Plainte commune des personnes affectées par la fermeture de MegaUpload ?

Les utilisateurs de MegaUpload qui stockaient, partageaient et s’échangeaient des fichiers tout à fait légaux sont les dindons de la farce.

C’est ce que nous rappelle coup sur coup deux articles de Numerama : MegaUpload : des voix s’élèvent pour récupérer les fichiers légaux et MegaUpload : peu d’espoir pour les fichiers légaux[1].

Peu de chance de les récupérer ? C’est sans compter sur l’énergique Pirates de Catalunya (Parti Pirate Catalan) qui en appelle avec d’autres à se regrouper pour étudier la faisabilité d’une procédure.

Ricard Clupés - CC by-nc-sa

Plainte commune des personnes affectées par la fermeture de Megaupload

Joint complaint of those affected by the closure of Megaupload service

Pirates de Catalunya – Janvier 2012
(Traduction Framalang/Twitter : HgO, Chaman, AlBahtaar, FredB)

Des millions d’utilisateurs légitimes se sont subitement retrouvés lésés par la tentative des autorités américaines d’imposer leur propre loi à travers le monde.

Le FBI a causé des dommages incalculables, dépassant de loin les prétendues pertes déclarées par les lobbies des ayants droit, au cours d’une vaine tentative d’empêcher l’accès au contenu multimédia hébergé sur Megaupload, dont certains ont été déclarés comme violant la loi américaine sur le droit d’auteur. Parce que ce contenu illégal se trouvera bien vite accessible sur Internet via d’autres services. Cette action ne montre pas seulement la futilité de telles mesures mais rappelle aussi que ces fichiers ne sont pas forcément illégaux, ou n’ont jamais été prouvés comme tels, dans n’importe quel pays, y compris aux États-Unis.

En revanche, en fermant le service, ils ont entravé l’accès à des millions de fichiers appartenant à des individus comme à des organisations causant ainsi des pertes personnelles, économiques et d’image potentiellement importantes pour un grand nombre de personnes. De plus, le Parti Pirate souligne que les articles 197 et 198 du Code Pénal espagnol ont probablement été violés en s’appropriant ainsi des données personnelles à tort.

Les larges dégâts causés par la fermeture soudaine de Megaupload sont injustifiés et complètement disproportionnés par rapport à la cible visée. C’est pour cela que le Parti Pirate Catalan, en collaboration avec le Parti Pirate International et d’autres Partis Pirates (incluant le Parti Pirate du Royaume-Uni), a débuté une enquête sur de potentielles failles législatives et soutienda les poursuites en justice contre les autorités américaines dans autant de pays que possible, afin que justice soit rendue.

Afin de faire plainte commune, une plateforme a été créée où toute personne ou organisation ayant été affectée par cette fermeture peut exprimer son intérêt, indépendamment du type de compte qu’elle avait sur Megaupload.

Cette initiative est un point de départ pour aider les utilisateurs légitimes d’Internet à se défendre contre les abus légaux promus par ceux qui souhaitent cadenasser les ressources culturelles au profit de leurs propres gains financiers.

Quelles que soient les opinions quant à la légalité ou la morale des personnes exploitant Megaupload, des actions telles que la fermeture de ce service ont infligé des dommages énormes aux utilisateurs en règle de ce site et sont des violations de leurs droits inacceptables et disproportionnées.

Pour toutes les raisons énoncées, nous vous demandons de nous rejoindre et de nous soutenir en propageant cet appel, car des actes tels que ceux-ci ne doivent pas et ne devraient pas être pardonnés.

Notes

[1] Crédit photo : Ricard Clupés (Creative Commons By-Nc-Sa)




Il est temps de passer à l’offensive pour défendre la liberté d’expression

On peut se féliciter du spectaculaire succès de la récente action contre les lois SOPA et PIPA mais quelques part il était déjà trop tard. Il ne restait plus qu’à résister, ce qui fut fait et bien fait jusqu’à… la prochaine attaque !

Engagez-vous, comme dirait l’autre, pour casser ce cercle vicieux qui nous voit être trop souvent sur la défensive[1], pour proposer et mettre en place d’urgentes et salutaires alternatives.

Un article qui fait écho à une autre de nos traductions : Le jour d’après le blackout SOPA ou ce que j’aurais aimé entendre de Wikipédia & Co.

Petteri Sulonen - CC by

Il est temps de passer à l’offensive pour défendre la liberté d’expression

It’s Time To Go On The Offensive For Freedom Of Speech

Rick Falkvinge – 22 janvier 2011 – TorrentFreak – CC BY-SA
(Traduction Framalang/Twitter : skhaen, vinci, toto, e-Jim, quota)

L’action collective de la semaine dernière contre les lois PIPA et SOPA aux États-Unis était fabuleuse et sans précédent. Mais n’avez-vous pas remarqué que nous étions toujours sur la défensive ? Nous ne pourrons pas gagner ni même conserver notre liberté d’expression en continuant ainsi.

L’industrie du copyright est tenace et utilise, avec une grande efficacité il faut l’avouer, pour faire voter des lois, la technique dite du « Papa, je veux un poney ». Ils y reviennent sans cesse. Conséquence de cela, nous assistons à une érosion sans fin de nos droits civiques, et à l’enracinement du fait que cette industrie doive profiter de nos impôts.

La tactique dite de « Papa, je veux un poney » fonctionne à peu près comme suit :

La petite fille : Papa, Je veux un poney ! veux un poney ! je veux veux veux un poney !

Le père : Hum, non, hum, hum, non, pourquoi pas plutôt un chien ?

La petite fille : Non non NON ! Je veux un poney ! un PONEY ! … Heu, bon, un chien ? d’accord !

À ce moment là le père pense : « pfiou, je l’ai échappé belle ». Et la petite fille pense « wow, ce fut le chien le plus facile à avoir que j’ai jamais eu ». C’est la tactique « Papa, je veux un poney ».

Nous avons vu cette tactique à l’oeuvre avec le DMCA (NdT: Digital Millennium Copyright Act) aux États-Unis, lequel a largement restreint nos droits sur notre propriété privée, ainsi qu’avec son pendant Européen, la directive InfoSoc (NdT: Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information). Nous pouvons la voir en ce moment même avec ACTA qui, à nouveau, est une illustration de cette attitude « on peut retirer le plus choquant, le plus répugnant. », tout en laissant passer d’autres éléments qui n’en constituent pas moins un énorme pas en arrière en matière de droits de l’Homme. Nous l’avons vu également avec le Directive sur la Conservation des Données.

À chaque fois, nous nous défendons et réussissons à faire supprimer les pires morceaux, en brûlant à chaque fois davantage nos réserves d’activistes. Puis il y a une nouvelle attaque trois ans plus tard. Ajoutons qu’à chaque fois que nous nous battons contre un de ces maux, une dizaines d’autres passent discrètement en douce dans les coulisses du pouvoir.

