Librologie 7 : Le logos de Jamendos

Bien le bonjour, fidèles lecteurs et lectrices du Framablog !

Avec l’épisode d’aujourd’hui, ces chroniques Librologiques adoptent temporairement un format un peu plus développé que précédemment, ainsi qu’une démarche davantage documentaire… sans renoncer à notre regard critique habituel, comme l’article d’aujourd’hui vous le confirmera.

Cette semaine, les Librologies et moi-même vous invitent à (re)visiter une contrée exemplaire de la culture (censément) Libre, où nous découvrirons ensemble certains aspects pittoresques du parler entrepreneurial : bienvenue chez Jamendo™ !

V. Villenave

Librologie 7 : Le logos de Jamendos

Les zones d’intersection entre le mouvement Libre et le monde capitaliste sont nombreuses dans le domaine informatique. Pas une semaine ne se passe sans que je ne découvre de nouvelles entreprises, plus ou moins volumineuses, un peu partout en France ; au niveau international, le succès de grosses entreprises telles que Redhat n’est plus à démontrer et les plus colossaux succès de la décennie précédente (et même plus tôt) ne sauraient s’expliquer sans le logiciel Libre.

La situation est sensiblement différente en ce qui concerne les œuvres culturelles sous licences Libres : l’on aurait du mal à trouver des équivalents aux exemples ci-dessus, en termes de quantité ou d’envergure. (Nous avons d’ailleurs présenté, dans la chronique précédente, quelques facteurs d’explication : un retard d’environ quinze ans du mouvement Libre dans le domaine culturel par rapport à l’informatique, un relatif désintérêt de la communauté Libriste par rapport à ce qui sort du champ de la culture de consommation, et l’opinion répandue que, de façon générale, l’art est d’une moindre utilité que les logiciels.) Et pourtant, quelques entreprises se font jour dans le domaine culturel, qui tentent de transposer, à une échelle réduite, certains business models de l’informatique Libre.

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Un exemple parlant, sur lequel je voudrais m’attarder aujourd’hui, est à trouver auprès du site jamendo.com, dont nous tout d’abord allons voir comment il se présente sur sa page Wikipédia au moment où je rédige cette chronique :

Jamendo est un site Web qui propose des albums de musique en téléchargement gratuit. Les artistes, qui autorisent cette gratuité pour les internautes grâce aux licences ouvertes, peuvent, s’il le souhaitent, être rémunérés grâce aux dons des utilisateurs, au partage de 50 % des revenus publicitaires de Jamendo, ou encore grâce à la vente de licences d’utilisation commerciales de leur musique.

Le site Internet Jamendo est l’un des principaux acteurs du mouvement des musiques libres en France, avec un positionnement annoncé comme « le Red Hat de la musique libre ». Jamendo est une start-up, basée au Luxembourg. Elle a été financée fin août 2006 par Mangrove Capital Partners, les investisseurs de Skype. Fin 2008, Jamendo est entré en concurrence avec la SACEM et les éditeurs traditionnels en créant Jamendo Pro, un site annexe basé sur le principe de CC Plus qui propose des licences pour l’utilisation commerciale de la musique à des prix compétitifs.

Pour approximative et maladroite qu’elle soit, cette description — qui a d’ailleurs peut-être été mise à jour depuis que je l’ai relevée — n’en mérite pas moins d’être citée et commentée avec soin.

Jamendo est un site Web qui propose des albums de musique en téléchargement gratuit.

Notons que nulle part dans cette phrase, pas plus que dans la suivante, n’apparaît le mot « Libre ». On parle de gratuité, terme très différent et éventuellement orienté (j’y reviens). Je remarque par ailleurs, ce qui pourrait sembler évident mais ne l’est pas nécessairement, que sur Jamendo l’unité de mesure de la musique est l’album.

Les artistes, qui autorisent cette gratuité pour les internautes grâce aux licences ouvertes, peuvent, s’il le souhaitent, être rémunérés grâce aux dons des utilisateurs, au partage de 50 % des revenus publicitaires de Jamendo, ou encore grâce à la vente de licences d’utilisation commerciales de leur musique.

Avec la gratuité, la « rémunération » : un vrai catalogue des mots interdits de Richard Stallman. Je tique quant à moi sur le terme « artistes », qui est le terme employé à l’envi par une certaine propagande gouvernementale. Comme je l’ai déjà exposé, être « artiste » est un statut social, pas une profession : les termes « musiciens », « auteurs », « interprètes » auraient ici été plus précis et moins orientés.

Le mot « Libre » est encore une fois absent, remplacé par des « licences ouvertes », traduction peu élégante (sinon impropre), du terme open dans l’expression open-source ; en fait, la tournure de cette proposition est tellement maladroite et révélatrice que je vous propose de la lire à nouveau :

Les artistes autorisent cette gratuité pour les internautes grâce aux licences ouvertes.

Nous y sommes : en un mouchoir de poche sont mis en rapport la gratuité et les « internautes » (implicitement désignés comme seuls détenteurs d’une supposée « idéologie du tout-gratuit » que j’ai déjà amplement pourfendue), et la « licence » n’est plus que le moyen qui permet d’autoriser cette mise en rapport.

Sur 62 mots dans ces deux premières phrases, plus de 40 ont été consacrés exclusivement à des aspects monétaires (gratuité et rémunération). Ce champ lexical économique/entrepreneurial se poursuit dans le second paragraphe, avec des termes tels que « positionnement », « start-up », « investisseurs », « concurrence avec la SACEM » (sic !!), « utilisation commerciale à des prix compétitifs ».

funny-pictures-concerto-cat.jpgBref, Jamendo est une entreprise sérieuse et veut que cela se sache. L’influence du modèle Red Hat est revendiquée et effectivement perceptible… Mais peut-être faudrait-il précisément étudier de plus près l’image même dont bénéficie cette dernière société auprès des communautés Libristes. En effet, l’enthousiasme et la confiance du monde Libre vis-à-vis de Red Hat me semble s’expliquer moins par son succès en tant qu’entreprise, que par ses contributions actives au monde du logiciel Libre : Red Hat figure parmi les plus gros contributeurs au noyau Linux, développe une distribution GNU/Linux et quelques outils précieux, et surtout emploie quelques-unes des personnalités prééminentes du logiciel Libre : Lennart Poettering, Adam Jackson, David Airlie, Tom Calloway, Richard Fontana ou Adam Williamson, pour n’en citer que quelques-uns… Avant de qualifier Jamendo de « Red Hat de la musique Libre », il conviendrait donc de chercher d’abord où se trouvent ses contributions au mouvement Libre en général.

C’est ce que nous allons tenter de faire ici, avec une chronique sensiblement plus longue que d’habitude (oui, tout ce qui précède n’était que l’entrée en matière !). Avant d’aller plus loin, je me dois de préciser céans que je n’ai jamais été impliqué dans aucune polémique concernant Jamendo ; je n’ai eu qu’une seule occasion de rencontrer l’un de ses dirigeants, je n’ai contribué qu’à un seul album et n’ai posté qu’un seul message sur le forum — quant à mes propres pratiques musicales, elles se situent à peu près aux antipodes de tout ce que Jamendo peut connaître. Je ne suis pas proche de bloggueurs anti-jamendistes, et j’ai moi-même eu l’occasion de promouvoir des « artistes Jamendo » notamment dans le cadre de mon engagement au Parti Pirate jusqu’en 2010. Comme dans toutes ces chroniques, je ne cherche ici qu’à relater méthodiquement de quelle façon Jamendo m’apparaît aujourd’hui et pourquoi je parviens à ce point de vue.

La figure publique du site est le jeune français Sylvain Zimmer, nommé Jeune Entrepreneur de l’année 2009 au Luxembourg pour le succès de Jamendo. Derrière lui se trouvent les (moins jeunes) entrepreneurs luxembourgeois Pierre Gérard et Laurent Kratz, déjà associés auparavant dans plusieurs start-ups sans aucun rapport — pour autant que je puisse en juger — avec la musique ou les licences alternatives.

