Dans un récent billet nous évoquions la stratégie planétaire de Microsoft dans le secteur éducatif en nous focalisant sur une école française prise consciemment ou non dans les mailles du filet.
Voici que le blog d’André Cotte apporte de l’eau à notre moulin, en signalant et hébergeant un document intéressant rédigé par Marc-Antoine Daneau, étudiant québécois en économie et politique.
Son article évoque en effet les comportements et agissements de la société dans cette région du monde[1]. Un altruisme de façade dont s’accommode souvent fort bien les hommes au pouvoir qui ont du mal à voir plus loin que le court terme. L’état des caisses de l’État faisant le reste…
Et ce n’est pas seulement le logiciel libre qui s’en trouve bloqué mais peut-être aussi le continent tout entier.
Vous trouverez dans le document d’origine une bibliographie non reproduite ici.
L’imposition d’une dépendance : les actions de Microsoft en Afrique
URL d’origine du document (pdf)
Marc-Antoine Daneau – 24 novembre 2009
GNU Free Documentation License
Avec la bulle internet de 1995 à 2000, les technologies de l’information sont entrées de plein fouet dans la culture des pays développés. D’un réseau militaire à un réseau de recherche universitaire, l’internet s’est imposé dans les années 90 telle une révolution informationnelle encore plus rapide que celle imposée par la télévision.
Tout maintenant se trouve et se fait en ligne. Le changement a été tellement rapide qu’on ne conçoit plus la vie sociale et économique sans ce formidable moyen de communication, pis encore, moins d’une génération est passée entre l’apparition des premiers hackers[2] de Berkeley et la normalisation de l’internet en occident.
Cependant et sans grande surprise, ce qui fut une révolution dans les pays développés fut l’établissement d’un retard technologique dans les pays qui le sont moins ou ne le sont tout simplement pas.
La fracture numérique
Le territoire le plus en retard au niveau des technologies de communication est bien évidemment l’Afrique. Dans ce continent où il n’y a rien, tout est à construire, tellement que dans le domaine de la technologie informatique, on y parle de fracture numérique[3]. À propos de l’informatique et d’internet précisément, l’Afrique est terriblement en retard[4][5]. Ce problème se conçoit de deux façons, pour les Africains, il importe de réduire cette fracture numérique pour profiter de la technologie existante; pour les pays développés, il convient de voir l’Afrique comme un marché à développer.
Plus précisément, ce texte porte sur les actions la firme américaine Microsoft en Afrique. Est-ce le fait que Microsoft veuille conquérir le marché africain est à l’avantage des Africains eux-mêmes ou s’agit-il de l’exploitation classique du nord envers le sud ? Ce texte tentera de démontrer qu’agissant ainsi, une firme très importante d’un pays riche tente d’exporter une vieille et désuète technologie dans des pays pauvres.
Logiciels libres versus logiciels propriétaires
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de présenter les deux modèles économiques existant actuellement en informatique.
Le premier modèle économique est celui qui domine actuellement le marché résidentiel et commercial, soit celui du logiciel propriétaire à code source fermé. Le code source, ce qui est écrit par les programmeurs, n’est pas disponible et gardé secret, ce qui permet aux fabricants de logiciels de vendre des exécutables, des logiciels d’installation autrement dit. La logique de cette mise en marché sous-tend une affirmation générale que l’acheteur doit avoir une confiance absolue envers le fabricant de logiciels. Ce dernier affirmera, à tort ou à raison, que son logiciel est le meilleur du marché, le plus sécuritaire, le plus efficace, le moins gourmand en ressource informatique, etc. La frontière entre la véracité de ces affirmations et la publicité est bien mince et en pratique souvent impossible à déterminer. Le plus gros fabricant de logiciels au monde est Microsoft, que ce soit par son système d’exploitation, le très populaire Windows ou par sa suite bureautique aussi très populaire, Office. Il est à noter que la structure de prix des produits Microsoft maximise leur marge de profits, en étant en situation de quasi-monopole, ils vendent une trop petite quantité trop cher en plus de faire de la discrimination par les prix.