Le truc, c’est que tant que nous nous bornerons à défendre nos droits, nous aurons en permanence un coup de retard, et nous perdrons toujours. L’industrie du copyright a l’initiative, et le mieux que nous puissions faire est de résorber le retard que nous avons, ou de limiter les dégats déjà provoqués. Cela n’est pas suffisant.

Et il y a pire. L’industrie du copyright a également obtenu le droit de percevoir des taxes sur le commerce de produits sans liens directs avec le droit d’auteur, notamment les médias vierges (NdT : cf la taxe sur la copie privée) mais également des objets ayant à priori peu à voir avec la copie d’œuvres telles que les consoles de jeux, parce qu’elles peuvent théoriquement être utilisées comme support pour copier des ressources de manière tout à fait légale. Vous comprenez ça, vous ? Copier ainsi ne viole pas le monople instauré par le copyight, mais l’industrie du copyright reçoit quand même cette compensation.

Reprenons.

Le monopole du copyright, bien qu’étant très étendu, ne recouvre pas tout acte de copie imaginable. Il y a beaucoup de manières de copier qui sont parfaitement légales et non couvertes par ce monopole. Mais dans le sens du copyright tel que l’entendent les industriels, il ont demandé – et obtenu – une compensation concernant les domaines où le monopole du copyright ne s’étend pas. Une compensation de la poche du contribuable, versée à une industrie privée. Pour n’avoir pas de monopole. Vous y croyez ?

Dans ce schéma de compensation, ils collectent des sommes d’argent faramineuses chaque année sans avoir besoin de faire quoi que ce soit. Beaucoup de cet argent est directement reversé dans la guerre contre nos droits civiques, et dans toujours plus de lobbying pour d’obtenir encore plus d’argent du contribuable, avec de nouveaux schémas de type : « Papa, je veux un poney ». Pour nous, c’est un cercle vicieux. N’importe qui, connaissant un peu les différents moyens de motiver quelqu’un, sait que la pire manière d’optimiser la production consiste à donner de l’argent à une industrie sans tenir compte de ce qu’ils sont en train de faire avec cet argent, que ce soit en bien, en mal, ou en rien du tout.

Donc, pour résumer, l’industrie du copyright s’est mise elle-même dans une position où elle gagne des sommes incroyables en ne faisant absolument rien, et utilise cet argent pour acheter des lois qui leur donneront encore plus d’argent, tout en réduisant notre liberté d’expression. Ce n’est pas seulement inacceptable. C’est répugnant.

C’est une surprise pour personne, je pense depuis longtemps que le monopole du copyright est dangereux (ou au moins inutile) dans son ensemble, et que la créativité, le business et les libertés civiles s’en porterait bien mieux s’il n’existait pas. Pour avoir étudié le sujet pendant 6 ans d’affilée, je découvre toujours plus d’indicateurs qui me confortent dans ma position.

Mais je suis également assez pragmatique pour comprendre que si vous visez la lune et insistez pour ne pas avoir d’étape intermédiaire entre le départ et l’arrivée, non seulement vous n’arriverez jamais à l’atteindre, mais vous risquez en plus de ne pas faire un seul pas en avant. S’engager ne serait-ce que partiellement vers la lune peut déjà vous apporter satisfaction. 99% des problèmes avec le copyright d’aujourd’hui peuvent être résolus avec une réforme réaliste et raisonnable.

Lorsque l’enjeu est d’envergure, on ne peut pas changer toutes les règles du jeu en un jour. Donc visons à établir une proposition équilibrée et raisonnable qui restaure nos libertés civiles tout en conservant certains aspects des investissements qui incitent au développement de la culture.

J’emprunte ce plan au groupe des Verts du Parlement Européen (et plus précisément à la délégation du Parti Pirate qui l’abrite). Essayons de faire passer cette nouvelle législation en Europe, aux USA, en Australie, et partout où l’on pourra :

  • Il faut impérativement mettre au clair que le monopole du copyright ne peut s’étendre à ce qu’une personne ordinaire peut faire avec un équipement ordinaire, chez lui, et sur son temps libre ; ce monopole doit ne réguler que l’activité commerciale, dans le but de faire du profit. En particulier, le partage de fichiers est toujours légal.
  • Échantillons gratuits. Il doit exister des exceptions qui rendent légale la création de remixes et de mashups. Les droits de citation tels qu’ils existent pour le texte, doivent être étendus aux sons et aux vidéos.
  • Les outils de restriction des droits numériques (DRM) devraient être rendus illégaux, car c’est une escroquerie qui nie les droits des consommateurs et des citoyens, à défaut il doit au moins être possible de les contourner légalement.
  • Le monopole du copyright commercial basique est ramené à cinq ans à dater de la publication, extensible à vingt ans si l’oeuvre a été enregistrée dans une base de données appartenant au monopole du copyright.
  • Le domaine public doit être renforcé.
  • La neutralité du Net doit être garantie.
  • La levée d’impôts sur des médias vierges est mise hors-la-loi.
  • De manière générale, la limite doit toujours être très clair. Les déclaration du genre « la justice en décidera » ne sont pas acceptables et sont équivalents à la mise hors-la-loi.

Cette proposition raisonnable, équilibrée, réalisable et réaliste résoudrait 99% des problèmes actuels, tout en maintenant l’ensemble des quatre aspects du monopole instauré par le copyright.

Cela mettait un terme à la chasse aux sorcières contre les ados qui téléchargent des séries télé. Cela résoudrait le problème des oeuvres orpheline, et nous rendrait l’accès à l’héritage culturel du XXème siècle. Et cela résoudrait le problème des contribuables payant l’industrie du copyright sans raison.

Par contre, cela maintiendrait un monopole commercial d’une durée maximale de 20 ans pour les investissements dans des productions culturels, battant en brêche l’argument avancé par l’industrie du copyright selon lequel l’établissement d’un monopole est nécessaire pour encourager la création culturelle.

Même si je ne suis pas d’accord avec les monopoles sur les brevets, il convient de noter que si les companies pharmaceutiques peuvent se contenter d’un monopole commercial de 20 ans (sur les brevets), alors cette durée devrait certainement convenir à Disney et Elvis aussi.

Ceci, ou quelque chose s’en approchant, est ce que nous devons faire. Nous devons reprendre l’offensive pour défendre notre liberté d’expression.

Notes

[1] Crédit photo : Petteri Sulonen (Creative Commons By)




Aux armes citoyens du net et du monde ?

Bisounours, passe ton chemin ! La traduction que nous vous proposons aujourd’hui est en effet d’une rare violence.

Il s’agit d’un article de Rick Falkvinge, fondateur du parti pirate suédois et désormais invité régulier du Framablog.

Mais est-ce l’article qui est violent ou la société qui nous entoure et qui oblige certains à envisager d’y recourir ?

