qui ne peuvent entièrement être considérées comme Libres (question complexe). En menant parallèlement (avec Karl Fogel) une réflexion de fond quant aux moyens de bénéficier financièrement de son travail, elle a également proposé un certain nombre de licences ou labels pouvant intéresser les auteurs Libres, notamment le label creator-endorsed (« approuvé par l’auteur »), la licence Creative Commons PRO et l’initiative copyheart.

Au-dessus de tous
« Je me croyais au-dessus de tous… et je me retrouve au même niveau. C’est pas si mal, en fait. »
Nina Paley, 2011.

Pour justifiées qu’elles puissent être, ces initiatives ne semblent pas toujours pleinement cohérentes. À commencer par certains choix terminologiques qui ne seront pas sans éveiller quelques réticences dans notre perspective Librologique : « créateur », « pro »… Ce qui est fort dommage, puisque la suggestion d’un label « approuvé par l’auteur » me paraît tout à fait judicieuse, afin de distinguer, dans un contexte de licences Libres pouvant donner lieu à une profusion d’œuvres dérivées de qualité et d’intérêt variables, les œuvres qui bénéficient d’un soutien particulier de l’auteur d’origine, soit qu’elles présentent à ses yeux un intérêt artistique, soit qu’elles lui semblent (par exemple dans le cas d’une traduction) refléter fidèlement sa pensée.

Quant au terme de « pro », notons qu’il est ici utilisé dans une logique exactement inverse à celle de Jamendo™ que nous avons amplement critiquée : un auteur « pro », pour Paley, c’est un auteur qui a besoin du Copyleft le plus poussé (celui de la licence GPL, Art Libre ou en l’occurrence CC by-sa), et non d’être poussé à renoncer à sa licence :

CC-PRO est une licence Creative Commons qui répond aux besoins spécifiques des auteurs, artistes et musiciens professionnels. CC-PRO s’appuie sur la licence la plus puissante afin de garantir que les œuvres de haute qualité seront promues et reconnues. En offrant la meilleure des protections contre à la fois le plagiat et la censure, cette licence capte l’attention, invite à la collaboration et sollicite la reconnaissance de votre public le plus important : les autres professionnels.

CC-PRO. Parce que le travail d’un professionnel mérite d’être reconnu.

Des licences Libres en tant qu’instrument de puissance — ou : comment ruiner un point de vue légitime par des choix terminologiques désastreux. La communauté Libre au sens large, et en particulier la fondation Creative Commons, ne sembla pas transportée d’enthousiasme par cette suggestion, au grand dam de Paley. Découragée vis-à-vis des licences en général (sinon des subtilités juridiques quelles qu’elles soient), plutôt que d’adopter une licence plus intègre telle que Art Libre, elle lance fin 2010 une nouvelle initiative :

Copier une œuvre est un acte d’amour. L’amour n’est pas assujetti à la loi.
♡ 2010 par Nina Paley. Veuillez me copier.

Paley baptise cette initiative le copyheart, que je pourrais traduire (mais seulement si j’y étais obligé sous la menace des baïonnettes) par « droit d’au-cœur » :

Le symbole ♡ ne peut pas être déposé (je l’espère) et donc pas contrôlé. Ça me va tout à fait. Il se peut, et il arrive, que d’autres gens utilisent le symbole ♡ pour signifier toutes sortes de choses. Mais ce symbole possède une signification culturelle partagée, qui transcende tout usage qu’une personne pourrait en faire. Son véritable pouvoir réside dans le fait que ce n’est pas une licence, ni une marque commerciale. Ce symbole n’est pas soumis à la loi.

C’est sur le site copyheart.org qu’elle développera son raisonnement (à la première personne du pluriel, sous une forme de questions-réponses qui n’est pas sans évoquer sa page « anarcho-syndicaliste » que nous citions plus haut) :

Nous apprécions et utilisons des licences Libres lorsqu’elles viennent à propos ; cependant, elles ne règlent pas le problème des restrictions au droit d’auteur. Plutôt que de tenter d’éduquer le monde entier aux complexités du droit de propriété littéraire et artistique, nous préférons annoncer clairement nos intentions en une phrase simple :

♡ Copier est un acte d’amour. Veuillez me copier.

— Le symbole « copyheart » ♡ est-il déposé ?
— Non. C’est juste une pétition de principe. Son efficacité ne dépend que de l’usage qu’en font les gens, et non des pouvoirs publics. Voici d’autres symboles qui ne sont pas déposés, mais dont la signification et l’intentionnalité sont largement comprises (même de façon imparfaite) :

[NdT : Ce n’est pas tout à fait exact.]

— Le symbole « copyheart » ♡ traduit-il un engagement légal ?
— Probablement pas, mais vous pourriez tenter l’expérience :

  • Adjoignez à votre œuvre le message « copyheart » ?.
  • Attaquez quelqu’un en justice pour copie illégale.
  • Attendez de voir ce que vous répondra le juge.

Pour nous, les lois et la « propriété de l’imaginaire » n’ont pas la moindre place dans les relations amoureuses ou culturelles des gens. Créer de nouvelles licences, de nouveaux contrats et engagements devant la loi ne fait que perpétuer le problème, en amenant la loi — c’est-à-dire la force étatique — dans des domaines où elle n’a rien à faire. Le fait que le symbole ♡ ne constitue pas un engagement légal, n’est pas un bug : c’est un plus !

À tous les efforts de formalisation, juridique et intellectuelle, poursuivis par le mouvement Libre depuis trois décennies, Paley substitue une simple parole « amoureuse » (sinon élégiaque, comme nous le verrons). Cette démarche n’est pas révolutionnaire (elle rappelle notamment le datalove, le kopimi ou encore le « No Copyright » du Piratpartiet), et Paley ne cherche d’ailleurs pas à la présenter comme telle ; elle est, au sens propre, réactionnaire : réaction face au droit « d’auteur » classique, nous l’avons vu, mais également réaction face aux licences Libres elles-même. Pour spontané et rafraîchissant qu’il puisse paraître, ce mouvement d’humeur ne laisse pas de m’interloquer : sans y chercher, comme d’autres, l’indice d’un affligeant irénisme néo-hippy, j’y vois plutôt une révolte libertarienne, anti-étatique et ici anti-système-légal, attitude typiquement américaine et qui n’est pas sans rappeler celle de Linus Torvalds — lequel est d’ailleurs exactement de la même génération que Paley.