Le modèle économique[6] opposé est celui du logiciel libre, à code source ouvert, ou Linux[7]. Il est reconnu que le logiciel libre est plus stable, plus rapide et plus sécuritaire que les logiciels propriétaires du type de ceux fournis par Microsoft, en plus d’être gratuit et modifiable. Ce que vendent les compagnies qui travaillent avec du logiciel libre, c’est le service. Ce qui différencie les deux modèles au niveau de leur conception est que quand le code source est confidentiel, il est produit par une petite équipe, quand il est ouvert, tout le monde peut l’améliorer ou y ajouter des fonctions, ce qui fait que la progression du logiciel libre est beaucoup plus rapide que celle du logiciel propriétaire.
Ce sont ces deux modèles économiques qui s’affrontent pour le marché africain, d’un côté une firme américaine devenue un monstre multinational qui voit dans le lent développement de l’Afrique une occasion à ne pas manquer pour placer les Africains en position de dépendance informatique[8] s’assurant ainsi un profit maximum à long terme, de l’autre un modèle axé sur l’indépendance informatique, gratuit et adaptable selon les divers besoins. Ce qui revient à la phrase célèbre de Conficius : « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson ».
Un patrimoine de l’humanité fragile
Depuis 1998, l’UNESCO supportait les logiciels libres et en 2003 lui octroya ses titres de noblesse en les classant patrimoine mondial de l’humanité[9]. Néanmoins, le principal intéressé de ce progrès, Richard Stallman et la Free Software Foundation, mettait en garde contre la perte de liberté, du combat à mener pour l’indépendance logicielle dans une lettre adressée à l’Unesco :
But our freedom is not permanently assured. The world does not stand still, and we cannot count on having freedom five years from now, just because we have it today. Free software faces difficult challenges and dangers. It will take determined efforts to preserve our freedom, just as it took to obtain freedom in the first place[10].
Malheureusement, Stallman avait raison, mais en ayant surestimé le temps de réponse de l’industrie du logiciel propriétaire, la charge vint le 17 novembre 2004. En cette date, Microsoft devint un partenaire de l’Unesco, ce qui allait en direction opposée du constat émis par la Cnuced dans un rapport parut en 2003 qui conseillait : « aux pays en développement d’envisager d’adopter les logiciels libres en tant que moyen de combler le fossé numérique »[11].
Avec la signature de cet accord, « Microsoft va ainsi contribuer à la réduction de la fracture numérique » de quatre manières : recyclage de vieux ordinateurs personnels, formation d’enseignants en informatique dans les pays en voie de développement, ouverture d’un centre de ressources informatiques dans le Maghreb et la mise en place d’une « plate-forme pour le partage de contenus numériques ».
Avec cet accord, Microsoft s’engageait aussi à livrer des ordinateurs dans tous les pays d’Afrique, l’Unesco, toujours selon cet accord ferait en sorte que Microsoft en livre partout en Afrique même là où son intérêt économique serait diminué[12].
Il importe ici d’apporter une nuance essentielle, les enseignants qui seront formés par Microsoft le seront en fonction des produits de cette même firme, pas en fonction de l’informatique ou du fonctionnement d’un ordinateur en soit. Ainsi, quand ces enseignants feront leur boulot, ils enseigneront le fonctionnement des produits Microsoft, ils agiront comme formateurs bénévoles au profit de Microsoft et transmettront leur dépendance informatique à leurs élèves.
Cette même date, lors d’une conférence de presse à Paris, Koïchito Matsuura, directeur général de l’Unesco, affirma que « l’ONU avait reconnu le rôle du secteur privé pour lutter contre la fracture numérique »[13]. Loin de nous ici de douter des mauvaises intentions de l’ONU dans ce dossier, l’Unesco est tributaire des fonds qu’on daigne bien lui alouer, sans plus. Cependant, il est raisonnable de penser que les Africains qui voyaient dans le logiciel libre une façon de se défaire de la dépendance de ce continent sous-développé envers la monde industrisé y ont vu au pire une défaite dans ce combat de la part de leur allié que devrait être l’Unesco, au mieux une instrumentalisation de l’Unesco par Microsoft[14].
Le point de vue des activistes du logiciel libre
Cet accord ne tarda pas à faire réagir. Un peu plus d’une semaine après l’accord parait sur internet un article sur les réactions des activistes du logiciel libre à l’endroit de l’accord. Benoît Sibaud, président de l’April[15], affirmait que l’Unesco « sous-traite ses valeurs au secteur privée » et que « Microsoft détient là une bonne manière de s’infiltrer dans les pays en voie développement. Et ça ne lui coûte pas grand-chose, car il peut se rattraper sur la marge qu’il réalise sur le prix de ses licences dans les pays du Nord »[16]. L’article se termine sur l’affirmation que tant l’April que l’Unesco « s’accordent à dire que si les logiciels propriétaires peuvent aider au développement, ils ne contribuent certainement pas au développement durable ».
