Le témoignage qui tue…

By phitar - CC BY-NC-ND

Le témoignage qui tue… Windows !

En April, ne te découvre pas d’un file ! est le récit simple et sincère d’une migration Linux en plusieurs étapes d’un utilisateur pragmatique et enthousiaste. Que dis-je d’un utilisateur… d’une utilisatrice !

Nombreux sont les visiteurs du réseau Framasoft qui s’y reconnaitront pour en être peu ou prou passé par là[1].

Depuis que je suis entrée dans le monde du logiciel libre, j’ai découvert une autre logique : travail coopératif et participation. Je ne code pas, je n’ai pas beaucoup de fric, ce qui limite mon apport à la communauté. Mais je suis un utilisateur permanent. Je peux donc prendre un peu de temps pour rapporter les bugs ou suggérer des améliorations qui apparaissent comme nécessaires à l’usage.

La communauté des développeurs du libre est un monde ouvert et mouvant. Pour discuter avec le concepteur d’un logiciel, le plus souvent, il suffit de se connecter sur le bon canal IRC, et hop, on est en prise directe avec la matière grise qui accouche l’outil ! Je tire une grande fierté d’avoir suggéré des améliorations ergonomiques de Scribus et d’avoir du coup un outil plus intuitif pour tous !

Au passage on nous suggère de participer à la nouvelle campagne d’adhésion de l’APRIL, ce qui est une autre bonne idée.

C’est réaliste, alerte, plein d’humour et d’esprit et au final bigrement convaincant.

Conclusion : Faites tourner 😉

Notes

[1] L’illustration est une photographie de phitar intitulée isoline pushes a broken nosed penguin issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY-NC-ND




Vous connaissez la différence entre une pomme et une fenêtre ?

Une vidéo repérée sur Dailymotion que vous ne verrez ni dans Urgences ni dans Grey’s Anatomy.

La vidéo au format webm.

Auteur : Sebastien Massé – Licence : inconnue (pour le moment)




Punk is dead

Punk is dead - aKa - Licence Art Libre

Photographie sous licence Art Libre prise samedi 19 mai 2007 au marché de Camden Town à Londres.

Trente ans plus tôt au même endroit naissait le mouvement Punk




Quand Barack Obama souhaite libérer la parole publique

Obama - roxannejomitchell - CC-BY

Candidat à l’investiture démocrate pour 2008 (au même titre qu’Hillary Clinton), le sénateur de l’Illinois Barack Obama est présenté par les médias comme l’homme qui pourrait être le premier président noir des Etats-Unis.

Il a récemment adressé une lettre au président de son parti pour demander à ce que les futures vidéos des débats des primaires soient, au choix, placées dans le domaine public ou sous licence Creative Commons BY[1].

Cette novatrice et positive démarche méritait bien une petite traduction[2].

Source : Blog de Lawrence LessigFree Debates: Barack is on board

Chairman Howard Dean
Democratic National Committee
430 S. Capitol St., SE
Washington, DC 20003

Cher Président Dean, j’écris pour apporter mon soutien à une lettre qu’une coalition bi-partisane d’universitaires, de blogueurs et d’activistes Internet vous ont envoyée ainsi qu’au Comité National Démocratique. Cette lettre demande que la vidéo de chaque débat pour les présidentielles au parti Démocrate soit disponible librement après le débat, soit en plaçant la vidéo dans le domaine public, soit en la licenciant sous une licence Creative Commons.

Comme vous le savez, Internet a permis à un nombre extraordinaire de citoyens de participer au dialogue politique autour de cette élection. La plus grande part de cette participation prendra la forme de contenu créé par les citoyens. Nous, en tant que Parti, devons faire tout ce qui est possible pour encourager cette participation. Non seulement ceci nous aidera à nous focaliser sur ce qui préoccupe le plus l’Amérique, mais cela encouragera aussi la participation d’une grande partie de notre jeunesse qui s’est traditionnellement désintéressée de la politique.

La lettre ne propose pas de changement radical de la loi sur les droits d’auteur, ou une expansion injustifiée du "fair use". A la place, elle demande simplement que chaque propriétaire d’une vidéo qui pourrait prétendre à un quelconque droit d’auteur renonce à celui-ci.

