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Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Microsoft Office 2013 supportera le format ODF (et PDF) : Victoire du Libre ?

Grande et bonne nouvelle, d’après Microsoft la prochaine version 2013 de la célèbre suite bureautique Office intégrera le format ouvert OpenDocument (ou ODF) dans sa version 1.2. Elle sera également capable d’ouvrir, enregistrer et même éditer du format PDF (voir le tableau comparatif issu de Microsoft en fin d’article).

Cela fait des années que les partisans d’une réelle interopérabilité le demandent. Et cela fait des années aussi que le format PDF est présent sur la suite bureautique libre OpenOffice.org / LibreOffice.

Du coup le journaliste Simon Phipps y voit clairement une victoire de l’open source. Et vous ?

Camknows - CC by-nc-sa

Comment Microsoft été forcé d’ouvrir Office

How Microsoft was forced to open Office

Simon Phipps – 17 août 2012 – InfoWorld.com
(Traduction : Damz, ehsavoie, Patchidem, Calexo, Nek, Fe-lor, Grummfy, Sylvain, Gatitac, Skhaen, ProgVal, Bohio, joe, HgO, Cypher, Jimmy)

Dans Office 2013, la prochaine version de sa célèbre suite bureautique, Microsoft a été contraint de prendre en charge totalement le véritable format ODF, au même titre que le format PDF. Voici comment l’open source a gagné.

Plus tôt cette semaine dans un article de blog, le responsable des standards Office, Jim Thatcher, a décrit les changements à venir dans Office :

Dans la prochaine version d’Office, nous avons ajouté l’utilisation de deux formats supplémentaires : Strict Open XML et Open Document Format (ODF) 1.2. Nous avons aussi intégré la possibilité d’ouvrir des documents PDF afin de pouvoir les modifier dans Word et de les enregistrer dans n’importe quel format. En ajoutant la prise en charge de ces formats de document standardisés, Microsoft Office 2013 offre à ses utilisateurs de nouvelles possibilités quant à l’intéropérabilité des documents bureautiques.

Dans ces quelques mots arides, nous pouvons trouver les échos d’une leçon d’histoire qui nous démontre le pouvoir de l’open source pour garantir la concurrence et favoriser l’innovation, tous deux précieuses sur les marchés du logiciel. Les formats de fichiers ne sont manifestement pas le sujet le plus excitant, mais cette annonce apporte une lumière sur deux faits importants à propos de l’open source : dans un premier temps, le logiciel open source peut être celui qui impose son rythme à la concurrence. Puis, dans un second temps, l’innovation open source fournit les bases solides sur lesquelles d’autres peuvent s’appuyer.

Le triomphe de l’ODF

Au tout début de la dernière décennie, Microsoft Office a quasiment chassé toute concurrence des logiciels bureautiques. Dans ce quasi-monopole, Sun Microsystems a lancé un projet open source en 2000, basé sur la suite bureautique de niche « StarOffice ». Connue sous le nom d’OpenOffice.org, la suite a progressivement pris de l’ampleur pour devenir l’alternative open source à Microsoft (NdT : Cf cet article du Framablog De StarOffice à LibreOffice 28 années d’histoire).

Alors que certaines personnes ont été promptes à accuser OpenOffice.org d’être un dérivé d’Office, elle égale la première version de Word de Microsoft (en 1983 pour Xenix) puisqu’elle a été créée en 1984, visant les ordinateurs personnels populaires de cette époque : le Commodore 64 et l’Amstrad CPC sous CP/M. Elle a ensuite évolué en une suite bureautique pour DOS, OS/2 Warp d’IBM et Microsoft Windows. Quand Sun Microsystems a acquis OpenOffice.org en 1999, il s’agissait d’une application complète et multifonction disponible sur toutes les plates-formes populaires de l’époque.

À leur arrivée chez Sun, les développeurs de StarOffice/OpenOffice.org ont accéléré le projet de créer un format moderne, basé sur XML, pour leur suite. En utilisant un format basé sur XML, il était plus facile de promouvoir l’interopérabilité avec d’autres outils bureautique, ainsi que de maintenir la compatibilité d’une version à l’autre.

Ce problème de l’omniprésence du format .doc ou .xls était le fléau de tous les utilisateurs d’outils bureautique, aussi Sun a pris l’initiative d’aller voir l’OASIS et a proposé une solution : un format de fichier standardisé pour le travail bureautique. J’ai été impliqué dans cette activité et je sais de source sûre que Sun a approché d’autres membres de l’OASIS pour qu’ils contribuent au projet. Toutefois, Microsoft a refusé, en qualifiant cette proposition de « superflue », préférant garder son juteux marché captif d’utilisateurs conditionnés à ses propres formats propriétaires.

OASIS a accepté la proposition et le résultat fut le standard OpenDocument, l’ODF. Malgré un départ difficile, l’adoption de l’ODF a fait boule de neige ; aujourd’hui, le format est un standard ISO et est approuvé/homologué à travers le monde. La pression sur Microsoft est devenue suffisamment forte pour que l’entreprise manipule le monde des standards internationaux afin de créer un format de fichiers XML standard concurrent basé de très près sur les formats utilisés dans Microsoft Office. Il a finalement été accepté par l’ISO en 2008.

Il aura fallu presque 7 ans, mais Microsoft a cédé. En avril, la société a annoncé qu’elle implémenterait complètement dans Office 15 à la fois le standard basé sur Office qu’elle a fait passer en force à l’ISO (standard ISO/IEC 29500, communément appelé OOXML) et les standards poussés par la communauté qu’elle émulait (standard ISO IEC 26300, communément appelé ODF).

L’open source a changé le marché, forçant Microsoft à réagir et à mettre en place la compatibilité de version à version et le concept d’interopérabilité. Sans l’open source, rien de cela ne serait arrivé. Avec l’open source, même si vous n’utilisez pas vraiment le format ODF vous-même, vous bénéficiez d’un marché compétitif et revigoré.

PDF a « presque » son dû

Le second point que souligne le blog de Microsoft est le pouvoir de l’innovation ouverte. La communauté OpenOffice.org a majoritairement migré en 2010 – avec le code – vers un nouveau projet open source nommé LibreOffice. Les projets OpenOffice.org et LibreOffice ont longtemps pris en charge la création de fichiers de type Portable Document Format (PDF). Microsoft Office a fini par copier cette fonctionnalité, d’abord comme une extension à Office 2007, puis comme une fonctionnalité intégrée par défaut. Cependant, LibreOffice inclut aussi la possibilité intéressante de pouvoir créer des fichiers Hybrid PDF qui peuvent ensuite être ré-ouverts et réédités avec LibreOffice. Si vous souhaiteriez essayer vous-même d’éditer des Hybrid PDF, cette vidéo vous expliquera comment faire.

Il semblerait que cette fonctionnalité soit sur le point d’arriver également dans Office :

Avec cette version, Microsoft introduit l’option, que nous appelons « PDF Reflow », qui permet d’ouvrir des fichiers PDF en tant que documents de bureautique éditables. Comme Tristan Davis, responsable du développement de Word, l’expliquait : « avec cette fonctionnalité, vous pouvez retransformer vos PDF en documents Word entièrement éditables, rendant alors modifiables les titres, les listes à puces ou numérotées, les tableaux, les notes de bas de page, etc. en analysant les contenus des fichiers PDF ».

À l’heure actuelle, le seul problème éventuel est de voir Microsoft limiter l’interopérabilité et la compatibilité de la prise en charge de l’ODF et de sa version de PDF hybrides. Pour des raisons inexpliquées, la société ne va pas proposer la possibilité d’enregistrer les fichiers comme un fichier ODF rétro-compatible (la version prise en charge actuellement dans Office 2012, le format ODF 1.1), donc il sera plus difficile dans un environnement mixte d’utiliser l’ODF. De la même façon, j’ai été conforté dans l’idée que, malgré la prise en charge de l’ouverture de fichiers PDF pour édition, Microsoft ne prend pas en charge l’ouverture des fichiers hybrides PDF de LibreOffice. Peut-être que la menace concurrentielle des logiciels open source est encore trop grande ?

