D’autres technologies pour répondre à l’urgence de la personne ?

« Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la Big Tech. Nous avons besoin de Small Tech – des outils de tous les jours conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises. »

Ce n’est pas une théorie complotiste : le profilage et la vente de données privées font, depuis des années, partie intégrante du modèle économique de la plupart des entreprises du numérique. Dans cet article traduit par Framalang, Aral Balkan (auquel nous faisons régulièrement écho) suggère qu’il est urgent de s’éloigner de ce modèle qui repose sur les résultats financiers pour gagner en indépendance et explique pourquoi c’est important pour chacun d’entre nous.

 

Article original : In 2020 and beyond, the battle to save personhood and democracy requires a radical overhaul of mainstream technology

Traduction Framalang : FranBAG, goofy, wisi_eu, gangsoleil, Khrys – Mise en forme :

En 2020 et au-delà, la bataille pour sauver l’identité individuelle et la démocratie exigera une révision radicale des technologies dominantes

par Aral Balkan

Un jeune garçon pilotant un canot sur un lac, durant les grands incendies australiens. Crédit photo: Allison Marion.

 

Alors que nous entrons dans une nouvelle décennie, l’humanité est confrontée à plusieurs urgences existentielles :

  1. L’urgence climatique1
  2. L’urgence démocratique
  3. L’urgence de la personne

Grâce à Greta Thunberg, nous parlons sans aucun doute de la première. La question de savoir si nous allons vraiment faire quelque chose à ce sujet, bien sûr, fait l’objet d’un débat.2

De même, grâce à la montée de l’extrême droite dans le monde entier sous la forme de (entre autres) Trump aux États-Unis, Johnson au Royaume-Uni, Bolsonaro au Brésil, Orban en Hongrie et Erdoğan en Turquie, nous parlons également de la seconde, y compris du rôle de la propagande (ou « infox ») et des médias sociaux dans sa propagation.

Celle sur laquelle nous sommes les plus désemparé·e·s et partagé·e·s, c’est la troisième, même si toutes les autres en découlent et en sont les symptômes. C’est l’urgence sans nom. Enfin, jusqu’à présent.

L’urgence de la personne

On ne peut pas comprendre « l’urgence de la personne » sans comprendre le rôle que la technologie de réseau et numérique grand public joue dans sa perpétuation.

Votre télé ne vous regardait pas, YouTube si.

La technologie traditionnelle – non numérique, pas en réseau – était un moyen de diffusion à sens unique. C’est la seule chose qu’un livre imprimé sur la presse Gutenberg et votre téléviseur analogique avaient en commun.

Autrefois, quand vous lisiez un journal, le journal ne vous lisait pas aussi. Lorsque vous regardiez la télévision, votre téléviseur ne vous regardait pas aussi (à moins que vous n’ayez spécifiquement permis à une société de mesure d’audience, comme Nielsen, d’attacher un audimètre à votre téléviseur).

Aujourd’hui, lorsque vous lisez le journal The Guardian en ligne, The Guardian – et plus de deux douzaines d’autres parties tierces, y compris la Nielsen susmentionnée – vous lit également. Quand vous regardez YouTube, YouTube vous regarde aussi.

Il ne s’agit pas d’une théorie de la conspiration farfelue, mais simplement du modèle d’affaires de la technologie actuelle. J’appelle ce modèle d’affaires « l’élevage d’êtres humains ». C’est une partie du système socio-économique, dont nous faisons partie, que Shoshana Zuboff appelle le capitalisme de surveillance.3

Et pis encore : Alphabet Inc, qui possède Google et YouTube, ne se contente pas de vous observer lorsque vous utilisez un de leurs services, mais vous suit également sur le Web lorsque vous allez de site en site. À lui seul, Google a les yeux sur 70 à 80 % du Web.
Mais ils ne s’arrêtent pas là non plus. Les exploitants d’êtres humains achètent également des données auprès de courtiers en données, partagent ces données avec d’autres exploitants et savent même quand vous utilisez votre carte de crédit dans les magasins ayant pignon sur rue. Et ils combinent toutes ces informations pour créer des profils de vous-même, constamment analysés, mis à jour et améliorés.