Je crois très fort en l’importance du droit d’auteur, tout spécialement dans l’ère numérique. Mais il n’y a pas de raison pour que ce type particulier de contenu requiert cette protection. Nous avons assez de motivations pour débattre. Les réseaux ont suffisamment de motivations pour transmettre ces débats. Plutôt que de restreindre le produit de ces débats, nous devrions à la place nous assurer que notre démocratie et les citoyens ont une chance d’en profiter par tous les moyens offerts par la technologie.

Votre campagne présidentielle a utilisé Internet pour ouvrir un nouvel espace dans la participation politique citoyenne. Je voudrais vous exhorter à prendre l’initiative une fois de plus en continuant à supporter cet important média du discours politique. Et j’offre toute l’aide que je peux pour obtenir le support des autres également.

Cordialement,

Barack Obama

Edit : Dans l’intervalle est parue une lettre similaire mais d’un républicain cette fois-ci.

Notes

[1] L’illustration est une photographie de roxannejomitchell intitulée Obama ’08 issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY

[2] Merci à VLI, Olivier et Yostral pour la traduction.




Deux représentants du logiciel libre sont nommés au CSPLA

La bonne nouvelle du jour sous la forme d’un communiqué que je reproduis ici.

CSPLA

Le 3 mai 2007, trois arrêtés du ministre de la culture et de la communication modifient la composition du Conseil supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) et nomment ses nouveaux membres pour une durée de trois ans. La création libre est enfin reconnue officiellement par la nomination de deux représentants du logiciel libre, Bernard Lang comme titulaire et François Élie comme suppléant.

Paris, le 15 mai 2007.

Nouveaux membres nommés au CSPLA, officiellement en tant que représentants des auteurs et éditeurs de logiciels et bases de données, Bernard Lang et François Élie y représenteront donc la création libre et se félicitent de cette reconnaissance officielle de son importance économique et culturelle.

Toutes les catégories de création représentées au CSPLA peuvent être concernées par la création libre, et l’ont été peu ou prou. Bernard Lang et François Élie estiment que leur nomination reflète l’importance particulière et le succès incontestable des logiciels libres, dont ils sont des représentants en tant que, respectivement, vice-président de l’AFUL et président de l’ADULLACT. Seuls représentants de la création libre et de la diffusion ouverte des oeuvres de l’esprit au CSPLA, ils considèrent qu’il sera de leur responsabilité de représenter au mieux toutes les autres catégories de ces modes de création et de diffusion (oeuvres ou interprétations, bases de données, encyclopédies, ressources pédagogiques, etc.), ainsi que les secteurs professionnels qui s’y rattachent, dans la mesure où les acteurs concernés l’estimeront utile.

La nomination de Bernard Lang, directeur de recherche à l’INRIA, est aussi une reconnaissance du dynamisme de l’INRIA concernant le logiciel libre, tant par le grand nombre de logiciels libres conçus et diffusés par ses chercheurs, que par son travail institutionnel de soutien, dont la création des licences libres francophones CeCILL. Il faut ajouter à cela, dans un autre domaine, la forte implication de l’INRIA dans les objectifs de la Déclaration de Berlin pour la diffusion ouverte des publications scientifiques.

Par la nomination de François Élie, cet arrêté reconnaît de même les actions soutenues de nombreuses collectivités territoriales et administrations pour s’informatiser avec des logiciels libres, et garder ainsi la maîtrise de leurs choix techniques, de leurs coûts et de l’ouverture concurrentielle des marchés publics.

Ces nominations sont également la conséquence du travail considérable de toutes les associations de la création libre, tant sur le terrain auprès du public et des décideurs que dans la bataille politique pour que ses spécificités sociales, économiques, juridiques, culturelles et techniques soient prises en compte par le législateur et que soit respecté un espace où elle puisse faire la preuve de sa capacité d’innovation, de l’efficacité de sa contribution à l’économie et la culture, et de sa particulière adéquation à la société de la connaissance et aux objectifs de Lisbonne. Elles sont aussi, en particulier, la conséquence des efforts de la Free Software Fondation (FSF) pour obtenir que le logiciel libre soit effectivement représenté au CSPLA.

