Popcorn Time est mort, vive Popcorn Time ! (et vive les sources libres) 3/3

Popcorn Time épisode 3 le retour… Parce qu’avec les licences libres rien ne meurt jamais et surtout pas les bonnes idées 😉

Rappel des épisodes précédents :

  1. Popcorn Time, mieux que Netflix pour voir des films en streaming via BitTorrent !
  2. Popcorn Time « le pire cauchemar d’Hollywood » n’est déjà plus

Neeta Lind - CC by

Après sa mort, Popcorn time sera ressuscité par YTS (YIFY)

Popcorn Time Shuts Down, Then Gets Resurrected by YTS (YIFY)

Andy – 15 mars 2014 – TorrentFreak
(Traduction : Karl, JonathanMM, r0u, Mooshka, loicwood, aKa, Diab, GregR, Cellular_PP, Noon, lamessen, Amazigh + anonymes)

Une semaine riche en rebondissements pour la très contreversée application Popcorn Time, qui a touché le fond hier soir après avoir appris que les créateurs du logiciel jetaient l’éponge. Allons messieurs, pas si vite ! Les gens derrière YTS (YIFY) informent TorrentFreak qu’ils reprennent le projet immédiatement.

Samedi dernier, TorrentFreak annonçait la sortie du logiciel de streaming torrent Popcorn Time, un article qui fut suivi dans la semaine par des douzaines d’autres sur des sites d’envergure. Il est devenu rapidement évident que ce logiciel a levé un lièvre avec son ergonomie et sa simplicité.

Sans surprise, les premiers problèmes ne se sont pas fait attendre. Au milieu de la semaine, le logiciel a été retiré du site Mega.co.nz. Ce qui reste confus, c’est de savoir si cette action a été entreprise par Mega de son propre chef ou après une injonction d’Hollywood.L’équipe de développeurs de Popcorn Time ayant confirmé qu’ils n’en étaient pas à l’origine, l’un ou l’autre peut donc être à blâmer.

Après une semaine agitée, le logiciel ayant reçu d’importants soutiens, le projet s’est donc arrêté la nuit dernière. Dans un long communiqué sur le site web de l’outil, l’équipe de Popcorn Time a confirmé qu’elle arrêtait son travail.

« Popcorn Time ferme aujourd’hui. Pas parce que nous n’avons plus ni énergie, ni motivation, ni détermination, ni même d’alliés. Juste parce que nous avons envie de poursuivre nos vies. », explique ainsi l’équipe.

« Notre expérimentation nous a amenés aux portes d’un débat sans fin entre piratage et copyright, menaces légales et machinerie douteuse qui nous donne l’impression d’être en danger à cause de ce que nous aimons faire. Et ce n’est pas une bataille à laquelle nous souhaitons prendre part. »

L’équipe basée en Argentine a ajouté que le piratage n’est pas un problème d’utilisateurs, c’est un problème créé par l’industrie qui « se représente l’innovation comme une menace à l’encontre de leur modèle économique obsolète ».

Mais alors que d’autres articles sont écrits par la presse généraliste, chacun enterrant Popcorn Time avant de passer à autre chose, il y a d’importantes et bonnes nouvelles à rapporter.

Popcorn Time n’est pas mort et va continuer à être développé, en toute transparence.

Interviewé par TorrentFreak, le développeur d’YTS (anciennement YIFY-torrents) Jduncanator a confirmé que Popcorn Time ne mourra pas avec le retrait de l’équipe l’ayant créé. À la place, l’équipe de YTS va reprendre le flambeau et poursuivre.

« L’équipe YTS reprend actuellement le projet Popcorn Time et va le poursuivre comme si de rien n’était. Nous sommes en meilleure position vis-à-vis des droits d’auteur, car le projet est basé sur notre (propre) API, c’est comme si nous avions construit une autre interface pour notre site web. Il n’y a une faible différence entre gérer le projet PopCorn Time et mettre à disposition les films comme nous le faisons déjà », affirme le développeur.

