La musique peut-elle être libre ?

Michael Tiemann est vice-président de Red Hat mais il est aussi impliqué dans un ambitieux projet autour de la musique, The Miraverse qui propose notamment un studio d’enregistrement (fonctionnant, en toute logique, à l’aide de logiciels libres).

Il nous livre ici le fruit de ses réflexion en s’appuyant sur des citations de Glenn Gould et un projet dont nous vous reparlerons à la rentrée car Framasoft en sera le partenaire francophone : The Open Goldberg Variations.

La première édition du projet avait donné lieu à l’enregistrement directement dans le domaine public des Variations Goldberg de Bach. Il s’agira cette fois-ci d’enregistrer ensemble Le Clavier bien tempéré.

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La musique peut-elle être open source ?

Can there be open source music?

Michael Tiemann – 20 août 2013 – OpenSource.com
(Traduction : goofy, Sky, sinma, Asta, audionuma)

De l’eau a coulé sous les ponts depuis que les logiciels « open source » ont été baptisés ainsi en 1998. Le livre La cathédrale et le bazar a contribué à expliquer ce nouveau paradigme de la création des logiciels, et, avec le temps, les conséquences importantes et crédibles que Raymond avait prévues dans son essai s’avèrent aujourd’hui évidentes. Et il est possible qu’en raison de l’impressionnante liste des succès de la communauté du logiciel open source, ceux qui travaillent en dehors du domaine du développement de logiciels commencent à se demander : est-ce que de nouveaux paradigmes fondés sur les principes de l‘open source pourraient bouleverser aussi notre secteur ?

Nous avons vu cela arriver dans le monde du contenu créatif avec les Creative Commons. Larry Lessig, suivant une lecture simple de la constitution des États-Unis d’Amérique et s’appuyant sur beaucoup des intuitions publiées des années auparavant par Lewis Hyde dans le livre The Gift (NdT Le cadeau), a réalisé que bien qu’il n’y ait rien de mal en soi à commercialiser du contenu, il y avait quelque chose de terriblement mal à traiter les ressources culturelles comme privées, comme des propriétés aliénables à jamais. Lessig croyait, et je l’approuve, qu’il y a un bénéfice à donner au public des droits sur les contenus qui définissent leur culture, tout comme l‘open source donne à d’autres développeurs — et même aux utilisateurs — des droits sur les logiciels qu’ils possèdent. Regardez comment le public a utilisé ce droit pour créer Wikipédia, une collection phénoménale de l’un de nos artéfacts culturels qui ont le plus de valeur : la connaissance humaine.

Mais des limites à la portée de Wikipédia et ce qui est possible d’y être référencé sont apparues, notamment parce que beaucoup de créations culturelles qui auraient pu être des biens communs sont au contraire captives de copyrights pour une durée presque perpétuelle. La musique est une pierre angulaire de la culture, dans la mesure où les nations, les peuples, les époques, les mouvements politiques, idéologiques et culturels y font tous référence pour se définir, tout comme les individus se définissent eux-mêmes selon leurs gouts musicaux. Compte tenu de l’importance de la musique pour définir notre identité culturelle, dans quelle mesure devrions-nous en avoir la maîtrise, en particulier pour tout ce qui est censé relever du domaine public ?

Glenn Gould apporte une réponse étonnante à cette question dans deux essais écrits en 1966. Même si vous n’êtes pas un grand connaisseur de musique classique, vous avez sûrement déjà entendu les Variations Goldberg de JS Bach. Et dans ce cas, vous pouvez probablement remercier Glenn Gould car à l’âge de 22 ans, il a commencé sa carrière en signant un contrat et en six jours il a enregistré : Bach: The Goldberg Variations, en dépit du refus d’au moins un directeur de label. À l’époque, l’œuvre était considérée comme ésotérique et trop éloignée du répertoire pianistique habituel. Gould n’a pas cédé, et comme le mentionne Wikipédia : « Sa renommée internationale débute lors de son célèbre enregistrement des Variations Goldberg de juin 1955 dans les studios CBS de New York. Cette interprétation d’une vélocité et d’une clarté de voix hors du commun, et hors des modes de l’époque, contribuera notablement à son succès. ». Sans compter que dès lors les Variations Goldberg sont devenues un classique du piano.

Lorsque Gould a décidé en 1964 qu’il ne se produirait jamais plus en public pour se consacrer aux enregistrements en studio, le monde de la musique en a été très perturbé, parce que les concerts étaient considérés comme le summum de la culture musicale et les enregistrements comme une culture de seconde zone. Gould a répondu avec moults arguments à ces critiques sans chercher à en débattre mais en changeant le paradigme.

Ce qui n’a fait qu’irriter davantage les tenants de la musique institutionnelle. Voici l’essentiel du changement de paradigme tel que l’explique Gould dans The participant Listener :

Au centre du débat sur les technologies, il existe donc un nouveau type de public — un public qui participe davantage à l’expérience musicale. L’apparition de ce phénomène au milieu du vingtième siècle est le plus grand succès de l’industrie du disque. Car l’auditeur n’est plus seulement en position d’analyser passivement, c’est un partenaire dont les goûts, les préférences et les tendances modifient encore maintenant de façon latérale les expériences musicales qui retiennent son attention. C’est lui dont l’art de la musique à venir attend une participation bien plus grande encore.

Bien sûr, il représente également une menace, il peut vouloir s’arroger un pouvoir, c’est un invité indésirable au festin artistique, quelqu’un dont la présence met en péril la hiérarchie de l’institution musicale. Ce public participatif pourrait émerger, libéré de cette posture servile à laquelle on le soumet lors des concerts, pour, du jour au lendemain, s’emparer des capacités décisionnelles qui étaient jusqu’ici l’apanage des spécialistes ?

Il y aurait beaucoup à tirer des deux paragraphes ci-dessus, mais essayons un peu : considérez ce qui précède comme une allégorie dans le domaine musical du transfert de paradigme proposé par le logiciel open source. Cela semble difficile à imaginer aujourd’hui, mais quand j’ai proposé l’idée de lancer une entreprise qui fournirait un service de support commercial aux logiciels libres, une des objections majeures a été : « qu’il soit libre ou non, les utilisateurs ne veulent pas du code source. Ils ne veulent pas y toucher. Ils veulent payer pour la meilleure solution, un point c’est tout. ». Dans la logique de production du logiciel propriétaire, il était impossible d’envisager un seul instant que la meilleure solution pouvait fort bien inclure l’utilisateur devenu un contributeur du développement. Impossible alors de tolérer l’idée que des utilisateurs puissent assumer des capacités de décision qui étaient jusqu’alors le privilège de spécialistes. mais Cygnus Solutions a démontré que l’industrie du logiciel à venir attendait vraiment que les utilisateurs participent pleinement. Et il en va de même pour la création musicale, ce que Gould avait visiblement anticipé :

Le mot-clé ici est « public ». Ces expériences où l’auditeur rencontre de la musique transmise électroniquement ne font pas partie du domaine public. Un axiome bien utile, qui peut être appliqué à toute expérience dans laquelle la transmission électronique intervient, peut être exprimé à travers ce paradoxe : la possibilité d’avoir en théorie un public en nombre jamais atteint jusqu’à présent conduit à un nombre sans limites d’écoutes privées. En raison des circonstances que ce paradoxe suscite, l’auditeur est capable d’exprimer ses préférences et, grâce aux modifications par des moyens électroniques avec lesquels il ajoute son expérience, il peut imposer sa personnalité sur une œuvre. Ce faisant, il la transforme, de même que la relation qu’il entretient avec elle. Il fait d’une œuvre d’art un élément de son environnement sonore personnel.