Conseil
« Peux-tu me donner un conseil ?
— Pourquoi me demander comment vivre ta vie ?
— Comme ça, lorsque ça tourne mal je sais à qui le reprocher.
 »

Mais surtout, je ne peux que me demander s’il n’y a pas quelque chose d’irresponsable à proposer un modèle de diffusion culturelle sans même vouloir considérer ses possibles implications juridiques. Par exemple, omettre (ici délibérément) le signe © sur une œuvre, en droit américain, a longtemps revenu à renoncer à tous droits dessus (patrimoniaux et moraux, puisque ces derniers n’existent pas en tant que tels) — comme un grand studio hollywoodien en a autrefois fait l’expérience involontairement. (Cette bizarrerie est en théorie « corrigée » depuis la ratification de la Convention de Berne en 1988, mais l’absence du signe © est toujours unanimement déconseillée.)

Se pose alors la question de savoir dans quelle mesure Paley elle-même connait — et respecte — les véritables droits des véritables auteurs. Ainsi, les nombreux effets sonores que Paley utilise dans ses dessins animés, ne sont jamais « crédités » au générique — pas plus que l’abondant matériel photographique dont elle se sert sous forme de collages, dans ses animations ou bandes dessinées : le fair use n’exonère pourtant pas de citer ses sources. Ce qui nous amène à un regard différent sur le film Sita Sings The Blues, qui a tant fait parler de lui quant aux chansons de Hanshaw… mais dont personne, à ma connaissance, n’a souligné les autres emprunts, plus discrets mais moins assumés. Quant aux chansons elles-même, il ne me semble pas qu’elles soient sans soulever de questions. Comme le fait remarquer agressivement un documentariste, c’est en pleine connaissance de cause que Paley a choisi d’inclure dans son film des œuvres potentiellement problématiques, là où tout autre cinéaste se serait torturé pendant longtemps sur la question du choix des musiques et de l’obtention des droits.

On peut donc voir dans la démarche de Paley, aussi bien une admirable intégrité artistique sans concession… ou une attitude méprisante et irresponsable. À ces deux points de vue possibles, le Libriste que je suis en ajoute un troisième : de même que les programmeurs de logiciels Libres, depuis plus de trente ans, sont obligés de tout réinventer et ré-implémenter par eux-même, la solution la plus saine pour Paley n’aurait-elle pas été d’engager une poignée de musiciens (qui ne demanderaient pas mieux) pour recréer une bande sonore pleinement Libre, sur les mêmes gestes et mêmes intentions musicales ? En fin de compte, Sita Sings The Blues restera, non comme le premier long-métrage Libre que beaucoup attendaient (et attendent encore), mais comme une opportunité historique magistralement manquée : outre ses emprunts incertains ou (seulement) partiellement dépénalisés, les fichiers source du dessin animé (d’ailleurs très peu mis en avant sur son site) requièrent l’utilisation d’un logiciel propriétaire — et n’ont d’ailleurs même pas été rendus publics. Quelles que soient ses intentions, quelle que soit sa licence, ce film n’incite pas à la création d’œuvres dérivées : ni d’un point de vue technique, ni d’un point de vue juridique… ni même, d’ailleurs (nous y reviendrons plus bas), d’un point de vue artistique.

Les lacunes juridiques ou le manque de rigueur intellectuelle sont, certes, des travers pardonnables — et dont personne n’est exempt — ; cependant, Paley s’étant faite porte-parole du mouvement Libre, détentrice d’un parole publique (ses conférences constituent pour elle une importante source de revenus), ses travaux et son discours ne peuvent que se trouver happés dans l’ambiguïté de toute personne qui a à la fois des convictions à défendre… et un produit à vendre. Dans la brochure publicitaire que je mentionnais il y a peu, Paley évoque le lien financier qui l’unit à son public :

À l’époque où mon film était encore illégal et que l’argent se perdait à flots dans les frais de justice et de licences, j’ai dit comme une plaisanterie que si ce film était gratuit, au moins je pourrais vendre des T-shirts. Et j’ai alors réalisé que c’était en fait là que l’argent se trouvait : dans les produits dérivés et les soutiens volontaires.

Quand un artiste est fauché, tout le monde se dit que son travail ne doit pas être si bon que ça, alors que c’est sans rapport. J’ai aussi vu des artistes qui refusaient de créer à moins d’être payés. Pour moi, au contraire, je n’ai jamais touché autant d’argent que lorsque j’ai commencé à utiliser la licence Creative Commons by-sa. Je suis au premier plan ; je n’ai pas besoin d’investir dans de la promotion, mes fans le font pour moi et achètent mes produits dérivés. C’est en partageant que je devenue visible.

Discours sensiblement différent de celui de Konrath, pour qui le « poids » d’un auteur est financièrement quantifiable. De fait, Paley est aussi prompte à critiquer les auteurs cupides… que ceux qui dénoncent (hypocritement selon elle) l’exploitation des bénévoles. Dialectique pas entièrement surmontée par Paley, qui semble elle-même, dans cette autre interview extraite du documentaire Libre Copier n’est pas voler, éprouver quelques difficultés à articuler ensemble ses motivations artistique, financière et « amoureuse » :

Vous savez, je ne fais pas ça pour l’argent. Je fais ça par amour ; la plupart des artistes font ça par amour. J’ai aussi besoin de me nourrir, donc… j’ai l’amour de l’argent — euh, je veux dire, ce n’est pas la même sorte d’amour mais : je, je suis du genre, pro-argent. Je suis très pro-revenu pour les artistes. Mais en fait je suis pro-art. L’art — je suis au service de l’art, c’est cette vie que j’ai choisie, euh, c’est mon job. L’art vient d’abord.

Il y a donc une large part d’irrationnel dans l’affection débordante que témoigne à Paley son très large public, affection dont les motivations sont sans doute multiples. La communauté Libriste, très certainement, lui est infiniment reconnaissante d’avoir embrassé la « cause » du copyleft : ainsi de ce Libriste qui voit respectivement en Richard Stallman et Nina Paley… « son papa et sa maman ». Une composante d’attirance hétérosexuelle (physique ou imaginaire) n’est sans doute pas non plus à exclure, dans une communauté geek très majoritairement masculine et prompte à se trouver des égéries parmi les personnalités de sexe féminin, pour peu qu’elles soient versées dans l’informatique (par exemple telle ex-ministre française, à tort, ou telle actrice américaine, à raison — ô combien) — phénomène d’ailleurs à double tranchant, comme le montre cet internaute anonyme qui remplace entièrement la page Wikipédia de Paley par : « Nina Paley est moche ».