« À YTS nous nous reconnaissons dans les projets de ce genre et l’émoi les entourant ne signifie pas qu’ils doivent être arrêtés. Cette agitation est bénéfique rendant les gens plus conscients et concernés par les problèmes engendrés par le copyright. »

Le projet, qui est désormais disponible sur GitHub, est ouvert aux anciens développeurs, qui recevront un accès aux contributions à leur demande. L’installeur Popcorn Time sera disponible prochainement.

Crédit photo : Neeta Lind (Creative Commons By)




Le voyage mouvementé de Wikitravel

En 2003 naissait le projet Wikitravel qui est un peu au voyage ce que Wikipédia est à l’encyclopédie : une rédaction collaborative de guides touristiques (pays, ville, etc.), multilingues, sous licence libre et sur un wiki.

Le fait est que cela a plutôt bien marché (exemple avec Paris). Ils en ont même fait de vrais guides papiers.

Sauf que jetez un œil au graphique ci-dessous et vous comprendrez vite que son histoire n’a pas été un long fleuve tranquille. De Wikitravel, on est passé à Wikivoyage pour espérer en arriver aujourd’hui à Wikimedia Travel. C’est tout le charme de la licence libre (en l’occurrence la CC By-Sa) et de ses forks possibles lorsque le projet prend, selon certains, une mauvaise direction.

C’est de cette histoire (à rebondissements) dont il est question dans l’article ci-dessous.

Remarque : On notera que son auteur (créateur de l’application WikiSherpa) est peut-être trop pessimiste car il se pourrait bien qu’on connaisse un happy ending grâce au concours de Wikimedia. Et puis, sans licence libre, on aurait été dès le départ totalement bloqué.

Timeline - Wikitravel

Tirer la leçon de la dramatique et lente agonie de Wikitravel

Lessons From The Dramatic Slow-Motion Death Of Wikitravel

Jon Evans – 29 septembre 2012 – TechCrunch
(Traduction Framalang : @ali0une, Pandark, aKa, LuD-up, @jfomhover, ali0une, lgodard, Karma-sama, martinien, senshu)

Il était une fois, en 2003, deux entrepreneurs avec un rêve. Ils s’appelaient Evan Prodromou et Michele Ann Jenkins, et ils ont rêvé d’un guide de voyage mondial édité collaborativement — un Wikipedia pour les voyages, si vous préférez. Ainsi, il créèrent Wikitravel. Et ils ont fait mentir l’expression anglaise « Lead zeppelin » qui sous-entend que le projet n’aurait jamais pu décoller. Deux ans plus tard, ils furent racheter pour 1,7 million de dollars (~1,3 million d’euros) par une compagnie nommée Internet Brands, pas mal d’argent pour ces nombreuses journées perdues avant que la startup ne devienne populaire. Et Wikitravel prospéra , et en prenant du recul, c’était plutôt bon.

Jusqu’à ce que le paradis s’en vienne à côtoyer les enfers…

Pendant six ans Wikitravel fonctionna bien. Il y avait bien la présence de quelques publicités mais rien d’intrusif. La plateforme technique sur laquelle il tournait prenait de l’âge et avait ses défauts, mais elle fonctionnait, et c’est tout ce qui compte, n’est-ce pas ?

En 2006 cependant, les administrateurs italiens et allemands (bénévoles et indépendants qui réparaient le site, éliminaient le spam, éditaient structure et langage, et le rendaient pour ainsi dire utilisable) ont forké toutes les pages du site en ces langues pour s’en aller migrer vers un nouveau site, appelé Wikivoyage, principalement à cause de la publicité placée par Internet Brands. C’était tout à fait légal parce que tout le contenu de Wikitravel est sous licence Creative-Commons. Et cela n’affecta pas vraiment Wikitravel (et en rien sa partie principale anglaise) qui continua à attirer un demi-million de visiteurs par mois. Son travail de guide pour la planète entière devenait meilleur de jour en jour…

Mais, il y a quelques mois, les administrateurs de Wikitravel en ont eu assez. Ils ont d’abord constaté l’inclusion de nouvelles publicités encore plus invasives et surtout ils ont perdu patience face à leurs demandes répétées de mises à jour techniques restées sans réponses. D’autant plus que quand Internet Brands se décida enfin à effectuer ces mises à jour la plateforme se retrouva toute pleine de bugs ! En conséquence de quoi les administrateurs de Wikitravel baissèrent les bras et voyagèrent à travers l’Internet jusqu’à cette oasis de contenu libre qui s’appelle la Wikimedia Foundation pour lui dire en substance ceci : « Nous n’en pouvons plus de notre logement actuel. Voudriez-vous héberger un site de voyage ? » La Wikimedia Foundation réfléchit, et décida finalement de répondre par l’affirmative.