Gould touche un point philosophique fondamental, qu’il est facile de mal interpréter en raison de la terminologie qu’il emploie. Il ne prétend pas que la transmission électronique aléatoire entraîne automatiquement que le contenu originel soit considéré comme un bien commun appartenant à tout le monde. Il dit plutôt que lorsque un signal électronique devient une expérience humaine, celle-ci n’est pas générique mais unique pour chaque individu. Et que l’avenir de l’art de la musique dépend de la façon dont on respectera le caractère individuel de cette expérience, au lieu de contraindre la transmission artistique à l’uniformité (à titre de note latérale, regardez un peu à quelles contorsions juridiques se livre l’industrie musicale actuelle pour prétendre que les téléchargements de fichiers numériques ne sont pas des « achats », par conséquents soumis aux règles de la vente, mais plutôt des « transactions », c’est-à-dire ne conférant aucun autre droit que celui d’être des récepteurs passifs, n’autorisant aucune autre posture que soumise).

Gould a écrit cela 20 ans avant que Lewis Hyde ne publie The Gift et 20 ans avant que Stallman n’écrive le Manifeste GNU. 30 ans avant que Lawrence Lessig n’écrive Code and other laws of Cyberspace et 30 ans avant que Eric Raymond n’écrive La cathédrale et le bazar. 40 ans avant que je ne commence à imaginer comment The Miraverse pourrait faire coïncider les idées des Creative Commons et de l’open source pour créer un futur nouveau et viable pour la musique. Mais maintenant, l’idée la plus audacieuse qu’il ait proposée (dans The Prospects of Recording) peut se réaliser :

Il serait relativement simple, par exemple, de fournir à l’auditeur la possibilité d’éditer les enregistrements à son gré. Bien entendu, un pas décisif dans cette direction pourrait bien résulter de ce processus par lequel il est désormais possible de dissocier la vitesse du tempo et en faisant ainsi (quoique avec une certaine détérioration de la qualité du son comme inconvénient) découper divers segments d’interprétations d’une même œuvre réalisée par différents artistes et enregistrées à différents tempos. Ce processus pourrait, en théorie, être appliqué sans restriction à la reconstruction d’un concert. Rien n’empêche en fait un connaisseur spécialisé de devenir son propre éditeur de bande sonore et, avec ces dispositifs, de mettre en œuvre son interprétation de prédilection pour créer son concert idéal personnel (…)

Il est vrai qu’à l’époque de Gould la technologie n’était pas disponible pour offrir au public de telles interactions : de son temps l’enregistrement multi-piste était incroyablement coûteux et disponible seulement dans quelques studios d’enregistrement commerciaux qui en avaient l’exclusivité. Mais aujourd’hui, les choses sont différentes, au moins sur le plan technologique. Ardour est une excellente station de travail audionumérique libre qui permet à n’importe quel ordinateur portable de devenir un puissant éditeur audio multipiste et un dispositif d’enregistrement. Et c’est ce que veulent les auditeurs participatifs. Mais les outils logiciels les plus puissants dans le monde ne peuvent pas créer un concert enthousiasmant à partir de rien, il doit y avoir un artiste qui est prêt à créer la trame sonore qui peut ensuite être mélangée et remixée selon les goûts de chacun. Et bien sûr, il doit y avoir un cadre de droits commerciaux qui ne mette pas toute l’entreprise par terre. C’est ce qui rend le projet Open Goldberg Variations si intéressant : il est la réponse au défi que Gould lançait il y a plus de 40 ans. C’est la prochaine étape de l’évolution de l’héritage musical qui va de JS Bach à nos jours en passant par Gould. Il invite chaque auditeur à devenir un participant à l’avenir de l’art de la musique.

Variations en open source majeure

Kimiko Ishizaka est l’artiste qui a franchi le pas de façon courageuse en tant que pianiste de concert pour transmettre une ressource culturelle en libérant à la fois le code source de l’œuvre de Bach (transcription professionnelle des partitions avec le logiciels libre MuseScore) et les données du concert lui-même (sous la forme d’un enregistrement audio) pour donner au public des expériences sans précédent à la fois de plaisir musical et du sentiment de liberté qui vient d’une action authentique. C’est-à-dire : l’action à créer ; l’action de manipuler à son gré ; l’action d’augmenter les biens communs en partageant ce dont on est passionné.

Revenons donc à la question initiale : la musique peut-elle être open source ? Ou plutôt, que peut-il advenir de la musique open source ? Les rencontres OHM 2013 viennent de conclure une semaine de « Observer, Modifier, Créer ». Un hacker qui s’y trouvait nous a proposé ses réflexions :

Un morceau de musique peut être considéré comme libre s’il y a un enregistrement de bonne qualité disponible sous une licence permissive (équivalent d’un binaire précompilé dans une distribution), et une partition de également bonne qualité, contenant toutes les instructions et les commentaires du compositeur original, disponible dans un format éditable et réutilisable, accompagné elle aussi d’une licence libre. Pensez-y comme si c’était le code source d’un logiciel que vous pourriez utiliser, compiler, interpréter, modifier, copier etc.

Le premier projet important destiné à mettre les œuvres de Jean-Sébastien Bach en open source a été Open Goldberg Variations (« Bach to the future ») avec l’aide du financement participatif. Vous pouvez télécharger les enregistrements audio sans perte de qualité réalisés par Kimiko Ishizaka, et la partition aux formats MuseScore ou XML, tout cela étant dans le domaine public.

C’est un très bon début. Ce qui en ferait un encore meilleur début serait que ça soit une communauté active qui l’accomplisse. Une communauté de personnes de divers horizons qui jouent chacun des rôles importants, qui travaillent ensemble pour créer ce que personne ne peut faire seul. Et un excellent environnement qui permette de publier sur une base fiable des œuvres commercialement rentables et approuvées par la critique.

Un tel environnement est The Miraverse, qui constitue l’essence de l’expérience des studios de Manifold Recording. D’un côté de la vitre de la cabine de mixage se trouve le studio (photo d’ouverture du billet ci-dessus), et de l’autre côté une console analogique API Vision qui peut enregistrer jusqu’à 64 pistes avec Ardour (ci-dessous).

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Ces environnements sont complétés par un troisième, le « Studio Annex », qui met à disposition une console Harrison Trion (qui tourne sous Linux) et permet de produire divers formats de son multicanal, avec jusqu’à 96 canaux audio à 96 kHz.

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Dans ces studios, de la musique open source peut être enregistrée, auditionnée, et mixée avec le meilleur équipement audio, le meilleur environnement acoustique, et des logiciels open source. L’auditeur participant peut faire l’expérience d’un enregistrement (processus stupéfiant en lui-même) et des choix créatifs qui sont possibles une fois que le processus de mixage commence.

Souhaitez-vous devenir un auditeur participatif ? Kimiko Ishizaka s’apprête à faire une tournée en Europe et en Amérique du nord en prévision de son enregistrement du « Clavier bien tempéré ». Le premier concert aura lieu au festival Beethoven de Bonn en Allemagne le 24 septembre ; puis Mme Ishizaka se produira à Prague (25 et 26 septembre), Munich (30 septembre), Vienne, Hambourg, puis Bonn etc. (calendrier complet à lire au bas de la page http://opensource.com/life/13/8/open-music-open-goldberg).

Comme n’importe quel autre projet open source, votre intérêt et votre participation peuvent en faire non seulement un succès, mais un exemple pour l’industrie. C’est notre but. En participant à une de ces représentations, en participant à la campagne KickStarter Twelve Tones of Bach (ce qui est une façon d’acheter des tickets pour ces représentations), en participant à la tournée (le 3 novembre), vous pouvez pleinement profiter de votre propre expérience de la musique et des perspectives de l’enregistrement, tout en aidant le projet et ses acteurs à atteindre des objectifs plus ambitieux. Nous espérons vous voir cet automne… et encore souvent à l’avenir !