Ces facteurs d’explication, toutefois, ne semblent pas suffisants. En particulier, ils ne permettent pas de comprendre pourquoi le succès de Paley s’étend au-delà de la seule sphère Libriste ou geek, et pourquoi, par exemple, le film Sita Sings The Blues se retrouve gratifié d’un score ahurissant de 100% sur le site de critiques Rotten Tomatoes — score que n’atteignent pas d’autres films indépendants qui arborent eux aussi leur faible budget. Le film de Paley est même parvenu à enchanter jusqu’au célébrissime et redoutable Rogert Ebert, lui aussi natif de la ville d’Urbana.

Sita Sings The Blues

Pourtant ce long-métrage ne me semble pas exempt de reproches : montage maladroit (quelques lenteurs injustifiées, dialogues en champ/contrechamp poussifs), construction narrative pas toujours bien gérée (enchaînements parfois trop systématiques ou au contraire peu cohérents, déséquilibre global de la progression dramatique) esthétique indécise (du dessin scanné-tremblotant au dessin vectoriel somme toute assez impersonnel, en passant par des procédés de collages pas toujours motivés), manque de caractérisation des personnages (à l’exception notable des fameuses « trois silhouettes » qui conversent informellement avec un accent indien) ce film, surtout, vieillit mal : ce qui aurait été une prouesse technique d’animation 2D au début des années 2000 (voir le court-métrage Fetch récompensé à l’époque par quelques festivals), a bien du mal à impressionner aujourd’hui. Quelque expressivité que recherche Paley (qui a été jusqu’à « rotoscoper » à la main la danseuse Reena Shah), les formes géométriques et les couleurs tranchées persistent à renvoyer constamment à un « degré zéro » du cartoon, où le lyrisme n’opère plus, et où se désamorce la volonté de l’auteur, pourtant parfois ostensiblement réaffirmée, de réaliser une œuvre malgré tout « sérieuse ».

Cette insuffisance n’est malheureusement pas rattrapée par la bande son : même en étant sensible au charme des goualantes des années 1920 (ce qui n’est hélas pas mon cas), l’accompagnement musical est en fait constitué en majorité… de musique synthétique parfaitement actuelle (réalisée notamment par Todd Michaelsen), et à vrai dire assez pauvre, quoiqu’elle tente de se donner quelques accents exotiques indéterminés. J’exposais plus haut mon regret qu’il n’ait pas été fait appel à des musiciens d’aujourd’hui pour ré-inventer des chansons aussi expressives que celles de Hanshaw ; comme si la réalisatrice, mue par la croyance que seul des objets musicaux anciens, sacralisés, pourraient atteindre à une telle expressivité, s’était montrée de ce fait bien moins exigeante quant à la qualité des objets musicaux « profanes », c’est-à-dire modernes.

Le point de vue que je développe ici, naturellement, repose sur beaucoup de subjectivité. Il montre néanmoins qu’il n’est pas impossible d’être déçu par Sita Sings The Blues, et partant, que les (au demeurant nombreuses) qualités intrinsèques du film ne suffisent pas à expliquer ce fameux score de « 100% ». C’est qu’opère un envoûtement d’un autre ordre : derrière le mythe ancien qu’elle met en scène, se trouve en fait une parole mythologique de Paley elle-même. Pour détourner le propos de Roland Barthes sur Minou Drouet, l’enfant-poète des années 1950, « une légende est une légende. Oui, sans doute. Mais une légende dite par Nina Paley, ce n’est déjà plus tout à fait une légende, c’est une légende décorée, adaptée à une certaine consommation, investie de complaisances visuelles, de révoltes, d’images, bref d’un usage social qui s’ajoute à la pure matière ». Là où une légende se prête à de multiples interprétations, le film de Paley nous dicte un mode de signification, et transforme son auteur même en figure, son écriture même en message. Sita Sings The Blues est plus qu’un exploit technique, fruit du travail tenace et courageux d’une seule personne avec des moyens très restreints : il est le récit — épique — de cet exploit. L’objet mythologique est donc moins le personnage de Sita, que le parcours de cette artiste qui, jeune, inconnue, (très relativement) isolée, a travaillé pendant de nombreuses années avec pour seule motivation d’exprimer avec originalité et courage, l’histoire de sa découverte de l’Inde, de ses ruptures amoureuses et de son émotion à l’écoute de vieilles chansons (je dis bien : l’histoire de son émotion, plus que l’émotion elle-même).

Ostensiblement poétique (et renvoyant d’ailleurs fréquemment à des motifs enfantins), l’écriture visuelle de Paley peut se décrire comme la poésie de Minou Drouet que Barthes moquait en son temps : « une suite ininterrompue de trouvailles, [qui] produit elle-même une addition d’admirations » — la comparaison s’arrête toutefois là, dans la mesure où Paley, comme nous le voyions ci-dessus, cherche à raconter une histoire personnelle et autrement expressive, où la thématique de l’amour tient une place prépondérante. Ce qui nous renvoie, curieusement, au « copyheart » vers lequel Paley se tournera quelques années plus tard : qu’il soit narratif et autobiographique comme dans Sita Sings The Blues, ou symbolique sous forme de petits cœurs, ce motif amoureux contamine tout le projet artistique de l’auteur (du moins tel qu’elle le déclare), qui semble ainsi vouloir s’abstraire, non seulement de rigueur juridique comme nous l’avons vu, mais même de toute conceptualisation ou formalisme. On peut se demander si l’art, tel que le pratique et l’envisage Paley depuis 2004, n’est pas voué à se réduire à une parole élégiaque.

Le culte de l’originalité
« Je pense que chaque message humain peut se résumer en un seul, qui ne pourra jamais être dit assez : Je vous aime. »
Nina Paley, 2009.