S’il ne brille pas par sa transparence, le montage financier derrière Jamendo peut être reconstitué au prix d’une recherche dans le Mémorial C du Grand-Duché. Fondée en novembre 2004, la société éditrice du site se nomme originellement Peermajor, au capital de 12.500€ dont seulement 500€ détenus par M. Zimmer, le reste étant investi par la société N4O, fondée le même jour par MM. Gérard et Kratz, au capital de 50.000€ (laquelle, si je comprends bien, sert également de parapluie pour leurs autres entreprises Neofacto ou Neonline — qu’ils vendront par la suite à New Media Lux). En 2007, M. Zimmer constitue sa propre entreprise, (judicieusement) nommée BestCaseScenario, et rachète un tiers des parts. Quelques semaines plus tard, Peermajor suscite l’intérêt de l’investisseur capital-risque (venture capitals) Mangrove, lequel porte capital de l’entreprise à 21.600€ (dont 1.100€ investis par Bryan Garnier Holdings). Fin 2007 est créée la société Jamendo S.A., au capital de 31.000€ (qui sera porté en 2009 à 38.600€, toujours par Mangrove). L’affaire s’avérant moins rentable qu’espéré, Jamendo est au bord du dépôt de bilan au printemps 2010… lorsqu’elle trouve en la société MusicMatic un investisseur motivé qui, avec 500.000€ euros supplémentaires (sur deux millions initialement demandés !), en prend le contrôle total.

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De tout cela, il me semble ressortir plusieurs choses. La première est que M. Zimmer, s’il est la figure publique la plus visible et celui dont la success story est mise en avant, n’a en réalité jamais eu de véritable pouvoir dans le projet. La deuxième est que dès son origine, Jamendo a pour finalité d’être, au moins à moyen terme, financièrement rentable ; et la troisième enfin, que cet objectif n’a cessé, au fil des ans et des investissements, de se faire plus pressant. Cette évolution n’a pas été sans être perçue par les contributeurs au site (chanteurs et musiciens), particulièrement ceux des premiers temps qui avaient initialement cru trouver en Jamendo un projet essentiellement communautaire et en adéquation avec leur éthique.

Ainsi des tentatives de « monétisation » du site, sous des formes plus ou moins voyantes : l’arrivée d’encarts publicitaires sur les pages du site, par exemple, souleva en 2006 des parodies mordantes et critiques enflammées mais non dépourvues de fondement. D’un point de vue juridique tout d’abord, comment concilier cette démarche avec la présence sur Jamendo de nombreuses œuvres sous licences interdisant les usages commerciaux ? Mais la véritable question était d’ordre éthique : difficile pour des contributeurs ayant fait le choix (difficile et ingrat, nous y reviendrons) des licences alternatives, de voir leur travail servir de revenu monétaire à une entreprise en laquelle ils se reconnaissaient de moins en moins. Cette dimension éthique (aussi bien que les subtilités juridiques, d’ailleurs) sembla échapper aux dirigeants : pour citer M. Zimmer dans le texte (ce n’est pas moi qui souligne), « il faut savoir aller jusqu’au bout de ses idées. « libre » ca veut dire que demain SFR prend le CD et le met dans une de ses pubs sans demander l’autorisation. » Euh, pardon ?

En fin de compte, la seule réponse de l’entreprise fut d’ordre ni éthique ni juridique, mais financier : en offrant aux contributeurs la possibilité (sic) de toucher la moitié des revenus publicitaires, Jamendo acheva de montrer quelle était son optique… Tout en s’achetant — littéralement — l’image d’une entreprise agissant « pour les artistes ». (Ce qui n’est d’ailleurs que partiellement vrai, dans la mesure où Jamendo ne redistribue de pourcentage des dons et recettes que lorsque ceux-ci atteignent un certain plafond, excluant donc de fait une large part des contributeurs.)

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Bannière apposée en 2006 sur certaines jaquettes
La bannière en question fut enlevée par les administrateurs. Bien joué.

C’est peu dire qu’il existe, dans le milieu Libriste, plusieurs voix de dissension vis-à-vis de Jamendo. Certaines, autant le dire, ne sont pas toujours très élaborées, ou se contentent parfois d’une posture anti-capitaliste, voire d’un brin de nationalisme lorsque l’on suggère qu’il n’est pas innocent que Jamendo ait choisi son pays de résidence hors des frontières de la France natale de M. Zimmer. Je passerai très vite sur cette critique de fort mauvais goût : n’ayant jamais eu le bonheur de m’y rendre, je ne peux douter que le Luxembourg soit une contrée très agréable dont les appas ne sauraient se résumer à son régime fiscal et bancaire notoirement paradisiaque — par une touchante et merveilleuse coïncidence, c’est également ce pays qu’a choisi la firme Apple (dont on connaît trop peu la sensibilité aux charmes des grand-duchés d’Europe), pour y implanter son service iTunes un an avant Jamendo.

D’autres encore se sont concentrés sur le rejet de la publicité, les violations de licences (notamment non-commerciales). Ou encore, la désinvolture des administrateurs vis-à-vis du droit d’auteur, qui n’hésitent pas à modifier la licence d’œuvres sans même en informer leurs auteurs, ou à tenter de censurer des opinions peu favorables à la société (outre l’exemple ci-dessus, nous en verrons un autre plus bas).

D’autres enfin dénoncent, à juste titre, le manque d’information de nombreux « artistes » qui choisissent des licences non-Libres, ou encore s’inscrivent à la fois à la SACEM et sur Jamendo, montrant par là qu’ils voient en ce site comme une simple plateforme de diffusion comme une autre, branchée et « sociale » — quand de fait, tout les y invite. Enfin certaines critiques de Jamendo me semblent mériter une attention particulière, qu’elles se concentrent sur le vocabulaire employé par le site à des fins promotionnelles (comme nous le ferons ici-même) ou fassent feu de tout bois de façon caustique.

S’ils se trompent certainement en considérant que Jamendo a « mal tourné » (nous avons vu que la recherche de profit était inscrite dès le début, comme dirait son PDG actuel, dans l’ADN de Jamendo), il est compréhensible que ces commentateurs aient été frappés par la façon dont le site a évolué au cours des ans :

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Jamendo en 2005

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Jamendo en 2006

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Jamendo en 2008

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Jamendo en 2009

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Jamendo en 2011

Coins arrondis, dégradés, gros boutons, évolution des couleurs et du logo : le design se modernise et surtout, pour reprendre le langage des sites d’entreprise, se professionnalise. Ce qui frappe également, c’est la conquête de l’image : les photos, dans un premier temps, se multiplient, puis s’agrandissent. Elles changent également de nature, des jaquettes d’« albums » soumises par les utilisateurs, on passe à quelques jaquettes sélectionnées, puis aujourd’hui à des photos illustratives « de stock » entièrement choisies par les responsables du site. Cependant, pour révélateur qu’il soit, l’habillage importe peu ; le logo de Jamendo m’intéresse moins que son logos, c’est-à-dire le message qu’il propage, volontairement ou non, à travers ses choix terminologiques.

À l’heure où j’écris ces lignes, la première information visible (et mise en avant) sur le site, est le nombre de pistes sonores disponibles : il s’agit là du vertige des grands nombres que nous évoquions récemment, et de cette manie de la quantification des contenus culturels. Le slogan, après cinq ans de Ouvrez grand vos oreilles, a été remplacé par Le meilleur de la musique libre, dans une formulation inspirée par les radios commerciales et les hits-parade en tous genres.

Mais qu’entend-on ici par « libre » ? Comme l’admet volontiers M. Zimmer lui-même, parler de « musique libre » comme l’on parle de « logiciel Libre » n’a « pas beaucoup de sens » à ses yeux : « c’est un débat valide, dit-il — ce qui n’est pas mon avis —, mais peu intéressant. » Est-ce à dire que le site-phare du Libre… se soucie peu de savoir s’il l’est ? Nous y reviendrons dans un instant.

Comme toute entreprise moderne, Jamendo se doit de faire oublier qu’elle est une entreprise : merveilles du branding, l’on ne dira plus (comme dans une interview de M. Zimmer en 2005) « les artistes de Jamendo », « les artistes qui sont sur Jamendo » ou « les artistes présents sur Jamendo »… Mais l’on dira : « les artistes Jamendo », « l’expérience Jamendo », « de la musique Jamendo » et, il fallait s’y attendre, « du contenu Jamendo ». Oubliez l’entreprise : Jamendo est une marque (dépôts 948744 et 4425021 à l’INPI).

Nous avons établi clairement, à ce stade, que Jamendo™ se définit — dès ses origines même — par sa démarche entrepreneuriale, au détriment d’une (re)connaissance des licences Libres et du mouvement qui les sous-tend. Dans l’interview de 2005 déjà mentionnée, M. Zimmer avance les arguments « culturels » classiques (« la musique, c’est avant tout une passion avant d’être une histoire de thunes »), et laisse échapper quelques idéologèmes révélateurs : « La propriété intellectuelle, ça existe. (…) les sanctions (pour téléchargement illégal) ne devraient pas dépasser l’amende pour vol d’un CD à l’étalage » — mais pourquoi diable ? — ou encore « La moitié de l’équipe de Jamendo bosse sous Mac ! iTunes c’est bien, sinon ça ne marcherait pas autant », et enfin l’immanquable « un balayeur est un balayeur, mais un artiste local n’est pas inconnu »euh, comment dire…

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En admettant que la recherche du profit n’est pas une idéologie en soi (voire !), il me semble qu’on est amené, lorsque l’on voit Jamendo™ comparé par M. Kratz à un « Wikipédia de la musique », à se demander si ses dirigeants ont véritablement compris les tenants et aboutissants du mouvement Libre. M. Gérard est plus décomplexé sur son blog (où l’on appréciera par ailleurs le jargon entrepreneurial : « deal », « fourniture », « le shop » et j’en passe) : « L’objectif principal pour nous est bien sûr le développement commercial, notre ambition est de mettre en place de meilleurs canaux commerciaux et aussi des flux musicaux d’encore meilleure qualité. Car avant tout ne l’oublions pas, Jamendo c’est de la musique et souvent de la bonne musique en libre téléchargement gratuit et légal pour le grand public ! ».