Continuer ou pas d’utiliser MySQL ? Telle est la question…

Vous trouverez ci-dessous un argumentaire exposant cinq (bonnes ?) raisons d’abandonner MySQL.

Dans la mesure où nombreux sont les sites dynamiques qui reposent encore sur cette célèbre base de données (à commencer par les nôtres), la question mérite d’être posée.

Ditch MySQL

5 raisons de larguer MySQL dès maintenant

5 Reasons It’s Time to Ditch MySQL

Rikki Endsley – 10 juillet 2013 – SmartBear Blog
(Traduction : Slystone, audionuma, tetrakos, goofy, mokas01, fred, Sky, ProgVal, ymai, Asta + anonymes)

MySQL est encore et toujours la plus populaire des bases de données open source, mais a perdu des fans au fil des années. Voici cinq raisons concrètes de laisser tomber MySQL.

En 2008, MySQL gagnait rapidement en popularité lorsque Sun Microsystems acheta MySQL AB pour environ un milliard de dollars. L’année suivante, Oracle racheta Sun, et MySQL faisait partie de la transaction. Les utilisateurs de MySQL et les développeurs ont commencé à se poser des questions sur le destin de ce système de base de données open source, et nombre d’entre eux commencèrent à chercher des alternatives

Revenons en 2013. Oracle n’a pas exterminé son précédent compétiteur et MySQL reste le système de bases de données le plus populaire. Et pourtant, cette popularité de MySQL est sur le déclin : tandis qu’il perd de son attrait, des alternatives viables pour la gestion des bases de données commencent à tirer leur épingle du jeu. Voici cinq bonnes raisons de ne pas utiliser MySQL, le système de gestion de bases de données qui fut libre (pour voir l’autre côté de la médaille, lire l’article d’Andy Patrizio qui donne les cinq bonnes raisons de continuer à utiliser MySQL, faites-vous un avis, et n’hésiter pas à le partager dans les commentaires).

1. MySQL n’est pas aussi mature que d’autres systèmes de gestion de bases de données.

MySQL n’a pas commencé comme un SGBDR (Système de Gestion de Bases de Données Relationnelles), mais a changé de direction par la suite pour inclure plus de fonctionnalités. Les SGBDR plus anciens et plus matures sont toujours considérés comme ayant plus de fonctionnalités que MySQL. Si vous voulez un SGBDR riche en fonctionnalités, vous pouvez jeter un œil à PostgreSQL ou à des options non open source, telles que Oracle DB ou Microsoft SQL Server.

Selena Deckelmann, une contributrice à PostgreSQL, affirme que Postgres est considéré comme le bon choix pour les nouveaux projets parmi les développeurs-euses Web qui ont besoin d’une base de données relationnelle. « Avec le type de données JSON, et PLV8, Postgres pourrait aussi bien devenir le choix par défaut pour le NoSQL. » dit-elle.

2. MySQL est open source… enfin, plus ou moins

Techniquement, MySQL est un système de bases de données open source, mais dans la pratique ce n’est plus le sentiment que l’on ressent. Sous le couvert d’Oracle, MySQL a maintenant plusieurs modules propriétaires dont le code source n’est pas public. « Sur le papier, MySQL est toujours vivant, mais la mainmise d’Oracle sur le développement et son refus de communiquer des exemples de tests concernant des bugs et des patches de sécurité pour MySQL a renforcé son contrôle sur le code et a poussé de nombreux développeurs open source à aller voir si l’herbe n’est pas plus verte aileurs. » explique Paula Ronney dans son article sur ZDNet, Est-il temps pour Oracle de donner MySQL à Apache ?

Ce n’est pas comme s’il n’y avait pas d’alternatives open source. MariaDB, un fork de MySQL, reste « véritablement open source ». SkySQL, une entreprise développant MariaDB qui a fusionné avec Monty Program Ab (l’entreprise mère de MariaDB) plus tôt cette année explique que « Tout le code dans MariaDB est fourni sous GPL, LGPL ou BSD. MariaDB n’a pas de module closed source comme ceux que vous pouvez trouver dans la MySQL Enterprise Edition. En fait, toutes les fonctionnalités closed-source de MySQL 5.5 Enterprise Edition se trouvent dans la version open source MariaDB. »

3. Les performances de MySQL ne valent pas celles de ses concurrents

Le blog de MariaDB offre un comparatif détaillé des résultats obtenus par les versions récentes de MySQL et de MariaDB, et bien que les résultats se jouent dans un mouchoir de poche, MariaDB possède une longueur d’avance.

Selena Deckelmann, contributrice à PostgreSQL, prétend que Heroku Postgres rend Postgres plus attirant pour plusieurs raisons, y compris au niveau de l’extensibilité. « Ils possèdent clairement le plus large environnement hébergé pour Postgres, s’adaptant automatiquement pour vos applications et acceptent des extensions (add-ons) qui rendent facile l’essai de nouvelles fonctionnalités avant même que les DevOps ne rencontrent la situation » ajoute-t-elle à ses explications. « Ils viennent tout juste d’annoncer le support de PLV8 qui permet de lancer JavaScript au sein même de la base de données et tire avantage des données JSON disponibles dans les versions 9.2 et supérieures. »

4. MySQL est la propriété d’Oracle, pas un projet communautaire

MySQL n’a pas radicalement changé d’objectif depuis son acquisition par Oracle, mais demeure la propriété d’Oracle, ce qui rend certains développeurs nerveux. « Et, pire encore, il est impossible pour la communauté de collaborer avec les développeurs de chez Oracle » dit Michael « Monty » Widenius, fondateur de MySQL et de MariaDB.

Widenius remarque qu’Oracle n’accepte pas les patchs et ne fournit aucune roadmap publique. « Il n’y a pas moyen de discuter avec les développeurs de MySQL sur l’implémentation de fonctionnalités ou le fonctionnement du code actuel » ajoute-t-il. S’il vous importe d’employer une base de données open source et développée par la communauté, Widenius vous conseille MariaDB (doh!), car elle est bâtie sur MySQL et offre plus de fonctionnalités, de vitesse et de stabilité, mais moins de failles de sécurité.

5. De plus en plus de grand projets abandonnent le navire

Lors des rencontres RedHat Summit 20013 Boston, RedHat a annoncé sa rupture avec MySQL. La distribution Linux Red Hat Entreprise (RHEL) intégrera MariaDB. Fedora a d’ores et déjà annoncé qu’il passerait de MySQL au fork MariaDB avec Fedora 19. Slackware Linux a annoncé la transition de MySQL à MariaDB en mars 2013 et openSUSE a fait une annonce similaire en janvier 2013.

Les distributions Linux ne sont pas les seules. En avril 2013, la Wikimedia Foundation a annoncé que Wikipédia, le septième site le plus populaire au monde allait adopter MariaDB. Dans le communiqué, Asher Feldman, le concepteur de sites de la Wikimedia Foundation, expliquait que les améliorations de l’optimisateur de MariaDB, et que l’ensemble de fonctionnalités XtraDB de Percona étaient des raisons très favorables à un changement. « Tout aussi important, en tant que supporters du mouvement de la culture libre, la Wikipedia Foundation préfère fortement les projets logiciels libres : cela inclut une préférence pour les projets sans base de code divisée entre éditions gratuites/libres et pour entreprises », ajoute-t-il. « Nous accueillons et supportons la MariaDB Foundation comme délégué à but non lucratif de la communauté de la base de données MySQL libre et ouverte. » Comme le fit remarquer le journaliste spécialisé en technologie Steven J. Vaughan-Nichols (et contributeur à SmartBear) à la fin de l’année 2012, peu importe ce que vous ressentez vis-à-vis d’Oracle ou du débat des logiciels open source/non-libres, « les meilleures performances de MariaDB à l’un des sites Web les plus chargés du monde va attirer l’attention de n’importe quelle personne utilisant des piles logicielles Linux, Apache, MySQL, PHP/Python/Perl (LAMP). »

Donc, que savent ces entreprises spécialisées dans la technologie et le Big Data que les utilisateurs fidèles de MySQL ignorent ? MySQL n’est plus le seul gros poisson dans le petit étang des solutions de bases de données. Au contraire, MySQL est en concurrence avec sa propre solution émancipée d’Oracle, une engeance véritablement open source, MariaDB, le SGBDR toujours plus populaire PostgreSQL, et un marché toujours plus florissant de solutions NoSQL.