La critique de Barthes à laquelle je fais ici référence n’est donc pas incongrue ; il y a bien une écriture « mythologique » dans Sita Sings The Blues, mais pas au sens où l’entend l’auteur. Le mythe est ici l’œuvre elle-même… et ce mythe ne laisse de fait aucune place à une pensée du réel, par exemple socio-politique, que Paley balaye elle-même un peu rapidement : « Certains académiciens bon chic bon genre ont décidé, sans se donner la peine de regarder l’œuvre, que toute personne de couleur blanche qui entreprend un tel projet est par définition raciste, et que c’est encore un exemple de néo-colonialisme. ». Je n’irais certes pas jusque là, mais je dois avouer un certain malaise en voyant, dans l’« interlude » du film, les personnages de la mythologie indoue siroter un soda, grignoter du popcorn ou des hotdogs, tels des américains moyens. Peu importe qu’il s’agisse là d’une allusion, non pas aux États-Unis directement, mais à Bollywood et à l’Inde moderne, occidentalisée (quoique toujours fondamentalement inégalitaire) : n’est-ce pas occulter que ladite Inde moderne subit la domination économique écrasante desdits États-Unis, à grands coups d’OMC, de FMI, de call-centers délocalisés et acculturants, de brevets et d’OGM ?

De fait, l’on n’entend plus Paley, aujourd’hui, parler de surpopulation (sinon de façon détournée), de justice sociale ou de défense des minorités. Cette page de sa vie militante est manifestement tournée, entièrement remplacée par son engagement Libriste. Tout comme, dans un même temps, son travail artistique autrefois polygraphique et polytechnique, semble avoir perdu en hardiesse ce qu’il a gagné en cohérence et en accessibilité. De même, enfin, que son site web autrefois exubérant d’humour, de curiosités et d’auto-ironie, se résume aujourd’hui à un blog WordPress relativement terne. Peut-être Nina Paley, avec le succès, a-t-elle enfin trouvé une place à part entière dans le monde culturel Libre, un équilibre apaisant, un âge de raison artistique. Ou peut-être est-ce là, tout simplement, ce que l’on nomme vieillir.




Le projet Replicant ou Android totalement libre présenté par PaulK

Replicant Logo« Android représente une étape majeure vers un téléphone portable libre qui soit contrôlé par l’utilisateur, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Les hackers travaillent sur Replicant, mais c’est un gros travail de rendre un nouveau modèle compatible, et il reste encore le problème du micrologiciel. Même si les téléphones Android d’aujourd’hui sont considérablement moins mauvais que les smartphones d’Apple ou de Windows, on ne peut pas dire qu’ils respectent vos libertés. »

Ainsi se termine l’article de Richard Stallman consacré à Android et la liberté des utilisateurs. On y évoque donc le projet Replicant qui vise à produire un dérivé entièrement libre du système d’exploitation de Google.

Or il se trouve que nous avons la chance d’avoir l’un des développeurs du projet parmi les membres traducteurs de Framalang. Il eut été alors dommage de ne pas en profiter pour en savoir plus et comprendre la difficulté qu’il y a à tenter de libérer totalement un téléphone portable.

On notera que ce développeur est encore lycéen, ce qui fournit au passage un excellent témoignage d’une jeunesse qui, ayant découvert le logiciel libre, n’a plus forcément envie de passer tout son temps sur Facebook 🙂

Le projet Replicant, présenté par le développeur PaulK

Présentation de PaulK, un des deux développeurs du projet Replicant

Je m’appelle Paul et me présente souvent sous le pseudo « PaulK ». Je suis actuellement lycéen (en filière scientifique) et utilise du logiciel libre depuis 2008.

J’ai commencé avec l’utilisation de Ubuntu 8.04, en dual boot avec Windows à l’époque. En décembre 2009, j’ai décidé de passer sur Fedora, qui respectait mieux ma vision de l’informatique libre (en mettant en avant la liberté et non le seul caractère « Open Source »). Déjà à l’époque, j’étais un fervent lecteur du framablog et enthousiaste des projets de Framasoft. J’ai progressivement commencé à appendre la programmation (en C) et me suis finalement débarrassé de mes partitions Windows. J’ai aussi commencé à contribuer à certains projets proches du monde du logiciel libre, comme OpenStreetMap.

Début 2010, j’ai commencé à m’intéresser aux différentes solutions des plus libres dans le domaine de la téléphonie mobile. Je suis finalement tombé sur le site web du projet Replicant et suis allé jeter un œil sur le canal irc du projet (#replicant sur irc.freenode.net) : j’y ai trouvé le développeur principal du projet, qui, connaissant très bien la question m’a exposé les différentes solutions existantes. J’ai opté pour le Neo FreeRunner, le téléphone « le plus libre » (100% de logiciel libre tournant sur le CPU) avec à la fois une communauté francophone et internationale dédiée au projet. Je l’ai utilisé comme téléphone principal mais l’ai endommagé (avec mon fer à souder) par mégarde , après de nombreux mois d’utilisation. Pour trouver un successeur, je suis revenu sur le salon IRC du projet Replicant pour finalement choisir un HTC Dream, sur lequel j’ai installé Replicant. J’ai ensuite commencé à vouloir aider au développement du projet, après avoir compilé mes premières images du système.

En effet, depuis que j’ai commencé à utiliser GNU/Linux, mon intérêt pour la programmation n’a cessé de croitre et j’ai finalement manipulé un certain nombre de languages : C, Perl, Javascript, Lua… Contribuer au projet Replicant m’a, entre autres, permis d’apprendre les bases de Git, de comprendre et modifier des drivers du noyau, de mettre en application très concrète mes connaissances en C…

Depuis plusieurs mois, je concentre mon attention sur le support du Nexus S, le dernier téléphone de Google/Samsung.

Présentation du projet Replicant

Le projet Replicant vise à produire un dérivé entièrement libre d’Android, le système d’exploitation destiné au matériel embarqué (et originellement aux téléphones) produit par l’« Android Open Source Project » (désigné par AOSP) , dirigé par l’« Open Handset Alliance », qui est menée par Google. La version d’Android telle que produite par l’AOSP contient du code provenant de divers horizons et distribué sous diverses licences : du code sous GNU GPL, du code sous BSD et par exemple pour ce qui a été écrit par l’AOSP, du code sous licence Apache 2. A l’exception de quelques micro-logiciels (firmwares), le code d’Android tel que fourni par l’AOSP est libre.

On peut donc télécharger ce code source, éventuellement retirer ces firmwares et le compiler afin d’obtenir un système totalement libre. Le problème principal ici est qu’une telle version d’Android serait absolument inutilisables sur un téléphone. Seul l’émulateur Android (celui présent dans le « SDK ») fonctionnerait sans poser de soucis.

