PeerTube v6 est publié, et conçu grâce à vos idées !

C’est #givingtuesday (« jour des dons »), donc nous vous offrons PeerTube v6 aujourd’hui ! PeerTube est le logiciel que nous développons pour les créatrices, médias, institutions, enseignants… Pour gérer leur propre plateforme vidéo, comme une alternative à Youtube et Twitch.

🦆 VS 😈 : Reprenons du terrain aux géants du web !

Grâce à vos dons (défiscalisables à 66 %), l’association Framasoft agit pour faire avancer le web éthique et convivial. Retrouvez un résumé de nos avancées en 2023 sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (nov. – déc. 2023)

La sixième version majeure est publiée aujourd’hui et nous en sommes très fier·es ! C’est la plus ambitieuse depuis l’ajout du streaming en direct et en pair-à-pair. Il y a une bonne raison à cela : nous avons rempli cette v6 de fonctionnalités inspirées par vos idées !

Nous sommes tellement impatient·es de vous présenter tout le travail que nous avons accompli que nous allons le faire sans introduction... mais pensez à nous suivre ! Dans deux semaines, nous prendrons plus de temps pour parler de l’histoire de PeerTube, de l’état actuel de ce projet et des grands projets que nous avons pour son avenir !

Illustration of Videoraptor, an insectoid monster whose three heads bear the logos of YouTube, Vimeo and Twitch.
Cliquez pour nous soutenir et aider à repousser Videoraptor – Illustration CC-By David Revoy

Cette année : deux mises à jour mineures et une avancée majeure

En 2023, et avant de préparer cette mise à jour majeure, nous n’avons publié que deux versions mineures… mais l’une d’entre elles a apporté une fonctionnalité technique majeure qui contribuera à démocratiser encore davantage l’hébergement de vidéos. 

Mars 2023 : PeerTube v5.1

Vous trouverez plus de détails dans la news dédiée à la version 5.1, donc pour faire court, cette version apporte :

  • une fonctionnalité « demander un compte », où les modérateurices d’instance peuvent gérer et modérer les nouvelles demandes de compte ;
  • un bouton de retour au direct, qui vous permet de revenir au direct lorsque vous êtes à la traîne lors d’un direct ;
  • Améliorations du plugin d’identification, pour faciliter la connexion avec des identifiants externes.

Juin 2023 : PeerTube 5.2…

Comme vous le découvrirez dans notre article de blog sur la version 5.2, il y a eu quelques nouvelles fonctionnalités plus petites mais importantes telles que :

  • L’adaptation des flux RSS aux standards de podcast, de sorte que n’importe quel logiciel de podcast puisse être capable de lire une chaîne PeerTube, par exemple ;
  • L’option permettant de définir la confidentialité de la rediffusion d’un direct, afin que les vidéastes puissent choisir à l’avance si la rediffusion de leur live sera Publique, Non listée, Privée ou Interne ;
  • Amélioration de la navigation sans souris : pour celles qui préfèrent ou ceux qui doivent naviguer à l’aide de leur clavier ;
  • Et des améliorations de notre documentation (elle est très complète : consultez-la !).

…avec une fonctionnalité majeure : le transcodage distant

Mais ce qui a changé la donne dans cette version 5.2, c’est la nouvelle fonctionnalité de transcodage à distance.

Lorsqu’une vidéaste télécharge une vidéo (ou lorsqu’elle diffuse en direct), PeerTube doit transformer son fichier vidéo dans un format efficace. Cette tâche est appelée transcodage vidéo et consomme beaucoup de puissance de calcul (CPU). Les administratrices de PeerTube avaient besoin de gros serveurs CPU (coûteux) pour une tâche qui n’était pas permanente… jusqu’au transcodage à distance.

Le transcodage à distance permet aux administrateurs de PeerTube de déporter tout ou partie de leurs tâches de transcodage sur un autre serveur, plus puissant, qui peut être partagé avec d’autres administratrices, par exemple.

Cela rend l’ensemble de l’administration PeerTube moins chère, plus résiliente, plus économe en énergie… et ouvre une voie de partage des ressources entre les communautés !

Nous voulons, une fois de plus, remercier le programme NGI Entrust et la fondation NLnet pour la bourse qui nous a permis de réaliser une telle amélioration technique !

Drawing of Sepia, PeerTube's octopus mascot. They are wearing a superhero cape, with the initials "6" on his chest.
Cliquez pour nous soutenir et aider Sepia à atteindre son potentiel – Illustration CC-By David Revoy

PeerTube v6 est frais… grâce aux idées que vous nous avez soufflées !

Assez parlé du passé, détaillons les fonctionnalités de cette nouvelle version majeure. Notez que, pour toute cette feuille de route 2023, nous avons développé des fonctionnalités suggérées et votées par… vous ! Ou du moins par celles et ceux d’entre vous qui ont partagé leurs idées sur notre site de suggestions (en anglais)).

Protégez vos vidéos avec des mots de passe !

Cette fonctionnalité était très attendue. Les vidéos protégées par un mot de passe peuvent être utilisées dans de nombreuses situations : pour créer un contenu exclusif, marquer une étape dans un parcours pédagogique, partager des vidéos avec des personnes de confiance…

Sur leur compte PeerTube, les vidéastes peuvent désormais définir un mot de passe unique lorsqu’iels téléchargent, importent ou mettent à jour les paramètres de leurs vidéos.

Mais avec notre API REST, les administrateurs et les développeuses peuvent aller plus loin. Iels peuvent définir et stocker autant de mots de passe qu’elles le souhaitent, ce qui leur permet de donner et de révoquer facilement l’accès aux vidéos.

Cette fonctionnalité est le fruit du travail de Wicklow, pendant son stage chez nous.

Storyboard vidéo : prévisualisez ce qui va suivre !

Si vous aimez regarder vos vidéos en ligne, vous avez peut-être l’habitude de survoler la barre de progression avec votre souris ou votre doigt. Habituellement, un aperçu de l’image apparaît sous forme de vignette : c’est ce qu’on appelle le storyboard, et c’est maintenant disponible dans PeerTube !

Veuillez noter que comme les storyboards ne sont générés que lors du téléchargement (ou de l’importation) d’une vidéo, ils ne seront donc disponibles que pour les nouvelles vidéos des instances qui sont passées à la v6…

Ou vous pouvez demander, très gentiment, à vos administrateurs d’utiliser la commande magique npm run create-generate-storyboard-job (attention : cette tâche peut nécessiter un peu de puissance CPU), afin de générer des storyboards pour les anciennes vidéos.

Téléchargez une nouvelle version de votre vidéo !

Parfois, les créateurs de vidéos veulent mettre à jour une vidéo, pour corriger une erreur, offrir de nouvelles informations… ou simplement pour proposer un meilleur montage de leur travail !

Désormais, avec PeerTube, elles peuvent télécharger et remplacer une ancienne version de leur vidéo. Bien que l’ancien fichier vidéo soit définitivement effacé (pas de retour en arrière !), les créatrices conservent la même URL, le titre et les informations, les commentaires, les statistiques, etc.

Il est évident qu’une telle fonctionnalité nécessite de la confiance des vidéastes et des administrateurs, qui ne veulent pas être responsables de la « mise à jour » d’une adorable vidéo de chatons en une horrible publicité pour des groupes de discrimination contre les chats.

C’est pourquoi une telle fonctionnalité ne sera disponible que si les administratrices choisissent de l’activer sur leurs plateformes PeerTube, et affichera la date où le fichier a été remplacé sur les vidéos mises à jour..

Ajoutez des chapitres à vos vidéos !

Les vidéastes peuvent désormais ajouter des chapitres à leurs vidéos sur PeerTube. Dans la page des paramètres de la vidéo, ils obtiendront un nouvel onglet « chapitres » où ils n’auront qu’à spécifier le timecode et le titre de chaque chapitre pour que PeerTube l’ajoute.

S’ils importent leur vidéo depuis une autre plateforme (*tousse* YouTube *tousse*), PeerTube devrait automatiquement reconnaître et importer les chapitres définis sur cette vidéo distante.

Lorsque des chapitres sont définis, des marqueurs apparaissent et segmentent la barre de progression. Les titres des chapitres s’affichent lorsque vous survolez ou touchez l’un de ces segments.

Tests de charge, performances et recommandations de configuration

L’année dernière, grâce à l’émission « Au Poste ! » du journaliste français David Dufresne et à son hébergeur Octopuce, nous avons eu droit à un test de charge du direct avec plus de 400 spectateurices simultanés : voir le rapport ici sur le blog d’Octopuce.

De tels tests sont vraiment utiles pour comprendre où nous pouvons améliorer PeerTube pour réduire les goulots d’étranglement, améliorer les performances, et donner des conseils sur la meilleure configuration pour un serveur PeerTube si un administrateur prévoit d’avoir beaucoup de trafic.

C’est pourquoi cette année, nous avons décidé de réaliser plus de tests, avec un millier d’utilisateurs simultanés simulés à la fois dans des conditions de direct et de diffusion de vidéo classique. Nous remercions Octopuce de nous avoir aidé·es à déployer notre infrastructure de test. 

Nous publierons bientôt un rapport avec nos conclusions et les configurations de serveurs recommandées en fonction des cas d’utilisation (fin 2023, début 2024). En attendant, les premiers tests nous ont motivés à ajouter de nombreuses améliorations de performances dans cette v6, telles que (préparez-vous aux termes techniques) :

  • Traiter les tâches HTTP unicast dans les worker threads
  • Signer les requêtes ActivityPub dans les worker threads
  • Optimisation des requêtes HTTP pour les vidéos recommandées
  • Optimisation des requêtes SQL pour les vidéos lors du filtrage sur les directs ou les tags
  • Optimiser les endpoints /videos/{id}/views avec de nombreux spectateurs
  • Ajout de la possibilité de désactiver les journaux HTTP de PeerTube

…et il y en a toujours plus !