Si vous n’avez pas encore laissé tomber MySQL, il y a plein de raisons pour y réfléchir à nouveau.




Never work for money ? Du Libre dans une copie du BAC d’anglais !

Nous avons reçu ce mail qui nous a particulièrement touché.

Cela mérite une bonne note, non ? 😉

Official U.S. Navy Imagery - CC by

Bonjour Framasoft,

Je m’appelle XXX et j’ai maintenant passé le BAC (en espérant l’avoir réussi pour décrocher l’INSA à Rouen). Il se trouve que l’un des sujets d’expression d’Anglais LV1[1] était :

“I once promised myself I would never work for money,” (Document B, 1.12). How easy is it to stick to such a decision?

Fervent croyant en le logiciel libre que je suis, j’ai écrit un texte sur la culture libre et le logiciel libre. Je me permets aujourd’hui de vous en faire part.

Vous êtes bien sûr libre d’en faire ce que vous voulez, comme me le « corriger », me le commenter, le publier (message subliminal).

Cependant, je dois vous prévenir que comme le nom de votre association se trouve dans mon texte, le correcteur de doit pas être capable de m’identifier, ce qui implique que soit l’hypothétique publication ne doit pas se trouver avant la date des résultats du BAC (5 juillet) ou que mon nom ne soit figuré nul part, du moins jusqu’aux résultats (si vous avez besoin d’un pseudonyme, utilisez « minijackson »)

Voici donc le contenu du dit texte, quelque peu altéré suite à une courte réflexion postérieure :

In our commercial society, where everybody is looking for a well-paid job, not too much painful, and maybe if possible that we like, is there a place for “not for money” works ?

I would like to explain this issue through an underestimated and under-explained topic : the free culture.

The free culture was at first named “free software” for it was applied to softwares only. But this situation has evolved and now is extent to books, pictures and musics.

But what is it ? It is the idea of giving freely informations or culture. But this “free” doesn’t mean “free” like in “free shipping”, but “free” like in “freedom” or “free speech”.

It gives the person the ability to share, remix and share the remix of a piece of culture. It is very rare to see an artist giving the ability to share and remix his piece of work. And so was created the community of free culture.

Concerning the free softwares, developers works hard to give a good software knowing that they do not work for money. How do they do? There is mainly three cases : Either the developer has a work and spend his free time developing, or the person works for a non-profit organization that provides free software(s) like Mozilla or The Linux Foundation.

But it is very rare to see someone living with donations only. It is also very hard for free software developers because of organizations like Microsoft or Apple who makes everything to make the user believe that they are the only ones who can make such products.

But it isn’t true. Every free software developers works hard to give free and best softwares with one goal : make an open world.

Windows and Mac are beaten by Linux, Microsoft Office is beaten by LibreOffice and Internet Explorer is beaten by Firefox.

Some associations are also trying to spread the word, getgnulinux or Framasoft.

Finally I would say that it is always hard to stick to that promise but we are trying. And because we are a huge community we will succeed.

En espérant que cela vous plaise et que je n’aie pas écrit de bêtises, toute critique constructive est acceptée avec plaisir.

Merci et bonne continuation,

minijackson

Crédit photo : Official U.S. Navy Imagery (Creative Commons By)

Notes

[1] Le sujet dans son intégralité sur Sribd.




Éducation : priorité au logiciel libre ou respect de la « neutralité technologique » ?

On commence à connaître la chanson et elle est emblématique de l’époque actuelle : le privé qui s’alarme et demande au public de le soutenir sur le dos des biens communs.

Ici nous sommes dans le secteur sensible de l’éducation et pour refuser la priorité aux logiciels libres on est prêt à tout, comme sortir du chapeau la notion pour le moins vague et floue de « neutralité technologique » (sans oublier le FUD sur l’innovation, la croissance, la destruction d’emplois, toussa…)

Le Sénat a en effet examiné cette semaine le projet de loi sur la refondation de l’école de la République. Parmi les dispositions introduites par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, on trouve une modification apportée à l’article 101 qui donne la priorité au logiciel libre et aux formats ouverts dans le futur service public du numérique éducatif.

Pour ceux (comme l’April ou l’Aful) qui se battent depuis des années, voire des décennies, pour qu’il en soit ainsi, c’est déjà un grand pas en avant.

Un pas en avant clairement non partagé par le Syntec Numérique et l’AFINEF (Association Française des Industriels du Numérique dans l’Education et la Formation) qui ont publié dans la foulée un communiqué de presse que nous avons reproduit ci-dessous.

Dans la mesure où les communiqués de l’April, de l’Aful et du Syntec ne proposent pas d’espace de discussion sous article, nous invitons toutes celles et ceux que le sujet intéresse à intervenir dans les commentaires.

PS : Rappelons à l’occasion l’article de Richard Stallman : Pourquoi les écoles devraient utiliser le logiciel libre et l’enseigner.

Sashomasho - CC by-sa

Numérique éducatif et pédagogique : les professionnels du numérique interpellent le Gouvernement sur le respect de la neutralité technologique

CP du Syntec Numérique et l’AFINEF (22 mai 2013)

URL d’origine du document

Syntec Numérique et l’AFINEF interpellent le Gouvernement sur la mention favorisant de manière prioritaire l’utilisation de logiciels libres pour le service public du numérique éducatif, dans le projet de loi en débat ce mercredi 22 mai au Sénat sur la Refondation de l’Ecole de la République. Syntec Numérique, le syndicat professionnel des industries et métiers du numérique, et l’Association Française des Industriels de l’Education et de la Formation (AFINEF) interpellent le Gouvernement sur les dispositions modifiées du Projet de Loi de Refondation de l’Ecole de la République issues du travail en commission au Sénat, donnant la priorité à l’utilisation de logiciels libres pour le service public du numérique éducatif.

Malgré un avis défavorable du Gouvernement en commission, la rédaction retenue à l’alinéa 7 de l’article 10, « Ce service public utilise en priorité des logiciels libres et des formats ouverts de documents », porte atteinte au principe de neutralité technologique qui est la règle notamment pour la commande et l’achat publics.

Par ailleurs, le rapport annexé à la Loi à l’article 1er, définissant les moyens et les orientations de la refondation de l’école de la République mentionne que « L’incitation au développement de ressources numériques se fera notamment en faveur de contenus et de services numériques dits « libres » ».

Les professionnels du numérique regrettent que ces deux dispositions contredisent la circulaire du premier ministre du 19 septembre 2012 sur les modalités de l’utilisation des logiciels libres dans l’administration tout en portant atteinte au pluralisme des ressources informatiques.

En effet, au moment où le Gouvernement engage une politique d’aide à la création d’une filière d’acteurs français du numérique éducatif et pédagogique, ces dispositions, si elles sont définitivement adoptées, handicaperont gravement les efforts de développement de la plupart des entreprises déjà présentes sur cette filière qui n’a pas encore trouvé sa consolidation et dissuaderont de nouveaux acteurs innovants de s’y engager.