En effet, la grande majorité des téléphones fonctionnant sous Android nécessitent, à un moment ou à un autre, des librairies, programmes ou firmwares non-libres. La quasi-totalité de ces composants non-libres touchent directement à la communication avec le matériel : du traitement des données en provenance des accéléromètres jusqu’au composant en charge de dialoguer avec le modem (ce qui gère toutes les fonctions liées à la téléphonie, à l’envoi des messages, à la connexion 3G, etc).

Le projet Replicant a donc deux objectifs :

  • fournir un système basé sur Android entièrement libre
  • écrire des remplacements aux composants non-libres afin de pouvoir utiliser le téléphone avec Replicant « pour de vrai ».

Chaque appareil ayant ses particularités, son propre matériel, il faut un noyau particulier par appareil, une image du système avec les librairies et les configurations adaptées par appareil, ce qui demande de faire le travail séparément pour chaque appareil : il n’y a pas de remplacement miracle qui marcherait avec tous les appareils Android d’un coup lorsqu’il s’agit de fonctions bas-niveau touchant au matériel. Ceci rend donc le travail très long et demande aussi au développeur de posséder chaque téléphone sur lequel il travaille.

L’état actuel du projet

Pour l’instant, le nombre de téléphones supportés par le projet Replicant est relativement réduit : en effet, seuls deux développeurs font partie du projet, mêmes si des aides extérieures sont souvent là pour participer au développement. A l’heure actuelle (fin 2011), les modèle suivants sont utilisables : HTC Dream, HTC Magic, Google Nexus One (nécessite des firmwares non-libres pour que l’audio fonctionne) et le Google Nexus S n’est pas encore prêt dans le sens où les fonctions liées à la téléphonie n’ont pas encore été libérées (mais le travail est en cours).

La liste plus détaillée des fonctionnalités présentes avec Replicant pour chaque téléphone est disponible sur cette page.

De plus, le projet dispose d’un site web, où sont postées les dernières nouvelles du projet, d’une liste de diffusion et d’un canal IRC.

Petit historique du projet

Replicant n’est pas un projet très ancien : démarré à l’été 2010 afin de rassembler plusieurs initiatives isolées visant à produire une version entièrement libre dérivée d’Android pour le premier « Google phone », le HTC Dream, le projet a vite abouti à l’écriture de code pour remplacer les parties non-libres : le premier composant non-libre à avoir été remplacé a permis à l’audio de fonctionner sans composants non-libres. L’idée de créer un dépôt libre d’applications, s’accompagnant d’un logiciel client pour Android (et donc Replicant) a également été envisagé assez rapidement, mais cette première tentative n’a pas abouti. Plus tard, le projet Fdroid viendra combler ce manque, fournissant un dépôt d’applications libres faisant directement office de remplacement à l’« Android market ». La partie gérant la communication avec le modem (dite « RIL ») a ensuite été remplacée par du code libre, rendant ainsi le téléphone utilisable. Une librairie pour le GPS a aussi été adaptée à partir de code libre destiné à un autre téléphone. L’horizon du projet s’est également élargie avec le début du port de Replicant sur le Nexus One, qui a d’ailleurs été offert au développeur principal par Google, preuve de leur intérêt ou curiosité pour le projet Replicant. Maintenant, c’est le Google Nexus S qui est en train d’être porté sur Replicant (mais aussi sur GNU/Linux, au sein du projet SHR).

Le problème des firmwares malveillants, ou le problème principal auquel Replicant ne peut pas apporter de solutions

Si nous nous efforçons de produire des remplacements libres pour la plupart des composants non-libres présents les version d’Android distribuées avec les téléphones, il y a certains composants qu’il nous est (pour l’instant) impossible de remplacer. C’est en effet particulièrement le cas de certains firmwares, tels que le logiciel (non-libre) qui est exécuté sur le modem. Aucun des développeurs du projet n’a les compétences techniques pour réaliser une alternative libre à ce composant et de toute façon, il ne serait pas légal d’exécuter un tel logiciel sur les réseaux des opérateurs. En effet, ceux-ci ne seraient pas certifiés. Le seul projet de remplacement libre du logiciel contenu dans le modem se nomme OsmocomBB et devrait fonctionner sur un nombre très réduit de téléphones, incluant le Neo FreeRunner (qui n’a par défaut pas de logiciel libre sur le modem mais bien un logiciel propriétaire). Pour plus de détails, reportez-vous à la page présentant les aspects légaux du projet.

Si le logiciel exécuté sur le modem est forcément non-libre, alors tout ce qui est connecté directement au modem est nécessairement compromis : si le GPS est attaché au modem et non au processeur principal, le GPS est contrôlé par un logiciel non-libre qui, s’il gère par exemple également la connexion de données (3G), ce qui est le cas pour un modem, pourra éventuellement recevoir ou envoyer des informations obtenues du GPS, telles que la position très précise de l’utilisateur, à tout moment et sans aucun contrôle possible de la part de l’utilisateur. Ainsi, si le matériel est fait d’une telle sorte, utiliser Replicant sur le processeur n’aidera pas à solutionner ce genre de problème.

Un des freins majeurs au développement de Replicant : l’incapacité d’installer une image non-officielle d’Android sur beaucoup de téléphones

En effet, un nombre très important (pour ne pas dire la majorité) des téléphones Android n’offrent aucun moyen à l’utilisateur d’installer un système non-officiel sur son téléphone. Comme s’il était interdit et impossible de changer le système d’exploitation de son ordinateur. Toutefois, sur certains téléphones, il est possible, d’une manière ou d’une autre, de permettre à l’utilisateur de replacer son système actuel par une autre version, pas nécessairement officielle, d’Android. Cette pratique s’appelle le « rooting » du téléphone. Il s’agit généralement d’exploiter une faille de sécurité présente sur le système Android afin d’obtenir les droits root et ainsi de pouvoir écrire un petit logiciel qui permettra par la suite de remplacer le système d’exploitation du téléphone. D’autres méthodes de « rooting » du téléphone consistent à modifier le chargeur de démarrage (dit « bootloader ») du téléphone afin que celui-ci propose l’installation de nouvelles images (il s’agit des fichiers contenant le système Android, le noyau, etc). Alors que la première technique est souvent sans danger, même si elle va dans la plupart des cas rompre la garantie, la seconde technique peut rendre le téléphone inutilisable : si le chargeur de démarrage est altéré au point de ne plus pouvoir fonctionner, le téléphone ne démarrera plus. Ceci n’est, dans la plupart des cas, pas irréversible mais demandera un matériel adapté et une connaissance spécifique pour remettre le téléphone en état.

