Android de Google : un futur vrai système d’exploitation ?

Demi Brooke - CC byEt si l’air de rien, sans annonce ni fracas, Google était en train avec Android de nous pondre un système d’exploitation libre concurrent du trio GNU/Linux, Mac et PC ?

C’est aller un peu vite en besogne[1]. D’abord parce qu’Android repose sur le noyau Linux (dont il peut alors être vu comme l’une de ces distributions) et ensuite parce qu’il ne se destine pour le moment qu’à la téléphonie mobile.

Mais comme il est dit dans l’article traduit ci-dessous, on pourrait le retrouver bien vite dans des netbooks et alors on changerait immanquablement de catégorie…

Google sortira-t-il un OS Linux pour le desktop en 2009 ?

One giant step closer to the Google Linux desktop

Steven J. Vaughan-Nichols – 31 mars 2009 – ComputerWorld
(Traduction Framalang : Don Rico)

Google n’annonce toujours pas publiquement être sur le point de distribuer Android comme un OS de bureau Linux, mais HP, Asus et d’autres grands fabricants de machines sont apparemment en pourparlers avec l’entreprise de Mountain View afin de commercialiser des mini-portables équipés d’Android.

D’après un article du Wall Street Journal, Satjiv Chahil, un des vice-présidents de la branche PC de HP, a refusé d’affirmer ou de nier que le premier fabricant de PC au monde pourrait vendre des mini-portables ou des smart-phones tournant sous Android, mais il a en revanche confirmé que HP « s’intéressait » à ce système d’exploitation libre.

Hourra !

Nous savons d’ores et déjà qu’Android peut fonctionner comme système d’exploitation pour le desktop, car certains ont réussi la manip. Surtout, ceux qui y sont parvenus ne sont pas des hackers dont la seconde langue est le C++, mais deux journalistes. Si nous en sommes capables, alors tout le monde l’est. 🙂

La réaction habituelle des moutons windoziens quand on leur parle d’un OS Linux pour le desktop conçu par Canonical, Novell ou Red hat, c’est de crier au n’importe quoi. Pour Android, en revanche, ce n’est pas la même chanson.

En ce qui me concerne, je peux détailler de tête les différences entre Ubuntu, openSUSE, Fedora et une demi-douzaine d’autres déclinaisons de Linux pour le desktop. Mais soyons réalistes, seul un fana de Linux en est capable. La plupart des utilisateurs de PC savent peut-être que Linux est un autre système d’exploitation, et ils savent peut-être aussi que Red Hat est une grosse entreprise Linux, ou qu’Ubuntu est une version populaire de Linux. Pas plus.

Google, par contre, c’est différent. Quiconque se sert d’un ordinateur connaît Google. Quelqu’un qui aurait des réticences à essayer un PC tournant sous autre chose que Windows, et XP de préférence, pourrait très bien vouloir essayer un mini-portable sous Google. Maintenant que j’y pense, ça ne m’étonnerait pas le moins du monde que certains croient que c’est déjà Google qui fait marcher leur PC.

De là à utiliser un PC qui fonctionne pour de bon sous Google, il n’y a qu’un pas. Certes, il s’agirait en fait du système Linux Google Android pour le desktop, mais la grande majorité des utilisateurs ne s’en soucierait pas plus que des bases Linux sur lesquelles reposent le moteur de recherche Google. Tout ce qu’ils sauront, c’est que leur netbook ou leur portable fonctionne grâce à quelque chose dont ils connaissent le nom et auquel ils font confiance. En outre, puisque ces machines seront sous Linux, elles seront moins chères que leurs équivalents vendus avec Windows.

Au début de l’année, j’ai lancé l’idée que 2009 serait l’année idéale pour que Google attaque Microsoft de front sur le marché du desktop. Sachant à présent que des fabricants de PC sérieux jouent déjà avec l’idée de commercialiser des netbooks fonctionnant sous Android, je prédis à présent que cela se produira en 2009.

Notes

[1] Crédit photo : Demi Brooke (Creative Commons By)




Trop souvent placé sur le terrain idéologique et associatif…

Littledan77 - CC byOn attendait la dépêche AFP sur THE manifestation du moment, à savoir Solutions Linux, et elle vient de tomber sur mon téléscripteur.

Comme souvent avec l’agence, le premier paragraphe résume et annonce simultanément la couleur : « À contre-courant d’un secteur informatique qui fait grise mine, le logiciel libre avance ses pions à la faveur de la crise qui incite les entreprises à faire des économies et met ainsi au défi ce jeune marché de faire ses preuves ».

Qu’on y parle principalement business c’est somme toute logique pour un événement qui s’adresse avant tout au monde de l’entreprise. Mais que signifie exactement cette « mise au défi de faire ses preuves » ?

La réponse est peut-être dans la conclusion : « Trop souvent placé sur le terrain idéologique et associatif, le monde du logiciel libre doit, selon M. Poujol, se professionnaliser beaucoup plus pour réussir sa mue ».

Doit-on comprendre : quitter l’immaturité du « logiciel libre » pour adopter le plus sérieux et rassurant « Open Source » ?

Je ne connais pas ce M. Poujol mais j’y vois là comme une pointe de condescendance vis-à-vis d’un mouvement qui pourrait y perdre beaucoup si jamais ils réussissait effectivement cette mue[1].

Et vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Littledan77 (Creative Commons By)




Le logiciel libre, la dictature de l’entreprise et la démocratie des pays

Joshua Davis - CC by-saNous avons déjà évoqué la place à part et le rôle majeur joués par les leaders de projets de logiciels libres dans un billet dédié. Mais de là à caractériser « l’Open Source » comme une « dictature » issue de la culture de l’entreprise par opposition aux « médias sociaux » qui seraient eux plutôt du côté de la « démocratie » chère aux nations dignes de ce nom, il y a un pas que Chris Anderson ose franchir sur son blog dans une courte réflexion que nous vous proposons traduite ci-dessous.

Il convient bien entendu de s’entendre sur les termes employés (d’où l’existence de nombreux guillemets dans le paragraphe précédent), ainsi Wikipédia serait ici bien plus un média social qu’un projet Open Source. Il convient également de ne pas oublier le principe de méritocratie qui n’est ni une dictature ni une démocratie. Il n’empêche qu’il n’est pas loin de détruire un mythe qui a la vie dure au sein de la communauté lorsqu’il affirme que « de nombreuses personnes pensent à tort que les projets Open Source sont émergents, auto-organisés et démocratiques » alors que « la vérité est tout à fait l’inverse »[1].

L’Open source est une entreprise, les médias sociaux un pays

Chris Anderson – 12 mars 2009 – The Long Tail (Wired)
(Traduction Framalang : Simon)

Open source is a company; social media is a country

Au petit déjeuner Sourceforge ce matin, nous avons abordé quelques questions portant sur les différences entre l’organisation de l’Open source et celle des médias sociaux. Voici ma réponse :

L’un des paradoxes observés dans la gestion du début du 20e siècle c’est que les compagnies sont mieux gérées sous un régime dictatorial, alors que les pays le sont eux, avec une démocratie. Pourquoi donc ? Charles Barnard, théoricien de la gestion, suggéra dans sa théorie des entreprises que les organisations se créaient pour poursuivre un objectif commun et partagé. Alors que les pays eux, existaient seulement pour servir leur peuple.

Un objectif commun nécessite une vision unique, un commandement et une hiérarchie verticale descendante. De l’autre côté, le service du peuple tire plus de profits d’une hiérarchie ascendante, de la reconnaissance des besoins de chacun, et des décisions prises collectivement (vote).

De nombreuses personnes pensent à tort que les projets Open Source sont émergents, auto-organisés et démocratiques. La vérité est tout à fait l’inverse : la plupart sont gérés par un dictateur bienveillant, ou deux. Ce qui fait le succès d’un projet Open Source, c’est sa direction, tout simplement. Une ou deux personnes articulent une vision, commencent à construire dans sa direction, et embarquent les autres au passage, leur donnant des tâches et des droits précis. Les meilleurs projets sont ceux qui ont les meilleurs meneurs.

Les média sociaux, d’un autre côté, ne se créent pas pour atteindre un objectif commun. Ils existent pour servir les individualités. Nous ne gazouillons pas (NdT : to tweet), pour fabriquer Twitter, nous gazouillons pour nous-mêmes. Nous bloguons parce que nous le pouvons, pas parce nous nous sommes inscrits dans un projet de blogs.