Gun and Target - Falkvinge

Faut-il se préparer à prendre les armes ?

Do We Really Have To Prepare For The Fourth Box?

Rick Falkvinge – 16 décembre – Site personnel
(Traduction Framalang : Kamui57, Goofy, Phi, Oli44, Salelodenouye, Alexis, Zdeubeu et Don Rico)

Quand je constate que les abominations législatives intitulées SOPA, PIPA et NDAA se conforment au DMCA et au Patriot Act aux États-Unis, je prends conscience que le pire scénario possible concernant les libertés individuelles est en passe de se concrétiser.

Les discussions au sein du Parti pirate suédois ont longtemps eu pour sujet ce que nous pouvions faire pour empêcher l’Europe de s’enfoncer dans une sorte de totalitarisme fascisant. Les États-Unis sont déjà perdus, ils s’y enfoncent irrémédiablement. Notre travail consiste à empêcher l’Europe de suivre allègrement le même chemin, pour au contraire se libérer à temps de ses chaînes. C’était déjà perceptible il y a cinq ans, aujourd’hui c’est d’une évidence criante.

Un article difficile à rédiger : Cela m’a pris plus de vingt-quatre heures pour rédiger cet article, après une semaine passée à glandouiller. D’habitude, c’est le genre d’article que je réalise en trente à quarante-cinq minutes dès que je sais quoi raconter. Dans le cas présent, le problème n’était pas de savoir quoi écrire, car il y a beaucoup à dire, mais de savoir jusqu’où aller. Au final, j’ai décidé de livrer le fond de ma pensée sans retenue.

J’utilise dans ce billet une image déjà employée par beaucoup, celle des quatre « boîtes ». La liberté se défend avec quatre boîtes : la caisse à savon, l’urne électorale, le tribunal (NdT: jury box, en anglais, soit « le banc des jurés ») et la boîte à munitions. À utiliser dans cet ordre.

Mon blog étant à vocation internationale, je me dois d’expliquer ici le sens de l’expression américaine. Ces « quatre boîtes » ne sont pas évidentes à identifier pour un non-anglophone qui en outre vit hors de la sphère culturelle américaine.

  • La caisse à savon (soap box) : celle sur laquelle on se hisse au coin de la rue pour exposer ses opinions aux passants. Au sens figuré, cela consiste à rallier l’opinion publique à votre cause.
  • L’urne électorale (ballot box) : les élections libres, publiques et démocratiques. Si les lois ne fonctionnent pas, et que les élus ne le comprennent pas, remplacez-les par d’autres.
  • À la barre ou le box des jurés (jury box) : si aucun homme politique ne réagit, ni parmi les élus ni parmi ceux qui sont susceptibles de le devenir, l’avant-dernière ligne de défense est le système judiciaire, capable d’abroger les lois contraires aux droits les plus fondamentaux.
  • La caisse à munitions (ammo box) : lorsque le système est corrompu jusqu’à la moëlle, au point que tout l’establishment agit comme un seul homme, et qu’il n’est pas possible de modifier la loi pour préserver les libertés fondamentales, il ne reste alors plus qu’une possibilité.

Nous en sommes actuellement au stade de la troisième boîte, dont le fond commence à céder. J’essaie de refaire fonctionner la deuxième, de revenir en arrière, du moins en Europe. Mais c’est une immense tâche, même si c’est en théorie possible. Encore pire, les personnes au pouvoir créent un état d’esprit où la recherche des faits et l’éducation sont considérées comme des distractions enfantines.

La législation est devenue anti-scientifique, essentiellement dirigée par quatre groupes de pression dont aucun ne veut voir les faits interférer avec l’idéologie-religion qui les anime. Les principes hérités des Lumières sont progressivement devenus un obstacle. L’information est devenue quelque chose de dangereux, et elle est pourtant diffusée à un rythme jamais vu auparavant. C’est peut-être pour cette même raison qu’elle est considérée comme si dangereuse.

« Prenez garde à celui qui vous refuse l’accès aux informations, car au fond de lui, il ne rêve que devenir votre maître » Le préfet Pravin Lal.

Quatre groupes-clés guident cette évolution. Ils y contribuent chacun à leur manière, mais en les réunissant, les conditions sont rassemblées pour verrouiller la société.

  • Les politiciens techniquement apathiques : des décideurs et des politiciens qui non seulement ne comprennent rien aux implications techniques de leurs décisions et de leurs lois, mais qui sont fiers de ne pas comprendre les infrastructures de la société, comme si ce type d’effort était indigne d’eux. Ils essaient aussi de marquer des points en servant les intérêts des trois autres groupes, et ce par des coups bas qui ridiculisent le peu de leurs collègues qui comprennent les répercussions techniques des propositions étudiées.
  • L’industrie du copyright : une industrie menacée d’obsolescence par le concept même des libertés civiles combinées aux les technologies modernes de l’information. Étant donné que les industriels ne peuvent pas revenir en arrière sur les avancées technologiques, ce sont les libertés qui constituent leur cible.
  • Les profiteurs de la sécurité : une groupe très restreint est en train de réussir un beau coup en supprimant nos libertés civiles, l’une après l’autre. Prenez l’exemple du scanner déshabillant dans les aéroports. Il s’agit du même type de personnes qui provoquent la guerre pour générer du profit, qui pensent « On s’en fiche si quelques centaines de milliers de personnes meurent ». On peut mentionner les noms d’Halliburton et de Blackwater Security, par exemple.
  • La coalition des fondamentalistes anti-liberté : les individus prêts à vous dicter ce que vous devez faire de votre vie sont légion. Peu importe qu’ils veuillent vous priver de vos libertés pour préserver les valeurs du christianisme ou de l’islam, du socialisme ou de quelque autre manuel de prescriptions qui prétend avoir une réponse à tout, ils représentent finalement une seule et même menace. Les pires d’entre eux sont ceux qui prétendent le faire « dans l’intérêt des enfants », comme ECPAT (End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of children for sexual purposes).

Une fois rassemblés, ils provoquent la conjoncture délétère qui permet de mettre en place des politiques non pas destinées au peuple, mais dirigées contre lui, au nom d’intérêts très particuliers. Les lois ainsi promulguées permettent alors sans problème de nous retirer toutes nos libertés, du droit à la vie privée, à la liberté d’expression (industrie du copyright), à notre liberté de mouvement, et jusqu’au droit même à la vie (les profiteurs de la sécurité). Pour cela, il est nécessaire de créer un environnement qui soit fondamentalement hostile aux enquêtes et aux études indépendantes. Cet environnement est déjà en place (une fois de plus : l’industrie du copyright, le « terrorisme »).

Prenons l’exemple de la criminologie, cette science à moitié politique. Elle est fondée sur les preuves et prédit ce qui arrive selon la façon dont on organise les lois, leur application, et la graduation des peines. Il existe un concept appelé dissuasion marginale affirmant que quand quelqu’un commet un crime, afin d’éviter une escalade de violence, il existe toujours une sanction plus lourde à éviter.