Nous pouvons considérer ces profils comme des simulations de nous-mêmes. Ils contiennent des aspects de nous-mêmes. Ils peuvent être (et sont) utilisés comme des approximations de nous-mêmes. Ils contiennent des informations extrêmement sensibles et intimes sur nous. Mais nous ne les possédons pas, ce sont les exploitants qui les possèdent.

Il n’est pas exagéré de dire qu’au sein de ce système, nous ne sommes pas en pleine possession de nous-mêmes. Dans un tel système, où même nos pensées risquent d’être lues par des entreprises, notre identité et le concept même d’autodétermination sont mis en danger.

Nous sommes sur le point de régresser du statut d’être humain à celui de propriété, piratés par une porte dérobée numérique et en réseau, dont nous continuons à nier l’existence à nos risques et périls. Les conditions préalables à une société libre sont soumises à notre compréhension de cette réalité fondamentale.
Si nous nous prolongeons en utilisant la technologie, nous devons étendre le champ d’application légal des droits de l’homme pour inclure ce « Moi » prolongé.

Si nous ne pouvons définir correctement les limites d’une personne, comment pouvons-nous espérer protéger les personnes ou l’identité d’une personne à l’ère des réseaux numériques ?

Aujourd’hui, nous sommes des êtres fragmentés. Les limites de notre être ne s’arrêtent pas à nos frontières biologiques. Certains aspects de notre être vivent sur des morceaux de silicium qui peuvent se trouver à des milliers de kilomètres de nous.

Il est impératif que nous reconnaissions que les limites du moi à l’ère des réseaux numériques ont transcendé les limites biologiques de nos corps physiques et que cette nouvelle limite – le « Moi » prolongé ; la totalité fragmentée du moi – constitue notre nouvelle peau numérique et que son intégrité doit être protégée par les droits de l’homme.

Si nous ne faisons pas cela, nous sommes condamné·e·s à nous agiter à la surface du problème, en apportant ce qui n’est rien d’autre que des changements cosmétiques à un système qui évolue rapidement vers un nouveau type d’esclavage.

C’est l’urgence de la personne.

Un remaniement radical de la technologie grand public

Si nous voulons nous attaquer à l’urgence de la personne, il ne faudra rien de moins qu’un remaniement radical des technologies grand public.

Nous devons d’abord comprendre que si réglementer les exploitants d’humains et les capitalistes de la surveillance est important pour réduire leurs préjudices, cette réglementation constitue une lutte difficile contre la corruption institutionnelle et n’entraînera pas, par elle-même, l’émergence miraculeuse d’une infrastructure technologique radicalement différente. Et cette dernière est la seule chose qui puisse s’attaquer à l’urgence de l’identité humaine.

Imaginez un monde différent.

Faites-moi le plaisir d’imaginer ceci une seconde : disons que votre nom est Jane Smith et que je veux vous parler. Je vais sur jane.smith.net.eu et je demande à vous suivre. Qui suis-je ? Je suis aral.balkan.net.eu. Vous me permettez de vous suivre et nous commençons à discuter… en privé.

Imaginez encore que nous puissions créer des groupes – peut-être pour l’école où vont nos enfants ou pour notre quartier. Dans un tel système, nous possédons et contrôlons tou·te·s notre propre espace sur Internet. Nous pouvons faire toutes les choses que vous pouvez faire sur Facebook aujourd’hui, tout aussi facilement, mais sans Facebook au milieu pour nous surveiller et nous exploiter.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un système en pair à pair qui établisse une passerelle avec le réseau mondial existant.

Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la « Big Tech » (industrie des technologies). Nous avons besoin de « Small Tech » (technologie à petite échelle) – des outils de tous les jours pour les gens ordinaires, conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises.

Étapes concrètes

À la Small Technology Foundation, Laura et moi avons déjà commencé à construire certains des éléments fondamentaux d’un pont possible entre le capitalisme de surveillance et un avenir radicalement démocratique, entre pairs. Et nous continuerons à travailler sur les autres composantes cette année et au-delà. Mais il y a des mesures pratiques que nous pouvons tou·te·s prendre pour aider à faire avancer les choses dans cette direction.

Voici quelques suggestions pratiques pour différents groupes :

Les gens ordinaires

1. Ne vous culpabilisez pas, vous êtes les victimes. Quand 99,99999 % de tous les investissements technologiques vont aux « exploitants d’humains », ne laissez personne vous dire que vous devriez vous sentir mal d’avoir été obligé·e·s d’utiliser leurs services par manque d’alternatives.

