La liberté sur Internet : certains en parlent, d’autres la font… Rejoignez-nous !

Le mouvement du logiciel libre a la chance de posséder deux grands tribuns de l’autre côté de l’Atlantique : Richard Stallman, que l’on ne présente plus, et Eben Moglen.

Ils n’ont pas le même style, dans le fond comme dans la forme, mais ils sont tous deux bigrement efficaces et efficients lorsqu’il s’agit de porter la bonne parole, en la rendant accessible au plus grand nombre dans un anglais simple, clair et percutant. Quand on sort de l’une de leurs conférences, on s’en trouve souvent comme revigoré pour ne pas dire galvanisé 🙂

Nous avions fait l’effort de sous-titrer une longue mais pasionnante et magistrale intervention d’Eben Moglen il y a quelques temps de cela : 1 heure de votre temps pour écouter Eben Moglen.

Donnée en février dernier dans le cadre d’un évènement autour du journalisme et des nouveaux médias, voici une conférence du même acabit et du même auteur qui n’a pas son pareil pour donner l’impression que la somme de tout ce que nous, modestes petites fourmis, faisons chacun dans notre coin du Web fait sens commun et nous dépasse.

Il y évoque notamment l’un des projets qui lui tient hacker et nous avec puisque nous lui avions consacré un enthousiaste et prometteur billet : La Freedom Box ou la petite boîte qui voulait que l’Internet restât libre.

En 2012, c’est décidé, je vote Eben Moglen !!

PS : Le sous-titrage provient de l’excellent projet Mozilla Universal Subtitles. Merci à Eric Verdier pour la traduction. Et si vous la jugez perfectible, suivez le même lien ci-avant pour l’amélioration 🙂

Navigating the Age of Democratized Media

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Transcript

Merci Tom, c’est un grand plaisir d’être ici.

Je suis très heureux d’avoir l’occasion de parler des questions qui me préoccupent le plus dans un contexte qui nous permet de parler un peu du journalisme et un peu de l’ignorance et un peu de l’abus de pouvoir.

Le problème que représente la presse c’est-à-dire la machine de communication depuis le début de l’industrialisation de la communication et de la lutte contre l’ignorance en Europe, au 15e siècle. Le problème posé par la presse est sa soumission incroyable au pouvoir. Presse et Pouvoir sont difficiles à séparer plus difficiles à séparer que le beurre d’arachide et la gelée, plus difficile à séparer que la nuit et le jour. Presse et Pouvoir sont liés l’un à l’autre depuis le début parce que dès le début il a été clair que l’alternative à une étreinte entre la presse et le pouvoir est une constante révolution alimentée par le désir des gens à connaître et à s’autoriser à agir dans leur propre intérêt, indépendamment de l’intérêt du pouvoir.

Notre adoption de la presse dans le monde européen après l’effondrement de l’unité de la chrétienté et la fin du système pour le contrôle de l’esprit qu’ a été l’Église catholique universelle, dans cette grande révolution intellectuelle, morale et politique que nous avons appelé la Réforme. La réponse à la Réforme fut l’apprentissage par toutes les sociétés européennes, protestantes et catholiques à la fois, que la presse ne pouvait pas être autorisée à être libre, et le résultat a été la censure presque partout pendant des centaines d’années.

Dans de rares endroits en Europe, en Hollande et au Royaume-Uni, en fait en Angleterre après 1650, puis à nouveau après 1695, dans les rares endroits où la presse était libre d’imprimer sans contrôle, le résultat a été le révolution intellectuelle, politique et morale que nous appelons les Lumières et la Révolution française, qui est une preuve de plus que permettre aux gens de savoir, d’apprendre, de s’éduquer les uns les autres et de partager entraînera la décentralisation du pouvoir et une menace pour tous les « Ancien Régime ».

Mais à l’âge des médias capitalistes dans lequel nous sommes en train de passer le mariage entre la presse et le pouvoir a été une fois de plus une question d’attraction magnétique. La presse, qui est la production industrielle et la diffusion de l’information organisée, la presse est devenue la bonniche de la classe possédante.

Liberté de la Presse. Le grand critique de presse américain A. J. Liebling a écrit: « La liberté de la presse appartient à celui qui en possède une » et à travers le 20e siècle tant à l’égard de la presse que de son proche cousin, la diffusion ça a été encore plus vrai.

Nous sommes en train de sortir de l’ère de la presse comme nous passons de l’idée qu’il y a une machine qui transforme l’information du local et temporaire à l’universel et permanent. A la place, nous avons commencé de vivre à l’intérieur d’un système nerveux numérique qui relie chaque être humain sur la planète à tout autre être humain sur la planète actuellement ou potentiellement sans intermédiaires

À la fin de la prochaine génération quelques soient les horreurs ou victoires qui arriveront dans l’intervalle d’ici la fin de la prochaine génération nous allons vivre dans ce monde de l’interconnexion généralisée sociale de l’homme qui est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de l’Internet.

Chaque fax, heu, les quelques-unes restantes, tous les scanners, chaque imprimante, chaque téléphone, chaque appareil, chaque caméra vidéo, ai-je dit par téléphone… téléphone… téléphone… téléphone ? Chaque objet avec une alimentation électrique sera une collecteur d’informations et un système de distribution contrôlée par certains êtres humains quelque part, à une extrémité ou à l’autre.

S’il est contrôlée au final là où sont les êtres humains, où ils luttent, où ils cherchent à vendre leurs légumes, où ils sont offensés par un policier refusant de leur permettre de vendre leurs légumes où ils agissent dans la rue pour aider un vendeur de légumes empêché de vendre ses légumes par un policier offensant partout nous aurons des informations réalisées par des personnes pour se libérer.

Considérez ceci : des Indiens maintenant les plus pauvres des pauvres ont des téléphones mobiles et sur ce téléphone mobile, sur le mobile de chacun, chaque livre, chaque morceau de musique chaque vidéo, chaque carte, chaque expérience scientifique, tout type d’information utile ou belle pourra être mis à disposition de chacun s’il n’y avait pas de règles contre le partage.

Tout ce que nous ont laissé dans ce grand système nerveux de l’humanité, tout ce que nous ont laissé que fait obligatoire l’ignorance sont les règles contre le partage.

Lorsque les lois contre le partage auront disparues, et ça va venir, l’ignorance, pour la première fois dans l’histoire de la race humaine, pourra être évitée partout. En ce moment, on voit à travers le monde les jeunes montrer qu’ils sont prêts à tenir debout devant les balles pour la liberté. Plus tard dans ce siècle, vous verrez les jeunes à travers le monde montrer qu’ils sont prêts à tenir devant des balles afin d’avoir la liberté d’apprendre.

Lorsque cela se produira, la race humaine traversera la révolution la plus importante depuis 1789, et un « ancien régime », qui mérite de périr périra dans le monde entier ici nous discutons aujourd’hui de quelques-unes, simples, premières pièces de cette immense révolution. Le démembrement des systèmes de production de l’information contrôlée et de sa distribution qui existent depuis le matin après Gutenberg.

Mais on est le lendemain du matin après Gutenberg.

C’est le moment où les disparités de pouvoir et les disparités d’accès commencent à céder la place et de l’autre côté, en ce moment, sont presque tous les gouvernements et presque toute la presse et presque tous les privilégiés qui ne veulent pas que le monde change.

Je dînais avec un gouvernement officiel à Washington, DC plus tôt cette semaine et je lui ai dit « Vous savez, environ la moitié des réseaux de télévision en Europe cherchent à m’avoir pour un interview pour discuter de l’hypocrisie du gouvernement américain sur la politique de la liberté sur Internet », J’ai dit « et si la moitié des réseaux de télévision au Europe veulent me parler de l’hypocrisie de la politique américaine sur la liberté de l’Internet, ça fait penser que le Département d’État a un problème ». Il a dit « Oui, ils savent qu’ils ont un problème, et ils veulent faire quelque chose. »

Et ils devraient, mais tous les gouvernements de la Terre ont du mal à parler de l’Internet libre, parce que tous les gouvernements de la Terre font partie d’une structure de pouvoir qui perdront quelque chose à des flux d’information libre, tout comme les grandes institutions économiques dominant notre époque, comme les institutions de surveillance qui vous offrent leur moteur de recherche tant que vous partagez tout ce que vous cherchez, et un e-mail gratuit, tant que vous les laisser les lire, et des appels téléphoniques gratuits, tant qu’ils peuvent les écouter, juste pour les besoins de la publicité, vous surveille.

S’il vous plaît, apportez un demi-million de personnes ici et vivez votre vie sociale à l’intérieur de mon système de surveillance. Je vais prendre soin de vous. Bien sûr, sauf si vous êtes dans la rue protestant contre la dictature, dans ce cas, ce que nous allons vous dire, c’est : notre grand service de réseau social est complètement neutre entre les dictateurs et les les gens dans la rue se combattant… pas notre préoccupation ici à whatchamacallit.

Il s’agit d’une phase de transition, vous comprenez ? Je vous ai dit où nous allons. Maintenant, la question est de savoir comment allons-nous y arriver ?