Pour les acteurs du numérique, le pluralisme et la neutralité technologique, adossés à l’interopérabilité, sont les conditions sine qua none afin de s’engager dans le développement des produits et supports technologiques pour répondre à l’enjeu essentiel de la modernisation du service public éducatif et à l’accompagnement des enseignants dans leur investissement pédagogique.

Ils souhaitent par ailleurs alerter les pouvoirs publics sur les conséquences que ces dispositions auraient sur la lisibilité de l’offre e-éducative française à l’international, notamment en direction de continents où le pluralisme et la neutralité technologique conditionnent la pénétration des marchés.

Ils soulignent enfin que ces dispositions évidement inconstitutionnelles, augmenteront le risque de recours contentieux entre les opérateurs privés du secteur et les administrations. En effet, ces dispositions rentrent en contradiction avec les principes d’égalité de traitement et de liberté d’accès à la commande publique, rappelés à l’article 1er du Code des marchés publics et qui ont acquis valeur constitutionnelle (Cons. Const. 26 juin 2003) : « Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en œuvre conformément aux règles fixées par le présent code ».

Force est de constater que ces dispositions vont en effet à l’encontre du principe de neutralité du droit des marchés publics, qui ne permet aucunement de favoriser des opérateurs économiques au détriment d’autres. Au contraire, les règles de la commande publique ont pour objet de permettre au pouvoir adjudicateur de sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, correspondant à ses besoins, après une mise en concurrence. Ainsi, écarter la fourniture de certaines solutions, en imposant un type de logiciels, violerait les principes fondamentaux de la commande publique consacrés tant au niveau français qu’européen et jamais démentis.

Syntec Numérique et l’AFINEV en appellent ainsi à la sagesse de la Haute Assemblée et au respect de la feuille de route numérique du Gouvernement, afin de soutenir une filière qui a besoin d’être stimulée par un environnement législatif et juridique stable, et non par des mesures discriminatoires infondées, pour donner la mesure de tout son potentiel, en termes d’innovation, de croissance et de création d’emplois.

Crédit photo : Sashomasho (Creative Commons By-Sa)




Pas de sexisme chez les Libristes ?

La semaine dernière, nous publiions la traduction L’open source n’est pas une zone de guerre, les hommes ne sont pas tous des connards.

Armony Altinier, fondatrice du groupe accessibilité de l’April et l’une des initiatrices de la soirée Libre Diversité, a souhaité réagir à cet article.

Pas de sexisme chez les Libristes ?

Armony Altinier – Mai 2013

Le Framablog a publié récemment une traduction d’un article intitulé « L’open source n’est pas une zone de guerre, les hommes ne sont pas tous des connards ».

Titre éloquent qu’on a immédiatement envie de compléter en disant : « et les femmes ne sont pas toutes des féministes ». Dont acte, merci pour cette évidence.

Cet article était introduit un peu maladroitement[1] de cette façon : « Un constat sensiblement différent du billet Sexisme chez les geeks : Pourquoi notre communauté est malade, et comment y remédier de MarLard, qui fit couler beaucoup d’encre récemment dans la blogosphère francophone. »

Qu’en est-il exactement ? Le monde du Libre serait-il un doux rêve échappant à un monde structuré en groupes sociaux dominant d’autres groupes ? Malheureusement, point besoin de statistiques complexes pour se rendre compte que la diversité semble une utopie bien lointaine dans tout événement libriste. L’April, dans une enquête interne basée sur leurs adhérent-e-s, avait même révélé que seuls 6% de ses membres étaient des femmes… Cela signifie-t-il que la majorité des libristes (des hommes donc) sont des connards ? Bien sûr que non !

Non, la très grande majorité des libristes n’est pas sexiste, ils se fichent simplement des inégalités qui existent dans leur communauté.

Prenons une analogie simple pour distinguer les différents types de responsabilité.

Quelqu’un commet un vol : c’est un voleur. Quelqu’un voit un vol se commettre et aide la personne à s’enfuir : ce n’est pas un voleur, c’est un complice parce qu’il a agi pour aider le voleur. Quelqu’un voit un vol être commis et ne réagit pas : ce n’est pas un voleur (auteur de l’acte), ce n’est pas un complice (aucune action directe pour aider), c’est juste quelqu’un qui s’en fiche.

Or, si seule une minorité de libristes est sexiste (avec des actes tels que décrits par MarLard), qu’une part un peu plus importante est complice (en relayant des propos qui minimisent de tels actes par exemple ou en en plaisantant ouvertement), la très grande majorité s’en fiche complètement !

Distinguer sexisme et reproduction sociale du patriarcat

Les mots en -isme comme le racisme ont une signification particulière : ils intègrent une dimension idéologique forte. Cela signifie une implication de l’individu derrière cette croyance.

Dans le cas du racisme par exemple, dont le mot sexisme est inspiré selon Wikipédia, il implique que la personne croit que les êtres humains sont divisés en différentes races dont certaines seraient supérieures à d’autres.

On retrouve cette notion de croyance dans le sexisme, où certaines personnes croient que les hommes en tant que groupe social seraient par nature supérieurs au groupe social des femmes. Ainsi, dire que quelqu’un ou qu’une communauté est sexiste a forcément un côté dénonciateur. Ce qui tend à avoir pour effet une réaction pour « défendre » les personnes accusées de sexisme à titre individuel. Or, mettons-nous à la place des femmes de la communauté Perl auteures du billet de blog traduit sur le Framablog : elles ont de bons copains geeks parmi elles, et elles savent très bien qu’ils ne se sentent pas supérieurs à elle parce que ce sont des hommes. Ils ne sont donc pas sexistes et le crier bien fort est un gage d’amitié et de soutien face à ce qui est considéré, à tort, comme une agression.

Pourtant, ce n’est pas parce que des personnes à l’échelle individuelle ne théorisent pas la supériorité des hommes sur les femmes qu’aucune discrimination n’existe de facto dans notre société. Et en n’agissant pas ou en minimisant ces faits, ces personnes reproduisent une société patriarcale qui est non seulement sexiste, mais qui exclut tout individu qui n’entre pas dans le schéma de perfection associé aux attributs de la virilité version XXIe siècle : force physique (et donc absence de faiblesse ou de handicap), accumulation d’argent, jeunisme, diplômes, position sociale dominante…

Ainsi, je me demande en quoi relayer ce message d’amitié individuel sur le Framablog apporterait un éclairage différent aux propos de MarLard comme il a été dit en introduction ? Car les faits sont incontestables : des communautés libres très homogènes dans leur profil c’est-à-dire très masculines, très blanches, valides, technophiles et j’en passe…

Le Libre, un atout pour le féminisme ?

Le féminisme implique deux choses :

  1. Accepter d’ouvrir les yeux sur la réalité choquante des discriminations
  2. Vouloir prendre une part active pour que les choses changent

Si les mouvements du logiciel et de la culture libres ont bien quelque chose en commun avec les mouvements féministes, c’est leur volonté de modifier l’ordre des choses pour favoriser un écosystème qui libère l’individu. Or, l’ordre établi est celui du patriarcat.

Et si le logiciel libre sortait du pré carré geek pour s’ouvrir à toutes et tous, sans discrimination ? Cela impliquerait de revoir le fonctionnement interne de chaque organisation et de développer un écosystème favorable et ouvert (tiens !) en se souciant de faire de la place à des voix différentes (faire émerger de nouvelles et nouveaux intervenant-e-s par exemple, ce qui suppose de leur faire de la place), à choisir des lieux accessibles à toutes et tous et à investir des lieux différents (pas seulement des repaires de technophiles).