2. Cela dit, il existe des alternatives. Cherchez-les. Utilisez-les. Soutenez les gens qui les fabriquent.

3. Prenez conscience que ce problème existe. Appelez des responsables et défendez ceux qui le font. À tout le moins, n’écartez pas les préoccupations et les efforts de ceux et celles d’entre nous qui tentent de faire quelque chose à ce sujet.

Les développeurs

1. Cessez d’intégrer les dispositifs de surveillance d’entreprises comme Google et Facebook dans vos sites Web et vos applications. Cessez d’exposer les gens qui utilisent vos services au capitalisme de surveillance.

2. Commencez à rechercher d’autres moyens de financer et de construire des technologies qui ne suivent pas le modèle toxique de la Silicon Valley.

3. Laissez tomber la « croissance » comme mesure de votre succès. Construisez des outils que les individus possèdent et contrôlent, et non votre entreprise ou organisation. Créez des applications Web pour utilisateur unique (dont chaque personne sera l’unique propriétaire). Soutenez des plateformes libres (comme dans liberté) et décentralisées (sans nager dans les eaux troubles de la blockchain).

L’Union Européenne

1. Cessez d’investir dans les start-ups et d’agir comme un Département de recherche et développement officieux de la Silicon Valley et investissez plutôt dans les « stayups » (entreprises durables, PME ou micro-entreprises matures).

2. Créez un domaine de premier niveau (DPN) non commercial ouvert à tous, où chacun peut enregistrer un nom de domaine (avec un certificat Let’s Encrypt automatique) pour un coût nul avec un seul « appel API ».

3. Appuyez-vous sur l’étape précédente pour offrir à chaque citoyen·ne de l’Union Européenne, payé par l’argent du contribuable européen, un serveur privé virtuel de base, doté de ressources de base pour héberger un nœud actif 24h/24 dans un système pair-à-pair qui le détacherait des Google et des Facebook du monde entier et créerait de nouvelles possibilités pour les gens de communiquer en privé ainsi que d’exprimer leur volonté politique de manière décentralisée.

Et, généralement, il est alors temps pour chacun·e d’entre nous de choisir un camp.

Le camp que vous choisissez décidera si nous vivons en tant que personnes ou en tant que produits. Le côté que vous choisissez décidera si nous vivons dans une démocratie ou sous le capitalisme.

Démocratie ou capitalisme ? Choisissez.

Si, comme moi, vous avez grandi dans les années 80, vous avez probablement accepté sans réfléchir la maxime néolibérale selon laquelle la démocratie et le capitalisme vont de pair. C’est l’un des plus grands mensonges jamais propagés. La démocratie et le capitalisme sont diamétralement opposés.

Vous ne pouvez pas avoir une démocratie fonctionnelle et des milliardaires et des intérêts corporatifs de billions de dollars et la machinerie de désinformation et d’exploitation des Big Tech de la Silicon Valley. Ce que nous voyons, c’est le choc du capitalisme et de la démocratie, et le capitalisme est en train de gagner.

Avons-nous déjà passé ce tournant ? Je ne sais pas. Peut-être. Mais on ne peut pas penser comme ça.

Personnellement, je vais continuer à travailler pour apporter des changements là où je pense pouvoir être efficace : en créant une infrastructure technologique alternative pour soutenir les libertés individuelles et la démocratie.

L’humanité a déjà mis en place l’infrastructure du techno-fascisme. Nous avons déjà créé (et nous sommes toujours en train de créer) des éléments panoptiques. Tout ce que les fascistes ont à faire, c’est d’emménager et de prendre les commandes. Et ils le feront démocratiquement, avant de détruire la démocratie, tout comme Hitler l’a fait.

Et si vous pensez que «les années 30 et 40 c’était quelque chose», rappelez-vous que les outils les plus avancés pour amplifier les idéologies destructrices de l’époque étaient moins puissants que les ordinateurs que vous avez dans vos poches aujourd’hui. Aujourd’hui, nous avons le « Machine Learning » (Apprentissage machine) et sommes sur le point de débloquer l’informatique quantique.

Nous devons nous assurer que les années 2030 ne reproduisent pas les années 1930. Car nos systèmes centralisés avancés de saisie, de classification et de prévision des données, plus une centaine d’années d’augmentation exponentielle de la puissance de traitement (notez que je n’utilise pas le mot « progrès »), signifient que les années 2030 seront exponentiellement pires.