Vus sous cet angle, les projets Open Source sont comme des compagnies et les média sociaux ressemblent à des pays. Les dictatures bienveillantes dirigent les premiers ; des démocraties les seconds.

Notes

[1] Crédit photo : Joshua Davis (Creative Commons By-Sa)




Le projet OpenOffice.org est-il en bonne ou mauvaise santé ?

Joseppc - CC by-saMichael Meeks n’est pas forcément neutre lorsqu’il évoque la suite bureautique libre OpenOffice.org (OOo). Il est en effet desktop Architect chez Novell, la société qui a « pactisé » avec Microsoft. A ce titre il participe activement au projet Go-oo, une version modifiée d’OpenOffice.org (située à la limite du fork, parfois appelée « alternative Novell à OOo »).

D’après Meeks, Go-oo est justement né pour pallier certaines lacunes d’OpenOffice.org, d’abord techniques mais aussi organisationnelles, principalement liées à un leadership trop fort de la société Sun sur le projet. Chiffres à l’appui, il a n’a ainsi pas hésité à qualifier OOo de « profondément malade ». C’est le sujet de la traduction du jour issue du site ZDNet (Asie).

Pour de plus amples informations, nous vous suggérons de parcourir ces deux dépêches LinuxFr : Go-oo, une alternative à OpenOffice et surtout Go-oo et OOo : fr.OpenOffice.org répond à vos questions.

Au delà de la polémique, se pose donc la question des avantages et des inconvénients d’un projet libre piloté (« de trop près » ?) par une société commerciale.

On peut également en profiter pour faire le point sur les qualités et les défaut intrinsèques de la suite bureautique OpenOffice.org par rapport à la concurrence. Selon certains observateurs, MS Office 2007 aurait ainsi pris un peu d’avance ces derniers temps, surtout si Microsoft se décide à réellement implémenter nativement le format ODF (ce qui n’est pas encore le cas malgré les déclarations d’intention). Sans oublier les solutions « dans les nuages » de type Google Docs qui font de plus en plus d’adeptes[1].

Openoffice.org est-il un cheval mourant ?

Is OpenOffice.org a dying horse?

Eileen Yu – 12 janvier 2009 – ZDNet Asia
(Traduction Framalang : Vincent)

Openoffice.org n’a toujours pas dépassé sa date d’expiration, mais il y a encore beaucoup à faire pour piloter et organiser la participation de la communauté et s’assurer que le logiciel Open Source reste pertinent, affirment des observateurs du secteur.

Officiellement sortie sur le marché en avril 2002, Openoffice est une suite bureautique Open Source disponible en téléchargement gratuit. Sun Microsystems en est le premier sponsor et le principal participant au code du projet OpenOffice, qui compte également Novell, Red Hat, IBM et Google parmi les sociétés contributrices.

Sun a cependant été critiqué pour son contrôle trop étroit d’un projet qui n’encourage alors pas assez la participation communautaire.

Dans un article de son blog posté en Octobre l’année dernière, Michael Meeks, développeur d’OpenOffice.org, incluait des données et des statistiques qui, disait-il, soulignaient le « lent désengagement de Sun » et « une spectaculaire baisse de croissance » de la communauté des développeurs OpenOffice.

En le qualifiant de « mourant » et de « projet profondément malade », Meeks demandait à Sun de s’éloigner de OpenOffice et de réduire sa mainmise sur le code. Contacté sur ce point, Sun n’a pas été en mesure de répondre à l’heure où nous mettions sous presse.

Dans une interview réalisée par e-mail avec ZDNet Asie, Meeks reconnaît que Sun est un participant important à OpenOffice, fournissant le plus grand nombre de développeurs au logiciel. Cependant, il a ajouté qu’il devrait y avoir plus de contributeurs de grandes sociétés impliquées dans le projet.

« Je pense que la raison pour laquelle les autres sociétés trouvent difficile de s’impliquer fortement dans OpenOffice et précisément le fait que Sun possède et contrôle l’ensemble du projet », note-t-il. « Il est alors plus compliqué d’attirer une large base de participants. »

« Les sociétés investissent largement dans Linux qui a alors plus de succès pour attirer des développeurs que OpenOffice. »

Le job de Meeks est d’être le leader de l’équipe de développement OpenOffice.org chez Novell, mais il tient à souligner que ses réflexions sur OpenOffice ne reflètent pas celles de son employeur.

« Il y a beaucoup de problèmes de process (associés avec OpenOffice) et un manque d’engagement externe, et même lorsqu’il s’agit de changement de code mineure les procédures se révèlent super-pesantes pour n’importe quel changement de code mineur. Les problèmes pourraient être facilement résolues dans un communauté plus large », a-t-il dit.

La contribution au code n’est pas un indicateur précis

David Mitchell, vice-président senior de la recherche IT chez Ovum, est en désaccord avec le fait qu’un manque de contribution communautaire doit être interprété négativement, en notant que le succès des produits Open Source dépend de l’adoption du produit par les utilisateurs, pas du profil des développeurs.

« L’implication et l’engagement des développeurs diffèrent selon la maturité des projets, les projets matures auront presque toujours moins de nouveau code validé que les projets tous neufs », expliquait Mitchell dans un échange de mails. « Une restructuration massive d’un code défaillant ou mal structuré peut aussi produire de nombreuses lignes de code, mais ne va pas nécessairement refléter un produit solide et robuste. »

Le code de OpenOffice, a-t-il ajouté, est déjà « assez mature » et « relativement stable ».

Peter Cheng, fondateur et responsable d’une firme de conseil en Open Source, TargetSource, est d’accord.

Contestant l’observation de Meek selon laquelle le logiciel est « mourrant », Cheng a déclaré à ZDNet Asie que le code de OpenOffice continuait à croître, quoique à un rythme plus lent.

Parce que le logiciel est devenu un projet vaste et complexe, on ne peut pas s’attendre à ce que son code croisse au même rythme que lorsqu’il a été lancé, déclara-t-il. Basé à Pékin, Cheng est aussi un blogueur de ZDNet Asie sur l’Open Source.

Il a noté que OpenOffice est supporté par une communauté de 451 contibuteurs.

D’après Khairil Yusof, un développeur de logiciel Open Source consultant chez Inigo Consulting, une équipe réduite de collaborateurs actifs n’est pas un problème majeur pour les utilisateurs de grandes sociétés.

De par la nature de l’Open Source et des standards ouverts, dit Yusof, les sociétés peuvent fournir des services de développeurs indépendants ou de fournisseurs de service Open Source, pour travailler sur OpenOffice et corriger des problèmes critiques pour leurs affaires. Basé en Malaisie, Inigo fournit des services de conseil spécialisés dans le logiciel Open Source.

« Ceci peut être fait indépendamment même de Sun ou Novell, sur le modèle de ce qu’a fait Novell avec sa propre version de OpenOffice », a-t-il dit à ZDNet Asie.

Est-ce que Sun doit renoncer à son rôle ?

D’après Mitchell, savoir si Sun doit renoncer à son rôle est discutable parce que ça ne changerait pas forcément les choses pour la communauté ou le produit.

« La forte gouvernance du développement qui provient d’un sponsor principal pourrait bien alors souffrir d’une fragmentation de la communauté », nous dit l’analyste.

Meeks, de son côté, pense que le logiciel se porterait bien mieux sans Sun sur son dos.

Il nous a expliqué que le conseil communautaire qui supervise OpenOffice a simplement un rôle consultatif et ne possède rien dans le logiciel.

« Ceci a l’air tout beau et ouvert, mais il n’a aucune autorité réelle. La gouvernance actuelle est assez sclérosée, et n’est clairement pas orientée vers les développeurs », dit-il. « Pire, sous le capot, la seule entité légale qui possède les avoirs intéressants est Sun. »

« A cause de cela, vous pouvez traduire des questions comme pourquoi les gens n’investissent-ils pas dans OpenOffice ? en pourquoi les gens n’investissent pas dans Sun ? La réponse étant, je pense, assez triviale : parce que c’est une société commerciale », raconte Meeks.