Une nouvelle version majeure s’accompagne toujours de son lot de changements, d’améliorations, de corrections de bogues, etc. Vous pouvez lire le journal complet ici (en Anglais), mais en voici les grandes lignes :

  • Nous avions besoin de régler une dette technique : la version 6 supprime la prise en charge de WebTorrent pour se concentrer sur HLS (avec P2P via WebRTC). Les deux sont des briques techniques utilisées pour diffuser en pair à pair dans les navigateurs web, mais HLS est plus adapté à ce que nous faisons (et prévoyons de faire) avec PeerTube
  • Le lecteur vidéo est plus efficace
    • Il n’est plus reconstruit à chaque fois que la vidéo change ;
    • Il conserve vos paramètres de visionnage (vitesse, plein écran, etc.) lorsque la vidéo change ;
    • Il ajuste automatiquement sa taille en fonction du ratio de la vidéo ;
  • Nous avons amélioré le référencement, pour aider les vidéos hébergées sur une plateforme PeerTube à apparaître plus haut dans les résultats des moteurs de recherche ;
  • Nous avons beaucoup travaillé sur l’amélioration de l’accessibilité de PeerTube à plusieurs niveaux, afin de simplifier l’expérience des personnes en situation de handicap.

Illustration de Yetube, un monstre de type Yéti avec le logo de YouTube Premium.
Cliquez pour nous soutenir et repousser Yetube – CC-By Illustration David Revoy

Qu’en est-il de l’avenir de PeerTube ?

Alors que YouTube fait la guerre aux bloqueurs de publicité, que Twitch exploite de plus en plus les vidéastes et que tout le monde est de plus en plus conscient de la toxicité de ce système, PeerTube est en train de gagner du terrain, est de plus en plus reconnu et voit sa communauté grandir.

Nous avons tellement d’annonces à faire sur l’avenir que nous prévoyons pour PeerTube, que nous publierons une annonce séparée, dans deux semaines. Nous prévoyons également d’organiser un direct, afin de répondre aux questions que vous vous posez sur PeerTube. 

Vous resterez au courant en vous abonnant à la Lettre d’information de PeerTube, en suivant le compte Mastodon de PeerTube ou en surveillant le Framablog.

Dessiné dans le style d'un jeu vidéo de combat, où s'affrontent la pieuvre de PeerTube et le monstre de YouTube, Twitch et Vimeo.
Cliquez pour nous soutenir et aider Sepia à repousser Videoraptor – Illustration CC-By David Revoy

Merci de soutenir PeerTube et Framasoft

En attendant, nous voulons vous rappeler que tous ces développements ont été réalisés par un seul développeur rémunéré, un stagiaire, et une fabuleuse communauté (beaucoup de datalove à Chocobozzz, Wicklow, et les nombreuses, nombreux contributeurs : vous êtes toustes incroyables !)

Framasoft étant une association française à but non lucratif principalement financée par des dons (75% de nos revenus annuels proviennent de personnes comme vous et nous), le développement de PeerTube a été financé par deux sources principales :

  • les francophones sensibilisées aulogiciel libre
  • Les subventions de l’initiative Next Generation Internet, par l’intermédiaire de NLnet (en 2021 et 2023).

Si vous êtes un afficionado non francophone de PeerTube, merci de soutenir notre travail en faisant un don à Framasoft. Cela nous aidera grandement à financer nos très nombreux projets, et à équilibrer notre budget 2024.

Cette année encore, nous avons besoin de vous, de votre soutien, de vos partages, pour nous aider à reprendre du terrain sur le web toxique des GAFAM, et multiplier les espaces de numérique éthique.

Nous avons donc demandé à David Revoy de nous aider à montrer cela sur notre site « Soutenir Framasoft« , qu’on vous invite à visiter (parce que c’est beau) et surtout à partager le plus largement possible :

Capture d'écran de la barre de dons Framasoft 2023 à 12% - 23575 €

Si nous voulons boucler notre budget pour 2024, il nous reste cinq semaines pour récolter 176 425 € : nous n’y arriverons pas sans votre aide !

 

Soutenir Framasoft

 




Une « édition » minable de Pepper & Carrot sur Amazon

Depuis quelques années, Framasoft bénéficie des illustrations très appréciées de David Revoy, un artiste qui séduit autant par son talent et son imaginaire que par le choix de publier en licence libre (CC-BY), ce qui est plutôt exceptionnel dans le monde de la bande dessinée. La licence qu’il a choisie autorise à :

  • Adapter — remixer, transformer et créer à partir du matériel, y compris pour un usage commercial.

La seule condition impérative est l’Attribution

Attribution — Vous devez créditer l’Œuvre, intégrer un lien vers la licence et indiquer si des modifications ont été effectuées à l’œuvre. Vous devez indiquer ces informations par tous les moyens raisonnables, sans toutefois suggérer que l’Offrant vous soutient ou soutient la façon dont vous avez utilisé son Œuvre.

assortie d’une interdiction :

Pas de restrictions complémentaires — Vous n’êtes pas autorisé à appliquer des conditions légales ou des mesures techniques qui restreindraient légalement autrui à utiliser l’œuvre dans les conditions décrites par la licence.

Comme on peut le lire plus haut et comme le précise David lui-même dans sa F.A.Q, ce n’est pas parce que la licence est libre que l’on peut se servir sans scrupules des œuvres et du nom de l’auteur :

Ce n’est pas parce que vous pouvez réutiliser mes œuvres que je suis d’accord avec ce que vous faites, ou que je peux être considéré comme un auteur actif de votre projet, surtout si mon nom est écrit comme une signature de votre dérivation ou si vous réutilisez mon nom pour dire à votre public que je suis « d’accord » avec votre projet. Cela ne fonctionne pas comme ça. Restez simple : communiquez la vérité,

C’est justement ces précautions et ce respect élémentaires que n’ont pas pris les éditeurs (méritent-ils ce nom ?) d’une publication dérivée de Pepper & Carrot (déjà 37 épisodes traduits en 63 langues !) et qui est en vente sur Amazon, plateforme bien connue pour ses pratiques commerciales éthiques (non)…

Alors David, d’ordinaire si aimable, se fâche tout rouge et relève toutes les pratiques complètement hors-pistes de Fa Comics, dans l’article ci-dessous publié sur son blog et traduit pour vous par Framalang…


Article original de David Revoy sur son blog : Fa Bd Comics books on SCAMazon: don’t buy them

Traduction Framalang : GPSqueek, Sysy, Poca, goofy, macrico

N’achetez pas les BD des éditions Fa Bd sur SCAMazon

par David Revoy

On atteint un record : avec la communauté de Pepper & Carrot, nous avons trouvé Fa Bd, l’éditeur du pire dérivé de Pepper & Carrot à ce jour.

Malheureusement, les produits sont publiés sous mon nom et aussi sous le nom d’artistes qui ont réalisé des fan-arts de Pepper & Carrot… Voilà pourquoi j’écris cet article, histoire de décrire un peu cette arnaque et ce carnage de la publication assistée par ordinateur qui se perpétue actuellement sur Amazon, et aussi pour dissuader le public de Pepper & Carrot de les acheter.

Accrochez-vous, car nous entrons dans le territoire du zéro absolu de la qualité, des horreurs du graphisme, des cauchemars de la colorimétrie et de l’affreuse mise en page.

Les trois albums

Un grand merci à Craig Maloney qui a acheté les trois albums pour que nous puissions évaluer leur qualité. Il a également réalisé toutes les photos que vous trouverez ici et a écrit des commentaires sur Amazon sous les albums afin d’avertir d’autres clients potentiels de leur piètre qualité.

1. Héritage

Lien vers Amazon : https://www.amazon.com/Heritage-David-Revoy/dp/B0BS1ZHM9T/

Il s’agit d’une version imprimable datant de décembre 2022 de mon webcomic (épisode unique) L’héritage en couleur publié en mai 2012 sous la licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

 

Mes observations :

(1) bien que la couverture soit correcte, l’impression gâche totalement l’histoire elle-même : le concept de cette bande dessinée est la représentation en couleurs des sentiments du personnage principal, pourtant l’éditeur a décidé d’imprimer l’histoire complète en noir et blanc. Cela rend le tout le récit illisible et dénué de sens. Essayez de lire l’original et demandez-vous ce que vaut la bande dessinée en noir et blanc. Apparemment, c’est assez bon pour être publié de cette façon par les éditions FA Bd Comics…

(2) L’attribution est là mais l’éditeur FA BD comics n’indique pas son rôle. Et attendez, une adresse courriel Caramail ? Je croyais qu’ils avaient disparu il y a 20 ans 1. Je n’aime pas la façon dont mon crédit et mon nom sur la couverture et la page produit donnent l’impression que j’ai approuvé cette publication et que j’y ai collaboré. Il ne s’agit pas d’une « violation d’approbation » explicite, mais j’ai honte de voir mon nom figurer sur ces pages.

(3) L’éditeur a oublié une page dans l’histoire : l’avant-dernière… ce qui fait que ça casse encore plus l’histoire. Et pour remplir la fin du livre, des parties aléatoires du making of ont été téléchargées et déversées comme ça sans aucun avertissement, juste après la fin de l’histoire.

Davantage de photos ici.

2. Les histoires de Pepper & Carrot

Lien vers Amazon : https://www.amazon.com/Pepper-Carrot-Novels-David-Revoy/dp/B09ZZVJLDT/

Description : Il s’agit d’une compilation imprimable datant de mai 2022 d’un mélange de Fan-art de Pepper&Carrot contenant des bulles de texte et de BD Fan-art de Pepper & Carrot.

Mes observations :

(1) Mon nom figure en haut de la couverture, alors qu’aucune illustration de moi ne figure sur cet album. C’est très problématique, car même si j’apprécie beaucoup le fan-art d’étude de Pepper envoyé par Coyau en 2015 parce que c’était parmi les premiers fan-arts que j’ai reçus sur Pepper & Carrot, je ne pense pas que Coyau s’attendait à ce qu’il soit utilisé comme œuvre d’art/visuel/illustration pour la couverture.