Et puis l’enfer des procédures judiciaires s’est déchaîné.

Se sentant menacé par ce fork d’un Wikitravel hébergé par Wikimédia, Interned Brands, après avoir semble-t-il initialement proposé un partenariat, « intenta des poursuites contre les contributeurs bénévoles James Heilman et Ryan Hollliday, pour avoir utilisé le mot « Wikitravel » dans la phrase « Communauté Wikitravel » lors de la communication du fork », nous dit David Gerard. En réponse, la Wikimédia Fondation a elle_même intenté une poursuite stratégique contre la mobilisation publique et demandé des explications devant les tribunaux.

Nous allons laisser les sérieux avocats décider du sort de cette aventure. Je veux juste tirer quelques leçons personnelles de cette débâcle :

  • N’irritez pas vos utilisateurs les plus fidèles et actifs (NdT : power users). Vous pensez peut-être que la masse globale de vos utilisateurs est ce qui importe le plus, mais ce sont avant tout ces utilisateurs là qui fournissent avec passion le gros du travail. Ils sont pour ainsi dire le cœur et l’âme de votre site, et s’ils partent vous aurez de gros ennuis.
  • Ne retardez pas le paiement de votre dette technique. Comme la plupart des dettes, elle subit des interêts composés exponentiels 🙂 Et vous ne connaissez pas son taux d’intérêt jusqu’à ce que vous ayez commencé à la rembourser. Je pense qui si Internet Brands avait géré Wikitravel avec plus de considération et de compétences techniques, le fork n’aurait jamais eu lieu.
  • Ne poursuivez pas vos utilisateurs en justice dans un moment d’aigreur et de dépit. Vraiment. Ne le faites pas. N’avons nous donc rien appris de la RIAA (NdT : à comparer avec notre Hadopi) ? Respirez profondément, prenez un calmant, et détendez-vous. En effet, outre la question d’ordre moral, à partir du moment où vous poursuivez vos utilisateurs, vous perdez toute crédibilité aux yeux d’une fraction énorme de l’Internet. Et la crédibilité compte. Hélas, beaucoup de gens ne le réalisent pas, jusqu’à ce qu’ils perdent la leur.

Une version provisoire du nouveau guide de voyage anglophone est maintenant disponible. En attendant la suite…




Diaspora, le projet qui se voulut aussi gros que Facebook, pas encore mort car libre

Il y a une semaine on nous a annoncé que Diaspora serait désormais livré à la communauté.

Pour rappel Diaspora est le projet d’alternative libre à Facebook mené par des étudiants newyorkais et qui avaient créé le buzz et amassé beaucoup d’argent sur Kickstarter au moment du lancement en 2010.

Il y avait énormément d’attentes autour de ce projet car réussir à se sortir des griffes de Facebook ça n’est pas rien !

Plusieurs versions de l’application ont bien vu le jour, plusieurs dizaines de milliers d’utilisateurs se sont inscrits, mais c’est globalement la déception qui a prévalu. Ils n’ont pas réussi (et englouti l’argent), alors changement de gouvernance, plus de transparence, on donne le tout à la communauté (et qu’elle se débrouille si elle pense que le projet vaut la peine d’être poursuivi). Cela ressemble plus à un renoncement plein d’amertume qu’à un cadeau bienveillant, mais les optimistes répliqueront que c’est la force du libre que de pouvoir continuer l’aventure d’un projet même lorsqu’il se trouve bloqué.

Le billet ci-dessous tente de tirer les leçons de cette histoire et de cet échec.