Voici comment nous allons y arriver : le monde va se remplir de bon marché, petits, dispositifs de faible puissance qui vont remplacer la plupart des ordinateurs auxquels vous êtes habitués.

Tous ces gros ordinateurs sur les bureaux et dans les placards, et dans des chambres pleines de serveurs quelque part, remplacés par des choses pas beaucoup plus grosses qu’un chargeur de téléphone portable, et beaucoup, beaucoup plus capables que le premier ordinateur que vous avez possédé, quel qu’il ai été ou peut-être même l’ordinateur que vous utilisez maintenant.

Ces dispositifs ne coûteront à peu près rien et il y en aura partout, et nous allons créer un logiciel qui s’exécutera dans chacun d’eux, qu’un enfant de 12 ans pourra installer et qu’un de 6 ans pourra utiliser qui permettra aux gens de communiquer librement partout, tout le temps, sans contrôle de l’État, sans contrôle d’un businessman, sans contrôle, ce seront des Freedom Box. Elles feront la liberté.

Nous n’avons pas à faire les boîtes, les boites vont remplir le monde. Nous avons juste besoin de créer le logiciel. Et la bonne nouvelle est que nous n’avons pas besoin de créer les logiciels, nous l’avons déjà créer. Tout le monde dans cette salle avec un téléphone Android l’utilise déjà. Tout le monde dans cette salle qui a été sur Facebook aujourd’hui, s’en est servi de l’autre côté.

Tout le monde qui a utilisé une banque ou un supermarché ou une compagnie d’assurance ou une gare, la semaine dernière a utilisé notre logiciel. Il est partout. Nous l’avons fait pour être partout. C’est libre et gratuit. Cela signifie que nous pouvons la copier, modifier, et le redistribuer librement. Cela signifie aussi que cela fonctionne pour les personnes, pas pour les entreprises.

Tout cela est déjà fait. C’est le résultat de 25 ans d’efforts de notre part.

Maintenant, en ce moment, dans la rue, à l’heure actuelle, nous commençons à montrer pourquoi il protège la liberté et pourquoi les gens en ont besoin. Et nous commençons à préparer à leur livrer.

A. J. Liebling, le critique de presse dont j’ai déjà parlé, a écrit une fois : « La presse américaine me fait penser à l’état d’une conserverie de poissons de 12 milliards de dollars en surchauffe, du dernier cri, comptant pour son approvisionnement sur six gars dans une barque en mauvais état. »

Le fait est, bien sûr, que le bloc monolithique de la presse industrielle du 20e siècle faisait tout bien sauf du reportage, ce qu’elle a mal fait, parce que le reportage a été le déjeuner gratuit dans le saloon, et à tout moment le gardien du saloon pouvait le couper, ce qu’il a fait. Je n’ai pas besoin de vous dire que ce processus s’est accélérée depuis A. J. Liebling qui mourut en 1975.

Donc, nous vivons désormais dans un monde où nous sommes sur le point de combler une lacune dans les reportages. Vous savez ce qui comble une lacune dans l’information – on en a déjà parlé – c’est tous ces téléphones, toutes ces caméras vidéo, tous ces tweets. En d’autres termes, nous avons déjà démocratisé le système de reportage.

Ce qui est effrayant pour le Système dans Wikileaks est que Wikileaks est pour la collecte d’informations ce que la Craig’s List est pour les petites annonces. Il modifie la gestion des fuites.

Je déteste corriger tout le monde sur n’importe quel point, mais je tiens à souligner que Wikileaks n’a pas publié les 250.000 câbles du Département d’État. Il possède 250.000 État câbles du ministère et a publié environ 2.000 d’entre eux. Ce qui est le nombre de câbles diplomatiques montrés aux correspondants diplomatiques à travers le monde travaillant pour les principaux journaux, chaque jour.

Mais personne ne dit que c’est de la trahison, parce que c’est le commerce officiel des fuites, à partir de laquelle les représentants du gouvernement, des seigneurs de presse et des propriétaires à travers le monde tirent du bénéfice tous les jours.

Le pouvoir économique, politique et le pouvoir de garder les gens dans l’ignorance.

Qu’est-ce qui se passe dans le Net, maintenant, dans les téléphones, dans les nœuds de sortie Tor, et ce qui se passera dans le monde multiplié par cent, dans peu de temps, dans toutes ces Freedom Box c’est, des informations libres pour le bénéfice de ceux qui en ont besoin.

Demandez-vous ce qui arrivera quand tous ceux qui en ont besoin pourront les avoir et tous ceux qui en ont, pourront les fournir. Qu’est-ce qui va se passer dans les quartiers ? Qu’est-ce qui se passera dans les postes de police. Ce qui va se passer, c’est ce qu’il se passe quand il y a un incendie ou un tremblement de terre, ce qui arrive quand un tyran chute.

Ces mêmes petites boîtes de peu dont je parle seront également en mesure de créer un réseau maillé wifi c’est-à-dire que si quelqu’un coupe le réseau de télécommunications dans un quartier le quartier va continuer à fonctionner.

Ce que M. Moubarak et ses conseillers ont mal compris. C’est pourquoi il est à Charm el Cheikh, avec l’espoir d’acheter un appartement dans l’une des tours en construction à La Mecque, sans doute. Parce que M. Moubarak et ses conseillers pensaient que si vous éteignez l’Internet, vous éteignez la génération Internet.

C’est une erreur. Car, en fait, ce n’est pas un système particulier de télécommunications, ou une structure de réseau social, une base de données particulière de « twatts » … ou twuts… ou twoots, ou quel que soit la façon dont ils les appellent. Ce n’est pas la technologie qui les font marcher c’est que les êtres humains ont compris quelque chose sur la société s’ils ont grandi dans le Net.

La plupart des êtres humains, la plupart du temps, dans la plupart des contextes sociaux, croient que le réseau social le plus précieux pour eux, c’est les gens qu’ils voient tous les jours, et les gens avec qui ils ont de forts rapports émotionnels. Voilà comment la plupart des gens,depuis toujours, pensent le monde social. C’est parce que nous avons évolué pendant des millions d’années pour penser de cette façon.

Comme parties de petits groupes de quelques dizaines de primates vivant au sol. Nos neurones ont évolués pour que nos heuristiques sociales évoluent pour que nous pensions que le réseau social assez solide pour nous soutenir, c’est le peuple que nous voyons autour de nous et que les gens dont nous nous soucions sont ceux qui se soucient de nous en retour.

Mais la génération des gens qui grandissent à l’intérieur du Net le sait maintenant, le sait viscéralement, le sait tout le temps comme une question d’habitude, c’est que le réseau social qui est suffisamment robuste pour changer le monde autour de vous comprend des milliers de personnes auprès desquelles vous ne vivez pas, et avec qui vous n’avez pas de lien émotionnel direct, mais que ce sont les gens qui croient ce que vous croyez, et veulent faire quelque chose, eux-aussi.

Qu’est-ce que nous avons appris à la fin du 20ème siècle d’abord en Pologne, puis dans d’autres endroits, c’est que ce qui fait la révolution, c’est la solidarité. La capacité qu’ont des personnes ne vivant pas à proximité les unes des autres dans l’espace social ou géographique, n’ayant pas de liens personnels immédiats les liant entre elles, de percevoir la capacité à s’auto-organiser pour la réalisation soudaine de profondes fins sociales

Ce que le réseau fait, ce que la vie avec le réseau fait, est d’enseigner aux humains que le coût de la solidarité a baissé. Qu’il est plus facile et plus rapide d’être solidaire qu’il ne l’a jamais été auparavant, et si vous prenez un tas de gens qui le savent, et vous coupez le réseau, ils vont être solidaires de la meilleure façon qu’ils connaissent. Ils jettent des tracts dans la rue, ils se servent de pigeons voyageurs, du téléphone arabe.

Ils font tout ça, parce que la vraie compétence acquise par l’humanité est possibilité l’auto-organisation, et ce que nous voyons maintenant, aujourd’hui, dans le Maghreb, à l’heure actuelle, aujourd’hui, dès maintenant, c’est que la solidarité par auto-organisation est plus forte que les balles des mitraillettes.

Partout dans le monde, la tyrannie aime dire : « L’alternative à mon pouvoir, c’est le chaos », et tout autour du monde, tout le monde peut voir que ce n’est pas vrai.

Donc, ce que nous allons faire, c’est que nous allons fabriquer des objets bon marché, et nous allons les équiper de logiciels libres, et nous allons les mettre entre toutes les mains, et nous allons dire: « Ici. Cela fabrique la solidarité. Utilisez-le. Soyez bien. Soyez libre » Ça va marcher.

Il n’y a pas de raison d’être du côté de la presse, comme il n’y a aucune raison d’être du côté du pouvoir. C’est simple, maintenant. Le pouvoir a été déplacé à la périphérie du réseau, et ca va continuer pour la génération à venir.

Ce sera une grande révolution, et ça va changer le sort de milliards d’êtres humains. Ça rendra l’ignorance obsolète, et quand çà aura rendu obsolète l’ignorance, ca va changer l’avenir de la condition humaine.