(2) Même si tous les fan-arts sont correctement attribués à leur auteur, l’éditeur a mal lu une information importante sur Pepper & Carrot : l’auteur du fan-art peut mettre son œuvre sous la licence qu’il souhaite. Et sauf mention explicite, ils sont tous protégés par le droit d’auteur. C’est écrit clairement dans la case « Licence » de chaque fan-art sur le site. « Cette image est un fan-art réalisé par <nom de l’auteur>. Elle est affichée sur la galerie de fan-arts de Pepper & Carrot avec sa permission. Ne réutilisez pas cette image pour votre projet sans l’autorisation de l’auteur ». L’éditeur, sur les crédits de son album, assume « basé sur le même personnage avec la même licence ». C’est faux et abusif. Notez également que l’email de l’éditeur change sur ces crédits, et que la ligne « œuvre de fiction » de Héritage est également présente… Boulot de copier-coller vite fait et négligent détecté !

(3) Les fan-arts sont imprimés en noir et blanc. Il n’y a pas d’indication permettant de savoir qui, parmi la liste des auteurs, a dessiné quelle page, et il n’y a pas de mise en page. Les dessins sont simplement collés sur la page avec de grands espaces vides, même lorsque la police est trop petite. Notez que le contraste est également faible. Ce n’est pas du tout respectueux des créations artistiques.

Davantage de photos ici.

3. Pepper & Carrot Mini

Lien vers Amazon: https://www.amazon.com/Pepper-Carrot-Mini-Nicolas-Artance/dp/B0BHMPMM14/

Il s’agit d’une publication papier d’octobre 2010 de la série Pepper & Carrot Mini par Nicolas Artance. Nicolas Artance est l’un des principaux contributeurs et modérateurs de la communauté Pepper & Carrot, et joue un rôle important dans la version française de la série principale. Il publie sa série sous Creative Commons Attribution 4.0 International et partage également les sources complètes.

Mes observations :

(1) La couverture ne provient pas de Pepper & Carrot Mini, elle n’a pas été réalisée par Nicolas Artance ni par moi-même, mais c’est un fan-art de Tessou. Il y a donc un problème de copyright puisque le dessin de Tessou n’est pas publié sous la licence de Pepper & Carrot. La couverture contient également trois noms et il est difficile de savoir qui fait quoi ou qui soutient quoi. Sur le produit Amazon, nous sommes co-auteur avec Nicolas… Quel bazar !

(2) Même mensonge que pour l’album précédent à propos de la licence du fan-art, et une grosse faute de frappe dans le nom de Nicolas (Nocolas). Apparemment, cet éditeur n’a aucun correcteur et s’en moque.

(3) La qualité, la mise en page… Tout est imprimé en noir et blanc et en faible contraste. Les planches en paysage sont « adaptées à la largeur » de la page. Certaines polices sont à peine lisibles.

Davantage de photos ici.

Et maintenant ?

Tout d’abord, vous pouvez aider : si vous avez un compte Amazon [NdT : il faut un compte sur Amazon.com, ça ne marchera pas depuis un compte Amazon.fr], vous pouvez simplement cliquer sur le bouton « Utile » sur les commentaires de Craig sur chaque livre 1, 2 et 3. Ce n’est pas grand-chose, mais cela aidera probablement les acheteurs potentiels à passer leur chemin en voyant l’avis 1 étoile.

Je n’ai clairement pas la charité de penser que cet éditeur souffre juste d’incompétence flagrante et qu’il essaie simplement d’aider l’impression d’œuvres culturelles libres. Ils ne m’ont jamais contacté, ils n’ont jamais contribué à l’écosystème Pepper&Carrot pour autant que je sache, et ils ont juste fait un produit de la plus basse qualité avec peu d’efforts sur une place de marché où il n’y a aucun contrôle sur la qualité.

C’est hors de prix et le fait de voir ce niveau d’irrespect pour mon art et pour l’industrie du livre est clairement ce qui affecte mon humeur. Je ne pense pas que ce produit dérivé soit d’un grand secours. S’il vous plaît, FA Bd Comic ou Amazon : si vous lisez ceci, retirez ces produits dès que possible.

De mon côté, je vais essayer de les contacter tous les deux pour qu’ils retirent les albums. Ils ont tous trop de problèmes pour être en ligne, y compris des problèmes de copyright. J’écrirai toute mise à jour ultérieure sous cette rubrique. En attendant, ne les achetez pas !

 

Mises à jour

A. 2023-03-28, 01:20am : J’ai pris le temps de faire un rapport officiel pour violation de copyright sur Amazon. Je vous informerai de l’issue de ce rapport.

B. 2023-03-28, 01:00pm : J’ai reçu ma réponse : « Nous n’avons pas été en mesure de vérifier que vous êtes le propriétaire des droits ou son agent ». (réponse automatique complète). Ok, j’abandonne…

 

Informations complémentaires sur la licence : le texte de cet article est publié sous Creative Commons Attribution 4.0. Cependant, les images de cet article sont protégées : ne les réutilisez pas : elles contiennent du fan-art, des copyrights et des marques déposées.




Publicité ciblée en ligne : rien ne changera tant que…

AdContrarian (en français, à peu près « Poil à gratter de la pub ») est le titre du blog de Bob Hoffman et ce choix  dit assez combien ce journaliste notoire aux U.S.A s’évertue à « mettre mal à l’aise les marketeux » qu’il connaît bien et ne se lasse pas de les fustiger sans prendre de gants…

Dans sa newsletter de février que les bénévoles de Framalang ont traduit pour vous, il fait preuve d’un certain pessimisme par rapport au RGPD et à sa transposition dans les réglements étatsuniens, tant les acteurs de la publicité ciblée, Google et autres, ont peu de difficultés à contourner les lois ou à payer, même si le ciblage publicitaire est déclaré illégal…

Source : Special Edition : It’s all illegal

Traduction Framalang : Aliénor, Claire, goofy, Guestr, jums, Susy

On tient un scoop : tout est illégal !

par Bob Hoffman

L’intégralité de la publicité en ligne en Europe repose sur un pistage illégal.

Tel a été le verdict, en février dernier, du bras armé chargé du respect du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données).
Mardi 2 février 2022, les autorités chargées de la protection des données de l’Union européenne ont statué sur l’illégalité des « fenêtres popup qui sollicitent le consentement », ces affreuses notifications qui vous demandent dans un charabia incompréhensible d’accepter des cookies à chaque fois que vous arrivez sur un site web. Déroulons toute l’histoire depuis le début.

Il y a presque cinq ans, l’Union européenne a voté pour l’application du RGPD dont l’objectif était de protéger la vie privée des citoyens contre les abus de l’industrie de la collecte de données en ligne. Ce RGPD fixe certaines normes pour la collecte et l’utilisation des données, y compris pour les activités des agences publicitaires en ligne.

Pour se conformer au RGPD, les publicitaires ont demandé à leur regroupement industriel, la malhonnête et peu recommandable Interactive Advertising Bureau (ou IAB) Europe, d’imaginer un classique du genre, le « Cadre de transparence et de consentement » (TCF), qui selon eux permettait aux annonceurs de ne pas se conformer au RGPD. Le TCF est une justification bidon de ces stupides fenêtres de consentement.

Cette semaine, l’autorité de protection des données a jugé que le TCF c’est des grosses conneries et que c’est illégal. Ils ont jugé que le TCF :
• ne conserve pas les données personnelles de façon sécurisée, comme l’exige le RGPD ;
• ne recueille pas correctement le consentement des personnes ;
• n’a pas défini un « intérêt légitime » légalement valide pour la collecte de ces informations ;
• échoue à être transparent sur ce qui est fait de ces données personnelles ;
• échoue à veiller à ce que ces données soient traitées en accord avec les lignes directrices du RGPD ;
• échoue à respecter les critères du RGPD de « protection des données dès la conception ».

À part ça, c’est absolument super.

Chapeau à l’ICCL (Conseil irlandais pour les libertés civiles) pour avoir porté cette grosse affaire devant les instances européennes. Et un prix Nobel de quelque chose pour Johnny Ryan qui veille sans relâche sur les droits à la vie privée au nom de nous tous. On peut voir Johnny Ryan parler aux infos de ce jugement.

Question suivante : qu’est-ce que ça va changer pour le secteur de la publicité ciblée ? Comme nous le savons, ce secteur fait régulièrement un doigt d’honneur aux régulateurs et fait absolument tout ce qui lui chante. Les régulateurs pensent qu’ils gèrent les choses, mais leur incompétence pathétique et leur couardise ont permis au secteur de la publicité ciblée d’en faire voir de toutes les couleurs aux régulateurs et au public, depuis l’instauration du RGPD. Une conséquence de ce jugement est que Google et tous les autres acteurs du secteur de la publicité ciblée en ligne sont sommés de brûler toutes les données qu’ils ont collectées illégalement. Google se conformera à ça quand les réfrigérateurs auront des ailes.

L’IAB Europe a maintenant six mois pour corriger l’illégalité flagrante de leur TCF absurde. Que vont-ils faire ? À mon avis, ils vont pondre une autre magnifique bouse qui va prendre des années à contester, pendant que les publicitaires continueront d’entuber joyeusement le public. Comme d’habitude, j’espère avoir tort.

Le secteur de la publicité ciblée, en particulier Google et Amazon, amasse beaucoup trop d’argent pour en avoir quoi que ce soit à faire des amendes de pacotille que les régulateurs leur distribuent pour leurs activités criminelles. Pour eux, ce sont juste des frais de fonctionnement. Facebook n’essaie même pas de se soumettre au TCF, ils n’ont de comptes à rendre à personne.

Rien ne changera tant que personne n’aura été envoyé en prison.

Perspective locale

L’ironie dans tout ça, c’est que juste au moment où l’IAB étatsunienne est sur le point de spammer le monde entier avec sa version du TCF, les régulateurs de l’UE l’ont détruite.