Échec temporaire ou définitif ? Cela va dépendre justement de la communauté.

Diaspora

Diaspora : un nouveau départ ou une mise en garde du financement participatif ?

Diaspora: A New Beginning or a Crowdfunding Cautionary Tale?

By Paul M. Davis – 29 août 2012 – Shareable.net
(Traduction : boubou, Ward, imada, Gatitac, moedium, xaccrocheur, Penguin, aKa, sheldon, martinien)

Il y a deux ans, quatre étudiants de l’université de New York surfèrent sur le sentiment anti-Facebook et ont récolté via le site Kickstarter plus de 200 000 $ pour créer Diaspora, un réseau social open source.

Les fondateurs ont annoncé lundi qu’ils livraient leur projet à la communauté open source, ce qui va peut-être relancer le développement d’une plate-forme de réseau social au-delà de ce qu’ils ont réussi à créer jusqu’à maintenant. Dans le cas contraire, nous aurions à faire avec un échec patent d’un projet issu du financement participatif (NdT Crowdfunding).

D’une certaine manière, l’histoire de Diaspora est le reflet de la jeunesse de ses créateurs : optimisme sans limite et promesses sans fins ont laissé place au scepticisme, à la déception, aux réactions négatives et même à des tragédies personnelles. Après que la campagne KickStarter a atteint 20 fois son objectif initial, les développeurs furent mis sous une pression extrême de produire un résultat. Les sorties furent repoussées, les messages et la communication devinrent confus. En moins d’un an, le sentiment négatif qui était né durant la campagne de levée de fonds semblait se retourner contre le projet lui-même.

Au milieu de tout le tapage qui a entouré le lancement et le succès de la campagne de Diaspora, un sentiment de scepticisme a commencé à apparaître. Au plus fort de la campagne, des voix importantes comme celle de Clay Shirky ont amplifié les doutes sur la possibilité que Diaspora puisse atteindre son ambitieux objectif d’une livraison de la version alpha à la fin de l’été. La sortie privée de la version alpha eut lieu en novembre 2010 et a reçu un accueil modérément optimiste parmi les donateurs et la presse spécialisée, mais ce délai et les fonctionnalités limitées ont renforcé les arguments de ceux qui doutaient. A partir de mai 2011, des blogs techniques de haut niveau comme TechCrunch commençaient à critiquer le projet comme des vieilles nouvelles et à le qualifier de vaporware.

Confirmant les soupçons des sceptiques, les fondateurs annoncèrent en juillet 2011 qu’après avoir levé 20 fois leur objectif, Diaspora était déficitaire de 238 $ (PDF). En octobre 2011, les fondateurs essayèrent de faire taire les mauvaises rumeurs avec un post sur leur blog intitulé Diaspora : ni vaporware, ni prince Nigérian”. Malheureusement, s’ensuivit rapidement le suicide de Ilya Zhitomirskiy, co-fondateur du projet. En avril dernier, l’équipe Diaspora déclara que « les choses commencent à changer » en partageant des copies d’écrans d’une campagne de hashtag ayant une ressemblance frappante avec le site makr.io, un autre projet récemment annoncé par les mêmes fondateurs de Diaspora.

Puisque le but de Diaspora a toujours été de devenir un véritable projet open source, il est trop tôt pour voir l’annonce de lundi dernier comme un échec. Mais ce transfert open source ressemble plus un renoncement qu’à un cadeau à la communauté.

Alors, à quoi ressemblera le futur de Diaspora ? Dans une interview à BetaBeat, le co-fondateur Max Salzberg a déclaré que « beaucoup de projets open source exploitent la communauté », citant Mozilla et WordPress en exemple. Même s’il est vrai que Mozilla et WordPress s’appuient sur une large communauté de contributeurs, la comparaison de Salzberg ne tient pas car les deux projets cités sont également soutenus par de gros apports financiers, qu’il s’agisse d’argent provenant du Kickbacks de Google (Mozilla) ou des services premium pour les entreprises (WordPress).

