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Un peu d’hygiène numérique

Les quelques conseils qui suivent sont élémentaires et relèvent du bon sens plus que de la technique. Ils doivent cependant être répétés sans cesse tant il nous est facile de passer outre et de négliger ce qui peut pourtant nous rendre un fier service…

Saviez-vous que Mozilla dispose d’une équipe et d’un site Internet Citizen qui publie de semaine en semaine des conseils pour que chacun puisse agir et « Protéger la plus vaste ressource globale partagée » ? C’est sur ce portail que j’ai choisi l’article de M.J. Kelly, à la suite duquel vous trouverez quelques pistes pour aller plus loin. Mais avant d’installer un VPN, de chiffrer notre disque dur ou de créer un nœud Tor, si nous commencions par sécuriser nos mots de passe ?

 

Devez-vous vraiment masquer votre webcam ?

Source : Should you cover your webcam?

par M.J. Kelly

mjkelly2Lorsque les médias nous ont révélé que des personnalités comme le PDG de Facebook Mark Zuckerberg et le directeur du FBI James Comey masquaient leurs webcams, nous avons été amenés à nous demander si nous ne devrions pas tous en faire autant. Mettre un post-it ou un bout de sparadrap sur la caméra peut vous donner l’impression que vous gardez le contrôle en vous protégeant contre l’espionnage d’un pirate. C’est vrai, tant que votre webcam est masquée, on ne peut pas vous voir, mais est-ce une protection efficace pour votre sécurité ?

Marshall Erwin, responsable du département Vie privée et confidentialité chez Mozilla, répond : « — pas tant que ça… »

Masquer votre webcam pourrait en réalité aggraver la situation, précise Erwin. Les pirates pourraient encore vous écouter en utilisant le microphone, par exemple. Si vous avez masqué la caméra et ne voyez pas le voyant lumineux à côté de la lentille, vous ne saurez pas que le pirate a activé la caméra et vous écoute.

Erwin souligne également que votre webcam peut être compromise par d’autres moyens, comme le piratage des appels vidéo, appelé piggybacking(1). Masquer votre webcam n’est pas une défense parfaite.

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Un bout de sparadrap, pourquoi pas, mais…

Avant de la débrancher carrément, il existe de meilleures solutions que de lui coller un pansement ou de la jeter à la poubelle. Vous pouvez faire preuve d’astuce et vous protéger des intrusions de sécurité avant qu’elles ne surviennent

Voici quoi faire :

  • Choisissez des mots de passe forts. Que ce soit pour votre box chez vous ou pour vos comptes sur les réseaux sociaux, choisir des mots de passe robustes est votre meilleure protection contre toutes sortes de menaces sur le Web. C’est avec de bonnes pratiques de sécurité comme celle-là qu’il sera plus difficile de compromettre les appareils que vous utilisez, au passage votre webcam sera protégée elle aussi.
  • Méfiez-vous des liens. Des délinquants utilisent toute sortes d’astuces pour accéder à vos ordinateurs, Ils vous envoient entre autres des liens qui ont l’air inoffensifs. Ils recèlent en réalité des logiciels malveillants ou des virus qui sont ensuite les vecteurs de corruption de votre ordinateur. Si un lien ou un téléchargement ne vous semble pas tout à fait sûr, il ne l’est probablement pas. Vérifiez que tous les logiciels que vous installez proviennent de sources fiables et ne cliquez pas à tout-va sur des ressources qui paraissent vaguement suspectes, même si vous pensez en connaître l’origine.
  • Installez un système de sécurité. Les logiciels antivirus ne vous protégeront pas contre toutes les menaces mais c’est un bon début. Si vous installez un dispositif de sécurité, maintenez-le à jour et utilisez-le pour analyser régulièrement la sécurité de vos appareils. Des entreprises spécialisées gagnent leur vie en combattant les menaces, pour que vous n’ayez pas à le faire.
  • Faites appel à un spécialiste. Si vous pensez que votre webcam a été compromise, c’est-à-dire piratée, vérifiez avec un professionnel expérimenté en informatique pour savoir comment faire. Soyez conscient-e qu’il va vous falloir déployer beaucoup de patience pour que votre appareil soit remis en état.

En définitive, vous n’avez pas vraiment de raisons d’avoir peur d’utiliser des webcams. Elles ne représentent qu’un petit élément parmi une foule de technologies web qui rendent Internet dynamique et plaisant. Restez conscient-e de la possibilité d’avoir une webcam piratée, mais faites preuve de bon sens. Mettez un cache sur votre webcam (une gommette, un postit™, un autocollant avec un chat…) si ça vous fait plaisir, mais ne vous figurez pas que vous tenez là une solution radicale.

Efforcez-vous surtout d’agir en citoyen.ne du numérique avisé.e et conscient.e de sa sécurité en ligne, que la caméra soit ou non activée.

Vous voudrez sûrement aller plus loin :

  • D’autres conseils et astuces pour maîtriser la confidentialité de vos données personnelles, sur le site de Mozilla
  • Le livre //:Surveillance de Tristan Nitot qui conjugue de façon accessible à tous analyse des risques et recommandations utiles
  • L’excellent petit Guide d’hygiène numérique (lien direct vers le .pdf) de l’ami Genma, qui ne demande qu’à être complété ou amélioré sur le Framagit.

 

(1) Voyez l’entrée Piggybacking du glossaire en français du site panoptinet.com




À la recherche du téléphone libre… et sans Google !

Vous connaissez l’adage ? « Si le téléphone est intelligent, c’est que l’utilisateur est stupide. » Malheureusement, il se vérifie dans la manière dont les entreprises qui conçoivent ces ordinateurs de poche (avec option téléphone) nous traitent…

Entre la prison dorée qu’est l’Iphone d’Apple (qu’il nous faut « jailbreaker » pour un tout petit peu plus de contrôle, ce qui signifie en Français qu’on en « brise les barreaux »), l’espionnage total de Google sur les Android, les autorisations hallucinantes que nous demandent les applications propriétaires, l’esclavagisme qui se cache derrière les matériaux et la construction, l’obsolescence programmée… difficile de trouver un ordiphone qui convient à nos choix éthiques.

Gee, notre illustrateur-auteur-docteur maison, est parti à la quête d’un smartphone (et de ses logiciels) qui respecterait ce lourd cahier des charges. Nous reproduisons ici un article (libre, bien entendu) paru sur son blog, qui nous offre un retour d’expérience très personnel.

N’hésitez pas à ajouter vos astuces, alternatives, choix et bonnes adresses dans les commentaires !

Photo © Fairphone, c'ets pour cela qu'il y a du Google de partout. Le reste des images de cet article est CC-BY-SA Gee
Photo © Fairphone, c’est pour cela qu’il y a du Google de partout.
Le reste des images de cet article est CC-BY-SA Gee

Fairphone : un téléphone pour libriste ?

Aujourd’hui, je vous propose un petit retour sur le Fairphone 2 qui est devenu mon téléphone il y a un mois de cela. Bon, je n’ai jamais fait d’article de ce genre alors désolé si c’est un peu décousu. Je précise d’emblée que ce n’est absolument pas un article sponsorisé ou commandé, c’est juste un retour spontané parce que je pense que cela peut en intéresser certains (les libristes en premier lieu mais pas seulement).

By Gee

Mon problème avec les smartphones

Au départ, c’est tout bête : un téléphone vieillissant mal et la volonté d’en changer. Sauf que les smartphones, outre leurs avantages (oui parce que si j’en ai un, ça reste un choix), m’ont toujours dérangé pour plusieurs choses :

  • ils sont chers (je n’ai jamais été très à l’aise à l’idée de me trimbaler avec des objets de plusieurs centaines d’euros dans la poche ou à la main) ;
  • ils sont fragiles et conçus pour durer le moins de temps possible (jusqu’à la sortie du modèle suivant, en gros), obsolescence programmée, tout ça ;
  • ils sont ultra-verrouillés. Firefox OS plus ou moins enterré, Ubuntu Touch à peine existant, c’est encore Android (et dérivées) qui se rapproche le plus du libre (c’est dire dans quelle merde on est).

Pour le prix, je m’étais toujours dirigé vers du milieu de gamme en faisant des concessions sur les perfs (je ne joue que très peu et ne regarde pas de vidéos de manière prolongée dessus, ça aide).

Pour le second, malgré tous mes efforts pour en prendre soin et pour ne conserver un système stable dans le temps, je n’ai jamais réussi à garder un smartphone bien longtemps. Le dernier en date (Sony Xperia J) va avoir 3 ans et honnêtement, il a déjà des soucis depuis facilement 1 an, c’est justement par pragmatisme que je l’ai gardé. Vous allez me dire, j’aurais pu mettre plus cher et avoir un truc plus solide. M’enfin ma sœur a réussi à péter un Samsung à 500€ avec une Chupa Chups, alors vous m’excuserez si je suis sceptique.

Pour le troisième point, il y a la solution de se lancer dans les joyeusetés du root et de l’install de ROM custom. J’ai testé avec CyanogenMod sur mon Xperia, eh bien c’est incroyablement chiant et compliqué (et je dis ça du point de vue d’un mec qui installe des GNU/Linux tous les 4 matins sur des appareils plus ou moins exotiques). Des ROMS hébergées sur d’immondes sites de direct download (avec 1 tiers de liens morts), des forums à inscription obligatoire pour lire les tutos, des utilitaires Windows-only à tous les étages. Yark. Et après on va me dire que Gnunux, c’est trop compliqué.

