Richard Stallman : Un logiciel espion dans Ubuntu ! Que faire ?

Un logiciel espion dans Ubuntu ! Que faire ?

par Richard Stallman

L’un des principaux avantages du logiciel libre est que la communauté protège les utilisateurs des logiciels malveillants. Aujourd’hui Ubuntu GNU/Linux est devenu un contre-exemple. Que devons-nous faire ?

Le logiciel privateur est associé à la malveillance envers l’utilisateur : code de surveillance, menottes numériques (gestion numérique des restrictions, ou DRM) destinées à imposer des limites aux utilisateurs, et portes dérobées qui peuvent faire des choses déplaisantes sous contrôle à distance. Les programmes qui effectuent l’une quelconque de ces opérations sont des logiciels malveillants et devraient être considérés comme tels. Les exemples les plus communs sont Windows, les iTrucs, ou encore le « Kindle » d’Amazon (connu pour son autodafé de livres virtualisés[1] ), qui font ces trois choses ; Macintosh et la Playstation III qui imposent des menottes numériques ; la plupart des téléphones portables, qui espionnent et possèdent des portes dérobées ; Adobe Flash Player, qui espionne et fait respecter les menottes numériques ; ainsi que de nombreuses applications iTrucs ou Android, qui intègrent une ou plusieurs de ces pratiques néfastes.

Le logiciel libre donne aux utilisateurs la possibilité de se protéger contre les comportements malveillants des logiciels. Encore mieux, la communauté protège en général tout le monde et la majorité des utilisateurs n’a pas à bouger le petit doigt. Voici comment.

De temps à autre, des utilisateurs sachant programmer trouvent du code malveillant dans un programme libre. Généralement, ce qu’ils font ensuite c’est de publier une version corrigée du programme : les quatre libertés (voir http://www.gnu.org/philosophy/free-sw.html) qui définissent le logiciel libre le permettent. On appelle cela un fork du programme. Rapidement, la communauté bascule sur la version corrigée, et la version infectée est rejetée. La perspective d’un rejet ignominieux n’est pas vraiment tentante : donc, la plupart du temps, même ceux qui ne sont pas arrêtés par leur conscience ou par la pression sociale s’abstiennent de glisser des malfaçons dans les logiciels libres.

Mais pas toujours. Ubuntu, distribution influente et largement utilisée, a installé du code de surveillance. Lorsque l’utilisateur effectue une recherche dans ses propres fichiers en utilisant le système de recherche d’Ubuntu desktop, Ubuntu envoie cette recherche à l’un des serveurs de Canonical (Canonical étant la société qui développe Ubuntu).

C’est exactement comme le premier cas de surveillance dont j’aie appris l’existence, dans Windows. Mon vieil ami Fravia m’avait expliqué qu’un jour, alors qu’il recherchait une phrase dans ses fichiers avec Windows, un paquet – détecté par son pare-feu – avait été émis vers un serveur. À compter de cet exemple, je suis devenu attentif et n’ai pas oublié la propension à la malveillance qu’ont les logiciels privateurs « réputés ». Ce n’est peut-être pas par hasard qu’Ubuntu émet la même information.

Ubuntu se sert de ces informations sur leurs recherches pour afficher aux utilisateurs des publicités pour des produits vendus par Amazon. Cette société cause beaucoup de tort (voir http://stallman.org/amazon.html) ; en promouvant Amazon, Canonical y contribue. Cependant, les publicités ne sont pas le cœur du problème. Le véritable problème est l’espionnage des utilisateurs. Canonical affirme qu’Amazon ne sait rien de l’origine des recherches. Toutefois, il est tout aussi déplorable de la part de Canonical de collecter vos informations personnelles que cela ne l’aurait été de la part d’Amazon.

Certains feront sûrement des versions modifiées d’Ubuntu dépourvues de cette fonctionnalité espionne. De fait, plusieurs distributions GNU/Linux sont des versions modifiées d’Ubuntu. Lorsqu’elles se mettront à niveau avec la dernière version d’Ubuntu, je m’attends à ce que cette fonctionnalité soit enlevée. Canonical s’y attend également, sans aucun doute.

La plupart des développeurs de logiciel libre laisseraient tomber un tel projet, étant donné la perspective d’une migration en masse vers la version corrigée de quelqu’un d’autre. Mais Canonical n’a pas abandonné le logiciel espion d’Ubuntu. Peut-être Canonical pense-t-il que le nom « Ubuntu » a assez de poids et d’influence pour éviter les conséquences habituelles et s’en tirer avec cette surveillance.

Canonical dit que cette fonctionnalité permet de faire des recherches sur Internet « autrement ». Selon les détails de la méthode, cela pourrait, ou non, aggraver problème, mais cela ne l’atténuerait pas.

Ubuntu permet aux utilisateurs de désactiver la surveillance. Évidemment, Canonical pense que beaucoup d’utilisateurs d’Ubuntu vont laisser cette fonctionnalité à son état par défaut, c’est-à-dire active. Et c’est ce que beaucoup font probablement, car il ne leur vient pas à l’esprit d’essayer d’y changer quoi que ce soit. Ainsi, l’existence de cette option ne rend pas pour autant la fonctionnalité de surveillance acceptable.

Même si elle était désactivée par défaut, cette fonctionnalité resterait dangereuse : « activer une fois pour toutes » une pratique risquée, dont le risque varie selon les spécificités du système, invite au laisser-faire. Pour protéger la vie privée de l’utilisateur, les systèmes doivent simplifier l’usage de la prudence : quand un programme de recherche locale a une option de recherche sur le réseau, ce devrait être à l’utilisateur de choisir la recherche sur le réseau explicitement à chaque fois. C’est simple : il suffit de boutons séparés pour la recherche sur le réseau ou la recherche locale, comme c’était le cas dans les anciennes versions d’Ubuntu. Une fonctionnalité de recherche sur le réseau devrait aussi informer l’utilisateur clairement et concrètement sur la nature et la destination précise des données personnelles collectées, lorsqu’il utilise cette fonctionnalité.

Si une proportion suffisante des faiseurs d’opinion de la communauté voient cette question d’un point de vue uniquement personnel, s’ils désactivent la surveillance pour eux-mêmes et continuent à promouvoir Ubuntu, Canonical pourrait s’en tirer. Ce serait une grande perte pour la communauté du logiciel libre.

Nous, qui présentons le logiciel libre comme une défense contre les logiciels malveillants, n’affirmons pas qu’il s’agit d’une défense parfaite. Il n’existe pas de défense parfaite. Nous ne disons pas que la communauté va à coup sûr dissuader les gens d’implanter des logiciels espions. Donc, à proprement parler, ce n’est pas parce qu’il y a un logiciel malveillant dans Ubuntu que nous devons manger notre chapeau.

Mais ce qui est en jeu ici dépasse le fait de savoir si quelques-uns d’entre nous vont devoir avaler leur chapeau. La question est ici de savoir si notre communauté peut efficacement utiliser l’argument des logiciels espions privateurs. Si nous pouvons seulement dire « les logiciels libres ne vous espionnent pas, sauf si c’est Ubuntu », c’est bien moins percutant que de dire « les logiciels libres ne vous espionnent pas ».

Il nous appartient d’exprimer notre réprobation à Canonical avec suffisamment de force pour qu’il arrête cela. Canonical peut donner toutes les excuses qu’il veut, elles seront insuffisantes ; même s’il affectait tout l’argent que lui donne Amazon au développement de logiciel libre, cela pourrait difficilement contrebalancer ce que le logiciel libre a à perdre s’il cesse d’être un moyen efficace d’éviter aux utilisateurs de se faire flouer.

Si jamais vous recommandez ou redistribuez GNU/Linux, merci de retirer Ubuntu des distributions que vous recommandez ou redistribuez. Si la pratique d’installer et recommander des logiciels non libres ne vous convainc pas d’arrêter, ceci le fera. Dans vos install parties, dans vos « Journées du Libre », au FLISOL, n’installez pas et ne recommandez pas Ubuntu. À la place, dites qu’Ubuntu est mis à l’index pour espionnage.

Pendant que vous y êtes, vous pouvez aussi leur dire qu’Ubuntu contient des programmes non libres et suggère l’installation d’autres programmes non libres (voir http://www.gnu.org/distros/common-distros.html). Cela contrecarrera l’autre forme d’influence négative qu’exerce Ubuntu dans la communauté du logiciel libre : la légitimation des logiciels non libres.

Copyright © 2012 Richard Stallman

Cette page peut être utilisée suivant les conditions de la licence Creative Commons Attribution-NoDerivs 3.0 United States.

Traduction : Framalang (Quentin Carnicelli, Thomas, Liu Qihao, Thérèse, darkelda, Kyriog, neo_phryte, Michaël, dadall, mart-e et 3 anonymes)
Révision : trad-gnu@april.org

Version du 7 décembre 2012

Crédit photo : Christophe Ducamp (Creative Commons By)

Notes :

[1To kindle : allumer du feu.