« Libre téléchargement » étant bien sûr à prendre ici au sens de « libre de droits », expression abusive sur laquelle nous reviendrons. Quant à l’expression « téléchargement gratuit et légal » (adjectifs auxquels s’adjoindra à l’occasion « illimité », voir ci-dessous), elle est simplement calquée sur les argumentaires publicitaires de fournisseurs d’accès ou de sites commerciaux.

Jamendo™ se définit lui-même comme fournisseur de musique (ainsi l’on ne parlera ni de « répertoire » ni de « catalogue », mais d’« offre »), et son « cœur de cible » est moins à chercher parmi les mélomanes que parmi les échoppes et salons de coiffure, où la musique se diffuse au kilomètre et se vend au poids : « des milliers d’heures de musique sans interruption » (ce n’est pas moi qui souligne). On comprend mieux, dès lors, l’intérêt de MusicMatic pour Jamendo™ :

MusicMatic gère et diffuse des flux musicaux et vidéo pour les réseaux de points de ventes (et leur offre) une réelle solution innovante de diffusion de musique et de contenu.(…)

Aujourd’hui la maturité des technologies de transmission de données, un hardware performant et une suite de logiciels propriétaires (sic) ont permis à MusicMatic de concevoir une plateforme unique qui crée, diffuse et gère en temps réel des centaines de programmes.

Revoilà donc l’idéologie du contenu, sur laquelle nous avons déjà dit tout ce qu’il y avait à dire : Jamendo™ est, en définitive, un exemple parmi d’autres de la marchandisation de l’User-Generated Content que nous décrivions il y a peu.

Je dis ici « parmi d’autres » de façon très littérale ; si je devais placer ici une référence à Roland Barthes, je parlerais du motif de l’identification qui consiste à dire qu’après tout, les autres civilisations sont « comme nous ». Étant établi que « iTunes c’est bien », alors de Jamendo™ à Deezer il n’y aura qu’un pas, et l’on essayera même très, très, très, très fort de s’intégrer à Facebook™ :

Vivez à fond l’expérience Jamendo sur Facebook !

Installez l’application Jamendo sur votre profil Facebook et profitez de Jamendo dans un environnement Facebook ! (…)

En outre, vous disposerez d’un onglet Jamendo sur votre profil Facebook sur lequel s’afficheront vos albums favoris. Quoi de mieux pour afficher les perles rares que vous avez découvertes sur Jamendo !

N’attendez plus, installez l’application Jamendo pour Facebook dès aujourd’hui !

(Petit jeu : à votre tour Jamendo™, maîtrisez le branding Facebook™ et apprenez à faire de la publicité Jamendo™ ! En toute simplicité Facebook™, il vous suffit de faire des phrases Jamendo™ normales puis d’adjoindre derrière chaque substantif Facebook™, tantôt le mot Jamendo™, tantôt le mot Facebook™. Étonnant, non ?)

Ce qui me frappe le plus, c’est à quel point cette terminologie est en fait, au mot près, celle du système traditionnel, des majors du disque (auquel M. Zimmer se réfère explicitement, comme en témoigne le nom de sa société Peermajor ou cette charmante expression de « concurrence avec la SACEM » sur la page Wikipédia) au gouvernement en passant par la SACEM et la HADŒPI. Nous avons déjà évoqué le substantif « artistes », l’expression « propriété intellectuelle » ou le « contenu », le jargon publicitaire et entrepreneurial stéréotypé, les procédés de branding et l’emphase constante sur les aspects monétaires et quantifiables ; nous avons vu également que ce logos n’était pas dû à l’évolution du site, mais présent dès son origine.

(Autre petit jeu : parmi les réclames suivantes — bourrées de prénoms — se cachent deux publicités datant de janvier 2005. L’une concerne un site (censément) Libriste, l’autre une action de propagande gouvernementale anti-« piratage ». Saurez-vous trouver lesquelles ?)

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De fait, Jamendo™ semble entretenir avec la législation un rapport complexe, voire borderline. Au moment de l’élaboration de la loi dite dadvsi en 2006, si de nombreux contributeurs voient naturellement en Jamendo™ un allié « Libre » contre le gouvernement, le site (d’ailleurs de droit luxembourgeois et non français) se montre en fait d’une discrétion remarquable. En 2009, Jamendo™semble vouloir corriger le tir en se « positionnant » contre la loi dite hadopi, qualifiée d’« idiote » (suivant en cela le positionnement d’autres entreprises censément Libres, telle ILV à qui une large part du présent article pourrait d’ailleurs également s’appliquer). Les deux initiatives successivement lancées à cette occasion auront en commun de parodier des actions du gouvernement, et d’aborder la problématique, de nouveau, sous un aspect exclusivement économique.

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Pendant ce temps, le même Jamendo™ s’emploie en fait à cultiver de bonnes relations avec le gouvernement français et la SACEM : par exemple, en 2011 le site se précipitera pour demander une accréditation officielle. S’il n’est pas le seul à entreprendre cette démarche, sa justification quelque peu embarrassée et à teneur enrichie en idéologèmes, vaut le détour :

Nous avons critiqué la loi Hadopi qui, pour nous, est une mauvaise réponse à un vrai problème.

Lequel « vrai problème » n’est pas, comme nous l’aurions naïvement cru, la volonté des puissants d’assujettir les citoyens-internautes, mais… le comportement des « nouvelles générations » ; comportement qu’il n’est d’ailleurs pas dangereux (ou dommageable à la démocratie) de vouloir réprimer, mais simplement « illusoire » :

Il est, à notre sens, illusoire de vouloir imposer aux nouvelles générations des règles de comportements complètement dépassées. De nombreux artistes, des labels et des plate-formes Internet ont également critiqué cette loi et surtout son aspect répressif. L’avenir nous permettra de juger.

La répression n’est donc pas le but de cette loi, mais — comme le gouvernement nous l’a doctement expliqué — seulement un « aspect » ; d’ailleurs pourquoi s’en faire, puisque cette loi ne fonce pas droit dans le mur, mais ouvre un « avenir » — que rien n’empêche d’être radieux… Admirons maintenant la figure de gymnastique rhétorique par laquelle le locuteur aboutit à une conclusion qu’il présente (à ses propres yeux ?) comme logique :

Demander le label Hadopi n’est donc (sic !) pas pour Jamendo un revirement de position. Si nous obtenons ce label cela permettra aux artistes diffusant leur musique sur notre site et aux internautes qui les écoutent, de savoir que cette offre est totalement légale. (…) Être présent aux côtés des plus grands acteurs de la musique comme les Majors et des start-ups les plus dynamiques ne peut que valoriser notre démarche et garantir la diversité de l’offre musicale.

« Diversité » : encore un terme idéologiquement très chargé, emprunté directement au logos gouvernemental. Quant à la « valorisation » évoquée, il faut bien évidemment l’entendre au sens de valeur monétaire et c’est bien là, on est prêt à le croire, la motivation de l’entreprise.

Lorsque l’on ne peut décemment expliquer que tout le monde est en fait d’accord depuis toujours — ce serait un peu gros —, la solution de rechange est ce procédé rhétorique de fausse concession que Barthes décrit sous le nom de « vaccine » (notamment dans son analyse des publicités pour la margarine Astra). En l’occurrence, cela revient à dire aux internautes : « certes, nous avons eu nos divergences par le passé ; mais elles étaient finalement inessentielles, et de toute façon tout cela est derrière nous aujourd’hui. » C’est ainsi que les Assises du piratage proposées par le gouvernement français en janvier 2009, avec les bons soins de l’agence publicitaire Aromates, se sont transformées en assises… de la Réconciliation ! Assises au demeurant sponsorisées par…

(Un dernier petit jeu : parmi les sponsors de ces « assises », se cache une entreprise censément Libre. Saurez-vous trouver où ?)