Par exemple, si l’on prévoit la même peine pour un cambriolage ou un meurtre, il serait logique pour un cambrioleur de tuer chacune de ses victimes, puisque cela ne changerait rien pour le criminel en cas d’arrestation. Au contraire, avec un témoin en moins, les risques d’être pris s’en trouveraient réduits. Par conséquent, on applique une peine significativement plus élevée pour un meurtre que pour un vol. Voilà un exemple de dissuasion marginale.

Le 16 décembre, le Sénat des États-Unis a fait fi de toute sagesse de ce type et voté à 86 voix contre 13 que tout un chacun pourrait être emprisonné indéfiniment, ou même exécuté, sans procès ni charges contre lui. 86 contre 13 ! Voilà ce que je j’entends par « les États-Unis sont déjà perdus ». Où en sommes-nous si malgré le grand nombre de citoyens qui s’efforcent de respecter les lois, on peut tout de même les jeter en prison, voire les exécuter ? Lorsqu’on ne passe même plus par la case simulacre de procès ? J’ai tweeté à ce sujet hier, en faisant déjà allusion à la quatrième boîte.

Tweet Falkvinge

De plus, la novlangue a déjà commencé à appliquer cela aux dissidents les plus ordinaires. Les gens qui ne sont pas d’accord avec le gouvernement et l’autorité. La détention sans limite et les exécutions arbitraires s’appliqueront uniquement aux « terroristes », mais en même temps l’on a appelé « terroristes de basse intensité » des manifestants lambda lors d’un rassemblement. Pas la peine d’être un génie pour comprendre vers quoi on se dirige, même si beaucoup de gens, et cela n’a rien de surprenant, se voilent la face et refusent de voir ce qui se passe sous leur nez. Comme je l’évoquais précédemment, les prochaines décennies s’annoncent des plus sombres pour les États-Unis.

Laissez-moi vous montrer la gravité de la situation. Lorsque ce genre de lois seront passées et qu’un certain nombre de gens auront disparu, si des policiers viennent pour arrêter, le réflexe le plus logique sera simplement de les abattre à distance. Rien de pire ne peut vous arriver pour l’avoir fait, et cela augmentera vos chances de rester en vie et en liberté. Et les gens se regrouperont en bandes pour s’entraider dans ce seul but – très vite. À ce stade, les lois ne seront plus pertinentes (même s’il y avait des simulacres de procès) ; seule la débrouillardise de la rue déterminera votre sort.

En Suède, j’ai assisté à un exemple concret de population qui se voile la face, il y a quelques années, lorsqu’on abolissait le droit à la vie privée au profit de la mise sur écoute. Les autorités allaient pouvoir procéder à des écoutes en nombre, sans mandat, ni avertissement, ni soupçon de délit, rien. Alors que nous organisions des manifestations pour protester et lisions la proposition de loi aux passants, qui correspond mot pour mot à la loi qui a été votée, ils refusaient de nous croire. Ils ont purement et simplement refusé de voir ce qui se passait, ils pensaient que nous l’avions inventée et que c’était trop invraisemblable pour être avéré. Ce fut l’un des moments les plus exaspérants de ma vie politique. J’y reviendrai dans un prochain billet.

Mais cela illustre un autre problème. Les armes qui jouent un rôle prépondérant, et c’est là l’ironie de la situation, ne sont pas celles qui propulsent du plomb, du cuivre ou de l’acier à une vitesse létale, mais les téléphones portables. Si l’on observe les jeunes – grosso modo la moitié la plus jeune de la population – lorsqu’ils assistent à un crime, vous constaterez qu’ils sortent tous leurs téléphones portables, mais n’appellent pas la police. Ils sortent leurs téléphones portables pour filmer, l’enregistrement se faisant de préférence ailleurs que sur leur téléphone (qui risque d’être détruit vu sa proximité avec le lieu de l’événement).

Slim Amamou, l’activiste du parti pirate tunisien qui a été secrétaire d’État au sein du gouvernement d’union, a remarqué que sur toutes les photos d’activistes du Printemps arabe figurent d’autres gens qui photographiaient la même scène avec leur téléphone. Ainsi, le carburant de cette révolution ne se résumait pas à une image – chaque acteur de la révolution diffusait aussi des instructions sur la façon de propager les informations sur d’autres violations du droit.

Il existe une raison pour laquelle la nomenklatura veut à tout prix le contrôle d’Internet. C’est pour cette même raison que nous devons nous battre pour lui.

Je suis convaincu que la démocratie doit être le chemin à suivre, sans condition, tant qu’elle donne un espoir de liberté. Mais, hélas, cette possibilité se referme – par le biais de nos élus, pour le compte de groupes d’intérêts particuliers. Les profits et le fondamentalisme. Elle n’est pas encore close, mais bien des groupes y œuvrent d’arrache-pied.

Je suis un Européen blanc, d’âge moyen. Un entrepreneur hautement qualifié. Distingué comme l’un des penseurs les plus brillants au monde. Je serre la main des présidents, des membres des gouvernements, et des secrétaires d’État, dans le monde entier. Je n’ai absolument rien à craindre du gouvernement tant que je ne fais pas de vagues. En toute logique, je devrais être l’un des derniers à me rendre compte que l’on peut en arriver là.

Cette considération est moins effrayante si elle est erronée que si elle se vérifie : il est possible que j’aie raison. Peut-être que beaucoup de personnes partagent mes craintes sans les formuler. Si c’est le cas, une grande proportion de la population des pays occidentaux a observé le Printemps arabe et se prépare à devoir probablement faire la même chose de leur vivant.

Certaines personnes pensent que l’Europe en général (et les pays nordiques en particulier) représente un élan d’espoir. J’illustrerai dans des articles à venir comment certains politiciens semblent ne vouloir rien de plus que de marcher dans les pas des États-Unis vers l’obscurité, même si l’Europe peut encore être sauvée. Ici, l’activisme peut avoir un résultat, comme le peut le travail des politiques, en agissant dans la rue. Nous pouvons inverser cette tendance. Nous en sommes capables, et c’est notre devoir.

Je ne souhaite pas que l’on en arrive à la situation que je décris dans cet article. Au contraire. Je jette tous les mauvais sorts du monde à ceux qui ont créé cette situation et me contraignent à voir les choses ainsi. Mais si l’on doit en arriver là après des années de protestation et de dur labeur, alors je m’adapterai. Je me battrai pour la liberté autant que je le peux, et j’aiderai les autres à s’organiser autour de la cause. Je suis passé de la préparation mentale à une réelle préparation à l’effrayante et douloureuse possibilité que la situation puisse devenir vraiment moche.