À l’instar de la gestion initiale de l’enregistrement au format PDF, l’ajout de l’édition de documents PDF est un signe de bienvenue à ce qui a été essayé et testé en tant qu’open source. Telle est la dynamique de l’innovation. Les idées créent des idées, et l’innovation est le résultat de l’innovation.

Ici, la différence est que les communautés open source diffusent librement leurs idées à tout le monde, il n’y aura donc pas de menaces juridiques, pas de procès pour violation de brevets, et pas de licence d’utilisation coercitive (et confidentielle). C’est la façon dont les choses doivent se passer si nous voulons voir l’innovation continuer à germer grâce à un marché sain et compétitif.

Formats supportés - Microsoft Office 2013

Crédit photo : Camknows (Creative Commons By-Nc-Sa)




Madame, Monsieur le Député, pourquoi il est important de faire le choix du Libre

Signal fort et beau symbole, en 2007 il avait été décidé de passer les postes des députés sous GNU/Linux Ubuntu et OpenOffice.org (cf ces témoignages). Arrive aujourd’hui le temps du renouvellement et les députés, fraîchement élu(e)s ou réélu(e)s, ont le choix du choix, avec Windows ou Ubuntu et Microsoft Office ou LibreOffice.

François Revol est un acteur bien connu de la communauté francophone du logiciel libre. Il fait ici acte de citoyenneté en prenant le temps d’adresser une lettre détaillée et personnalisée à son député sur ce sujet à ses yeux bien plus important qu’il n’y paraît. Nous vous invitons à vous en inspirer pour en faire de même, si vous partagez ses arguments et sa préoccupation.

Nous ne souhaitons pas qu’une assemblée nationale plus rose devienne moins libre.

Takato Marui - CC by-sa

Objet : Système d’exploitation de votre ordinateur

Madame, Monsieur le Député,

Si ce n’est déjà fait, et que personne n’a choisi à votre place, vous allez devoir prendre une décision très importante, que vous pourrez considérer comme anodine mais qui pourtant est cruciale.

Pour cette législature, conformément à la demande de la questure, vous avez le choix du système d’exploitation (SE) qui sera utilisé sur votre ordinateur. La législature précédente avait permis un énorme progrès par l’installation de GNU/Linux[1] sur toutes les machines des députés auparavant sous Windows, mettant ainsi à leur disposition un système plus éthique, plus économique, plus flexible, et participant à restaurer une certaine indépendance européenne dans le secteur du logiciel. Il semble au contraire pour cette législature, pour certaines raisons obscures et surtout exprimées bien tardivement, qu’il ait été décidé de vous laisser le choix. L’histoire dira, et surtout votre choix, si c’est un recul ou un progrès, et si vous avez usé sagement de ce qui pour beaucoup d’entre nous est encore un luxe, puisque précieux mais trop peu répandu.

En effet, malgré l’interdiction par la loi de la vente liée[2], le choix du système d’exploitation lors de l’achat d’un ordinateur par un particulier relève encore du plus rare des luxes, réservé aux seules entreprises. Si l’on en croit les revendeurs et fabricants, le particulier est simplement trop stupide pour faire un choix éclairé. L’excuse d’une complexité accrue de production est également caduque, les offres existantes pour les entreprises montrant la viabilité de proposition du choix. En fait il s’agit surtout de préserver des monopoles établis, ceux d’une entreprise américaine bien connue pour avoir été sanctionnée par la Commission européenne pour cette même raison.

Pourtant le choix du système d’exploitation est important à plusieurs titres, même en laissant l’éthique de côté, ayant même des conséquences sur la relocalisation d’emplois.

Ainsi par exemple le choix d’un SE libre permet, en plus de répondre aux questions d’indépendance, d’interopérabilité, et d’adaptabilité, de générer une activité de développement logiciel locale nécessaire à une adaptation au plus près des besoins, adaptation impossible avec du logiciel propriétaire qui dépend entièrement du bon vouloir de l’éditeur. En effet, le logiciel libre, par essence, est distribué avec son code source et la liberté de modification, permettant ainsi la création et la mise en concurrence d’expertises non subordonnées à l’éditeur original. La mutualisation des coûts de production des logiciels libres participe aussi de la création de biens communs. Comme nombre de sujets connexes liés au numérique, le logiciel libre transcende donc le bipartisme.

Certains d’entre vous ont d’ailleurs signé le Pacte Logiciel Libre lors de la campagne, d’autres lors de précédentes législatures ont voté pour ou contre certains projets de loi dommageables au logiciel libre, comme DADVSI ou HADOPI, créant ainsi du tracas y compris à des universitaires français, comme les auteurs du logiciel de lecture vidéo VLC, obligés de demander à la HADOPI comment contourner les DRM[3] du BluRay. La HADOPI n’a d’ailleurs pas été d’une grande utilité pour résoudre la violation de la licence de FFmpeg/LibAV, logiciel libre auquel j’ai modestement contribué, commise par un sous-traitant d’Orange4 pendant plus d’un an. Il s’agit pourtant ici également de protection des auteurs. Il est intéressant de plus de noter qu’Orange comptait parmi les fiers sponsors officiels de l’inutile sommet « eG8 » où la question de la protection des auteurs a été abordée. La Commission européenne n’étant d’ailleurs pas en reste, tant par sa tentative de faire adopter le traité ACTA[4] que la directive sur le brevet unitaire qui bien qu’utile sur le principe laisse entrer le logiciel dans le champ de la brevetabilité, ce qui ne saurait être plus grotesque puisque le logiciel est une expression de la pensée humaine et donc naturellement sous le régime du droit d’auteur.

Tous ces problèmes ont en commun le manque de considération des « acteurs », entreprises – pourtant grandes utilisatrices de logiciel libre – comme législateur. Ceci vient autant de la perception erronée de l’informatique comme un sujet purement technique et économique, que des effets de la vente liée, effets devenant rétroactivement causes de renforcement des monopoles. Le grand public est en effet gardé dans l’ignorance, croyant que le choix qui est fait pour lui est dans son intérêt, que « ça marche comme ça », et que « Linux ça marche pas », ce qui dans la plupart des cas est dû au manque de support matériel, lui-même résultant de l’indisponibilité des spécifications techniques du matériel, puisque bien sûr les fabricants préfèrent distribuer plutôt des pilotes pour Windows que les spécifications, qui sont pourtant le « manuel utilisateur » du matériel par le logiciel et devraient être publiques, ceci étant justement la conséquence du monopole déjà évoqué.

L’ironie de la situation étant que même Microsoft a été victime de cet état de fait, puisque lors de la sortie de Windows Vista, certains périphériques fournis uniquement avec des pilotes pour les versions précédentes de Windows n’étaient plus utilisables, mettant ainsi en colère les utilisateurs devant néanmoins acheter Windows Vista avec leur nouvelle machine, sans toutefois pouvoir utiliser certains périphériques pourtant neufs mais dont le fabricant refusait de fournir un pilote mis à jour.

Quand aux très rares matériels « certifiés Linux » disponibles, ils sont généralement seulement sommairement testés une fois pour toute certification, et de plus vraiment un « luxe » au vu des prix pratiqués.

Malgré des campagnes d’information au public de la part d’associations de promotion du logiciel libre comme l’April ou l’AFUL, ainsi que plusieurs procès gagnés par des particuliers, l’inaction de la DGCCRF est manifeste, et le status quo demeure depuis maintenant plus d’une décennie.

En effet, le problème de la vente liée, loin d’être récent, est par exemple une des causes majeures de la fermeture en 2001 de Be, Inc., éditeur du système d’exploitation BeOS, que j’ai utilisé pendant 10 ans. Déjà à l’époque Microsoft s’imposait sur les ordinateurs PC par le verrouillage du processus de démarrage, et en interdisant aux revendeurs par des contrats secrets d’installer un autre SE, la seule tentative de Be, Inc. de fournir des ordinateurs pré-installés avec son système ayant été torpillée, Hitachi se contentant alors de laisser BeOS sur le disque dur mais sans le rendre disponible au démarrage, ni même documenté et donc de facto inaccessible.