La presse ne va pas le faire. Le pouvoir ne va pas le faire. Les gens vont le faire. La technologie pour permettre aux gens de le faire existe déjà. Tout ce dont il y a besoin, c’est un peu de l’affiner. Nous sommes les gens qui vont l’affiner. Nous ne cherchons pas de l’argent. Nous ne cherchons pas le pouvoir. Nous voulons seulement partager.

Tout le monde veut parler de la liberté sur Internet, sauf nous. Nous ne voulons pas parler de la liberté sur Internet, nous voulons juste la faire.

Rejoignez-nous !

Je vous remercie beaucoup.




Le code source du Kindle d’Amazon : Beaucoup de bruit pour rien, hélas !

goXunuReviews - CC byAmazon a publié récemment le code source du système d’exploitation de sa nouvelle tablette liseuse Kindle Fire basée sur Android.

D’aucuns ont salué cette libération et souhaité la bienvenue à Amazon dans le club de l’open source.

D’autres, comme ici la Free Software Foundation de Stallman (ou Numerama), ne sont pas dupes et demandent légitimement d’aller beaucoup plus loin.

Il y a un monde entre respecter les licences et contribuer effectivement à la communauté[1].

Le code source du Kindle d’Amazon : Beaucoup de bruit pour rien

Amazon’s Kindle source code: Much ado about nothing

Brett Smith – 30 novembre 2011 – FSF.org
(Traduction Framalang : Don Rico et Goofy)

Il y a eu cette semaine beaucoup de battage concernant la mise à disposition par Amazon du code source du logiciel de ses Kindle, incluant le Kindle Fire. Cette médiatisation à outrance est en grande partie injustifiée. Certes, on peut télécharger le code source qu’Amazon a été dans l’obligation légale de publier, mais la plupart des logiciels sur ces appareils restent privateurs, et chaque Kindle est encore « Defective by Design » (NdT: Défectueux par conception).

La principale source de confusion serait que le système d’exploitation du Kindle Fire est basé sur Android. Google distribue le code source d’Android sous licence Apache, une licence de logiciel libre qui n’est pas copyleft. En général, les appareils tournant sous Android comprennent aussi quelques logiciels non-libres, mais le code source suffit à créer un système d’exploitation libre et riche en fonctionnalités. Le projet Replicant en est la preuve : il vise à créer des systèmes entièrement libres pour divers appareils Android.

Lorsque Amazon a publié le code source de son Kindle Fire, certains journalistes semblent avoir présumé que l’étendue de cette publication serait similaire à celles de Google. Il n’en est rien – Amazon a seulement publié le code source des programmes placés sous licence GPL (GNU General Public Licence) et LGPL (Lesser General Public License). Ces licences exigent toutes deux d’Amazon qu’elle mette à disposition ce code source, afin qu’elle puisse distribuer les logiciels du Kindle Fire couverts par ces mêmes licences. Amazon s’est contenté de respecter ces obligations légales précises, sans aller plus loin. Aucune ligne du code source publié par Amazon n’est propre à Android, et n’inclut en aucun cas la moindre modification apportée par Amazon à l’interface utilisateur d’Android.

En outre, publier cette quantité minimale de code source ne résout en rien la question des Gestions de Droits Numériques (Digital Restrictions Management / DRM) d’Amazon. Les logiciels privateurs présents sur le Kindle empêchent toujours les utilisateurs de copier et de prêter les livres et les différents médias qu’ils ont pourtant achetés. Il est néanmoins possible que ce code source facilite la tâche de hackers (NdT : bidouilleurs) entreprenants qui souhaiteraient installer de nouveaux logiciels sur ces appareils en se débarrassant des DRM, mais personne ne devrait avoir à fournir des efforts herculéens dans le seul but de jouir des droits que leur aurait conféré un livre imprimé. Le meilleur moyen d’échapper à ces restrictions draconiennes des DRM est de refuser d’acheter un Kindle. Toutes nos critiques passées à l’encontre du Kindle et de son caractère « Défectueux par conception » restent d’actualité.

Si Amazon tient vraiment à faire un coup médiatique, elle devrait abandonner ses DRM et faire en sorte que tous les logiciels présents sur le Kindle soient des logiciels libres. Cela permettrait aux possesseurs de Kindle d’utiliser leur appareil et leurs médias comme bon leur semble. Voilà qui représenterait un véritable changement pour cette entreprise. La publication de code source dont elle s’est fendue n’a rien d’une telle révolution : Amazon ne fait que se conformer à une obligation légale (ce qu’elle fait depuis la première version du Kindle), et cela ne mérite même pas un entrefilet.

Notes

[1] Crédit photo : goXunuReviews (Creative Commons By)




Le logiciel libre perd de son influence, la faute à la FSF de Stallman ?

Steve Winton - CC byVoici un billet un brin polémique qui affirme que le logiciel libre (et non l’open source) perd actuellement de son influence et que la Free Software Foundation de Richard Stallman en porte une lourde responsabilité.

Il est signé du chroniqueur Bruce Byfield que nous avons souvent traduit par le passé et qu’on ne peut soupçonner de troller pour troller. Il s’agit au contraire d’un réel et sincère amour déçu[1].

D’accord, pas d’accord ? Trop américano-centré ? En France, en Europe, il en va différemment ? Le logiciel libre se résume-t-il à la FSF ? etc. Il va sans dire que nous vous attendons dans les commentaires sinon c’est pas drôle 🙂

7 raisons qui expliquent pourquoi le logiciel libre perd de son influence

7 Reasons Why Free Software Is Losing Influence

Bruce Byfield – 22 Novembre 2011 – Datamation
(Traduction Framalang : Goofy)

Pourquoi les idéaux du logiciel libre sont-ils moins populaires qu’il y a cinq ans ? La réponse n’est pas évidente et un peu polémique.

Il y a cinq ans, quand la majeure partie du code Java a été publiée sous licence GPL (General Public License), Sun Microsystems a pris soin d’associer la FSF (Free Software Foundation) à l’annonce, d’obtenir une déclaration d’approbation de Richard Stallman, le président de la FSF, et d’Eben Moglen son conseiller juridique.

Aujourd’hui, on voit mal quelle entreprise serait susceptible de faire le même effort. Lentement mais sûrement, le logiciel libre a perdu l’influence qu’il exerçait au sein de la communauté qu’il a créée.

Pratiquement il est difficile d’employer l’expression FOSS (Free and Open Source Software) en espérant être compris. Dans la plupart des cas, l’expression « logiciel libre », que l’on n’entend pratiquement plus, a été remplacée par « open source ».

Que s’est-il donc passé ?

Je ne dispose pas de chiffres précis à l’appui mais je suggère ici au moins sept raisons possibles. Certaines externes à la FSF, d’autres résultant directement de ses prises de décision. Choix qui ont pu paraître sensés à une époque mais ont eu parfois des effets pervers à long terme, quand ils n’ont pas été effectués trop hâtivement…

1. Trop de bonnes causes, pas assez de ressources

La FSF fonctionne avec une équipe dirigeante de moins d’une douzaine de personnes, et avec des bénévoles. Ses revenus pour 2010 étaient de 1,23 million de dollars. Avec de telles ressources, elle soutient le projet GNU, aide des entreprises et des projets à se conformer aux licences libres, et lance une dizaine de campagnes, depuis la lutte contre les DRM et les initiatives anti-Windows jusqu’aux efforts pour convaincre le plus grand nombre d’utiliser des formats audio libres.

Tous ces efforts sont dignes d’intérêt en eux-mêmes, mais pour rarement mentionnés et relayés, ils ne trouvent que peu d’écho. Mais ce sont là des problèmes bien plus nombreux que ceux qu’a traités la FSF dans le passé, et elle le fait avec à peine quelques centaines de milliers de dollars de plus qu’en 2006, quand ses ressources lui permettent difficilement de mener à bien une seule de ces actions. Par conséquent la FSF finit par se révéler inefficace, et rares sont les campagnes qui captivent l’attention générale au sein de la communauté, plus rares encores celles qui atteignent leur objectif.

2. On ne trouve pas de nouveaux adeptes et on néglige les anciens

Ces cinq dernières années, la FSF s’est efforcée d’investir son activité sur les réseaux sociaux, pour atteindre un plus large public. Le mérite de ces efforts revient essentiellement aux actions du précédent directeur général Peter Brown, parce qu’il a une trajectoire personnelle d’activiste. C’est un pas en avant dont j’ai dit tout le bien que je pensais à l’époque, et je considère encore que c’est une bonne stratégie.

Malheureusement, cette tentative a largement échoué, certainement là encore victime de ressources trop limitées. Par ailleurs il s’agissait dans le mouvement d’établir une distinction entre la FSF et le plus technique projet GNU. J’ai entendu beaucoup de développeurs exprimer leur réticence quant aux positions activistes de la FSF en souhaitant qu’elle recentre ses activités sur le logiciel. Au final la FSF a aggravé son cas : échouant à gagner de nouveaux publics à sa cause, éloignant d’elle ses adeptes déjà existants.