C’est pour ne pas faire de différence entre tous ces acteurs, qui sont tous intéressés et ont tous contribué, chacun dans son domaine et selon ses méthodes, que nous avons choisi de publier ce communiqué à titre personnel, plutôt que de le faire publier par nos associations et/ou organismes respectifs. Qu’ils soient ici tous remerciés. Nous auront à coeur de ne pas les décevoir.

Nous voulons profiter de cette occasion pour rappeler que la création libre – tout particulièrement le logiciel libre – se fonde de façon essentielle sur le droit d’auteur, auquel nous sommes tous deux très attachés tant par notre culture d’origine de chercheur ou de philosophe que par notre participation à ce mouvement créatif.

Pour autant, nous ne souhaitons pas que le droit d’auteur devienne le prétexte de dérives législatives et réglementaires qui menacent la création elle-même, tant dans son rôle culturel, économique et social que dans sa diversité et sa pérennité, ou portent atteinte à d’autres valeurs essentielles comme la liberté de communication et d’expression ou la protection de la vie privée. Convaincus que le dialogue reste la meilleure façon de résoudre les problèmes, nous voulons croire que ces nominations sont annonciatrices d’une réflexion plus ouverte et partagée qui a tant manqué par le passé, notamment dans l’élaboration de la loi sur le Droit d’Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l’Information.

Enfin, nous espérons que cette nomination n’est que le début d’une plus large reconnaissance par le pays des apports de la création libre. Il reste un espace immense pour des idées et des initiatives nouvelles et prometteuses.

Bernard Lang – Francois Élie

Adresse permanente de ce communiqué




Une journée sans logiciel libre…

Kinnéidigh Garrett - CC byPetite traduction pédagogique sans prétention illustrant la paralysie qui affecterait Internet si le logiciel libre n’était plus là, permettant par là-même au grand public de se rendre compte par la négative de son importance et de sa diffusion[1].

En fait si le logiciel libre n’existait pas il faudrait l’inventer…

A Day Without Open Source

William Hurley – 9 mai 2007
(Traduction Framalang : HL et Don Rico)

J’étais à une conférence quand deux techniciens entrèrent dans la salle de bar, l’un favorable au logiciel libre, l’autre résolument contre. Ils mirent le moulin en route après quelques verres et Mr Contre remarqua d’une voix forte : « Le logiciel libre, je voudrais bien que ça dégage ! Ça crée plus de problèmes que ça n’a d’avantages.» Déclarations avec lesquelles, de toute évidence, j’ai quelques difficultés. Bon, je sais que la plupart des gens ne comprennent pas le rôle du logiciel libre dans notre monde, ou ignorent combien de services que nous tenons pour acquis disparaitraient sans sa présence. Si vous êtes membre du club, vous voyez probablement où je veux en venir.

Imaginons qu’au douzième coup de minuit, tout logiciel libre s’évapore comme par magie. Qu’est-ce qui fonctionnerait encore demain ? Pour commencer, Internet « disparaîtrait » pour l’utilisateur moyen. La plupart des serveurs de nom de domaines (DNS) fonctionnent sous des logiciels libres comme BIND, qui transforme www.framablog.org en une adresse IP du serveur adéquat. On perdrait en route la majorité des utilisateurs de base d’Internet. Bien sûr, BIND n’est pas le seul logiciel libre pour les DNS. Et toutes les solutions logicielles pour DNS ne sont pas libres.

Mais supposons que les DNS fonctionnent toujours, ou que par hasard vous avez mémorisé 72.14.207.99 au lieu de www.google.com. Même si les serveurs de noms de domaines fonctionnaient, Google disparaîtrait complètement d’Internet. Google tourne essentiellement sous Linux – qui est sans doute le plus populaire des systèmes d’exploitation libres de la planète. Pas de souci. Vous n’avez qu’à aller voir chez Yahoo!, Pas vrai ? Eh bien non. Yahoo! est l’un des plus grands consommateurs d’un autre système d’exploitation très répandu issu du libre : FreeBSD. A présent, vous vous êtes résigné à essayer 207.68.172.246. Nous savons tous qu’ils n’utilisent pas de logiciel libre, et qu’ils s’échinent depuis un bout de temps sur cette fonction de recherche.