C’est bien là tout le problème, qu’un organisme de la trempe de l’Unesco soit pret à permettre un développement qu’il sait voué à l’échec à long terme puisque n’étant pas durable. Janvier 2005, une lettre d’opinion scandalisée est publiée par Benoît Sibaud, Frédéric Couchet[17] et Sergio Amadeu da Silveira[18] dans Libération. Ceux-ci affirment qu’« en faisant le choix du logiciel propriétaire, un État se limite à louer une technologie » au lieu de se l’approprier et de la développer. Ces 3 spécialistes et militants en faveur des logiciels libres mentionnent les spécificités linguistiques de l’Afrique et de ses multiples langues. À titre d’exemple, les auteurs de la lettre d’opinion mentionnent que le navigateur internet Mozilla Firefox a été traduit en luganda[19] « par une petite équipe de huit … utilisateurs motivés … sans financement et sans organisation formelle »[20].
En matière de sécurité informatique, les trois spécialistes cités ci-haut mentionnent que les États qui se fient à Microsoft vont même jusqu’à abdiquer une partie de leur souveraineté étant donné le caractère fermé du code de Microsoft. En effet, comme il est impossible de savoir ce qu’il contient, la sécurité et l’intégrité des données sont remises entre les mains de Microsoft à qui il faut faire confiance[21]. Il apparaît en effet inconcevable qu’un continent qui essaie de se sortir du sous-développement, et donc qui veut prendre la place qui lui revient sur les marchés, et donc dans le domaine de la recherche et du développement (R&D) puissent penser sérieusement pouvoir le faire avec des outils informatiques qui n’assurent en rien la confidentialité ou même l’intégrité de leurs données. Il est clair que d’un point de vue de la sécurité, les pays africains qui font ou feront confiance à Microsoft ouvre la porte à l’espionnage économique.
À ce sujet, la ville de Munich a parfaitement compris et mis en application ce principe, parut en 2008 sur papier, mais se préparant depuis 2001, elle a émis une “Declaration of Independence” informatique, “rather than lowering the IT costs, the main motive is the desire for stratregic independence from software suppliers”[22].
Toujours au niveau de la sécurité informatique, l’affirmation la plus surprennante arrive de la NSA : “Unfortunately, existing mainstream operating systems lack the critical security feature required for enforcing separation: mandatory access control”[23].
C’est dans cette optique qu’il est possible de conclure qu’un pays développé exporte ses vieilles technologies désuètes dans les pays en développement. Les éléments stratégiques de la sécurité nationale américaine sont protégés autant que possible par Linux, mais en même temps, une entreprise de ce même pays exporte dans des pays déjà en difficulté un produit, Microsoft Windows, qui officiellement selon le gouvernement américain n’est pas sécuritaire. Combiné à la publicité de Microsoft et d’un point de vue stratégique, il s’agit de leur vendre un produit qu’on affirme miraculeux, mais qui est dans les faits déficient et dangereux[24].
Ce qui revient à faire payer les Africains pour qu’ils obtiennent le droit à une position de faiblesse au niveau de l’espionnage économique, scientifique et politique.
Le point de vue de Microsoft
La réponse de Microsoft aux accusations d’impérialisme fut pour le moins douteuse, publiée sur le réputé site de nouvelles informatiques Zdnet.com. Le responsable de Microsoft Nigéria, Gerald Ilukwe, affirmait sans gène que le “cost is not important” pour les gouvernements africains, tout en reconnaissant que le salaire moyen d’une Africain résidant dans l’ouest du continent est de 160 dollars américains par année.
Tout comme Neil Holloway, président de Microsoft en Europe, M.Ilukwe maintient que le problème est la connaissance des technologies, et donc implicitement, que la propriété des outils de l’information est accessoire. Tel un missionnaire généreux baignant dans l’altruisme, M.Holloway affirmait “It’s not about the cost of software, it’s about how you take your expertise to people. We are sharing our expertise…”[25].