3. Ubuntu a remplacé Debian

Nombreux sont ceux qui ne s’en souviennent plus aujourd’hui, mais il y a cinq ans, la communauté Debian était une référence pour le logiciel libre. Elle n’était pas toujours d’accord avec la FSF, en fait, Debian était réputé pour suivre son propre chemin, imposer sa propre définition du logiciel libre, et se faire un avis autonome sur des questions comme celle de savoir si la licence GNU Free Documentation est vraiment une licence libre (oui, c’est Debian qui décidait après un long débat, dans certaines occasions). Et encore récemment quand la FSF a créé la version 3 de la GPL, elle a pris soin de consulter les représentants de Debian.

Toute aigreur mise à part, en tant que distribution basée sur la communauté la plus répandue, Debian a donné une crédibilité supplémentaire à la reconnaissance du logiciel libre. Tout du moins Debian a-t-elle aidé à donner l’impression d’une communauté suffisamment grande pour avoir des différences. Aujourd’hui, cependant, alors que Debian est une distribution plus influente que jamais, une bonne part de la notoriété dont elle jouissait a été captée par sa dérivée Ubuntu. Et ce n’est pas la faute d’Ubuntu qui, soutenue par une entreprise commerciale qui doit rechercher le profit, n’hésite pas à renoncer à certains principes du logiciel libre par commodité

Avec cet allié et partenaire de la FSF qui devient moins influent, c’est toute la cause du logiciel libre qui s’est affaiblie. À défaut de mieux, la controverse et les débats avec Debian ont aidé à garder présents à l’esprit de la communauté les problèmes de principes.

4. Le défi des nouvelles technologies n’est pas relevé

De nouvelles technologies aient été introduites ces cinq dernières années. Or la stratégie majeure de la FSF a été de les dénoncer, puis de les ignorer. Ces derniers temps, Stallman a ainsi vilipendé l’informatique dans les nuages, les e-books, les téléphones mobiles en général et Android en particulier.

Dans chaque cas, Stallman a souligné à juste titre les problèmes concernant la vie privée et les droits du consommateurs, ce que les autres ont souvent oublié de mentionner. Le problème c’est qu’en continuant d’ignorer ces nouvelles technologies on ne résout rien, et que le mouvement du logiciel libre devient moins pertinent dans la vie des gens. Beaucoup sont attirés par ces nouvelles technologies, et d’autres sont contraints de les utiliser pour échanger, travailler et communiquer avec la majorité.

La licence libre Affero GNU GPL de la FSF devait etre tout indiquée pour l’informatique dans le nuage. Pourtant, selon les statistiques de Black Duck, elle n’est dans le fait que trop rarement utilisée, seulement 401 logiciel sont sous cette licence alors qu’il existe des centaines de milliers de logiciels sous licence libre. En persistant à mettre l’accent sur l’ordinateur de bureau traditionnel, le logiciel libre se tient à distance des technologies actuelles pour lesquelles justement il serait le plus nécessaire.

6. La scission de la licence GPL

En juin 2007, la FSF a publié la version 3 de la GPL. Cette mise à jour s’efforçait de prendre en compte les nouvelles technologies et les moyens de contourner les clauses de la version 2. Cette nouvelle version a été le résultat d’une concertation sans précédent entre la communauté et les entreprises parties prenantes.

Toutefois, cette consultation demandait d’atteindre un consensus. Lorsque Linus Torvalds a décidé que le noyau Linux resterait sous la GPLv2, la FSF est allée de l’avant vers la GPLv3 sans en tenir compte.

Sur le moment, la décision a paru sensée pour éviter une impasse. Mais on se retrouve actuellement avec une GPLv2 utilisée par 42,5% des logiciels libres contre moins de 6,5% pour la GPLv3 selon Black Duck.

Avant cette révision majeure, la licence GPL contribuait à unifier la communauté, et la FSF, en tant que créateur, promoteur et défenseur de la GPL, avait une forte présence en son sein. Or aujourd’hui, la GPLv2 est considérée comme la version que privilégient les supporters de l’open source, et la GPLv3 celle des défenseurs du logiciel libre. Et non seulement l’ensemble de la philosophie du logiciel libre en apparaît affaiblie, mais encore le fossé s’élargit entre logiciel libre et open source.

Plus encore, comme si la situation n’était pas déjà assez mauvaise, il semble qu’il y ait une tendance à adopter des licences permissives qui n’exigent pas le partage du code, comme le font toutes le versions de la GPL.

6. On n’assiste pas aux conférences

Richard Stallman et beaucoup d’autres membres de la FSF refusent de participer à des conférences qui n’utilisent pas l’expression exacte « GNU/Linux » en lieu et place du simple « Linux » dans leur intitulé et leur promotion. En fait Stallman est connu pour refuser de s’exprimer devant un groupe de journalistes qui n’utiliseraient pas la bonne nomenclature, c’est-à-dire la sienne (NdT : cf la librologie Les mots interdits de Richard Stallman).

La principale exception à ma connaissance est Eben Moglen, dont le travail à la Software Freedom Law Center implique beaucoup de gens qui se revendiquent comme des supporters de l’open source.

Je comprends que ce refus soit une question de principe. Cependant, en dépit de tous les moyens de communication qu’offre Internet, le contact et la communication directs demeurent importants pour la communauté. En maintenant coûte que coûte leurs idéaux, les défenseurs du logiciel libre se sont rendus invisibles, se coupant des réseaux sociaux et autres associations informelles qui émergent lorsque les gens se parlent dans la vraie vie.

7. Richard Stallman fait des gaffes

En tant que fondateur et principal porte-parole de la FSF, Richard Stallman a joué un rôle décisif dans l’histoire du logiciel libre. Personne ne peut le contester et personne ne reviendra là-dessus

Mais l’entêtement de Stallman, qui a aidé la diffusion et l’essor des principes du logiciel libre, semble maintenant à beaucoup un handicap. Stallman affiche de façon continuelle son obsession des définitions qui détournent des principaux points pour lesquels la liberté logicielle est nécessaire. De plus, ces temps-ci, il semble ne vouloir jamais rater la moindre occasion de critiquer, pas toujours avec pertinence, la philosophie de l’open source,

Pire encore, Stallman a tout un passé de gaffeur, sans jamais admettre avoir eu tort. En juillet 2009, il a suscité la controverse en refusant de retirer une remarque sexiste qu’il avait faite au Desktop Summit à la Grande Canarie. Plus récemment, Stallman notait à propos de Steve Jobs « je ne suis pas content qu’il soit mort, mais je suis content qu’il soit parti », puis il a précisé son propos quelques semaines plus tard. Le problème ce n’est pas qu’il ait eu tort d’accuser Jobs de rendre populaires des technologies fermées, c’est que beaucoup de gens ont trouvé que ses déclarations étaient indélicates et inopportunes en parlant d’un homme qui venait de mourir, et qu’un responsable d’organisation aurait dû montrer plus de bon sens et ne pas faire de suite de telles remarques.

Stallman est loin de représenter à lui seul l’ensemble du logiciel libre, mais force est de constater que beaucoup de gens ont une mauvaise opinion de ce mouvement à cause de lui.

Renverser la vapeur

Aucune des raisons mentionnées ci-dessus ici n’est fatale en elle-même. Cependant, additionnées, elles forment une longue trame sur laquelle on peut expliquer pourquoi les idéaux de la FSF et des logiciels libres exercent moins d’influence qu’auparavant.

En tant que supporter du logiciel libre, je ne peux qu’espérer que ce manque d’influence pourra être renversé. Cinq ans c’est court, et je ne vois aucune raison qui pourrait empêcher le logiciel libre de récupérer le temps et le terrain perdus.

Le seul problème est de savoir si les membres influents du logiciel libre vont admettre les problèmes et les corriger… Je l’espère, mais je ne suis pas très optimiste quant à la réponse.

Notes

[1] Crédit photo : Steve Winton (Creative Commons By)




8 choses à faire et ne pas faire si vous souhaitez sensibiliser au Logiciel Libre

Mikael Altemark - CC byHier soir je suis tombé sur un article conseil en anglais de la FSFE qui déclinait quelques bonnes et mauvaises pratiques si vous voulez faire connaître le logiciel libre autour de vous (et tout le bien que vous en pensez).

Pour ne pas surcharger la barque Framalang (qui doit tanguer quelque part entre les Seychelles et les Maldives), j’ai choisi de m’adresser à d’autres esclaves bonnes volontés du Libre. Ceux de l’émérite site LinuxFr qui présente la particularité d’abriter en son sein des êtres prêts à tous les sacrifices pour faire avancer La Cause.

Et hop, un rapide journal bien senti avec un Framapad inside, et le tour est joué.

Suffit d’attendre et de ne pas oublier de bien saluer tous ceux qui franchissent le pad (par contre j’avais oublié la bière, désolé).

Et c’est ainsi qu’en plein samedi soir du mois d’août, nous traduisîmes en à peine trois heures et à plusieurs mains (une bonne petite vingtaine, soit, si vous me suivez, dix personnes) ce court exposé plein de bon sens (à la limite de l’enfonçage de portes ouvertes ?) qui devrait, à n’en pas douter, faire au moins doubler le taux de convertis dès la rentrée prochaine.