Pour envisager ce que pourrait être le futur de Diaspora, il vaut la peine de prendre en considération un projet récent inspiré par un mécontentement similaire des utilisateurs. La plateforme qui suscite actuellement la colère des geeks est Twitter, qui ne cesse de serrer la vis sur l’écosystème du développement en limitant l’accès aux API et en mettant en place une stratégie commerciale qui le fera ressembler beaucoup plus à Facebook qu’à un simple flux de messages de 140 caractères. Ceci a poussé récemment au financement réussi de app.net, un service alternatif lancé d’une manière très différente. Au lieu de construire une plateforme ouverte et décentralisée, ce que les étudiants derrière Diaspora visaient, app.net développe une plateforme sociale centralisée financée par les abonnements des utilisateurs plutôt que par la publicité. Le projet a récemment atteint son objectif de campagne de 500 000 $ par des inscriptions de membres à 50 $, en grande partie grâce à l’approbation tacite des blogueurs influents et des développeurs qui ont été parmi les détracteurs les plus virulents de Twitter ces dernières semaines.

Pour qui est fait Diaspora ?

Malgré les différences fondamentales entre Diaspora et app.net, ils partagent le même problème de base : atteindre l’effet de réseau. Le succès d’un réseau social dépend d’un certain nombre de facteurs : des utilisateurs de la première heure qui sont aussi de vrais partisans, du buzz médiatique, une nouvelle solution à un problème existant, ou, à défaut d’autre chose, de la nouveauté.

Qu’en est-il pour Diaspora ? Cela fait longtemps que le buzz s’est estompé. Et, comme Google l’a découvert avec Plus, ce n’est pas parce que les gens sont « agacés par Facebook » qu’il vont avoir le temps ou l’envie de changer de réseau social, surtout si leur amis ne le font pas.

Lancer un nouveau service social en direction de la geekratie peut sembler pertinent au démarrage à fortiori lorsque le projet est open source. Mais pour que la sauce prenne, il faut aller au-delà des geeks et être aussi rapidement adopté par la masse. Diaspora ne s’adresse-t-il pas avant tout à ceux qui ne sont pas intimidés par les commits Git ou monter une instance Heroku, à ceux, pas assez nombreux, qui ont bien conscience qu’ils vont offrir leurs données personnelles à une société contre un service Web gratuit ? Et dans ce cas, quelles différences fondamentales avec des sites déjà existants comme Slashdot, Github ou Stack Overflow ? De plus, et bien que les caractéristiques sociales de ces services soient souvent limitées, il existe déjà de nombreuses plates-formes de réseaux sociaux open source sur le marché : Drupal, Elgg, Buddypress, Pligg, Mahara, pour en nommer quelques-unes.

Le potentiel de la fédération

La dernière carte à jouer pour Diaspora peut être son architecture fédérée. Dans une époque de services centralisés et financés par la publicité, tels Facebook,Twitter et Google, il y a un attrait certain pour une plateforme sociale fonctionnant sur une architecture décentralisée.

Une telle approche devient plus impérieuse si l’on considère la facilité avec laquelle le gouvernement américain a fermé des sites prétendument coupables d’infraction ces dernières années et comment il peut accéder aux données personnelles d’activistes sur les médias sociaux, comme Malcom Harris de Shareable s’en est aperçu au cours d’un long procès concernant son activité sur Twitter. En théorie, les nœuds d’une plate-forme sociale, qui forment un réseau p2p, pourraient être tissés dans un garage ou un placard et être déconnectés facilement, avec un faible impact sur le réseau.

Mais alors on en revient au problème des effets du réseau : la valeur de Twitter pour le mouvement Occupy ne relevait pas simplement de la communication et de l’organisation mais aussi de la diffusion. Les personnes sur le terrain étaient capables de diffuser des scènes de violence policière en temps réel, non seulement aux autres membres du mouvement sur un quelconque réseau social partagé, mais également au monde entier.

Des réseaux sociaux fédérés existent déjà, tel StatusNet sur lequel repose le rival largement oublié de Twitter, identi.ca. Mais même avec la pleine connaissance des risques de confidentialité de l’utilisation de Twitter ou Facebook, la plupart des activistes d’Occupy ne diffusaient pas vers la poignée de geeks qui postent encore des conseils pour Drupal sur identi.ca. Ils se sont plutôt dirigés là ou l’audience la plus vaste et diversifiée verrait leurs message : Twitter, Facebook et Youtube.