« Si nous pouvions transformer OpenOffice en fondation, avec une gouvernance juste et représentative par les développeurs, alors oui, je suis certain que le projet se porterait bien mieux sans un veto de Sun à chaque étape », dit-il.

Yusof supporte également l’appel de Meeks pour que Sun abandonne sa propriété.

« Comme c’est souvent le cas avec d’autres projets réussis et orientés vers une communauté active de développeurs, c’est souvent mieux que la gestion du projet soit faite par une fondation indépendante », explique-t-il.

La Fondation Apache, par exemple, a été fondé par des concurrents commerciaux, tels que IBM et Microsoft, dit-il. La fondation Gnome est également co-opérée par des concurrents tels que Red Hat, Sun et Novell, qui contribuent tous activement au développement du logiciel, ajoute Yusof.

Meeks a ajouté que cette façon de faire pourrait également être une bonne opportunité pour Sun, car cela attirerait plus d’intérêt autour d’OpenOffice, réduirait la fragmentation actuelle, et construirait un OpenOffice plus grand et plus apprécié. Sun serait alors bien positionné pour tirer de substantiels bénéfices du support de ses développements potentiels.

Mitchell note que OpenOffice 3.0 a été une version majeure en 2008, et que l’on devrait voir une adoption croissante cette année.

Les fournisseurs qui ont fait du développement spécifique sur OpenOffice vont également aider à son adoption, dit Mitchell, citant pour l’exemple la suite Lotus Symphony de IBM, qui a été développée sur la base du code OpenOffice. L’analyste pense que 2009 sera « une bonne année » pour OpenOffice en termes de croissance du nombre d’utilisateurs.

« Cependant, savoir si Sun pourra transformer cette augmentation de l’adoption de OpenOffice en source de revenus est une autre affaire », dit-il. « Monétiser MySQL et OpenSolaris est probablement plus facile pour Sun, car la demande en contrats de supports pour les entreprises est probablement plus grande. »

Cheng a déclaré : « Sun est bon dans la technologie, mais pas dans les affaires ».

Il a ajouté que, même si la société a depuis plusieurs années adhéré au logiciel, spécifiquement Open Source, comme part intégrante de sa stratégie, Sun est de manière inhérente « encore une société de matériel ». « Toutes les intentions de la société sont focalisées sur la vente de ses machines », dit-il.

« Je pense que la chose la plus importante pour Sun, par rapport à sa stratégie avec OpenOffice, est de déterminer comment équilibrer la communauté et les affaires », dit Cheng, ajoutant que la communauté des développeurs doit avoir suffisamment d’espace de liberté pour « gérer les choses comme elle l’entend ».

« Si vous regardez la fondation Eclipse, dans les cinq dernières années, elle a bâti un bel écosystème autour de la plate-forme. Chaque participant à la communauté peut en bénéficier, pas seulement les individus, mais également les entités commerciales. »

« OpenOffice devrait repenser sa position en tant que communauté Open Source, améliorer la structure de gouvernance de cette communauté, et inciter plus de collaborateurs d’enterprises aussi bien qu’individuels se joindre au projet », dit-il.

Garder une communauté active de développeurs

Maintenir un écosystème en bonne santé, et une communauté active est critique pour le développement des logiciels libres, note Cheng. Il ajoute que les innovations les plus importantes seront impulsées quand le processus de développement recueillera plus de participants.

Sur ce point, Meeks est d’accord, en notant que les développeurs sont le plus grand challenge que le projet OpenOffice ait à résoudre.

« Nous devons rentrer dans le jeu, être fiers de notre code, en lire plus, le réparer, l’affiner et l’améliorer. Nous devons être plus rapide, plus concis, plus clair presque partout dans le code, il y a un énorme travail à faire », dit-il. « Bien sûr, du point de vue des fonctionnalités, nous devons également rester compétitifs. »

« Ce n’est pas le travail qui manque dans OpenOffice. Par exemple, le nouveau composant Base nécessite un large effort pour le rendre comparable à Access, et nous avons également besoin d’un concurrent à Visio, etc. », dit-il.

Meeks note un contraste fort entre la participation de la communauté sur le noyau Linux et sur OpenOffice. « Linus (Torvalds) a déclaré plusieurs fois que le noyau Linux était presque terminé et inintéressant, que les gens devaient se focaliser sur les couches plus hautes du système, et pourtant, il semble attirer toujours plus de participants. »

« OpenOffice a clairement de nombreux points à améliorer, et pourtant il attire un faible nombre de collaborateurs, cela montre clairement qu’il y a un problème. »

Les licences, également, peuvent devenir un problème.

Cheng note que OpenOffice est actuellement soumis à de trop nombreuses licences, notamment la GPL 3, la nouvelle licence BSD, et Mozilla Public Licence 1.0.

« Quiconque voudrait construire une application basée sur OpenOffice sera face à des problèmes juridiques trop complexes à traiter », dit-il. « Je pense que c’est pour cela que l’écosystème de OpenOffice ne fonctionne pas aussi bien que celui d’Eclipse. »

Notes

[1] Crédit photo : Joseppc (Creative Commons By-Sa)




La loi Création et Internet, le chant du cygne et le maquis

Tempo no tempo - CC byCette loi « Création et Internet » s’apparente de plus en plus au chant du cygne d’une industrie culturelle totalement dépassée par les événements et qui s’arc-boute sur ce qu’il lui reste encore de privilèges hérités du siècle dernier. Associée avec la politique web 1.0 d’un Sarkozy, tout est réuni pour casser la société numérique en deux et voir les éléments les plus progressistes du pays prendre le maquis virtuel pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être tant que la neutralité du Net sera garantie.

Un peu emphatique ce premier paragraphe non ? Allez, tant, pis, je le garde quand même 😉

En fait il s’agissait juste d’introduire cet article du collectif Libre Accès, qui fait justement partie de ceux qui sont bien décidés à ne pas s’en laisser compter[1].

Edit : Dans un autre registre, on pourra également lire cette gore mais assez désopilante BD de Flock.

La libre circulation de l’Art est la garantie de notre liberté

Libre Accès – Lettre d’information – février 2009
Article sous Licence Art Libre

La préface de La crise de la culture d’Hannah Arendt commence par cette citation d’un poème de René Char : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament », faisant référence à son choix d’entrer en résistance, à la prise de conscience que lutter contre la tyrannie restitue à chacun, au sein de l’espace public, sa liberté.

La circulation des œuvres de l’esprit a toujours été un enjeu majeur ; les amateurs du totalitarisme ont une forte passion morbide pour brûler des livres et imposer leur pensée unique aux masses. Le hacker Soljenitsyne en a su quelque chose : la parution de L’Archipel du Goulag, qui arriva en Europe de l’Ouest sous la forme d’un microfilm, est un des premiers exemples de l’enjeu que représente la numérisation des livres pour notre civilisation.

Il reste encore des hommes et des femmes dans le monde pour qui les actes de création constituent autant d’actes de résistances à la tyrannie. Actes de dignité où écrire, filmer, peindre, peut constituer un véritable crime passible de la peine de mort. Il est important de garder cette idée présente à l’esprit et de ne pas oublier qu’Internet représente rien de moins que de notre liberté de créer, d’échanger et de partager.

L’essence et l’avantage d’Internet est sa décentralisation. C’est l’outil rêvé de tous les amoureux de la liberté, encyclopédistes des Lumières, amis de l’éducation populaire et de l’art, leur permettant de diffuser leurs idées et les conserver. Bibliothèque-monde de toutes les cultures, lieu de production et de circulation de la pensée, l’art pour tous accessible, outil de pair à pair par excellence, Internet est un idéal des Lumières. C’est un espace d’expression, de réciprocité, de critique et donc de création.

En termes économiques, il serait temps de prendre conscience de faits essentiels qui se dessinent depuis son apparition :

  • l’ancien modèle des médias était basé sur la diffusion et la consommation, tandis que le nouveau modèle s’est développé sur la participation et l’expression;
  • l’élément critique de l’ancienne chaîne de valeur reposait sur la distribution, tandis que la nouvelle chaîne de valeur est centrée sur la découverte et la propagation;
  • il faut porter son attention là où l’argent s’est déplacé, là où les gens dépensent leur argent, sans occulter dans le même temps que les circuits financiers et produits dérivés se sont globalisés, hors de tout contrôle des Etats-nations et des territoires.

