ChatGPT, Bard et cie : nouvelle course à l’IA, et pourquoi faire déjà ?
Google va ajouter de l’IA générative dans Gmail et Docs. Énième actualité d’un feuilleton permanent depuis « l’irruption » de ChatGPT. Et chez moi, un sentiment de malaise, d’incompréhension, et même de colère.
Qu’est-ce que ChatGPT ? Qu’est-ce que l’IA1 ? Ce sont d’abord d’immenses infrastructures : les câbles sous-marins, les serveurs des datacenters, mais aussi nos ordinateurs et nos smartphones. Donc ce sont des terres rares et des minerais, dégueulasses à excaver et à purifier (heureusement un jour il n’y en aura plus2). Ensuite, c’est du traitement MASSIF de données. Du vrai gavage de programmes d’apprentissages par des quantités phénoménales de données. C’est donc des infrastructures (encore) et de l’énergie. Une quantité phénoménale d’énergie, très largement carbonée. Enfin, c’est beaucoup de main-d’œuvre sous-payée pour entraîner, tester, et entretenir les systèmes d’IA. ChatGPT, il ne faut pas l’oublier, ce n’est que la face émergée d’un très très gros iceberg. Très gros et très sale.
Ce n’est pas un film. ÇA, c’est l’ambiance dans une mine de cobalt.
Image issue du documentaire d’Arte : Cobalt, l’envers du rêve électrique
Bref, développer une IA a un coût environnemental et humain énorme (et largement opaque), ce n’est pas que du code informatique tout propre. À la rigueur, si le rapport coût/bénéfice était largement positif… Par exemple, si l’IA développée permettait des économies d’énergie de 30 % dans le monde, ou qu’elle permettait de mieux gérer les flux alimentaires et donc d’endiguer la faim, alors on pourrait sérieusement discuter de moralité (est-ce acceptable de détruire la planète et d’exploiter des humains pour sauver la planète et d’autres humains ?).
Mais à quoi servent ces IA génératives ? Pour le moment, à faire joujou, principalement. À chanter les louanges de l’innovation, évidemment. À se faire peur sur l’éternelle question du dépassement de l’humain par la machine, bien sûr. Et ensuite ? Supprimer des postes dans des domaines plutôt créatifs et valorisés ? Défoncer les droits d’auteur en pillant leur travail via des données amassées sans régulation ? Gagner un peu de temps en rédigeant ses mails et ses documents ? Transformer encore un peu plus les moteurs de recherche en moteurs de réponses (avec tous les risques que ça comporte) ? Est-ce bien sérieux ? Est-ce bien acceptable ?
Tout ça me laisse interrogateur, et même, en pleine urgence environnementale et sociale, ça me révolte. À un moment, on ne peut pas continuer d’alerter sur l’impact environnemental réel et croissant du numérique, et s’enthousiasmer pour des produits comme ChatGPT et consorts. Or souvent, ce sont les mêmes qui le font ! Ce qui me révolte, c’est que toute cette exploitation humaine et naturelle3, inhérente à la construction des Intelligences Artificielles, est tellement loin de ChatGPT que nous ne la voyons pas, ou plus, et nous ne voulons pas la voir. Cela se traduit par tous les messages, enthousiastes et même volubiles, postés quotidiennement, sans mauvaise intention de la plupart de leurs auteur⋅ice⋅s.
Symboliquement, je propose de boycotter ces technologies d’IA génératives. Je ne suis heureusement pas utilisateur de Google et Microsoft, qui veulent en mettre à toutes les sauces (pour quoi faire ?). J’espère que mes éditeurs de services numériques (a priori plus éthiques) ne céderont pas un pouce de leurs valeurs à cette hype mortifère…
Pour poursuivre sa lecture et ses réflexions
- Intelligence artificielle : Nous n’avons pas besoin de plus de contenus, mais de meilleures analyses
- Cobalt, l’envers du rêve électrique
- Ruée minière au XXIè siècle : jusqu’où les limites seront-elles repoussées ? – Aurore Stephant à USI
- La responsabilité chez Fairphone – Agnès Crépet & Alix Dodu – Ethics by design 2020
- Anatomy of an AI system, Kate Crawford and Vladan Joler
- The carbon impact of artificial intelligence