Un peu de contexte…

Ici, aux États-Unis, il n’y a pas de loi contre quoi que ce soit. L’entité la plus proche que nous possédons pour réguler ce secteur corrompu de la publicité ciblée en ligne est appelée Loi de protection du consommateur en Californie (ou CCPA en anglais, California Consumer Protection Act). Elle est largement inspirée par le RGPD et aussi loin que remontent les mémoires, elle n’a jamais protégé qui que ce soit de quoi que ce soit (elle sera remplacée l’année prochaine par une autre bouillie de lettres appelée CPRA).
L’IAB étatsunienne a repris la formule illégale du TCF de leur branche Europe et l’a maladroitement transposée à la CCPA. Ils ont aussi convaincu les clowns, les escrocs et les collaborateurs de l’ANA, de la 4As (respectivement « Association of National Advertisers » et « American Association of Advertising Agencies » [des associations américaines de publicitaires, NdT]) et de grandes marques d’implémenter le TCF maintenant discrédité sous un nouveau nom foireux, « Global Privacy Platform » (Plateforme globale de la vie privée). Ouais, c’est ça.

Vue d’ensemble : L’arrogance des secteurs de la tech et du marketing aux États-Unis est tellement énorme que les actions des régulateurs n’ont quasi aucun poids. Quel sera l’effet le plus probable du jugement de cette semaine sur l’abus des données aux États-Unis ? En comptant à rebours, qu’est-ce qui vient après zéro ?
Ai-je déjà mentionné que rien ne changera tant que personne ne sera envoyé en prison ?

Comédie-ballet

La danse des régulateurs et du secteur de la publicité ciblée n’est rien d’autre qu’une performance artistique : les régulateurs portent plainte, les escrocs paient une petite amende, et tout le monde retourne à ses petites affaires.

Tout individu doté d’un cerveau fonctionnel peut comprendre qu’un secteur de la publicité ciblée basé sur du pistage est un racket criminel aux proportions gigantesques. C’est une vaste escroquerie planétaire, un crime organisé à l’échelle mondiale auquel participent quasi toutes les grandes entreprises, les organisations commerciales les plus réputées et l’ensemble des secteurs de la publicité, du marketing et des médias en ligne. Même l’IAB a reconnu avoir indiqué à la Commission européenne que les achats automatiques basés sur des enchères en temps réel sont « incompatibles avec le consentement prévu par le RGPD ».
Mais trop de personnes se font trop d’argent.
Rien ne changera tant que personne… ooooh, laissez tomber.

Si vous souhaitez vous abonner à la newsletter de Bob Hoffman (en anglais) ou simplement consulter les numéros précédents c’est par ici https://www.bobhoffmanswebsite.com/newsletters




D’autres technologies pour répondre à l’urgence de la personne ?

« Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la Big Tech. Nous avons besoin de Small Tech – des outils de tous les jours conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises. »

Ce n’est pas une théorie complotiste : le profilage et la vente de données privées font, depuis des années, partie intégrante du modèle économique de la plupart des entreprises du numérique. Dans cet article traduit par Framalang, Aral Balkan (auquel nous faisons régulièrement écho) suggère qu’il est urgent de s’éloigner de ce modèle qui repose sur les résultats financiers pour gagner en indépendance et explique pourquoi c’est important pour chacun d’entre nous.

 

Article original : In 2020 and beyond, the battle to save personhood and democracy requires a radical overhaul of mainstream technology

Traduction Framalang : FranBAG, goofy, wisi_eu, gangsoleil, Khrys – Mise en forme :

En 2020 et au-delà, la bataille pour sauver l’identité individuelle et la démocratie exigera une révision radicale des technologies dominantes

par Aral Balkan

Un jeune garçon pilotant un canot sur un lac, durant les grands incendies australiens. Crédit photo: Allison Marion.

 

Alors que nous entrons dans une nouvelle décennie, l’humanité est confrontée à plusieurs urgences existentielles :

  1. L’urgence climatique2
  2. L’urgence démocratique
  3. L’urgence de la personne

Grâce à Greta Thunberg, nous parlons sans aucun doute de la première. La question de savoir si nous allons vraiment faire quelque chose à ce sujet, bien sûr, fait l’objet d’un débat.3

De même, grâce à la montée de l’extrême droite dans le monde entier sous la forme de (entre autres) Trump aux États-Unis, Johnson au Royaume-Uni, Bolsonaro au Brésil, Orban en Hongrie et Erdoğan en Turquie, nous parlons également de la seconde, y compris du rôle de la propagande (ou « infox ») et des médias sociaux dans sa propagation.

Celle sur laquelle nous sommes les plus désemparé·e·s et partagé·e·s, c’est la troisième, même si toutes les autres en découlent et en sont les symptômes. C’est l’urgence sans nom. Enfin, jusqu’à présent.

L’urgence de la personne

On ne peut pas comprendre « l’urgence de la personne » sans comprendre le rôle que la technologie de réseau et numérique grand public joue dans sa perpétuation.

Votre télé ne vous regardait pas, YouTube si.

La technologie traditionnelle – non numérique, pas en réseau – était un moyen de diffusion à sens unique. C’est la seule chose qu’un livre imprimé sur la presse Gutenberg et votre téléviseur analogique avaient en commun.

Autrefois, quand vous lisiez un journal, le journal ne vous lisait pas aussi. Lorsque vous regardiez la télévision, votre téléviseur ne vous regardait pas aussi (à moins que vous n’ayez spécifiquement permis à une société de mesure d’audience, comme Nielsen, d’attacher un audimètre à votre téléviseur).

Aujourd’hui, lorsque vous lisez le journal The Guardian en ligne, The Guardian – et plus de deux douzaines d’autres parties tierces, y compris la Nielsen susmentionnée – vous lit également. Quand vous regardez YouTube, YouTube vous regarde aussi.

Il ne s’agit pas d’une théorie de la conspiration farfelue, mais simplement du modèle d’affaires de la technologie actuelle. J’appelle ce modèle d’affaires « l’élevage d’êtres humains ». C’est une partie du système socio-économique, dont nous faisons partie, que Shoshana Zuboff appelle le capitalisme de surveillance.4

Et pis encore : Alphabet Inc, qui possède Google et YouTube, ne se contente pas de vous observer lorsque vous utilisez un de leurs services, mais vous suit également sur le Web lorsque vous allez de site en site. À lui seul, Google a les yeux sur 70 à 80 % du Web.
Mais ils ne s’arrêtent pas là non plus. Les exploitants d’êtres humains achètent également des données auprès de courtiers en données, partagent ces données avec d’autres exploitants et savent même quand vous utilisez votre carte de crédit dans les magasins ayant pignon sur rue. Et ils combinent toutes ces informations pour créer des profils de vous-même, constamment analysés, mis à jour et améliorés.

Nous pouvons considérer ces profils comme des simulations de nous-mêmes. Ils contiennent des aspects de nous-mêmes. Ils peuvent être (et sont) utilisés comme des approximations de nous-mêmes. Ils contiennent des informations extrêmement sensibles et intimes sur nous. Mais nous ne les possédons pas, ce sont les exploitants qui les possèdent.

Il n’est pas exagéré de dire qu’au sein de ce système, nous ne sommes pas en pleine possession de nous-mêmes. Dans un tel système, où même nos pensées risquent d’être lues par des entreprises, notre identité et le concept même d’autodétermination sont mis en danger.

Nous sommes sur le point de régresser du statut d’être humain à celui de propriété, piratés par une porte dérobée numérique et en réseau, dont nous continuons à nier l’existence à nos risques et périls. Les conditions préalables à une société libre sont soumises à notre compréhension de cette réalité fondamentale.
Si nous nous prolongeons en utilisant la technologie, nous devons étendre le champ d’application légal des droits de l’homme pour inclure ce « Moi » prolongé.

Si nous ne pouvons définir correctement les limites d’une personne, comment pouvons-nous espérer protéger les personnes ou l’identité d’une personne à l’ère des réseaux numériques ?

Aujourd’hui, nous sommes des êtres fragmentés. Les limites de notre être ne s’arrêtent pas à nos frontières biologiques. Certains aspects de notre être vivent sur des morceaux de silicium qui peuvent se trouver à des milliers de kilomètres de nous.

Il est impératif que nous reconnaissions que les limites du moi à l’ère des réseaux numériques ont transcendé les limites biologiques de nos corps physiques et que cette nouvelle limite – le « Moi » prolongé ; la totalité fragmentée du moi – constitue notre nouvelle peau numérique et que son intégrité doit être protégée par les droits de l’homme.

Si nous ne faisons pas cela, nous sommes condamné·e·s à nous agiter à la surface du problème, en apportant ce qui n’est rien d’autre que des changements cosmétiques à un système qui évolue rapidement vers un nouveau type d’esclavage.

C’est l’urgence de la personne.

Un remaniement radical de la technologie grand public

Si nous voulons nous attaquer à l’urgence de la personne, il ne faudra rien de moins qu’un remaniement radical des technologies grand public.

Nous devons d’abord comprendre que si réglementer les exploitants d’humains et les capitalistes de la surveillance est important pour réduire leurs préjudices, cette réglementation constitue une lutte difficile contre la corruption institutionnelle et n’entraînera pas, par elle-même, l’émergence miraculeuse d’une infrastructure technologique radicalement différente. Et cette dernière est la seule chose qui puisse s’attaquer à l’urgence de l’identité humaine.

Imaginez un monde différent.

Faites-moi le plaisir d’imaginer ceci une seconde : disons que votre nom est Jane Smith et que je veux vous parler. Je vais sur jane.smith.net.eu et je demande à vous suivre. Qui suis-je ? Je suis aral.balkan.net.eu. Vous me permettez de vous suivre et nous commençons à discuter… en privé.

Imaginez encore que nous puissions créer des groupes – peut-être pour l’école où vont nos enfants ou pour notre quartier. Dans un tel système, nous possédons et contrôlons tou·te·s notre propre espace sur Internet. Nous pouvons faire toutes les choses que vous pouvez faire sur Facebook aujourd’hui, tout aussi facilement, mais sans Facebook au milieu pour nous surveiller et nous exploiter.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un système en pair à pair qui établisse une passerelle avec le réseau mondial existant.

Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la « Big Tech » (industrie des technologies). Nous avons besoin de « Small Tech » (technologie à petite échelle) – des outils de tous les jours pour les gens ordinaires, conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises.