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La présente chronique, si longue soit-elle, ne prétend pas à l’exhaustivité. Cependant elle serait certainement incomplète si je n’abordais pas ici le point saillant terminologique qui m’a à l’origine, disons, vivement incité à l’écrire : j’aimerais comprendre ce que PRO veut dire.

Début 2009, alors même que M. Kratz explique doctement que « (son) métier, c’est la désintermédiation d’artistes autoproduits », Jamendo™ lance une nouvelle opération commerciale intitulée (ou brandée) Jamendo Pro. L’activité de cette subdivision, si je comprends bien, se nomme licensing et consiste à vendre des exceptions de licence, réinventant d’ailleurs une pratique du milieu informatique Libre : moyennant finance, le client s’exonère des clauses de la licence de l’œuvre (Libre ou non-Libre, copyleft ou non, non-commerciale ou pas). En d’autres termes, nous ne sommes plus dans le Libre mais dans le libre de droits et c’est d’ailleurs comme cela que le site se présente initialement :

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Ce qui soulève plusieurs questions. Tout d’abord, les artistes sont-ils pleinement informés et conscients de l’exploitation qui sera faite de leur travail ? Pour certains, la réponse est non et la démarche de Jamendo™ confine à l’escroquerie. Une pétition sera même lancée, un mouvement de contestation se fait jour avec le mot d’ordre « No Pro », que Jamendo™tentera, à nouveau, de censurer. D’un point de vue juridique ensuite, rendre une œuvre « libre de tous droits » étant absolument impossible en droit français, il n’est possible de s’en approcher que moyennant un contrat très précis entre le récipiendaire et l’ayant-droit principal (l’auteur, auquel Jamendo™ se substitue ici). Par ailleurs, je reste particulièrement dubitatif quant à la valeur juridique de ces « certificats » de Non-Sacemité que prétend délivrer Jamendo™ : outre qu’ils n’exonèrent pas, par exemple, des redevances dites de rémunération dite « équitable », ils s’ajoutent de façon parfaitement superflue aux licences alternatives déjà appliquées aux œuvres. Certes, nous avons pu voir qu’en matière de licences Libres Jamendo™ n’en est pas à une approximation près…

Enfin d’un point de vue éthique : l’idéologie du mouvement Libre (que j’ai amplement décrite ailleurs) vise à rendre aux auteurs le contrôle et la place dont tout un système d’intermédiaires les avait dépossédés, et ce que fait ici Jamendo™ est… très exactement l’inverse. Cependant, il me semble que toutes ces critiques, si méritées soient-elles, laissent de côté le plus ahurissant, qui à mon sens se trouve dans l’intitulé même : Jamendo Pro.

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La première lecture que j’en fais (au-delà de l’aversion que m’inspire la dichotomie arbitraire amateur/professionnel) est tout simplement que, pour un « artiste », la seule façon d’être « pro » est de renoncer à sa licence Libre. La propagande du gouvernement, des industriels et de la SACEM ne dit pas autre chose : « nous ne reconnaissons pas l’existence de licences alternatives, car nous nous adressons aux vrais professionnels » — je ne compte plus les fois où des interlocuteurs me l’ont affirmé en face.

Deuxième lecture possible, ce vocable « Pro » ne qualifierait pas les auteurs et musiciens eux-même, mais la clientèle potentielle de Jamendo™ : commerçants, restaurateurs, salons de coiffure. En y réfléchissant bien, c’est peut-être encore pire : cela reviendrait à diviser la société en deux. D’un côté, les « professionnels » : ceux qui coiffent, ceux qui tiennent boutique, en un mot ceux qui vendent. Et de l’autre… eh bien de l’autre les « artistes » : comme je l’expliquais au début même de cet article, ce mot-idéologème désigne un statut social, et non une profession.

Enfin, la dernière lecture possible — si elle ne rend guère hommage à l’intelligence et l’intégrité des tenanciers de Jamendo™ — est peut-être la moins dégradante et la plus probable : il s’agirait tout simplement d’une marque, d’un slogan destiné à appâter le chaland de même que l’on ne compte plus les entreprises qui proposent des produits « pro » sans nécessairement définir ce qu’elles entendent par là.

Admettons donc, comme nous l’avons fait depuis le début de cet article, que Jamendo™ n’est qu’une entreprise parmi d’autres, qui tente de survivre et se développer dans l’écosystème capitaliste moderne. De fait, son existence même n’est pas sans présenter quelqu’intérêt : success story édifiante (dont on ne peut que souhaiter qu’elle se perpétue), tentative de définir un modèle alternatif (même si ledit modèle s’avère fortement similaire au système antérieur)… Le site même de Jamendo™, dont nous avons souligné — peu innocemment — l’aspect professionnel, offre à de nombreux musiciens et auteurs, Libristes ou non, un espace prêt-à-l’emploi, d’allure sympathique et à forte visibilité — ce qui constitue d’ailleurs l’argument principal et le moins contestable, pour le meilleur et pour le pire, du projet Jamendo™. Comme je le disais plus haut, il m’est moi-même arrivé d’en faire usage et de le recommander ; si certaines de ses initiatives me laissent indifférent, j’en trouve d’autres originales et brillantes, telle cette page qui permet aux mélomanes de trouver des alternatives « Libres » aux musiciens les plus célèbres, exactement comme il en existe du côté des logiciels (je ne suis pas choqué par l’idée de ne pas considérer les œuvres d’art différemment des logiciels).

Cependant, je suis saisi (comme d’autres avant moi) par l’ambigüité du choix de Jamendo™, ou plutôt de son refus de choisir explicitement, entre « faire des affaires » (comme le père de Prévert), et se faire l’avocat des licences Libres. (Tout particulièrement lorsque ce dernier domaine semble ici si mal maîtrisé.) Cette posture de « Libriste malgré soi », Jamendo™ l’a plus ou moins assumée à ses débuts, porté par un élan de sympathie de la communauté Libriste qu’il n’a ni su, ni voulu, rejeter ; aujourd’hui encore il ne se passe pas un trimestre sans que Jamendo™ soit cité en exemple, par exemple dans le récent dépliant publicitaire de la fondation Creative Commons The Power Of Open (du reste entièrement financé par Google®), ou encore dans des colloques ou salons. J’ai moi-même eu l’occasion de me retrouver à un débat public, seul représentant — légitime ou non — du mouvement Libre dans un traquenard pseudo-« indé » organisé à la gloire de la S.A.C.E.M. et des industries culturelles, au côté de M. Gérard qui faisait ici office d’alibi « alternatif » alors qu’il n’était venu que dans l’espoir très modeste de promouvoir ses produits…

Serait-ce à dire que, délibérément ou non, Jamendo™ jette le discrédit sur la « culture Libre » toute entière ? Ce risque, s’il me semble réel, ne m’inquiète pas outre mesure : l’histoire nous a montré que l’évolution de l’art et de la culture appartient aux auteurs davantage qu’aux intermédiaires. À mon sens, le principal intérêt du site jamendo.com est l’espace de côtoiement qu’il constitue, fortuitement, entre différents modes de pensée et de consommation culturelle, et qui nous a ici permis d’examiner de nombreux points de frictions et de divergences.

Le — relatif — succès commercial et entrepreneurial que représente aujourd’hui Jamendo™ n’est ni une victoire, ni une défaite du Libre : ce sont deux phénomènes indépendants. Quelque sentiment d’agacement l’on puisse ressentir devant le discours de ses responsables (propos inélégants, imprécisions conceptuelles ou terminologies orientées), Jamendo™ ne me semble mériter d’autre antagonisme que celui de ses concurrents, et d’autre enthousiasme que celui de ses actionnaires ; quant à son attitude envers le mouvement Libre, elle témoigne moins d’un mépris que d’une méconnaissance profonde. L’éthique Libre n’est pas indésirable chez Jamendo™ : elle lui demeure seulement, ontologiquement et irréductiblement, étrangère.




Geektionnerd : Blender 2.57

Blender 2.57 vient de voir le jour. Pour une visite guidée c’est ici.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Tu ne partageras pas ta carte marine, nous raconte La Pérouse en 1787

Norman B. Leventhal Map Center at the BPL - CC byQuand on n’y connaît rien en informatique, il est difficile de s’émouvoir du discours passionné d’un utilisateur de logiciels libres détaillant avec emphase les quatre libertés garanties par leur licence.

Le libriste pédagogue aura donc souvent recours à des analogies pour éclairer son auditoire, la plus courue étant sûrement celle de la recette de cuisine. Dans ce billet nous nous proposons d’y ajouter l’exemple, ou plutôt le contre-exemple, des cartes marines[1].

Plongeons-nous, c’est le cas de le dire, plusieurs siècles en arrière pour retrouver un observateur sceptique face aux règles mises en place par les grandes compagnies maritimes de l’époque pour protéger la connaissance et en tirer profit face à la concurrence.