Ça a bossé dur et vite en tout cas, rien que pour le titre, on a eu les propositions suivantes : « De la communication efficace du logiciel libre », « Plaidoyer efficace pour le logiciel libre »[1], « De l’évangélisation efficace du logiciel libre », « Défense efficace du logiciel libre », pour finalement retenir « Promouvoir efficacement le logiciel libre ».

Plus sérieusement, grand merci à mes (éphémères) compagnons de route (longue mais libre) pour ce traducthon improvisé. Je reste, comme au premier jour, fasciné par tout ce que l’on peut réaliser ensemble, de GNU/Linux à cette toute modeste traduction plurielle.

Promouvoir efficacement le logiciel libre

Effective Free Software advocacy

Sam Tuke – 10 août 2011 – FSFE
(Traduction collective LinuxFr : NeoX, mansuetus, Roro7302, Jeece, eastwind, crabs, fiuzzy, oktail, qdii et quelques autres anonymous)

Expliquer ce qu’est le logiciel libre est une tâche importante mais parfois délicate et difficile. Des concepts et une terminologie complexes, de subtiles variantes et un contexte social, politique et économique particulier, peuvent nous éloigner d’une communication efficace. Ces quelques lignes ont pour but de vous aider à présenter vos propos pour qu’ils soient à la fois plus clairs, cohérents et convaincants.

1) À faire : Dès qu’une occasion se présente, parler ouvertement et régulièrement du logiciel libre avec vos amis et vos proches.

1) À éviter : Critiquer les autres pour leur désintérêt ou leur manque de compréhension du logiciel libre. Essayez plutôt d’écouter ceux qui ne sont pas d’accord avec vous en n’essayant pas de les forcer à adopter votre point de vue. Le logiciel libre est un sujet intrinsèquement important. Mais si une personne en particulier ne peut en appréhender sa valeur, alors n’insistez pas et attendez de trouver quelqu’un d’autre qui sera prêt à poursuivre la discussion avec vous.

2) À faire : Présenter, de manière constructive, des exemples réels de problèmes posés par les logiciels propriétaires. Faire allusion au vendeur peut être tout aussi efficace que de mentionner le nom d’une entreprise.

2) À éviter : Focaliser sa critique du logiciel propriétaire sur une seule et unique entreprise. Si vous avez besoin de nommer une entreprise, essayez d’en citer d’autres. Les problèmes liés aux logiciels non libres sont génériques. Partir d’une situation globale affectant une pratique ou un marché donnera plus de poids à vos arguments et évitera les partis pris.

3) À faire : Citer les faits et les sources à chaque fois que cela est possible et être clair sur la provenance des informations. Si vous ne pouvez pas vous souvenir immédiatement de la référence, pensez à la transmettre plus tard par courrier électronique.

3) À éviter : Baser votre argumentation sur des informations non ou mal sourcées. Tenez-vous-en aux faits, et laissez les hypothèses de travail, les généralités et les suppositions pour les rares occasions où elles pourront être vraiment utiles.

4) À faire : Choisir avec soin vos arguments selon votre propre niveau de compréhension et celui de votre auditoire. Restez concentré sur les sujets que vous maîtrisez, ceux pour lesquels vous avez une expérience personnelle (même modeste) et dans lesquels vos auditeurs seront susceptibles de se reconnaître.

4) À éviter : Ennuyer ou irriter un auditoire inadapté et non préparé à un discours par trop technique ou philosophique. Vous êtes naturellement motivé pour parler en long et en large de vos sujets ou concepts favoris, mais rappelez-vous que si le but est de communiquer sur le logiciel libre, alors il vous faut déterminer au préalable l’interêt et le niveau technique de votre auditoire et adapter votre discours en conséquence.

5) À faire : Faire preuve de patience, de calme, de raison et d’objectivité dans votre communication. Évitez les situations de crises et sinon tentez de les désamorçer.

5) À éviter : Être pressant, aggressif ou trop impliqué personnellement dans vos propos. Vous n’avez rien à prouver et le logiciel libre continuera à vivre quel que soit l’avis d’un individu ou d’un groupe. Soyez simplement constructif dans vos propositions.

6) À faire : Rencontrer et discuter avec des personnes potentiellement intéressées par le logiciel libre. Sollicitez ces contacts et veillez à vous montrer disponible pour répondre à leurs demandes.

6) À éviter : Passer votre temps à contacter des personnes qui ont clairement manifesté leur désintérêt pour le sujet. Vous seriez plus utile en d’autres lieux.

7) À faire : Effectuer des démonstrations de logiciels libres de qualité, en particulier si vous les utilisez vous-même. Voir c’est retenir, et montrer comment vous tirez profit des logiciels libres au quotidien peut être plus percutant que n’importe quel argument idéologique.

7) À éviter : Promettre ou insinuer des choses que les logiciels libres ne peuvent pas apporter. Vous pouvez faire énormément de choses avec des logiciels libres, mais vous ne pouvez pas tout faire, et prétendre le contraire ne ferait que nourrir des attentes et mènerait à la frustation et la déception.

8) À faire : Trouver des moyens d’inviter les nouveaux venus à rencontrer d’autres partisans du logiciel libre et à assister à des évènements organisés par des groupes d’utilisateurs locaux. Essayez de réunir des personnes ayant des centres d’intérêts communs est également un terreau favorable pour les nouveaux arrivants dans le monde du logiciel libre.

8) À éviter : Espérer que chaque personne croisée souhaite adhérer et participer à vos groupes d’utilisateurs de logiciels libres (LUG) ou à votre hackerspace. La plupart des gens ne se déplacent à une manifestation, une rencontre, que si cela correspond à leurs centres d’intérêts et leur niveau de compréhension. Seuls certains de vos contacts sont prêts à accorder une partie de leur temps libre à ce genre d’évènement . Lorsque c’est le cas, n’oubliez pas de rester accueillant et patient.

Notes

[1] Crédit photo : Mikael Altemark (Creative Commons By)




Le Logiciel Libre : Une bougie dans la pénombre

Ola Wiberg - CC byNe point nous haïr mais au contraire se rassembler pour ensuite envisager en confiance de construire ensemble.

Tel est le court et optimiste message de ce membre grec de la FSF Europe[1].

Vous y verrez peut-être un excès d’idéalisme voire de la naïveté. Possible… mais il n’est pas anodin que constater que le logiciel libre est capable de susciter de tels espoirs, dans un monde qui en a bien besoin.

PS : Il semblerait qu’il y ait un mouvement de contestation intéressant qui prend forme en ce moment même en Espagne. Vous avez plus d’informations ?

Logiciel Libre : Une bougie dans la pénombre

Free Software & Digital Rights Noopshere

Kostas Boukouvalas – 19 mai 2011 – FSFE Blog
(Traduction Framalang : Pandark)

C’est certain, nous vivons des temps troublés, et la crise financière n’est point la dernière à blâmer. C’est une situation fort tendue que connaît mon pays actuellement, où colère et discorde se répandent parmi le peuple.

La communauté du logiciel libre fait partie intégrante de la société. C’est pourquoi elle est également affectée par ces phénomènes.

Or bien des gens ne réalisent pas une chose. Les logiciels libres, de leur origine jusqu’à nos jours, ne sont pas seulement une alternative aux logiciels infectés de virus ou des logiciels donnés gratis. C’est une autre art de vivre. Un autre façon de voir les choses. Un autre modèle de développement, qui peut participer à aider à combattre le fléau de la crise. Une crise dont le cœur est avant tout culturel et éthique ; une crise des valeurs, et accessoirement, une crise financière.

Que peut-on apprendre des logiciels libres ?

Premièrement, à ne point haïr son prochain. Cela ne va pas de soi aujourd’hui. C’est pourquoi je n’irais pas jusqu’à dire « Aimez-vous les uns les autres ».

Deuxièmement, à se rassembler. Non pas dans l’angoisse et l’adversité, mais tranquillement, sereinement, un pas après l’autre.

Troisièmement, à travailler volontiers ensemble, de concert.

Et même si des erreurs ou des incompréhensions surviennent, nous aurons la patience de nous asseoir et de discuter en évitant les critiques inappropriées.

Après tout, nous ne sommes pas si nombreux, et le logiciel libre est une bougie dans la pénombre.

Faisons en sorte qu’elle brille !

Notes

[1] Crédit photo : Ola Wiberg (Creative Commons By)




J’ai mal à mon Gmail ou le piège du code JavaScript non libre

Rovlls - CC byCertains résistent encore mais nombreux sont les visiteurs (et rédacteurs) de ce site à posséder un compte de messagerie Google Gmail.

Il faut dire que, techniquement parlant, c’est une excellente application en ligne[1].

Mais il ne faut pas oublier de dire aussi que, techniquement parlant, l’application est propulsée par du code JavaScript qui est malheureusement non libre, avec toutes les conséquences (néfastes) que cela implique.

Or puisqu’il existe une version simplifiée de Gmail, épurée de ce code, cela signifie d’abord que l’on peut s’en passer et ensuite que cette surcouche pourrait fort bien devenir libre.

C’est la proposition de la Free Software Foundation qui nous invite à faire pression sur Google pour qu’il accepte ce pas dans la bonne direction.