Que pensez-vous de ce reportage d’une école « Microsoft » à Issy-les-Moulineaux ?

On m’a signalé ce reportage issu de la télé municipale d’Issy-les-Moulineaux, titré « L’école de demain est à Issy ! », et ainsi décrit sur son canal Dailymotion :

L’école des Chartreux est la seule école française à participer à un programme international initié par Microsoft sur l’école innovante. Elle devient ainsi l’acteur et le témoin d’une toute nouvelle façon d’apprendre en primaire. La mise en œuvre de ce système donne aux élèves isséens l’accès à des équipements et des techniques de communication qui font aujourd’hui définitivement partie de notre société. Le projet propose d’ailleurs aux enseignants plusieurs outils pour élaborer des approches pédagogiques totalement innovantes : tableau numérique interactif, tablettes PC individuelles, logiciels éducatifs spécifiques… De quoi habituer les jeunes d’Issy aux outils de demain.

Il s’agit donc de l’école des Chartreux qui, comme on peut le lire sur ce document, fait partie des « Microsoft Innovative Schools Program ». Exactement comme l’école Châteaudun d’Amiens dont j’avais démontré (et tenté de démonter) l’entrisme Microsoft dans un cinglant billet.

Tout y est en tout cas ici : le dynamisme enthousiaste du reporter, l’instituteur innovant et motivé, les témoignages d’élèves ravis, la caution de l’inspection académique, et le VRP Microsoft qui joue les experts pédagogiques es modernité (en l’occurrence, bien évidemment, mon ami Thierry de Vulpillières)

Je manque de temps pour en dire ce que je pense alors j’ai décidé de sous-traiter en faisant appel à votre légendaire sagacité dans les commentaires 😉

Parce que ce qui me choque avant tout dans ce projet ainsi présenté, c’est qu’il semble ne laisser aucune place au débat.

« Il faut être absolument moderne », disait Arthur Rimbaud…




Hacker le vote électronique américain ? Un jeu d’enfants !

Nous imaginant technophiles béats, les gens sont souvent surpris de la prise de position de la grande majorité des partisans du logiciel libre en défaveur du vote électronique (quand bien même on ait accès au code source qui pilote la machine et le processus, ce qui semble être du bon sens mais non partagé).

Ce n’est pas l’expérience ci-dessous, au moment même où se déroulent les élections présidentielles américaines, qui risque de nous faire changer d’avis.

Steve Jurvetson - CC by

Comment j’ai hacké une machine de vote électronique

Roger Johnston (raconté par Suzanne LaBarre) – 5 novembre 2012 – PopSci.com
(Traduction : Zii, ehsavoie, plink, KoS, aKa, lgodard, MF, Ag3m, greygjhart)

How I Hacked An Electronic Voting Machine

De quoi avez-vous besoin pour truquer une élection ? Des connaissances basiques en électronique et 30 dollars d’équipement de RadioShack suffisent, révèle le hackeur professionnel Roger Johnston. La bonne nouvelle : nous pouvons empêcher cela.

Roger Johnston est à la tête de la « Vulnerability Assessment Team » au Laboratoire National d’Argonne. Récemment, lui et ses collègues ont lancé une attaque de sécurité sur des machines de vote électronique pour montrer la facilité déconcertante avec laquelle quelqu’un peut trafiquer les votes. Encore plus surprenant : les versions de ces ordinateurs seront présentes dans les bureaux de vote de toute l’Amérique ce mardi. Le magazine Harper a rapporté recemment que l’écran tactile Diebold Accuvote-TSX va être utilisé par plus de vingt-six millions de votants dans ving États et que l’ordinateur de vote à bouton pressoirs Sequoia AVC va être utilisée par presque neuf millions de votants dans quatre États. Dans cet article, Johnston révèle comment il a hacké ces machines — et que c’est à la portée du premier venu, du lycéen à la grand-mère de 80 ans.

La Vulnerability Assessment Team du Laboratoire National d’Argonne scrute une large variété d’équipements électroniques — serrures, sceaux, tags, contrôle d’accès, biometrie, sécurité des cargaisons, sécurité nucléaire — pour tenter de trouver des vulnérabilités et repérer des solutions potentielles. Malheureusement, on n’alloue pas assez de budget à l’analyse de la sécurité des élections dans ce pays. Alors nous nous sommes penchés dessus, histoire de nous occuper, un samedi après-midi.

On appelle cela une attaque de l’homme du milieu. C’est une attaque classique sur les appareils de sécurité. On implante un microprocesseur ou un autre appareil électronique dans la machine de vote, et cela vous permet de contrôler le vote et de tricher ou non. Basiquement, on interfère avec la transmission de l’intention du votant.

Nous avons utilisé un analyseur logique. La communication digitale est une série de zéros et de uns. Le voltage augmente, diminue. Un analyseur logique rassemble les voltages oscillants entre haut et bas et vous présentera ensuite les données digitales dans une variété de formats. Mais il y a plein de manières de faire. Vous pouvez utiliser un analyseur logique, un microprocesseur, un ordinateur — en gros, n’importe quoi qui vous permette de voir l’information qui est échangée et ensuite vous laisse comprendre ce qu’il faut faire pour imiter l’information.

Nous avons donc espionné les communications entre le votant et la machine. Dans un cas, le votant appuie sur des boutons (c’est une machine à voter avec des boutons poussoirs) et dans l’autre, il interagit avec un écran tactile. Puis, nous avons écouté les communications entre le logiciel de la machine et le votant. Disons que je veux que Jones gagne l’élection, et que vous votez pour Smith. Alors, mon microprocesseur va dire à la machine de voter pour Jones si vous essayez de voter pour Smith. Mais si vous votez pour Jones, je n’interviendrai pas dans les communications. Parfois on bloque les communications, parfois on les déforme, parfois on ne fait que les regarder et les laisser passer. C’est ça l’idée. Deviner quels sont les échanges en cours, puis les modifier si besoin est, y compris ce qui sera présenté au votant.

Nous pouvons faire ceci car la plupart des machines, autant que je sache, ne sont pas chiffrées. C’est simplement un format de communication standard. Il est donc très simple de deviner les informations échangées. N’importe quelle personne qui fait de l’électronique numérique — un amateur ou un fan d’électronique — peut le deviner.

Le dispositif que nous avons intégré dans la machine à écran tactile valait en gros 10 $. Si vous voulez une version de luxe où vous pouvez le contrôler à distance jusqu’à environ 800 mètres, il vous en coutera 26 $. Ce n’est pas très cher. Vous pouvez trouver ça chez RadioShack. Je suis allé à des salons scientifiques dans des lycées où les gosses avait des projets avec des processeurs plus sophistiqués que ceux nécessaires pour truquer ces machines.

Parce qu’il n’y a pas de financements pour ce genre de tests de sécurité, il faut compter sur des gens qui achètent des machines d’occasion sur eBay (dans ce cas l’écran tactile Diebold Accuvote TS Electronic Voting Machine et la machine à boutons Sequoia AVC Advantage Voting Machine). Ces deux machines étaient un peu vieilles, et nous n’avions pas de manuel ou de schéma de circuits. Mais, dans le cas du Sequoia AVC, nous avons deviné comment elle marchait en moins de deux heures. En deux heures nous avions une attaque viable. L’autre machine nous a pris un peu plus de temps car nous ne comprenions pas comment l’affichage sur un écran tactile fonctionnait. Nous avons dû donc apprendre, mais ce n’était qu’une question de jours. C’est un peu comme un tour de magie, vous devez le pratiquer beaucoup. Si nous avions pratiqué longtemps, voir mieux, si quelqu’un de très bon avait pratiqué pendant deux semaines, nous aurions mis 15 à 60 secondes pour exécuter ces attaques.

Les attaques nécessitent un accès physique à la machine. C’est facile pour les personnes en interne qui les programment pour une election ou les installent. Et nous pouvons supposer que ce n’est pas si difficile pour des personnes extérieures. Beaucoup de machines à voter gisent dans la cave de l’église, le gymnase ou le préau de l’école élémentaire, sans surveillance pendant une semaine ou deux avant l’election. Généralement elles ont des serrures très bon marché que n’importe qui peut ouvrir ; quelquefois elles n’en ont même aucune. Personne ne s’identifie auprès des machines quand il prend son poste. Personne n’est chargé de les surveiller. Leurs scellés ne sont pas si différents des dispositifs anti-fraude sur les paquets de nourriture et les médicaments en libre service. Falsifier un produit alimentaire ou un médicament, vous pensez que c’est difficile ? Ça ne l’est vraiment pas. Et un grand nombre de nos juges d’élections sont de petites vieilles à la retraite, et, Dieu les garde, c’est grâce à elles que les élections marchent, mais elles ne sont pas forcement fabuleusement efficaces pour détecter des attaques subtiles de sécurité.