En effet, j’ai lu récemment et avec beaucoup de plaisir le « Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole » du grand navigateur Jean-François de La Pérouse qui mena une campagne d’exploration scientifique du Pacifique de 1785 à 1789.

Ce récit est empreint d’humanisme, d’intelligence et de générosité. Le voyage s’est déroulé sur un bateau en bois et à voiles, du temps où ordinateur, GPS et autres balise Argos n’existaient évidemment pas. Mais, d’un certain point de vue, ces marins avaient un savoir et un savoir-faire supérieurs aux nôtres car ils ne pouvaient avoir recours à ces outils en cas de problèmes.

Dans son journal, La Pérouse note que les capitaines hollandais partant de Batavia vers le Japon devaient prêter serment, à leur compagnie, de ne pas divulguer leurs cartes marines. Ces cartes qui compilaient l’ensemble des informations collectées par les voyageurs précédents, dans ces terres inconnues où le moindre récif pouvait amener le naufrage.

La Pérouse - Gallica - Domaine Public

Extrait du livre issu de Gallica, le service numérique en libre accès de la Bibliothèque Nationale de France.

Pour les compagnies, l’enjeu était de taille : elles vivaient du commerce des produits du Japon. Elles cherchaient à avoir une position exclusive, pour s’assurer des bénéfices maxima. Afin d’empêcher la concurrence, elles privaient les autres marins de leurs avancées cartographiques, et elles interdisaient d’éventuels rivaux par des contrats bilatéraux avec les dirigeants locaux.

Le serment des capitaines n’était pas sans conséquence. Un officier de marine convaincu d’avoir permis la consultation de ses cartes à un tiers aurait été dégradé, privé de commandement, banni de son pays.

Mais une autre conséquence c’est que chaque compagnie devait créer ses propres cartes et malheur à celle qui envoyait ses bateaux dans des zones non encore renseignées chez elle.

Le logiciel libre est issu de l’informatique mais aussi de tous ceux qui, avant lui, se sont battus pour la non appropriation des biens communs.

Notes

[1] Crédit photo : Norman B Leventhal Map center at the BPL (Creative Commons By)




Quand la ville de Marseille écarte GNU/Linux en faveur de Windows 7

Elvire.R. - CC byCela fait déjà couler beaucoup d’encre sur la liste de diffusion de l’April et sur le forum d’Ubuntu-fr. La ville de Marseille, après étude comparative, a décidé cet été de faire « converger tous les postes de travail sous l’OS Windows Seven ».

C’est une bien mauvaise nouvelle qui, espérons-le, ne fera pas jurisprudence (sur l’argent de nos impôts).

Mais il est à noter que contrairement à une certaine mauvaise habitude prise dans le passé par les collectivités, la solution GNU/Linux a, semble-t-il, cette fois-ci été sérieusement évaluée.

Pour ce qui est des arguments avancés, je vous laisse juge, dans les commentaires, de leur pertinence puisque nous avons reproduit (et souligné) ci-dessous un large passage du communiqué motivant et justifiant cette décision[1].

Remarque : Il est cependant fait mention d’une migration vers OpenOffice.org, ceci venant un peu compenser cela.

Marseille dit Oui à Windows Seven et Non à GNU/Linux

DSI de Marseille – 22 juillet 2010 – Note interne (extraits)

Note à l’attention de tous les personnels de la Direction des Systèmes d’Information

Objet : Poste de travail

Dans un esprit de rationalisation et d’économie la DSI a décidé de simplifier sa politique concernant le poste de travail comme suit :

  • unicité du poste de travail sur PC, les postes Mac seront progressivement supprimés, le déploiement des Mac étant d’ores et déjà arrêté,
  • convergence de tous les postes à terme sous l’OS « Seven de Microsoft ».

Notre souci de rationaliser les technologies dont nous avons la charge ainsi que les évolutions technologiques autour du poste de travail, nous conduisent à porter une réflexion particulière au poste de travail de « demain ».

En réponse à l’objectif de rationalisation, il a été décidé de mettre fin au déploiement de postes de travail de type Apple.

En réponse à l’objectif de suivi des évolutions technologiques, il est nécessaire de qualifier l’OS qui sera installé sur les PC. Suite à la mise en place de la nouvelle organisation au sein de la DSI, le périmètre de l’étude d’opportunité sur l’OS Linux pour les postes de travail a été revu en s’orientant vers une étude comparative des OS Linux et Windows Seven.

Au regard de ces conclusions, le comité de direction du 5 juillet a acté que Windows Seven serait l’OS déployé dorénavant sur les postes de travail.

Les principales raisons de ce choix sont les suivantes :

  • la faible part de marché détenue actuellement par Linux considérée comme un risque quant à sa pérennité,
  • l’inconvénient d’amener avec Linux un changement d’usage fort pour la majorité de nos utilisateurs alors que nous les sollicitons et les solliciterons pour bien d’autres changements prévus (exemple : éradication des postes Mac, utilisation de Open Office, changement d’outil GroupWare, la politique d’impression…),
  • notre stock d’applications métiers n’utilisant pas les technologies Web indispensables à un portage sous Linux et l’analyse nous portant à penser que les éditeurs fourniront en premier lieu leur version compatible pour Seven avant de proposer celle pour Linux.

Les atouts de Linux tels que l’économie sur les licences et l’autonomie technique ont bien été considérés mais ne suffisent pas pour contrebalancer l’avantage donné à Seven dans les conclusions de notre étude.

On peut trouver ici le document scanné dans son intégralité.

Notes

[1] Crédit photo : Elvire.R. (Creative Commons By)




Les 7 péchés de Windows parlent déjà 7 langues

Techedlive - CC by-saNous reproduisons un communiqué de l’April dans la mesure où nous sommes directement impliqués.

Il s’agit de l’annonce de la traduction en plusieurs langues de la campagne « Les 7 péchés de Windows » de la Free Software Foundation.

Nous en avions parlé ici-même à l’occasion de la sortie, il y a trois mois, de la première traduction en date, la française justement (travaillée en collaboration avec l’April, via notre groupe Framalang)[1].

Pour rappel, ces 7 péchés sont l’empoisonnement de l’éducation, l’invasion de la vie privée, le comportement monopolistique, le verrouillage, le blocage abusif des standards, le soutien des DRM, les menaces sur la sécurité de l’usager.

La campagne « Les 7 péchés de Windows »

Coup d’envoi des démarches de sensibilisation à l’échelle internationale

URL d’origine du document

BOSTON, Massachusetts, USA – Vendredi, 22 janvier 2010 – La Fondation pour le Logiciel Libre (Free Software Foundation, FSF) a annoncé aujourd’hui l’extension internationale de sa campagne Les 7 Péchés de Windows pour la défense des libertés des utilisateurs d’ordinateurs, avec des traductions et des communiqués de presse disponibles dans plus de huit langues. Des traductions dans d’autres langues sont aussi en cours.

La campagne Les 7 Péchés de Windows met en lumière sept domaines principaux dans lesquels les logiciels propriétaires, et plus particulièrement Microsoft Windows, portent atteinte à tous les utilisateurs d’ordinateurs : en envahissant la vie privée, en contaminant l’éducation, en enfermant les utilisateurs, en ne respectant pas les normes, en profitant de comportements monopolistiques, en appliquant des verrous numériques (DRM) et en portant atteinte à la sécurité des utilisateurs.

Ces éléments sont mis en avant dans un courrier que les organisateurs de la campagne ont déjà envoyé aux dirigeants des 500 plus grandes entreprises du classement Fortune ainsi qu’aux plus grandes ONG des États-Unis. Cette lettre met en garde les dirigeants concernés par Windows 7 à propos de "l’absence de sécurité, de liberté et de respect de la vie privée" à laquelle ils s’exposeraient s’ils venaient à adopter Windows 7, et elle soutient qu’ils devraient à la place adopter des solutions libres comme le système d’exploitation GNU/Linux et la suite logicielle bureautique OpenOffice.org.