OK, MSN est là, paré à la manoeuvre, alors maintenant lançons une recherche. J’ai entendu un remix sympa de Shakira à la radio ce matin, c’est ce que je vais rechercher. MSN me renvoie une liste de sites qui proposent la chanson… Je clique dessus… et… rien. Pas de dance music ? Pas de rythmes latinos ? Plus de 60% des sites Internet tournent sous Apache, un serveur web issu du libre. Avant même que je ne clique sur un lien, mes chances de succès ont été réduites à 4 sur 10.

Sur les 118 023 363 sites recensés jusqu’à présent par NetCraft ce mois de mai, un petit peu plus de 70 millions ne fonctionneraient plus si le logiciel libre venait à disparaître. Certes, Apache n’est pas le seul seveur web issu du libre et… Vous connaissez la suite. Je pourrais continuer des heures et des heures sur vos transactions en ligne, qui ne pourraient être sécurisées sans OpenSSH et OpenSSl et tous les autres services auxquels des utilisateurs ont recours tous les jours et qui, selon ce scénario, n’existeraient pas.

Le logiciel libre n’est pas une nouvelle tendance. Ce n’est pas un phénomène de mode éphémère. Il est partout, que vous le reconnaissiez ou non. De Linux intégré aux nouveaux routeurs sans fil en passant par Firefox, le navigateur libre le plus utilisé au monde, le logiciel libre est la force motrice d’Internet et d’innombrables autres technologies.

Vous savez déjà que je suis un inconditionnel du libre, mais vous, qu’en pensez-vous ? J’aimerais connaître votre avis sur la façon dont la disparition du logiciel libre vous affecterait.

Notes

[1] Crédit photo : Kinnéidigh Garrett (Creative Commons By)




La musique telle que nous la connaissons aujourd’hui est en danger et son avenir est menacé

SNEP - face/face

Notre rédaction a reçu hier une lettre (non sollicitée) du SNEP nous invitant à participer à un nouvel espace d’information discussion intitulé face/face. Je me suis permis de la recopier ci-dessous. On peut y voir une réelle volonté d’écoute et d’ouverture (avec un joli forum phpbb) mais on peut également y voir une volonté médiatique de redorer un blâson quelque peu terni ces derniers temps.

Lorsque vous vous rendez sur le site de l’opération, la page de garde (cf illustration ci-dessus) se termine sur cette phrase : La musique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est en danger et son avenir est menacée. Il y a, je crois, une ambiguïté liée à la mise entre virgules du telle que nous la connaissons aujourd’hui. si vous ôtez ces virgules ce n’est plus tant la musique qui est en danger et son avenir menacé que la musique telle que nous la connaissons aujourd’hui qui est en danger et son avenir menacé.

Ce n’est pas tout à fait la même chose… À qui veut-on faire croire que le déclin du vieil empire industriel musical va nécessairement entraîner dans son sillage celui de la création musicale ?

14 mai 2007

Bonjour,

Les sites de collectifs d’adeptes du peer-to-peer et de l’internet libre – dont celui que vous animez fait partie – exercent une influence incontestable sur internet. Mais le débat en ligne concernant l’avenir de la musique dans la société numérique – et ses enjeux technologiques, juridiques, économiques et artistiques – est souvent excessif et manichéen. Force est de constater que les professionnels de l’industrie musicale ont souvent été les grands absents de ces échanges.

C’est pourquoi nous sommes heureux de vous informer que le SNEP (Syndicat National de l’Edition Phonographique) ouvre un espace de discussion en ligne destiné à engager le dialogue entre TOUS les internautes concernés : passionnés de musique, de loisirs numériques, de technologies et adeptes (ou non) du peer to peer. Le SNEP invite également les professionnels de la musique à délivrer leur point de vue : pour la première fois, les collaborateurs des maisons de disque sont mobilisés pour venir débattre avec les internautes.