Rien de ceci ne permet de dire qu’une solution fédérée ne peut fonctionner, seulement que les défis sont très grands. Maintenant que Diaspora a été remis entre les mains de la communauté, il est trop tôt pour le déclarer mort. Comme les fondateurs l’ont noté dans leur annonce, le compte Github de Diaspora est actif (tout comme son projet sur Pivotal Tracker).

Je reste d’un optimisme prudent quant à la capacité de la communauté open source à créer quelque chose de grand à partir du code que les fondateurs ont lâché dans la nature. Peut-être que le code existant sera forké et deviendra la base d’un nouveau projet allant bien au delà du Diaspora actuel. Mais quoi qu’il advienne, son développement tumultueux restera comme un récit de mise en garde vis-à-vis du crowdfunding, sur les dangers des promesses qu’on ne peut pas tenir.




De StarOffice à LibreOffice 28 années d’histoire

LibreOffice OpenOffice.org

Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les suites bureautiques se sont imposées ces derniers lustres comme indispensables dans le paysage logiciel. La suite numéro un, Microsoft Office, est devenue une référence et un incontournable. En langage courant, on ne parle plus de présentations ou de transparents, on dit tout simplement « un PowerPoint ».

Microsoft Office n’étant pas disponible sur les systèmes libres comme Linux, il est évident qu’une alternative viable se devait d’exister. Vous la connaissez certainement, il s’agit d’OpenOffice. Et, depuis quelques mois, on entend parler de LibreOffice. Mais n’est-ce pas juste un changement de nom ? Tout cela est un peu confus.

J’avais déjà tenté de faire une courte clarification. Essayons de voir en détail ce qu’il en est.

Les débuts de StarDivision

Nous sommes en 1984. Un très jeune programmeur allemand fonde la société StarDivision afin de vendre son logiciel de traitement de texte StarWriter. Celui-ci est destiné principalement aux ordinateurs Zilog Z80 et Amstrad CPC. Nous sommes dans les tous débuts de l’informatique à destination du grand public. Ni Microsoft Office ni même Windows n’existent encore.

Après quelque temps, StarDivision adapte son logiciel aux systèmes DOS, OS/2. D’autres composants se rajoutent à StarWriter : StarBase, un logiciel de base de données, StarDraw, un logiciel de dessin vectoriel. Le tout est empaqueté sous le nom global de StarOffice, en faisant une des premières suites bureautiques.

Avec le support de Windows 3.1, StarOffice gagne un nouveau composant, StarCalc, un tableur.

StarOffice dans le giron de Sun

Faisons un bond en avant et propulsons nous en 1999. À cette époque, Microsoft règne sans partage sur les ordinateurs individuels grâce à Windows 95 et Windows 98, sans oublier Windows NT dans les entreprises. Dans ces dernières, Microsoft Office 97 s’est imposé comme la suite office indispensable. Son plus gros concurrent est… Microsoft Works ! Eh oui, Microsoft se paie le luxe d’être son propre concurrent et d’avoir deux suites bureautiques qui sont difficilement interopérables (utilisant des formats propriétaires différents).

Sun travaille sur son système d’exploitation Solaris et espère en faire un concurrent à Windows. Le problème est que Solaris ne dispose pas d’une suite bureautique et que chacun des 42.000 employés de Sun doit garder deux ordinateurs : un sous Solaris et un sous Windows pour faire tourner Microsoft Office.

Stratégiquement, avoir une suite bureautique sous Solaris est indispensable. Sun se met en chasse et rachète StarDivision pour 73.5 millions de dollars. Rien que le prix économisé dans les licences Microsoft (42.000 licences Windows + 42.000 licences Office) permettrait de rentabiliser l’achat en quelques années.

Sun travaille donc à partir de la suite StarOffice et la porte sous Solaris.