Qui que vous soyez, où que vous soyez, nous avons un ennemi commun : l’Internationale nationaliste. Les problèmes de notre temps dépassent les frontières nationales. Les solutions le doivent également. Les systèmes que nous construisons doivent être à la fois locaux et mondiaux. Le réseau que nous devons construire est un réseau de solidarité.

Nous avons créé le présent. Nous allons créer le futur. Travaillons ensemble pour faire en sorte que cet avenir soit celui dans lequel nous voulons vivre nous-mêmes.


Discours d’Aral Balkan au Parlement européen, fin 2019, lors de la rencontre sur l’avenir de la réglementation de l’Internet.  Merci à la Quadrature du Net et à sa chaîne PeerTube.

 





La mère Zaclys : petite asso et grands services !

Notre campagne degooglisons a vocation non à se substituer aux initiatives mais à en inciter l’émergence et à mettre en avant celles qui existent. C’est pourquoi, chez Framasoft, on pourrait être un peu jaloux de la mère Zaclys, mais on est surtout admiratifs de la réussite et de l’esprit qui anime cette petite association.

Comme vous allez le lire dans l’interview que nous ont accordée ses responsables, cette association déjà ancienne et bien implantée a récemment « décollé » et gagné en visibilité jusqu’à compter aujourd’hui plus de 12 000 utilisateurs et presque 1200 adhérents.
Nous avons voulu en savoir plus et comprendre ce qu’elle propose, comment elle fonctionne et où elle veut aller. La Mère Zaclys a accepté de répondre à nos 42 questions.

 

1. Bonjour, pouvez-vous vous présenter brièvement ? C’est qui, la mère Zaclys ? Pourquoi ce nom bizarre ?

Bonjour ! Pour présenter la Mère Zaclys, je serais tenté de reprendre les termes que l’on peut trouver sur notre page d’accueil :

zaclys_accueil

Nous proposons un ensemble de services alternatifs tels que le partage de photos, l’envoi de gros fichiers, l’hébergement cloud… et même une boîte mail depuis le début de cette année.

Concernant le nom « Zaclys », nous le tenons d’une vieille dame qui vivait dans un moulin perdu au cœur des forêts de Haute-Saône, avant la guerre. La légende dit qu’elle remontait au village pour faire les veillées traditionnelles de Franche-Comté, et qu’une nuit d’hiver elle serait rentrée chez elle trop alcoolisée et qu’elle se serait endormie dans un fossé. À cette époque nous cherchions un nom international à la Yahoo, Google, Ebay et tous ces mots qui font gagner au Scrabble 🙂

2. Vous existez depuis plusieurs années, comment avez-vous évolué depuis les débuts ?

Nous avons créé en 1998 une première association, « Zacly Multimédias », dont l’objet était :

« la promotion et la sauvegarde du patrimoine culturel de nos 5 villages des bois chargés d’histoire, et le développement des nouvelles technologies ».

La mère Zacly (la vraie, celle dont je viens de conter l’histoire) symbolisait bien le patrimoine et surtout les 5 villages des bois (5 villages de Haute-Saône). C’était l’emblème parfait, une légende mythique de nos forêts au centre géographique des villages concernés. Et le nom composé « Zacly Multimédias » présentait bien les deux parties a priori contradictoires de l’objet de cette association : l’authenticité locale, les racines, et de l’autre le multimédia, Internet, etc.

Au milieu des années 2000, nous avons eu envie de créer un site internet, dont le but était le partage des savoir-faire. Du cercle des 5 villages, nous voulions passer à quelque chose de plus vaste pour toucher plus de monde, mais toujours en gardant les notions de partage et de solidarité. C’est ainsi que Zaclypedia.com est né (c’est aujourd’hui le service « Astuces » de Zaclys.com) et mis en ligne en novembre 2008. Dans les faits, chacun pouvait (et peut encore) créer des articles pratiques pour partager un savoir-faire.

zaclys-gégé
Le point déterminant pour la suite, c’est que nous avions créé une « médiathèque personnelle », une sorte de galerie où l’on pouvait stocker des images, et cela pour illustrer les articles en question. Suite à cela, nous avons constaté que les membres n’utilisaient pas leur médiathèque pour illustrer des articles, mais bien pour stocker et partager des photos. Cela nous a étonnés, sachant qu’il existait déjà un certain nombre de (gros) sites pour faire cela. Nous avons alors commencé à comprendre que beaucoup de gens cherchaient des alternatives à ce qui existait déjà, particulièrement des solutions françaises et pratiques. Nous avons donc développé Album, et ouvert de nouveaux services par la suite.