Étapes concrètes

À la Small Technology Foundation, Laura et moi avons déjà commencé à construire certains des éléments fondamentaux d’un pont possible entre le capitalisme de surveillance et un avenir radicalement démocratique, entre pairs. Et nous continuerons à travailler sur les autres composantes cette année et au-delà. Mais il y a des mesures pratiques que nous pouvons tou·te·s prendre pour aider à faire avancer les choses dans cette direction.

Voici quelques suggestions pratiques pour différents groupes :

Les gens ordinaires

1. Ne vous culpabilisez pas, vous êtes les victimes. Quand 99,99999 % de tous les investissements technologiques vont aux « exploitants d’humains », ne laissez personne vous dire que vous devriez vous sentir mal d’avoir été obligé·e·s d’utiliser leurs services par manque d’alternatives.

2. Cela dit, il existe des alternatives. Cherchez-les. Utilisez-les. Soutenez les gens qui les fabriquent.

3. Prenez conscience que ce problème existe. Appelez des responsables et défendez ceux qui le font. À tout le moins, n’écartez pas les préoccupations et les efforts de ceux et celles d’entre nous qui tentent de faire quelque chose à ce sujet.

Les développeurs

1. Cessez d’intégrer les dispositifs de surveillance d’entreprises comme Google et Facebook dans vos sites Web et vos applications. Cessez d’exposer les gens qui utilisent vos services au capitalisme de surveillance.

2. Commencez à rechercher d’autres moyens de financer et de construire des technologies qui ne suivent pas le modèle toxique de la Silicon Valley.

3. Laissez tomber la « croissance » comme mesure de votre succès. Construisez des outils que les individus possèdent et contrôlent, et non votre entreprise ou organisation. Créez des applications Web pour utilisateur unique (dont chaque personne sera l’unique propriétaire). Soutenez des plateformes libres (comme dans liberté) et décentralisées (sans nager dans les eaux troubles de la blockchain).

L’Union Européenne

1. Cessez d’investir dans les start-ups et d’agir comme un Département de recherche et développement officieux de la Silicon Valley et investissez plutôt dans les « stayups » (entreprises durables, PME ou micro-entreprises matures).

2. Créez un domaine de premier niveau (DPN) non commercial ouvert à tous, où chacun peut enregistrer un nom de domaine (avec un certificat Let’s Encrypt automatique) pour un coût nul avec un seul « appel API ».

3. Appuyez-vous sur l’étape précédente pour offrir à chaque citoyen·ne de l’Union Européenne, payé par l’argent du contribuable européen, un serveur privé virtuel de base, doté de ressources de base pour héberger un nœud actif 24h/24 dans un système pair-à-pair qui le détacherait des Google et des Facebook du monde entier et créerait de nouvelles possibilités pour les gens de communiquer en privé ainsi que d’exprimer leur volonté politique de manière décentralisée.

Et, généralement, il est alors temps pour chacun·e d’entre nous de choisir un camp.

Le camp que vous choisissez décidera si nous vivons en tant que personnes ou en tant que produits. Le côté que vous choisissez décidera si nous vivons dans une démocratie ou sous le capitalisme.

Démocratie ou capitalisme ? Choisissez.

Si, comme moi, vous avez grandi dans les années 80, vous avez probablement accepté sans réfléchir la maxime néolibérale selon laquelle la démocratie et le capitalisme vont de pair. C’est l’un des plus grands mensonges jamais propagés. La démocratie et le capitalisme sont diamétralement opposés.

Vous ne pouvez pas avoir une démocratie fonctionnelle et des milliardaires et des intérêts corporatifs de billions de dollars et la machinerie de désinformation et d’exploitation des Big Tech de la Silicon Valley. Ce que nous voyons, c’est le choc du capitalisme et de la démocratie, et le capitalisme est en train de gagner.

Avons-nous déjà passé ce tournant ? Je ne sais pas. Peut-être. Mais on ne peut pas penser comme ça.

Personnellement, je vais continuer à travailler pour apporter des changements là où je pense pouvoir être efficace : en créant une infrastructure technologique alternative pour soutenir les libertés individuelles et la démocratie.

L’humanité a déjà mis en place l’infrastructure du techno-fascisme. Nous avons déjà créé (et nous sommes toujours en train de créer) des éléments panoptiques. Tout ce que les fascistes ont à faire, c’est d’emménager et de prendre les commandes. Et ils le feront démocratiquement, avant de détruire la démocratie, tout comme Hitler l’a fait.

Et si vous pensez que «les années 30 et 40 c’était quelque chose», rappelez-vous que les outils les plus avancés pour amplifier les idéologies destructrices de l’époque étaient moins puissants que les ordinateurs que vous avez dans vos poches aujourd’hui. Aujourd’hui, nous avons le « Machine Learning » (Apprentissage machine) et sommes sur le point de débloquer l’informatique quantique.

Nous devons nous assurer que les années 2030 ne reproduisent pas les années 1930. Car nos systèmes centralisés avancés de saisie, de classification et de prévision des données, plus une centaine d’années d’augmentation exponentielle de la puissance de traitement (notez que je n’utilise pas le mot « progrès »), signifient que les années 2030 seront exponentiellement pires.

Qui que vous soyez, où que vous soyez, nous avons un ennemi commun : l’Internationale nationaliste. Les problèmes de notre temps dépassent les frontières nationales. Les solutions le doivent également. Les systèmes que nous construisons doivent être à la fois locaux et mondiaux. Le réseau que nous devons construire est un réseau de solidarité.

Nous avons créé le présent. Nous allons créer le futur. Travaillons ensemble pour faire en sorte que cet avenir soit celui dans lequel nous voulons vivre nous-mêmes.


Discours d’Aral Balkan au Parlement européen, fin 2019, lors de la rencontre sur l’avenir de la réglementation de l’Internet.  Merci à la Quadrature du Net et à sa chaîne PeerTube.

 





Amazon, des robots avec des êtres humains

Peur des robots qui nous remplacent ? Pas forcément, mais comment vivre et travailler avec les robots ?Une des craintes fort répandues à propos de la robotisation consiste à envisager qu’un grand nombre de professions, et pas seulement parmi les moins qualifiées, pourraient être à court ou moyen terme remplacées par des robots, du moins des systèmes automatisés que les progrès relatifs de l’intelligence artificielle rendraient plus performants que les humains dans l’accomplissement de leurs tâches.

Nul n’ignore pour l’instant ce qui va survenir effectivement mais une chose est d’ores et déjà établie : les systèmes robotisés sont déjà là, et plutôt qu’être remplacés, pour l’instant les travailleurs les côtoient, entrent avec eux dans des interactions déjà problématiques. On lira par exemple ce témoignage sur la gestion des livreurs à vélo où le donneur d’ordres et donc de travail est un système informatique qui piste « ses » employés autant que les clients.

À une tout autre échelle, le géant Amazon impose déjà la présence de robots dans ses immenses entrepôts au sein du travail humain, et comme le développe le texte ci-dessous, ce sont les êtres humains qui y travaillent qui doivent s’efforcer de s’adapter à leur présence ! L’anthropologue qui signe l’article que nous avons traduit pour vous analyse ce que représente pour les humains la perte de leur latitude d’action, voire de leur liberté d’initiative, dans une environnement où les robots sont omniprésents.

Les pratiques de l’entreprise Amazon, détestables pour les conditions de travail, sont par ailleurs assez révélatrices d’une dérive qui nous mène peut-être à renoncer peu à peu à notre liberté, pour nous en remettre aux systèmes automatisés dans tous les instants de notre quotidien.

 

Article original : How much are we sacrificing for automation?

Traduction Framalang : salelodenouye, goofy

Que sommes-nous prêts à sacrifier pour l’automatisation ?

Par S. A. Applin

Ce que nous apprennent les entrepôts d’Amazon sur un monde où de plus en plus, que ce soit des choses ou des personnes, tout ce qu’il est possible de mesurer finit par être mesuré.

On a l’impression que pratiquement chaque semaine apparaît dans l’actualité une polémique (sinon davantage) autour d’Amazon. Dans les seules deux semaines dernières, il a été question de conversations transcrites et enregistrées avec Echo, d’employés d’Amazon qui protestent contre la faible détermination de leur entreprise au sujet du dérèglement climatique, des efforts de ladite entreprise pour prétendre que les risques liés à la reconnaissance faciale sont « peu significatifs », sans oublier les questions posées par la sénatrice Warren sur les impôts fédéraux de 0 dollar pour un profit de 10 milliards de dollars aux U.S.A. Une entreprise aussi gigantesque qu’Amazon, avec une envergure aussi large en termes de produits et de services, est constamment dans l’actualité. Et malheureusement pour elle, la plupart de ces nouvelles lui donnent l’image d’un manque de compassion, d’intérêt et de sollicitude pour le reste du monde au sens large, en particulier pour les humains qui travaillent pour elle.

Ce qui a retenu mon attention au cours des dernières semaines c’est le témoignage paru dans Vox  d’un employé dans un entrepôt, qui s’est plaint des températures qui y régnaient. Selon ce que Rashad Long a indiqué à la publication :

Il fait si chaud dans les troisième et quatrième étages que je transpire dans mes vêtements même s’il fait très froid dehors… Nous avons demandé à l’entreprise de nous fournir de l’air conditionné, mais on nous a indiqué que les robots ne peuvent travailler à basse température.

Alors que Long et d’autres sont impliqués dans des procès avec l’entreprise, et prennent des initiatives pour former un syndicat, les plus importantes plaintes des employés semblent être concentrées sur un seul point : Amazon a la réputation de traiter ses employés comme des robots.

Dans un rapport qui m’a été envoyé après la publication de cette histoire, Amazon contestait ce compte-rendu comme « totalement faux », prétendant que des systèmes et des équipes surveillent constamment les températures dans les centres de traitement des commandes. L’entreprise a indiqué qu’à la mi-décembre, la température moyenne du local où Long travaillait était de 71.04 degrés Fahrenheit (NDT : 21.68 °C).