Le Fairphone

Bref, l’idée de changer de smartphone ne m’enchante pas vraiment. Forcément, j’en viens à chercher des choses comme « smartphone alternatif » sur Internet. C’est comme ça que je retombe sur le Fairphone (dont j’avais déjà entendu parlé d’une oreille distraite avant). Je ne vous refais pas la description, en gros un smartphone qui se veut un peu plus responsable que la moyenne : pas d’exploitation d’enfants pour l’extraction des matières premières, des circuits type commerce équitable, possibilité de facilement réparer et remplacer les pièces du smartphone pour ne pas devoir le jeter au premier souci, etc. Tout de suite, ça me tente bien.

Mais voilà, tout cela a un prix : 525€. Aïe. Bien plus cher que des téléphones aux caractéristiques équivalentes d’autres marques. Rien de surprenant, quand on paie correctement les travailleurs et qu’on essaie d’avoir des pratiques éthiques, on arrive forcément à un prix total plus élevé que des entreprises sans scrupules plus habituées aux filets anti-suicide pour les exploités au bout de la chaîne et du rouleau à la fois. Mais on est bien au-dessus de mon budget habituel. Non pas que je n’en aie pas les moyens, mais comme je l’ai dit, me balader avec des centaines d’euros à la main ou dans la poche, ça m’embête un peu.

Et là je tombe sur le truc qui va faire basculer ma décision : le Fairphone est vendu de base avec un Android classique… mais ils fournissent également une version d’Android Open Source débarrassée de toutes les apps non libres (dont toutes celles de Google, y compris Play Store). Oh. Alors certes, un Android Open Source, ce n’est pas Fairphone qui l’a inventé. Mais là, on parle d’un truc :

  • supporté officiellement par le constructeur et prévu pile pour le téléphone en question ;
  • qui ne fera donc pas péter la garantie si on l’installe ;
  • qui est (visiblement) installable en un clic (hallelujah hare krishna).

Je demande quelques conseils sur Diaspora* et devant les avis majoritairement positifs, je saute le pas. C’est cher, mais après tout j’aurais réglé 2 de mes 3 problèmes avec les smartphones (l’obsolescence et le verrouillage) en faisant une concession sur le troisième (le prix).

Est-ce que ça marche ?

En bref : oui. Premier allumage, je rentre toutes mes infos, je zappe les parties Google et je remplace direct Android par la version open Source fournie par Fairphone. Deuxième allumage, un Android parfaitement fonctionnel sans Google et avec juste ce qu’il faut (applications téléphone, appareil photo, galerie, musique, etc.). Quand on est habitué au merdier que les constructeurs ajoutent habituellement dans leurs Androids personnalisés, c’est presque reposant.

 

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Côté matos, rien à redire. On n’est sans doute pas au top de la technologie actuelle, mais pour quelqu’un comme moi habitué à du milieu de gamme, c’est parfait. Je ne vous fais pas la fiche technique, c’est dispo partout sur le web.

L’autonomie (le point qui laisse à désirer dans tous les tests) n’est pas fabuleuse mais rien de catastrophique non plus. En utilisation modérée (un peu de communication, quelques SMS, lire ses mails, ses tweets et ses forums de temps en temps), il peut tenir 2 jours voire 3 en utilisation très modérée. Après si on se lance dans les jeux ou de la navigation un peu intensive, on est plus sur 1 jour, c’est vrai. À part ça, il est stable, fluide, aucun ralentissement, appareil photo très performant (deux exemples ci-dessous). L’écran n’est pas mat mais l’affichage est de très bonne qualité.

Après quelques semaines d’utilisation, je m’y sens chez moi. Il y a déjà eu une mise à jour de l’OS depuis que je l’ai installé. Espérons que le support dure.

Android sans Google ?

Cette partie ne concerne pas spécifiquement le Fairphone. Comment on se débrouille avec Android sans compte et sans appli Google ? Comment on se débrouille avec Android quand on veut au maximum utiliser du logiciel libre ?

Déjà, un grand classique que tous les libristes connaissent : F-Droid. C’est un app center alternatif à Google Play Store promu par la Free Software Foundation Europe. Parfait pour n’installer que des applications alternatives et libres. Le logiciel n’est pas des plus sexy (pas de doute, on est bien chez la FSF 🙂 ) mais il fait le boulot très bien. Le plus gros manque, à mon sens, c’est un système de classement : quand on recherche une app, on voudrait savoir laquelle est la plus appréciée ou la plus téléchargée et ce n’est pas possible. On finit toujours par chercher sur le web « best open source photo gallery app android » par exemple. Dommage. Pour le reste, c’est clair, épuré, on installe/désinstalle en un clic, des messages avertissent si l’appli est partiellement non-libre ou promeut des services non-libres, etc. Bref, F-Droid, c’est la supérette bio d’Android.

Ensuite, eh bien il faut juste trouver les applis qui vous conviennent. Le site Droid Break est très bien et donne quelques alternatives à des applications connues.

Un aperçu des applications installées sur mon téléphone :

Bien sûr, dans le tas, il y a des applis pour se connecter à des services non-libres (Twitter, YouTube, etc.). Mais contrairement aux applis officielles, elles ont tendance à vous demander sacrément moins d’autorisations, c’est déjà un plus. En vrac :

  • TTRSS-Reader : lecteur de flux RSS spécialisé pour Tiny Tiny RSS (branché dans mon cas sur mon compte Framanews) ;
  • Diaspora : branché sur mon compte Framasphère. Dispensable puisque la version web de Diaspora* est très satisfaisante ;
  • Twidere : appli alternative pour gérer ses comptes Twitter. Pas de publications promotionnelles, pas de timeline et tout marche bien (manque les sondages pour l’instant). Rien à redire ;
  • LeafPic : galerie photo bien foutue (je n’étais pas très satisfait de la galerie de base) ;
  • Firefox : inutile de le présenter mais le panda roux / renard de feu (choisissez votre camp, perso j’en ai rien à carrer) marche bien aussi sur mobile ;
  • K-9 Mail : excellente appli pour gérer des comptes mails multiples. Les fans de Dr Who apprécieront la référence (perso je n’en ai – encore une fois – rien à carrer) ;
  • GBCoid : émulateur de GameBoy qui marche très bien et qui est très configurable. Oui, je disais que je ne jouais pas sur smartphone, mais c’est à moitié vrai. Disons que je suis plutôt retrogaming, ce qui se satisfait de perfs modestes en général. Les boutons émulés sur l’écran tactile, faut s’y faire (surtout pour les jeux d’adresse) mais c’est sympa d’avoir un téléphone qui fait GameBoy ;
  • ScummVM : pour faire tourner les point’n’click des années 90 (particulièrement ceux de LucasArts) dont je suis un fan absolu. Je viens tout juste de me refaire tout Monkey Island 2 (et là je refais le un, OUI C’EST DANS LE DÉSORDRE ET ALORS) ;
  • NewPipe : lecteur pour YouTube. Simple et efficace ;
  • Wikipédia : rien à redire, ça marche nickel. J’aime particulièrement le fait que cliquer sur un lien interne ouvre un petit onglet de prévisualisation en bas au lieu d’ouvrir l’article directement ;
  • Barcode Scanner : lecteur de QR-Code et assimilés. Le genre d’appli que j’utilise toutes les morts d’évêques mais qu’il est bien pratique d’avoir quand même ;
  • Turbo Editor : éditeur de texte. Je n’en ai pas une grande utilisation (éditer du texte sur un smartphone, faut être motivé), mais ça dépanne bien ;
  • Tomdroid : gestionnaire de notes. Bien pour relever les compteurs, noter un numéro, etc. Les linuxiens reconnaîtront Tomboy ;
  • OsmAnd~ : cartes et navigation basé sur OpenStreetMap avec stockage des cartes en local. Une très bonne appli qui mériterait d’être plus connue, parfaite pour remplacer Google Maps ;
  • ShoLi : gestionnaire de liste de courses. C’est tout con mais c’est très pratique (on prépare une liste puis on coche les éléments en tapotant dessus) et je m’en sers tout le temps ;
  • DAVdroid : pour gérer les contacts et calendrier de mon compte Owncloud (sur Framadrive) ;
  • RedReader : pour gérer un compte Reddit ;
  • ownCloud : client OwnCloud (pour la partie fichiers donc), branché aussi sur mon Framadrive ;
  • Amaze : l’appli est installée de base, c’est un bon explorateur de fichiers.

Et la petite appli « L’espace client » dont je n’ai pas parlé ? Eh bien là, c’est la solution de secours en l’absence d’alternative : utiliser un marque-page Firefox et en faire une icône. Là, il s’agit du portail web mobile de ma banque. Ils fournissent une appli non-libre sur le Play Store et c’est typiquement le genre de d’appli que, pour des raisons de sécurité, je n’irai pas télécharger en APK directement sur n’importe quel site venu. Bref, le web mobile, c’est bien, ça marche (quand c’est fait correctement).

Comme ça a tendance à manquer un peu, quelques captures d’écran de la plupart de ces applis :

Bilan

Alors, est-ce qu’au final, Android sans les applis fermées et sans Google, c’est faisable ? Bien sûr ! Et ça marche même très bien.

Mais est-ce que c’est pareil ? Aussi facile à utiliser ? Aussi pratique ? Alors là, je vais être un peu abrupt : la réponse est non.

Mais au bout d’un moment, il va falloir faire le deuil de ce genre de problématique. Aucune alternative libre n’a la puissance de frappe d’un GAFAM, il est illusoire d’espérer en obtenir la même chose. J’ai parlé de F-Droid comme de la supérette bio d’Android, et ce n’est pas un hasard : je pense que le choix du Libre en informatique, c’est comme le choix du bio en nourriture. Quand tu décides de manger bio, tu sais que les KitKats c’est terminé, tu sais que tes légumes seront peut-être moins brillants et que tu auras moins de choix en prenant des produits locaux (normal, on ne produit pas des bananes n’importe où et à n’importe quel moment de l’année). Mais tu manges bio parce que, quelque part, tu es prêt à faire des concession pour avoir accès à des choses plus saines et que tu sais qu’au final, tu restes « gagnant » par rapport à la bouffe industrielle. Et jamais tu n’exigeras autant de choix et de flexibilité à ta supérette bio qu’au Géant Casino d’à côté.