Plus tard, un éditeur de logiciel allemand ayant tenté de reprendre le développement de ce même système a également dû fermer, toujours par manque de ventes et à cause du monopole de fait de Microsoft sur le marché, me causant au passage un licenciement économique.

C’est d’ailleurs l’échec commercial de BeOS qui a conduit à la création du système d’exploitation libre Haiku auquel je contribue actuellement, dans l’idée de perpétuer son originalité, comme on tenterait de préserver une espèce nécessaire à la technodiversité. Pourtant, même si c’est un projet plus ludique que commercial à l’heure actuelle, la vente liée nous pose problème tout comme aux auteurs de Linux. En effet, la non disponibilité des spécifications matérielles chez certains fabricants et de nombreux constructeurs rend impossible l’écriture des pilotes de périphériques pourtant nécessaire à leur utilisation.

Cet état de fait est d’ailleurs une régression. En effet à une certaine époque la plupart des machines électroniques (téléviseurs, électrophones, mais aussi ordinateurs) étaient livrées avec les schémas complets. J’ai ainsi par exemple, dans le manuel utilisateur de mon premier ordinateur (un ORIC Atmos), la description de son fonctionnement interne et toute la documentation permettant d’interfacer du matériel, et l’importateur avait même publié les plans. L’obsolescence programmée a pris le pas depuis lors.

Ce luxe donc, auquel vous avez droit, m’a été refusé à l’achat de mon dernier ordinateur portable. Non seulement le fabricant refuse de rembourser la licence de Windows 7 que je n’ai jamais demandée, mais il ne m’a toujours pas communiqué les spécifications nécessaires à l’adaptation du système que je désire utiliser et auquel je contribue. J’en suis donc réduit lorsque je tente de l’utiliser actuellement à une résolution graphique inférieure à ce que l’écran permet et sans aucune accélération matérielle, pas de connexion réseau, et l’impossibilité de produire du son, sans parler des fonctions moins essentielles, que pourtant j’ai payées. Pourtant, ainsi que je l’ai dit, ces spécifications constituent le « manuel utilisateur » du matériel par le logiciel, et forment donc en ce qui me concerne, des «caractéristiques essentielles »[5]. D’ailleurs, cette même machine avec GNU/Linux que j’utilise également cause régulièrement des problèmes pour la même raison, à savoir la non disponibilité des spécifications qui empêche la correction d’un bogue du pilote vidéo pourtant documenté depuis plus d’un an.

La vente liée cause du tort également à des éditeurs français, comme Mandriva, qui publiait une distribution de GNU/Linux depuis 1998, initialement appelée « Mandrake Linux », que j’ai d’ailleurs un temps utilisée, mais n’a pas réussi à s’imposer et a donc disparu récemment. On ne peu que déplorer le résultat de cette concurrence pas vraiment libre et certainement faussée.

Et pourtant le logiciel libre permet de développer de nombreux [modèles économiques différents|http://www.april.org/livre-blanc-des-modele-economiques-du-logiciel-libre], ouvrant des perspectives d’emploi pour des PME innovantes, si la loi ne le défavorise pas.

Par ces temps de crise, il ne serait d’ailleurs pas inutile de s’intéresser aux optimisations fiscales, pour ne pas parler d’évasion, que certaines entreprises multinationales pratiquent, Microsoft en premier mais également Apple. L’absence de détail des prix lors de la vente liée pose d’ailleurs des questions légitimes quand à la répartition de la TVA.

La pratique par Microsoft du verrouillage du processus de démarrage, que j’évoquais plus haut à propos des PC, est d’ailleurs toujours d’actualité puisque bien évidemment les prochaines tablettes « compatibles Windows 8 » devront implémenter obligatoirement le mécanisme dit « SecureBoot », qui au prétexte de limiter les virus rendra totalement impossible l’installation d’un système libre. Et donc alors même que le combat contre la vente liée s’éternise sur les PC, il est presque déjà perdu sur les machines qui les remplaceront bientôt, alors même que ce sont toujours des ordinateurs malgré tout, dont l’utilisateur devrait garder le contrôle, contrôle qui s’exprime en premier sur le choix des logiciels qu’il voudra pouvoir utiliser ou non.

Le choix d’installer Windows s’apparente ainsi plus au non-choix, à un blanc-seing laissé à Microsoft quand au contrôle de votre machine, avec la sécurité qu’on lui connaît. C’est aussi un choix de facilité, au vu de la situation actuelle, mais également la caution d’une situation inacceptable.

Le choix d’installer GNU/Linux, sur une machine de bureau, est avant tout moral et éthique avant d’être pragmatique, alors que sur un serveur il s’impose plus logiquement. C’est pourtant tout autant un choix de sécurité, puisque le code source ouvert garantit le contrôle que l’on a sur le système, comme l’absence de porte dérobée. C’est aussi un choix courageux et téméraire, par l’entrée dans ce qui reste encore une minorité technologiquement discriminée. Mais ce serait aussi un signal fort envers les développeurs qui créent ces logiciels, les utilisateurs confortés dans leur choix difficile, et enfin les fabricants de matériels qui pour certains encore n’ont pas compris qu’il était de leur devoir et de leur intérêt de considérer tous les utilisateurs.

Ne vous y trompez pas, la majorité des problèmes qui pourraient survenir lors de l’utilisation de GNU/Linux ne sont pas de son fait ou des développeurs qui l’ont écrit, mais bien de Microsoft, Apple, et d’autres éditeurs, qui par leur politique de fermeture compliquent inutilement l’interopérabilité entre leur système et les autres, à dessein bien sûr, puisque leur but est le monopole. D’ailleurs il est à prévoir des incompatibilités entre GNU/Linux et l’infrastructure choisie par la questure pour la gestion des courriels, à savoir Microsoft Exchange, bien connu pour ne respecter aucun standard hormis le sien, c’est à dire donc aucun, puisque les formats et protocoles d’Exchange ne sont en rien normalisés ni donc standard (de jure). Alors même que les logiciels de courriel de GNU/Linux respectent de nombreux standards et normes. Pour résumer, dire que GNU/Linux pose problème serait simplement inverser la situation causée par ces monopoles.

Une métaphore que j’utilise depuis des années sans succès, mais pourtant découverte aussi récemment par un juge, s’énonce ainsi :

« La vente liée d’un système d’exploitation avec un ordinateur revient à l’obligation d’embauche d’un chauffeur à l’achat d’une voiture. »

Ceci vous semble absurde ? À moi aussi. C’est pourtant la pratique actuelle.

En tant qu’ingénieur, auteur de logiciels libres, citoyen et électeur, ce sujet me tient à cœur, et il me semble nécessaire qu’au moins la législation actuelle soit appliquée, à défaut d’évoluer. J’espère vous avoir éclairé sur ce choix important qui vous incombe, non dénué de symbole, et qui je le rappelle est un luxe pour le particulier même informé. Je reste à votre disposition pour toute discussion.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur le Député, l’expression de ma considération la plus distinguée.

François Revol

Crédit photo : Takato Marui (Creative Commons By-Sa)

Notes

[1] Le système libre GNU fonctionnant sur le noyau Linux, lui aussi libre.

[2] Article L.122-1 du code de la consommation

[3] Digital Rights Management, en français MTP pour « Méthodes Techniques de Protection »

[4] Anti-Counterfeiting Trade Agreement, ou Accord commercial anti-contrefaçon (ACAC)

[5] Au titre de l’article L-111-1 I. du code de la consommation.




De StarOffice à LibreOffice 28 années d’histoire

LibreOffice OpenOffice.org

Qu’on les aime ou qu’on les déteste, les suites bureautiques se sont imposées ces derniers lustres comme indispensables dans le paysage logiciel. La suite numéro un, Microsoft Office, est devenue une référence et un incontournable. En langage courant, on ne parle plus de présentations ou de transparents, on dit tout simplement « un PowerPoint ».