La photo qui illustre cet article, le pistolet et la cible, n’est pas tirée d’un catalogue comme 99% des photos de ce blog. Cette photo a été prise de mon bureau, à cinquante centimètres de là où je suis assis.




L’industrie du Copyright – Un siècle de mensonge

Jonathan Powell - CC byDepuis plus d’un siècle les chiens du copyright aboient, la caravane qui transporte la création passe…

Piano mécanique, gramophone, radio, film parlant, télévision, photocopieuse, cassette audio, mp3, internet… à chaque fois qu’est apparu une nouvelle technologie, elle a drainé inévitablement avec elle sa cohorte de réactionnaires hostiles[1].

C’est alors toujours la même rengaine : on brandit la menace de la mort du message alors qu’il ne s’agit que de la mort des messagers qui profitaient du système précédent et qu’il y aura toujours des auteurs de messages.

Une nouvelle traduction de notre ami Rick Falkvinge qui rend optimiste quant à l’issue du combat actuel.

L’industrie du Copyright – Un siècle de mensonge

The Copyright Industry – A Century Of Deceit

Rick Falkvinge – 27 novembre 2011 – Torrent Freak
(Traduction Framalang / Twitter : Kamui57, Yoha, Goofy, Jean-Fred, e-Jim et FredB)

On dit qu’il faut étudier l’Histoire pour ne pas être condamné à répéter les erreurs du passé. L’industrie du copyright a ainsi appris qu’elle pouvait profiter de sa position de monopole et de rentière à chaque apparition d’une nouvelle technologie, simplement en se plaignant assez fort auprès des législateurs.

Ces cent dernières années ont vu l’apparition de nombreuses avancées techniques en matière de diffusion, de duplication et de transmission de la culture. Mais cela a également induit en erreur les législateurs, qui tentent de protéger l’ancien au détriment du nouveau, simplement parce que le premier se plaint. D’abord, jetons un œil à ce que l’industrie du copyright a tenté d’interdire, ou du moins taxer au seul motif de son existence.

Cela a commencé vers 1905, lorsque le piano mécanique est devenu populaire. Les vendeurs de partitions de musique ont affirmé que ce serait la fin de l’art s’ils ne pouvaient plus gagner leur vie en étant l’intermédiaire entre les compositeurs et le public, alors ils ont demandé l’interdiction du piano mécanique. Une célébre lettre de 1906 affirme que le gramophone et le piano mécanique seraient la fin de l’art, et de fait, la fin d’un monde vivant et musical.

Dans les années 1920, alors que la radiodiffusion émergeait, une industrie concurrente demanda son interdiction car elle rognait ses bénéfices. Les ventes de disques ont chuté de 75 millions de dollars en 1929 à 5 millions seulement 4 ans plus tard — une chute bien plus forte que ce que connaît actuellement l’industrie du disque. (à noter que la chute des bénéfices coïncide avec la crise de 1929) L’industrie du copyright a attaqué en justice les stations radio, et les entreprises de collecte ont commencé à récolter une part des bénéfices des stations sous couvert de frais de diffusion. Des lois ont proposé d’immuniser le nouveau médium de diffusion qu’était la radio contre les propriétaires des droits d’auteur, mais elles n’ont pas été votées.

Dans les années 1930, les films muets ont été supplantés par les films avec des pistes audio. Chaque cinéma employait jusque-là un orchestre pour jouer la musique accompagnant les films muets ; désormais, ceux-ci étaient au chômage. Il est possible que cela fût le pire développement technologique pour les musiciens et interprètes professionnels. Leurs syndicats demandèrent des emplois garantis pour ces musiciens, sous différentes formes.

Dans les années 1940, l’industrie du cinéma s’est plainte de ce que la télévision entraînerait la mort du cinéma, alors que les recettes de l’industrie cinématographique avaient plongé de 120 millions de dollars à 31 millions en cinq ans. Une citation célèbre : « Pourquoi payer pour aller voir un film lorsque vous pouvez le regarder gratuitement chez vous ? »

En 1972, l’industrie du copyright a tenté d’interdire la photocopieuse. Cette campagne venait des éditeurs de livres et magazines. « Le jour n’est peut-être pas loin où personne n’aura à acheter de livres. »

Les années 1970 ont vu l’arrivée de la cassette audio, et c’est à cette période que l’industrie du copyright s’est acharnée à revendiquer son dû. Des publicités scandant « L’enregistrement maison tue la musique ! » étaient diffusées partout. Le groupe Dead Kennedys est connu pour y avoir répondu en changeant subtilement le message en « L’enregistrement maison tue les profits de l’industrie musicale », et « Nous laissons cette face (de la cassette) vierge, pour que vous puissiez aider.»

Les années 1970 ont également été un autre tournant majeur, où les DJ et haut-parleurs ont commencé à prendre la place des orchestres de danse. Les syndicats et l’industrie du copyright sont devenus fous furieux et ont suggéré une « taxe disco » qui serait imposée aux lieux qui diffusent de la musique disco enregistrée, pour être collectée par des organisations privées sous mandat gouvernemental et redistribuées aux orchestres. Cela fait rire de bon cœur de nos jours, mais les rires tournent court lorsqu’on apprend que la taxe disco a réellement été créée, et existe toujours.

Les années 1980 sont un chapitre singulier avec l’apparition des enregistreurs sur cassettes. Depuis cette période, la célèbre citation du plus haut représentant de l’industrie du copyright prononcée au Congrès des États-Unis d’Amérique « Le magnétoscope est aux producteurs et au public américain ce que l’Étrangleur de Boston est à la femme seule au foyer » est entrée dans la légende. Malgré tout, il faut garder à l’esprit que l’affaire Sony-Betamax est allée jusqu’à la Cour suprème des Etats-Unis, et que le magnétoscope n’a jamais été aussi proche d’être écrasé par l’industrie du copyright : l’équipe du Betamax a gagné l’affaire par 5 votes à 4.

Toujours à la fin des années 1980, nous avons assisté au flop complet de la Digital Audio Tape (DAT), principalement parce que l’industrie du copyright a été autorisée à orienter la conception en faveur de ses intérêts. Cette cassette, bien que techniquement supérieure à la cassette audio analogique, empêchait délibérément la copie de musique, à un point tel que le grand public la rejeta en bloc. C’est un exemple de technologie que l’industrie du copyright a réussi à tuer, bien que je doute que cela ait été intentionnel : on a simplement exaucé leurs vœux sur le fonctionnement du matériel afin de ne pas perturber le statu-quo.