Le porte-parole d’Amazon a déclaré : « Les collaborateurs d’Amazon sont le cœur et l’âme de nos activités. La sécurité de nos employés est notre première priorité et la santé de chacun de nos employés est évaluée au-delà de toute notion de productivité. Nous sommes fiers de nos conditions de travail sûres, de notre communication transparente et de notre industrie de pointe. »

vue en perpective cavalière d’un immense entrepôt d’Amazon probablement rempli de livres
Un entrepôt d’Amazon, photo par Scott Lewis (CC BY 2.0)

 

Cependant, vu de l’extérieur, on a l’impression que les entrepôts Amazon mettent en scène le « taylorisme sauvage ». Comme je l’ai déjà écrit, le taylorisme est une théorie de la gestion de l’ingénierie développée au début du XXe siècle et largement adoptée dans les domaines de la gestion et de l’ingénierie jusqu’à présent. Alors qu’à l’origine il était utilisé pour gérer les processus de fabrication et se concentrait sur l’efficacité de l’organisation, avec le temps, le taylorisme s’est intégré dans la culture d’ingénierie et de gestion. Avec l’avènement des outils de calcul pour la mesure quantitative et les métriques et le développement de l’apprentissage machine basé sur les mégadonnées développées par ces métriques, les entreprises dont Amazon, ont abordé une nouvelle phase que j’appellerais « l’analyse extrême des données », dans laquelle tout et quiconque peut être mesuré finit par l’être.

C’est un vrai problème. L’utilisation du comptage, des mesures et de la mise en œuvre des résultats de l’analyse extrême des données destinée à éclairer les décisions pour les êtres humains constitue une menace pour notre bien-être et se traduit par les témoignages dont on nous parle dans les entrepôts et d’autres parties de nos vies, où trop souvent des êtres humains renoncent à leurs initiatives d’action au profit des machines et algorithmes.

Environ 200 travailleurs d’Amazon se sont rassemblés devant leur lieu de travail dans le Minnesota le 18 décembre 2018 pour protester contre leurs conditions de travail qui comprennent le pistage des ordinateurs et l’obligation de travailler à grande vitesse, comme scanner un article toutes les 7 secondes.
[Photo : Fibonacci Blue, CC BY 2.0]

Malheureusement, après des décennies où s’est échafaudé ce système de quantification, une entreprise comme Amazon l’a presque intégré à son infrastructure et à sa culture. Il y a des raisons au taylorisme chez Amazon, et une grande partie est liée à ses embauches aux décisions prises par ses cadres en matière de gestion et de développement, et à l’impact de ces décisions sur les personnes qui doivent faire le travail nécessaire pour que ces processus fonctionnent réellement.

Dans un article que j’ai écrit en 2013 avec Michael D. Fischer, nous avons exploré l’idée que les processus étaient une forme de surveillance dans les organisations, en nous concentrant particulièrement sur le fait que lorsque la direction des organisations dicte des processus qui ne fonctionnent pas particulièrement bien pour les employés, ces derniers profitent de l’occasion pour développer des solutions de rechange, ou « agissements cachés ».

Chaque fois que nous utilisons un ordinateur, ou tout autre appareil du même type, nous perdons du pouvoir.

Notre pouvoir en tant qu’humains réside dans notre capacité à faire des choix parmi les options qui s’offrent à nous à un moment donné. La gamme des possibilités évolue avec le temps, mais en tant qu’humains, nous avons le choix. Notre pouvoir c’est la coopération. Nous perdons un peu de notre liberté de choix, quelqu’un d’autre aussi, mais nous pouvons tous les deux parvenir à un compromis efficace.

Chaque fois que nous utilisons un ordinateur, ou tout autre appareil du même type, nous perdons du pouvoir. Nous le faisons quand nous sommes assis ou debout pour utiliser un clavier, à la saisie, ou en cliquant, en faisant défiler, en cochant des cases, en déroulant des menus et en remplissant des données d’une manière telle que la machine puisse comprendre. Si nous ne le faisons pas de la façon dont la machine est conçue pour le traiter, nous cédons notre pouvoir, encore et toujours, pour qu’elle le fasse de façon à pouvoir recueillir les données nécessaires et nous fournir l’article que nous voulons, le service dont nous avons besoin ou la réponse que nous espérons. Les humains abandonnent. Pas les machines.

Lorsque l’action humaine est confrontée à une automatisation difficile à contrôler, il y a des problèmes, et dans des cas extrêmes, ces problèmes peuvent être fatals. L’un d’eux a été mentionné dans le cadre d’enquêtes sur les écrasements de deux Boeing 737 Max, qui se sont concentrées sur les interactions des pilotes avec un système automatisé conçu pour prévenir un décrochage. Alors que le monde continue d’automatiser les choses, les processus et les services, nous les humains sommes mis dans des situations où nous devons constamment nous adapter, car à l’heure actuelle, l’automatisation ne peut et ne veut pas coopérer avec nous au-delà de son répertoire d’actions préprogrammées. Ainsi, dans de nombreux cas, nous devons céder notre initiative et nos choix aux algorithmes ou aux robots, pour atteindre les résultats communs dont nous avons besoin.

Au fil du temps, les humains ont évolué vers le commerce et le troc selon une démarche de coopération, échangeant des ressources pour acquérir ce dont nous avons besoin pour survivre. Nous le faisons par le travail. Dans l’état du marché d’aujourd’hui, si nous sommes à la recherche d’un nouvel emploi, nous devons utiliser un ordinateur pour postuler à un poste affiché sur un site web. Nous devons renoncer à notre initiative personnelle pour utiliser l’ordinateur (nous ne pouvons plus appeler personne), où nous céderons ensuite à un logiciel qui n’est pas nécessairement conçu pour gérer l’enregistrement de notre expérience vécue particulière. Une fois que nous avons fait de notre mieux avec les formulaires, nous appuyons sur un bouton et espérons obtenir une réponse. Les algorithmes en arrière-plan, informés par le système de gestion et les développeurs, vont alors « nous trier », nous transformant en série de données qui sont ensuite évaluées et traitées statistiquement.

C’est seulement si nous passons à travers les filtres qu’une réponse automatisée nous parvient par un courriel (auquel nous ne pouvons pas répondre) pour nous informer du résultat. S’il est positif pour nous, un humain finira par nous contacter, nous demandant d’utiliser une méthode automatisée pour planifier un moment pour un appel, qui utilisera des scripts/processus/lignes directives narratives, qui nous demandent à nouveau de renoncer à notre initiative – même dans une conversation avec un autre humain, où il y a généralement plus de flexibilité. C’est épuisant.

Le coût humain de la « frugalité »

Une fois que les employés des entrepôts d’Amazon ont renoncé à leur liberté pour se plier au processus d’embauche et qu’ils sont embauchés, ils sont également obligés de céder leur liberté d’action dans leur travail. Alors que les employés de bureau cèdent à des partenaires algorithmiques sous forme de logiciels ou de procédures d’entreprises, les employés d’entrepôt cèdent leur liberté d’agir en acceptant les horaires décalés et en travaillant avec des partenaires robots au lieu de partenaires algorithmiques ou à leurs côtés sous forme de logiciels. Les risques pour l’intégrité physique sont beaucoup plus élevés quand on agit dans un entrepôt sans coopérer avec un robot qu’ils ne le sont si on ne coopère pas avec un logiciel dans un travail de bureau.

projet d’Amazon pour transporter le shumains dans une cage de protection par arpport aux robots dangereux

Un brevet déposé par Amazon en 2013, « Système et méthode de transport du personnel dans une environnement de travail industriel. »

Dans certains entrepôts et environnements industriels, les travailleurs doivent se soumettre aux robots parce que les robots sont rapides, faits de métal, et pourraient les blesser ou les tuer. De cette façon, un travailleur qui manœuvre autour d’un robot a moins d’emprise sur son corps au travail que ceux qui, dans les bureaux, prennent les décisions sur la façon dont ces travailleurs vont travailler.

Une solution proposée par Amazon en 2013 a été le brevet U.S. 9,280,157 B2, accordé en 2016. Ce brevet a été décrit comme un « dispositif de transport humain » pour un entrepôt, constitué d’une cage humaine. Une cage, c’est un symbole brutal. Bien que l’idée ait été de protéger les travailleurs humains contre les robots, elle n’a pas été perçue comme elle était probablement prévue. À l’extrême, une cage implique une fois de plus que les humains céderont leur capacité d’agir aux robots, ce qui semble donner raison aux plaintes initiales des magasiniers selon lesquelles les robots bénéficient d’un traitement préférentiel sur le lieu de travail chez Amazon

Amazon a insisté sur le fait que l’entreprise n’avait pas l’intention de mettre en œuvre cette idée. « Parfois même de mauvaises idées sont soumises pour des brevets, m’a dit un porte-parole d’Amazon, après la publication de cette histoire. Cela n’a jamais été utilisé et nous n’avons aucun plan d’utilisation. Nous avons développé une bien meilleure solution qui est un petit gilet que les associés peuvent porter et qui impose à tous les robots à proximité de s’immobiliser. »

Qu’il s’agisse d’une cage ou d’un gilet automatique, de toutes façons, ces interventions de sécurité soulèvent la question de savoir si une installation comme un centre de traitement d’Amazon pourrait être conçue de manière à ne pas obliger les humains à faire ces sacrifices frontaliers – tout en étant encore employés de façon rémunérée.

Fondamentalement, le taylorisme n’est pas forcément une question d’efficacité pour l’efficacité, mais d’économie de temps et, par association, d’argent. Parmi les « principes de leadership » d’Amazon, il y a la frugalité, et c’est cet aspect qui semble avoir dépassé leurs autres idéaux, car « faire plus avec moins » semble être le principe dominant dans la façon dont l’entreprise interagit avec tout, et comment cette interaction affecte ses employés et ses clients à travers le monde.

Si une entreprise pratique ce taylorisme dans l’ensemble de sa culture, des êtres humains vont prendre des décisions sur la façon dont d’autres humains doivent travailler ou interagir avec les systèmes d’une manière qui sera dans l’intérêt des métriques qu’ils servent. Si Amazon récompense la frugalité dans la gestion et la collecte de données sur la façon dont la direction gère (ce qu’elle fait), alors la direction va faire ce qu’elle peut pour maximiser les formes d’automatisation afin de rester pertinente dans l’organisation.