Microsoft Office n’étant pas disponible sur les systèmes libres comme Linux, il est évident qu’une alternative viable se devait d’exister. Vous la connaissez certainement, il s’agit d’OpenOffice. Et, depuis quelques mois, on entend parler de LibreOffice. Mais n’est-ce pas juste un changement de nom ? Tout cela est un peu confus.

J’avais déjà tenté de faire une courte clarification. Essayons de voir en détail ce qu’il en est.

Les débuts de StarDivision

Nous sommes en 1984. Un très jeune programmeur allemand fonde la société StarDivision afin de vendre son logiciel de traitement de texte StarWriter. Celui-ci est destiné principalement aux ordinateurs Zilog Z80 et Amstrad CPC. Nous sommes dans les tous débuts de l’informatique à destination du grand public. Ni Microsoft Office ni même Windows n’existent encore.

Après quelque temps, StarDivision adapte son logiciel aux systèmes DOS, OS/2. D’autres composants se rajoutent à StarWriter : StarBase, un logiciel de base de données, StarDraw, un logiciel de dessin vectoriel. Le tout est empaqueté sous le nom global de StarOffice, en faisant une des premières suites bureautiques.

Avec le support de Windows 3.1, StarOffice gagne un nouveau composant, StarCalc, un tableur.

StarOffice dans le giron de Sun

Faisons un bond en avant et propulsons nous en 1999. À cette époque, Microsoft règne sans partage sur les ordinateurs individuels grâce à Windows 95 et Windows 98, sans oublier Windows NT dans les entreprises. Dans ces dernières, Microsoft Office 97 s’est imposé comme la suite office indispensable. Son plus gros concurrent est… Microsoft Works ! Eh oui, Microsoft se paie le luxe d’être son propre concurrent et d’avoir deux suites bureautiques qui sont difficilement interopérables (utilisant des formats propriétaires différents).

Sun travaille sur son système d’exploitation Solaris et espère en faire un concurrent à Windows. Le problème est que Solaris ne dispose pas d’une suite bureautique et que chacun des 42.000 employés de Sun doit garder deux ordinateurs : un sous Solaris et un sous Windows pour faire tourner Microsoft Office.

Stratégiquement, avoir une suite bureautique sous Solaris est indispensable. Sun se met en chasse et rachète StarDivision pour 73.5 millions de dollars. Rien que le prix économisé dans les licences Microsoft (42.000 licences Windows + 42.000 licences Office) permettrait de rentabiliser l’achat en quelques années.

Sun travaille donc à partir de la suite StarOffice et la porte sous Solaris.

Naissance d’OpenOffice

À peine un an plus tard, en 2000, Sun se rend compte que le seul ennemi capable d’affaiblir la toute-puissance de Microsoft, alors à son apogée, est le monde Open Source. Et selon l’adage « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis », Sun décide de doter la communauté OpenSource d’un concurrent à Microsoft Office.

Une version Open Source de StarOffice est donc libérée sous le nom OpenOffice, qui deviendra OpenOffice.org, le nom OpenOffice étant déjà déposé dans certains pays.

Derrière ce mouvement se cache bien entendu une stratégie marketing. Sun espère qu’OpenOffice gagnera le cœur des étudiants, des particuliers, des hackers mais que les entreprises souhaitant un support professionnel se tournent vers StarOffice. Certaines fonctionnalités de StarOffice ne sont d’ailleurs pas présente dans OpenOffice.

Cela a pour conséquence que toute personne souhaitant contribuer au code d’OpenOffice doit céder ses droits à Sun, afin que celui-ci puisse le réutiliser dans StarOffice.

Sun OpenOffice, l’incontournable

De 2001 à 2010, OpenOffice va devenir incontournable chez les libristes et les utilisateurs de système Linux. Sa gratuité est également un atout indéniable dans les entreprises et les services publics. Certains évangélistes du libre y voient un cheval de Troie pour introduire le libre un peu partout et en font une promotion éhontée.

Cependant, tout n’est pas rose. Le développement n’est pas très rapide. Les contributions ne sont pas toujours acceptées par Sun. Le logiciel, vieillissant, acquiert une réputation de lenteur et de non-ergonomie.

Microsoft Office, de son côté, fait des progrès fulgurants avec les éditions 2003 et 2007. Malgré un succès d’estime, OpenOffice peine à sortir du cadre des geeks barbus.

Lotus Symphony, IBM rentre dans la danse

IBM, géant de l’informatique, est célèbre pour n’avoir jamais compris l’importance du logiciel et de la micro-informatique. Inventeur du PC, ils n’ont pas perçu le marché pour ce type de machine et ont laissé Microsoft fournir le système d’exploitation DOS. Se rendant compte de leur erreur, ils tenteront d’imposer OS/2 sans jamais y parvenir.

La même histoire se répète avec les suites bureautiques. Se rendant compte de l’importance de ce type de logiciel, IBM produira Lotus Symphony, une suite bureautique pour DOS. Cette suite sera complètement abandonnée en 1992.

Ce n’est qu’en 2007, à la mode des carabiniers d’Offenbach, qu’IBM décidera de relancer dans une suite de productivité qui comportera son client mail Lotus Notes, très populaire en entreprise et détenteur du titre de logiciel le plus haï par ses utilisateurs. IBM va donc reprendre OpenOffice et en modifier l’interface afin de créer IBM Lotus Symphony.

IBM Lotus Symphony est synchronisé avec OpenOffice mais aucun code n’est contribué au projet. En ce sens, IBM est vu comme un mauvais joueur par la communauté.

Oracle Open Office, la fin d’une époque

Sun ne va pas très bien. Solaris n’a jamais réellement percé. Le matériel Sun, d’excellente facture mais extrêmement cher, voit une concurrence rude tirer les prix vers le bas. Beaucoup d’investissements ont été faits comme le rachat de MySQL. Des questions se posent. C’est alors qu’arrive Oracle.

Oracle est un géant de l’informatique qui a fait sa fortune sur la gestion des bases de données. Ils aimeraient avoir un peu plus d’expertises dans le matériel (afin de vendre des serveurs liés à leurs bases de données) et contrôler un dangereux concurrent OpenSource qui est de plus en plus populaire : MySQL, justement racheté par Sun.

En 2009, Oracle rachète donc Sun pour 7,4 milliards de dollars. Seulement, Oracle n’a que faire de StarOffice ou d’OpenOffice. C’est le cadeau bonus venu avec l’achat et ça les ennuie plus qu’autre chose. De plus, contrairement à Sun, Oracle a montré de nombreuses fois qu’il se poste en ennemi acharné du logiciel libre.

En 2010, inquiets, les membres de la communauté OpenOffice créent donc la Document Foundation, une fondation sans but lucratif dont le but est de promouvoir et de continuer le développement d’OpenOffice, sans dépendre d’Oracle.

LibreOffice, la première suite communautaire

Il ne reste qu’un petit détail à régler : le nom, OpenOffice, appartient toujours à Oracle. La fondation fait une demande officielle à Oracle, Ô Oracle, vous qui êtes si puissant, si beau, si fort et qui n’avez que faire de ce misérable nom, cédez le nous et vous serez mille fois béni.

C’est à ce moment que les requins de chez Oracle lèvent les sourcils. Si ce nom est demandé, il a peut-être une certaine valeur. IBM met son grain de sel : si Oracle cède le nom à la fondation, IBM peut très bien ne plus pouvoir intégrer le code d’OpenOffice dans son Lotus Symphony qui est propriétaire, la Document Foundation soutenant des licences cancérigènes comme la LGPL !

Oracle refuse donc de céder le nom. La mort dans l’âme, la Document Foundation décide d’accepter la mort d’OpenOffice et de faire renaître le projet sous le nom LibreOffice.

Au final, ce changement de nom se révèle bénéfique. Comme le passage de XFree86 à X.org, il marque la transition. L’engouement communautaire est tel qu’en moins d’une année LibreOffice gagne des dizaines de contributeurs, un nombre impressionnant de lignes de code est changé et une première conférence rassemblant la communauté à lieu à Paris en octobre 2011. Conférence au cours de laquelle il est annoncé notamment le désir de porter LibreOffice sur Androïd. Les participants assistent également à une première démonstration de LibreOffice Online, une version web de la suite bureautique.