Formez les personnels chargés de la vérification des scellés, et ils auront une chance de détecter une attaque raisonnablement sophistiquée. Faites des vérifications sur les personnes en interne et cette menace sera bien moins sérieuse. Dans l’ensemble il manque une bonne culture de la sécurité. Nous avons beau avoir des machines de vote avec des défauts, avec une bonne culture de la sécurité nous pouvons avoir des élections sans fraude. D’un autre côté, on peut avoir des machines fabuleuses, mais sans une culture de la sécurité à la hauteur, cela ne servira à rien. Il faut vraiment prendre du recul. Notre point de vue est qu’il sera toujours difficile d’arrêter un James Bond. Mais je veux faire avancer les choses jusqu’à un niveau où au moins ma grand-mère ne puisse pas truquer les élections, et nous en sommes encore loin.

Crédit photo : Steve Jurvetson (Creative Commons By)




6 bonnes raisons de soutenir Framasoft ?

On n’en donne pas forcément l’impression comme ça mais nous sommes fébrilement en mode « campagne de dons » et ce pendant tout le mois de novembre.

Il faut dire que l’arrivée d’un deuxième permanent, moi en l’occurrence, a certes participé à redynamiser la structure (tout du moins c’était l’objectif), mais aussi quelque peu grevé notre budget (puisque nous avons assez peu de frais fixes hors salaires).

Du coup on tente d’améliorer un peu notre communication autour de la possibilité de nous soutenir parce que, autant dire les choses telles qu’elles sont, nous ne sommes pas des as en marketing. Et puisque nous sommes dans la confidence, on peut aussi vous avouer qu’on ne risque pas de tenir longtemps à ce rythme-là !

Ainsi on réfléchit actuellement à rendre notre accueil du site Soutenir plus clair et « attractif » (au sens propre comme au sens figuré) qu’elle ne l’est actuellement. Parce qu’elle a le mérite d’exister mais elle est hautement perfectible. En résumé, pas très bon en marketing et pas très bon en webdesign non plus 🙂

Alors tout aide, conseil, avis, critique est la bienvenue dans les commentaires.

Le Framablog est un endroit un peu particulier du réseau dans la mesure où il concentre certainement les visiteurs les plus avertis et initiés « au Libre », les plus attachés à Framasoft aussi peut-être (un attachement qui n’exclut en rien la réprobation lorsque l’on vous déçoit, comme on peut parfois le lire en bas de certains billets). Nombreux sont ainsi les commentateurs ayant déjà participé de près ou de loin à nos projets, nombreux sont ceux également que l’on a déjà pressé comme des citrons par le passé (et qui acceptent de bonne grâce, parce que nécessité fait loi, cet énième appel à soutien). Vous avez toute notre gratitude soit dit en passant.

On a ainsi pensé ci-dessous à une énumération du pourquoi du comment que ce serait bien de nous soutenir à placer où bon nous semble (à définir).

Trop emphatique ? Trop « on s’la joue » ? Bon, d’un autre côté il faut convaincre dans ce genre d’exercice, non ?

Toujours est-il que vous êtes donc cordialement invité(e) à confirmer ou infirmer le principe même de cette liste et/ou, plus en détail, nous donner votre avis sur son contenu, quitte bien entendu à supprimer ou ajouter des points.

Merci de votre éventuelle participation et de votre fidélité (ouais, désolé, ça fait un peu animateur radio cette conclusion).

Framasoft - Mosaïque

6 bonnes raisons de soutenir Framasoft (version draft 1.0)

1. Une décennie au service du logiciel libre et sa culture

Plus de 10 ans d’existence, plus d’un million de visites par moi sur l’ensemble du réseau, près d’une vingtaine de projets en direction du grand public pour faire connaître et diffuser le logiciel libre, sa culture et son état d’esprit. Framasoft est l’une des portes d’entrée principale du logiciel libre francophone. Notre témoignage préféré : « J’ai découvert le logiciel libre grâce à Framasoft ».

2. Des projets innovants

Framasoft fut parmi les premiers à proposer en libre, dans la sphère francophone : un annuaire sous Windows (2001), une clé USB portables (2005) avec Ubuntu (2009) et Wikipédia (2012), un DVD (2009), un installateur (2010), une collection de livres (2006), une plateforme vidéo (2007), une boutique (2009), un éditeur (2011) ou un tableur collaboratif (2012)… et nous en avons d’autres dans nos cartons 🙂

3. Une communauté au service du bien commun

Tout[1] ce que produit Framasoft au sein de son réseau est placé sous licence libre favorisant la confiance et la collaboration. Ce sont ainsi des centaines de personnes qui sont impliquées bénévolement au quotidien dans nos projets. Nous incubons et soutenons également des structures tierces et travaillons en partenariat étroit avec les autres acteurs du libre.

4. Un modèle économique qui a du sens

Toute cette activité a un coût et nécessite maintenance technique et coordination humaine. Ne bénéficiant ni de subventions publiques ni de fonds privé[2], Framasoft repose avant tout sur vos dons. En cas de succès, cette fragilité se transforme en force car cela nous garantit notre indépendance et porte le message que l’on peut agir dans le « Libre » et créer des emplois (2 permanents actuellement) à partir de la somme des générosités individuelles sollicitées sur Internet.

5. La défiscalisation

Framasoft s’appuie sur une association 1901 à but non lucratif qui bénéficie de la déduction fiscale liée à son caractère d’intérêt général. Ainsi, par exemple, pour un don récurrent de 120 € (soit 10 € par mois pendant un an), la réduction est de 79,20 € et donc le coût réel de votre don est de 40,80 €.

6. Ensemble nous changeons le monde

Au delà du logiciel, le « Libre » propose un modèle alternatif de société où la coopération prend le pas sur la compétition. Nous assumons notre optimisme, voire notre idéalisme, face à la « crise » qui n’est pas une fatalité. Proactifs, nous avançons en informant et démontrant par la pratique que bien des choses sont possibles. Comme on dit chez nous : « la route est longue mais la voie est libre ».

Notes

[1] Ce n’est pas tout à vrai, par exemple pour certaines traductions de ce blog. Est-ce selon vous publicité mensongère que d’exprimer pourtant cela ainsi ?

[2] Ce n’est pas tout à fait vrai non plus, avec la présence de la pub Google sur 2 des sites du réseau, l’annuaire et la Framakey. On a pensé un temps la retirer pendant toute la durée de cette campagne et voir un peu si on arrivait à atteindre et dépasser le seuil des 100 nouveaux donateurs récurrents (ce que cela rapporte mensuellement) pour pouvoir (enfin) la supprimer définitivement. Mais nous ne sommes pas encore assez solides et sereins pour l’envisager aujourd’hui, sauf donc à connaître un soudain pic de dons 😉




Ubuntu est-elle une distribution commerciale ? Et si oui pourquoi le taire ?

Excellent accélérateur de migration Windows vers GNU/Linux, Framasoft soutient et promeut depuis le début la distribution grand public Ubuntu. Et ce ne sont ni les annotations de Richard Stallman ni la récente « affaire Amazon » (fort bien explicitée par Christophe Sauthier) qui nous feront changer d’avis.

Mais cela ne nous empêche pas dans ces colonnes de traduire de temps en temps des articles parfois critiques à son égard, au risque de déclencher des ires dans les commentaires 😉

Ici le journaliste Sam Varghese reproche à Mark Shuttleworth de ne pas avoir clairement affirmé, et ce dès l’origine, le caractère commercial d’Ubuntu intimement liée à sa société Canonical. C’est ce qui explique pour lui que cette histoire avec Amazon a été si mal prise pour la communauté.

Et de citer alors en exemple la société Red Hat qui lui semble plus claire dans ses objectifs (de profits). D’ailleurs cette dernière propose deux distributions plutôt qu’une : la « commerciale » Red Hat Enterprise Linux et la « communautaire » Fedora.

Il est d’ailleurs possible que cette éventuelle confusion soit encore plus forte dans des pays comme la France où la communauté Ubuntu est très dynamique.

Il est vrai qu’une fois qu’on découvre GNU/Linux (souvent avec Ubuntu), on s’aperçoit qu’il existe bien des différences entre les distributions. Le très pratique mais pas très libre Linux Mint n’est pas la même que la moins pratique mais très libre Trisquel. La gouvernance et finalité d’une Debian diffèrent sensiblement de celle d’Ubuntu qui s’en est inspirée à la base.

C’est toute la richesse et diversité du logiciel libre et c’est très bien ainsi, non ?

StephenrWalli - CC by-sa

La grande erreur de Mark Shuttleworth

Mark Shuttleworth’s big mistake

Sam Varghese – 26 octobre 2012 – ITWire.com
(Traduction : peupleLa, Bob Young, KoS, Yuston, Gatitac, HgO, greygjhart)

La semaine dernière a marqué le huitième anniversaire de l’apparition d’Ubuntu sur la scène GNU/Linux. Depuis octobre 2004, de nouvelles versions de cette distribution sont sorties tous les six mois : le buzz initial a été très fort avant de s’estomper peu à peu.