La campagne de marketing de Microsoft continua inexorablement, toujours avec le même message, Cheick Diarra, responsable des opérations de la firme en Afrique, affirma pour répondre à ses détracteurs que “I try to advise Microsoft, as an ambassador from Africa…”[26], donc, de la manière la plus sérieuse possible, le responsable des opérations africaines de Microsoft affirma être l’ambassadeur des Africains en matière de besoin informatique auprès de la firme qui le rémunère justement pour extraire de l’Afrique le peu de profit, à court terme, qu’il soit économiquement possible d’en tirer.
L’affirmation de M.Diarra dépasse largement le stade du sophisme par l’absence de logique circulaire de son affirmation. L’image que Microsoft veut avoir en Afrique est celle d’une multinationale qui agit pour le bien et le progrès de l’humanité, sans égards à sa marge de profit. Comme si l’entreprise avait une conscience morale, qui en plus d’exister, serait tournée vers l’humanitaire.
Un article du Wall Street Journal qui donne le ton
S’il y a lieu de douter des bonnes intentions de Microsoft, encore faut-il le prouver. Malheureusement, les faits sont récents, les soupçons généreux et cette firme n’ira pas tout bonnement avouer dans un communiqué qu’elle a le comportement colonial et qu’elle tente par la fourberie d’acquérir le marché[27] africain du logiciel.
Néanmoins, un article paru dans le prestigieux Wall Street Journal sous la plume de Steve Stecklow le 28 octobre 2008[28] nous en apprend beaucoup sur les méthodes et les agissements de Microsoft en Afrique.
Premièrement illustration la plus grossière, ils ont embauché des gens bien placés en Namibie. Ils ont engagé Sean Nicholson, auparavant “adviser to Namibia’s Ministry of Education, promoting open-source software” et toujours en ce même pays, Kerii Tjitendero “as a contractor to help in (the) process”. Cependant, M.Tjitendero est le fils de Mose Tjitendero, “formerly speaker of Namibia’s national assembly, who signed the government’s Pathfinder agreement with Microsoft”. Malgré une telle proximité qui serait bannie de facto dans les pays développés, Microsoft affirma que “Kerii had the professional background that made him a good fit for this role”.
Toujours du même article, Microsoft tenta au Nigéria d’acheter pour 400 000 dollars[29] le remplacement de Linux sur les ordinateurs portables des écoles par des produits Microsoft.
Au sujet du Pathfinder, le plan d’action de Microsoft en Afrique, l’article de Stecklow nous apprend que dans une école de Namibie en 2004, à Katima Mulilo, Eric Kouskalis, alors étudiant à Harvard, était enseignant pour l’organisation WorldTeach. Il affirma des ordinateurs fournis par Microsoft qu’ils “weren’t being used at all” bien qu’il “spent weeks fixing software and hardware problems”. Et il en rajoute, si plus d’un étudiant voulait accéder à l’encyclopédie de Microsoft, Encarta, “everything would freeze up”.
Donc, de cette expérience, deux constats peuvent être tirés, soit qu’en fournissant sa propre Encyclopédie aux Africains, Microsoft leur fourni la vision américaine de l’histoire mondiale et des connaissances en général, et aussi que les problèmes logiciels que les produits Microsoft font subir aux consommateurs occidentaux sont les mêmes éprouvés par les Africains, soit l’instabilité et la médiocrité naturelle et intrinsèque de leurs produits. Quant bien même Microsoft leur vendrait un “special $3 Windows package”[30][31], avoir des ordinateurs, mais être bloqué par les logiciels ne vaut pas 3 dollars.
Néanmoins, en juin 2005, Microsoft déclara que Pathfinder était “a success” pour par la suite promettre 4000 ordinateurs usagés à la Namibie, sur ce nombre, 1300 ont été livrés. L’école de Katima Mulilo en reçut 20, le directeur de l’école, Fias Geel, affirma au sujet des ordinateurs reçus que “all but four were broken”. Un autre directeur d’école de la région, Paul Damaseb, affirma qu’aucun de ses 565 étudiants ne pouvait utiliser les ordinateurs “because of a server crash”. Par la suite, Microsoft admit que l’expérience de PathFinder était un processus d’apprentissage “valuable”, ce qui n’empêcha pas le gouvernement de la Namibie de stopper l’action des professeurs de ses écoles qui installaient Linux pour promettre 200 ordinateurs et finalement n’en livrer que 55, “all containing Microsoft software, says a person familiar with the matter”.