La FSF demande aux citoyens qui se sentent concernés d’aider à diffuser ce message en soumettant de nouveaux dirigeants d’organisations qui sont aussi concernés par Windows 7 afin qu’ils reçoivent eux aussi une version de la lettre. Le directeur exécutif de la FSF, Peter Brown, explique que « de nombreuses personnes sont frustrées par les organisations avec lesquelles ils interagissent et par le soutien qu’elles apportent à une industrie du logiciel qui oeuvre contre les libertés des citoyens. Nos instances dirigeantes, tant au plan national que local, les ONG ainsi que les universités et les écoles publiques qui utilisent des logiciels propriétaires vont ainsi à l’encontre de l’intérêt public, le plus souvent du fait de leur méconnaissance du logiciel libre ou d’un égarement quant aux valeurs qu’elles sous-tendent. Nous espérons alerter ces décideurs de la contribution bénéfique qu’ils peuvent apporter à la société en faisant migrer leurs organisations vers le logiciel libre. »

« En traduisant Les 7 Péchés de Windows dans autant de langues que possible, nous faisons de cette campagne une mobilisation internationale pour défendre les libertés des utilisateurs d’ordinateurs », a ajouté Matt Lee, le responsable de la campagne au sein de la FSF. En plus des traductions du site web, la FSF distribue aussi ce communiqué de presse dans ces mêmes langues, aux représentants locaux de chacune des zones linguistiques concernées.

Coordonnés par les permanents de campagne de la FSF qui travaillaient avec des traducteurs bénévoles, les efforts de traduction ont été déployés au cours des derniers mois, en utilisant des logiciels libres et en collaborant au moyen de l’outil GNU Mailman. La première traduction à être publiée a été la française, traduite par les membres des associations française du logiciel libre, April et Framasoft.

Toute partie intéressée peut rejoindre les efforts de traduction en visitant http://meta.windows7sins.org. Le site a déjà été traduit de l’anglais vers l’arabe, le français, l’italien, le russe, l’espagnol et l’allemand.

« Les traductions permettent aux lecteurs non-anglophones de comprendre les enjeux de la campagne de la FSF. L’April et Framasoft encouragent leurs membres et les communautés francophones du logiciel libre à profiter de la sortie de Windows Seven pour informer leurs amis, famille, collègues, connaissances… sur les dangers du logiciel propriétaire, les pratiques abusives de Microsoft et sur l’existence du logiciel libre » ont indiqué Frédéric Couchet de l’April et Alexis Kauffmann de Framasoft.

Les volontaires qui souhaiteraient traduire dans leur langue Les 7 Péchés de Windows ainsi que d’autres documents de la FSF peuvent nous écrire.

Notes

[1] Crédit photo : Techedlive (Creative Commons By-Sa)




Windows 7 comme les 7 « péchés » de Microsoft

Copie d'écran - Windows7Sins en françaisLe 26 août dernier la Free Software Foundation (FSF) lançait la campagne Windows7sins en vue d’alerter l’opinion sur le fait que Windows avait beau avoir changé, (le symbole du logiciel propriétaire qu’est) Microsoft demeurait toujours le même.

Grâce aux efforts communs et conjoints de Framasoft (traduction Framalang) et de l’April (relecture et mise en ligne[1]), le site de la campagne est désormais traduit en français.

Cette campagne joue sur le numéro du dernier système d’exploitation pour se décliner en sept « péchés », malheureusement « capitaux » à freiner le développement et la diffusion du logiciel libre :

  1. Empoisonnement de l’éducation
  2. Invasion de la vie privée
  3. Comportement monopolistique
  4. Verrouillage
  5. Blocage abusif des standards
  6. Soutien des DRM
  7. Menaces sur la sécurité de l’usager

Vous en trouverez quelques extraits ci-dessous mais nous vous invitons surtout à parcourir le site.

Remarque : Cette campagne a été diversement reçue par les internautes anglophones. Encore une critique de Microsoft, occupez-vous plutôt de mettre en avant les qualités du logiciel libre, envoyer une lettre aux 500 plus grandes sociétés américaines ne sert à rien[2], a-t-on ainsi pu entendre ça et là. À vous ne nous dire (avec écoute et courtoisie) dans les commentaires si nous avons néanmoins bien fait de traduire le site.

Les 7 « péchés » de Windows 7

Péché 1 : Empoisonnement de l’éducation

À ce jour, on apprend à la plupart des enfants, dont l’éducation implique des ordinateurs, à utiliser le produit d’une seule entreprise : Microsoft. Cette firme dépense de fortes sommes pour que les groupes de pression et les commerciaux corrompent les services d’éducation. Une éducation qui mise sur la puissance des ordinateurs devrait ouvrir la voie de la liberté et de l’autonomie, et non ouvrir un boulevard au monopole insidieux d’une entreprise.
Pour en savoir plus..

Péché 2 : Invasion de la vie privée

Microsoft utilise des logiciels avec des noms fallacieux comme Windows Genuine Advantage pour inspecter le contenu des disques durs de ses utilisateurs. Les termes de la licence utilisateur que l’on est obligé d’accepter avant de pouvoir utiliser Windows préviennent bien que Microsoft se réserve le droit de faire ça sans avertissement.
Pour en savoir plus..

Péché 3 : Comportement monopolistique

Pratiquement tous les ordinateurs achètés sont vendus avec Windows pré-installé, et non par un libre choix. Microsoft impose ses dictats aux revendeurs de matériel informatique, pour qu’ils ne proposent pas de PC sans Windows pré-installé, bien que de très nombreux clients le leur demandent. Même les ordinateurs disponibles avec d’autres systèmes d’exploitations pré-installés tel que GNU/Linux incluaient souvent Windows au départ.
Pour en savoir plus..

Péché 4 : Verrouillage

Microsoft essaie régulièrement de contraindre ses utilisateurs à faire des mises à jour, en supprimant le support des versions précédentes de Windows et d’Office, et en augmentant le niveau du matériel requis. Pour beaucoup de gens, cela signifie qu’ils doivent mettre leur ordinateur au rebut juste parce qu’il n’est pas à la hauteur des exigences techniques requises par les nouvelles versions de Windows.
Pour en savoir plus..

Péché 5 : Blocage abusif des standards

Microsoft a essayé de bloquer le passage au standard libre pour les formats de documents, parce que des standards comme OpenDocument Format menaceraient le contrôle exercé pour le moment sur l’utilisateur avec les formats propriétaires de Word. Elle s’est lancée dans des manoeuvres en sous-main, qui peuvent aller jusqu’à la corruption de fonctionnaires, pour essayer de stopper de telles initiatives.
Pour en savoir plus..

Péché 6 : Soutien des DRM (Digital Restrictions Management)

Avec Windows Media Player, Microsoft collabore avec les grandes firmes des médias pour imposer des restrictions sur la copie de médias avec leur système d’exploitation. Par exemple, à la demande de NBC, Microsoft est capable d’empêcher les utilisateurs de Windows d’enregistrer des émissions télévisées qu’ils ont pourtant le droit d’enregistrer légalement.
Pour en savoir plus..

Péché 7 : Menaces sur la sécurité de l’usager

Windows a une longue histoire de failles de sécurité, ouvrant la porte à la diffusion des virus et permettant à des utilisateurs distants de prendre le contrôle des ordinateurs d’autres usagers et de les transformer en robots spammeurs. Puisque le logiciel est secret, tous les utilisateurs dépendent de Microsoft pour régler ces problèmes – mais Microsoft tient à ses propres intérêts en matière de sécurité, pas à ceux de ses usagers.
Pour en savoir plus..

Extraits du site Windows7Sins en version française.

Notes

[1] Voir le communiqué de presse de l’April pour l’occasion. Sur le même site et en insistant sur la vente liée, l’April propose également un flyer de 8 pages, qu’elle s’est amusée à distribuer à l’entrée du tout nouveau Windows Café à Paris le jour de son inauguration.

[2] En fait non pas 500 mais 499 car la FSF n’a pas jugé pertinent d’écrire à Microsoft, arguant que la société ne comprendrait pas !




Coup de gueule : Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista !

L'actu en patates - Copyright Martin VidbergTiens, on ne vous avait pas encore causé de la sortie du nouveau système d’exploitation Windows 7 !

Enfin « nouveau », c’est un bien grand mot puisqu’il s’agit avant tout de faire oublier l’ancien système d’exploitation, le désastreux Windows Vista, qui a réussi l’exploit de faire l’unanimité contre lui.

Et bien c’est chose faite avec ce billet d’humeur non dénué d’un certain humour[1].

Dans tout autre domaine que l’informatique, on aurait affaire à un pur scandale où tout le monde serait monté au créneau. Bravo à Microsoft pour son travail de sape sur le consommateur, qui ne sait visiblement plus distinguer la vessie de la lanterne.

PS : Mention spéciale au malicieux Goofy qui s’est bien amusé pour la traduction, et nous avec !

Que tout le monde s’éclate avec Windows 7 !

Let’s all be overjoyed about Windows 7

Dwasifar – 24 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Goofy)

Microsoft a réussi un joli coup.