En 2013, nous nous sommes dit qu’il fallait vraiment actualiser nos statuts, ceux de 1998 étaient pour le moins obsolètes 🙂 Mais au lieu de tout modifier, nous avons préféré créer une nouvelle association, qui était une évolution de l’association initiale. Nous avons gardé le nom de la vieille dame lors du choix du nom de domaine zaclys.com, déjà parce que tous nos membres connaissaient ce nom, mais aussi et surtout pour les mêmes raisons qu’en 1998. « La Mère Zaclys » colle toujours aussi bien à l’esprit qui anime l’association actuelle : l’alternatif, la liberté et le « libre », l’authenticité, la simplicité, le partage, l’artisanal, le local, l’intemporel, etc.

17. Des adhérents et des services qui se sont multipliés, mais combien de bénévoles actifs pour s’occuper de tout ça ? qui est derrière en termes techniques ?

Notre équipe est constituée d’un nombre impressionnant de personnes : 3 😉
Le bureau de l’association est constitué des mêmes personnes qui assurent le suivi technique de cette chère mère Zaclys. Pour présenter les choses simplement, nous avons un programmeur/administrateur système, un comptable/support aux membres/référent cloud, et un graphiste/référent communication. Un grand nombre de domaines sont couverts, parfois de manière transversale, par cette équipe petite mais très motivée.
Ensuite, nous avons aussi des membres actifs. Ils nous écrivent des tutoriels, participent à l’entraide sur le forum, font partie des bêta-testeurs lors du lancement de nouveaux services…
Nous les en remercions d’ailleurs chaleureusement.

23. Vous proposez un tas de services… pourquoi vous faites tout ça, vous voulez être le Google de la Haute-Saône et bientôt maîtres du monde ?

Devenir calife à la place du calife ? Non merci. On n’aime pas les califes, ils abusent trop souvent de leur autorité 😉
Même si, dès le début, nos valeurs sont celles de la liberté et du partage, c’est dans notre cheminement que nous avons constaté que beaucoup de gens cherchaient de l’alternatif et de la confidentialité. Nous n’avons donc fait que de nous développer dans cette voie, complètement compatible avec la nôtre. D’ailleurs c’est souvent en étant à l’écoute des utilisateurs, en répondant à des besoins réels que nos évolutions se font, en douceur. Que demander de plus ?
Ah si, ce que l’on pourrait demander de plus, c’est que l’information circule davantage : oui on peut se passer des services des géants du web, qui sont, certes très performants, mais aussi très dangereux au niveau liberté et confidentialité.
Alors pour répondre à votre question, voilà notre but : proposer des services alternatifs, et puisque le choix est inutile si on ignore qu’on l’a, avoir la meilleure visibilité possible pour qu’un maximum de personnes puissent choisir. On a beau avoir de bonnes intentions, on ne peut pas faire beaucoup de choses quand on est petit. À ce propos merci de nous donner la possibilité de nous exprimer ici.
De plus nous avons eu, depuis le début, l’objectif de proposer des services faciles et simples, que même nos grand-mères doivent pouvoir utiliser. Des services accessibles : gratuits pour les fonctions de base, et moins de 10 euros par an pour toutes les fonctions, parce qu’être membre d’une association, ça change tout. Nous voulions qu’un maximum de gens puissent échanger les photos de famille, avec la grand-mère à l’autre bout de la France, qui n’a qu’un clic à faire pour voir l’album, et cela sans créer de compte.
Nous privilégions également l’éducation et la création, en offrant l’adhésion annuelle à toutes les écoles primaires et à tous les fablabs qui en feraient la demande.