Dès maintenant, tous les internautes – dont les visiteurs et les contributeurs de votre blog ou site sont susceptibles de faire partie – sont invités à échanger leur point de vue avec les professionnels de l’industrie du disque sur le site participatif du SNEP : www.faceface.fr

Cordialement.

Hervé Rony
Directeur Général Snep

Merci d’avoir évoqué un internet libre et non gratuit. De plus ravi et honoré d’apprendre que nous faisons partie de ceux qui exercent une influence incontestable sur internet. Mais permettez-moi d’en douter.

Quant au débat en ligne qui serait excessif et manichéen, il est venu réveiller un vieux souvenir. Une campagne d’affichage du… SNEP qui n’était pas forcément un modèle de modération.

SNEP - affiche - doigt

Mais comme on ne va pas se quitter comme ça, voici une nouvelle chanson de l’Inconnue de la Villa Mystère 😉




Laissez le yoga libre et en paix !

Sir Mervs - CC byC’est notre ligne de front à nous. À Framasoft on n’est pas de gauche ou de droite mais on est clairement pour la défense des biens communs que certaines logiques économiques tentent de s’approprier à grands coups de lois et de brevets dont on ne me fera plus croire qu’ils sont nécessairement là pour protéger et favoriser l’innovation.

Le bien commun qui nous est cher c’est évidemment le logiciel libre mais fort de notre expérience et de notre culture, il est difficile de ne pas être également sensible aux autres champs qui sont mis à mal actuellement, à commencer par l’écologie qui sur le même modèle humaniste et résistant tente de préserver rien moins que notre planète.

La traduction que nous vous proposons aujourd’hui est une illustration aussi malheureuse qu’emblématique de ces trop nombreux jusqu’où iront-ils ? puisqu’on touche ici directement à notre patrimoine, à notre bien-être et à notre santé. Il s’agit d’évoquer les tentatives de captation marchande du… yoga, avec une pertinente mise en parallèle sur le situation de l’industrie pharmaceutique[1].

L’occasion pour moi de rappeler la sortie en poche de l’excellent livre Du bon usage de la piraterie de Florent Latrive dont le sujet est au cœur même de ce qui est exposé ici et qu’il est donc tout à fait recommandé de parcourir pour aller plus loin et ne pas se réveiller un jour pour constater que nos moindres faits et gestes appartiennent désormais à un je-ne-sais-quel-obscur ayant droit ![2]

Pouvez-vous breveter la sagesse ?

Can you patent wisdom?

Suketu Mehta – International Herald Tribune – 7 mai 2007
(Traduction Framalang : Mben, Penguin, Olivier et Daria)

J’ai grandi en voyant mon père se tenir sur la tête tous les matins. Il faisait le sirsasana, une position de yoga qui explique qu’il ait l’air si jeune à 60 ans passés. Maintenant il serait peut-être obligé de payer une redevance à un détenteur de brevet américain s’il enseignait le secret de sa bonne santé aux autres.

L’office des brevets et des marques américain a publié 150 copyrights liés au yoga, 134 brevets sur des accessoires de yoga, et 2315 marques de yoga. Il y a beaucoup d’argent à gagner en se tordant comme un bretzel — 3 milliards par an dans la seule Amérique. C’est un mystère pour la plupart des Indiens que quelqu’un puisse faire autant d’argent en enseignant un savoir qui n’est pas supposé être acheté ou vendu tel de vulgaires saucisses.

Le gouvernement indien prend la chose au sérieux. Il a mis en place une cellule qui est en train de cataloguer la connaissance traditionnelle, y compris les remèdes ayurvédiques et les centaines de poses de yoga, pour les empêcher d’être piratés et copyrightés par les revendeurs étrangers. Les données seront traduites à partir du Sanskrit ancien et des textes tamouls, stockées numériquement, et disponibles dans cinq langues internationales, de sorte que les offices des brevets des autres pays puissent voir que le yoga n’est pas originaire d’une communauté de San Francisco.

Il est important de remarquer que les premiers à breveter la sagesse traditionnelle indienne sont des Indiens, la plupart du temps à l’étranger. Nous savons saisir une occasion lorsqu’elle se présente et nous avons exporté des générations de gourous, experts dans la vente ambulante de l’épanouissement pour un dollar. Mais, en tant qu’Indiens, ils devraient savoir que l’idée même de faire breveter la connaissance est une grossière violation de la tradition du yoga.