Le Libre, c’est pareil. Non, je n’aurai pas la dernière appli qui défonce tout, oui je me prive de certaines fonctionnalités hyper-pratiques (Google Maps et Waze pour t’aider à éviter les bouchons quand t’habites près de Nice, c’est un bonheur pourtant). Mais ça vaut le coup. Avoir un téléphone qui vous fout la paix, qui ne vous espionne pas. Des applis qui demandent juste les autorisations qu’il leur faut (c’est-à-dire souvent pas grand-chose). Pas de pub, pas de fonctionnalités payantes cachées, pas de connexion centralisée avec Google, Facebook ou qui sais-je encore. Juste des applis simples qui font le boulot et qui manquent parfois un peu de polish.

On ne démantèlera pas Géant Casino ou Carrefour avec nos petites paluches. Mais, supérette bio après supérette bio, on participe à une alternative de plus en plus viable. C’est pareil pour GAFAM et les petites alternatives qui ne paient pas de mine.

Et comme indiqué au-dessus, ça n’implique pas nécessairement de se couper totalement des services non-libres (type Twitter) dont on reste parfois encore dépendants (je n’ai pas la prétention d’être blanc comme neige sur ce point, je fais comme la plupart des gens : au mieux).

Je conclurais bien en disant que ça me rappelle un certain projet de dégooglisation, mais zut, on va encore dire que je fais de la promo pour les copains 🙂

 

Pour aller plus loin




La prise de conscience et la suite

C’est peut-être le début du début de quelque chose : naguère traités de « paranos », les militants pour la vie privée ont désormais une audience croissante dans le grand public, on peut même parler d’une prise de conscience générale partielle et lente mais irréversible…

Dans un article récent traduit pour vous par le groupe Framalang, Cory Doctorow utilise une analogie inattendue avec le déclin du tabagisme et estime qu’un cap a été franchi : celui de l’indifférence générale au pillage de notre vie privée.

Mais le chemin reste long et il nous faut désormais aller au-delà en fournissant des outils et des moyens d’action à tous ceux qui refusent de se résigner. C’est ce qu’à notre modeste échelle nous nous efforçons de mener à bien avec vous.

Au-delà de l’indifférence

par Cory Doctorow

d’après l’article original de Locus Magazine Peak of indifference

traduction Framalang : lyn, Julien, cocosushi, goofy,  xi

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Dès les tout premiers jours de l’accès public à Internet, les militants comme moi n’ont cessé d’alerter sur les risques sérieux pour la vie privée impliqués par les traces des données personnelles que nous laissons derrière nous lors de notre activité quotidienne en ligne. Nous espérions que le grand public réfléchirait sérieusement aux risques potentiels de divulgation à tout va. Que le grand public comprendrait que les inoffensives miettes d’informations personnelles pourraient être minutieusement rassemblées pour notre malheur par des criminels ou des gouvernements répressifs, des harceleurs aux aguets ou des employeurs abusifs, ou encore par des forces de l’ordre bien intentionnées mais qui pourraient tirer des conclusions fallacieuses de leur espionnage de nos vies.

Nous avons complètement échoué.

La popularité et la portée d’Internet n’ont fait qu’augmenter chaque année. Et chaque année ont augmenté aussi les menaces sur la vie privée des utilisateurs.

Pour être honnête, nous, les défenseurs de la vie privée, avons une bonne excuse. Il est vraiment très difficile d’amener les gens à avoir conscience des dangers qui les menacent lorsque ceux-ci sont à venir, surtout quand le comportement qui vous met en danger et ses conséquences sont très éloignés dans le temps et dans l’espace. La divulgation de la vie privée est un problème de santé publique, comme le tabagisme. Ce n’est pas une simple bouffée de cigarette qui va vous donner le cancer, mais inhalez assez de bouffées et, au bout du compte, ce sera le cancer quasi assuré. Une simple divulgation de vos données personnelles ne vous causera pas de préjudice, mais la répétition de ces divulgations sur le long terme engendrera de sérieux problèmes de confidentialité.

Pendant des décennies, les défenseurs de la santé publique ont essayé d’amener les gens à se préoccuper des risques de cancer, sans beaucoup de succès. Ils avaient, eux aussi, une bonne excuse. Fumer procure un bénéfice à court terme (on calme une envie irrésistible) et le coût en est modique. Pire encore, les entreprises qui faisaient du profit avec le tabac ont largement financé des campagnes de désinformation pour que leurs clients aient plus de mal à appréhender les risques à long terme, et surtout évitent de s’en soucier.

Le tabagisme est maintenant en déclin (bien que le vapotage s’avère y conduire efficacement), mais il a fallu pas mal de temps pour en arriver là. Quand ceux qui avaient fumé toute leur vie recevaient le diagnostic de leur cancer, il était déjà trop tard, et beaucoup ont nié la réalité de leur cancer, ont continué à fumer tout au long de leur thérapie, ou bien ont connu une mort lente et cruelle. L’association entre le plaisir à court terme de la fumée et l’absence de moyens significatifs de réparer les dégâts qui se sont déjà produits, telle est l’infaillible moteur du déni : pourquoi se priver des plaisirs de la fumée si finalement ça ne fait aucune différence ?

Cependant, le tabagisme n’est en déclin que parce que les preuves de ses dégâts sont peu à peu devenues indéniables. À un certain moment, l’indifférence aux dangers du tabac a atteint son point culminant – bien avant que le tabagisme lui-même n’atteigne son maximum. L’indifférence maximale représente un tournant. Une fois que le nombre de personnes qui se sentent concernées par le problème commence à grandir indépendamment de vous, sans que vous ayez besoin de présenter encore et toujours ses conséquences à long terme, vous pouvez changer de tactique pour passer à quelque chose de bien plus facile. Plutôt que d’essayer d’impliquer les gens, vous avez maintenant seulement besoin de les inciter à agir sur ce sujet.

Le mouvement contre le tabagisme a réalisé de grandes avancées sur ce terrain. Il a fait en sorte que les personnes atteintes du cancer – ou celles dont les proches l’étaient – comprennent que le fait de fumer n’était pas un phénomène venu de nulle part. Des noms ont été cités, des documents publiés qui ont montré exactement qui conspirait pour détruire des vies avec le cancer afin de s’enrichir. Les militants ont mis au jour et souligné les risques qui pèsent sur la vie des gens non fumeurs : le tabagisme passif, mais aussi le poids qu’il pèse sur la santé publique et la douleur des survivants après le décès de leurs proches. Tous ont demandé des changements structurels – interdiction de fumer – et légaux, économiques et normatifs. Franchir le cap de l’indifférence maximale leur a permis de passer de l’argumentation à la réponse.

Voilà pourquoi il est grand temps que les défenseurs de la vie privée se mettent à réfléchir à une nouvelle tactique. Nous avons franchi et dépassé le cap de l’indifférence à la surveillance en ligne : ce qui signifie qu’à compter d’aujourd’hui, le nombre de gens que la surveillance indigne ne fera que croître.

La mauvaise nouvelle, c’est qu’après 20 ans d’échec pour convaincre les gens des risques liés à leur vie privée, une boite de Pandore s’est construite : toutes les données collectées, actuellement stockées dans des bases de données géants seront, un jour ou l’autre, divulguées et lorsque cela se produira, des vies seront détruites. Ils verront leur maison volée par des usurpateurs d’identité qui falsifient les titres de propriété (ça c’est déjà vu), leur casier judiciaire ne sera plus vierge car des usurpateurs auront pris leur identité pour commettre des délits (ça c’est déjà vu), ils seront accusés de terrorisme ou de crimes terribles parce qu’un algorithme aura scanné leurs données et aura abouti à une conclusion qu’ils ne pourront ni lire ni remettre en question (ça c’est déjà vu) ; leurs appareils seront piratés parce que leurs mots de passe et autres données personnelles auront fuité de vieux comptes, des pirates les espionneront depuis leurs babyphones, leur voitures, leurs décodeurs, leurs implants médicaux (ça c’est déjà vu) ; leurs informations sensibles, fournies au gouvernement pour obtenir des accréditations fuiteront et seront stockées par des états ennemis pour exercer un chantage (ça c’est déjà vu) , leurs employeurs feront faillite après que des informations personnelles auront servies à faire de l’espionnage industriel (ça c’est déjà vu) etc..

Du piratage du site Ashley Madison à la violation de données de l’Office of Personnel Management [le service qui gère les fonctionnaires fédéraux aux USA], ce qui nous attend est clair : dorénavant, tous les quinze jours, un ou deux millions de personnes dont la vie vient d’être détruite par une fuite de données vont régulièrement aller frapper à la porte d’un défenseur de la vie privée, pâles comme un fumeur qui vient d’apprendre qu’il a un cancer, ils lui diront : « Vous aviez raison. On fait quoi, maintenant ? »

Clavier vie privée (en vente nulle part) : image de https://framablog.org/2016/07/11/la-prise-de-conscience-et-la-suite/

Clavier « vie privée » par g4ll4is, (CC BY-SA 2.0)

C’est là que nous pouvons intervenir. Nous pouvons désigner les personnes qui nous ont dit que la notion de vie privée était obsolète alors qu’eux-mêmes dépensent des centaines de millions de dollars pour se prémunir de toute surveillance, en achetant les maisons proches de la leur et en les laissant vides (comme l’a fait le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg) ; en menaçant les journalistes qui ont divulgué des données personnelles les concernant (comme l’a fait l’ex-PDG de Google, Eric Schmidt) ; en utilisant des paradis fiscaux pour cacher leurs délits financiers (comme ceux nommés dans les Panama Papers). Toutes ces personnes ont dit un jour : « La vie privée, c’est fini » mais ils voulaient dire « Si vous pensez que c’en est fini de votre vie privée, je serai vraiment beaucoup plus riche. »

Nous devons citer des noms, rendre évident le fait que des personnes vivantes aujourd’hui ont conçu un mouvement de déni de la vie privée sur le modèle du mouvement de déni du cancer conçu par l’industrie du tabac.