24. Selon vous, qu’est-ce qui vous a récemment propulsés ?

Même si c’est dans des proportions encore bien modestes, nous avons en effet bien progressé ces deux dernières années. La satisfaction de nos membres est selon toute vraisemblance la première cause à cela. Nous n’avons jamais fait de publicité pour nos services, mais nos membres parlent de nous autour d’eux, écrivent à notre sujet sur des forums. Ils trouvent nos services utiles, et ont un contact « humain » avec l’équipe. Ils sont donc satisfaits, et c’est cela notre meilleure publicité.
De plus, notre gamme de services commence à devenir bien étoffée. Cela convient à ceux qui veulent se passer complètement des services des géants, mais également à ceux qui ont juste besoin d’un cloud, ou d’une adresse mail, ou d’un hébergement pour les photos.

8. Et ces services, ils sont libres ? open source ? On peut les installer sur un serveur perso ?

Nous avons commencé avec les services Astuces, Album et Envoi, qui sont des services « maison ». Puis nous avons étoffé notre offre de services en utilisant des projets open source reconnus, comme ownCloud (pour le service «Cloud ») ou Roundcube (pour le service « Mail »). L’important pour nous est que nos services puissent être utilisés sur la plupart des plateformes, et avec la plupart des outils libres, depuis n’importe quel navigateur, depuis n’importe où. Par ailleurs, ce sont des outils dont le développement est très suivi. Ils évoluent donc rapidement et n’ont rien à envier aux solutions propriétaires. Enfin, on peut avoir un contact avec les développeurs et se faire entendre lorsqu’il y a un point à améliorer. On peut même contribuer à leur développement. Chacun peut choisir de s’installer son cloud ou son mail sur son propre serveur. En revanche ça demande du temps et des compétences. C’est pourquoi beaucoup préfèrent se tourner vers notre solution intermédiaire : les serveurs ownCloud dédiés. Ils ont alors leur propre serveur, on leur prépare tout et on les aide en cas de besoin pour l’administration de leur Cloud.

33. Bon si j’adhère je peux profiter de vos services, mais qu’est-ce qui me garantit que mes données personnelles seront protégées des intrus de tous poils ? Bénédicte Dupuis-Morizeau se tient au courant et elle va vous demander si ses données seront chiffrées sur vos serveurs etc. Quelles précautions prenez-vous ?

Quand on parle de protection, il faut déjà penser aux intrusions « internes ». Vous voyez ce que je veux dire. Une entreprise privée américaine attirera plus de sollicitations en tout genre ou même de malveillance qu’une association à but non lucratif française, on n’a pas les mêmes acteurs en présence, les risques de ce côté-là ne sont pas du tout les mêmes. Pas de revente de nos données à des partenaires commerciaux par exemple. Pour se faire une idée, il suffit de comparer nos conditions d’utilisation avec celles des géants, et vous aurez tout de suite compris.
Quant au niveau de la sécurité vis-à-vis de « l’extérieur », eh bien on peut se vanter d’avoir un administrateur système, très compétent en la matière, qui fait tout ce qu’il faut pour sécuriser au maximum toute l’infrastructure.

Nous avons le souci extrême de la confidentialité des données de nos membres. Par exemple, chaque accès aux photos, et même aux vignettes ou pochettes d’album, est vérifié systématiquement. À l’instant où l’auteur modifie les règles de partage de son album ou les listes des invités, chaque accès à chaque fichier est immédiatement bloqué.
Nous améliorons en permanence les règles de sécurité, en fonction de l’actualité, des technologies et des retours utilisateurs. Des sondes et des alertes automatiques surveillent en permanence l’activité des serveurs, et nous réactualisons régulièrement nos firewalls et plusieurs technos de défense que je ne citerai pas.
Tous les échanges avec nos services sont chiffrés sous ssl/tls. Depuis ce début d’année 2015 où nous avons investi dans des serveurs plus récents et plus performants, tous nos services sont mêmes passés au dessus de 80% au test Calomel SSL, certains à 90, d’autres à 100, et nous allons encore améliorer ça dans les mois à venir .

Concernant le chiffrement, non, les données ne sont pas chiffrées sur les serveurs. C’est à l’étude et vous pouvez déjà le faire sur l’offre cloud dédié. Cela dit, les données sont tout de même anonymisées (aucun nom de fichier sur le service Album par exemple) et mises sur des espaces de stockage avec des liens sécurisés. Les disques durs sont triplés depuis 2015 en RAID 1, ce qui est rare aussi, et nous doublons avec des sauvegardes déportées quotidiennes sous trois technos différentes.