Apache Open Office, papy fait de la résistance

Mais il serait faux de penser qu’Oracle en resterait là. Tout aurait pu être tellement simple. Mais il ne faut jamais sous-estimer la nuisance qu’une confusion dans l’esprit du public peut apporter.

Peu après l’annonce de la création de LibreOffice, Oracle décide de donner le projet OpenOffice, y compris le nom, à la fondation Apache. À charge pour elle de continuer le développement de ce projet.

À la Document Foundation, tout le monde est un peu surpris. Surtout que la licence Apache choisie permet à LibreOffice de reprendre du code de chez Apache OpenOffice mais le contraire n’est lui pas possible. En juillet 2011, IBM annonce sa volonté de contribuer au projet Apache OpenOffice et, début 2012, annonce même arrêter complètement IBM Lotus Symphony pour se concentrer uniquement sur Apache OpenOffice.

OpenOffice ou LibreOffice, lequel choisir ?

Pour beaucoup, Apache OpenOffice n’est donc qu’un homme de paille, un projet IBM, qui sert les intérêts d’IBM et non ceux de la communauté. Après quelques mois, il faut se rendre à l’évidence: le projet Apache OpenOffice dispose de dix fois moins de contributeurs. Comparer le nombre de modifications du code entre les deux projets est également sans appel : LibreOffice est un projet libre, communautaire et OpenOffice est une anecdote poussée à contre-cœur.

La majorité des distributions Linux sont d’ailleurs passées à LibreOffice. Des grands projets se mettent en place: la région Île-de-France travaille à offrir un LibreOffice intégré avec sa solution Cloud à tous ses étudiants. Un écosystème de sociétés a rejoint la Document Foundation afin d’offrir du support professionnel sur LibreOffice, depuis les grands pontes comme Suse, partie de Novell, au petites structures comme Lanedo, employeur de votre serviteur.

Si l’offre est là, la demande est elle en pleine confusion. Des clients de Sun, payant pour le support d’OpenOffice, se sont retrouvés sans maintenance du jour au lendemain. Le changement de nom fait craindre une migration lente et coûteuse, beaucoup ne comprenant pas qu’il s’agit essentiellement du même logiciel.

Si l’avenir de LibreOffice semble radieux, beaucoup ne le saisissent pas encore. Mais, maintenant, si jamais on vous pose la question de savoir la différence entre OpenOffice et LibreOffice, vous pourrez répondre : « Assieds-toi, je vais te raconter une histoire… ».




Le produit « Don » vaut vingt mille euros sur la boutique EnVenteLibre !

Don à Framasoft - EnVenteLibreInitiée par Framasoft en partenariat avec Ubuntu-fr, la boutique en ligne EnVenteLibre vole désormais de ses propres ailes et poursuit tranquillement son bonhomme de chemin (en accueillant depuis peu des articles de l’April et de La Mouette).

Entre les CD, clés, tee-shirts, peluches, livres et autres affiches, il existe un produit un peu particulier qui s’appelle « Don à Framasoft » ou « Don à Ubuntu-fr ».

Concrètement lorsque le visiteur fait ses achats dans la boutique, il peut, comme n’importe quel autre article, ajouter dans son panier le produit « Don », en fixant le montant de la donation qui par défaut est à un euro.

Rien n’oblige le client à acheter ce drôle de produit fantoche. Il se trouve pourtant que depuis l’ouverture de la boutique un client sur quatre en fait l’acquisition pour un don moyen d’un peu moins de dix euros. Et c’est ainsi que près de vingt mille euros ont déjà été distribués aux associations Framasoft et Ubuntu-fr.

Nous tenions à pointer ici l’originalité du procédé et à témoigner de la générosité de ces étranges clients qui, contrairement à toute bonne logique marchande, acceptent ici de payer plus pour le même service 🙂




Unhosted : libre et salutaire tentative de séparer applications et données sur le Web

Michiel de JongIl est désormais possible de se passer de la suite bureautique Microsoft Office et du système d’exploitation Windows en utilisant de fiables alternatives libres (GNU/Linux et Libreoffice pour ne pas les nommer).

Mais quid du réseau social Facebook et des services Google par exemple ? Est-il possible de proposer des alternatives libres à ces applications dans les nuages du web qui demandent une énorme bande passante et nécessitent des batteries de serveurs, avec tous les coûts faramineux qui vont avec (et que ne pourra jamais se permettre le moindre projet libre qui commence avec cinq gus dans un garage) ?

L’enjeu est de taille car c’est de nos données qu’il s’agit et dont on fait commerce.

Une piste de solution, qui sur le papier semble tout autant lumineuse que triviale, serait de pouvoir séparer l’application web des données que cette application traite. L’application serait quelque part sur un serveur et les données ailleurs sur un autre serveur (chez vous par exemple).

Imaginez un Facebook où toutes les données de ses utilisateurs ne seraient plus sur le site et les serveurs de Facebook ! Facebook serait bien bien plus léger du coup à administrer (moins rentable aussi c’est sûr).

Finis la centralisation et le contrôle sur vos données qui retrouvent du même coup une liberté qu’elles n’auraient jamais dû perdre. Et le web (re)devient un meilleur web.

C’est l’objectif pour le moins ambitieux mais ô combien urgent et utile du projet Unhosted conduit par Michiel de Jong dont nous vous proposons une instructive et enthousiasmante interview ci-dessous.

On notera au passage que le projet collabore avec Libreoffice. À quand un « Google Docs Killer » basé sur unhosted ?

On remarquera également que le projet n’hésite pas à accorder de suite une forte importance au confort de l’utilisateur. Extrait : « Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté. »

Bonne lecture. La problématique exposée ici constitue certainement l’un de nos prochains combats. En fait la bataille a déjà commencé. Elle s’annonce rude mais on déplacé tant de montagnes par le passé qu’il n’y a aucune raison de perdre confiance et de laisser le champ… libre aux seuls monopoles commerciaux à la taille démesurée.

Mais avant cela rien de tel que cette courte vidéo introductive pour se mettre dans le bain et comprendre plus encore de quoi il est question :

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Entretien de Michiel de Jong avec la communauté

Fellowship interview with Michiel de Jong

Chris Woolfrey – 23 avril 2011 – Followship of FSFE
(Traduction Framalang : Pandark, Pyc et Slystone)

Michiel de Jong a travaillé comme programmeur, chercheur et administrateur système à Amsterdam, Oxford, Londres et récemment à Madrid en tant qu’ingénieur en scalabilité (ou adaptabilité) pour le réseau social espagnol Tuenti. L’hiver dernier il a pris deux mois de vacances (de hacker) à Bali pour monter le projet Unhosted. Il vit maintenant à Berlin avec Kenny Bentley et Javier Diaz, où ils prévoient de travailler à plein temps sur le projet si les donations le permettent.

Chris Woolfrey : Pouvez-vous expliquer ce qu’est le projet Unhosted avec vos propres mots ?

Michiel de Jong : Il y a plusieurs manières de le présenter ; mon approche préférée est l’angle du logiciel libre. Le terme de logiciel libre signifiait auparavant que l’on avait un pouvoir de contrôle (utilisation, partage, étude et amélioration) sur le code source et le logiciel exécuté par l’application, c’est la définition utilisée par la FSFE.

À l’époque, c’était suffisant. On considérait comme acquis le contrôle des données traitées par l’application ; c’est évident, elles sont sur votre ordinateur ou votre serveur, sur lequel vous avez un accès complet aux données utilisées par vos applications.

Concernant les logiciels installés, que ce soit sur un ordinateur de bureau ou sur un serveur, cette vision était juste : si vous contrôlez le code source, vous possédez la liberté logicielle. Mais ensuite, lentement, les logiciels installés ont été remplacés chez l’utilisateur par des logiciels hébergés (comme Google Docs, Facebook et Twitter). Ces sites web hébergés ne sont alors plus une source d’information comme les classiques sites web d’avant ; ce sont des applications interactives, et la liberté logicielle n’existe pas dans ce contexte.