Toutefois, la plupart des constructeurs réalisent maintenant qu’il est dans leur intérêt de proposer des chargeurs de démarrage permettant d’installer d’autres systèmes d’exploitation, et encouragent parfois le développement de tels systèmes. Le projet CyanongeMod[1], dérivé d’Android et sur lequel Replicant se base en est un bon exemple : plusieurs constructeurs tels que Samsung ou Sony Ericsson sont en effet très favorables au développement de CyanogenMod pour leurs téléphones (même s’il ne s’agit pas encore de vendre des téléphones avec CyanogenMod pré-installé).

De plus, les « Google phones », le T-Mobile G1, le Nexus One et le Nexus S sont eux-aussi munis d’un chargeur de démarrage permettant l’installation de systèmes non-officiels.

Notes

[1] CyanogenMod est un fork d’Android : des modifications sont apportées aux sources d’Android telles que mises à disposition par l’AOSP ainsi que le support pour tous les téléphones qui ne sont pas des « Google phones » (le code de l’AOSP ne couvre que les Google phones). Replicant est lui-même un fork de CyanogenMod et profite ainsi des améliorations apportées par ce projet.




Android et la liberté des utilisateurs par Richard Stallman

Laihiuyeung Ryanne - CC byAndroid, le système d’exploitation de Google pour la téléphonie mobile, est-il véritablement un logiciel libre ?

C’est la question que s’est posée récemment Richard Stallman dans le colonne du Guardian.

« Presque » pourrait être une réponse optimiste. Mais c’est un presque subtil et complexe qui demande quelques explications et éclaircissements[1].

Parce qu’ici comme ailleurs, le diable se cache souvent dans les détails…

Android et la liberté des utilisateurs

Android and Users’ Freedom

Richard Stallman – 19 septembre 2011 – GNU.org
Traduction : Sylvain Le Menn – Creative Commons BY-ND

Dans quelle mesure est-ce qu’Android respecte les libertés de ses utilisateurs ? Pour l’utilisateur d’un ordinateur qui chérit la liberté, c’est la question la plus importante à se poser pour tout logiciel.

Dans le mouvement du logiciel libre, nous concevons des logiciels qui respectent les libertés des utilisateurs de sorte que vous comme moi puissiez échapper à l’emprise de ceux qui les dénient. Cela contraste avec l’idée de l’« open source » qui se concentre sur la façon de concevoir le code ; c’est une réflexion différente qui s’intéresse principalement à la qualité du code plutôt qu’à la liberté. Ainsi, le souci principal n’est pas de savoir si Android est « ouvert », mais s’il permet à celui qui l’utilise d’être libre.

Android est un système d’exploitation orienté principalement vers les téléphones portables. Il est constitué du noyau Linux (le noyau de Torvalds), quelques bibliothèques, une plateforme Java, et quelques applications. Sans parler de Linux, le logiciel d’Android versions 1 et 2 a été concu essentiellement par Google. Google l’a sorti sous la licence Apache 2.0, qui est une licence libre permissive sans copyleft.

La version de Linux incluse dans Android n’est pas un logiciel entièrement libre puisque qu’il contient des morceaux de code non libres (des « binary blobs »), tout comme la version de Torvalds de Linux, dont quelques-uns sont réellement utilisés dans des machines tournant sous Android. Les plateformes Android utilisent des microprogrammes non libres aussi, ainsi que des bibliothèques non libres. À part cela, le code source des versions 1 et 2 d’Android telles que faites par Google sont libres, mais ce code est insuffisant pour faire tourner l’appareil. Quelques applications qui viennent généralement avec Android sont aussi non libres.

Android est très différent du système d’exploitation GNU/Linux, car il contient très peu de GNU. En effet, le seul élément commun entre Android et GNU/Linux se résume à peu près à Linux, le noyau. Les gens qui font l’erreur de croire que « Linux » fait référence à la totalité de l’écosystème GNU/Linux s’emmêlent les pinceaux, et font des affirmations paradoxales telles que « Android contient Linux, mais ce n’est pas Linux ». Si nous évitons cette confusion au départ, la situation est simple : Android contient Linux, mais pas GNU. Ainsi Android et GNU/Linux sont majoritairement différents.

À l’intérieur d’Android, le noyau Linux reste un programme séparé, avec le code source sous licence GNU GPL version 2. Combiner Linux avec le code sous licence Apache 2.0 représenterait une violation du copyright, puisque les licences GPL version 2.0 et Apache 2.0 sont incompatibles. Les rumeurs que Google a d’une manière ou d’une autre fait passer Linux sous licence Apache sont fausses. Google n’a aucun pouvoir pour changer la licence du code de Linux, et n’a pas essayé de le faire. Si les auteurs de Linux autorisaient son usage sous la version 3 de la licence GPL, ensuite ce code pourrait être combiné avec un code sous licence Apache, et la combinaison pourrait être rendue publique sous licence GPL version 3. Mais Linux n’a pas été publié ainsi.

Google a respecté les règles de la licence GPL (General Public License ou Licence publique générale) pour Linux, mais la licence Apache sur le reste d’Android n’oblige pas à montrer le code. Google a dit qu’ils n’allaient jamais publier le code d’Android 3.0 (à part Linux), même si les exécutables ont été rendus disponibles pour le public. Le code source d’Android 3.1 est aussi retenu. Ainsi, Android 3, en dehors de Linux, est purement et simplement du logiciel non libre.

Google a dit qu’ils gardaient le code source de la version 3.0 parce qu’il était bogué, et que les gens devraient attendre la version d’après. Cela pourrait être un bon conseil pour ceux qui veulent juste faire tourner le système Android, mais les utilisateurs devraient être ceux qui prennent ces décisions. Et de toutes façons les développeurs et les bidouilleurs qui voudraient inclure des changements dans leurs propres versions pourraient très bien utiliser ce code.