Il est remarquable qu’au fil des ans, chaque fois que Mark Shuttleworth, l’homme qui possède Canonical, la compagnie qui est derrière Ubuntu, introduit une nouvelle fonctionnalité destinée à générer des revenus, des cris et des pleurs se font entendre. Alors, les gens d’Ubuntu essaient de s’expliquer et pour finir, on trouve un semi-compromis qui ne satisfait personne.

La dernière de ces fonctionnalités, dans la version 12.10, fut l’ajout des résultats de recherche d’Amazon aux résultats de recherche habituels. Ce qui signifie un peu d’argent venant d’Amazon pour Canonical (à chaque fois qu’un utilisateur d’Ubuntu achète un produit Amazon à partir de la recherche). Le compromis a été d’en faire une fonctionnalité optionnelle.

De telles situations se sont déjà produites par le passé, et se reproduiront encore à l’avenir. Il y a selon moi une raison simple à cela : Mark Shuttleworth n’a pas réussi à formuler une vision claire du projet Ubuntu à ses débuts. Grave erreur.

Lorsqu’Ubuntu est sortie pour la première fois, il y a eu beaucoup de discussions à propos de la signification de la formule : l’humanité en partage (NdT : humanity to others). Il y avait un tas de fonctionnalités cools, qui mettaient l’accent sur l’implication de la « communauté ». Des cédéroms étaient livrés gratuitement aux gens. On aurait dit une œuvre de bienfaisance du logiciel libre gonflée aux stéroïdes. Ou à l’EPO, à la Lance Armstrong (en français dans le texte) si vous préférez.

Mais il n’y a jamais eu de discussions à propos du fait qu’Ubuntu est une distribution commerciale ; elle a besoin de générer du profit pour exister. Shuttleworth a les poches profondes mais elles ne sont pas sans fond. Le logiciel a beau être gratuit, il faut néanmoins que les comptes atteignent un jour l’équilibre.

À l’opposé, lorsque Red Hat, de loin l’entreprise générant le plus de profits grâce à GNU/Linux, est née, en 1994, tout le monde savait que son but était de générer de l’argent grâce au système d’exploitation libre. Il n’y avait pas d’illusions. C’est pourquoi en 1997, lorsque j’ai pour la première fois entendu parler de GNU/Linux, la communauté du logiciel libre surnommait déjà Red Hat la « Microsoft » des distributions Linux !

Mais au fil des ans, Red Hat a acquis beaucoup de karma positif auprès de la communauté. Elle contribue largement au progrès de Linux en recrutant une bonne partie des développeurs contibuant au noyau. Elle finance des activités périphériques pour participer à la croissance de l’écosystème des logiciels libres.

Personne n’a dit le moindre mal d’Ubuntu à ses débuts. Mais à certains moments en cours de route, quand il s’agissait d’incorporer des fonctionnalités en vue de générer des revenus, les utilisateurs se sont dressés en masse. On ne peut pas leur en vouloir; ils avaient été amenés à croire que la communauté était primordiale et ils ont réagi.

Après quelques-unes de ces confrontations, Shuttleworth a levé le pied et poursuivi sur le chemin qu’il avait choisi. Il ne pouvait pas vraiment faire autrement, après les critiques d’abords douces puis amères soulevées par ses tentatives progressives d’introduire des fonctionnalités commerciales.

Les membres de la communeauté n’ont rien contre ceux qui gagnent de l’argent grâce à des logiciels libres. Patrick Volkerding, créateur et mainteneur principal de la distribution Slackware, est considéré par beaucoup comme un héros pour avoir toujours fourni à ses utilisateurs la distribution qu’ils voulaient. En retour, ces utilisateurs achètent tout ce qu’il produit pour qu’il gagne de l’argent et continue son travail. Et sa distribution est demeurée bénéficiaire la majeure partie de son existence.

Mais Shuttleworth a plus ou moins creusé sa propre tombe. Il aurait dû être clair quant au chemin qu’il allait prendre, clair à propos de son but, et faire attention à ce que son plan soit transparent. Une société basée sur GNU/Linux doit tracer son chemin différemment d’une société ordinaire ; peut être que Shuttleworth n’en avait pas conscience.

Quelle qu’en soit la raison, son manque de communication a abouti à ce qui s’est produit avec les résultats de recherche Amazon et ce qui s’en suivra. C’était la grosse erreur de Mark Shuttleworth.

Crédit photo : Stephen Walli (Creative Commons By-Sa)




Trop bling-bling ! Critique commune d’Unity d’Ubuntu et Metro de Windows 8

S’en prendre conjointement à GNU/Linux et Microsoft, il fallait oser ! Mais en fait cela se tient et mérite peut-être débat.

Soyons plus précis. L’auteur jette ici son dévolu sur les deux nouvelles interfaces graphiques utilisateurs de l’actuelle distribution Ubuntu et de la prochaine version de Windows, à savoir respectivement Unity et Metro.

Il les met dans le même sac et y voit un changement poussé par les mêmes logiques. Un changement mais pas forcément une amélioration, surtout si l’on utilise son ordinateur pour travailler et non facebooker

Nous avions cru comprendre que le fameux « Internet 2.0 » avait fait sauter la barrière entre les consommateurs et producteurs de contenus. Est-il possible ici qu’on les sépare à nouveau ?

LGEPR - CC by

Metro et Unity sont des adolescentes aux cheveux fluos

Metro and Unity Are Teenage Girls With Fluorescent Hair

Jeremy Morgan – 23 octobre 2012 – Blog personnel
(Traduction : Yuston, ehsavoie, Thomas Dutrion, tibs, Evpok, M0tty, goofy, Maïeul, Oliv, lgodard, Kronos, peupleLa, Gaëtan)

Vous vous souvenez de ces filles ni spécialement horribles, ni particulièrement attirantes, qui voulaient être le centre de toutes les attentions ? Elles faisaient des trucs fous comme se colorer les cheveux avec des couleurs criardes et portaient des piercings partout. Elles avaient souvent beaucoup de qualités mais ne le savaient pas. Ces filles pensaient qu’elles n’avaient rien de mieux à offrir, alors elles se promenaient avec des styles provocateurs pour attirer l’attention.

Voilà précisément pourquoi je pense que Microsoft et Ubuntu imposent leurs récentes modifications de l’interface graphique malgré les retours négatifs des utilisateurs. Ce besoin pressant d’apparaître différent et d’attirer l’attention va bien au-delà de la nécessité de satisfaire leurs utilisateurs.

Que ce soit parce que notre durée d’attention est beaucoup plus courte ou parce que les systèmes d’exploitation ont perdu de leur intérêt, le changement pour le changement semble être devenu la règle du jeu. Canonical et Microsoft secouent tout pour faire différent. Pas meilleur mais différent.

Metro et Unity : vous vous y ferez

L’interface Unity fut introduite avec la version 11.04 d’Ubuntu Linux, celle de Metro sera livrée avec Windows 8 et il semble bien que toutes deux suscitent la même réaction. Toutes les deux apportent des modifications radicales de l’interface utilisateur qui arrivent pour une bonne raison : le monde s’éloigne des ordinateurs de bureau. Le monde devient mobile, c’est incontestable.

Mais plusieurs d’entre nous, assez fous pour continuer à préférer un ordinateur de bureau ou un portable (ceux qui permettent de travailler vraiment) détestent ces interfaces. Si vous utilisez une tablette pour regarder des vidéos ou jouer à Angry Birds ça va. Si vous êtes architecte, infographiste, développeur de logiciel, animateur 3D ou quelque chose du genre, vous haïssez probablement ces nouvelles interfaces.

La réponse des deux camps est la même : l’avenir est déjà là alors autant vous faire à ces changements. Vous êtes libres de remplacer le bureau Ubuntu par l’une des nombreuses alternatives, et Windows 8 a un mode bureau mais il est radicalement différent. Que vous l’aimiez ou non le standard est défini et les plaintes tombent dans l’oreille d’un sourd.

Pourquoi tous ces changements ?

Demandez à n’importe qui chez Microsoft ou Canonical pourquoi ils changent nos repères et ils avanceront probablement des arguments marketing sur les tendances émergentes et la nécessité d’aller de l’avant et autres non-sens. Je pense que la vraie raison pour laquelle ils ont fait ces changements et les verrouillent est extrêmement simple : parce que c’est nouveau. C’est changer simplement pour le plaisir de changer parce que le bureau classique n’a pas changé depuis bien longtemps.

Le bouton Démarrer a toujours été présent depuis la sortie de Windows 95, Gnome et KDE sont apparus en 1997. Depuis cette époque, nous avons fait beaucoup de modifications et bien sûr d’améliorations, mais avec du recul, elles se ressemblent toutes. Des fenêtres, des menus, des messages similaires, et ce depuis la moitié des années 90. Vous voyez le problème ?