Ce sont là des données de base, familières à tout acteur informé de l’économie numérique. Il est donc particulièrement inquiétant pour nos démocraties de constater que ces mêmes lobbies financiers n’ont de cesse de vouloir contrôler Internet par des méthodes non seulement arbitraires et irrationnelles mais également tout à fait dépassées.

Les arguments justifiant la mise sous contrôle du réseau se réclament paradoxalement de la défense de la culture, alors que c’est justement elle qui est attaquée ; au même titre qu’ils invoquent des raisons pseudo-économiques, alors que par essence l’économie numérique refuse radicalement un contrôle central. Ce paradoxe a d’ailleurs été brillamment dénoncé par les situationnistes qui écrivaient dès 1967 : « la fin de l’histoire de la culture se manifeste par deux côtés opposés : le projet de son dépassement dans l’histoire totale, et l’organisation de son maintien en tant qu’objet mort, dans la contemplation spectaculaire »

Ces objets morts, stars télévisuelles qui ont l’odeur des icônes des églises mais sans leur efficacité, sont mis en avant pour justifier tous les abus du contrôle d’Internet. La mort de notre liberté est préparée dans une tentative vaine et pitoyable de conjurer la mort de l’artiste télévisé.

La loi « Création et Internet » souhaiterait que l’on installât un logiciel sur chacun de nos ordinateurs pour prouver que nous ne sommes pas des copieurs d’œuvres numériques interdites. Absurdité fondamentale : l’informatique, Internet, sont intrinsèquement copie, comme le rappelait Intel Corporation dans son Amicus brief lors du procès MGM vs Grokster.

L’argument de la culture en danger, servi à satiété, est un mensonge. La culture foisonne, les créateurs, de plus en plus nombreux, ne cessent de créer. Le public a soif d’œuvres auxquelles il accède de plus en plus en amateur, participant, co-créateur, et non plus en consommateur. La dissémination et l’accès de tous et par tous à la culture, voilà ce qui est en danger.
Et il est déconcertant de voir que c’est au nom du droit d’auteur, pour défendre la création, que l’on s’apprête à faire voter le projet de loi « Création et Internet », loi liberticide par excellence. Les comités de censure sont-il en train d’être remplacés par les Majors à qui le gouvernement français veut déléguer des pouvoirs arbitraires de police de l’Internet ?
Le pouvoir oligopolistique des Majors renforcé par la puissance publique pourrait contrôler l’ensemble des diffusions culturelles par une intégration verticale anti-économique et anti-concurrentielle : des tuyaux Internet, des radios, des télévisions, des journaux, des salles de concert…

C’est donc bien la liberté de l’auteur et son indépendance qui sont attaquées. Il n’est guère étonnant que de plus en plus d’auteurs et d’interprètes, voulant expérimenter d’autres dispositifs de création, quittent la SACEM (dans la musique) et les circuits classiques de distribution, pour mieux maîtriser leurs créations. Tout le monde n’est pas un adepte de la chanson à 2 minutes 30. La SACEM, influencée par les Majors ne sait pas rémunérer équitablement les auteurs occasionnellement diffusés sur les radios, par exemple. Ses modèles de répartitions sont basés sur des données partielles, accordant une prime aux plus gros diffusés. La production de la création doit correspondre au moule marketing de l’industrie culturelle ou ne pas exister.

De fait, il y a de plus en plus d’artistes qui, pour être en accord avec leur processus créatif, s’auto-produisent et s’auto-diffusent via Internet. Pour protéger leurs œuvres et garantir le partage de celles-ci, ils utilisent différentes licences telles la Licence Art Libre ou les Creative Commons.
Ils retrouvent ainsi leurs libertés premières d’auteurs : choisir les possibilités de modification de leurs œuvres, d’utilisation, de collaboration, de rémunération. Certains auteurs souhaitent privilégier la diffusion et la pérennisation de leurs œuvres, plutôt que leur rétribution financière.

Antoine Moreau, fondateur de la Licence Art Libre écrit : « Je crois pouvoir dire alors que le copyleft participe bien de ce récit des rêves ou des visions qui va à contre-temps de tout ce qui prétend dominer le cours de la création. C’est une liberté intempestive qui ne se soumet pas à l’injonction de l’actualité mais envisage un temps élargi, qui va très loin dans le passé, très loin dans l’avenir et très profondément dans le présent ».

Un musicien qui vient de terminer la création d’une œuvre musicale peut en un clic être écouté d’Afrique en Asie. Internet offre aux artistes un moyen de propagation inédit auquel les Majors ne s’étaient pas préparés. La plupart des plateformes de téléchargement d’œuvres sont multilingues. Il n’est plus rare qu’un artiste qui ne trouve pas son public localement le trouve à l’autre bout du monde.

C’est une vraie chance pour les auteurs, et pour l’humanité. Des groupes de musique comme Nine Inch Nails sont en passe de démontrer que la libre diffusion des œuvres n’empêche pas les artistes de trouver des modes de rémunérations concrets via la vente de places de concert ou de disques, avec toute une gamme possible de services et de produits dérivés.

Il y a bien un imaginaire défaillant dans les débats actuels sur la rémunération des auteurs et artistes-interprètes. Les moines copistes de l’industrie du DVD tentent d’imposer le même rapport de force que lors de la naissance de l’imprimerie, voulant casser une technologie brisant leur monopole. Frédéric Bastiat, économiste libéral français, les décrivit fort bien dans sa Pétition des Fabricants de Chandelles geignant contre la concurrence indue du soleil.

C’est l’auteur/artiste interprète à qui nous devons garantir une rémunération et non pas à l’industrie culturelle. La démocratisation des outils d’autoproduction et d’autodiffusion dans tous les Arts (cinématographique, musical, graphique, etc.) doit être prise en considération. Il appartient aux pouvoirs publics de savoir s’ils veulent soutenir les Majors ou les auteurs. N’en déplaise aux moines copistes de l’industrie du DVD et à leurs icônes télévisées, la création est foisonnante sur Internet et il est temps qu’elle soit reconnue.

S’il est fondamental de garantir cette liberté de choix de diffusion des œuvres et de leur circulation, nous devons être capables d’adapter le financement de l’art à l’heure d’Internet, sachant que sa défense ne peut être, ni en contradiction avec les valeurs démocratiques, ni avec les technologies actuelles. Comme le disait Michel Vivant en 2003 au Colloque de l’UNESCO ”Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information” : « Il ne s’agit pas de s’incliner devant le fait. Il s’agit de ne pas nier la réalité. ».

La libre circulation de l’Art garantit notre humanité, le pouvoir de se penser homme, voire humanité. On a besoin de se connaître à travers les grottes de Lascaux, dans les ruines de Babel. Antoine Moreau rappelle : « Il n’y a pas d’ouvrages de Platon et il n’y en aura pas. Ce qu’à présent l’on désigne sous ce nom est de Socrate au temps de sa belle jeunesse. Adieu et obéis-moi. Aussitôt que tu auras lu et relu cette lettre, brûle-la. La notion d’auteur, qui n’existe pas dans la Grèce Antique ni au Moyen-Âge où l’autorité émanait des dieux ou de Dieu, apparut. ». Garantir la libre circulation des œuvres d’Art, avec comme seul propriétaire, en dernier ressort, l’humanité, est donc essentiel. Pas de Copyright sur les œuvres de Lascaux, mais des amateurs d’Art archéologues entretenant notre patrimoine.

Le devoir de garantir la circulation de l’Art comme patrimoine de l’humanité oblige à penser sa préservation. Pas les salaires mirobolant des icônes télévisés mais de ceux qui, en premiers garantissent une pratique artistique : professeurs d’Art (plastique, musique, cinéma…), Maisons de la Culture, bibliothèques, espaces de pratique artistique, cinémas indépendants, universités… Il s’agit de multiplier les lieux ou les Artistes et les amateurs d’Art peuvent créer, échanger, écouter, pour maintenir à chaque Art les amateurs éclairés qui soutiendront toujours les Artistes/Auteurs.