Il est absurde que les logiciels hébergés vous fassent céder vos données à l’auteur de l’application en question, mais c’est ainsi que cela se passe. Cela s’est installé progressivement et insidieusement, car les sites web d’information sont devenus peu à peu des sites dynamiques, et ces sites dynamiques ont commencé à accepter les contributions d’utilisateurs et sont peu à peu devenu des applications interactives. Désormais, les logiciels hébergés sont largement utilisés, souvent en lieu et place d’anciennes applications installées localement sur les ordinateurs.

Dans la transition des applications locales aux application hébergées, la liberté logicielle a été oubliée. Personne ne parle plus désormais de logiciels installés localement, on parle de logiciels hébergés, et pourtant certains disent « Mon ordinateur ne contient que des logiciels libres ; seul le microprogramme de la carte graphique est propriétaire », et c’est une erreur car une bonne partie des « logiciels » qu’ils utilisent ne sont pas installés localement sur leur ordinateur mais utilisés au travers d’un navigateur internet.

Le projet Unhosted a pour but d’inventer et promouvoir un moyen de résoudre ces problèmes. La liberté logicielle doit, de nos jours, être non seulement la liberté du code mais aussi celle des données.

CW : Comment Unhosted permet-il ceci ?

MdJ : Nous séparons le code d’une application de ses données.

Quand vous vous connectez à une application web Unhosted, l’URI affichée dans la barre d’adresse indique l’emplacement du code de l’application, mais le nom de domaine suivant l’arobase de votre identifiant indique l’emplacement de vos données ; ce qui libère vos données de l’emprise du serveur de l’application, tout en libérant ledit serveur de la charge de l’hébergement de vos données.

Ceci implique que l’hébergement d’applications libres redevient possible sur le web. Après tout, il existe un évident substitut libre à Microsoft Windows : GNU/Linux, comme il existe un évident substitut libre à Microsoft Office : Libre Office.

Mais quel logiciel libre pour remplacer aussi évidemment Google Docs ? Pourquoi ne pas se connecter à « www.libredocs.org », par exemple, et utiliser là des applications web libres, comme pour un logiciel installé localement ?

La réponse simple est le coût inhérent au fonctionnement d’une application distante, trop élevé pour permettre la fourniture de ces services gratuitement. Pour coder du logiciel libre, il suffit que des développeurs y consacrent du temps et du savoir-faire. Mais il est impossible de proposer des logiciels libres en ligne sans coût financier, parce que cette activité nécessite l’utilisation de serveurs, et qu’il faut rétribuer les hébergeurs.

En séparant le code des données, laissant leur traitement au navigateur, notre solution règle ce problème : il devient très économique d’héberger des applications web libres parce que vous n’avez à héberger que l’application elle-même, son code, pas les données qu’elle doit traiter.

C’est le côté « libérez les applications du poids des données » de notre projet. Puis arrive l’autre coté : le logiciel c’est du code et des données, le logiciel libre c’est du code libre et des données libres.

Avec Unhosted, la liberté des données est assurée par le choix, lors de l’inscription à une application, du domaine devant héberger vos données pour vous. Vous pouvez ouvrir un compte chez un fournisseur de services (ils sont en train d’être mis mettre en place) ou demander à l’administrateur réseau de votre université ou de votre entreprise d’héberger un nœud pour celle-ci ; de cette façon, tout bénéficiaire d’une adresse « @quelquepart » aura la possibilité d’obtenir un compte Unhosted avec le même nom d’utilisateur.

CW : Y a-t-il des bénéfices en termes de vie privée à utiliser Unhosted en comparaison avec une application web qui conserve à la fois le code et les données à distance ?

MdJ : En utilisant une application Unhosted, toutes vos données sont chiffrées par le navigateur avant d’être transmises au serveur hébergeant votre compte Unhosted. De cette façon, les données confiées à votre compte Unhosted peuvent se trouver sur n’importe quel serveur, parce que, bien que vous vous reposiez sur ce serveur pour permettre un accès à vos données, ces données sont stockées et chiffrées, ainsi vous n’avez pas à craindre que l’hébergeur du compte lise vos messages, par exemple. Les données stockées par une application Unhosted sont chiffrées par votre navigateur avant d’être transmises et enregistrées sur votre compte, et elles seront déchiffrées au moment de leur sollicitation par le navigateur, au moment de leur utilisation. Le serveur hébergeant vos données Unhosted est aveugle ; il transmet vos données vers et depuis des sites web Unhosted sans pouvoir lire leur contenu.

Utiliser JavaScript pour la cryptographie n’a habituellement aucun intérêt, parce que si un site web contient des scripts JavaScripts pour chiffrer des données, alors ces mêmes scripts peuvent être utilisés pour espionner ces données chiffrées.

Avec Unhosted il en va autrement car nous séparons le domaine qui fournit l’application de celui qui héberge les données. L’hébergeur du compte Unhosted (celui des données) ne pourra pas accéder aux scripts de cryptographie de l’application, donc l’application Unhosted peut chiffrer des données que le serveur du compte Unhosted ne poura pas déchiffrer.

CW : Quel genre d’applications convient d’après vous le mieux à l’utilisation d’Unhosted ? Quel types d’applications Web vous attendez-vous à voir adopter Unhosted en premier ?

MdJ : Toutes les applications qui n’enregistrent pas un grand nombre de données utilisateur peuvent être facilement adaptées à Unhosted.

Ce sont toutefois les applications comme Google Docs, nécessitant le stockage de beaucoup de données utilisateur importantes, qui bénéficieraient le plus du passage à Unhosted. Celà pourrait aussi bénéficier grandement au parallélisme (informatique). Cependant, pour d’autres services, comme les moteurs de recherche, il faudra trouver de bons algorithmes pour permettre un fonctionnement plus décentralisé. En général, toute application web qui nécessite le stockage d’un grand nombre de données personnelles peut tirer profit d’Unhosted.

CW : Il y a une effervescence actuellement autour de projets libres décentralisé pour proposer des alternatives au réseau social Facebook (Diaspora, Appleseed…) ou au moteur de recherche Google (YaCy, Seeks…). Quel impact et comment pourrait s’adapter votre travail à des projets comme Diaspora, Appleseed et, Seeks ou YaCy ?

MdJ : Unhosted a été d’une certaine façon créé sur la mailing list des développeurs de Diaspora. Nous discutions du basculement de Diaspora de PGP vers SSL, et de la façon dont un chiffrement « de bout en bout » serait plus adapté. Alors j’ai commencé à développer un système de chiffrement de données en Ajax. Il était destinée à intégrer Diaspora. Plus tard, j’ai réalisé qu’il pourrait avoir bien d’autres applications.

Il nous reste encore à écrire une application « sociale » Unhosted qui pourrait fédérer Diaspora et Appleseed. YaCy étant un moteur de recherche, il nécessitera un travail travail d’ingénierie plus conséquent avant de l’intégrer dans l’architecture des applications web d’Unhosted.

Outre ceux que vous avez évoqués, nous avons aussi été approchés par LibreOffice pour discuter de la façon de faire fonctionner ensemble Unhosted et LibreOffice. Ce fut un grand honneur. Nous mettons actuellement en œuvre un cloud-sync Unhosted pour LibreOffice. Il ne déplace pas exactement LibreOffice sur le web, c’est à dire que toute l’application n’est pas dans votre navigateur, mais il fait de LibreOffice un « navigateur de documents », similaire à un « navigateur web », et il sera compatible avec les standards web que nous avons rendu publiques il y a trois semaines.

Pour le reste, nous ne faisons que commencer. Nous avons mis en ligne une application de démonstration qui montre le principe : http://myfavouritesandwich.org. Les gens peuvent copier cette démo et s’en servir comme un « Hello World! », de base pour l’utilisation d’Unhosted.