Ils ont seulement besoin de faire évoluer l’apparence. Les fonctionnalités d’un système d’exploitation ne changent pas radicalement avec le temps, si vous voulez restez dans le coup avec des cycles de renouvellement technologique rapides, vous devez faire bouger les choses. Vous devez être innovant, pas forcément meilleur. Eh vous avez vu ? — nous n’avons plus de bouton Démarrer.

Qu’est ce qui se cache derrière ?

Vous pouvez donc vous demander : sont-ils juste en train de mettre du rouge à lèvre à un cochon ? La réponse pour les deux systèmes est non. En réalité, ils sont tous les deux meilleurs que ce qu’ils n’ont jamais été.

Ubuntu Linux est un système d’exploitation de premier ordre qui devient plus rapide, plus stable et qui prend en charge plus de matériel que jamais. La pile logicielle est super, la gestion des paquets et la sécurité… tout cela est hautement apprécié.

Windows 8 a également été remanié et cela pourrait bien être leur meilleur système d’exploitation à ce jour. Des avancées technologiques comme l’UEFI ont été introduites : un pré-système d’exploitation, le diagnostic à distance, une option « live USB », un temps de démarrage plus rapide et le support de l’USB 3.0, pour n’en citer que quelques unes. Il y a eu des améliorations au niveau du noyau et d’autres modifications qui le font tourner plus vite que Windows7 sur le même matériel. Du point de vue technique, il n’est pas à la traîne.

Ces deux systèmes d’exploitation sont au top de leur niveau, alors pourquoi développer ces interfaces flashy pour attirer l’attention ? Pourquoi ne peuvent-ils pas vendre ces systèmes d’exploitation en mettant en avant leurs propres mérites ?

Parce que plus personne ne se soucie de ces trucs-là.

La cible marketing

En tant qu’utilisateur régulier d’Ubuntu, j’aime bien lancer une petite pique par-ci par-là à Jono Bacon et sa bande, surtout lorsqu’on en vient à Unity. Je l’ai déjà dit et je le redirai : si je veux un système Ubuntu vraiment stable, j’utilise la version 10.04 et lui compile un noyau 3.6. Ça marche, tout simplement, et l’interface est facile à utiliser pour ceux qui en ont besoin. Pour mon usage, Ubuntu a atteint un sommet à la version 10.04, et moi, comme d’autres, l’avons fait savoir.

La réponse qu’on me ressort tout le temps : « tu n’es pas notre cible de toute façon ». Je le comprends et je sais que c’est vrai. Canonical ne cible plus les hackers maintenant, et Microsoft ne l’a jamais fait. Ils veulent tous les deux répondre à l’appel du marché grand public.

Quand les versions bêta d’Unity et Metro sont sorties, les hackers ont été les premiers à s’en plaindre bruyamment, mais ils ont été ignorés. Mais le plus gros problème que je vois, c’est que pratiquement tous les utilisateurs semblent les détester.

Vous ciblez Monsieur Tout-le-monde, mais c’est ça le problème : Monsieur Tout-le-monde s’adapte encore moins facilement à des interfaces déroutantes. Un geek va faire de son mieux pour apprendre quelque chose de nouveau mais si un utilisateur moyen est dérouté par une interface, il va simplement l’éviter.

Le client a toujours raison, mais on s’en fiche

Unity est sorti depuis un moment maintenant, et il y a certainement des personnes qui s’y sont habituées, et d’autres qui vont même jusqu’à le préfèrer. Quoi qu’il en soit, la plupart des personnes avec qui j’en ai parlé et 90% des commentaires que j’ai vus sur Internet suggèrent que Unity est un flop. Windows 8 n’est pas en test depuis suffisamment longtemps mais j’ai pu voir que ça partait déjà dans la même direction.

Allez vous donc rester sur votre mauvaise décision même si votre public ne l’aime pas ? Dans le cas de Canonical/Ubuntu la réponse est oui. Il semblerait que Microsoft suive le même chemin. Ils ont tous les deux une position similaire : on sait ce qui est bon pour vous et on va vous forcer à l’utiliser. Si vous ne l’aimez pas, vous allez vous habituer à l’utiliser. Ne soyez pas effrayé par le changement, ne vivez pas dans le passé.

Cette attitude arrogante est partagée par les deux camps, et c’est un pari énorme d’abandonner certains bons concepts et bonnes expériences utilisateur connues dans le but de faire différent.

Conclusion

Si vous lisez ce blog, il y a de fortes chances que vous ne correspondiez pas au type d’utilisateur que souhaitent Microsoft ou Canonical. Ils mettent en place une nouvelle interface tape-à-l’œil pour ce nouveau type d’utilisateurs. Ils veulent des gens qui consomment du contenu, pas des gens qui en produisent. La raison en est assez évidente : il y a beaucoup plus de consommateurs que de producteurs de contenus. Si vous produisez quelque chose, le système d’exploitation sera simplement un outil pour faire démarrer votre ordinateur et fonctionner votre programme. Vous n’avez pas besoin de plus, et mettre à jour tout votre système tous les ans deviendrait bête et inutile.

Si vous êtes un consommateur, vous voulez des mises à jour même si elles ne veulent pas vraiment dire grand-chose. S’ils fournissent une espèce de nouvelle fonctionnalité pour votre appareil, vous installerez joyeusement un nouveau système d’exploitation tous les six mois. Vous voulez du neuf et du tape-à-l’œil, pas du vieux et terne. Vous voulez qu’on puisse voir à dix mètres de distance que votre système est différent des autres. Si vous voulez de la stabilité et des recettes qui ont fait leurs preuves, vous prendrez un produit Apple. Voilà exactement sur quoi comptent Microsoft comme Canonical, et ils vont parier leur avenir là-dessus.

GrowDigital - CC by

Crédit photos : LGEPR et GrowDigital (Creative Commons By)




Windows 8, faux progrès et vraie menace

Windows 8, le nouveau système d’exploitation de Microsoft, qui sera le même pour PC, tablette et smartphone, devrait être lancé officiellement le 26 octobre, et on peut compter sur le puissant marketing de la multinationale pour nous abreuver d’images cool, avec des doigts qui caressent une interface tactile en tuiles sur un bureau attrayant. C’est certain, l’interface entièrement rénovée sera plus au goût du jour, maintenant que la vaste diffusion des appareils mobiles nous a accoutumés à d’autres gestes que cliquer sur des icônes…

Le libristes habitués aux versions successives plus ou moins buguées de Windows (et celle-ci promet déjà de l’être) hausseront sans doute les épaules et retourneront à leur Debian. Ils auront peut-être tort si l’on en croit Casey Muratori, qui se demande si l’impact du nouveau système ne pourrait pas être aussi décisif pour l’informatique grand public que la sortie de Windows 3.0.

En effet, derrière ce qu’on ne manquera pas de nous vendre comme un progrès, c’est une véritable régression qui va s’opérer : tous les logiciels qui tourneront avec le nouveau système devront passer obligatoirement par le Windows Store, Microsoft exercera donc un contrôle total sur son écosystème logiciel.

De plus, la compatibilité maintenue de l’ancienne interface avec la nouvelle, si elle semble assurée dans une première étape, pourrait à terme en signer la disparition pure et simple, comme le souligne l’auteur de l’article ci-dessous, qui établit judicieusement un rappel historique : souvenez-vous de la manière dont MS-DOS a progressivement été effacé du paysage après une brève période de coexistence avec Windows 3.0. Euh oui ça ne rappellera rien aux plus jeunes, mais prendre un peu de recul est ici pertinent.

La menace de Windows 8 c’est d’abord d’imposer un système fermé à tous les développeurs et bien sûr à tous les consommateurs. Mais Casey Muratori se demande in fine si la première victime ne sera pas Microsoft lui-même, tant le virage stratégique qu’il opère risque de lui coûter ses principaux soutiens. La bataille des systèmes d’exploitation est engagée, qui en sortira indemne ?

Remarque : Nous n’avons pas traduit les deux appendices qui figurent en bas de l’article d’origine mais nous serions ravis de trouver des volontaires prêts à compléter cela avec nous sur le framapad de travail.

Kiwi Flickr - CC by

Les vingt ans à venir

The Next Twenty Years

Casey Muratori – 8 octobre 2012 – MollyRocket.com
(Traduction : Genevois, Maïeul, KoS, BlackEco, mib_6025, Geekandco, FredB, goofy, Quentin)

Voici pourquoi le modèle de distribution fermé de Windows 8 doit être remis en cause dans l’intérêt des développeurs, des consommateurs et même de Microsoft lui-même.

Pour la première fois dans l’histoire du PC, Microsoft s’apprête à diffuser un nouvel écosystème Windows dont il sera le seul et unique fournisseur de logiciels. Si vous achetez Windows 8, le seul endroit où vous pourrez télécharger des logiciels qui s’intègreront à la nouvelle interface de système, ce sera le Windows Store officiel. Microsoft exercera un contrôle total sur les logiciels autorisés ou non sur son système d’exploitation.