En 1994, la Fraunhofer-Gesellschaft publia un prototype d’implémentation de sa technique de codage numérique qui devait révolutionner l’audio numérique. Elle rendait possible des fichiers audio de qualité CD n’occupant qu’un dixième de cet espace, ce qui était très apprécié à cette époque où un disque dur typique ne faisait que quelques gigaoctets. Connu sous le nom technique de MPEG-1 Audio Layer III, il a rapidement été connu sous le nom de « MP3 » dans la vie courante. L’industrie du copyright s’est encore plainte, le qualifiant de technologie ne pouvant être utilisée qu’à des fins criminelles. Le premier lecteur de MP3 à succès, le Diamond Rio, a vu le jour en 1998. Il avait 32 mégaoctets de mémoire. Malgré des bonnes ventes, l’industrie du copyright a attaqué son créateur, Diamond Multimedia, jusqu’à l’oubli : alors que le procès était invalidé, l’entreprise ne s’est pas remise du fardeau de sa défense. Les avocats de ces industries ont agressivement tenté d’obtenir l’interdiction des lecteurs MP3.

À la fin du siècle, les apôtres du copyright firent pression en faveur d’une nouvelle loi aux États-Unis, le Digital Millennium Copyright Act (DMCA), qui aurait tué Internet et les média sociaux en introduisant la responsabilité de l’intermédiaire — tuant dans l’œuf les réseaux sociaux. C’est seulement avec de gros efforts que l’industrie technologique a évité le désastre en introduisant une « responsabilité amoindrie » qui protège les hébergeurs à condition que ceux-ci dénoncent les utilisateurs finaux sur demande. Internet et les media sociaux ont échappé de très peu au massacre opéré par l’industrie du copyright, et n’en sont pas encore pleinement remis.

Juste après le début du nouveau siècle, l’utilisation des enregistreurs numériques était considérée comme du vol car elle permettait d’éviter les coupures publicitaires (comme si personne ne faisait cela avant).

En 2003, l’industrie du copyright a tenté de s’immiscer dans le design de la HDTV, avec un « broadcast flag » (littéralement « marqueur de diffusion ») qui aurait rendu illégale la fabrication de matériel capable de copier des films ainsi marqués. Aux États-Unis, la FCC (« Federal Communications Commission » ? « Commission fédérale des communications ») a miraculeusement accédé à cette demande, mais le projet a été réduit en cendres par les juges, qui ont déclaré qu’elle avait outrepassé ses prérogatives.

Ce que nous avons là, c’est un siècle de mensonges, un siècle qui met au grand jour la culture interne propre à l’industrie du copyright. Chaque fois qu’une nouveauté est apparue, l’industrie du copyright a appris à pleurer comme un bébé affamé, et a presque à chaque fois réussi à faire en sorte que le législateur dirige vers elle l’argent du contribuable ou restreigne les industries concurrentes. Et à chaque fois que l’industrie du copyright réussit à le faire, ce comportement s’en est trouvé encore renforcé.

Il est plus que temps que l’industrie du copyright perde ses privilèges, chacune des redevances qu’elles perçoit et qu’elle soit expulsée de son nid douillet pour se mettre au boulot et apprendre à opérer sur un marché libre et équitable.

Notes

[1] Crédit photo : Jonathan Powell (Creative Commons By)




Geektionnerd : DePiraatBaai.be

Pour en savoir plus sur le blocage de The Pirate Bay en Belgique, voir Le Monde ou Numérama.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




9 % pour le Parti Pirate à Berlin ! Et si la politique pouvait vraiment être réformée ?

Tobias Wolter - CC byLe Parti pirate allemand de Berlin n’osait espérer dépasser les 5% pour obtenir des sièges lors des élections de dimanche au parlement régional, il en a obtenu près du double en créant une véritable sensation qui va bien au delà des frontières de la cité.

Bien sûr il y a un ensemble de facteurs favorables liés au contexte local qui peuvent expliquer cet incroyable résultat (nature des élections, situation politique générale en Allemagne, dynamisme particulier de la jeunesse de cette ville…). Ce n’est donc pas demain la veille que tous les partis pirates européens auront 10% à toutes les élections.

Il n’en demeure pas moins que, tout comme le succès du Parti pirate suédois aux élections européennes de 2009, la date est à marquer d’une pierre blanche, de celle qui transcende et exalte le champ des possibles.

« Nous allons démontrer que la politique peut être réformée », nous promet ci-dessous le président du Parti pirate allemand, à la suite de ce succès[1].

C’est tout le mal que nous leur souhaitons, d’autant qu’il va sans dire que le logiciel libre n’était pas absent de leur programme de campagne (une campagne hyperactive sur Internet et qui n’a coûté au final que 40 000 euros, soit dit en passant, alors que les autres partis dépensaient des millions).

Hier les indignés de la Puerta del Sol, aujourd’hui le Parti pirate berlinois, demain viendra peut-être le tour de la France qui sait ?

Le parti pirate entre au Parlement de Berlin après une victoire historique aux élections

Pirate Party Enters Berlin Parliament After Historical Election Win

Ernesto – 18 septembre 2011 – TorrentFreak.com
(Traduction Framalang : Don Rico, Duthils, Lolo le 13, Mammig et Ypll)

Pour la première fois, un parti pirate a réussi à obtenir des sièges dans un parlement régional. Avec une estimation de 9% du total des suffrages, le Parti pirate dépasse de 5% le seuil nécessaire pour entrer au Parlement de Berlin et gagne plusieurs sièges. Pour le mouvement international des partis pirates, c’est un deuxième succès important après celui, suédois, des élections européennes de 2009.

Le Parti pirate allemand a remporté une brillante victoire aux élections du Parlement du land de Berlin. Deux heures après la fermeture des bureaux de vote, les premiers résultats indiquaient que les pirates avaient réuni 9% des suffrages. Cela se traduira par l’obtention de quinze sièges au Parlement.

Fondé en septembre 2006, le Parti pirate allemand a déjà enregistré plusieurs succès au cours de son existence relativement courte. Jusqu’à présent, le parti comptait plus de cinquante membres exerçant des mandats dans diverses circonscriptions allemandes, plus que dans tous les autres pays d’Europe réunis. Toutefois, le résultat du scrutin du 18 septembre reste sans précédent.


Jamais un parti pirate n’avait obtenu de siège dans un parlement régional ou un conseil fédéral. Le seuil requis pour obtenir un siège étant de 5%, l’exploit des élections berlinoises n’en est que plus impressionnant.

Les premiers résultats montrent que le Parti pirate a fait le plein de voix essentiellement chez les votants les plus jeunes. Quinze pour cent des électeurs de moins de trente ans ont voté pour le Parti pirate, mais même chez les soixante ans et plus, un faible pourcentage a donné son bulletin aux pirates.

Victoire électorale pour les pirates

Parti Pirate Berlin - Résultats

TorrentFreak a demandé à Sebastian Nerz, président du Parti pirate allemand, ce que ce succès signifiait pour son parti. Il nous a répondu que l’augmentation de son financement et son influence croissante permettront au Parti d’avoir un impact plus grand.