Évitons les pièges du JavaScript de Gmail

Avoid the pitfalls of the JavaScript Trap on Gmail

Matt Lee – 30 mars 2011 – FSF.org
(Traduction Framalang : Goofy et Penguin)

Nous lançons aujourd’hui la première phase d’une série d’opérations à mener pour utiliser les sites Web les plus populaires sans leur code JavaScript propriétaire.

Vous n’êtes peut-être pas conscient des dangers du JavaScript, un problème que nous avons intitulé le piège JavaScript, lorsque du logiciel propriétaire est exécuté dans le navigateur de votre ordinateur.

Nous concentrerons notre première opération sur le service Gmail de Google.

Le piège JavaScript

Lorsque vous visitez un site Web comme Gmail, votre navigateur va télécharger et exécuter plusieurs milliers de lignes de code JavaScript. Le code JavaScript n’est pas différent de langages comme Pyhon, C++ ou Ruby (les applications qui sont exécutées sur nos ordinateurs et qui sont écrites dans ces langages doivent être des logiciels libres, afin que nous puissions les exécuter, les modifier et les partager si nous en avons envie). Le JavaScript d’aujourd’hui n’est plus le JavaScript d’autrefois, il est désormais utilisé pour écrire de puissantes applications côté serveur grâce à des logiciels libres comme Node.js et le moteur JavaScript V8.

De plus, nous avons vu récemment des entreprises comme Research In Motion (les fabricants du BlackBerry) recommander à leurs clients de désactiver complètement le JavaScript du navigateur WebKit de leurs téléphones à cause de la découverte d’un problème de sécurité. Même si les logiciels libres qui intègrent du JavaScript peuvent également avoir des problèmes de sécurité, cet exemple illustre le fait que nous avons un réel besoin d’avoir accès au code qui s’exécute sur nos ordinateurs, et de pouvoir le modifier.

Ce que JavaScript pourrait faire

Il est évident que le JavaScript est une technologie très puissante et très utile lorsqu’elle se trouve entre de bonnes mains. De nombreux développeurs de logiciels libres ont ainsi écrits des extensions et des améliorations pour des sites populaires grâce à des outils comme GreaseMonkey. Il existe une flopée de scripts Greasemonkey libres pour Gmail. L’existence de tels scripts montre à la fois que le JavaScript de Gmail n’est pas trivial, mais également que des utilisateurs pourraient faire des contributions intéressantes et utiles si le code JavaScript était publié en tant que logiciel libre pour leur permettre de le modifier.

Par ailleurs, des sites comme Gmail, Twitter et Facebook utilisent beaucoup trop de JavaScript pour proposer leurs services. La preuve en est que les mêmes services en version mobile proposent pratiquement les mêmes fonctionnalités sans JavaScript. Là où la nécessité du JavaScript se fait sentir il peut être publié en tant que logiciel libre, et là où ces raffinements supplémentaires sont facultatifs, on peut fournir une version basique du site qui n’a pas besoin de JavaScript.

Google a fait un premier pas vers cet objectif en développant une version du site Gmail en « Version HTML simplifiée », qui ne dépend donc pas d’un copieux code JavaScript pour proposer une interface utilisateur. Google propose également les protocoles IMAP et POP qui permettent d’accéder aux comptes Gmail sans passer du tout par la case site Web. Ces initiatives constituent toutes deux des avancées positives vers un idéal plus vaste.

Notre requête à Google : une étape de plus dans la bonne direction

Si vous utilisez Gmail, demandez gentiment mais fermement à Google d’être « logiciel libre friendly » en publiant le code JavaScript de Gmail sous une licence libre. En acceptant de le faire, Google permettrait aux utilisateurs qui accordent de l’importance aux libertés logicielles d’utiliser Gmail dans une version avancée, et de proposer des contributions et modifications utiles à tout le monde.

Nous serions ravis de recevoir vos réactions et suggestions, ainsi que les démarches que vous proposez pour les sites les plus connus. Vous pouvez dès maintenant ajouter vos idées et contributions sur le wiki de LibrePlanet.

Notes

[1] Crédit photo : Rovlls (Creative Commons By)




Le rêve de Staline ou le cauchemar de Stallman

Eva Blue - CC byUne petite mise à jour de la pensée de Stallman avec cette interview donnée par un confrère américain ?

On y retrouve certaines constantes pour lesquelles il se bat depuis près de trente ans (« la conscience du logiciel libre a été presque entièrement cachée sous le tapis par l’open source »). Mais il donne également son avis, souvent lapidaire, sur des sujets d’actualité comme l’essor de la téléphonie mobile, qualifiée de « rêve de Staline » (où même l’OS Android ne trouve pas grâce à ses yeux).

En toute logique, il ne possède pas de téléphone portable. « Les décisions que vous prenez dépendent de vos valeurs. Et la plupart des gens sont conduits à penser uniquement au prix et à la performance des logiciels, et non au fait de savoir s’ils respectent votre liberté. Les gens qui prennent des décisions sur ces valeurs ne feront jamais aucune concession pour obtenir un logiciel libre, alors que moi je suis prêt à travailler pendant des années et des années pour ne pas avoir de logiciels propriétaires sur mon ordinateur ».

Et vous ?

Et de conclure l’entretien par un message plus politique en référence aux mouvements sociaux du Wisconsin : « Les entreprises et les medias de masse ont, dans une large mesure, convaincu les Américains qu’ils n’ont pas de légitimité pour refuser le système économique, quels que soient les objectifs de ce système économique. Nous avons besoin d’un esprit de résistance en Amérique. Nous devons retrouver l’esprit de liberté avec lequel nous avons bâti les États-Unis. »

PS : Pour ceux qui désireraient mieux connaître le personnage nous rappelons l’existence de notre framabook sur Richard Stallman. Eyrolles vient de nous communiquer les ventes de l’année 2010 qui sont plus qu’encourageantes avec un total dépassant les 2 300 exemplaires.

Les téléphones mobiles sont le « rêve de Staline », selon le fondateur du mouvement du logiciel libre

Cell phones are ‘Stalin’s dream,’ says free software movement founder

Jon Brodkin – 14 mars 2011 – Network World
(Traduction Framalang : Étienne, Siltaar, Pandark, Lolo le 13, Goofy, Ypll, Yoann, Garburst)

Richard Stallman[1] : Les iPhones et autres Androids sont des traceurs à la Big Brother.

Près de trente ans après le début de sa croisade pour débarrasser le monde du logiciel propriétaire, Richard Stallman constate que les smartphones sont une nouvelle menace pour la liberté des utilisateurs.

« Je n’ai pas de téléphone portable. Je n’utiliserai pas de téléphone portable », déclare Stallman, fondateur du mouvement des logiciels libres et créateur du système d’exploitation GNU. « C’est le rêve de Staline. Les téléphones mobiles sont les outils de Big Brother. Je ne vais pas porter sur moi un traceur qui enregistre où je vais en permanence, ni un outil de surveillance qui autorise les écoutes. »

Stallman croit fermement que seul le logiciel libre (NdT: free software dans le texte) peut nous préserver de ces technologies de contrôle, qu’elles soient dans les téléphones portables, les PCs, les tablettes graphiques, ou tout autre appareil. Et par free il n’entend pas gratuit mais la possibilité d’utiliser, de modifier et distribuer le logiciel de quelque façon que ce soit.

Stallman a fondé le mouvement du logiciel libre entre le début et le milieu des années 80, avec le projet GNU et la Free Software Foundation, dont il est toujours le président.

Quand j’ai demandé à Stallman de lister quelques-uns des succès du mouvement du logiciel libre, le premier à être mentionné était Android mais pas la version de Google, non, une autre version du système d’exploitation mobile débarrassé de tout logiciel propriétaire (voir également Stallman soutient LibreOffice).

« Ce n’est que très récemment qu’il est devenu possible de faire fonctionner des téléphones portables largement répandus avec du logiciel libre », dit Stallman. « Il existe une version d’Android appelée Replicant qui peut faire fonctionner le HTC Dream sans logiciel propriétaire, à part aux États-Unis. Aux États-Unis, il a quelques semaines, il y avait encore un problème avec certaines bibliothèques, même si elles fonctionnaient en Europe. À l’heure qu’il est, peut-être cela fonctionne-t’il, peut-être pas. Je ne sais pas. »

Bien qu’Android soit distribué sous des licences libres, Stallman note que les constructeurs peuvent produire et livrer le matériel avec des exécutables non libres, que les utilisateurs ne peuvent pas remplacer « parce qu’il y a un élément dans le téléphone qui vérifie si le logiciel a été changé, et ne laissera pas des exécutables modifiés se lancer». Stallman appelle cela la Tivoisation, parce que TiVo utilise des logiciels libres tout en plaçant des restrictions matérielles qui l’empêchent d’être altéré. « Si le constructeur peut remplacer l’exécutable, mais que vous ne pouvez pas, alors le produit est dans une cage », dit-il.