Microsoft a déclaré que les applications destinées à l’interface plus ancienne du bureau ne seraient pas impactées par cette nouvelle politique. Tant qu’ils utiliseront seulement des applications qui tournent sur le bureau classique, les utilisateurs auront encore la possibilité d’acheter, vendre, développer et distribuer des logiciels sans que Microsoft ne s’en mêle. Beaucoup d’utilisateurs de Windows ont compris cette déclaration comme une assurance que le modèle ouvert de distribution dont ils bénéficient aujourd’hui serait encore valide dans les futures versions de Windows. Du coup beaucoup moins de gens ont réagi au problème posé par Windows 8 que si la déclaration avait été comprise différemment.

Mais est-ce bien réaliste de croire que l’ordinateur de bureau sous Windows sera encore une plateforme informatique utilisable à l’avenir ? Et quelles en seraient les conséquences si elle venait à disparaître, laissant les utilisateurs de Windows avec pour toute ressource l’écosystème cadenassé de logiciels introduit par Windows 8 ? Pour répondre à ces questions, cette édition de Critical Detail examine les effets à court et à long terme des exigences imposées par Microsoft pour obtenir sa certification. Nous explorerons en profondeur comment l’histoire permet de prédire la durée de vie du PC classique sous Windows, nous aborderons de façon pragmatique cette question : vaut-il mieux pour Microsoft en tant qu’entreprise qu’elle adopte un écosystème ouvert ou fermé ?

Le Jeu de l’Année 2032

Selon PC Gamer Magazine, et de nombreuses autres sources en accord, le jeu PC de l’année 2011 était Skyrim : Elder Scrolls V. Ce constat n’a étonné personne. Skyrim pour PC a été rendu disponible sur Windows, pas MS-DOS. Même si les développeurs le voulaient, il leur était impossible de mettre à disposition un jeu PC comme Skyrim sur DOS car aucune des innovations graphiques des 15 dernières années n’est disponible sur celui-ci. Il est même absurde de penser pouvoir vendre des applications tournant sous MS-DOS aujourd’hui.

Hypothétiquement, on peut penser autant absurde dans 20 ans de vendre des applications pour la version bureau de Windows. Il n’y aura pas de jeux vidéo PC en 2032 comme il n’y a pas de jeux sous DOS en 2012. Tout fonctionnera sous une forme redéfinie pour l’interface moderne de Windows 8.

Puisque aucune application pour cette plateforme à venir ne pourra être vendue sans passer par le Windows Store, l’équipe ayant travaillé sur Skyrim devra envoyer son application à Microsoft pour validation. C’est ensuite la firme qui jugera de la validité de l’application et de la possibilité de la vendre. Savez-vous ce que pourrait être la réponse de Microsoft ?

Moi oui. Ce serait « non ».

Ce n’est pas une spéculation, c’est une certitude. Skyrim est un jeu pour adultes. Il est certifié PEGI 18. Si vous lisez les conditions de certification Windows 8 App, vous trouverez à la section 5.1 :

Votre application ne doit pas proposer de contenu pour adulte, et les metadatas doivent être appropriés à chacun. Les applications avec une évaluation PEGI 16, ESRB ADULTE, ou qui proposent du contenu pouvant nécessiter une telle évaluation ne sont pas autorisées.

Et c’est plié. Pas de Skyrim sur le Windows Store, à moins que les développeurs ne reviennent en arrière et retirent le contenu classé PEGI-18.

C’est le Jeu de l’Année 2011, banni du Windows Store. Et à propos de 2012 ? Avec de nombreux jeux très attendus à venir, personne ne peut deviner lesquels seront sélectionnés. Mais une sélection aléatoire des prédictions actuelles que l’on retrouve sur la toile suggère comme principaux prétendants Max Payne 3, The Witcher 2, Mass Effect 3, Assassins Creed 3, Call of Duty: Black Ops 2 et Borderlands 2. Parmi les quatre de cette liste qui ont reçu une évaluation PEGI pour adultes, combien pourront être vendus sur le Windows Store ?

— Aucun.

Il y a certainement aujourd’hui de nombreuses personnes, si ce n’est la majorité, qui pensent que les jeux vidéo n’ont pas de vrai potentiel culturel. Ce ne sont pas des œuvres d’art diront certains, et ce n’est donc pas grave qu’une plateforme majeure interdise sa diffusion. Dans l’intérêt d’illustrer de manière plus étendue l’importance d’une plateforme ouverte , donnons à nos jeux un lifting culturel. Supposons que nous ayons d’un coup de baguette magique tout un lot de jeux équivalents aux meilleures séries nommées aux Emmies 2012 : Boardwalk Empire, Breaking Bad, Mad Men, Downton Abbey, Homeland et Game of Thrones.

Admettons que Downtown Abbey ait été le seul à franchir le test d’évaluation PEGI, mais même si les autres satisfaisaient plus ou moins les critères, ils auraient été exclus du magasin pour un tas d’autres raisons, telles que l’expose la section 3.5 :

Votre application ne devra pas proposer du contenu ou des fonctionnalités qui encouragent, facilitent ou glorifient des activités illégales.

Et section 5.6 :

Votre application ne devra pas proposer du contenu qui encourage, facilite, ou glorifie une utilisation excessive ou irresponsable d’alcool, de tabac, de drogues ou d’armes.

Ou section 5.8 :

Votre application ne devra pas contenir de propos blasphématoires outranciers.

Cette vision d’un futur Windows fortement censuré par Microsoft est effrayante. Mais quelles sont les risques que cela arrive ?

Pour Windows RT, la version de Windows pour les tablettes peu puissantes et les téléphones, ce futur commence le 26 octobre. Tous les appareils fonctionnant avec Windows RT ne pourront faire tourner que des logiciels venant du Windows Store, et tous les logiciels devront suivre les exigences de certification énoncées ci-dessus et des dizaines d’autres. Les utilisateurs de Windows RT n’auront pas dix ou vingt ans avant de ne plus pouvoir jouer aux jeux les plus populaires sur leurs machines. Ces jeux auront été bannis dès le premier jour.

Mais pour Windows 8 et Windows 8 Pro, les versions qui seront les plus répandues, le calendrier est encore incertain. Contrairement à Windows RT, ces versions incluent le bureau classique de Windows qui prend encore en charge la distribution ouverte. Est-il possible, alors, que les utilisateurs de la version bureau n’aient jamais à expérimenter ce futur ?

Une brève analyse de l’histoire de Microsoft suggère plutôt l’inverse.

Anatomie d’un changement de plateforme chez Microsoft

Dans la fin des années 1980 une bonne partie de l’informatique grand public utilisait déjà des interfaces graphiques. Des machines comme le Macintosh d’Apple, le Commodore d’Amiga et l’Atari ST ont eu un grand succès et chacune était livrée avec un système d’exploitation graphique moderne pré-installé. D’un autre côté, les PC tournaient essentiellement sous MS-DOS, un environnement en ligne de commande où les applications devaient implémenter leur propre interface rudimentaire.

Malgré cet inconvénient, le PC n’en était pas moins florissant. Comme c’était une plateforme matérielle ouverte et qu’elle avait été adoptée dans l’environnement professionnel, la plupart des logiciels de productivité de l’époque, comme Lotus 1-2-3 et WordPerfect – traitaient MS-DOS comme une plateforme commerciale majeure.

Puis, le 22 mai 1990, Microsoft sort Windows 3.0. Cette version de Windows peut faire quelque chose que les précédentes versions ne pouvaient pas : faire tourner des programmes MS-DOS en plus des applications graphiques natives. Pour la première fois, on pouvait faire tourner les applications de travail standards sans quitter une interface conviviale. L’interface graphique de Windows n’était peut-être pas aussi flashy que ce qui existait sur d’autres plateformes, mais cela offrait aux gens la possibilité de n’utiliser qu’un seul OS pour tout et c’est ce que les consommateurs voulaient. Le taux d’adoption monta en flèche.

Durant les cinq années suivantes, Microsoft continua à ajouter de nouvelles API à Windows. Bien que les gens aient continué à développer des programmes sous MS-DOS, il devint de plus en plus difficile de faire une application professionnelle qui n’intégrait pas des choses comme le gestionnaire de polices de Windows, les services d’impression, les boîtes de dialogue standard et les presse-papiers. Les clients s’attendaient à pouvoir utiliser ce genre de choses et les logiciels MS-DOS ne le pouvaient tout simplement pas.

La plupart des applications firent la transition vers des versions natives Windows ou disparurent, mais les jeux furent l’obstacle majeur. Ils vivaient et mouraient par la performance et ne pouvaient se permettre la surcharge induite par Windows. Mais finalement Microsoft trouva le moyen de leur fournir l’accès au hardware dont ils avaient besoin, et lentement mais sûrement les jeux natifs Windows devinrent de plus en plus communs. Lorsque Windows 2000 fut lancé le 17 février 2000, seulement dix ans après la sortie de Windows 3.0, faire tourner des programmes MS-DOS était passé du statut de principale caractéristique qui faisait de Windows ce qu’il était à un mode de compatibilité fermé destiné seulement à assurer le support des versions précédentes. MS-DOS en tant que plateforme et tous les programmes qui lui étaient liés sombrèrent dans l’obscurité.