Le slogan du Framablog reprend une phrase du documentaire de Hannu Puttonen Nom de code : Linux : « Ce serait peut-être une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait que du code ». Beau défi, n’est-ce pas ? Certain-e-s s’y essaient déjà, et vous ?

Pour aller plus loin, vous pouvez relire un article du Framablog sur les femmes et le logiciel libre.

Notes

[1] Note d’aKa : Je confirme que c’était maladroit.




Les hommes du Libre ne sont pas tous des connards

« L‘open source n’est pas une zone de guerre. Les hommes ne sont pas tous des connards. » Tel est le titre d’un article publié par des femmes de la communauté Perl.

Un constat sensiblement différent du billet Sexisme chez les geeks : Pourquoi notre communauté est malade, et comment y remédier de MarLard, qui fit couler beaucoup d’encre récemment dans la blogosphère francophone.

La Jeune Fille à la Perl

L’open source n’est pas une zone de guerre. Les hommes ne sont pas tous des connards.

Open Source Is Not A Warzone. Not Every Man Is A Dick.

Collectif féminin de la communauté Perl – Mai 2013 – Site personnel de Su-Shee
(Traduction : audionuma, Sphinx, tcit, Ag3m, Garburst, audionuma, goofy, MFolschette, Asta, Hype, KoS + anonymes)

Nous sommes des femmes techniciennes. Nous faisons de l‘open source. Nous faisons partie de la communauté open source.

Nous assistons à des conférences techniques, participons à des groupes d’utilisateurs et à des hackatons avec nos collègues développeurs masculins.

Et nous aimons ça.

Nous avons le sentiment que l’écrasante majorité des hommes à qui nous avons affaire sont des personnes intelligentes, certains sont même des mecs sympas qu’on aime bien.

Oui, nous avons rencontré des connards dans nos vie. Oui, nous avons subi des agressions, parfois même en public et au grand jour. Oui, nous nous sommes fait taper dessus régulièrement et sans finesse, nous avons été dégoutées et dérangées et parfois nous avons frôlé la panique. Certaines d’entre nous ont connu la violence. On nous a tripoté le cul et les nichons, on s’est fait reluquer, siffler et on a eu droit au crétin bourré qui se met en travers. Oui, certaines d’entre nous ont atteint le proverbial plafond de verre durant leurs carrières.

C’est le côté le plus négatif de nos vies et en effet, nous jugeons les réunions et les rencontres selon le degré de bien-être, le sentiment de sécurité et le niveau de connerie affichée ou dissimulée qu’on y ressent.

Mais ce n’est qu’UN aspect du fait d’être une femme et nous ne voulons pas laisser cet aspect dominer notre manière de vivre et de nous comporter dans les communautés techniques de notre choix.

Nous avons le sentiment que la tendance à développer des codes de conduite, des règlements et des règles spécifiquement pour les conférences techniques et d’autres rassemblements liés à la technologie dépasse de beaucoup la réalité que nous avons connue jusqu’à présent.

Nous ne soutenons pas la généralisation de la culpabilité diffuse à un genre tout entier et nous ne voulons pas être suspicieuses envers chacun de nos collègues participant à une communauté.

Nous considérons également les rassemblements de techniciens comme des événements professionnels. Nous attendons donc de chaque participant qu’il se comporte selon les règles que les communautés open source considèrent comme « professionnelles ». Les présentations grossières que l’on a vues lors d’événements récents ont provoqué un scandale suffisant pour faire le point sur cette question.

Nous souhaitons également utiliser un vocabulaire approprié : une « agression » est un acte de violence, un acte agressif pour prendre l’ascendant sur une personne. Nous ne ressentons pas une médiocre tentative de drague comme une agression. Un regard indiscret dans notre décolleté n’est pas une agression. Si quelqu’un nous touche sans le vouloir, ce n’est pas une agression. Le « bisou » français typique est quelque chose de culturel et pas une agression. Une accolade (hug) peut être un acte absolument amical et pas une agression, même s’il peut ne pas être bienvenu.

Nous aimons aussi penser logiquement, et en tant que femmes techniciennes, nous pouvons même nous défendre avec des statistiques : considérant que nous représentons à peu près 1 % à 20 % (ce qui est déjà un pourcentage de femmes extrêmement haut) de n’importe quelle communauté, rencontrer seulement 2 connards dans une conférence de 500 personnes est une chance FANTASTIQUE, nulle part ailleurs dans nos vies quotidiennes la probabilité n’est aussi faible.

Débattons également des problèmes légaux : comment un code de conduite pourrait-il aider contre les agressions, les viols ou les passages à tabac ? Tout ça est DE TOUTE FAÇON illégal à peu près partout dans le monde. Il existe DÉJÀ un code de conduite : la loi, aussi partiale et faible soit-elle.

Regardons les choses en face : aucun connard ne va être stoppé par un code de conduite impuissant à interdire les comportements inopportuns, c’est bien pour cela que ce sont des connards. Cependant, une grande proportion d’hommes se feront discrets, par culpabilité, parce que ce sont ceux qui se remettent en question, de manière réfléchie, par rapport à leur propre connerie.

Nous préférons que le bon goût, le professionnalisme et les comportements se développent grâce à une culture de bon goût, de plaisanteries, d’idées de fond et de standards, et non par l’écriture d’une longue liste de choses déplaisantes et interdites. Nous préférons agir contre le comportement des connards lorsqu’il se manifeste.

Mais nous considérons aussi les rassemblements open source comme des événements sociaux et nous allons le dire en public : lors d’un événement social il peut y avoir de la *hum* sexualité, de l’amitié, des taquineries ou du flirt. Cela fait partie du fait que les humains vivent ensemble. Nous considérons la libération sexuelle des années 70 comme un progrès qui nous a donné, à nous les femmes, de nouvelles libertés pour vivre comme nous le voulons. Nous n’y renoncerons pas.

Nous nous voyons dans la tradition du féminisme responsabilisant, de l’émancipation en ayant appris à dire non, en étant capables de nous défendre nous-mêmes et nous ne voulons pas être les victimes indirectes d’actes de surprotection « globaux » qui au fond condamnent chaque comportement social entre les hommes et les femmes.

Nous sommes des « femmes du Perl » et à vrai dire notre communauté nous plaît plutôt bien.

(Peut-être êtes-vous membre d’une communauté complètement différente et, néanmoins d’accord avec nous : faites-le moi savoir :)).

Tout comme le sont d’autres femmes, qui ne seront pas citées ici.

Bien à vous – Su-Shee (Susanne Schmidt), castaway (Jess Robinson), gshank (Gerda Shank), ether (Karen Etheridge), druthb (D Ruth Bavousett), auggy (Augustina Ragwitz), Lady Aleena




Linux est plus rapide que Windows et c’est un développeur Microsoft qui le dit !

On le savait déjà mais un présumé développeur Microsoft vient le confirmer avec précision : GNU/Linux est plus rapide que Windows.

Et les raisons qu’il avance font que cela semble difficilement réversible…

Remarque : Le développeur reste anonyme donc le doute subsiste, sur son identité pas sur la lenteur de Windows 😉

Thawt Hawthje - CC by

Un developpeur Microsoft admet que Linux est plus rapide que Windows

Anonymous MSFT developer admits Linux is faster than Windows

Steven J. Vaughan-Nichols – 12 mai 2013 – ZDNet
(Traduction : alct, goofy, Le_Hobbit, Kurze, Sylvain, Axl, tcit, ProgVal, Jose, Eijebong, Sinma, lmorel3, nano-plink, JLoDoesIT, Cyrille L., MFolschette + anonymes)

Résumé : Ce n’est pas une grande surprise, mais Linux est plus rapide que Windows, et au moins un développeur anonyme de Microsoft est d’accord pour l’admettre et il explique pourquoi c’est le cas.