Nous devons fournir des moyens d’action : des outils de protection des données personnelles qui permettent aux gens de se défendre contre l’économie de la surveillance ; des campagnes politiques qui exposent et ridiculisent publiquement les politiciens et les espions ; l’opportunité d’obtenir en justice des réparations de ceux qui profitent de la surveillance.

Si nous pouvons donner une perspective d’action aux victimes du pillage de leur vie privée, un mouvement qu’elles puissent rejoindre, elles combattront à nos côtés. Sinon, elles deviendront des nihilistes de la confidentialité et continueront à répandre leurs données personnelles pour gagner un peu de vie sociale à court terme, ce qui en fera des proies faciles pour les espions, les escrocs, les salauds et les voyeurs.

C’est à nous de jouer.




Le numérique nous change au-delà de nos usages

Nous avons tous conscience, pour peu que nous prenions un peu de recul, que nos usages et nos mœurs ont considérablement changé dans les 20 dernières années. Nous en attribuons la cause à l’omniprésence des technologies numériques que nous avons massivement adoptées, du moins dans notre partie du monde.

Cependant ce n’est pas seulement notre manière de communiquer, vivre, travailler, aimer… qui ont complètement changé, c’est aussi notre manière d’être nous-mêmes, ou plutôt : la façon dont notre être apparaît aux yeux du monde numérique désormais.

Lorsque ce monde numérique est quasi entièrement sous la coupe des entreprises de la Silicon Valley et sous la surveillance des gouvernements, nous sommes asservis à une nouvelle féodalité, et plus vraiment dans une démocratie.

C’est ce qu’expose Aral Balkan dans le billet qui suit.

Aral Balkan est le fondateur et principal créateur de Ind.ie, il a déménagé son entreprise aux Pays-Bas l’an dernier lorsqu’il a vu que le nouveau gouvernement britannique voulait accentuer la surveillance de masse et imposer des backdoors, ces portes dérobées dans le code qui permettent les intrusions dans les données confidentielles.
soLong

La nature du « soi » à l’ère numérique

aral-432Article original sur le blog d’Aral Balkan : https://ar.al/notes/the-nature-of-the-self-in-the-digital-age/

Traduction Framalang : Piup, roptat, line, goofy, Penguin 

3 Mars 2016 – Cet article repose sur une conférence que j’ai donnée au Bucerius Lab à Hambourg le mois dernier et qui s’intitulait : « Émancipation numérique : la propriété de soi à l’ère numérique ».

La nature de la technologie moderne

Votre téléviseur intelligent, la montre à votre poignet, la nouvelle poupée Barbie de votre enfant et la voiture que vous conduisez (c’est plutôt elle qui vous conduit, non ?) ont une chose en commun : tous ces objets fonctionnent en collectant des données — vos informations personnelles — sur vous, vos amis, et votre famille.

Bien que cela puisse sembler effrayant en soi, le vrai problème n’est pas là.

La technologie moderne fonctionne en moissonnant une profusion de données (souvent personnelles). Il s’agit simplement d’une réalité de la vie. On ne la changera pas.

La question cruciale est la suivante : qui possède et contrôle les données vous concernant et les mécanismes par lesquels elles sont recueillies, analysées, et transformées en services utiles ?

Si la réponse à cette question était « c’est moi » alors notre problème serait résolu. Dans ce monde idéal, grâce aux capacités de la technologie, les individus disposant de davantage d’informations sur eux-mêmes et sur le monde qui les entoure pourraient traduire ces informations en superpouvoirs.

Malheureusement, nous ne vivons pas dans ce monde.

zuckerberg
Le public, branché sur des casques de réalité virtuelle, ne voit pas passer Mark Zuckerberg. L’avenir que nous devons éviter.

Aujourd’hui, la réponse à notre question, c’est que les sociétés multinationales comme Google et Facebook possèdent et contrôlent à la fois vos données personnelles, les moyens de les collecter, de les analyser et d’en faire de l’argent.

Aujourd’hui, ce sont les entreprises, et non les individus, qui  possèdent et contrôlent nos données et la technologie. Nous vivons dans une entreprenocratie, pas une démocratie.

Nous voici dans un état socio-techno-économique que Shoshana Zuboff de la Harvard Business School appelle le capitalisme de surveillance (en).

Pour comprendre pourquoi le capitalisme de surveillance est si problématique, nous devons d’abord comprendre deux concepts fondamentaux : la nature du « soi » et la nature des données à l’ère numérique.

La nature du « soi » à l’ère numérique

Selon Steve Krug, l’auteur de Do not Make Me Think (en), une technologie bien conçue devrait jouer le rôle d’un majordome lors de l’interaction avec un être humain. Disons que je veux me souvenir de quelque chose pour plus tard et que j’ai mon smartphone avec moi. La conversation entre nous pourrait donner quelque chose comme ceci :

Moi : majordome, rappelez-moi ça plus tard.

Mon smartphone : bien entendu, monsieur, je viens de le mettre pour vous dans l’application Notes .

Moi : merci

En réalité, avec des technologies comme Siri, vous pouvez avoir dès aujourd’hui exactement ce type de conversation.

Telle est la façon courante de voir notre relation à la technologie : comme une conversation entre deux acteurs. Dans notre cas, entre moi et mon téléphone. Si c’est ainsi que nous voyons la technologie, la surveillance est la capture des signaux entre les deux acteurs. Ce n’est en rien différent de ce que faisait la Stasi, quand elle installait des mouchards dans votre maison et écoutait vos conversations. Ce n’est pas très sympathique, mais la surveillance est ainsi, traditionnellement.

Mais que se passerait-il si telle n’était pas notre relation à la technologie ?

votre smartphone est-il un simple majordome ou bien un peu plus que ça ?
Votre smartphone est-il un simple majordome ou bien un peu plus que ça ?

Lorsque je note une idée sur mon smartphone pour m’en souvenir plus tard, est-ce qu’en réalité je ne donne pas une extension à mon esprit, et par là-même une extension à mon « moi » utilisant le smartphone ?

Aujourd’hui, nous sommes des cyborgs. Cela ne veut pas dire que nous nous greffons des implants technologiques, mais que nous étendons nos capacités biologiques avec la technologie. Nous sommes des êtres éclatés, avec des parties de nous-mêmes dispersées dans nos objets quotidiens et augmentées par eux.

Peut-être est-il temps de repousser les frontières du soi pour inclure les technologies au travers desquelles nous nous étendons nous-mêmes.

Le smartphone étend les frontières du « soi »

L’extension des frontières du « soi »

Si nous commençons à percevoir ainsi nos objets quotidiens, pas en tant qu’acteurs séparés, mais comme des extensions de nous-mêmes, alors plusieurs choses deviennent très claires.

Tout d’abord, la surveillance n’est plus la capture de signaux mais une violation du soi. Considérons le litige actuel entre Apple et le FBI, qui veut créer un précédent pour pouvoir accéder au téléphone de n’importe qui. J’ai entendu dire que la requête se rapprochait d’une requête légale pour accéder au contenu d’un coffre-fort (ici lien vers un article en anglais qui explique les véritables enjeux du conflit Apple contre FBI). Rien ne pourrait être aussi éloigné de la vérité. Mon iPhone n’est pas plus un coffre-fort que mon cerveau n’en est un. C’est une partie de moi. Dans ce cas, si on veut rentrer dans mon iPhone, ce qu’on veut vraiment c’est violer ma personne. C’est une attaque contre le soi. Et nous avons déjà un riche corpus de lois et de règlements qui sanctuarisent le soi et les droits des êtres humains.

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La surveillance du « soi » est une agression, une violation du soi.

Ensuite, il apparaît clairement que nous n’avons pas besoin d’une nouvelle Déclaration des Droits relative à Internet ou d’une « Magna Carta » du Web ou quoi que ce soit d’aussi absurde : tout ce dont nous avons besoin, c’est d’appliquer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (les droits de l’homme que nous connaissons) au monde numérique. Il n’existe pas un monde numérique et un monde réel. Il n’y a pas des droits de l’homme et des « droits numériques ». Nous parlons, en fait, d’une même et unique chose.

Enfin, nous commençons à comprendre la nature véritable de ceux qui fouinent dans nos données personnelles et nous pouvons essayer de réglementer efficacement leurs pratiques néfastes.

Mais pour commencer, il nous faut comprendre ce que sont les données.

La nature des données

On entend souvent dire que les données sont des placements profitables. Selon le magazine Wired , elles seraient l’équivalent moderne du pétrole. C’est seulement parce que nous ne comprenons pas la vraie nature des données que nous ne sommes pas choqués par ce genre de comparaison.
Prenons un exemple :

Supposons que j’aie une petite figurine. Si je dispose d’assez de données sur elle, je peux avec une imprimante 3D en créer une copie conforme à l’original. Imaginez maintenant ce que je peux faire si je dispose d’assez de données sur vous-même.