Le 22 juillet 2009, pas loin de vingt ans après la sortie de Windows 3.0, Microsoft présenta la version de Windows la plus utilisée aujourd’hui, Windows 7 64-bits. Si vous essayez de lancer une application MS-DOS sur Windows 64 bits, vous aurez une boîte de dialogue qui dit :

win-alert.jpg

Vous pouvez toujours faire tourner ce programme, mais vous devrez installer une version 32 bits de Windows ou télécharger et installer un paquet Windows XP Mode sur le site de Microsoft.

Retour à 1990

La situation du PC en tant qu’objet informatique de consommation est très similaire aujourd’hui en 2012 à ce qu’elle était en 1990. Sur le PC, nous utilisons encore l’interface WIMP (Windows, Icônes, Menus, Pointeur) dont le standard s’est imposé depuis une trentaine d’années (seulement une vingtaine sur les seuls PC). Mais pour ce qui est de tous les autres appareils populaires aujourd’hui — les smartphones et les tablettes — les interfaces WIMP n’existent plus. Les systèmes d’exploitation comme iOS et Android ont remplacé le WIMP par des interfaces tactiles, exactement comme les Macintosh et Amiga ont fait disparaître la ligne de commande des interfaces utilisateurs dans les années 80.

Mais voilà que le 26 octobre, Microsoft va lancer son premier système d’exploitation tactile, Windows 8. Plutôt que d’abandonner carrément le WIMP, ils ont choisi de l’inclure comme sous-ensemble de leur nouvelle interface tactile. Tout comme l’interface de Windows 3.0 coexistait avec MS-DOS, la nouvelle interface de Windows 8 sera disponible avec un bureau traditionnel Windows 7.

Comme c’était déjà le cas pour Windows 3.0 et DOS, l’intégration d’une interface dans l’autre est tout à fait superficielle. Certaines parties sont bien intégrées mais la plupart ne le sont pas. Vous pouvez créer des tuiles dans la nouvelle interface utilisateur pour lancer des programmes dans l’ancienne, tout comme dans Windows 3.0 vous aviez des icônes qui permettaient de lancer des programmes sous DOS. Mais exactement comme les programmes DOS tournaient dans un conteneur spécial, et rendaient impossibles des opérations comme l’ouverture d’autres fenêtres, de boîtes de dialogue, l’usage de fontes différentes ou le transfert d’images vers le bureau, les applications de bureau classiques sont contingentées dans un conteneur spécial du bureau de Windows 8 et ne pourront accéder à la plupart des nouvelles fonctionnalités de nouvelle interface Windows 8.

Bref, le bureau sous Windows 8 en est au point où se trouvait MS-DOS sous Windows 3.0. Ce qui nous amène à la question cruciale?: si Microsoft est aussi attentif à la nouvelle interface utilisateur de Windows 8 qu’il l’a été à celle de Windows 3.0, à quoi va ressembler le support du bureau Windows classique à l’avenir ? Si vous pensez que l’histoire se répète, la réponse est sans ambiguïté : il sera relégué dans l’oubli d’ici dix ans et cessera d’exister dans vingt sauf si on assure la rétro-compatibilité manuellement.

Maintenant, nul ne peut prédire l’avenir avec certitude. Beaucoup d’entre vous ne sont probablement pas convaincus le moins du monde que l’avenir du bureau sera inspiré par une version plus élaborée et affinée de la nouvelle interface de Windows 8. Mais si vous jetez un coup d’œil en arrière vous prendrez conscience que beaucoup de gens pensaient exactement ainsi quand Windows 3.0 est sorti, j’espère que vous mesurez à quel point il est possible que nous soyons dans une situation similaire.

L’avenir mort-né de Windows 8

Pour les développeurs aujourd’hui, le monde de l’informatique de grande consommation avant l’arrivée de Windows 8 est un peu chaotique. Il y a iOS, une plateforme sur laquelle vous ne pouvez publier aucune application native sans la permission aléatoire et arbitraire d’Apple. Il y a Android, une plateforme agréablement ouverte mais qui est en proie à une gestion catastrophique des spécifications du matériel, qui manque d’implication pour le support de code natif et qui est menacée d’être sérieusement mise en péril par des poursuites judiciaires qui bloqueraient tout au nom des brevets logiciels. Et puis il y a les plateformes comme Blackberry, WebOS, Kindle Fire (basée sur Android) et Nook, qui sont encore en quête d’une adoption plus consistante par des utilisateurs.

Entre en scène Windows 8. Il est conçu pour une interaction tactile, a de spécifications matérielles bien définies, est doté d’une interface dont le code natif est bien documenté, peut être utilisé directement comme environnement de développement sans nécessiter de compilation sur un autre système — et oui, il est soutenu par une entreprise notoire pour sa sournoiserie, qui détient un portefeuille de brevets cinq fois plus épais que celui d’Apple. Donc si jamais Apple essayait d’entreprendre une action litigieuse contre Windows 8 similaire à celle qu’il a menée contre Android, nous verrions se déclencher en représailles un tir nourri de plaintes pour violation de brevets qui atteindrait un tel niveau que le chouette immeuble flambant neuf du quartier général d’Apple serait submergé par des tonnes de paperasses rédigées en une obscure langue juridique.

On en est aujourd’hui à un tel point de confusion dans le paysage du développement en informatique que cela pourrait effectivement être un pas en avant pour les développeurs. En supposant que le développement du nouvel écosystème de Windows 8 suivra les mêmes règles que le développement de l’ancien, n’importe quel développeur pourrait simplement installer Windows 8, développer des logiciels ciblant le marché du tactile, puis le distribuer gratuitement ou en le monnayant via son site web ou un distributeur tiers. Moins de prises de têtes avec la diversité des plateformes, pas d’exigences incertaines à satisfaire préalablement pour tester, pas de frais de développement bizarres ou de souscription obligatoire — et plus important encore, pas de puissance hégémonique d’Apple s’interposant entre les développeurs et leurs clients.

Mais voilà, il y a un petit problème. Microsoft a décidé de ne pas suivre, pour le nouvel écosystème de Windows 8, les mêmes règles qu’avec les éditions précédentes de Windows. À la différence de la transition entre MS-DOS et Windows 3.0, Microsoft ne prévoit pas d’étendre l’écosystème de Windows. Ils veulent lui faire prendre une tout autre voie.

Monopole

Le problème commence avec le Windows Store. Si le nom vous rappelle le App Store d’Apple, c’est parce qu’effectivement c’est l’App Store d’Apple. C’est une plateforme de distribution centralisée que Microsoft contrôle, qui permet aux utilisateurs finaux d’acheter des logiciels à partir d’un catalogue de titres explicitement approuvés par Microsoft.

Ce qui, en soi, pourrait ne pas être aussi mauvais. Il y a des arguments valables contre le fait que le propriétaires d’une plateforme contrôle le marketplace par défaut pour cette plateforme, mais si la plateforme permet aux personnes de développer et de distribuer des logiciels gratuitement en-dehors du marketplace, alors d’autres entreprises peuvent aussi bien contourner/se passer du/ le magasin. Les développeurs peuvent distribuer leurs logiciels par d’autres canaux, ou même fournir des magasins alternatifs, réduisant par une saine concurrence le danger d’abus ou d’obstruction de la part du propriétaire de la plateforme.

Toutefois, il est très clair en parcourant les publications de Microsoft sur Windows 8 que pour avoir le droit de bénéficier de la nouvelle interface utilisateur, vous devrez distribuer votre application dans le Windows Store. Cela veut dire qu’en octobre, Microsoft lui-même sera devenu l’unique source de logiciels pour tout ce que vous voudrez faire tourner sur une machine Windows qui ne serait pas relégué au vieil écosystème précédent. À la différence de la transition historique entre MS-DOS et l’interface utilisateur de Windows, et même si la précédente version restera probablement disponible, la nouvelle (celle de Windows 8) sera bel et bien fermée. Ce qui placera Microsoft dans une position de monopole totalement nouvelle : celle d’un distributeur exclusif de logiciels pour la majeure partie des ordinateurs du monde entier.

Maintenant, il existe apparemment un point qui fait controverse. Peut-être parce que Microsoft n’en a pas fait état de façon très importante dans ses communiqués de presse, certains doutent que pour distribuer des logiciels destinés à la nouvelle interface utilisateur, il faudra nécessairement que les développeurs obtiennent la permission de Microsoft. Mais ils ont tort. Afin de mettre les choses au clair une fois pour toutes, une analyse complète et des recherches approfondies sur les publications officielles de Microsoft sur le sujet figurent en annexe B de l’article d’origine. Il démontre qu’il n’y aura aucun moyen pour les développeurs de distribuer sur Internet des applications compatibles avec l’interface utilisateur moderne, sans avoir reçu une approbation explicite de la part de Microsoft.