« Pour l’instant, le Parti pirate allemand n’a aucun salarié », explique Nerz. « Tous ceux qui travaillent pour le parti – y compris moi-même – le font en tant que bénévoles. Les députés, eux, sont payés pour leur travail. En outre, ils reçoivent de l’argent de l’État pour payer leurs assistants et leurs collègues. Cela permettra à ces pirates de travailler à plein temps pour le parti, et nous donnera ainsi plus de main d’oeuvre.

« Un autre avantage est que les citoyens et les médias prennent les partis qui ont accès au parlement beaucoup plus au sérieux. Bien des fois on m’a dit « votre parti n’est pas considéré parce qu’il n’a aucun élu ». Suite au succès de ce week-end, le parti sera nettement mieux placé sur ce plan.

De plus, le Parti pirate s’attend à une augmentation de ses membres grâce à son bon score, ainsi que du nombre de personnes travaillant pour le parti. Quant aux idées défendues, le parti se veut aussi transparent que possible, il veut améliorer la protection de la vie privée des citoyens, supprimer les brevets et limiter l’emprise toujours grandissante des organisations exploitant le droit d’auteur.

« Nous allons montrer qu’il est possible de faire de la politique de manière transparente. Jusqu’à maintenant, la politique est un domaine nébuleux et interdit. Les réunions sont tenues à huis clos, les ordres du jour et comptes-rendus sont tenus secrets, les traités non publiés », a déclaré Nerz à TorrentFreak.

« Nous démontrerons qu’il est possible d’informer ouvertement et sans mentir les citoyens de ce qu’il se passe, des alternatives possibles et pourquoi une certaine voie a été choisie. Nous démontrerons que les citoyens peuvent être intégrés dans les processus d’étude des faits et dans les choix politiques. Pourquoi ne pas demander aux citoyens leur opinion avant de décider ? Ça vaut bien un essai ! »

Une chose est sûre. Le Parti pirate a fait un score fantastique aujourd’hui. Avec ce résultat, le Parlement du land de Berlin sentira sans doute le vent frais venant du parti le plus technophile et respectueux de la vie privée. Tous les candidats de Berlin sont prêts et impatients de commencer, d’après le président.

« Pour être bref : Nous allons démontrer que la politique peut être réformée », dit Nerz

Note : nous mettrons à jour les pourcentages au fur et à mesure des résultats

Notes

[1] Crédit photo : Tobias Wolter (Creative Commons By)




Ne dites plus Copyright mais Monopole du Copyright !

taxbrackets.org - CC byLes mots ont un sens, et ce n’est pas notre librologue Valentin Villenave qui nous contredira.

De la même manière qu’on critique Stallman lorsqu’un logiciel non libre devient un logiciel « privateur », on reproche à Rick Falkvinge d’accoler systématiquement « monopole » à « copyright ».

Il a choisi de s’en expliquer ci-dessous[1].

On notera que ce billet est publié dans le triste contexte européen du prolongement de la protection des droits des interprètes musicaux pendant 70 ans. Vous appelez cela comment vous ?

Rick Falkvinge est le fondateur du Parti pirate suédois et a déjà fait l’objet de billets sur ce blog (ici et ).

Si le sujet vous intéresse, nous rappelons l’existence de notre framabook un brin provocateur qui se propose de carrément supprimer le copyright.

Pourquoi je persiste à parler de « Monopole du Copyright »

Why I Insist On Saying “The Copyright Monopoly”

Rick Falkvinge – 12 septembre 201 – Site personnel
(Traduction Framalang : Don Rico)

Certains se demandent pourquoi j’emploie toujours le terme de « monopole du copyright » plutôt qu’utiliser simplement le mot « copyright ». « N’est-ce pas de la rhétorique de bas étage ? », m’interroge-t-on. Cette formule n’est ni médiocre, ni un effet de rhétorique. Comme je tente souvent de la faire, j’ai choisi ces mots avec soin pour mettre en lumière un problème important.

Dans une salle d’audience, on n’entend jamais les avocats du copyright utiliser l’expression courante « Nous possédons les droits de ce film ». Ils préfèrent employer la formule juridique « Nous détenons les droits exclusifs de ce film ».

Le vocabulaire et le jargon juridiques sont parfois complexes, et nous avons tous le devoir d’expliquer au public les complexités du monopole du copyright dans les termes les plus compréhensibles possible.

Pour beaucoup, un droit exclusif reste une notion théorique et mystérieuse. C’est pourquoi je préfère de loin le terme monopole, sémantiquement identique.

On notera que j’emploie là le vocabulaire même de l’industrie du copyright et me contente de remplacer un mot par un synonyme compris du plus grand nombre.

Il existe une autre motivation à mon choix. En parlant de « monopole du copyright » plutôt que de « copyright », on insiste sur la nature de la législation, sur le fait qu’il s’agit d’un droit exclusif, ou… monopole, lequel est en opposition aux droits de la propriété, et n’en est justement pas un. Le simple fait d’employer des termes précis et transparents permettra de mettre en lumière cet abus de langage.

J’ai pu discuter avec deux professeurs de droit qui n’éprouvaient aucune difficulté à recourir au terme « monopole » pour débattre de la législation, ce mot étant tout à fait correct. (Toutefois, lorsqu’un troisième juriste m’a demandé de m’expliquer, j’ai précisé que je parle d’une monopole statutaire (de jure), et non d’une position commerciale dominante abusive (de facto). Chacun a été satisfait, et la conversation s’est poursuivie.)


Pour finir, si l’industrie du copyright ne supporte pas que j’utilise l’expression « monopole du copyright », c’est pour la simple raison qu’elle énonce clairement la nature de la législation à ceux qui n’ont pas encore pris la peine de se pencher sur la question. Le terme monopole a une connotation négative, certes, mais pour une bonne raison. Si certains réagissent mal lorsque j’emploie des mots corrects et faciles à comprendre pour illustrer la situation, c’est à cause de la situation elle-même.

Voilà pourquoi j’aimerais que d’autres que moi parlent systématiquement de « monopole du copyright ». Nous sommes chargés d’une mission, celle d’éduquer le grand public à la nature véritable de cette législation.

Notes

[1] Crédit photo : taxbrackets.org (Creative Commons By (image sur Flickr))




La pathétique histoire d’un glaçon qui ne voulait pas fondre

Zimontkowski - CC by-sa - Wikimedia CommonsComment dire avec la plus extrême courtoisie à l’« industrie du copyright » qu’elle fait définitivement fausse route et que, quelles que soient les risibles barrières qu’elle tente de mettre en place, rien ne pourra empêcher sa nécessaire et profonde mutation ?

En se retournant vers le passé et en allant chercher un exemple tout à fait cinglant et probant : la disparition des vendeurs de pain de glace causée par l’arrivée inopinée des réfrigérateurs[1].

C’est l’histoire que nous narre avec brio Rick Falkvinge, fondateur du Parti pirate suédois (interviewé ici sur le Framablog).

C’est bien sûr une histoire triste si l’on se place du côté des vendeurs de pain de glace.