Linux est bien plus rapide que Windows. Cette constatation n’est pas neuve. C’est pourquoi Linux fait tourner 90 pourcents des 500 plus rapides super-calculateurs, alors que Windows ne fait tourner qu’un pourcent d’entre eux. La nouvelle « nouvelle » est qu’un présumé développeur du système d’exploitation de Microsoft a récemment admis que Linux est en effet plus rapide, et explique pourquoi c’est le cas.

Cette personne anonyme, supposée être un programmeur du noyau de Windows a d’abord publié ses commentaires dans une conversation sur « Hacker News ». Il a poursuivi avec plusieurs commentaires sur le blog de Marc Bevand. Marc Bevand est un ingénieur logiciel pour Adconion, spécialisé dans les calculs à haute performance.

Le présumé développeur déclare en introduction : « Windows est en effet plus lent que les autres systèmes d’exploitation dans beaucoup de situations, et cela ne va pas en s’améliorant. La cause de ce problème est sociale. Aucune amélioration n’est apportée au système pour elle même, pour sa « gloire » telle que celles que vous voyez dans l’univers de Linux. »

Ce n’est pas que les développeurs Windows ne veulent pas améliorer les performances de leur système d’exploitation; le problème est que la culture de développement de logiciel chez Microsoft décourage les améliorations. Le prétendu programmeur écrit :

« Certes, on voit parfois des personnes naïves tenter d’améliorer les choses. Elles échouent presque systématiquement. Nous pouvons — et nous le faisons — améliorer les performances de certaines fonctionnalités spécifiques lorsque les personnes chargées d’allouer les ressources considèrent que cela aura une influence sur les objectifs commerciaux, mais c’est un travail vain. Il n’y a aucun plan global officiel ou officieux pour l’amélioration des performances du système. Nous avons commencé à nous soucier des problématiques liées à la sécurité parce que Windows XP, avant la sortie du Service Pack 3, devenait une menace vitale pour les affaires. Nos mauvaises perfomances, quant à elles, ne menacent pas les affaires.

Voyez-vous, les producteurs de composants sont généralement ouvertement hostiles aux modifications par des tiers. Si vous êtes un développeur, accepter un patch de l’extérieur met votre chef en colère (parce qu’il faut maintenir ce patch et justifier auprès des collaborateurs le changement de conception non prévu), les testeurs en colère (car les testeurs ont pour responsabilité d’assurer que le changement ne brise rien et vous leur avez créé du travail) et le gestionnaire de projet est en colère (à cause des conséquences en termes de planification du bout de code). Il n’y a en fait rien qui encourage à accepter les changements venus de l’extérieur de votre propre équipe. Vous pouvez toujours trouver une raison de dire « non » et très peu d’intérêt à dire « oui ».

Il y a aussi peu d’incitation au changement tout court. Dans le noyau Linux, si vous améliorez la performance du parcours d’un répertoire de 5%, vous êtes félicité et remercié. Ici, si vous le faites et que vous n’êtes pas dans l’équipe qui s’occupe de ce sujet, dès lors même si votre code est approuvé par les tenants du sujet et intégré, votre hiérarchie s’en moque. Oui, faire des améliorations importantes va vous permettre d’être remarqué par les plus expérimentés et pourrait être une aubaine pour votre carrière, mais l’amélioration doit être vraiment énorme pour attirer ce genre d’attention. Les améliorations progressives ne font qu’ennuyer les gens et sont, au mieux, sans impact sur votre carrière. Si vous êtes malchanceux et que vous parlez à votre supérieur de comment vous avez amélioré la performance d’autres composants du système, il va juste vous demander si vous pouvez accélérer votre activité de résolution de bug. »

D’après lui, Microsoft est en train de perdre ses meilleurs talents chez la concurrence. Il écrit : « Une autre raison qui explique l’écart de qualité est que nous avons eu du mal à garder les gens talentueux. Google et les autres grosses compagnies de la région de Seattle continuent à piquer nos meilleurs développeurs, ainsi que nos plus expérimentés et nous embauchons des jeunes tout droit sortis de l’université pour les remplacer. Vous trouvez ainsi des SDE (NdT : Microsoft Software Development Engineer pour Ingénieurs de développement logiciel Microsoft) qui maintiennent des systèmes énormes. Ces développeurs sont bien intentionnés, et sont en général suffisamment intelligents, mais ils ne comprennent pas pourquoi certaines décisions ont été prises, ils n’ont pas une compréhension approfondie des détails complexes de la manière dont leurs systèmes fonctionnent et, plus important, ils ne veulent rien changer qui fonctionne déjà. »

De plus, assure-t-il, les développeurs juniors de Microsoft ont une tendance à apporter des améliorations au système en implémentant des fonctionnalités flambant neuves plutôt que d’améliorer les anciennes. Si l’on observe les dernières sorties de Microsoft, le constat est sans appel : nous n’améliorons pas les anciennes fonctionnalités, nous en ajoutons de nouvelles. En l’état actuel des choses, à l’heure du bilan, le développement de nouvelles fonctionnalités est mieux considéré que l’amélioration des anciennes (c’est littéralement l’explication de Powershell. Beaucoup d’entre nous souhaitaient améliorer cmd.exe mais ne pouvaient pas).

Juste pour le plaisir de baver, il est difficile de battre ses pensées concernant le système de fichiers NT (NTFS) : « Oh mon dieu, le code NTFS est un livre d’horreur victorien réécrit sous opium violacé qui utilise des verrous récursifs et SEH (gestion structurée des exceptions) pour le contrôle des flux. Ecrivons plutôt ReFs (système de dossiers résistant à la place (et, ouais, copions et collons le code source de NTFS et enlevons la moitié de ses fonctionnalités ! Et ajoutons des sommes de contrôle, parce c’est cool, n’est-ce pas, et maintenant avec ça c’est tout aussi bien que dans ZFS (Z File System) ? D’accord ? Et qui a besoin de quotas de toute façon ?) »

Ces « révélations » n’ont rien de nouveau. N’importe qui ayant suivi « Mini-Microsoft », un employé anonyme de l’entreprise proposant une vue de l’intérieur des open spaces à gogo du pôle du développement Microsoft, ou qui a lu les commentaires d’un ex-développeur Microsoft mécontent comme Hamilton Verissmo, sait comment la bureaucratie du développement chez Microsoft se met en travers de l’innovation. Comme Brian Cody, un ancien ingénieur Microsoft, disait dans le Magazine Forbes en 2012, être un développeur logiciel Microsoft qui réussit « a toujours été beaucoup moins sur comment je pourrais devenir un meilleur ingénieur et beaucoup plus sur comment améliorer ma visibilité auprès des managers ».

En résumé, Microsoft est devenu une « vieille » entreprise. Ce n’est pas une surprise qu’aujourd’hui, Microsoft tente de se rattraper au niveau des tablettes et smartphones avec des ratés tels que Windows 8 Metro plutôt que l’amélioration de ses performances logicielles de base.

Les personnes réagissent comme si ce nouveau regard sur le fonctionnement de Microsoft était choquant. Ça ne l’est pas. Le développeur le dit lui-même, dès que l’histoire s’est répandue sur la blogosphère, « c’était devenu hors de contrôle. J’ai été trop sévère, et je ne voulais pas que cela ressemble à une sorte d’exposé géant. C’était juste du ronchonnement ».