PathFinder et Unlimited Potential
Depuis, avec le succès limité, aux yeux de Microsoft, de PathFinder, la firme a lancé un autre programme à la conquête du marché africain, Unlimited Potential. Bien que trop récent pour pouvoir le juger, notons cependant que les éléments avec lesquels Microsoft présente Unlimited Potential sont fondamentalement les mêmes qu’avec Pathfinder, soit à l’aide d’un vocabulaire positif portant sur les engagements Microsoft à l’égard de l’avancement des Africains ou encore des phrases creuses comme “training to its next generation of citizens”, pour être bien certains qu’ils ne connaissent de l’informatique que les produits Windows. La seule différence entre les deux programmes de mise en marché est que maintenant Microsoft légitimise son action avec l’appui reçu par l’Onu[32] et l’Unesco.
La firme clame en effet qu’elle veut “supports and accelerates Africa’s progress toward the Millennium Development Goals”[33]. Quand Microsoft affirme : “… we are working to enable sustained social and economic opportunity for everyone”[34], il serait plus juste de lire qu’ils travaillent pour le profit, comme n’importe quelle entreprise privée, la satisfaction des clients ou la fonctionnalité des produits n’a pas d’importance, pour autant que les clients paient.
Cela dit, face à la critique, Microsoft par l’intermédiaire de son responsable pour le continent africain, M.Diarra, tente de faire croire qu’il ne s’agit que d’un problème de communication, “… it’s sad that sometimes reality has a hard time catching up with perception … we are competing respectfully and openly; you can verify that everywhere”, il rajoute comme pour marteler le message à propos des actions de Microsoft en Afrique “we always try to empower those communities”[35].
Cela dit, en plus de ce qui est documenté, comme la corruption en Namibie, ce qui est douteux comme le fait qu’une entreprise affirme avoir à coeur le bien-être des plus exploités de la planète au cours des derniers siècles, comme si Microsoft n’agissait pas accord avec la continuité historique des rapports nord-sud, il y a ce qui est étrangement circonstanciel. Par exemple, en recoupant les informations vagues[36] disponibles sur le site de la Bill & Melinda Gates Foundation et les pays dans lesquels il y a moyen de savoir avec assurance que Microsoft travaille[37], on arrive à la conclusion qu’environ le deux tiers des pays où la fondation est active sont des pays où Microsoft l’est aussi.
Conclusion
En 2007, l’ampleur du désastre se mesurait, selon les affirmations officielles de Microsoft, par la conquête de “15 African countries: Angola, Burkina Faso, Gabon, Ghana, Kenya, Madagascar, Mozambique, Namibia, Nigeria, Rwanda, Senegal, Seychelles, Uganda, Botswana and South Africa, and to date has trained 200,000 teachers and reached 21 million students”[38]. C’est 21 millions de personnes, en plus des fonctionnaires des différentes administrations publiques africaines, que Microsoft a placées sous son contrôle. Il s’agit ici d’une forme lourde de dépendance au sentier, un sentier par ailleurs, sombre, sinueux et vaseux, où s’en sortir requière pour une société des coûts supérieurs à ce qu’aurait été l’investissement initial de l’éviter.
En faisant le choix des logiciels propriétaires de Microsoft au détriment des logiciels libres et gratuits GNU/Linux, les pays africains choisissent de payer pour un produit dont la qualité est plus que douteuse au niveau de l’efficacité informatique et carrément incertaine en ce qui a trait à la sécurité des informations gérées. De plus, ces pays n’auront pas le choix de payer pour les autres logiciels, comme des antivirus qui sont nécessaires avec Windows, ou payeront en temps, puisque Windows est impérativement plus lent que Linux, et ainsi de suite.
Bref, les logiciels propriétaires ne peuvent qu’être un mauvais choix pour toutes les administrations publiques et spécialement pour celles des pays en voie de développement, qui n’ont pas d’argent. Selon la formule rependue sur les blogues portant sur le sujet, « l’Afrique a déjà assez de problèmes comme ça, n’y ajoutez pas Microsoft” »[39]. Clairement, entre la dépendance que leur offre Microsoft et l’indépendance que leur offre Linux, les Africains et leurs gouvernements auraient tout avantage à choisir l’indépendance.
En conclusion, quand Microsoft parle de Windows comme d’un système d’exploitation, la firme a entièrement raison et est pour une fois honnête, car c’est tout ce que c’est : un système d’exploitation.