CW : En voilà un super nom de domaine !

MdJ : Au départ c’était myfavouritecar.org mais Javier estimait que myfavouritesandwich.org était plus marrant.

CW : L’apparence du projet est-elle importante pour vous ?

MdJ : 33% de notre équipe à plein temps est un graphiste. C’est une autre caractéristique relativement unique de ce projet ; je ne pense pas que beaucoup de projets de logiciels libres atteignent ce pourcentage. Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté.

Il n’y a pas de barrière d’entrée pour l’utilisateur : c’est une caractéristique importante pour nous. L’utilisateur n’a pas besoin de savoir si une application est complètement hébergée ou Unhosted. Si l’utilisation d’Unhosted devient transparente, alors nous aurons fait un bon travail.

Il nous faut convaincre les développeurs web de créer des applications Unhosted, et leurs clients n’ont même pas besoin de savoir précisément ce que c’est. Si un client demande à un développeur une nouvelle application, le développeur doit pouvoir juste répondre « OK, on va utiliser la dernière technologie pour développer cette application pour vous », et créer alors une application Unhosted. Le client n’a pas besoin qu’on lui signale l’utilisation d’une architecture Unhosted, seul le développeur doit le savoir.

Nous voulons créer quelques applications de démonstration qui soient vraiment agréables à utiliser, de façon à pouvoir éviter les stigmates qu’associent souvent les non-convertis aux logiciels libres (par exemple un logiciel libre peut bien fonctionner mais il est souvent moche). Je pense qu’il est important que les logiciels libres soient beaux et agréables à utiliser. Beaucoup de projets font du très bon travail aujourd’hui, et nous voulons être l’un d’eux. Voilà pourquoi 33% de notre équipe à plein temps est consacrée au graphisme.

CW : Il semble que vous essayez d’attirer des gens en dehors de l’écosystème existant des logiciels libres. Pensez-vous qu’il y ait des avantages évidents à utiliser Unhosted pour des entreprises et associations non concernées par les logiciels libres ?

MdJ: Oui, certainement. Tout d’abord, une entreprise qui utilise des logiciels comme moyen de production peut vouloir utiliser un chiffrement de bout en bout, de façon à ce que les secrets de l’entreprise ne quittent pas son réseau privé virtuel, mais qu’elle puisse tout de même utiliser le stockage sur les serveurs d’Amazon, par exemple. Ainsi, ils peuvent bénéficier d’applications web Unhosted avec des comptes Unhosted qui stockent des données chiffrées sur des serveurs Amazon, et le tout fonctionnera dans les navigateurs web de leur personnel, sans avoir à installer de logiciels chez eux.

De plus, l’évolutivité et la robustesse d’une architecture distribuée peuvent être un choix stratégique pour une entreprise : si vous désirez proposer une application propriétaire, mais ne voulez pas que vos serveurs soient le maillon faible du système, alors Unhosted apportera à vos applications moins d’indisponibilité, ou au moins les incidents ne toucheront pas tous les utilisateurs et votre application ne sera pas entièrement indisponible à cause de problèmes localisés. Enfin, le coût d’hébergement d’une application Unhosted est bien moins élevé que celui d’une application traditionnelle.

C’est un grand avantage pour les projets libres qui, à l’heure actuelle, ne peuvent simplement pas s’offrir l’hébergement d’applications web, mais pour les applications propriétaires c’est aussi une opportunité intéressante, parce que cela permet de réduire les coûts. Il y a donc là une activité commerciale possible comme fournisseur de comptes Unhosted. Selon le nombre d’applications intéressantes que nous pouvons susciter et promouvoir, des entreprises de ce type écloront, et alors les utilisateurs pourraient avoir un unique identifiant pour l’ensemble des applications Unhosted qu’ils utiliseront.

Les possibilités d’interopérabilité entre les applications sont elles aussi enthousiasmantes — la séparation des applications et des données permettra aussi (quand une complète compatibilité des formats le permettra) de basculer sur un autre site et constater, par exemple, que tous vos albums de photos sont bien là, pour revenir au site précédent pour voir que vos modifications ont été prises en compte instantanément, sans avoir à faire d’import ou d’export, parce que les données sont les mêmes.

Ce sera une expérience incroyable pour les utilisateurs finaux quand nous arriverons à faire fonctionner tout cela ! Certaines personnes ne se soucient pas d’évolutivité, de pérennité, de robustesse, de chiffrement, de vie privée, des applications dans le domaine public ou de logiciels libres, etc., ils ne se soucient que des possibilités d’interopérabilité des données. Ce type d’interopérabilité pourrait être le meilleur atout du projet Unhosted.

CW : Pourquoi a-t-il fallu attendre jusqu’à maintenant pour qu’un projet comme Unhosted voit le jour ?

MdJ: Je pense que tout cela est très récent. Il y a un an, on ne se rendait pas forcément compte qu’il y avait un problème avec nos données. Oui, il y a eu l’article de Richard Stallman au sujet de SaaS, puis les excellentes présentations de Eben Moglen, mais pendant ce temps-là, Facebook est devenu de plus en plus dominant. Sans oublier des projets tout neuf comme le Chrome Web Store et Chrome OS.

Il y a deux ans, ça n’était pas aussi évident. Enfin, je sais que je n’aurais pas pu envisager tout cela il y a deux ans, mais je pense que c’est le bon moment maintenant. Un grand nombre de ces idées ne sont pas les miennes. Certains principes importants viennent de Tim Berners-Lee et Zooko, je les ai juste rassemblées et ai rédigé un « manifeste » sur le sujet, ce qui encore une fois, est essentiellement copié d’Eben Moglen et Richard Stallman.

CW : Comment prévoyez-vous de travailler à plein temps sur Unhosted ?

MdJ : Nous ambitionnons de récolter pendant les prochains mois 36000 €. Nous avions le choix entre créer une entreprise ou développer entièrement le projet dans le cadre d’une association à but non lucratif.

Nous avons choisi la voie non marchande car nous pensons qu’il est important de le faire de cette façon. Nous sommes trois ingénieurs à plein temps, et nous avons l’intention de trouver un hackerspace à Berlin pour nous accueillir tous les trois, plus deux bureaux libres pour les hackers en visite. Nos locaux seront ouverts aux vacanciers qui voudraient passer une semaine à Berlin, trainer dans nos locaux et contribuer à libérer le web. Les loyers sont très bon marché à Berlin, toutefois chacun de nous a besoin d’environ 1000 € par mois pour vivre.

Nous sommes très impliqués dans ce projet. Prochainement, nous publierons des outils et des applications de démonstration afin de faire avancer le web Unhosted, et nous nous occuperons des détails à mesure que nous progresserons. Unhosted est un projet communautaire, entièrement ouvert, mais je pense qu’il est bon d’avoir une structure « fondation plus communauté », avec une petite équipe entièrement dédiée au projet, pour constamment lui donner une impulsion.

Nous encourageons les personnes intéressées à s’inscrire à notre liste de discussion, nous suivre sur Identi.ca et Twitter, et à rejoindre notre canal IRC. D’autre part, nous encourageons les développeurs à forker nos applications de démonstration pour développer leurs propres applications Unhosted.

Le web Unhosted commence aujourd’hui…




Geektionnerd : OpenOffice libéré

OpenOffice.org n’est pas mort, Vive LibreOffice ! titrions-nous il y a trois mois.

Nouveau rebondissement cette semaine : Oracle met fin à l’exploitation commerciale d’OpenOffice.

La suite au prochain épisode…

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




OpenOffice.org n’est pas mort, Vive LibreOffice !

Terry Ross - CC by-saComme le souligne avec malice notre ami Gee, la suite bureautique libre LibreOffice 3.3 vient de voir le jour.

Sauf que, comme son numéro ne l’indique pas, c’est sa toute première version stable. Mais alors pourquoi n’a-t-on pas logiquement une version 1.0 ? Parce qu’il s’agit d’un fork de la célèbre suite OpenOffice.org qui, au moment de la séparation, en était restée à la version 3.2.