Pour terminer au sujet de la sécurité, il faut savoir que le risque majeur, c’est d’abord la boite mail de l’internaute. Si vous utilisez un mot de passe trop simpliste, ou si vous le tapez sur un ordinateur infecté par un virus, un pirate peut d’une manière ou d’une autre gagner l’accès de votre boite mail. Ça lui donne l’accès à tous vos services en ligne : dans votre boite traînent des mails avec vos identifiants. Et même sans cela, il peut utiliser votre boite mail pour demander en ligne un rappel ou un changement de mot de passe, et cela sur la plupart des sites internet que vous utilisez. Alors il ne faut pas non plus tomber dans la paranoïa, sinon on ne fait plus rien. Mais il faut faire attention à ce qu’on fait, c’est vrai pour nous comme pour les utilisateurs.

41. C’est le moment d’aborder la question critique pour toutes les associations, celle du financement. Comment fonctionnez-vous matériellement ? Parce que des serveurs de plus en plus costauds, ça n’est pas gratuit…

Oh non ce n’est pas gratuit ! Ça l’est d’autant moins que nous avons, en février, fait largement évoluer notre infrastructure qui commençait à devenir insuffisante. Et nous avons aussi multiplié nos frais d’hébergement.
Pour supporter les frais, nos revenus dépendent en très grande partie des cotisations de nos adhérents. Sans ça, nous ne pourrions tout simplement pas fonctionner.
Nous avons également les revenus tirés de la location/infogérance de serveurs cloud dédiés. Ce service, assez jeune mais prometteur, a pour cible les associations et les petites structures ayant besoin d’un serveur Cloud administrable.
Nous avons, dans une moindre mesure, un partenariat avec Photobox pour des tirages photos qui peuvent être commandés directement depuis le service Album, mais ça reste marginal.

musicienJaloux du succès de son épouse, le père Zaclys lance un service de musique live on demand

(photo Will Langenberg https://stocksnap.io, licence CC0)

Enfin, nous avons des revenus d’affiliation d’Amazon, ainsi que la publicité Adsense (pour les non-membres). Les revenus sont insignifiants, et nous abandonnerons ces deux partenariats dès que des annonceurs locaux se manifesteront à nous. Avis aux amateurs : bandeaux à 30€/mois pour les premiers à contribuer ! Quoi qu’il arrive, nous allons nous couper de ces sociétés qui ont une philosophie à l’opposé de la nôtre. À la place nous étudions actuellement la possibilité de demander certaines subventions pour booster le développement de nos services. Chose que nous n’avons jamais faite jusqu’à présent, pour avoir une totale liberté à la création de l’association.

42. Et demain, si tout va bien ? Vous envisagez comment la suite de la mère Zaclys ? Vous resterez associatif ou bien vous allez créer une entreprise ? Vous cherchez des recrues ? c’est le moment de lancer un appel à contributions…

Notre objectif premier est de pouvoir nous salarier au sein de l’association. Nous travaillons actuellement sur notre temps libre, et nous en manquons cruellement ! Pouvoir se salarier, cela voudrait dire pouvoir passer tout notre temps à gérer et développer les services proposés. Nous pourrions alors concrétiser tous nos projets, et améliorer de manière significative tout ce que nous proposons actuellement.
Et si tout va très très bien, pourquoi pas nous tourner dans le futur vers une SCOP (société coopérative et participative) par exemple. Nous garderions notre même philosophie, tout en élargissant nos possibilités de développement.
Mais nous n’en sommes pas encore là 🙂

Concernant des recrues, nos avons des besoins oui, et ils sont multiples. Je dirais que nous avons besoin de tout ce que font nos membres actifs en ce moment, mais de manière plus soutenue : compléter nos documentations en créant des tutoriels, des vidéos, participer à notre forum, et surtout parler des services de la Mère Zaclys autour de soi et dans les forums. Nous sommes présents sur Diaspora* depuis peu grâce aux recommandations de nos membres et sur les autres réseaux. C’est peut-être le meilleur vecteur pour faire connaître nos services.
Et bien sûr, adhérer à l’association. Les adhésions font vivre le site et ses services, et nous remercions encore une fois nos membres de nous soutenir dans cette belle aventure !
Puisse-t-elle se prolonger longtemps, et que mille mères Zaclys fleurissent !