Les données sur un objet, si vous en avez une quantité suffisante, deviennent cet objet.

Les données sur vous, c’est vous.

Les données personnelles ne sont pas le nouveau pétrole. Les données personnelles, ce sont les gens eux-mêmes.

Maintenant, il ne s’agit pas de dire que Google, Facebook et les innombrables start-ups de la Silicon Valley veulent faire votre copie en 3D. Non, bien sûr que non. Ces entreprises veulent simplement vous profiler. Pour vous imiter. Pour en faire du profit.

Le modèle économique du capitalisme de surveillance, celui de Google, Facebook et des innombrables start-ups de la Silicon Valley, c’est de monétiser les êtres humains. Nous savons tous que Facebook et Google font tourner d’énormes « fermes de serveurs ». Vous êtes-vous jamais demandé ce qu’ils peuvent bien cultiver dans ces fermes ? posez-vous la question et vous devriez arriver rapidement à la conclusion que c’est nous qui sommes « cultivés ». Que sont Google et Facebook si ce n’est des fermes industrielles pour cultiver des êtres humains ?

Une ferme de serveurs

Une ferme de serveurs

Nous les appelons des fermes de serveurs… Vous êtes-vous jamais demandé ce qu’ils peuvent bien cultiver dans ces fermes ?

Si cela vous paraît familier, c’est normal : voilà bien longtemps que nous utilisons diverses variantes de ce modèle économique.

Nous appelons ce business très rentable et pourtant ignoble qui consiste à vendre le corps des humains : « l’esclavage ». Le modèle économique des plus grosses entreprises technologiques consiste à tout monétiser de vous à l’exception de votre corps. Comment appellerons-nous cela ?

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Nous avons tout un passif historique honteux de la commercialisation des individus. Aujourd’hui, le modèle économique des industries technologiques principales consiste à vendre tout ce qui vous concerne, tout ce qui fait que vous êtes vous, à l’exception de votre corps. Comment devrions-nous appeler cela ?

Ce n’est pas un problème technologique…

La Silicon Valley est la version moderne du système colonial d’exploitation bâti par la Compagnie des Indes Orientales, mais elle n’est ni assez vulgaire, ni assez stupide pour entraver les individus avec des chaînes en fer. Elle ne veut pas être propriétaire de votre corps, elle se contente d’être propriétaire de votre avatar. Et maintenant, comme nous l’avons déjà vu, plus ces entreprises ont de données sur vous, plus votre avatar est ressemblant, plus elles sont proches d’être votre propriétaire.

Votre avatar n’est pas figé une fois pour toute, c’est quelque chose de vivant, qui respire (grâce à des algorithmes, pas avec des cellules biologiques). Il vit dans les labos de Google, Facebook et il est soumis constamment à des centaines voire des milliers de tests pour être analysé afin de mieux vous comprendre. Certaines de ces expériences, si elles étaient réalisées sur votre personne physique, conduiraient les dirigeants de ces compagnies en prison pour crime contre l’humanité.

Toutes ces informations personnelles et toute la richesse qui en découle appartiennent à des entreprises et par extension (comme Edward Snowden nous l’a montré) sont partagées avec les gouvernements.

Cela crée un très grand déséquilibre entre le pouvoir des individus et celui des entreprises et entre le pouvoir des individus et celui de leur gouvernement.

Si je me promène avec une caméra chez Google Inc., je serai en arrêté. En revanche, Google enregistre ce qui se passe dans un nombre incalculable de foyers grâce aux caméras Nest [NDT : webcam filmant en continu]. Dans le monde du capitalisme de surveillance, ceux qui ont droit au respect de leur vie privée (les individus) en sont… privés, alors que ceux qui devraient être transparents (les entreprises, les gouvernements) en bénéficient.

Quand Mark Zuckerberg déclare que « la vie privée est morte », il parle uniquement de notre vie privée, pas de la sienne. Quand il achète une maison, il achète également les deux maisons mitoyennes. Sa vie privée, celle de Facebook Inc. et la confidentialité de votre gouvernement sont toujours protégées, et même bien protégées.

Si cela ne ressemble pas à de la démocratie, c’est parce que ce n’en est pas. Le capitalisme de surveillance n’est pas compatible avec la démocratie.

Le système dans lequel nous vivons aujourd’hui pourrait être appelé : « entreprenocratie », le régime féodal des entreprises.

Nous vivons dans une époque néo-coloniale régie par des monopoles multinationaux.

Un impérialisme numérique, si vous préférez.

La montée de l’ « entreprenocratie » est la conséquence de décennies de néo-libéralisme incontrôlé et d’idéologie californienne. Elle a conduit le système à un niveau jamais atteint d’inégalités, pour preuve : 62 personnes possèdent autant de richesses que la moitié du monde la plus pauvre (soit 3,5 milliards de personnes). Elle apporte aussi la destruction à grande échelle de notre environnement à travers l’épuisement des ressources et le changement climatique. Pour le dire crûment, c’est une menace mortelle pour notre espèce.

Ce n’est pas un problème technologique.

C’est un problème du capitalisme.

Et la seule réponse possible est une démocratie meilleure et plus forte.

Des technologies alternatives, décentralisées et à divulgation nulle peuvent jouer un rôle important en nous aidant à obtenir de plus grandes libertés publiques et une meilleure démocratie. Mais la technologie n’est pas un remède miracle. Sans changement au niveau de la régulation ou des statuts, ces technologies seront jugées illégales et ceux d’entre nous qui les auront mises en œuvre deviendront les nouveaux Snowden et Manning.

Notre défi est immense : les alternatives que nous créons doivent être pratiques et accessibles. Elles doivent être conçues de manière éthique et être non-coloniales par construction. Ce n’est pas une tâche simple.  Mais ce n’est pas non plus irréalisable. Je le sais car en ce moment je code moi-même ce type de solution, et d’autres aussi.

ethical-design

La pyramide de la création éthique : les produits doivent respecter les droits de l’homme, être utiles, fonctionnels et fiables, tenir compte de l’expérience utilisateur.

Les solutions alternatives doivent être conçues de façon éthique.

La bataille pour nos libertés publiques et pour la démocratie doit être menée avec nos nouveaux objets quotidiens. Selon le résultat nous verrons si nous resterons des serfs soumis à une féodalité numérique ou si nous pouvons être des citoyens libres, renforcés par une technologie qui nous appartiendra et que nous contrôlerons, des individus qui pourront explorer le potentiel de l’espèce humaine jusqu’à l’infini.

Je souhaite travailler à ces lendemains lointains.

Et j’espère que vous aussi.

Copyright © 2003–2016 Aral Balkan. Sauf mention contraire, tous les contenus de mon blog sont sous licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 4.0 International et tout code publié est sous licence MIT. Photo d’Aral par Christina von Poser.




Ce que Google sait de vous… parce que vous le lui donnez

Le bref article traduit ci-dessous ne fait que réunir et rassembler commodément des liens vers des ressources qui ne sont nullement secrètes. C’est au contraire tout à fait ouvertement que Google met à votre disposition ce qu’il sait de vous, il vous suffit de rechercher dans les paramètres de votre compte Google (mmmh car vous en avez encore un n’est-ce pas ?).

Vous vous demandez sans doute alors pourquoi un article du Framablog vous invite à cliquer sur les liens… Google, alors que nous sommes engagés dans une campagne à long terme pour vous inciter à vous déprendre de son emprise. Disons que c’est une façon rapide et frappante de prendre conscience de ce que nous sommes devenus pour cette entreprise : des données monnayables. C’est aussi une façon de découvrir que non seulement vous pouvez désactiver les fonctionnalités les plus intrusives, mais que vous pouvez même récupérer toutes les données que vous avez généreusement données à Google (voyez le 6e lien) avant de supprimer votre compte !

Faites connaître autour de vous ces quelques liens, en particulier à ceux qui par simple ignorance ou par indifférence ne voient pas pourquoi ils devraient s’efforcer de renoncer peu à peu à Google, à ses pompes et à ses œuvres (oui je sais, Amazon, Apple, Facebook et d’autres sont sur les rangs aussi mais ils ne perdent rien pour attendre).

Article original sur le blog de Cloudfender 6 links that will show you what Google knows about you

Six liens qui vont vous montrer ce que Google sait de vous

Vous voulez savoir tout ce que Google sait sur vous ? Voici 6 liens qui vont vous montrer certaines des données que Google possède sur vous.

1. Découvrez comment Google vous voit

Google tente de créer un profil de base de vous, selon votre âge, votre sexe, vos centres d’intérêt. C’est avec ces données que Google vous « sert » des annonces pertinentes. Vous pouvez examiner la façon dont Google vous voit ici :

https://www.google.com/ads/preferences/

2. Découvrez l’historique de votre géolocalisation

Si vous utilisez Android, votre appareil mobile peut envoyer à Google des informations de géolocalisation et de vitesse de déplacement d’un point à l’autre. Vous pouvez voir l’historique complet de vos « positions » et les exporter ici :

https://maps.google.com/locationhistory

3. Découvrez l’intégralité de votre historique de recherches Google

Google enregistre jusqu’à la moindre recherche que vous faites. Par-dessus le marché, Google enregistre toutes les pubs Google sur lesquelles vous avez cliqué. L’historique est à votre disposition ici :

https://history.google.com

4. Découvrez tous les appareils qui ont accédé à votre compte Google

Si vous craignez que quelqu’un d’autre ait pu utiliser votre compte, vous pouvez trouver la liste de tous les appareils qui ont accédé à votre compte Google, leur adresse IP et leur emplacement approximatif :

https://security.google.com/settings/security/activity

5. Découvrez toutes les applications et les extensions qui ont accès à vos données Google

Ceci est une liste de toutes les applications qui ont tout type d’accès à vos données. Vous pouvez voir le type exact de permissions accordées à l’application et révoquer l’accès à vos données en suivant ce lien :

https://security.google.com/settings/security/permissions

6. Exportez l’ensemble de vos données de Google

Google vous permet d’exporter toutes vos données : marque-pages, courriels, contacts, fichiers du « Drive », informations de votre profil, vos vidéos YouTube, vos photos et encore davantage :

https://www.google.com/takeout

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Tiens et ces options, vous les aviez repérées aussi, vous ?