Ce principe particulier, couplé avec le taylorisme, crée l’environnement parfait pour que l’exploration et l’analyse de données deviennent délirantes, et pour que les processus qui ont un impact sur la vie réelle des gens soient ignorés. Ceux qui sont dans les bureaux ne voient pas ceux qui sont dans les entrepôts et ne peuvent pas se rendre compte que leurs indicateurs de rendement du service à la clientèle ou de la chaîne d’approvisionnement ont un coût humain. Dans une version extrême de ce qui se passe dans tant d’entreprises, les bénéfices sont liés à des mesures imbriquées dans la chaîne des parties prenantes. Les 10 milliards de dollars de bénéfices d’Amazon proviennent en partie de millions de minuscules décisions « frugales » influencées par le taylorisme, chacune payée au prix fort : la perte de la dignité et de latitude d’action des humains (ou des autres).

Le fait de céder continuellement à cette analyse extrême des données nous réduira à l’esclavage

Le taylorisme a été conçu et mis en œuvre à une époque où la fabrication était mécanique, et bien que certaines machines aient pu fonctionner plus rapidement que les humains, la plupart des processus qui ont eu un impact sur leur travail étaient analogiques, et au rythme du traitement humain. L’ouvrier de l’entrepôt d’Amazon se trouve au bout de la ligne de l’arbre de décision du taylorisme de la frugalité, et il est soumis à des processus algorithmiques qui contrôlent les données et les machines plus rapidement que de nombreux humains ne peuvent traiter l’information et encore moins agir physiquement sur elle. Ces travailleurs sont dépassés, à un degré inimaginable, mais liés par un mécanisme d’entreprise qui exige toujours plus d’eux et, plus important encore, de la chaîne qui les précède, qu’ils « qui fassent plus avec moins ».

bonhomme fait de cartons d’amazon, le sourire du logo d’mazon est inversé.
Image d’un site syndical britannique en campagne contre les mauvaises conditions de travail chez Amazon

Ainsi, à un moment donné, le fait de céder continuellement à cette analyse extrême des données nous réduira à l’esclavage. Non pas en restreignant nos bras et nos jambes (bien que cette cage d’Amazon s’en rapproche) mais en créant une vision du monde liée par des mesures quantitatives comme seule mesure justifiable. Le taylorisme a été utile dans un contexte manufacturier au début du siècle dernier. Il n’est plus utile ni approprié aujourd’hui, près d’un siècle plus tard, et son adoption continue crée de réels problèmes pour nous en tant que société mondiale.

Finalement, même avec le désir d’accomplir « plus avec moins », il y a un tel excès de « moins » que cela oblige les humains à être en tension et faire « plus », en épuisant leurs propres réserves internes. Si chaque processus est finalement automatisé et restreint l’action humaine, tout en exigeant simultanément notre servitude pour fonctionner, nous serons cloués au mur sans aucun choix, sans rien à donner et sans aucune alternative pour y faire face.

 

S. A. Applin, PhD, est une anthropologue dont le champ de recherche couvre les domaines du comportement humain, des algorithmes, de l’IA et de l’automatisation dans le contexte des systèmes sociaux et de la sociabilité. Pour en savoir plus :  http://sally.com/wiki @anthropunk et PoSR.org.

 

sur le même sujet




Les fourberies du Dark UX

L’expérience utilisateur (abrégée en UX pour les professionnels anglophones) est une notion difficile à définir de façon consensuelle, mais qui vise essentiellement à rendre agréable à l’internaute son parcours sur le Web dans un objectif le plus souvent commercial, ce qui explique l’intérêt particulier que lui vouent les entreprises qui affichent une vitrine numérique sur le Web.

Sans surprise, il s’agit de monétiser l’attention et les clics des utilisateurs. L’article ci-dessous que Framalang a traduit pour vous évoque les Dark UX, c’est-à-dire les techniques insidieuses pour manipuler les utilisateurs et utilisatrices. Il s’agit moins alors de procurer une expérience agréable que d’inciter par toutes sortes de moyens à une série d’actions qui en fin de compte vont conduire au profit des entreprises, aux dépens des internautes.

Comment les artifices trompeurs du Dark UX visent les plus vulnérables

article original How Dark UX Patterns Target The Most Vulnerable

par Ben Bate, Product Designer

Traduction Framalang : jums, maryna, goofy, sonj, wyatt, bullcheat + 1 anonyme

Les pièges du Dark UX permettent aux entreprises d’optimiser leurs profits, mais au détriment des plus vulnérables, et en dégradant le Web pour tout le monde.

Il faut voir l’expérience utilisateur basée sur ces astuces comme un moyen d’orienter les utilisateurs et utilisatrices vers un certain comportement. Leurs actions ainsi prédéfinies servent les intérêts des entreprises à la manœuvre, et les utilisateurs en sont pour leurs frais d’une manière ou d’une autre. Quelquefois sur le plan financier, d’autres fois au prix des données personnelles ou même au détriment de leurs droits.

Les astuces les plus connues incluent de la publicité déguisée, un ajout insidieux de nouveaux objets dans le panier de l’utilisateur, une annulation de souscription particulièrement difficile, ou encore une incitation à dévoiler des informations personnelles que les utilisateurs n’avaient pas l’intention de dévoiler. La liste s’allonge de jour en jour et devient un problème de plus en plus préoccupant.

À l’instar des mastodontes du Web tel qu’Amazon et Facebook, la concurrence suit. Faisant peu à peu passer ces astuces dans la norme. Il existe une différence entre marketing bien conçu et tromperie. Ces pratiques s’inscrivent dans cette dernière, et se concentrent uniquement sur l’exploitation des utilisateurs et utilisatrices par des moyens peu respectables.

Pour bien mesurer l’étendue de l’application de ces techniques, en voici quelques exemples.
Tout d’abord, Amazon. Voici l’exemple d’un rendu d’affichage pour tous les utilisateurs qui ne sont pas des membres premium (Amazon Prime). La première incitation au clic est frontale en plein milieu de l’écran. Alors que l’on pourrait s’attendre à un bouton « Suivant » ou « Continuer », ce bouton débite directement 7,99 £ de votre carte bleue. L’option pour continuer sans être débité est située à côté du bouton. Elle est présentée sous la forme d’un simple lien hypertexte peu visible au premier coup d’œil, celui se confondant avec le reste de la page.

Pour les moins avertis, comme les personnes âgées, les personnes peu habituées à la langue, ou celles qui souffrent d’un handicap, ce type de pratiques peut provoquer beaucoup de perplexité et de confusion.

Même pour un concepteur habitué à ce genre de pratiques, il est extrêmement facile de tomber dans le panneau. Sans parler des désagréments que cela entraîne et qui peuvent rompre la confiance établie entre l’entreprise et le consommateur.

Dans un monde idéal, Amazon tirerait avantage d’un format simple à lire avec un appel à l’action élémentaire qui permettrait aux utilisateurs de passer outre et continuer. Mais en réalité, les détails sont cachés en tout petits caractères, trop petits à lire pour un peu plus de 5 % de la population mondiale. Les informations sont présentées dans un format bizarrement structuré avec un mélange perturbant de textes en gras de divers poids, de couleurs différentes et une telle quantité de texte qu’on est dissuadé de tout lire.
Tant que de telles pratiques seront légales et ne cesseront de connaître un taux de conversion élevé, les entreprises continueront à les employer.

Pendant qu’Amazon s’attaque aux portefeuilles des consommateurs les plus fragiles, Facebook préfère se concentrer sur ses utilisateurs en leur faisant partager un maximum d’informations les concernant, même si ceux et celles qui partagent le font à leur insu. Même si Facebook a fait des progrès sur les questions de confidentialité par rapport à des versions précédentes, l’entreprise continue d’utiliser des techniques de conception subtiles mais insidieuses et déroutantes, comme on peut le voir dans l’exemple ci-dessous.
On a beau passer en revue chaque paramètre de confidentialité et sélectionner « Seulement moi », les sections qui contiennent des informations très personnelles et détaillées sont toujours partagées publiquement par défaut. Il ne s’agit pas seulement d’un problème de confidentialité, mais aussi de sécurité. La facilité avec laquelle les pirates peuvent ensuite obtenir des informations pour répondre à des questions de sécurité est stupéfiante. La liste déroulante est subtile et ne demande pas autant d’attention que l’appel à l’action principale. Des fenêtres modales utilisent des mini-instructions pour tromper les utilisateurs. Voyez par exemple :

À première vue, rien ne semble trop bizarre, mais en y regardant de plus près, il devient clair que Facebook incite fortement ses utilisateurs à partager leur bio sur le Fil d’Actualités. Pour cela, il est suggéré qu’en cliquant sur Cancel (Annuler), vous annulez les modifications que vous avez faites à votre bio. En réalité, Cancel signifie Non. Là encore, c’est un genre de pratique qui peut induire en erreur même les personnes les plus vigilantes sur leur confidentialité. Pour les autres cela démontre jusqu’où Facebook est prêt à aller pour que les utilisateurs partagent et interagissent toujours plus. Menant ainsi à des profits publicitaires de plus en plus conséquents.

Dans l’industrie des produits et de la conception de sites Web, l’esthétique, les techniques de vente et les profits passent souvent bien avant l’accessibilité et le bien-être des utilisateurs. Shopify, LinkedIn, Instagram, CloudFlare, et GoDaddy sont seulement quelques noms parmi ceux qui ont de telles pratiques pour avoir un impact sur leur profit.
Ça peut être simplement de faire un lien de désabonnement de mail écrit en tout petits caractères. Ou de rendre impossible la fermeture de votre compte. Ou quelque chose de plus subtil encore, comme de vous obliger à donner votre identité et votre adresse complète avant de fournir une estimation des frais d’expédition d’un achat. Mais ce sont bien de telles pratiques trompeuses pour l’expérience utilisateur qui dégradent de façon sévère l’accessibilité et l’utilisabilité du Web.