Le financement de l’Art (pour les artistes souhaitant en bénéficier), doit être repensé par les puissances publiques. Préserver le seul intérêt des Majors, quand le statut des intermittents est menacé et le statut des artistes peintres est presque inexistant, démontre l’abandon de toute politique culturelle ambitieuse.
Si l’on songe que nous, citoyens, par les impôts, taxes et redevances que nous payons, sommes certainement le plus grand producteur culturel français, comment expliquer que l’on nous dénie toute participation aux débats en cours, et que l’on prétende privatiser et nous faire payer des œuvres que nous avons déjà financées? Est-il par exemple normal que l’Éducation Nationale, selon les accords sectoriels post-DADVSI, paye 4 millions d’euro par an pour n’avoir le droit, en ce qui concerne les œuvres audiovisuelles, que d’utiliser les chaînes hertziennes classiques ? Cela doit changer.
C’est en tant qu’amateurs d’Art et citoyens exigeants que nous devons être comptables des politiques culturelles et de leur diffusion. Il en va de nos identités et cultures plurielles, dont il faut empêcher l’uniformisation par une industrie culturelle qui, de TF1, à France 2 ou M6, montre les mêmes séries télévisées et les mêmes discours autistes du Président du tout nouveau Conseil de la création artistique.

Il incombe de défendre nos libertés concomitantes d’un accès à l’art pour tous. De ce point de vue, il est intéressant de noter que les Majors essaient d’imposer, comme les semenciers de Monsanto, un catalogue des œuvres dites protégées, au mépris du droit d’auteur censé protéger tout auteur d’une oeuvre de l’esprit. Il y a donc bien des logiques de domination économique qui sont à l’œuvre pour la privatisation des biens communs, contre lesquelles nous devons résister.

L’aboutissement des projets de Monsanto, comme le fameux « catalogue des semences » interdisant aux agriculteurs et jardiniers le droit de conserver, utiliser, échanger et vendre les semences ou du matériel de multiplication reproduits à la ferme, doit nous rendre vigilants sur les tentatives des Majors d’imposer le leur, fait du même petit nombre d’œuvres et rééditions formatées et sans risque.

Il y a un foisonnement d’Auteurs/Artistes talentueux qui autorisent la diffusion de leurs œuvres via la Licence Art Libre et les Creative Commons, plus de 30 000 œuvres musicales sur la plateforme Dogmazic, 10 000 œuvres littéraires sur le site de la maison d’édition InLibroVeritas, et dans le monde, d’après des estimations minimales, 130 millions d’œuvres et documents sous Creative Commons en juin 2008. Il est de notre devoir de les soutenir, car ils sont à l’avant-garde d’un mouvement de résistance, se livrant à la lutte pour la libre circulation de l’Art et donc notre liberté.

Pour Libre Accès, Jérémie Nestel (MACAQ, Radio du Ministère de la Crise du Logement), Bituur Esztreym (co-fondateur de Musique Libre ! et de dogmazic.net), Eric Aouanès (président de l’association Musique Libre ! et co-fondateur de la plateforme Dogmazic), Didier Guillon-Cottard (Festival Art is chaud) Mathieu Pasquini (gérant et fondateur de la maison d’édition InLibroVeritas).

Notes

[1] Crédit photo : Tempo no tempo (Creative Commons By)




Vivre libre ou mourir, ou s’adapter pour survivre ?

Wili Hybrid - CC byQuand un petit malin demande à Richard Stallman ce qu’il pense de la piraterie, on peut s’attendre à une réponse bien sentie… et on aura raison ! Avec l’humour qu’on lui connaît, Stallman en profite pour dénoncer les licences restrictives, les pratiques intrusives des éditeurs de logiciels propriétaires (ou comme il se plaît à les appeler, "privateurs"), et l’amalgame entre partage et vol.

Mais la question, plus vaste, que pose cet article du Deccan Herald, est celle du rapport entre logiciel libre et logiciel propriétaire, et de l’opposition entre deux conceptions assez opposées. À l’avis tranché de Stallman (rejet pur et simple des logiciels propriétaires), s’oppose celui de Jimmy Wales, créateur de Wikipédia, selon qui l’un doit se nourrir de l’autre.[1]

Alors, refus de tout compromis ou adaptation pour la survie de l’espèce, tel est le sujet de réflexion que nous vous proposons avec cette traduction signée Framalang.

Darwinien ou marxiste ?

Darwinian or Marxist

L. Subramani – 17 décembre 2008 – Deccan Herald
(Traduction Framalang : Goofy, Don Rico et Olivier)

Que pensez-vous de la piraterie ? Richard Stallman, considéré comme le père du mouvement pour le logiciel libre, a donné à cette question une réponse amusante et qui donne à réfléchir. « La piraterie, » a déclaré Stallman lors d’une conférence à Bangalore au mois de décembre 2008, « c’est très mal, parce que c’est mal de s’attaquer à des bateaux en mer. »

Comme la personne qui l’interrogeait était tenace et précisait que la question portait sur la piraterie dans le sens de piratage de logiciels et de musique, Stallman a donné une réponse meilleure encore : « Les pirates ne s’attaquent jamais à des navires avec des logiciels et de la musique, mais avec des canons. »

D’après Stallman, le piratage est un des termes inventés pour attaquer la liberté et la « solidarité d’une communauté », et ce terme doit être rejeté. « Rompre un accord n’est pas correct, mais si un distributeur de logiciels assimile votre désir de partager ce que vous aimez avec vos amis à l’attaque d’un navire, cette idée mérite d’être dénoncée. » a-t-il déclaré, sous les applaudissements de l’assistance.

Sans nul doute, l’idée de logiciel « libre » invite à concevoir le développement et la distribution de logiciel du point de vue de l’utilisateur. La liberté d’utiliser le code, d’en étudier la source, de la modifier, de la partager, d’en distribuer des copies à d’autres, voilà qui s’adresse à l’utilisateur. Mais dans quelle mesure de telles libertés peuvent-elles être exigées dans une ère dominée par les marques déposées et les technologies « juteuses », voilà une question toujours en suspens après tous les arguments convaincants donnés çà et là.

En fait, Stallman lui-même n’a rien contre l’idée de faire du profit en vendant des logiciels, mais il veut que ceux qui développent et distribuent ces produits s’en tiennent rigoureusement à cet ensemble de « libertés ». Il est possible qu’il ait raison de prétendre que les gens sont tellement préoccupés d’acheter ce qui peut tourner sur leur machine qu’ils en oublient leurs droits. Mais on ne peut s’empêcher de se demander s’il est vraiment condamnable que des vendeurs de produits surveillent le système de leurs clients pour s’efforcer de mieux les satisfaire ou pour les empêcher de distribuer leur copie – ce qui est le seul moyen dont ils disposent pour s’assurer de la vente du logiciel.

Comme le fait remarquer Stallman lui-même, on ne se soucie que trop rarement des implications de la licence d’un logiciel. Jusqu’à une période assez récente, beaucoup ne se préoccupaient pas, lorsqu’ils revendaient leur vieux PC, de ce qu’ils risquaient en négligeant d’effacer toutes leurs données personnelles de disque dur. Les experts ont souvent signalé les dangers encourus en signant la « politique de confidentialité » des services en ligne sans la lire vraiment. Mais devrions-nous être « radicaux » dans notre réaction, comme le suggère Stallman, au point de rejeter les logiciels propriétaires et de nous abandonner corps et âme au logiciel libre ? La réponse est venue le même soir de Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia, la plus grande base de connaissance au monde. Wales a élaboré la meilleure application pratique des idées de Stallman en faisant de Wikipedia une plateforme ouverte pour créer, partager et modifier des contenus.

Bien que Wales admette être tout à fait « Stallmanien » dans ses convictions, il reconnaît être moins radical dans le développement d’un système d’accès au savoir en ligne qui comporte des contenus en plus de 200 langues, et rivalise avec de très puissantes institutions comme l’Encyclopædia Britannica.
« Le logiciel libre est une façon de concevoir la création et la distribution de contenu », déclare Wales. « Il existe souvent une tension entre les deux modèles (le libre et le propriétaire). Nous ne pouvons concevoir, par exemple, qu’un individu seul puisse créer un système de logiciels qui serait vendu des millions de dollars. C’est aussi absurde que de croire que de grands distributeurs vont créer des logiciels complètement Open Source. Donc d’une manière ou d’une autre ils doivent apprendre à co-exister. »

Et il existe des raisons de penser que les modèles du logiciel libre et celui du logiciel propriétaire peuvent co-exister. Il est difficile, par exemple, de rejeter l’argument de Stallman suivant lequel l’enseignement dispensé aux enfants à l’école devraient s’appuyer sur les logiciels libres de telle manière qu’ils ne soient pas excessivement dépendants d’un seul système propriétaire.
De la même façon qu’ils apprennent ce que sont les feuilles des plantes en les observant de près, ils peuvent apprendre le fonctionnement d’un logiciel en étudiant son code source, ce qui est possible avec un logiciel libre.