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Bon ça c’est fait. Par petites étapes, on va finir par y arriver !




Travailler chez Google ? — Non merci…

Ah c’est sûr, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir refuser une telle opportunité… Quand on est développeur de haut niveau, c’est plus que flatteur de recevoir une invitation à discuter d’un poste de responsabilité chez le mastodonte du Net. Pour les milliers de développeurs qui sont bien payés à coder pour des produits qui ont des millions (voire des milliards ?) d’utilisateurs, il est assez exaltant de travailler pour Google.

Pourtant, quand Niklas reçoit un message l’invitant à rejoindre une équipe d’ingénieurs chez Google, il a le front de décliner, dans une lettre ouverte où il explique ses raisons.

C’est cet échange de courrier que nous avons traduit pour vous. Notez que cette fois-ci c’est Google qui est sur la sellette (parce qu’il le vaut bien) mais ce pourrait être tout autant un des autres géants du Net centralisateurs et prédateurs de nos données…

source : Why I won’t work for Google sur le blog de Niklas Femerstrand

Traduction Framalang : tetrakos, goofy, Paul, Framasky + 2 anonymes

Voici pourquoi je ne travaillerai pas pour Google

par Niklas Femerstrand NiklasFemerstrand.png

Bonjour Niklas,
Je m’appelle Patrick et je travaille chez Google.
J’ai regardé vos profils Github et LinkedIn, ainsi que votre site personnel (où j’ai découvert le projet panic_bcast), et j’aimerais m’entretenir avec vous à propos d’un certain nombre de postes d’ingénieurs ici chez Google.
Vos contributions et projets open source, votre expérience des systèmes et réseaux et votre expérience de développeur semblent en phase avec ce que font chez nous certains des ingénieurs, mais je souhaite avant tout prendre contact avec vous afin d’en savoir un peu plus sur votre travail.
Si votre emploi du temps le permet, seriez-vous disponible pour un échange la semaine prochaine ?
Les postes dont j’aurais aimé m’entretenir avec vous sont à pourvoir au sein d’une équipe chargée d’un projet sensible qui combine le développement de logiciels et l’expertise en ingénierie des réseaux et systèmes, pour créer et faire fonctionner à grande échelle une infrastructure à tolérance de pannes et des systèmes logiciels massivement distribués.
Merci de m’avoir consacré du temps, je vous souhaite un bon week-end !
Cordialement,
Patrick

Bonjour Patrick,
Merci de m’avoir contacté et pour les compliments sur le projet panic_bcast, c’est toujours flatteur d’être reconnu par plus grand que soi.
Avant de répondre comme il convient à votre question, je voudrais vous donner quelques indications sur mon parcours et mes relations avec Google.
Enfant, j’ai grandi avec l’idée que Google serait toujours l’employeur le plus intéressant que puissent imaginer ceux qui travaillent dans les technologies de l’information. Que Google se conformerait comme par jeu à sa devise « ne rien faire de mal ». J’ai grandi guidé par de fortes convictions et des principes, mais j’étais avant tout curieux par nature. Comme j’étais un enfant intéressé par la sécurité de l’information et les ordinateurs en général, j’ai rapidement commencé à analyser du code en le cassant et des systèmes en m’y introduisant, animé par l’idée que l’information voulait être libre.

Mon père s’en est vite rendu compte et nous avons eu une longue discussion sur ce qui est important dans la vie. Il m’a dit de ne pas être imprudent sinon le monde de demain consisterait en une tyrannie d’une part et des gens dépourvus de pouvoir de l’autre. Il m’a dit que, dans le futur, la répartition des pouvoirs dans le monde dépendrait beaucoup de ceux que je considère aujourd’hui comme des cypherpunks ou des hackers.
J’ai l’impression que l’avenir que mon père me décrivait quand j’étais enfant est aujourd’hui notre présent. Google dit « ne rien faire de mal » d’une part, mais de l’autre Google lit aussi le contenu des messages électroniques de ses utilisateurs et piste leur comportement sur Internet — deux choses que je décrirais clairement comme « le mal ». Google lit les courriels que ma mère écrit et piste ce que mes amis achètent. À des fins publicitaires, prétend Google… mais nous n’en avons découvert les véritables conséquences que plus tard, quand Edward Snowden a lancé l’alerte.
Il s’est avéré que Google avait aidé les services de renseignement américains et européens à pratiquer l’écoute électronique illégale de leurs propres citoyens. « Nous avons essayé de nous défendre, nous avons essayé de ne pas faire de mal », répond Google, mais on n’a jamais vu Google fermer un de ses services pour protester comme l’a fait Lavabit[1].
On n’a jamais vu Google se battre pour le bien de ses utilisateurs, c’est-à-dire la majeure partie de la population du globe.
Nous avons vu Google justifier son espionnage des données en disant que c’était super en termes de stratégie publicitaire.
Nous avons appris que Google fait en réalité des choses très mauvaises pour la majorité de la population mondiale. Nous avons appris que Google a tendance à utiliser une épée à double tranchant. Nous avons appris que le principe « open source autant que possible » de Google ne s’applique que tant qu’il ne perturbe pas le chiffre d’affaires existant.
Nous avons été témoins du fait que Google a envoyé des lettres de mise en demeure[2] aux développeurs et mainteneurs du projet populaire CyanogenMod pour Android pour avoir violé certains brevets en modifiant certains éléments open source d’un projet sous licence open source.
Nous avons appris que l’amitié cordiale de Google n’est qu’une façade publicitaire. Nous avons appris que Google n’est pas ce que nous pensions, qu’il ne se bat pas pour le bien de l’humanité mais pour le bien de son portefeuille.
C’est en cela que je me distingue de Google. Mes principes ne sont pas compatibles avec ceux que Google suit et a suivis tout au long de son histoire.
En vertu de mes principes, j’effacerais plutôt que collecterais toutes les données que Google, lui, rassemble sur ses utilisateurs, à savoir moi, ma famille, mes amis, mes collègues et toute personne dont Google sait qu’elle se connecte et a recours à des services populaires sur l’Internet public. Il me serait difficile de trouver le sommeil si je travaillais pour une entreprise qui cible les gens que j’aime et les menace directement.

Je me vois mal développer un jour les outils tyranniques indispensables à Google pour continuer sa course. Je suis de l’autre bord. J’ai conçu le projet que vous saluez, panic_bcast, pour que les services de sécurité aient davantage de difficultés à récolter des informations sur des militants politiques au moyen d’attaques du type « démarrage à froid ». Ce qui motive ma participation à d’autres projets de ce genre est ma conviction de la nécessité d’une circulation libre et sans contraintes de l’information sur l’Internet public.
Je fais partie de ces personnes assez chanceuses pour pouvoir se permettre de choisir les projets sur lesquels elles ont envie de travailler et je choisis de ne m’impliquer que dans des projets dont j’ai la conviction qu’ils apportent une contribution positive à la population dans le monde. Google n’occupe pas une place très élevée dans ma liste à cet égard et je suis au regret d’avoir à décliner votre proposition d’emploi.

« Les gens bien élevés ne lisent pas le courrier des autres »
— Henry L. Stimson

Je vous souhaite bonne chance dans votre recherche du candidat idéal.

Cordialement,
Niklas

Notes

[1] Lavabit est une entreprise américaine qui a préféré arrêter ses activités plutôt que de se soumettre à un mandat de recherche du gouvernement des États-Unis. Lavabit fournissait un service de messagerie électronique sécurisé par un chiffrement de haut niveau, c’est une adresse @lavabit qu’utilisait Edward Snowden. Davantage de détails sur la page Wikipédia de Lavabit.

[2] Une procédure judiciaire d’injonction expliquée sur cette page.




Les voitures-robots et l’ordinateur de ma grand-mère

Les voitures bourrées d’électronique sont déjà des ordinateurs et nous préparent aux voitures auto-guidées comme les prototypes de Google.

Plus que des métaphores mal ajustées qui ne permettent guère à nos grands-parents de comprendre les enjeux de la confidentialité et de la vie privée, les voitures de demain fournissent une analogie utile pour comprendre notre autonomie menacée : qui pilote mes logiciels, qui conduit ma navigation sur le Web, qui est aux commandes de mes usages en ligne, qui contrôle ma vitesse de connexion, qui m’autorise où non tel ou tel chemin secret, quelle supervision mesure mes trajectoires, quel radar du Net me flashe et capte mes données ?

Dans l’article qui suit Camille François estime que l’arrivée des voitures auto-conduites peut inciter les utilisateurs à réclamer des mesures et un débat maintenant urgents sur la maîtrise de nos vies en ligne.

Les voitures sans conducteur : vers une meilleure prise de conscience des enjeux de la surveillance ?

par Camille Francois

article original paru dans Wired : Self-Driving Cars Will Turn Surveillance Woes Into a Mainstream Worry Traduction Framalang : Camille François, Scailyna, Asta, paul, goofy, Omegax

Alors que les nouvelles technologies investissent progressivement tous les recoins de notre vie quotidienne, notre société peine encore à se doter des cadres juridiques et du débat public nécessaires pour en gérer les conséquences, surtout après les révélations sur l’espionnage par la NSA.