Petit rappel Wikipédia : « Un fork, ou embranchement, est un nouveau logiciel créé à partir du code source d’un logiciel existant. Cela suppose que les droits accordés par les auteurs le permettent : ils doivent autoriser l’utilisation, la modification et la redistribution du code source. C’est pour cette raison que les forks se produisent facilement dans le domaine des logiciels libres. Les forks sont perçus par certains comme une épée de Damoclès au-dessus des auteurs des projets les moins bons, et aussi comme une méthode pour empêcher l’appropriation d’un projet par un groupe. La « peur de l’embranchement » est un des mécanismes essentiels de régulation et de sélection des projets libres. »[1]

Vous êtes un développeur d’un logiciel libre non satisfait de la manière dont évolue le projet ? Vous avez donc cette possibilité essentielle que constitue le fork. Mais il y parfois un gouffre entre la théorie et la pratique, car il n’est pas simple de reconstituer une communauté active autour du projet dérivé.

C’est pourtant justement ce que vient de réussir l’équipe de LibreOffice, structurée autour de la Document Foundation et qui a décidé de quitter le navire OpenOffice.org suite au rachat de Sun par Oracle. Ce dernier ayant refusé de rejoindre le projet et de céder la marque OpenOffice.org (qu’il continuera de développer par ailleurs), c’est donc désormais LibreOffice (ou LibO) qui sera l’un des fers de lance du logiciel libre grand public aux côtés de Firefox ou GNU/Linux.

LibreOffice 3.3 : les véritables enjeux

The Deeper Significance of LibreOffice 3.3

Glyn Moody – 28 janvier 2011 – ComputerWolrd.uk
(Traduction Framalang : Yonel et Don Rico)

Sur le blog RedMonk, James Governor a publié un billet amusant à propos des forks, suite à l’arrivée imminente d’une mise à jour majeure d’Android, la 3.0, dont le nom de code est « Honeycomb », et laquelle a été conçue en pensant aux tablettes :

Ainsi que le voudrait la sagesse populaire, les développeurs ne devraient pas s’attaquer à des environnements multiples. Ben voyons… le genre de sagesse qui nous a valu une décennie où il n’y en a eu que pour Java, et une vingtaine d’années pendant lesquelles dès qu’il y fallait choisir une architecture on collait du Oracle partout. Avouons que pour l’instant, Android est vraiment pas mal sur les téléphones. J’aime beaucoup mon HTC Desire. J’ai aussi la chance de pouvoir faire joujou avec un Dell Streak qu’on m’a prêté ; encore un bon petit appareil, qui fait bien son boulot pour m’accompagner devant la télé. Mais Android n’a pas été conçu pour un format plus grand, comme l’iPad 10 pouces d’Apple, du moins dans ses premières versions.

Et comme il le fait remarquer :

Tous les éditeurs de logiciels doivent gérer des codebases multiples, en particulier pour les progiciels. Si une entreprise doit gérer les deux codebases, est-ce vraiment un fork ?

Je dirais qu’il s’agit plus de fragmentation, et qu’on en voit partout – dans Android lui-même, dans Windows, admettons, et dans le monde de GNU/Linux à travers les centaines de distributions, chacune avec des versions et des configurations différentes. Rien de bien nouveau.

Les vrais forks ne courent pas les rues, précisément à cause des différences entre le fork et la fragmentation. Cette dernière peut être gênante ou pas, mais elle est rarement aussi douloureuse qu’un fork peut l’être. En général, les forks déchirent les communautés et forcent les programmeurs à choisir leur camp.

C’est ce qui rend l’apparition de LibreOffice si intéressante : c’est un vrai fork, avec des décisions réelles et douloureuses que doivent prendre les codeurs – où vont-ils ? Et à la différence de la fragmentation, qui souvent se produit naturellement et perdure pour un tas de raisons en grande partie banales, les forks exigent beaucoup de travail pour survivre. Résultat, de nombreux forks échouent, car il est souvent plus facile de rester ou de revenir au projet d’origine, plutôt que de se battre pour en installer et en faire grandir un nouveau.

Dans ce contexte, la publication récente de LibreOffice 3.3 est un jalon important, au moins pour ce qu’elle a déjà réussi :

La Document Foundation présente LibreOffice 3.3, la première version stable de la suite bureautique libre développée par la communauté. En moins de quatre mois, le nombre de développeurs codant LibreOffice est passé de moins de vingt à la fin septembre 2010, à largement plus d’une centaine aujourd’hui. Cela nous a permis de publier en avance par rapport au calendrier audacieux fixé par le projet.

À l’évidence, attirer les développeurs est une épreuve cruciale pour le potentiel de survie du fork, et même de son épanouissement. D’autres points importants :

La communauté des développeurs a pu bâtir ses propres méthodes en toute indépendance, et devenir opérationnelle en très peu de temps (eu égard à la taille du codebase et aux grandes ambitions du projet).

Grâce au grand nombre de nouveaux contributeurs qui ont été attirés par ce projet, le code source est vite soumis à un nettoyage d’ampleur, pour offrir une meilleure base aux développements de LibreOffice à venir.

C’est-à-dire que LibreOffice n’en est plus au stade de vague projet, ou à celui des étapes pénibles comme définir l’infrastructure qui permettra au projet d’avancer. La signification de cette réussite va au-delà du fait que la Fondation propose aux utilisateurs une alternative libre à OpenOffice (qui vient également de sortir sa dernière version). La possibilité de choix étant au coeur du logiciel libre, c’est donc certainement une bonne nouvelle, surtout à cause de la politique de copyright de LibreOffice, que j’ai déjà évoquée.

Mais je pense que LibreOffice a une importance supplémentaire parce qu’il représente une attaque délibérée contre la façon dont Oracle traite son catalogue open-source. Hélas, le mécontentement qui a poussé à cette scission va bien plus loin que le seul domaine des suites bureautiques.

L’attitude d’Oracle envers la communauté open-source semble empirer, c’est de plus en plus évident. Marc Fleury le résume bien dans ce billet révélateur. Fondateur de Jboss, et l’un des vrais innovateurs en termes de modèles économiques reposant sur l’open-source, il sait certainement de quoi il parle quand il s’agit de diriger des codeurs open-source dans un contexte professionnel, ce qui rend des commentaires comme celui-ci particulièrement significatifs – et inquiétants pour Oracle :

Il y a d’abord eu le fiasco OpenOffice/Libre Office, où OpenOffice a été forké dans la plus grande partie par sa propre communauté. Puis il y a eu le caprice d’Apache concernant Java/JCP, quand le groupe a bruyamment quitté le JCP (NdT : Java Community Process) après des prises de bec sur les licences open-source de la JVM (Harmony). Et en ce moment, il y a d’autres bisbilles, dont une au sujet de NetBeans. Mais celle qui me concerne le plus (ainsi que mon porte-monnaie), cela concerne un projet mené par un employé de Cloudbees.

Si je comprends bien la situation, le principal développeur était employé par Sun quand il a initié Hudson. Oracle revendique donc l’identité et la marque, ce qui en toute franchise est aberrant, puisque la licence est open-source et que les gars de Cloudbees peuvent poursuivre leur travail sans entrave. Reste donc une dernière étape : la création d’un fork du projet. Et voilà… une grande partie de la communauté open-source dit merde à Oracle.

Ce que LibreOffice montre (jusqu’ici, en tout cas) c’est que dans ces circonstances, il y a bien une vie après Oracle, que les gens se regrouperont dans un fork au lieu de l’éviter, et que le travail alors fourni amène des améliorations non négligeables. Il est vrai que cet argument ne s’appuie que sur un seul exemple, et il faudrait être un expert bien téméraire pour essayer d’en extrapoler quoi que ce soit. Mais cela reste une source d’inspiration importante et tentante pour les codeurs contrariés qui grognent sous le joug d’Oracle. Après tout, comme le met en évidence le nom de LibreOffice, il ne s’agit pas que de code. Il s’agit aussi de liberté.

Notes

[1] Crédit photo : Terry Ross (Creative Commons By-Sa)