Naissance d’OpenOffice

À peine un an plus tard, en 2000, Sun se rend compte que le seul ennemi capable d’affaiblir la toute-puissance de Microsoft, alors à son apogée, est le monde Open Source. Et selon l’adage « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis », Sun décide de doter la communauté OpenSource d’un concurrent à Microsoft Office.

Une version Open Source de StarOffice est donc libérée sous le nom OpenOffice, qui deviendra OpenOffice.org, le nom OpenOffice étant déjà déposé dans certains pays.

Derrière ce mouvement se cache bien entendu une stratégie marketing. Sun espère qu’OpenOffice gagnera le cœur des étudiants, des particuliers, des hackers mais que les entreprises souhaitant un support professionnel se tournent vers StarOffice. Certaines fonctionnalités de StarOffice ne sont d’ailleurs pas présente dans OpenOffice.

Cela a pour conséquence que toute personne souhaitant contribuer au code d’OpenOffice doit céder ses droits à Sun, afin que celui-ci puisse le réutiliser dans StarOffice.

Sun OpenOffice, l’incontournable

De 2001 à 2010, OpenOffice va devenir incontournable chez les libristes et les utilisateurs de système Linux. Sa gratuité est également un atout indéniable dans les entreprises et les services publics. Certains évangélistes du libre y voient un cheval de Troie pour introduire le libre un peu partout et en font une promotion éhontée.

Cependant, tout n’est pas rose. Le développement n’est pas très rapide. Les contributions ne sont pas toujours acceptées par Sun. Le logiciel, vieillissant, acquiert une réputation de lenteur et de non-ergonomie.

Microsoft Office, de son côté, fait des progrès fulgurants avec les éditions 2003 et 2007. Malgré un succès d’estime, OpenOffice peine à sortir du cadre des geeks barbus.

Lotus Symphony, IBM rentre dans la danse

IBM, géant de l’informatique, est célèbre pour n’avoir jamais compris l’importance du logiciel et de la micro-informatique. Inventeur du PC, ils n’ont pas perçu le marché pour ce type de machine et ont laissé Microsoft fournir le système d’exploitation DOS. Se rendant compte de leur erreur, ils tenteront d’imposer OS/2 sans jamais y parvenir.

La même histoire se répète avec les suites bureautiques. Se rendant compte de l’importance de ce type de logiciel, IBM produira Lotus Symphony, une suite bureautique pour DOS. Cette suite sera complètement abandonnée en 1992.

Ce n’est qu’en 2007, à la mode des carabiniers d’Offenbach, qu’IBM décidera de relancer dans une suite de productivité qui comportera son client mail Lotus Notes, très populaire en entreprise et détenteur du titre de logiciel le plus haï par ses utilisateurs. IBM va donc reprendre OpenOffice et en modifier l’interface afin de créer IBM Lotus Symphony.

IBM Lotus Symphony est synchronisé avec OpenOffice mais aucun code n’est contribué au projet. En ce sens, IBM est vu comme un mauvais joueur par la communauté.

Oracle Open Office, la fin d’une époque

Sun ne va pas très bien. Solaris n’a jamais réellement percé. Le matériel Sun, d’excellente facture mais extrêmement cher, voit une concurrence rude tirer les prix vers le bas. Beaucoup d’investissements ont été faits comme le rachat de MySQL. Des questions se posent. C’est alors qu’arrive Oracle.

Oracle est un géant de l’informatique qui a fait sa fortune sur la gestion des bases de données. Ils aimeraient avoir un peu plus d’expertises dans le matériel (afin de vendre des serveurs liés à leurs bases de données) et contrôler un dangereux concurrent OpenSource qui est de plus en plus populaire : MySQL, justement racheté par Sun.

En 2009, Oracle rachète donc Sun pour 7,4 milliards de dollars. Seulement, Oracle n’a que faire de StarOffice ou d’OpenOffice. C’est le cadeau bonus venu avec l’achat et ça les ennuie plus qu’autre chose. De plus, contrairement à Sun, Oracle a montré de nombreuses fois qu’il se poste en ennemi acharné du logiciel libre.