Le fait de ne pas rendre publique deux versions du code source est source d’inquiétudes dans le sens que Google pourrait vouloir rendre Android propriétaire de manière permanente, que la publication de quelques versions d’Android ait été une stratégie temporaire afin d’obtenir l’aide de la communauté pour améliorer un logiciel propriétaire. Espérons que ce n’est pas le cas.

Dans tous les cas, la plupart du code source de plusieurs versions d’Android ont été publiées en tant que logiciel libre. Est-ce que ça veut dire que des machines qui utilisent ces versions d’Android respectent les libertés de l’utilisateur ? Non, ce n’est pas le cas pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la majorité des versions comprend des applications non libres de Google pour communiquer avec des services tels que Youtube et Google Maps. Celles-ci ne font pas officiellement partie d’Android, mais cela n’en fait pas un bon produit pour autant. Il y a aussi la présence de bibliothèques non libres. Qu’elles fassent partie d’Android ou pas est discutable, ce qui importe c’est que beaucoup de fonctionnalités en dépendent.

Même les exécutables qui font officiellement partie d’Android peuvent ne pas correspondre au code des versions de Google. Les constructeurs peuvent changer le code, et bien souvent ils ne publient pas le code source de leurs versions. La licence GNU GPL les oblige, en théorie, à redistribuer le code de leurs versions de Linux. Le reste du code sous licence Apache ne les oblige pas à publier le code source des versions qu’ils utilisent réellement.

Replicant, une version libre d’Android qui n’est compatible qu’avec quelques modèles de téléphones, a remplacé beaucoup de bibliothèques, et peut fonctionner sans les applications non libres. Mais il y a d’autres problèmes.

Certains modèles sont conçus pour empêcher leur propriétaire d’installer et de modifier le logiciel. Dans cette situation, les exécutables ne sont pas libres, même s’ils sont faits à partir d’une source libre qui est disponible pour vous. Cependant, certains appareils Android peuvent être «?rootés?», ce qui permet aux utilisateurs d’y installer d’autres logiciels.

Les micrologiciels importants et les pilotes sont généralement propriétaires aussi. Ceux-ci gèrent le matériel pour le réseau, la radio, le wifi, le bluetooth, le GPS, l’accélération 3D, l’appareil photo, les hauts-parleurs, et dans certains cas le microphone aussi. Sur certains modèles, quelques-uns de ces pilotes sont libres, et pour certains on peut s’en passer, mais le microphone et l’accès au réseau sont plutôt indispensables.

Le micrologiciel qui gère l’accès au réseau est préinstallé. Si tout ce que le programme se contentait de faire était de tourner dans son coin, on pourrait le considèrer comme un simple circuit. Quand on insiste sur le fait qu’un logiciel dans un ordinateur doit être libre, on peut passer sur un micrologiciel préinstallé qui ne sera jamais mis à jour, car cela ne fait pas de différence pour l’utilisateur que c’est un programme plutôt qu’un circuit.

Malheureusement, dans ce cas ce serait un circuit malveillant. Des fonctions malveillantes sont inacceptables, quelle que soit la manière dont elles sont implémentées.

Sur la plupart des téléphones Android, ce micrologiciel a tellement de contrôle qu’il pourrait transformer le produit en un appareil d’écoute. Sur certains, il peut prendre le contrôle entier de l’ordinateur principal, à travers la mémoire partagée, et peut ainsi supplanter ou remplacer le logiciel libre que vous avez installé. Avec certains modèles, il est possible d’exercer un contrôle à distance sur ce micrologiciel, et ainsi sur le téléphone tout entier, à travers le logiciel permettant l’accès au réseau. Le principe du logiciel libre, c’est d’avoir le contrôle sur la machine, et cet appareil en l’occurence ne remplit pas cette mission. Bien que n’importe quel système informatique puisse avoir des bogues, ces appareils peuvent être des bogues (Craig Murray, dans Meurtre à Samarkand, fait le récit de son rôle dans une opération de renseignement qui convertit un téléphone portable sans Android d’une cible peu suspicieuse en un appareil d’écoute).

En tout cas, le micrologiciel du téléphone permettant l’accès au réseau n’est pas l’équivalent d’un circuit, car le matériel permet l’installation de nouvelles versions, et il fonctionne dans ce but d’ailleurs. Puisque c’est un micrologiciel propriétaire, en pratique seul le fabricant peut faire de nouvelles versions, les utilisateurs ne le peuvent pas.

Pour résumer, on peut tolérer des versions non libres des micrologiciels gérant l’accès au réseau à la condition que des mises à jour ne seront pas téléchargées, elles ne prendront ainsi pas contrôle de l’ordinateur principal, et il peut seulement communiquer quand et si le système d’exploitation libre le permet. En d’autres termes, il doit avoir un fonctionnement équivalent à un circuit, et ce circuit ne doit pas être malveillant. Il n’y a pas d’obstacles à construire un téléphone Android qui a ces caractéristiques, mais nous n’en connaissons aucun.

De récentes couvertures médiatiques se sont intéressées aux guerres de brevets. Pendant les 20 ans de campagne qui ont été consacrés à l’abolition des brevets logiciels, nous avons prévenu que de telles guerres pouvaient arriver. Les brevets logiciels pourraient contraindre à la disparition de fonctions dans Android, ou même le rendre indisponible (consultez endsoftpatents.org pour plus d’informations sur les raisons nécessitant l’abolition des brevets logiciels).

Pourtant, les attaques sur les brevets, et les réponses de Google, n’ont pas de lien direct avec le sujet de cet article : comment les produits Android sont proches d’un système de distribution éthique, et comment ils échouent de peu. Ce problème mérite l’attention de la presse aussi.

Android représente une étape majeure vers un téléphone portable libre qui soit contrôlé par l’utilisateur, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Les hackers travaillent sur Replicant, mais c’est un gros travail de rendre un nouveau modèle compatible, et il reste encore le problème du micrologiciel. Même si les téléphones Android d’aujourd’hui sont considérablement moins mauvais que les smartphones d’Apple ou de Windows, on ne peut pas dire qu’ils respectent vos libertés.

Notes

[1] Crédit photo : Laihiuyeung Ryanne (Creative Commons By)




Geektionnerd : DePiraatBaai.be

Pour en savoir plus sur le blocage de The Pirate Bay en Belgique, voir Le Monde ou Numérama.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




La promotion du Web Ouvert a bien changé mais Mozilla est toujours là

SCA Svenska Cellulosa Aktiebolaget - CC byPromouvoir le Web ouvert est l’une des missions de Mozilla.