En Sanskrit, « yoga » signifie « union ». Les Indiens croient en un esprit universel — brahman — dont nous sommes tous une partie, et qui médite éternellement. Chacun a accès à cette connaissance.

La connaissance dans l’Inde antique a été protégée par les règles des castes, et non celles de la loi ou de l’argent. Le terme « propriété intellectuelle » était un oxymore : l’intellect ne pouvant être la propriété de quiconque. Peut-être est-ce pour cette raison que les Indiens ne se sentent pas obligés de payer pour la connaissance. Des copies pirates de mon livre sont ouvertement vendues dans les rues de Bombay, pour le quart de son prix officiel. La plupart des intrigues et des musique des films de Bollywood sont tirées d’Hollywood.

Pourtant, les Indiens sont irrités à chaque fois qu’ils entendent les rapports – souvent pompeux – des Occidentaux volant leur sagesse ancienne à travers le mécanisme du droit d’auteur. Leurs craintes sont peut-être exagérées, mais elles sont répandues et reflètent l’expérience mitigée de l’Inde avec la mondialisation.

Les entreprises pharmaceutiques occidentales se font des milliards avec des médicaments qui ont souvent été au départ découvert dans des pays en voie de développement. Mais les plantes médicinales comme la margose ou le curcuma, qui sont connus pour être efficaces contre tout, du diabète aux hémorroïdes, ne rapportent rien aux pays dont les sages en ont en premier isolés les vertus. Le gouvernement indien estime que dans le monde, 2000 brevets basés sur des médicaments traditionnels indiens, sont déposés chaque année.

Les médicaments et le hatha yoga ont le même but : nous aider à mener une vie en meilleure santé. L’Inde a offert au monde le yoga gratuitement. Il n’est pas étonnant que beaucoup de personnes dans le pays trouve que le monde devrait rendre la politesse en rendant disponible à faible coût des médicaments pouvant sauver des vies, ou au moins laisser les entreprises indiennes fabriquer des génériques à faible coût. Si la position du lotus appartient à tout l’humanité, alors la formule du Glivec doit l’être aussi, le médicament pour la leucémie dont le brevet sert de base au procès d’une entreprise pharmaceutique Suisse contre le gouvernement indien.

Pendant des années, la loi indienne a autorisé ses entreprises pharmaceutiques à répliquer des médicaments brevetés en Occident et les vendre à un prix plus faible aux pays trop pauvres pour pouvoir se les offrir autrement. De cette façon, l’Inde a fourni la moitié des médicaments utilisés par les personnes séropositives dans les pays en voie de développement. Mais en mars 2005, le parlement indien, sous la pression de mettre le pays en accord avec les lois sur la propriété intellectuelle de l’Organisation Mondiale du Commerce, a voté une loi déclarant illégale la production de copie générique de médicaments brevetés.

Cela a mis des médicaments anti-rétroviraux pouvant sauver des vies hors de portée de la majorité des 6 millions d’Indiens qui ont le SIDA. Les multinationales du médicament qui protègent bec et ongles leur brevets s’opposent aux tentatives de l’Inde de modifier les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce pour protéger leurs remèdes traditionnels. Il y a plus que simplement de l’argent dans la bataille. Il y a aussi la perception que le système commercial mondial est injuste, que les dés sont pipés en défaveur des pays en voie de développement. Si la copie des médicaments occidentaux est illégal, alors le brevetage du yoga doit l’être aussi. Il s’agit également de piratage intellectuel, ou alors la propriété intellectuelle marche sur la tête.

Suketu Mehto est l’auteur de "Maximum City: Bombay Lost and Found."

Notes

[1] Sur cette problématique du yoga qui se propriétarise on pourra lire cet article du Courrier International Yoga : breveter les postures, une belle imposture ? parcourir le site anglophone au titre qui en dit long Open Source Yoga Unity et attendre la diffusion de Yoga Inc. un tout récent documentaire qui dénonce la commercialisation du yoga.

[2] Crédit photo : Sirv Mers (Creative Commons By)