En 2010, inquiets, les membres de la communauté OpenOffice créent donc la Document Foundation, une fondation sans but lucratif dont le but est de promouvoir et de continuer le développement d’OpenOffice, sans dépendre d’Oracle.

LibreOffice, la première suite communautaire

Il ne reste qu’un petit détail à régler : le nom, OpenOffice, appartient toujours à Oracle. La fondation fait une demande officielle à Oracle, Ô Oracle, vous qui êtes si puissant, si beau, si fort et qui n’avez que faire de ce misérable nom, cédez le nous et vous serez mille fois béni.

C’est à ce moment que les requins de chez Oracle lèvent les sourcils. Si ce nom est demandé, il a peut-être une certaine valeur. IBM met son grain de sel : si Oracle cède le nom à la fondation, IBM peut très bien ne plus pouvoir intégrer le code d’OpenOffice dans son Lotus Symphony qui est propriétaire, la Document Foundation soutenant des licences cancérigènes comme la LGPL !

Oracle refuse donc de céder le nom. La mort dans l’âme, la Document Foundation décide d’accepter la mort d’OpenOffice et de faire renaître le projet sous le nom LibreOffice.

Au final, ce changement de nom se révèle bénéfique. Comme le passage de XFree86 à X.org, il marque la transition. L’engouement communautaire est tel qu’en moins d’une année LibreOffice gagne des dizaines de contributeurs, un nombre impressionnant de lignes de code est changé et une première conférence rassemblant la communauté à lieu à Paris en octobre 2011. Conférence au cours de laquelle il est annoncé notamment le désir de porter LibreOffice sur Androïd. Les participants assistent également à une première démonstration de LibreOffice Online, une version web de la suite bureautique.

Apache Open Office, papy fait de la résistance

Mais il serait faux de penser qu’Oracle en resterait là. Tout aurait pu être tellement simple. Mais il ne faut jamais sous-estimer la nuisance qu’une confusion dans l’esprit du public peut apporter.

Peu après l’annonce de la création de LibreOffice, Oracle décide de donner le projet OpenOffice, y compris le nom, à la fondation Apache. À charge pour elle de continuer le développement de ce projet.

À la Document Foundation, tout le monde est un peu surpris. Surtout que la licence Apache choisie permet à LibreOffice de reprendre du code de chez Apache OpenOffice mais le contraire n’est lui pas possible. En juillet 2011, IBM annonce sa volonté de contribuer au projet Apache OpenOffice et, début 2012, annonce même arrêter complètement IBM Lotus Symphony pour se concentrer uniquement sur Apache OpenOffice.

OpenOffice ou LibreOffice, lequel choisir ?

Pour beaucoup, Apache OpenOffice n’est donc qu’un homme de paille, un projet IBM, qui sert les intérêts d’IBM et non ceux de la communauté. Après quelques mois, il faut se rendre à l’évidence: le projet Apache OpenOffice dispose de dix fois moins de contributeurs. Comparer le nombre de modifications du code entre les deux projets est également sans appel : LibreOffice est un projet libre, communautaire et OpenOffice est une anecdote poussée à contre-cœur.

La majorité des distributions Linux sont d’ailleurs passées à LibreOffice. Des grands projets se mettent en place: la région Île-de-France travaille à offrir un LibreOffice intégré avec sa solution Cloud à tous ses étudiants. Un écosystème de sociétés a rejoint la Document Foundation afin d’offrir du support professionnel sur LibreOffice, depuis les grands pontes comme Suse, partie de Novell, au petites structures comme Lanedo, employeur de votre serviteur.

Si l’offre est là, la demande est elle en pleine confusion. Des clients de Sun, payant pour le support d’OpenOffice, se sont retrouvés sans maintenance du jour au lendemain. Le changement de nom fait craindre une migration lente et coûteuse, beaucoup ne comprenant pas qu’il s’agit essentiellement du même logiciel.

Si l’avenir de LibreOffice semble radieux, beaucoup ne le saisissent pas encore. Mais, maintenant, si jamais on vous pose la question de savoir la différence entre OpenOffice et LibreOffice, vous pourrez répondre : « Assieds-toi, je vais te raconter une histoire… ».