Mission parfaitement assumée et réussie il y a quelques années avec l’avènement de Firefox qui obligea Internet Explorer à quitter son arrogance pour rentrer dans le rang et se montrer plus respectueux des standards et donc des internautes.

Sauf qu’aujourd’hui la donne a sensiblement changé.

Avec la mobilité, les stores, les apps, les navigateurs intégrés, etc. c’est en effet un Web bien plus complexe qui se présente devant nous. Un Web enthousiasmant[1] mais plein d’embûches pour ceux qui sont attachés à son ouverture et à sa neutralité.

C’est tout l’objet de ce très intéressant récent billet du développeur Mozilla Robert O’Callahan.

Des changements dans la façon de promouvoir le Web Ouvert

Shifts In Promoting The Open Web

Robert O’Callahan – 30 septembre 201 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Antistress et Goofy)

Historiquement Mozilla a dépensé pas mal d’énergie pour promouvoir l’usage du « Web ouvert » plutôt que de plateformes propriétaires et de code spécifique à des navigateurs non standards (IE6). Cette évangélisation reste nécessaire mais le paysage s’est modifié et je pense que notre discours doit s’adapter.

Les plateformes dont nous devons nous préoccuper ont beaucoup changé. Au lieu de WPF, Slivertlight and Flash, les outils propriétaires pour développeurs avec lesquelles il faut rivaliser dorénavant sont iOS et Android. En conséquence, les fonctionnalités que le Web doit intégrer sont à présent orientées vers la mobilité. Nous devons abattre les barrières qui incitent les développeurs d’applications mobiles à écrire des applications natives plutôt que des applications Web, et nous devons promouvoir (et c’est ce que nous faisons !) le développement et l’usage d’applications Web au lieu d’applications natives. Les démonstrations qui ne fonctionnent que sur les navigateurs des micro-ordinateurs sont moins importantes.

Le Web ouvert doit également faire face à de nouvelles plateformes rivales intéressantes : des plateformes qui sont conçues sur les standards du Web mais qui brident l’installation d’applications pour créer une plateforme entièrement contrôlée par le fabricant. L’app store (plateforme de téléchargement d’applications) de Chrome et celle du futur Windows 8 Metro en sont des exemples. J’ai été très déçu de voir que les versions hors connexion de Gmail et Google Calendar n’étaient proposées que sous la forme d’applications pour Chrome. Et même si Angry Birds fonctionne très bien sur Firefox, son affiliation commerciale à Chrome laisse certainement croire qu’il ne fonctionne que sur Chrome. Pour contrer cela nous devons nous assurer que la compétition entre navigateurs reste forte et offre aux développeurs des app stores indépendants des navigateurs. Mozilla travaille dessus, bien sûr :-). Nous devons également exprimer clairement que les app stores dédiés à un navigateur vont à l’encontre d’un Web ouvert.

Une forme de compétition moins évidente résulte de développeurs d’applications se focalisant sur un seul navigateur ou un seul moteur de rendu. Google demande explicitement à ses développeurs de cibler uniquement Chrome avant de penser aux autres navigateurs. C’est compréhensible, mais ça reste perturbant. Une autre préoccupation est de constater que beaucoup de sites pour appareils mobiles ne ciblent que WebKit (parfois implicitement en codant en fonction des bogues de WebKit, le plus souvent explicitement en codant des fonctions propres à WebKit). Beaucoup de développeurs de sites pour appareils mobiles, y compris des développeurs de sociétés renommées comme Google, sont réticents à changer de comportement. C’est un immense problème pour le Web ouvert. Nous avons besoin d’une campagne de promotion des standards du Web ouvert à destination des développeurs de sites pour appareils mobiles. Nous devons être clairs sur le fait que proposer des applications qui ne tournent que sur un seul moteur de rendu, quel que soit ce moteur, va à l’encontre d’un Web ouvert.

C’est malheureux de constater que, parmi les principaux concepteurs de navigateurs, seul Mozilla (et peut-être Opera) n’a pas d’intérêt particulier au succès d’une plateforme Web non ouverte. Je suis content de travailler ici.

Une chose formidable concernant le Web actuellement est l’explosion de nouvelles fonctionnalités et standards pour les développeurs Web. Pourtant nous devons distinguer avec soin les bons standards ouverts des imitations poussées unilatéralement. Toutes les propositions de standards ne sont pas bonnes pour le Web, même si elles sont accompagnées d’une implémentation open-source. Maciej Stachowiak désigne quelques projets de Google – VP8, SPDY, Pepper, and Native Client – qui, bien qu’étant peut-être de bonnes idées, échouent plus ou moins à être de véritables standards ouverts (le manque d’une bonne spécification pour VP8 est un problème que nous pouvons et devrions régler nous-mêmes à Mozilla). Il y a aussi des cas où, même si une bonne spécification collégiale existe et est attendue par certains développeurs, la fonctionnalité n’est pas bonne pour le Web et doit être repoussée. C’est pourquoi je pense que, lorque nous faisons la promotion du Web ouvert, nous devons faire très attention aux spécifications que nous mettons en avant. Ce n’est pas parceque quelqu’un lance une ébauche de spécification avec « CSS » (ou « HTML » ou « Web ») dans le nom en même temps qu’une implémentation embryonnaire, que cette spécification fait partie ou devrait faire partie du Web ouvert. Les gens doivent se demander : est-ce que cette fonctionnalité est bonne pour le Web ? Est-ce qu’il existe une ébauche exhaustive de la spécification qui ne nécessite pas de rétro-ingénierie sur une implémentation existante ? Existe t-il plusieurs implémentations ? Est-ce que la spécification est activement mise à jour pour tenir compte des retours des concepteurs de navigateurs et des développeurs Web ?

C’est une période stimulante et excitante. En dépit des menaces que je viens d’évoquer, c’est super de constater l’investissement massif dans l’amélioration des technologies du Web ouvert. C’est super de voir Microsoft abandonner Silverlight pour une plateforme basée sur les standards. Nous avons remporté quelques batailles, mais la guerre pour les standards du Web ouvert n’est pas finie et nous devons poursuivre le combat, sur les fronts correctement choisis.

Notes

[1] Crédit photo : SCA Svenska Cellulosa Aktiebolaget (Creative Commons By)