Pour la plupart d’entre nous, c’est simplement une nuisance. Pour les personnes les moins averties, cela peut rendre les sites presque impossibles à utiliser ou à comprendre. Il se peut qu’elles ne puissent pas trouver ce lien de désabonnement caché. Il se peut qu’elles ne remarquent pas que quelque chose a été ajouté à leur panier au moment de passer à la caisse. Et elles peuvent être plongées dans la plus totale confusion entre les paramètres de confidentialité, les publicités déguisées et les spams d’apparence amicale.

Le Web est devenu un endroit où vous devez être extrêmement conscient et informé dans des domaines comme la sécurité, la vie privée et les trucs et tromperies, même venant des grandes entreprises les plus réputées au monde. Ce n’est tout simplement pas possible pour tout le monde. Et ici on parle de tromperies, on n’aborde même pas les questions bien plus vastes d’accessibilité comme la lisibilité et les choix de couleurs.

Les concepteurs et les équipes doivent être conscients de leur responsabilité non seulement envers les clients, les employeurs et les actionnaires, mais aussi envers les utilisateurs au quotidien. Les problèmes d’accessibilité et les astuces trompeuses impactent le plus durement les plus vulnérables, et il en va de la responsabilité de chacun au sein des équipes de produits et de marketing de veiller à ce qu’il existe des garde-fous.

Tant que de meilleures réglementations et lois ne seront pas mises en place pour nous en protéger, il est du devoir des équipes de concevoir des pages de façon responsable et de maintenir un équilibre entre le désir de maximiser le profit et la nécessité de fournir une accessibilité optimale à tous ceux et celles qui utilisent le Web.

* * *

D’autres lectures en anglais sur le même sujet

… et cet autre article en français, repéré par Khrys dans son Expresso :




21 degrés de liberté – 18

Nos conversations dans la bulle privée de l’intimité familiale ne semblent plus vraiment à l’abri de l’espionnage par les objets dont nous acceptons de nous entourer.

Voici déjà le 18e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois aborde ici l’espionnage à domicile auquel nous consentons.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Avant l’arrivée du numérique, nos parents avaient des conversations privées

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : dodosan, draenog, aubry, goofy + 1 anonyme

Nos parents, au moins dans le monde occidental, avaient le droit d’avoir des conversations privées en personne, que ce soit dans la bulle privée de leur maison ou en public. Cette liberté a disparu pour nos enfants.

homme chauve de dos, muni d'écouteurs noirs

Il n’y a pas si longtemps, c’est dans les livres et les films d’horreur que la surveillance généralisée de vos paroles dans votre propre maison apparaissait. Pour nos parents, il s’agissait d’histoires terrifiantes dignes d’Halloween, qui provoquaient des réactions où se mêlaient l’horreur et la plus grande incrédulité.

« Il n’existait bien sûr aucun moyen de savoir si on était surveillé à un moment donné. On pouvait uniquement deviner à quelle fréquence et sur quel système la Police de la pensée espionnait tout individu. Il était même plausible qu’elle écoutait tout le monde, tout le temps. De toutes façons, elle pouvait vous écouter lorsqu’elle le voulait. On devait vivre – on vivait, l’habitude étant devenue un instinct – en partant du principe que chaque son que l’on émettait était entendu. » George Orwell, 1984

Dans le monde occidental, nous nous vantions de ne pas être comme l’Est communiste qui considérait ses propres citoyens comme des suspects, des suspects qui devaient être purifiés des mauvaises pensées et conversations, au point que les conversations banales dans les maisons ordinaires étaient sur écoute.

Des microphones étaient placés sous chaque table de café et dans chaque maison. Et même s’il n’y en avait pas vraiment partout, mais juste quelques-uns par-ci, par-là, ils étaient potentiellement partout et on devait donc vivre avec (on vivait avec, l’habitude étant devenue un instinct) en partant du principe que chaque son que l’on émettait était entendu.

« Veuillez parler fort et clairement face au pot de fleurs. » disait une blague pas drôle courante dans les sociétés communistes pendant le guerre froide.

Tirons un trait sur les appels téléphoniques et les autres moyens de conversation à distance pour le moment, puisque nous savons déjà que la plupart des principales plateformes sont mises sur écoute. Intéressons-nous aux conversations à la maison.

Nous avons maintenant des Google Echo et Alexa d’Amazon. Bien que ces objets aient pu être conçus pour garder nos conversations secrètes et hors de portée des autorités, il s’avère qu’Amazon a déjà livré aux autorités des enregistrements effectués dans des salles à manger. Dans le cas en question, la permission est devenue une question controversée puisque le suspect l’avait déjà donnée. La prochaine fois, peut-être que les choses se feront même si l’intéressé ne donne pas sa permission…

Les téléphones mobiles nous écoutent d’ores et déjà en permanence. Nous le savons car lorsque nous disons « OK Google » à un téléphone Android, il sort de veille et se met à écouter plus attentivement. Cela signifie qu’au minimum, le téléphone reste toujours à l’écoute des mots « OK Google« . Les iPhone ont un mécanisme similaire avec « Hey Siri« . Même s’il est théoriquement possible de désactiver ces options, c’est une de ces choses dont n’est jamais vraiment sûr. Et nous transportons ces appareils de surveillance gouvernementale dans nos poches partout où nous allons.

Si les documents révélés par Snowden nous ont appris quelque chose, c’est que si une forme de surveillance est techniquement possible, elle est déjà mise en application quelque part.

Et même si Google et Apple ne nous mettent pas eux-mêmes sur écoute, c’est la police allemande qui s’autorise à pénétrer dans les téléphones et y installer Bundestrojaner, l’équivalent du pot de fleurs pour cacher un micro. On pourrait penser que l’Allemagne en particulier se souvient de son histoire récente et se rend compte qu’il s’agit là d’une mauvaise idée. Mais elle le fait sans doute, en toute logique, parce que les forces de police d’autres pays utilisent déjà ce type d’outils.

Pour nos parents, le concept de conversation privée était aussi naturel que l’oxygène dans l’air. Nos enfants, à l’ère du numérique, pourraient ne jamais connaître ce sentiment.

Et c’est ainsi que nous vivons aujourd’hui, ce qui était au début une habitude est devenue instinctif au fil du temps, et nous acceptons l’idée que chaque son que nous émettons est entendu par les autorités.

La vie privée demeure de votre responsabilité.




21degrés de liberté – 13

Nos comportements font désormais l’objet d’une surveillance de plus en plus intrusive de la part du commerce, qu’il soit ou non virtuel, au point de surveiller même les achats que nous ne faisons pas…

Voici déjà le 13e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois. Il attire aujourd’hui notre attention sur une forme inattendue du pistage à caractère commercial.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

On espionne non seulement tout ce que nos enfants achètent, mais également tout ce qu’ils N’ACHÈTENT PAS

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : draenog, dodosan, goofy et un anonyme

Nous avons vu comment les achats de nos enfants, que ce soit en liquide ou par carte, sont surveillés au mépris de leur vie privée, d’une manière qui aurait fait frémir nos parents. Pire encore : la vie privée de nos enfants est également violée par l’espionnage des achats qu’ils ne font pas, qu’ils les refusent sciemment ou qu’ils passent simplement leur chemin.

Amazon vient d’ouvrir son premier magasin Amazon Go, où il est possible de mettre des articles dans son sac et de partir, sans avoir à passer par une caisse. Pour présenter ce concept5, Amazon indique qu’il est possible de prendre un article, qui sera inscrit dans vos achats, puis de changer d’avis et de le reposer, auquel cas le système enregistre que l’article n’a pas été acheté.

Évidemment, on ne paie pas pour un article à propos duquel on a changé d’avis, ce qui est le message de la vidéo. Mais il ne s’agit pas seulement d’enlever un article du total à payer : Amazon sait que quelqu’un a envisagé de l’acheter et ne l’a au final pas fait, et l’entreprise utilisera cette information.

Nos enfants sont espionnés de cette manière chaque jour, si ce n’est à chaque heure. Nos parents n’ont jamais connu cela.

Lorsque nous faisons des achats en ligne, nous rencontrons même des plugins simples pour les solutions commerciales les plus courantes, qui réalisent ce qu’on nomme, par un barbarisme commercial, une « analyse en entonnoir » ou « analyse d’abandon de panier », qui détermine à quel moment nos enfants décident d’abandonner le processus d’achat.

On ne peut même plus quitter un achat en cours de route sans qu’il soit enregistré, consigné et catalogué pour un usage futur.

Mais cet « abandon de panier » n’est qu’une partie d’un plus vaste problème, à savoir le pistage de ce qui nous intéresse, à l’ère de nos enfants du numérique, sans pour autant que nous l’achetions. On ne manque pas aujourd’hui de personnes qui jureraient avoir tout juste discuté d’un type de produit au téléphone (disons, « jupe noire en cuir ») pour voir, tout à coup, des publicités spécifiques pour ce type de produit surgir de tous les côtés sur les pubs Facebook et/ou Amazon. Est-ce qu’il s’agit vraiment d’entreprises à l’écoute de mots-clés via notre téléphone ? Peut-être, peut-être pas. Tout ce qu’on sait depuis Snowden, c’est que s’il est techniquement possible de faire intrusion dans notre vie privée, alors c’est déjà en place.

(On peut supposer que ces personnes n’ont pas encore appris à installer un simple bloqueur de publicités… Mais bon.)

Dans les endroits les plus surchargés en pubs, comme les aéroports (mais pas seulement là), on trouve des traqueurs de mouvements oculaires pour déterminer quelles publicités vous regardez. Elles ne changent pas encore pour s’adapter à vos intérêts, comme dans Minority Report, mais puisque c’est déjà le cas sur votre téléphone et votre ordinateur, il ne serait pas surprenant que cela arrive bientôt dans l’espace public.

Dans le monde analogique de nos parents, nous n’étions pas enregistrés ni pistés quand nous achetions quelque chose.

Dans le monde numérique de nos enfants, nous sommes enregistrés et suivis même quand nous n’achetons pas quelque chose.

La vie privée demeure de votre responsabilité.