Ils ont réussi à convaincre des millions de gens dans le monde de sortir leur argent pour se payer une merde enveloppée de papier de soie appelée Windows Vista, et voilà que trois ans plus tard, au lancement de Windows 7, Microsoft s’est arrangé pour que les gens tombent pratiquement en extase à l’idée de payer encore plus pour ne plus avoir à utiliser Vista. Et c’est ainsi que les gens considèrent Microsoft comme une sorte de héros salvateur. Comment diable ont-il réussi ce coup-là ? « On vous a fait payer un max pour un truc merdique déglingué, et maintenant voici une version vaguement réparée un peu moins merdique, et vous allez nous l’acheter encore plus cher ! » « Ouaaaiiis, super, merci Microsoft ! Vous êtes les meilleurs ! On vous adore ! » Mais bon dieu qu’est-ce qui se passe, là ?

C’est vrai, quoi : est-ce vous achèteriez n’importe quoi d’autre dans ces conditions ? Mettons que vous ayez acheté une voiture qui se révèle être une caisse à roulettes ; rien que des ennuis pendant trois ans. Au bout de ces trois ans, vous retourneriez chez le même concessionnaire pour acheter le même modèle, tout content de la bonne affaire parce qu’ils auraient éliminé quelques défauts de fabrication ? « Super, une Clio, c’est tellement mieux que la vieille 404 pourrie qui a calé au milieu des carrefours pendant trois ans ! Quelle magnifique offre promotionnelle vous me faites là en me la vendant plein pot ! Non, je ne veux rien de plus pour ce prix-là ! Tenez, mettez-la moi bien profond tout de suite, je vous ai apporté un peu de vaseline, mais vous êtes pas obligé de l’utiliser ! »

Eh bien ça se passe comme ça chez Microsoft. Ils vendent de la merde, et lorsqu’ils vendent quelque chose qui n’est pas tout à fait de la merde, ils deviennent des héros. Ça défie l’entendement. À quel niveau est-on tombé si en faisant payer quelqu’un encore une fois pour résoudre les problèmes causés par un premier achat, on devient Superman ? Et ce n’est pas la première fois que ça se produit. Ils nous ont déjà fait le coup, en passant de WinMe à XP. Je crois même qu’ils avaient déjà fait le coup aussi avec MS-DOS, mais je ne me souviens plus trop de quelles versions il s’agissait. Ce qui est flagrant et incompréhensible, c’est qu’on puisse encore vendre aux gens des produits moins merdiques après leur avoir vendu des produits vraiment merdiques.

Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista. De n’importe quelle version de Vista, qu’elle soit Familiale ou Intégrale, qu’on l’ait achetée ici ou là. Microsoft a reconnu clairement que Windows 7 est ce que Vista aurait dû être. En fait, c’est même comme ça qu’ils en font la promo. Bon, si c’est la version qui aurait dû être fournie, alors il n’est pas trop tard : donnez-la aux clients auxquels vous l’avez promise il y a trois ans.

Et pendant qu’on y est, je n’arrive pas à croire qu’il est impossible de créer une mise à jour de XP vers Windows 7. Microsoft sait parfaitement que les gens ont évité Vista et conservé XP, particulièrement dans les entreprises. C’est pour cela qu’ils sortent Windows 7 à toute vitesse. Vous pourriez croire qu’une mise à niveau serait une priorité. Eh bien non, les gens sont contents de nettoyer leur machine et de faire une réinstallation complète du système d’exploitation pour avoir le privilège de passer à la version supérieure. Je suppose qu’avec l’habitude de réinstaller un système d’exploitation, on finit par considérer comme normal de le faire périodiquement.

C’est tellement trop la classe de faire ça en ce moment qu’on pourrait croire que Windows 7 est à la pointe des systèmes d’exploitation, tous les problèmes sont derrière, pas vrai ? Bon d’accord, et si on essayait de le faire tourner sans antivirus pendant disons une journée, hein ? Vous feriez ça ? Non ? Moi non plus, parce qu’il y a encore de tout petits problèmes de sécurité avec Windows 7. Au fait, et la défragmentation du disque ? Vous voulez essayer Windows 7 pendant un an sans défragmenter ? Moi non plus. Je pourrais continuer, mais à quoi bon. Tout le monde connaît tous ces problèmes, et pourtant tout le monde est tellement content de voir que Microsoft a réglé quelques-uns des problèmes de régression apparus lors du passage de XP à Vista, que personne ne s’inquiète des énormes défauts de conception inclus dans chaque édition de Windows, version 7 comprise.

Et pendant ce temps-là, Linux évolue tranquillement, même si les fanatiques de Windows bêlent en choeur que Windows 7 va écraser Linux. Eh non, les gars, désolé, ça va pas marcher. Dès que le battage médiatique va diminuer, vous allez encore vous retrouver avec Windows et ses classiques faiblesses intrinsèques. Et le développement de Linux est bien plus rapide que celui de Windows. Linux a rattrapé et dépassé XP il y a trois ans au moment où Vista est sorti. Il est au même niveau que Windows 7 aujourd’hui, et avant que Windows 8 ne se profile, Linux en sera déjà bien plus loin. Tant mieux pour Microsoft s’ils améliorent des trucs, c’est ce qu’ils devaient faire. Et ça risque de leur prendre du temps. Mais il n’y aucune raison de penser qu’ils vont pouvoir continuer indéfiniment à surfer sur une vaste base d’utilisateurs avec une technologie de deuxième choix, même s’ils ont pour le moment réussi à convaincre ces utilisateurs de se faire escroquer avec le sourire.

Notes

[1] Illustration de Martin Vidberg, le dessinateur de L’actu en patates, avec son aimable autorisation.




Framasoft et moi, il y a 7 ans de cela

Flashback. Un visiteur m’a tout récemment rappelé l’existence d’un vieil entretien totalement oublié que j’avais donné au site MoteurZine en mars… 2002 ! Et il a accompagné le lien d’un énigmatique petit smiley malicieux.

Je suis allé voir, j’ai lu, j’ai pris un coup de vieux, et j’ai compris le pourquoi du smiley 😉

À l’époque Framasoft venait à peine de naître, j’étais tout seul dessus et j’éditais à la main l’ensemble des pages statiques du site sous, aïe pas taper, Dreamweaver ! J’étais également rédacteur au Café pédagogique, c’est vous dire…

Il y a certains passages et références « un peu » datés, où je pense me faire gentiment chambrer dans les commentaires. Mais il y en a d’autres que j’assume encore fièrement plus de sept ans après.

Dans la mesure où fort heureusement je ne suis désormais plus seul du tout, je me suis dit que ça pouvait peut-être intéresser quelques uns de ceux qui depuis ont participé de près ou de loin à l’aventure Framasoft.

Copie d'écran - Framasoft - mars 2002

Interview d’aKa en mars 2002 pour MoteurZine

URL d’origine du document

Moteurzine : Bonjour. Est-ce que vous pouvez, avant tout, vous présenter à nos lecteurs ?

aKa : Alexis Kauffmann, 33 ans, professeur de mathématiques à Bobigny, animateur TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement) dans le 93, et rédacteur au Café Pédagogique.

Pour ce qui est d’Internet, j’ai vu de la lumière un soir de novembre 1996, j’y suis entré et pour ainsi dire toujours pas ressorti.

Comment est né le site Framasoft.net ?

Le site dérive d’un autre site Framanet.net (pour FRAnçais et MAthématiques en intraNET) dont la webmistress Caroline d’Atabekian, enseignante en lettres, était et reste une partenaire professionnelle. L’idée principale était d’expérimenter des séquences pédagogiques en pages web via le réseau local de notre établissement scolaire tout en présentant ce travail à nos pairs via Internet. Et comme on ne roule toujours pas sur l’or à l’Éducation Nationale, nous étions bien contents de trouver toutes sortes de petits outils gratuits pour l’élaboration de ses séquences et/ou la maintenance du site.

Las de devoir les rechercher à chaque nouvelle installation, on a décidé de les regrouper et d’en faire une branche à part entière de Framanet. Et puis la branche a fleuri et a décidé, en novembre 2001, de voler de ses propres ailes (sic !) pour adopter le nom de domaine Framasoft.net.

Il n’y avait donc rien de « prémédité » même s’il est indéniable que depuis je me suis pris au jeu.

Pourquoi avoir choisi le domaine Framasoft.net et non pas le domaine en .com ou en .org ?

J’imagine qu’à l’époque je devais penser que le .net tournait autour d’Internet, le .com lorgnait vers le commercial et le .org avait une dimension collective. Et comme je n’étais pas nombreux au début…

Combien de personnes sont impliquées dans ce site ?

C’est un peu une question piège car justement je ne suis toujours pas très nombreux !

S’il fallait comparer le site à une organisation politique, il y aurait les membres du bureau exécutif élus par cooptation (à savoir… Moi !), les militants (principalement des collègues de Seine-Saint-Denis qui rédigent des notices ou me pondent des articles de temps à autres) et enfin la joyeuse cohorte des sympathisants (tous les internautes qui m’envoient infos, remarques et critiques).