Ainsi les voitures sans chauffeur offrent-elles un nouvel exemple des enjeux de liberté et d’autonomie, trop souvent limités aux questions liées aux courriers électroniques et ordinateurs portables dans notre société de l’information.

Google vient de dévoiler une véritable voiture auto-conduite, sans volant, ni freins, ni pédales. Google prévoit que ces voitures sans-mains-sur-le-volant se promèneront sur les routes d’ici 2017— et c’est à nous de concevoir les lois et les règles qui régiront leur utilisation. Voilà qui rend ces questions de politique publique un peu urgentes.Comme le prototype de Google le révèle, les robo-autos du futur sont là. Comme il existe une longue tradition visant à associer liberté et autonomie aux véhicules personnels, chacun peut avoir une compréhension plus instinctive de ces enjeux.

Un exemple concret : l’ordinateur rangé dans le garage de ma grand-mère

Ma grand-mère est une Française de 80 ans, elle est tout à fait brillante, farouchement indépendante et très inspirante. Récemment, elle m’a envoyé un article du New York Times plié en quatre intitulé « Fermer les portes dérobées (backdoors) de la NSA ». Je l’ai appelée, désireuse de savoir pourquoi elle s’intéressait tout à coup aux « portes dérobées ». Nous avons souvent des conversations politiques passionnées et j’ai essayé plusieurs fois de l’entraîner dans une discussion sur les révélations de Snowden et leurs conséquences : sans succès. Elle m’a expliqué qu’elle était tombée sur « NSA » dans le titre d’un article, et sachant que cela pourrait m’intéresser, elle l’a glissé dans la lettre qu’elle venait de finir de rédiger. Était-elle préoccupée par les portes dérobées de la NSA ?, lui ai-je demandé… — Non, pas du tout.

…comme si quelqu’un avait un double des clés de chez moi sans que je le sache

Sa faible compréhension et son peu d’intérêt peuvent s’expliquer par au moins deux facteurs : des métaphores un peu bancales et une vision restreinte de l’informatique. Pour ceux qui n’ont pas de bagage technique, une « porte de derrière » ou « porte dérobée » est une métaphore qui porte à confusion. Techniquement, une porte dérobée est une méthode utilisée pour contourner le processus normal d’authentification et disposer ainsi d’un accès secret et à distance aux ordinateurs. Dans l’article du New York Times, le terme est employé au sens large pour « décrire une série de pratiques par lesquelles les gouvernements contraignent les entreprises du secteur privé ou obtiennent leur coopération pour qu’elles fournissent un accès aux données qu’elles contrôlent. »

« Alors n’importe qui peut entrer dans ton ordinateur sans que tu t’en aperçoives, exactement comme quelqu’un qui entrerait chez toi par la porte de derrière pendant que tu regardes par la porte de devant », ai-je tenté d’expliquer à ma grand-mère. « C’est absurde, a-t-elle répondu, s’il y avait une porte à l’arrière de ma maison, je pourrais voir les gens entrer. C’est ma maison après tout, ce que tu me décris, c’est plutôt comme si quelqu’un avait un double des clés de chez moi sans que je le sache. »

Une « porte de derrière » est une métaphore centrée sur l’expérience des programmeurs, pas des utilisateurs. C’est en effet depuis l’intérieur du code que l’on peut observer s’il existe différents moyens de pénétrer dans le programme. Si l’on se place du point de vue de l’utilisateur, par définition quand on ne voit pas le code, on peut pas observer de porte dérobée. Pas très instinctif comme métaphore.

back door

Voilà qui nous amène à aborder le deuxième problème : une représentation limitée de l’informatique. Ma grand-mère a un ordinateur de bureau qu’elle n’utilise qu’une fois par an. Il est rangé dans un coin, à distance de sa vie quotidienne.. Miss Teen America redoute que des gens activent à distance la webcam de son ordinateur portable pour prendre des photos d’elle déshabillée : pas ma grand-mère. Elle n’a pas non plus de smartphone qui pourrait nourrir ses inquiétudes sur l’accès distant ou le pistage grâce au GPS. Pour tous ceux qui considèrent les ordinateurs personnels comme un véhicule fondamental pour leur autonomie, liberté et capacités, c’est-à-dire pour la plupart de mes amis hackeurs par exemple, les portes dérobées sont un motif de vive contrariété. Pas pour ma grand-mère. Elle n’accorde aucune importance à ces outils, si bien que des vulnérabilités potentielles ne menacent pas sa façon de vivre. Et elle n’est pas la seule dans ce cas-là. C’est parfois le cas même pour des personnes dont l’opinion sur ces questions importe au plus haut point : en 2013 par exemple, Justice Elena Kagan a révélé que  huit des neuf membres de la Cour Suprême des États-Unis n’utilisaient jamais le courrier électronique.

Pourtant, il existe dans la vie quotidienne de ma grand-mère un ordinateur rempli de logiciels, connecté au réseau — et donc potentiellement accessible à distance — qu’elle considère comme la source principale et la plus importante de son autonomie personnelle. Simplement, elle ne le voit pas comme un ordinateur car c’est de sa voiture dont il s’agit. Comme un grand nombre de voitures commercialisées et présentes sur les routes aujourd’hui, la sienne embarque un logiciel d’assistance à la conduite et une petite antenne sur le toit. Sa voiture est aussi, littéralement, un ordinateur.

Ma grand-mère ne m’a jamais dit : « Tu dois apprendre la programmation informatique parce que c’est comme cela qu’on assure son indépendance son autonomie et le contrôle sur sa vie au XXIe siècle. » En revanche, elle a passé beaucoup de temps à me forcer à prendre des leçons de conduite « parce que c’est ainsi qu’une femme acquiert son indépendance, son autonomie, le contrôle de sa vie et sa liberté. » Je n’ai toujours pas de permis de conduire et cela l’énerve vraiment beaucoup. Pendant mon adolescence, elle me faisait lire les romans de Françoise Sagan et nous regardions Thelma et Louise ensemble. Ma grand-mère est française, mais possède cette conviction très américaine qui veut que la voiture, c’est la liberté.

« Ta voiture sait où tu vas, et choisira ton chemin »

C’est très clair : pour la majorité des gens, le lien entre la surveillance des autorités et la liberté est bien davantage perçu au travers de la voiture qu’au travers d’un ordinateur personnel. Vu que les objets seront de plus en plus nombreux à être connectés à l’Internet, les questions que cela soulève vont gagner en importance. Et la voiture pourrait devenir, pour reprendre l’expression de Ryan Carlo dans  un article de 2011 sur les drones, un « privacy catalyst », autrement dit un catalyseur pour la protection de la vie privée, un objet qui nous donnerait la possibilité d’adapter la législation sur la vie privée aux réalités du XXIe siècle, un objet qui redonnerait sa pleine signification à notre représentation du concept de violation de la vie privée.

« Ta voiture sait où tu vas, et choisira ton chemin » : il suffit que ma grand-mère songe à ces changements technologiques dans l’industrie de l’automobile pour que des questions abstraites sur l’autonomie ou la vie privée deviennent pour elle bien plus tangibles.

Du coup, elle a commencé à s’intéresser à ces questions. Et saisir « Privacy » et « Cars » dans un moteur de recherche l’a rapidement amenée à découvrir la déclaration de Jim Farley, vice-président marketing de Ford Global à la grande foire annuelle de l’électronique grand public, le Consumer Electronics Show : « Nous savons exactement qui enfreint la loi et à quel moment. Nous avons un GPS dans votre voiture et nous savons, par conséquent, ce que vous êtes en train de faire. » Elle s’est mise à récrire mentalement Thelma et Louise dans un monde où les voitures seraient sans conducteur et ouvertes à un accès distant par les autorités dans le but de veiller au respect de la loi. À coup sûr, les filles auraient été localisées et arrêtées ou leur voiture aurait été immobilisée à distance. « C’est un scénario pour un film de dix minutes, un clip sur YouTube ? » a-t-elle blagué.

La déclaration de Jim Farley a fait des vagues et suscité des réactions, le sénateur démocrate du Minnesota, Al Franken, a interpellé Ford sur sa politique en matière de gestion des données, Farley est revenu sur sa déclaration, la concurrence a pris position sur la question et le PDG de Ford, Allan Mulally, a lancé un appel pour la définition de limites et lignes directrices dans ce domaine.

Maintenant, ma grand-mère comprend le problème et se sent concernée. Et c’est important : pour que notre société façonne les règles qui feront de l’avenir des voitures auto-conduites un monde futur dans lequel nous voulons vivre, nous avons besoin que tous les membres de la société puissent prendre part au débat.

Nous devons nous demander : que se passera-t-il quand les voitures deviendront de plus en plus semblables à des ordinateurs ? Avec des voitures auto-conduites, allons-nous obtenir le meilleur de l’industrie informatique et de l’industrie automobile, ou le pire des deux mondes ?

« Auto-conduites » est d’ailleurs une appellation trompeuse. Les décisions de pilotage ne sont jamais prises « par la voiture » elle-même. Elles sont calculées par des algorithmes quand ce n’est pas le conducteur qui décide. Et ces algorithmes eux-mêmes ne viennent pas non plus de nulle part : ce sont des réponses minutieusement établies à des dilemmes mettant en jeu de façon complexe la sécurité, l’éthique, la loi et les impératifs commerciaux. Qualifier d’« auto-conduites » des voitures robotisées empêche de voir que nous renonçons à l’autonomie au profit des algorithmes, ce qui rend plus difficile d’aborder les questions de politique qui se posent.

voiture du futur

Les voitures auto-conduites arrivent — lentement et progressivement, et passeront par différentes étapes d’automatisation avant que les rues ne soient remplies de véhicules « sans main sur le volant » comme le prototype dévoilé récemment par Google — mais elles font certainement partie de notre futur proche. Elles représentent une promesse considérable pour l’environnement et pour la sécurité routière.