En théorie, les téléphones qui n’utilisent que des logiciels libres peuvent être à l’abri des risques d’espionnage électronique. « Si vous n’avez que des logiciels libres, vous pouvez probablement vous en protéger, parce que c’est par les logiciels qu’on peut vous espionner », explique Stallman. Petit paradoxe au passage, Stallman répondait à mes questions sur un téléphone portable. Pas le sien, bien entendu, mais celui qu’il avait emprunté à un ami espagnol pour sa tournée de conférneces en Europe. Pendant les 38 minutes de notre échange, la connexion a été coupée cinq fois, y compris juste après un commentaire de Stallman sur l’espionnage électronique et les logiciels libres sur les téléphones. Nous avons essayé de nous reconnecter plusieurs heures plus tard mais il nous a été impossible de terminer l’interview par téléphone. Stallman a répondu au reste de mes questions par email.

Sacrifier le confort est une chose dont Stallman est familier. Il refuse d’utiliser Windows ou Mac, bien évidemment, mais même un logiciel tel qu’Ubuntu, peut-être le système d’exploitation le plus populaire basé sur GNU et le noyau Linux, ne satisfait pas ses critères de liberté. « Peu de monde est prêt à faire les mêmes sacrifices », reconnaît-il.

« Les décisions que vous prenez dépendent de vos valeurs », dit-il. « Et la plupart des gens sont conduits à penser uniquement au prix et à la performance des logiciels, et non au fait de savoir s’ils respectent votre liberté. Les gens qui prennent des décisions sur ces valeurs ne feront jamais aucune concession pour obtenir un logiciel libre, alors que moi je suis prêt à travailler pendant des années et des années pour ne pas avoir de logiciels propriétaires sur mon ordinateur ».

Stallman utilise un ordinateur portable Lemote Yeeloong faisant tourner gNewSense, une distribution GNU/Linux ne comportant que des logiciels libres.

« Il y a des choses que je ne peux pas faire. J’utilise actuellement un ordinateur assez lent, parce que c’est le seul portable avec un BIOS libre. gNewSense est la seule distribution entièrement libre qui tourne sur Lemote, qui est équipé d’un processeur de type MIPS » explique Stallman. Une autre distribution était fournie avec le Lemote, mais elle comprenait des logiciels non libres que Stallman a remplacés par gNewSense.

Stallman, 57 ans, a commencé à faire l’expérience du partage de logiciels à ses débuts au Laboratoire d’intelligence artificielle du MIT en 1971. Cette communauté de partage s’est dispersée au début des années 80 à peu près au moment où Digital Equipment Corp. a arrêté le serveur central sur lequel s’organisait la communauté. Stallman aurait pu rejoindre le monde des logiciels propriétaires s’il avait accepté de « signer des accords de confidentialité et promettre de ne pas aider mes camarades hackers », selon ses propres mots. Au lieu de cela, il a lancé le mouvement du logiciel libre.

Stallman est un personnage fascinant du monde de l’informatique, admiré par beaucoup et injurié par des entreprises comme Microsoft, qui voient en lui une menace pour les profits qu’ils peuvent tirer des logiciels.

Stallman n’a pas réussi à casser la domination de Microsoft/Apple sur le marché de l’ordinateur de bureau, sans parler de celle d’Apple sur les tablettes. Par contre, le mouvement du logiciel libre qu’il a créé a directement participé à la prolifération de serveurs sous Linux dans les data centers qui propulsent une grande partie d’Internet. Il y a peut-être là une ironie, Stallman ayant exprimé de la rancoeur au sujet de la reconnaissance acquise par le noyau Linux aux dépens de son système d’exploitation GNU.

Stallman se dit « plutôt » fier de cette multiplication des serveurs libres, « mais je suis plus inquiet de la taille du problème à corriger que du chemin que nous avons déjà accompli ».

Les logiciels libres dans les data centers, c’est bien, mais « dans le but d’apporter la liberté aux utilisateurs, leurs propres PC de bureau, portable et téléphone sont ce qui a le plus d’effet sur leur liberté ». On se soucie principalement de logiciel plutôt que de matériel, mais le mouvement insiste sur « du matériel avec des spécifications telles que l’on peut créer des logiciels libres qui le supporte totalement », insiste-t-il. « Il est outrageux de proposer du matériel à la vente et de refuser de dire à l’acheteur comment l’utiliser. Cela devrait être illégal ».

Avant d’accepter d’être interviewé par Network World, Stallman a exigé que l’article utilise sa terminologie de référence — par ex. « logiciel libre » à la place d’« open source » et « GNU/Linux » au lieu de juste « Linux ». Il a aussi demandé que l’interview soit enregistrée et que, si l’enregistrement était mis en ligne, il soit publié dans un format compatible avec le libre.

Il y a quatre libertés logicielles essentielles, expliquées par Stallman. « La liberté zéro est la liberté d’utiliser le programme comme bon vous semble. La liberté 1 est la liberté d’étudier le code source, et de le changer pour qu’il fonctionne comme vous le souhaitez. La liberté 2 est la liberté d’aider les autres ; c’est la liberté de réaliser et de distribuer des copies exactes quand vous le souhaitez. Enfin la liberté 3 est la liberté de contribuer à votre communauté, c’est la liberté de distribuer des copies de vos versions modifiées quand vous le souhaitez ».

Stallman a évoqué le terme « copyleft » pour désigner les licences qui garantissent que le code d’un logiciel libre ne peut pas être redistribué dans des produits propriétaires.

La clé de la philsophie de Stallman est la suivante : « Sans ces quatre libertés, le propriétaire contrôle le programme et le programme contrôle les utilisateurs », a-t-il affirmé. « Le programme se retrouve alors être un instrument de pouvoir injuste. Les utilisateurs méritent d’avoir la liberté de contrôler leur informatique. Un programme non libre est un système de pouvoir injuste et ne devrait pas exister. L’existence et l’usage de logiciels non libres est un problème sociétal. C’est un mal. Et notre but est un monde délivré de ce problème. »

Ce problème n’a pas été créé par une entreprise en particulier, mais Microsoft est d’habitude la plus critiquée par les gens comme Stallman.

« Ils continuent à nous considérer comme leurs ennemis », insiste Stallman. Il y a dix ans, dans une saillie restée célèbre, le PDG de Microsoft Steve Ballmer traitait Linux de « cancer ». Depuis Microsoft a baissé le ton en public, mais Stallman ne s’en laisse pas compter : « D’un certain côté ils ont appris à être un peu plus subtils mais leur but est de faire utiliser Windows et non un système d’exploitation libre ». Après cette phrase, notre appel téléphonique s’est une fois de plus interrompu.

À part Microsoft, Stallman épingle « Apple et Adobe, ainsi qu’Oracle et beaucoup d’autres qui font des logiciels propriétaires et contraignent les gens à les utiliser ».

Google « fait de bonnes choses et d’autres mauvaises » dit Stallman. « Il a mis à disposition des logiciels libres comme le codec WebM, et pousse YouTube à adopter son support. Toutefois, le nouveau projet Google Art ne peut être utilisé qu’à travers des logiciels propriétaires. »

Stallman est également en porte-à-faux avec ce qu’on appelle la communauté open source. Les partisans de l’open source sont issus du mouvement du logiciel libre, et la plupart des logiciels open source sont aussi des logiciels libres. Cependant, pour Stallman, ceux qui se disent partisans du logiciel libre ont tendance à considérer que l’accès au code source est simplement un avantage pratique, et ignorent les principes éthiques du logiciel libre. Diverses entreprises commerciales ont pris en route le train de l’open source sans adhérer aux principes auquel croit Stallman et qui devraient selon lui être au cœur du logiciel libre.

« je ne veux pas présenter les choses de façon manichéenne », déclare Stallman. « Il est certain que beaucoup de gens qui ont des points de vue open source ont contribué à des logiciels utiles qui sont libres, et il existe des entreprises qui ont jeté les bases de logiciels utiles qui sont libres aussi. C’est donc du bon travail. Mais en même temps, à un niveau plus fondamental, mettre l’accent sur l’open source détourne l’attention des gens de l’idée qu’ils méritent la liberté. »

L’une des cibles de Stallman est Linus Torvalds, le créateur du noyau Linux et l’une des personnalités les plus célèbres du monde du logiciel libre.

Stallman et son équipe ont travaillé sur le système d’exploitation GNU pendant la majeure partie des années 80, mais il manquait une pièce au puzzle : un noyau, qui puisse fournir les ressources matérielles aux logiciels qui tournent sur l’ordinateur. Ce vide a été comblé par Torvalds en 1991 quand il a mis Linux au point, un noyau analogue à Unix.

Les systèmes d’exploitation qui utilisent le noyau Linux sont couramment appelés « Linux » tout court, mais Stallman se bat depuis des années pour que les gens emploient plutôt l’appellation « GNU/Linux ».

Stallman « voudrait être sûr que GNU reçoive ce qu’il mérite » dit Miguel de Icaza de chez Novell, qui a créé le l’environnement libre GNOME, mais a été critiqué par Stallman pour ses partenariats avec Microsoft et la vente de logiciel propriétaire. « Quand Linux est sorti, Richard n’y a pas prêté sérieusement attention pendant quelque temps, et il a continué à travailler sur son propre noyau. C’est seulement lorsque Linux s’est trouvé sous les feux de la rampe qu’il a pensé que son projet n’était pas assez reconnu. » Le problème, c’est qu’à cette époque, est apparue à l’improviste une communauté qui n’était pas nécessairement dans la ligne GNU.