Et pourtant je m’obstine, au risque de leurrer les visiteurs, à présenter Framasoft comme « la participation d’une équipe d’enseignants à un Internet associatif » et à m’exprimer à la première personne du pluriel. Il y a là comme un souhait en fait (j’en profite donc pour lancer un appel). Et peut-être aussi que cela me rassure psychologiquement car il n’est humainement pas possible d’avoir fait ça tout seul sur ses heures perdues en si peu de temps !

Qu’est ce qui vous a amené à vous intéresser au monde du logiciel libre et plus particulièrement, le monde du logiciel libre sous Windows (d’ailleurs, n’est-ce pas complètement contradictoire !?) et à l’exprimer sur un site ?

Il y a des jours où l’errance nocturne sur le réseau a du bon. « En utilisant les logiciels libres, non seulement on effectue des économies spectaculaires pour le matériel, non seulement on se libère des logiques que tentent d’imposer les grandes multinationales de l’informatique, mais, en plus, on se met en relation avec l’un des foyers les plus vivants de la société qui est en train de se créer, celle de l’intelligence distribuée », ai-je eu juste le temps de lire un soir de fin de millénaire avant de piquer du nez.

Non le logiciel libre ne se résumait pas à Linux dont ce dernier n’en devenait qu’un exemple (mais quel exemple !). Non le logiciel libre et le logiciel gratuit ne naviguaient pas dans les mêmes sphères, l’un me parlant d’argent et l’autre de liberté. Oui le modèle était pertinent pour l’éducation. Oui il y avait également là un extraordinaire potentiel « d’extension du domaine du libre ».

Pour ce qui est de l’apparent paradoxe, je vous présente l’éditeur vidéo Virtual Dub (une application libre tournant sur le système d’exploitation propriétaire Windows) et l’outil de correction de textes français Correcteur 101 (une application propriétaire tournant sur le système d’exploitation libre Linux).

Le « tout libre » est sûrement une belle idée mais il ne résiste pas à la réalité actuelle du grand public qui, et je suis le premier à le regretter, n’est visiblement pas encore prêt à lâcher son Windows. Mais en attendant, et cela minimisera du même coup le phénomène du piratage, faisons tourner ce système d’exploitation avec un maximum de logiciels libres !

Votre site est composé de trois grandes parties : l’annuaire de logiciels libres et gratuits, l’annuaire de logiciels libres, l’annuaire de liens autour du libre. Vous pouvez nous en dire plus dessus ?

Des pont naturelles peuvent les relier mais dans mon esprit ces trois parties sont bien distinctes et indépendantes.

Ceci dit, à bien y réfléchir, il pourrait également y avoir là comme une « invitation au voyage » :

  • Étape 1 : Je fais rapidement mes emplettes sur le Net en transitant par l’annuaire de logiciels libres et gratuits sous Windows.
  • Étape 2 : Mais pourquoi donc cette constante distinction entre libre et gratuit ? Allons-y voir d’un peu plus près en visitant quelques sites de l’annuaire autour du libre.
  • Étape 3 : Intéressant après tout ce concept du logiciel libre. Quel est donc l’état de l’existant sous Windows ? Et hop, un petit détour par l’annuaire de logiciels exclusivement libres.

Votre annuaire référence de nombreux logiciels « libres ». Mais, qu’est ce qui vous différencie par rapport à un site comme Telecharger.com ?

Télécharger.com est un excellent site qui possède une base de plus de 10.000 logiciels pour une audience mensuelle de 2.000.000 visites qui parcourent à peu près 20 millions de pages (source Cybermétrie, décembre 2000). C’est une sacrée différence qui pourrait déjà clore le débat !

Sinon je dirai que nous sommes plus Windows et moins boîte de Pandore, plus incisifs et moins consensuels, plus libres et moins propriétaires, plus indépendants et moins regardants sur nos stock-options, plus sobres et moins lourds à charger, ou encore plus éducation et moins publicité.

En fait je pense qu’il y a un espace pour ces deux types de sites qui ne se présentent visiblement pas dans la même catégorie.

Mais j’allais oublier une ultime et définitive différence : chez nous les âpres négociations de rachat par Vivendi Universal ont échoué !

Qu’est ce qui a été le plus difficile dans la mise en place de cet annuaire ?

La découverte de la non extensibilité du temps…

Aujourdhui, combien passez-vous de temps quotidiennement, hebdomadairement à entretenir et développer votre annuaire ?

Cette découverte m’a donc contraint à faire certains sacrifices. Mais demandez à ma femme, elle sera certainement plus objective que moi ! (mais demandez-lui gentiment car c’est un sujet sensible entre nous…)

Quelle est l’architecture logiciel et matériel derrière le site Framasoft ?

Encerclé par les sites dynamiques à la sauce ASP ou mieux PHP, le dinosaure Framasoft résiste encore et toujours à l’envahisseur en ne proposant que du HTML pur.

Il a été développé sous un très célèbre et… propriétaire éditeur WYSIWYG (Dreamweaver pour ne pas le nommer, donnez-moi l’équivalent sous Linux et je change illico de plate-forme !). Et il a opté pour un hébergement payant (Amen.fr) afin d’offrir un temps de chargement réduit à ses visiteurs.

Votre site ne comporte ni bandeaux, ni zone payante. Il est donc totalement libre et gratuit comme les logiciels que vous présentez. Est-ce une solution viable à moyen / long terme ?

Ces absences de bandeaux et de zones sont revendiquées. Et comme il m’est difficile de ne pas glisser une citation dans le moindre de mes écrits, j’ajouterai que « c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ».

Ceci dit il faut pouvoir assumer ce choix. Et même si je reconnais bien volontiers que parfois de petites idées mercantilistes me trottent furtivement dans la tête (après tout il y a un service rendu), je me reprends vite en pensant à la dynamique du monde du libre et en étant content d’y apporter mon humble et modeste contribution (justement parce qu’il y a un service rendu !).

Pour ce qui est de la viabilité la réponse est simple puisque je ne suis lié par aucun contrat. Il est bien évident que le jour où, après une illumination mystique, je m’en irai passer un an dans un ashram en Inde, Framasoft s’en trouvera quelque peu déstabilisé.

Combien d’internautes vous visitent quotidiennement ? Cela fait combien de pages vues ?

Environ 2.000 visiteurs pour 10.000 pages lues… oups, vues. (source Xiti)

Qui vous amène le plus de visiteurs ? Pourquoi ?

Je constate depuis quelques temps une certaine stabilité : 40% d’accès direct, 40% via les moteurs de recherche et 20% de liens sur site. Je n’ai pas trop de commentaires à faire si ce n’est qu’il semblerait qu’il y ait là une certaine fidélisation corroborée par le fait que le mot-clé en tête de tous les moteurs est… Framasoft. Sinon sur la moyenne des 400 visiteurs qui nous viennent d’autres sites, cela se divise pour moitié de sites éducatifs et pour l’autre de sites généralistes (tels les surprenants et dynamiques annuaires du gratuit du Net).

Quelle a été votre méthode pour développer votre visibilité dans les outils de recherche ? sur Internet ?

Il n’y a pas vraiment eu de méthodes. Des annonces dans des listes de profs où j’étais abonné, quelques messages personnels cullotés à des webmestres dont j’appréciais le site, plus le bouche à oreille, et un jour vous vous apercevez que quelques sites pointent vers le votre. Du coup vous possédez le précieux sésame, vous avez un « indice de popularité ». La terre promise n’est plus loin, elle approche, elle arrive : vous êtes référencé sur… Google ! Après vous pouvez aller vous coucher, ça tournera tout seul !

Quels sont vos projets à moyen / long terme pour Framasoft ?

Ma préoccupation du moment, c’est de trouver un hébergeur « compréhensif » car l’accroissement du nombre de visiteurs est apparemment proportionnelle au prix du forfait et cela devient alors problématique de faire dans le bénévolat tout en perdant de l’argent.

Sinon il n’y a pas vraiment de projets mais peut-être un souhait : obtenir une petite reconnaissance de la part de la communauté du libre francophone.

Pour terminer, pouvez-vous nous dire quel est votre site Internet préféré et pourquoi ?

Tiens, c’est curieux je ne m’étais encore jamais posé la question !

La raison vous dirait à n’en pas douter Google car sa disparition m’obligerait à reprendre des cours de recherche sur le Net ! Et la passion pencherait sûrement vers les sites que j’ai dédié à mes deux filles. Mais là point d’url c’est mon jardin secret…

Alexis, merci d’avoir pris de votre temps de répondre à ces questions.