Mais il est aussi difficile de concevoir le développement de logiciels sans un modèle propriétaire. Une solution serait qu’une majorité d’utilisateurs insistent auprès des fabricants de logiciels pour qu’ils soient moins intrusifs. Stallman prétend que les entreprises commerciales devraient faire plus que protéger leurs propres intérêts.

« Les entreprises commerciales doivent fournir des produits utiles aux utilisateurs sans les tenir en otage au moyen de pratiques inacceptables », dit Stallman. « Aujourd’hui, les logiciels installent des programmes espions pour savoir ce que fait l’utilisateur, et les fabricants contraignent les usagers à créer du contenu avec leurs programmes, au lieu de leur vendre une copie de leur logiciel. De telles pratiques compromettent les droits de l’utilisateur, et nous devons insister auprès des fabricants pour qu’ils soient au contraire respectés. » À quel point les fabricants seront-ils réceptifs à ces propos, voilà ce que tout le monde se demande.

Notes

[1] Crédit photo : Wili Hybrid (Creative Commons By)




La documentation sur le logiciel libre doit-elle être libre ?

Kennymatic - CC byTous les livres devraient-ils être « libres », au sens où ils seraient tous placés sous une licence libre ? Bien évidemment non. Si un auteur (romancier, essayiste, historien, poète…) ne souhaite pas voir son ouvrage modifié ou commercialisé sans son consentement, il en va de son plus respectable choix. Et puis n’oublions pas qu’au bout d’un certain temps le domaine public prend le relai (temps peut-être un peu trop long actuellement mais là n’est pas le propos).

Il existe cependant certains domaines bien précis où l’adoption de telles licences est à évaluer avec attention, surtout si l’objectif visé est l’édition, le partage et la diffusion de la connaissance, et plus particulièrement de la connaissance « en perpétuel mouvement ». On peut ainsi sans risque affirmer que l’encyclopédie Wikipédia et les manuels scolaires de Sésamath ne seraient pas ce qu’ils sont sans les licences libres qui les accompagnent.

Quant à la documentation des logiciels libres, ce choix apparait si ce n’est « naturel » en tout cas cohérent et pertinent. Car il s’agit non seulement d’une question de principe et de fidélité aux licences des logiciels libres mais également d’une question d’efficacité et de qualité collectivement déclinées. Avec à la clé une ressource utile et disponible constituant un atout supplémentaire pour faire connaître et diffuser le logiciel libre traité[1].

C’est ce que vient nous rappeler cet article du site Gnu.org que nous avons choisi de reproduire ici et qui encourage les éditeurs à vendre des manuels sous licences libres lorsque le sujet de l’ouvrage est un logiciel libre (ce qui n’est pas le cas actuellement, à quelques rares exceptions près comme, désolé pour la citation réflexive, la collection Framabook).

Il est bien évident que le principal frein est d’ordre financier. Les éditeurs « traditionnels » du monde informatique en langue française (Eyrolles, Dunod, ENI, Pearson, Campus Press, Micro Application…) imaginent qu’une mise sous licence libre de leurs ouvrages aurait un impact négatif sur les ventes, les bénéfices et le retour sur investissement. Cela reste difficile à prouver car la perte de clients potentiels (qui se contenteraient de la version numérique « gratuite ») est susceptible d’être compensée par une plus large publicité faite aux ouvrages en particulier parmi l’active et influente communauté du logiciel libre francophone (sans même évoquer la question du « capital sympathie » de l’éditeur qui pourrait s’en trouver là renforcée).

Wikipédia a atteint en quelques semaines les objectifs de sa campagne de dons (six millions de dollars), Sésamath possède des salariés rémunérés avant tout grâce à la « vente physique » de leurs manuels pourtant sous licence libre. Quant au plus modeste projet Framabook, son volume sur Ubuntu dépasse aujourd’hui les trois mille exemplaires achetés quand bien même cet achat se fasse encore presque exclusivement en ligne (et ce n’est pas fini puisqu’Ubuntu est bien partie pour durer encore un petit bout de temps).

N’ayez pas peur, comme dirait l’autre. Il me tarde de voir par exemple l’excellente collection Accès Libre d’Eyrolles porter encore mieux son nom.

Logiciels et manuels libres

Free Software and Free Manuals

GNU.org – dernière mise à jour : 24 mars 2008
(Traduction : Benjamin Drieu)

Le plus grand défaut des systèmes d’exploitation libres n’est pas dans le logiciel, mais dans le manque de bons manuels libres que nous pouvons y inclure. Beaucoup de nos programmes les plus importants ne sont pas fournis avec des manuels complets. La documentation est une partie essentielle de tout logiciel; quand un logiciel libre important n’est pas fourni avec un manuel libre, c’est un manque majeur. Aujourd’hui, nous avons de nombreux manques importants.

Il y a de nombreuses années, j’ai voulu essayer d’apprendre Perl. J’avais une copie d’un manuel libre, mais je ne l’ai pas trouvé facile d’accès. Lorsque j’ai demandé à des utilisateurs de Perl s’il existait une alternative, ils me dirent qu’il y avait de meilleurs manuels d’introduction, mais que ceux-ci n’étaient pas libres.

Mais pourquoi cela ? Les auteurs de ces bons manuels les ont écrit pour O’Reilly Associates, qui les publie sous des termes restrictifs (pas de copie, pas de modification, les sources ne sont pas disponibles). Cela les exclut de la communauté du logiciel libre.

Ce n’était pas la première fois que ce genre de choses se produisait, et (malheureusement pour notre communauté) c’en est loin d’être fini. Les éditeurs de manuels propriétaires ont encouragé un grand nombre d’auteurs à restreindre leurs manuels depuis. J’ai souvent entendu un utilisateur de GNU me parler d’un manuel qu’il était en train d’écrire et avec lequel il comptait aider le projet GNU, puis décevoir mes espoirs en expliquant qu’il avait signé un contrat avec un éditeur qui restreindrait son manuel de telle manière que nous ne pourrions pas l’utiliser.

Etant donné la rareté de bons rédacteurs en langue anglaise parmi les programmeurs, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des manuels de cette manière.

L’intérêt d’une documentation libre (tout comme pour un logiciel libre) est la liberté, pas le prix. Le problème avec ces manuels n’était pas que O’Reilly Associates vende les versions imprimées de ses manuels, ce qui est bon en soi. (La Free Software Foundation vend aussi des impressions des manuels GNU). Mais les manuels GNU sont disponibles sous forme de code source, alors que ces manuels-là ne sont disponibles que sous forme imprimée. Les manuels de GNU sont distribués avec la permission de les copier et de les modifier; mais pas ces manuels de Perl. Ces restrictions sont le problème.

Les conditions à remplir pour un manuel libre sont à peu près les mêmes que pour un logiciel; il s’agit de donner à tous les utilisateurs certaines libertés. La redistribution (y compris une distribution commerciale) doit être autorisée afin que le manuel accompagne chaque copie du programme, de manière électronique ou imprimée. Permettre les modifications est crucial aussi.

En règle générale, je ne crois pas qu’il soit essentiel que nous ayons la permission de modifier toutes sortes d’articles ou de livres. Les problèmes de l’écriture ne sont pas forcément les mêmes que ceux du logiciel. Par exemple, je ne crois pas que vous ou moi devrions nous sentir obligés de donner la permission de modifier des articles tels que celui-ci, qui décrivent nos actions et nos positions.

Mais il y a une raison particulière pour laquelle la liberté de modifier des documentations libres traitant de logiciels libres est cruciale. Lorsque les programmeurs exercent leur droit de modifier un logiciel et d’ajouter ou de modifier des fonctionnalités, s’il sont consciencieux, ils changeront aussi le manuel afin de pouvoir fournir une documentation précise et utilisable avec leur propre version du programme. Un manuel qui interdirait aux programmeurs d’être consciencieux et de finir leur travail, ou qui leur imposerait d’écrire un nouveau manuel à partir de zéro s’ils modifient le programme ne répond pas aux besoins de notre communauté.