Mais ainsi va la vie et c’est également fort caustique lorsque l’on pense à tous les vains efforts que déploie actuellement dans la panique l’« industrie du copyright ». J’espère que ceux qui en font partie ne tomberont pas sur ce billet car ils se sentiraient alors bien morveux !

Personne ne demanda de redevance sur les réfrigérateurs

Nobody Asked For A Refrigerator Fee

Rick Falkvinge – 21 août 2011 – TorrentFreak
(Traduction Framalang : Ypll, Brandelune, Barbidule, Goofy et Lolo le 13)

J’habite à Stockholm, en Suède. Il y a cent ans, un des plus gros employeurs de la ville était une entreprise du nom de Stockholm Ice. Son activité était aussi simple que nécessaire : aider à conserver les denrées périssables comestibles plus longtemps en distribuant du froid dans un format portable.

L’hiver, ses employés coupaient de gros blocs de glace sur les lacs gelés, ils les stockaient sur de la sciure dans d’énormes granges, puis coupaient les blocs en morceaux plus petits qu’ils vendaient dans la rue. Les gens achetaient la glace et la conservaient avec la nourriture dans des placards spéciaux, de telle sorte que la nourriture soit entreposée au frais.

(C’est pour cette raison que certaines personnes âgées appellent encore les réfrigérateurs des « boites à glace ».)

Lorsque les maisons furent électrifiées dans la première moitié du siècle dernier, ces distributeurs de froid devinrent obsolètes. Après tout, ce qu’ils distribuaient, c’était la possibilité de conserver la nourriture au frais alors que d’un seul coup tout le monde pouvait y arriver sans aide.

Cela prit relativement peu de temps dans les villes. Avec la disponibilité des réfrigérateurs à partir de 1920 environ, la plupart des ménages furent équipés avant la fin des années 1930. Un des plus gros employeurs de la ville – les distributeurs de froid – était devenu complètement obsolète à cause du développement technique.

Cette époque vit de nombreux drames humains, les hommes de la glace perdant leur gagne-pain et devant se reconvertir pour trouver des emplois dans des domaines complètement nouveaux. La profession de vendeur de glace n’était déjà pas facile, et le fait de voir son fonds de commerce se désintégrer en temps réel ne l’a pas rendu plus simple.

Mais voici ce qui ne s’est pas passé lors de la décrépitude de l’industrie de la distribution de glace :

  • Aucun propriétaire de réfrigérateur ne fut poursuivi pour production de son propre froid et contournement des chaînes de distribution du froid existantes .
  • Aucune loi ne fut proposée pour rendre les compagnies d’électricité pénalement responsables si l’électricité qu’elles fournissaient était utilisée d’une manière qui détruise les emplois des glaciers.
  • Personne ne demanda de redevance mensuelle sur les réfrigérateurs aux propriétaires de réfrigérateurs, redevance perçue par le Syndicat des glaciers.
  • Aucun panel d’experts grassement payés ne fut instauré pour dire dans un parfait consensus à quel point les glaciers étaient nécessaires pour l’ensemble de l’économie.

Au lieu de cela, leur monopole de distribution devint obsolète, fut contourné, et l’économie tout entière bénéficia de la décentralisation qui en découla.

Nous assistons actuellement à une répétition de ce scénario, mais où l’industrie de la distribution – l’industrie du copyright – a l’audace de venir exiger des lois d’exception et d’affirmer que l’économie s’effondrera sans leurs services inutiles. Mais l’histoire nous apprend, à chaque fois, que le déclin d’une industrie est positif. Cela signifie que nous avons appris quelque chose d’important – faire les choses plus efficacement. De nouvelles compétences et de nouvelles activités apparaissent toujours après coup.

L’industrie du copyright nous répète, jusqu’à plus soif, que si elle ne peut pas faire graver son monopole de distribution obsolète dans la loi, avec des sanctions toujours plus lourdes pour qui l’ignorerait, la création culturelle ne pourra exister. Comme nous l’avons vu, tout aussi régulièrement, ce sont des foutaises.

Ce qui est peut-être vrai, c’est que l’industrie du copyright ne peut plus investir un million de dollars US pour produire un titre. Mais vous ne pouvez pas exiger un monopole légal en ne prenant en compte que vos coûts, alors que d’autres font la même chose pour beaucoup moins – pratiquement zéro. Il n’y a jamais eu autant de musique disponible que maintenant, simplement parce que nous aimons tous créer. Et pas pour de l’argent, mais parce que nous sommes ainsi. Nous avons toujours créé.

Que dire des films, alors ? Des productions de plusieurs centaines de millions ? Il y a des exemples de films faits dans un garage (un d’entre eux a même fait mieux que Casablanca, et est devenu le film le plus vu de tous les temps dans son pays d’origine). Mais peut-être l’argument est-il quelque peu plus puissant par rapport aux productions de type blockbuster.

J’irais même plus loin : même s’il est vrai que les films ne peuvent plus se faire de la même manière tout en préservant à la fois Internet et nos libertés individuelles, alors peut-être qu’il s’agit de l’évolution naturelle de la culture.

Je passe pas mal de temps avec des ados dans mon action avec le Parti Pirate. Une chose qui me frappe est qu’ils ne regardent pas de films, en tout cas beaucoup moins que lorsque j’étais ado. Tout comme j’ai jeté mon poste de télé il y a 15 ans, peut-être n’est-ce que la progression naturelle de la culture. Personne ne serait surpris si nous passions de la culture du monologue à la culture du dialogue et de la conversation à ce point de notre histoire.

Après tout, nous avons déjà eu les opérettes, les ballets et les concerts comme points culminants de la culture. Même les feuilletons radophoniques (dont certains très connus). Personne n’est particulièrement choqué que ces expressions aient eu leur heure de gloire et que la société soit passée à de nouvelles expressions culturelles. Graver dans le marbre de la loi les formes contemporaines de culture n’apporte aucune valeur ajoutée et entrave les évolutions que nous avons toujours connues, pour empêcher les changements qui se sont déjà produits.

Partout où je regarde, je vois que les monopoles de copyright doivent être réduits pour permettre à la société de se sortir de la mainmise actuelle sur la culture et le savoir. Les ados d’aujourd’hui ne voient en général même pas le problème – ils considèrent comme totalement normal le partage dans le monde connecté, à tel point qu’ils écartent tout signe du contraire comme bêtise d’antan.

Et ils ne demandent certainement pas de redevance sur les réfrigérateurs.

Rick Falkvinge est un chroniqueur régulier de TorrentFreak, et partage ses réflexions de temps à autre. Il est le fondateur du Parti Pirate Suédois, aficionado de whisky, et pilote de moto au ras des pâquerettes. Son blog http://falkvinge.net est spécialisé en politique des médias.

Notes

[1] Crédit photo : Zimontkowski (Creative Commons By-Sa)