Elles incarnent aussi notre débat sur la liberté, l’autonomie et la vie privée quand il est question de systèmes informatisés. Elles révèlent à quel point l’accès à des systèmes informatisés par des gouvernements ou des particuliers peut devenir intrusif.

Camille FrançoisCamille François est chercheuse au Harvard Berkman Center on Internet and Society. Ses recherches portent sur sur la cyberpaix et la cyberguerre, les questions liées à la surveillance, la vie privée et la robotique. Elle est également chercheuse invitée à la Yale Law School, et au Columbia Arnold A. Saltzman Institute for War and Peace Studies

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Mes données dans un nuage ? — Oui mais le mien

Plutôt que de se résigner à l’usage de services en ligne n’offrant aucune garantie réelle de confidentialité, Frank Karlitschek a décidé de ne pas se contenter de prêcher la bonne parole mais de passer à l’acte en élaborant (avec d’autres) un projet qui remporte un succès grandissant : un logiciel libre et open source de stockage de données. En revenant sur l’historique du projet ownCloud, il nous rappelle au passage les clés de la réussite (ne perdons pas de vue la proportion importante de projets open source qui n’aboutissent jamais) : développement collaboratif du code ouvert, prenant appui sur des outils et choix techniques ayant déjà une large base de développeurs, flexibilité, compatibilité multi-plateforme…

Cet article donne quelques indications plus précises sur les technologies mises en œuvre qui peuvent laisser perplexe le lecteur non développeur, mais la démarche et la philosophie de l‘open source y apparaîtront pour tous avec clarté. L’enjeu, c’est de rendre à l’utilisateur le contrôle de ses données.

Au fait, Framasoft dispose depuis un an de son propre ownCloud [1], pourquoi pas vous ?

Pourquoi j’ai créé OwnCloud et l’ai rendu open source

par Frank Karlitschek, fondateur de ownCloud et mainteneur de l’architecture globale du projet.

Article original : Why I Built OwnCloud and Made It Open Source Traduction Framalang : Asta, r0u, KoS, Wan, Omegax, goofy, Diab

Il y a 4 ans, j’étais au CampKDE à San Diego, je donnais une conférence sur la protection des données, mettant en garde le public sur les risques pour leur vie privée auprès des fournisseurs de cloud – en particulier Dropbox. « — Eh bien fais-le toi-même », m’a-t-on dit. Bien sûr, j’avais déjà créé des choses dans le passé, alors bien sûr, j’ai dit que j’allais le faire. Et c’est là que j’ai commencé mon odyssée, en premier lieu pour me protéger moi-même, mes amis et mes collègues de l’espionnage des gouvernements et d’autres méchants, et plus tard – quand j’ai vu l’intérêt croître dans le monde – pour concevoir un projet concret et efficace.

je n’avais pas envie d’envoyer mes données à un service tiers pour qu’il les stocke on ne sait où

Évidemment, je devais décider d’un certain nombre de choses avant de commencer, notamment ce que je voulais que fasse le logiciel, quelle plateforme de développement utiliser, comment le structurer et bien sûr il fallait que je lui trouve un nom : ownCloud (NdT : littéralement, « le nuage qu’on possède »).

Mes amis et moi avions besoin d’un moyen de synchroniser nos images, nos documents et même nos vidéos en passant d’un appareil à l’autre (au lieu d’utiliser une clé USB), nous voulions aussi partager ces fichiers avec nos amis et nos proches. À l’époque, Dropbox devenait très populaire, mais je n’avais pas envie d’envoyer mes données à un service tiers pour qu’il les stocke on ne sait où. Je voulais créer une plateforme que mes amis puissent utiliser sur les espaces de stockage qu’ils avaient déjà, à la différence du cloud, pas seulement pour synchroniser et partager, mais aussi une plateforme assez flexible pour qu’on puisse y créer des applications.

Bien sûr ownCloud allait être open source.

Je faisais déjà partie de la communauté open source, mais ce n’est pas la seule raison. En faisant de l‘open source je concevais un code qui serait complètement transparent (et donc aurait peu de risques de comporter des « portes dérobées » pour entrer dans mes données). De plus je pouvais compter sur un grand nombre de personnes animées des mêmes convictions pour m’aider à créer ownCloud, je n’étais donc pas tout seul. Et je pouvais réutiliser les technologies d’autres projets. Comme SABREDAV, qui est le framework que nous utilisons pour la communication WebDAV du serveur (CalDAV, CardDAV et WebDAV sont tous utilisés par ownCloud), et nous utilisons aussi jQuery. Nous avons également utilisé csync pour les capacités de synchronisation bi-directionnelle du client de bureau et Qt pour l’interface utilisateur multi-plateforme. Je n’ai pas eu à réinventer la roue une fois de plus, je n’ai eu qu’à assembler ce qui existait déjà pour que tout fonctionne.

Mais comme je l’ai déjà dit, je savais ce que je voulais : ownCloud devait être plus qu’une « app ». Bien sûr, stocker les données d’une manière sûre et sécurisée est une chose importante. Mais en fin de compte, les gens veulent faire quelque chose de leurs données, alors j’ai voulu ajouter davantage de fonctionnalités à travers les applications ownCloud. Les applications sont des extensions qui peuvent implémenter des fonctionnalités telles que la détection de virus, la journalisation des accès et des changements de fichiers, le versionnage, le chiffrement, l’édition de fichiers et bien d’autres choses. Ce genre d’intégration du stockage de fichiers avec d’autres services est essentiel pour le développement futur.

Je voulais que mon projet soit flexible, de sorte que les gens puissent s’appuyer sur ownCloud (et beaucoup l’ont fait, avec une application type « Google News », un streamer de vidéos, un lecteur de musique, un calendrier – et plus encore) et que ownCloud puisse s’intégrer dans de nombreux environnements. Par exemple, n’importe quel client WebDAV devait pouvoir accéder à ownCloud dès le départ et le concept d’applications internes est là aussi depuis le début du projet.

Bien entendu, nous sommes plus avancés à présent — il y a des API de partage et d’administration, des API internes pour les applications utilisant OCS, il existe des bibliothèques pour mobile (que nous avons rendues open source) et qui permettent l’intégration à d’autres applications mobiles, une base de données clés-valeurs pour un usage général de stockage de données, de synchronisation, et davantage encore. Ensuite, il y a l’intégration de systèmes de stockage externe comme FTP, S3, SWIFT, CIFS, iRODS et beaucoup d’autres. Mais même à l’époque où nous avons commencé, les intentions étaient claires – construire quelque chose d’assez flexible pour que les gens puissent créer des solutions auxquelles nous n’avions pas pensé.

Et c’est justement ça, la puissance de l‘open source.

Nous (ma communauté grandissante et moi) avons évalué différentes options pour trouver la bonne technologie qui pourrait tourner sur chaque plateforme, du micro serveur jusqu’à des clusters de serveurs, qui aurait toutes les fonctionnalités et serait connue d’un grand nombre de développeurs. C’est pourquoi nous avons opté pour PHP et JS pour la partie serveur, C++ pour la synchronisation des Clients, Objective-C pour iOS et Java pour Android.

Il y avait plusieurs critères architecturaux à remplir dès le départ : multiplateforme, facilité d’extension, support des infrastructures, haute disponibilité basée sur les composants les plus largement utilisés. Donc, nous avons choisi PHP, pour cibler la pile « LAMP » (Linux / Apache / MySQL / PHP) qui est la plus répandue et éprouvée des plateformes permettant tout cela.

C’est également un projet open source et PHP est disponible gratuitement, facile à trouver, et multiplateforme (variantes Windows et Linux, IIS, Apache et autres serveurs Linux). Il bénéficie d’une communauté massive de développeurs dont beaucoup sont très expérimentés. Enfin, c’est un langage facilement accessible pour la communauté. Avec tout ça, c’était une évidence.

Franck Karlitschek le créateur de ownCloud

« L‘open source est la seule solution pour un stockage de données réellement sécurisé »

Comme j’ai commencé ce projet par une conférence sur la sécurité et la confidentialité, il était essentiel d’avoir la meilleure sécurité possible pour les API. J’ai choisi un chiffrement SSL fort pour toutes les API WebDAV et REST. L’authentification est faite via la méthode basique, qui est très simple et facile à gérer. On peut également utiliser SAML, fourni au travers de son implémentation Shibboleth. En complément OAuth et l’authentification à deux facteurs sont disponibles, et nous profitons même de la flexibilité de ownCloud pour intégrer un backend personnalisé, en utilisant des jetons à la place des mots de passe standards.

Je suis convaincu que le stockage de fichiers n’est pas seulement un service web ou une infrastructure informatique de plus. C’est là où les gens et les entreprises stockent et gèrent leurs données les plus importantes. C’est pourquoi il est essentiel de le rendre aussi sécurisé que possible. Avec un logiciel propriétaire, vous ne pouvez jamais être sûr qu’il n’y a pas une porte dérobée ou d’autres problèmes de sécurité. L’open source est la seule solution pour un stockage de données réellement sécurisé. Voilà ce que j’ai fait et pourquoi je l’ai fait. J’ai mis à ce travail toute ma passion pour l‘open source et il a aussi demandé beaucoup de soin !

Notes

[1] Tiens par exemple, vous voulez de quoi imprimer de chouettes posters qui expliquent ce qu’est le logiciel libre ? C’est par là