Même si un refus total des modifications est inacceptable, quelques limites sur la manière de modifier une documentation ne pose pas de problème. Par exemple, il est normal d’avoir des injonctions de préserver la notice de copyright originale, les termes de distribution ou la liste des auteurs. Il n’y a pas non plus de problème à demander que les versions modifiées incluent une notice expliquant qu’il s’agit d’une version modifiée, et même d’avoir des sections entières qui ne puissent ni être supprimées ni être modifiées, du moment qu’il ne s’agit pas de sections ayant trait à des sujets techniques (certains manuels GNU en ont).

Ce type de restrictions n’est pas un problème, car d’une manière pratique elles n’empêchent pas le programmeur consciencieux d’adapter le manuel pour correspondre au programme modifié. En d’autres termes, elles n’empêchent pas la communauté du logiciel libre de faire son oeuvre à la fois sur le programme et sur le manuel.

De toutes façons, il doit être possible de modifier toute la partie technique du manuel ; sinon ces restrictions bloquent la communauté, le manuel n’est pas libre, et nous avons besoin d’un autre manuel.

Malheureusement, il est souvent difficile de trouver quelqu’un pour écrire un autre manuel quand un manuel propriétaire existe déjà. L’obstacle est que la plupart des utilisateurs pensent qu’un manuel propriétaire est suffisament bon, alors ils ne ressentent pas le besoin d’écrire un manuel libre. Il ne voient pas qu’un système d’exploitation libre a une fissure qui nécessite un colmatage.

Pourquoi ces utilisateurs pensent-ils que les manuels propriétaires sont suffisament bons ? La plupart ne se sont pas penchés sur le problème. J’espère que cet article sera utile dans ce sens.

D’autres utilisateurs considèrent les manuels propriétaires acceptables pour la même raison qu’énormément de personnes considèrent le logiciel propriétaire acceptable : ils pensent en termes purement pratiques, sans mettre la liberté en compte. Ces personnes sont attachées à leurs opinions, mais comme ces opinions découlent de valeurs qui n’incluent pas la liberté, ils ne sont pas un modèle pour ceux d’entre nous qui s’attachent à la liberté.

Je vous encourage à parler de ce problème autour de vous. Nous continuons à perdre des manuels au profit d’éditions propriétaires. Si nous faisons savoir que les manuels propriétaires ne sont pas suffisants, peut-être que la prochaine personne qui voudra aider GNU en écrivant de la documentation réalisera, avant qu’il soit trop tard, qu’elle devra avant tout la rendre libre.

Nous pouvons de plus encourager les éditeurs à vendre des manuels libres et dénués de copyright au lieu de manuels propriétaires. Une façon de le faire est de vérifier les termes de distribution de manuels avant de les acheter, et de préférer les manuels sans copyright à des manuels copyrightés.

La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Notes

[1] Crédit photo : Kennymatic (Creative Commons By)




Linux est-il menacé par les anciens de chez Windows ?

Zach Klein - CC byC’est indéniable, le système d’exploitation GNU/Linux est en forte croissance et attire chaque jour de nouveaux utilisateurs. Parmi ces derniers, on compte une large part d’anciens utilisateurs Windows qui pour x raisons, à commencer par « la déception Vista », ne souhaitent plus continuer avec Microsoft.

Nous ne pouvons que nous en réjouir et vive la démocratisation Linux ! Sauf que cette nouvelle vague de migration n’est pas sans poser questions voire problèmes à la communauté Linux existante. En effet elle s’accompagne souvent d’un désir plus ou moins inavoué de voir Linux s’uniformiser et s’approcher le plus possible de Windows[1], quitte à le singer et prendre alors le risque de perdre sa propre identité.

Quand les utilisateurs de Windows veulent changer Linux… Comment réagir ?

How Windows Users are Changing Linux and What We Should Do About It

Linux Canuck’s Weblog – 3 décembre 2008
(Traduction Framalang : Goofy et Olivier)

Pas de doute, de nombreux utilisateurs ont décidé de quitter Windows pour s’en aller vers le Mac mais également vers Linux. Pour une part c’est parce qu’ils ne sont pas satisfaits de Vista. Mais ce n’est pas la raison qui importe ici, c’est ce qui en découle pour la communauté Linux.

Je suis actif sur plusieurs forums d’aide et je vois passer beaucoup de demandes. Un grand nombre d’entre elles viennent d’utilisateurs de Windows complètement perdus. Leur nombre et leur façon d’appréhender Linux ont une certaine influence. Personne n’a de statistiques précises, mais nous savons que la migration vers Linux va s’accroissant. Comme la plupart des nouveaux utilisateurs viennent de l’univers Windows, ils apportent avec eux leurs habitudes et leur expérience de Windows. Le passage n’est pas aussi aisé que la migration d’une version de Windows à l’autre, comme, disons, de passer de XP à Vista. Passer de XP à Linux est un choc pour beaucoup d’entre eux.

Heureusement, la communauté Linux est accueillante et a l’esprit large. Beaucoup d’entre nous étions dans la même situation qu’eux. Pas tous, cependant. Ce qui peut créer quelques problèmes : par exemple quand un gourou d’Unix demande à un débutant venu de Windows d’ouvrir un terminal et d’éditer GConf en ligne de commande avec Nano. Il est certain qu’un échange entre ces deux-là est fort intéressant. Mais pour une raison étrange c’est souvent la frustration qui prédomine pour chacun d’eux au final. Il faut s’attendre à de telles choses quand deux univers différents entrent en collision frontale…

Or nous découvrons que les utilisateurs de Windows ont sur la communauté Linux une influence que nous n’avions par prévue. Les utilisateurs de Windows n’ont pas l’habitude de choisir. À leurs yeux l’éventail des choix proposés sous Linux est déstabilisant.

Parlons d’abord du nombre de distributions. Par quel bout commencer pour faire son choix ? Chacun a son opinion, mais on ne sait pas qui croire. Si bien que les utilisateurs se fient à la réputation et à la popularité. Ils se peut qu’ils choisissent Fedora parce qu’ils savent que c’est un produit de Red Hat et qu’ils ont entendu dire que Red Hat est un poids lourd de Linux (pour les serveurs, mais ils ne font pas la différence). Ils n’ont pas conscience que Fedora n’est pas une distribution pour débutants et aucun argument ne les en fera démordre. Pire encore, ceux qui ont une ancienne version de Red Hat, qui veulent l’utiliser sur un vieil ordinateur de bureau et qui espèrent la voir fonctionner comme on leur a décrit Linux, de façon moderne et ergonomique. Et puis il y a Ubuntu. Ils l’utilisent parce que c’est la distribution que la plupart des gens utilisent. Il n’est donc pas surprenant que nos forums débordent de confusion et souvent même de frustration.

Voici donc où selon moi se trouve le problème. Cette frustration et cette confusion incitent les utilisateurs de Windows à déclarer que Linux devrait ressembler davantage à Windows. Ils veulent supprimer les choix et ils veulent que les choses soient standardisées. Pire encore, un petit nombre d’entre eux veulent changer Linux pour qu’il s’approche le plus possible de Windows. Nous devons donc être prêts à faire face à de telles déclarations et à préserver ce qui fait la spécificité de Linux.

Le problème survient souvent ingénument. Certains vont se trouver devant un problème d’installation de paquetage qui va leur faire dire quelque chose comme « c’est bien plus facile d’installer sous Windows ». Ce n’est pas le cas et nous devons leur expliquer pourquoi c’est faux et ce assez gentiment pour qu’ils ne soient pas rebutés. Ou encore ils peuvent demander quel est le meilleur programme antivirus à installer, ou bien comment défragmenter un disque, des choses classiques dans un environnement Windows mais qui n’ont pas d’équivalent sous Linux.