Le noyau GNU, appelé Hurd, est toujours « en développement actif », selon le site internet du projet.

La contribution de Torvalds au logiciel libre sera largement célébrée cette année à l’occasion des 20 ans du noyau Linux. Mais Stallman n’en sera pas l’une de ses majorettes, et pas seulement à cause de cette querelle sur le nom.

« Je n’ai pas d’admiration particulière pour quelqu’un qui déclare que la liberté n’est pas importante », explique Stallman. « Torvalds a rendu un bien mauvais service à la communauté en utilisant ouvertement un programme non libre pour assurer la maintenance de Linux (son noyau, qui est sa contribution majeure au système d’exploitation GNU/Linux). je l’ai critiqué sur ce point, et bien d’autres avec moi. Quand il a cessé de le faire, ce n’était pas par choix délibéré. Plus récemment, il vient de rejeter la version 3 de la licence GPL pour Linux parce qu’elle protège la liberté de l’utilisateur contre la Tivoisation. Son refus de la GPL v.3 est la raison pour laquelle la plupart des téléphones sous Android sont des prisons ».

Même Red Hat et Novell, largement reconnus comme soutiens du logiciel libre, ne reçoivent pas une franche approbation. « Red Hat soutient partiellement le logiciel libre. Novell beaucoup moins », dit-il, notant que Novell a un agrément de brevet avec Microsoft.

En dépit de son pessimisme apparent, Stallman voit quelques points positifs motivant sa quête de logiciel libre. Quand il n’est pas chez lui à Cambridge (Massachusetts), Stallman parcourt le monde pour y donner des conférences et participer à des débats sur le logiciel libre.

Avant de voyager vers l’Espagne, Stallman s’est arrêté à Londres pour faire une conférence (dans laquelle il a qualifié Windows de « malware ») et pour rencontrer quelques membres du Parlement afin de leur expliquer les principes du logiciel libre. Il reçoit souvent un meilleur accueil en Europe que chez lui.

« Aux États-Unis, la conscience du logiciel libre a été presque entièrement cachée sous le tapis par l’open source. Dès lors on ne trouve aucun responsable gouvernemental qui accepte de parler avec moi ».

Mais hors de l’Amérique du Nord, quelques gouvernements s’engagent dans le logiciel libre. « J’ai découvert hier, qu’en France, les organismes d’État continuent à migrer vers le logiciel libre », dit-il. « Il n’y a pas une politique systématique qui leur enjoint de le faire, mais ils le font de plus en plus. Et dans certains pays, par exemple en Équateur, il existe une politique explicite pour que les organismes gouvernementaux migrent vers le logiciel libre, et ceux qui veulent continuer à utiliser des logiciels non libres doivent demander une dérogation temporaire pour le faire. »

Bien que Stallman ne l’ait pas mentionné, le gouvernement russe exige aussi des organismes qu’ils remplacent les logiciels propriétaires par des alternatives libres d’ici 2015, afin d’améliorer à la fois l’économie et la sécurité, selon le Wall Street Journal.

Au-delà du logiciel libre, Stallman se consacre aux questions politiques, et tient un blog pour le journal Huffington Post. De fait, il voit peu de différences entre les entreprises qui maltraitent la liberté logicielle et les « gredins de Washington » qui sont les obligés des lobbys d’entreprises qui leur font des dons.

Dans les mouvements sociaux récents du Wisconsin, Stallman retrouve quelque chose de son propre état d’esprit. « Quelquefois, la liberté demande des sacrifices et la plupart des Américains n’ont pas la volonté de faire le moindre sacrifice pour leur liberté », dit-il. « Mais peut-être que les manifestants du Wisconsin commencent à changer cela ». Les entreprises et les medias de masse « ont, dans une large mesure, convaincu les Américains qu’ils n’ont pas de légitimité pour refuser le système économique, quels que soient les objectifs de ce système économique. Nous avons besoin d’un esprit de résistance en Amérique. Nous devons retrouver l’esprit de liberté avec lequel nous avons bâti les États-Unis. »

Notes

[1] Crédit photo : Eva Blue (Creative Commons By)




WebM contre H.264 : La FSF soutient le choix de Google

Dawn - CC byCe n’est pas forcément tous les jours que la Free Software Foundation (FSF) de Richard Stallman applaudit et soutient ouvertement Google dans ses choix de format vidéo pour le Web. Et d’appeler les internautes à en faire de même.

Google est même qualifié d’audacieux, puisque l’adoption d’un format ouvert – WebM – s’accompagne de la suppression d’un format fermé – H.264.

Pour en savoir sur le sujet, nous ne saurions trop vous conseiller notre article : Bataille de la vidéo sur le Web : Quand Google restreint pour mieux ouvrir ?[1].

Pas de double standard : soutenir l’appui de Google à WebM

No double standards: supporting Google’s push for WebM

Brett Smith – 19 Janvier 2011 – FSF.org (Traduction Framalang : Cheval boiteux, Jérémie et Antistress)

Nous avons décidé de soutenir le projet WebM et nous encourageons les autres fondations et organisations à nous rejoindre pour connaître la marche à suivre. Aujourd’hui, nous exhortons également les gestionnaires de sites web à distribuer les vidéos dans le format WebM et à abandonner le H.264.

La semaine dernière, Google a annoncé qu’il planifiait la suppression du support du codec vidéo H.264 des ses navigateurs au profit du codec WebM qui a récemment été libéré. Depuis, il y a eu beaucoup de discussions concernant les incidences possibles sur l’avenir du Web, au moment où la spécification HTML5 — dont la balise video — mûrit.

Nous applaudissons Google pour ce changement : c’est une avancée positive pour le logiciel libre, ses utilisateurs, et pour chaque personne qui utilise le Web. Cela fait un moment déjà que regarder une vidéo sur le Web peut s’avérer périlleux. La plupart d’entre elles sont publiées à l’aide de Flash qui est un logiciel non-standard et propriétaire. Les alternatives libres comme GNU Gnash sont disponibles, mais l’expérience utilisateur n’est pas toujours à la hauteur.

Quand le travail a commencé sur la nouvelle version du standard HTML, HTML5, le travail sur la diffusion et la lecture des vidéos était une priorité. Mais, bien que tout le monde était d’accord sur ce à quoi la balise <video> devait ressembler, il n’y avait pas de consensus sur le format d’encodage des vidéos. Microsoft et Apple soutenaient H.264, Mozilla et Opera soutenaient WebM et Ogg Theora. Jusque là, Google supportait tous ces codecs, mais aujourd’hui il a fait preuve d’audace en décidant de supporter les standards libres et ouverts et de laisser tomber H.264.

Ceci est une bonne nouvelle, car si H.264 devenait le standard de fait pour la vidéo sur le Web, cela ne serait pas mieux que la situation actuelle. H.264 est un codec lourdement breveté ; le consortium MPEG LA oblige les développeurs qui l’implémentent à accepter une licence de brevet. Cette licence est fondamentalement incompatible avec les logiciels libres. Elle exige des développeurs qu’ils restreignent l’utilisation qui sera faite de leur logiciel, et permet la collecte d’une redevance dans la plupart des situations.

Afin de s’assurer que le Web reste libre et ouvert pour tous, nous avons besoin qu’un codec libre s’impose comme standard de fait pour HTML5. WebM peut être ce codec : Google fournit avec le standard une licence de brevet qui est compatible avec les licences des logiciels libres et propose même une implémentation libre. Ils promeuvent également avec force ce codec, et leur décision de laisser tomber H.264 est une étape de plus dans cette direction.

Des réactions au geste de Google ont suggéré que cela représentait un pas en arrière pour les standards sur le Web, car H.264 est supporté par un plus grand nombre de matériels et de logiciels. Ces commentaires révèlent une incompréhension fondamentale de la vision d’un Web libre et ouvert. Nous ne pouvons être libres que si nous rejetons les formats de données qui sont assujettis à brevets.

Mais la question n’est pas encore règlée. C’est le moment pour tout le monde d’agir et de faire en sorte que WebM soit effectivement adopté par le plus grand nombre À cette fin, nous avons décidé de soutenir le projet WebM et nous encourageons les autres fondations et organisations à nous rejoindre — écrivez à webmaster AT webmproject.org pour connaître la marche à suivre. Aujourd’hui, nous exhortons également les gestionnaires de sites web à distribuer les vidéos dans le format WebM et à abandonner le H.264.

Bientôt, nous allons transformer notre campagne PlayOgg en PlayFreedom et nous allons mettre l’accent sur les moyens permettant à chacun d’encourager l’adoption de WebM. Vous pouvez vous inscrire dès maintenant pour en savoir plus sur la manière d’aider. Ensemble, nous pouvons veiller à ce que le Web remplisse sa promesse d’être libre pour tout le monde.

Notes

[1] Crédit photo : Dawn (Creative Commons By)