En particulier, il s’excuse à moitié pour ses commentaires sur NTFS: « NTFS utilise bien SEH en interne, mais le système de fichiers est très robuste et bien testé. Les gens qui le maintiennent comptent parmi les plus talentueux et expérimentés que je connaisse. (Certes, je pense qu’ils maintiennent du code laid, mais le code laid peut faire des composants bons et fiables, de plus la laideur est nécessairement subjective.) »

Dans une tentative de résumer toutes ses plaintes de manière plus positive, il a ajouté, « Windows et Microsoft ont toujours beaucoup de talents techniques. Nous ne livrons pas de code que personne ne peut maintenir et comprendre, même si quelques fois ça peut prendre un peu de temps pour les nouvelles personnes pour contribuer. Bien que j’ai des droits de lecture et d’écriture sur le code source de Windows ainsi que des dizaines de milliers de personnes à travers le monde, je ne suis pas une exception. On ne prend quasiment aucune décision individuelle, et bien que je maintienne que la dynamique sociale décourage la prise de risque et l’action individuelle, je veux insister sur le fait que nous ne sommes ni fous ni anormaux. La force sociale telle que je l’ai décrite promeut l’innovation, et bien que je pense que l’on devrait pouvoir améliorer les aspects de notre culture que j’ai précisés, nous sommes loin d’être paralysés.

Les effets négatifs sont davantage comme ceux encourrus lors du montage d’un béquet non nécessaire sur une voiture plutôt qu’arracher le bloc moteur. Un fait incontestable, c’est que notre division d’ingénieurs fabrique et distribue des logiciels fiables qui fonctionnent partout dans le monde. Qu’importe ce que vous pensez de la nouvelle interface utilisateur de Windows 8, le système qui se cache en dessous est solide comme le roc, tout comme l’était Windows 7, et je suis fier d’avoir été une petite pièce de tout ce processus. »

Solide comme le roc ? Les patchs mensuels du mardi de Microsoft et la sortie constante de corrections pour des failles zero-day, comme la correction en mai d’IE 8, me laissent perplexe, comme toujours, sur la sécurité et la stabilité de Windows, mais que peut dire d’autre un employé de Microsoft ? Dans tous les cas, lorsqu’on parle de vitesse, c’est Linux, et non Windows, comme il l’a admis lui-même, qui reste le champion évident.

Crédit photo : Thawt Hawthje (Creative Commons By)




Réformons le copyright à coups de masse pour le réduire en miettes !

Zacqary Adam Green est un réalisateur étasunien pour le moins libre. Non content d’être au parti pirate new-yorkais, il dirige le projet Plankhead, une organisation/collectif/vaisseau pirate produisant de l’art libre. Sa vision du copyright est radicale : c’est, pour lui, un système inadapté.

En posant la question d’ordre pratique, le fameux “et qu’est-ce que tu vas faire ?”, il démontre à quel point les licences libres sont des outils légaux qui peuvent se rapprocher des vœux pieux.

Il est amusant de voir que ceux que l’on traite d’utopistes, de doux rêveurs, sont ceux qui font le plus preuve de pragmatisme. Cet article, ancré dans le concret, permet de bousculer les idées préconçues sur les licences Creative Commons. Il permet de pousser la réflexion jusqu’au bout : et si la loi était en fait inadaptée à protéger/soutenir les créateurices ? Et si la dématérialisation des productions de l’esprit reléguait la législation de la propriété intellectuelle à des pratiques d’un autre âge, d’une autre économie…?

Tant de pragmatisme, ça laisse rêveur… non ?

(Pouhiou)

Réformons le Copyright. À coups de masse. Pour le réduire en miettes.

Let’s Reform Copyright. With A Sledgehammer. Into Smithereens.

Zacqary Adam Green – 16 avril 2013 – Licence CC-0
(Traduction Framalang : Penguin, ZeHiro, Garburst, goofy, peupleLà, Pouhiou, Asta, Garburst, Neros)

Il y aurait bien des manières de réformer le monopole du copyright afin de résoudre certains des problèmes qu’il pose. C’est politiquement faisable. Mais à long terme, il va vraiment falloir l’abolir complètement.

Les Creative Commons ont été l’une des meilleures tentatives pour résoudre les problèmes posés par le monopole du copyright. Les Creative Commons font un excellent travail en incitant les personnes qui créent à envisager différemment le monopole du copyright et plus particulièrement ce que d’autres peuvent faire de leur travail. Malheureusement, il y a comme un gros problème. Le voici, résumé en une image :

CC Guide Fr - peupleLà

C’est le problème que pose toute loi basée sur le monopole du copyright : elle ne protège que les personnes qui ont les moyens d’engager une poursuite judiciaire. Si vous avez l’argent, si vous avez le temps, et si vous êtes prêts à passer des années à supporter le stress et les absurdités de la procédure, alors vous pouvez profiter des avantages du monopole. Sinon, c’est une fumisterie.

Malgré tous les beaux débats que les Creative Commons ont lancés, je reste persuadé qu’une seule de leurs licences est vraiment utile : la CC0, celle qui place tout votre travail dans le domaine public. J’adore la CC0 en fait. C’est pour moi une technique anti-piratage très efficace : il est littéralement et matériellement impossible aux gens de faire quoi que ce soit d’illégal avec mon travail.

À moins d’être une grosse multinationale (ou un individu extrêmement riche), l’expérience que vous aurez avec une licence basée sur le copyright ne sera guère différente de celle que vous aurez en plaçant votre œuvre dans le domaine public. Vous serez livré complètement à la merci des autres, à leur envie d’être – ou non – des blaireaux avec vous. Si votre œuvre est dans le domaine public, alors ceux qui téléchargent votre travail, s’en régalent à fond, et ne vous reversent pas un centime bien qu’ils en aient les moyens… ces gens-là sont de sombres connards. Utiliser sciemment votre chanson du domaine public dans un show télévisé de grande écoute, et ne pas même vous proposer une part des énormes profits générés ? Des crevards. Revendre votre œuvre sans même vous en créditer ? Connards de crevards de putains de connards.

Inutile de rendre la connerie illégale. En fait, la plupart des tentatives pour rendre la connerie illégale causent tellement de dommages collatéraux aux libertés civiles que ça n’en vaut même pas la peine.

Mais ne pourrions-nous pas étendre les bénéfices du monopole du copyright jusqu’au plus crève-la-faim des artistes en réformant le système juridique ? Que se passerait-il si déposer une plainte n’était pas aussi cher, aussi chronophage, et aussi inaccessible ?

Bien, tout d’abord, je voudrais vous demander comment diable vous avez prévu de faire ça. Peut-être que nous ne devrions pas démocratiser la possibilité de lancer des poursuites judiciaires les uns contre les autres. Peut-être est-ce une bonne chose que déposer une plainte et se lancer dans un procès soit une procédure d’une telle stupidité, d’une telle lourdeur bureaucratique, que ça vous ronge l’âme : parce que déposer une plainte est une manière plutôt stupide de régler des différends. Face à cette lenteur du système judiciaire, son côté ardu, il est tellement plus intéressant d’essayer de parler entre nous, plutôt que de chouiner pour que l’État abatte son marteau sur les gens que nous n’aimons pas. S’entendre à l’amiable, hors des tribunaux, est censé être plus plaisant.

Voilà pourquoi on devrait pouvoir faire disparaître totalement le monopole du copyright. Il nous incite à ne pas discuter. Pourquoi ne pas laisser les humains interagir et faire ainsi naître des règles de savoir-vivre pour l’accès et la réutilisation d’œuvres d’art ? Pourquoi créer des armes légales et s’en menacer mutuellement, au lieu de simplement agir en adultes et se parler ?

On ne se parle plus, toi et moi, humanité. Tu ne me rappelles jamais.

MISE à JOUR 26/04 – Suite à la traduction de cet article dont le ton provocateur et l’argumentation radicale suscitent le débat, nous vous invitons à parcourir le point de vue contradictoire de Calimaq sur son blog : Jeter les Creative Commons avec l’eau du Copyrright ?