Vous pouvez entendre proclamer qu’il ne devrait pas y avoir autant de choix. Que ça submerge les débutants et que ce serait mieux s’il n’y avait qu’une seule distribution. J’ai lu hier encore un billet d’humeur à ce sujet. En fait, c’est assez fréquent. Ils disent quelque chose comme ça : « Linux a un problème et, s’il veut réussir, il faut qu’il concurrence Windows, par conséquent, Linux doit changer ». L’auteur de l’article poursuit en disant à quel point Linux ne peut se comparer favorablement avec Windows. La gestion des fichiers de configuration est « chaotique » et le besoin d’une base de registre centralisée se fait sentir. Il existe trop de gestionnaires de paquetages et donc les développeurs commerciaux ne peuvent pas tous les supporter, voilà ce qu’ils disent. Et puis le noyau change tout le temps à cause de sa gestion séparée…

Les critiques viennent de deux groupes, celui des débutants de base et celui des utilisateurs bien informés qui ont des besoins particuliers. Je suis certain que vous avez déjà entendu de telles récriminations, ainsi que l’idée que Linux est trop diversifié pour réussir un jour à s’imposer.

Le problème est que personne n’a jamais franchi le pas qu’ils voudraient voir franchir. Linux n’a nul besoin d’entrer en compétition avec quoi que ce soit. Il suit sa propre voie et se développe avec l’assentiment de tous. Par conséquent les seuls changements qui lui sont nécessaires relèvent de son évolution naturelle.

Linux est déjà un succès. Il n’a pas besoin de devenir ce qu’il n’est pas. Si, comme certains le souhaitent, Linux devait essayer de rivaliser avec Windows, il y perdrait son identité. Il deviendrait le modèle dominant et ne serait plus ce qu’il est, une alternative au modèle dominant.

Alors comment devons-nous répliquer face à de telles réclamations ? D’abord il nous faut être vigilants pour mieux les détecter. Ensuite, nous devons les identifier pour ce qu’elles sont, des tentatives de détournement de Linux. Nous devons tenir bon et être fiers de ce que nous avons, sans rêver à ce que cela pourrait devenir si par hasard nous leur emboitions le pas. Linux est ce qu’il est et Windows est ce qu’il est. Les utilisateurs ont le choix. Un point c’est tout.

D’un point de vue pratique, nous devons répondre de façon circonstanciée. Il faut éduquer les débutants, leur montrer comment se servir de Linux. Ils ont besoin de savoir pourquoi nous faisons les choses à notre manière et il faut leur rappeler que la force de Linux vient de sa diversité.

Ceux contre qui il est plus difficile de rétorquer, ce sont ceux qui publient des commentaires et qui bloguent, ceux qui connaissent Linux et ses particularités. Ils présentent ces dernières comme des erreurs et exposent leurs arguments. Dans ce cas de figure nous devons comprendre et nous former avant de leur répliquer. Nous devons leur exposer des arguments de poids pour expliquer que nous ne pouvons les suivre sur ce terrain. Pour cela nous devons savoir d’où ils viennent, vers quoi ils nous engagent et peut-être même quel est le motif secret qui les anime. Chacun a son petit secret.

Pour espérer défendre les couleurs de notre champion Linux, il nous faut être préparés à rester fermes sur nos positions. Nous devons tout d’abord accepter Linux tel qu’il est. Si nous-mêmes sommes d’accord avec ces détracteurs, nous devons apprendre pourquoi les choses sont ce qu’elles sont. Linux a une histoire. Il existe de bonnes raisons qui ont fait qu’il nous arrive ainsi aujourd’hui.

À chaque fois que les gens essaient de modifier radicalement le cours des choses, c’est un échec. Le changement révolutionnaire déclenche des forces incontrôlables. Au contraire, les évolutions construisent et améliorent les fondements. C’est plus lent mais c’est plus sûr. Linux change, mais change à sa manière. C’est sain et naturel.

Linux est Open Source, donc les gens sont libres d’en faire ce qu’ils veulent. Chacun, Microsoft compris, peut créer sa propre distribution qui fait précisément ce qu’on lui demande. Le problème c’est que cela ne produit pas le résultat escompté. Cela ne fait qu’accroître le nombre de distributions. En fait, c’est une révolution que certains veulent faire. Ils voudraient que Linux cesse d’être ce qu’il est pour que leur vision devienne une réalité. Ils ont besoin que les autres projets s’interrompent tout autant que de faire réussir les leurs. Voilà pourquoi de telles discussions sont intrinsèquement dangereuses, et pourquoi nous devons hausser le ton.

La plupart des utilisateurs de Linux sont bien informés et experts. Beaucoup sont également silencieux. Puisque Linux n’a pas de porte-parole, il ne peut compter que sur nous, ses utilisateurs et développeurs qui partageons la même idée. Nous devons proclamer ce que Linux représente et ne pas rester silencieux lorsqu’il est nécessaire de nous exprimer.

Parfois certains feraient mieux de s’abstenir de répondre. Les commentaires du genre « tu as tort », « tu es un crétin » ne sont pas constructifs. Ils montrent qu’on est passionné, mais pas grand-chose d’autre. Ceux qui émettent des critiques méritent qu’on leur explique pourquoi les choses sont telles qu’elles sont. Nous devons dire pourquoi nous ne partageons pas leur désir de changer ce qui est déjà bon.

Personnellement je me fiche de savoir où en est Microsoft. Je n’utilise pas Windows et ne l’utiliserai pas. Que Microsoft triomphe ou s’effondre n’est pas une question qui m’intéresse. Linux n’a nul besoin que Windows s’effondre pour réussir. Il n’y a pas de compétition dans mon esprit. Dès que les gens commencent à parler comme si elle existait, je me méfie de leurs motivations et de leurs intentions. Les gens qui écrivent que Windows 7 va tuer Linux ne comprennent manifestement ni Linux ni ses utilisateurs.

Nous n’allons pas partir à l’abordage dès que Microsoft lance quelque chose. Nous utilisons Linux parce qu’il correspond à nos besoins et traduit notre désir de liberté, de contrôle et de maitrise de notre ordinateur, ce que Microsoft ne poura jamais offrir. Chez Microsoft comme chez Apple, les objectifs sont diamétralement opposés. Ils conçoivent l’ordinateur comme quelque chose qu’ils devraient contrôler et par extension, ils aimeraient bien vous contrôler vous et vos habitudes. Les gens qui ont ça en tête ne choisissent pas Linux et ne le feront jamais. Voilà précisément le problème selon moi.

Microsoft déteste ce que représente Linux. Cela n’a rien à voir avec les problèmes pratiques tels que les expriment les gens qui veulent changer Linux pour qu’il ressemble à Windows. Cela a tout à voir avec la façon radicalement différente dont nous voyons les choses et le fait que pour la première fois ils entrent en compétition avec une idéologie qu’ils ne peuvent pas acheter comme une entreprise, si bien que leur solution est de changer l’idéologie, en lançant à ses trousses des gens qui soulèvent des problèmes pratiques. Tout cela fait partie d’une campagne d’intox à laquelle il se peut que certains s’activent délibérément, tandis que d’autres en sont les instruments inconscients, depuis longtemps avalés par la Machine.

Au bout du compte, il n’importe guère de savoir s’ils sont délibérément actifs ou passivement impliqués. Le fait est qu’ils sont en campagne. J’ai lu des rapports ces dernières semaines mentionnant que Microsoft offre des portables gratuits à des blogueurs et verse de l’argent à des entreprises pour que tous recommandent Windows. De là à envisager qu’ils paient des personnes et des entreprises de la même façon pour d’autres buts, il n’y a qu’un pas. Non seulement il est nécessaire pour Microsoft de s’attaquer à l’idéologie, mais la firme veut aussi réduire le fossé entre les deux systèmes d’exploitation de telle sorte que peu de choses les différencient. Ils veulent nous affadir pour nous détruire plus facilement.

Nous avons beaucoup à faire pour éviter ce résultat. Nous avons besoin de maintenir Linux sur sa lancée, pour que nous puissions être une alternative. Si nous ne sommes plus une alternative, nous n’avons plus rien à offrir, sinon un prix, et le prix à payer est une chose avec laquelle Microsoft sait très bien s’arranger.

Je conseille de parler haut et fort en faveur de Linux et de promouvoir l’unité de la communauté Linux. C’est normal d’avoir des rivalités amicales entre distributions, mais nous devons être sur nos gardes vis-à-vis d’attaques bien plus insidieuses venant de l’extérieur, et protéger ce que nous avons en commun. Si Linux doit changer, que cela demeure de l’intérieur.

Notes

[1] Crédit Photo : Zach Klein (Creative Commons By)