Donc, en gardant cela à l’esprit, il est grand temps de se poser la question cruciale : si l’interface du nouveau Windows 8 en vient à remplacer complètement le bureau classique, et que Microsoft exerce désormais un contrôle total sur les logiciels qui seront autorisés ou non pour cette nouvelle interface, dans quelle mesure l’avenir de Windows sera-t-il spectaculairement affecté ? Est-ce que les jeux conçus pour les adultes seront les seules victimes de ce changement ou bien l’enjeu est-il beaucoup plus important ?

L’avenir pourrait être n’importe où

Bannir la plateforme de jeux la plus populaire du tout nouvel écosystème Windows 8 – qui est aussi le seul écosystème accessible aux utilisateurs de Windows RT – est l’une des conséquences négatives des directives de certification des applications par Microsoft. D’autres parties de ces directives auraient empêché l’existence de choses comme Flash, JavaScript et le Web dynamique, l’app store lui-même, s’ils n’existaient pas encore et donc d’être inclus à la plateforme de Microsoft elle-même. Il est donc clair que Microsoft s’est assuré que le nouvel écosystème Windows n’hébergerait jamais plus que les quelques applications que Microsoft considère comme importantes.

Mais simplement parce que Microsoft a fait un travail épouvantable en définissant les limites du nouvel écosystème, est-ce que cela signifie que la seule alternative est de réaliser un écosystème complètement ouvert ? Microsoft ne pourrait-il par définir de nouvelles et meilleures directives ?

La réponse étant pas tant qu’ils ne connaissent pas l’avenir. Et pas dans un sens général, mais littéralement le voir en pleine résolution/*lumière*/, et chaque détail avec clarté. En l’absence de telles prévisions idéales, comment une entreprise pourrait-elle dicter des règles pour des logiciels futurs sans interdire accidentellement des choses sur lesquelles de nouveaux logiciels révolutionnaires pourraient se fonder ?

La réalité est que même les entreprises les plus prospères sont rarement capables de prédire le futur avec précision. L’histoire de l’informatique regorge d’exemples. Digital Equipment Corporation, qui a été un certain temps la seconde plus grande entreprise d’informatique, n’a pas réussi à prévoir la révolution de l’informatique personnelle et son nom lui-même n’existe plus maintenant. Silicon Graphics, qui a été le leader du matériel d’imagerie 3D, n’a pas prévu la popularisation de ce matériel et à finalement été contraint de se déclarer en faillite.

Bien qu’étant très loin de connaître un sort aussi affreux, le passé de Microsoft montre qu’ils ne sont pas meilleurs prophètes. Bill Gates a ainsi déclaré à la fin des années 1990 :

« On se fait parfois surprendre. Par exemple, quand Internet est arrivé, c’était notre cinquième ou sixième priorité. »
– Bill Gates, lors d’un discours à l’Université de Washington en 1998

Et le changement de barreur sur le navire Microsoft n’a pas apporté d’amélioration :

« Il n’y a aucune chance que l’iPhone s’attribue une part de marché significative. Aucune chance. »
– Steve Ballmer, dans une entrevue avec USA Today en 2007, dans laquelle il a prédit que l’iPhone ne prendrait que « 2 ou 3% » du marché du smartphone.

Sans connaissance précise du futur, la seule manière d’éviter de bloquer l’innovation sans le vouloir est par définition de ne rien interdire de manière significative. Les seules exigences de certification que Microsoft pourrait choisir et qui soutiendraient complètement le futur seraient celles qui permettraient de certifier tout ce que des développeurs pourraient créer.

C’est la définition la plus épurée d’un écosystème ouvert.

Une maigre concession

Pour n’importe quel développeur désireux de créer le logiciel innovant du futur, il devrait être extrêmement clair que la nature fermée du nouvel écosystème de Windows 8 sera catastrophique pour la plateforme. La question ne se pose même pas, elle devrait être ouverte. Mais les développeurs ne sont pas les personnes chargées des politiques de Windows 8.

Donc la question plus pertinente pourrait être : est-ce que Microsoft peut se permettre de changer de cap et autoriser la distribution des applications Windows 8 par n’importe qui, et non pas seulement sur le Windows Store! ?

En prenant en compte le long terme, Microsoft ne peut pas se permettre de ne pas changer de cap. Ils sont déjà en retard sur tous les segments du marché de la consommation en-dehors du PC, par conséquent ils n’ont pas le droit à l’erreur. Si une nouvelle innovation logicielle arrive et considère qu’Android est sa plateforme primaire/de prédilection parce qu’elle a un système ouvert de distribution, cela pourrait facilement conduire à une nouvelle “décennie perdue” pour Microsoft, lorsqu’ils devront à nouveau rattraper leur retard.

Mais aujourd’hui les entreprises ne regardent généralement pas sur le long terme. Les profits à court terme et les besoins des actionnaires constituent des préoccupations immédiates et impératives ; et Microsoft est un compagnie notoire, contrainte par des nombreux intérêts externes. La question se pose donc en ces termes : l’entreprise Microsoft peut-elle autoriser un système de distribution ouvert avec Windows 8 sans nuire à son chiffre d’affaires ?

De manière surprenante, la réponse est qu’il y aura peu ou pas de pertes de revenus en autorisant un système ouvert de distribution dans Windows 8. Cela peut sembler absurde, mais si vous lisez attentivement les publications de Microsoft, vous verrez que c’est vrai. Bien que Microsoft ait fermé le système de distribution à l’intérieur du nouvel écosystème de Windows 8, ils n’ont pas fermé le système de paiement. Extrait de l’agrément développeur de Microsoft lui-même :

« En ce qui concerne le commerce d’applications. Vous pouvez choisir de proposer des options d’achat à l’intérieur même de votre application. Il n’est pas requis que vous utilisiez le moteur de commerce de Microsoft pour proposer ces achats. Si vous choisissez d’utiliser le moteur d’achat commercial de Microsoft, les achats seront soumis à l’Agrément/*, y compris, mais pas seulement, les frais de magasin et les exigences de licence et de transfert. »

Aussi étrange que cela puisse sembler, si un développeur propose une application limitée dans sa version gratuite sur le Windows Store, il pourrait alors vendre, directement dans l’application, une mise à niveau ou un déverrouillage vers la version complète pour laquelle il pourrait accepter un paiement direct. Ils n’ont pas besoin de verser 20 ou 30% de royalties comme c’est le cas avec une transaction sur le Windows Store. La seule chose qu’ils ne peuvent pas faire c’est utiliser un système de distribution non-Microsoft, tel que leur propre site web ou leur propre « boutique » en ligne.

Ainsi, il est presque impossible de concevoir une situation où Microsoft perdrait des revenus significatifs en ouvrant le système de distribution, puisqu’il a déjà ouvert le système de paiement, et que pratiquement tous les revenus proviennent du système de paiement. Le seul revenu que Microsoft continuera à obtenir du store pour une application qui n’utiliserait pas leur moteur de commerce serait les frais variables d’application, d’un montant de 100 $ par application (et non pas par achat). Le Windows Store devra perdre 10.000 – 20.000 applications avec la distribution ouverte chaque jour pour atteindre l’équivalent de 1% du revenu de Microsoft. Pour référence, l’app store le plus populaire au monde, celui d’Apple, en reçoit moins de 500 par jour.

De plus, le potentiel de migration des utilisateurs du Windows Store depuis Microsoft vers des fournisseurs tiers ne serait pas aussi important avec un système ouvert de distribution. N’importe quel utilisateur du Windows Store tel qu’il est actuellement décrit pourrait ouvrir un compte pour un autre système de paiement, pour une application qui proposerait l’achat en son sein. Une fois qu’il a décidé de créer un compte de ce type, rien ne l’empêche d’utiliser ce compte de façon triviale pour acheter n’importe quelle autre application qui serait disponible par le même processus de paiement. L’inertie de l’achat via un tiers n’est présente que la toute première fois qu’on l’utilise. Une distribution ouverte ne fonctionnerait pas différemment. Le Windows Store resterait la source par défaut des applications pour Windows 8, et c’est seulement quand l’utilisateur pourrait créer un compte pour une distribution externe que le Windows Store perdrait l’avantage de l’inertie.

Ainsi donc, Microsoft n’a quasiment aucun intérêt financier à ne pas autoriser un système ouvert de distribution. On peut supposer qu’il y a d’autres raisons sous-jacentes à leur décision de garder fermé le système de distribution. Est-ce pour limiter la menace de malware ? Est-ce pour prévenir le piratage ? Est-ce pour mieux gérer leur image de marque ? Tant que Microsoft ne sera pas explicite quant à ses objectifs, sa décision pourra être portée contre elle, nous pouvons seulement spéculer sur les motivations ; tous les autres candidats similaires proposent des solutions simples qui n’impliquent nullement une politique draconienne, comme forcer les utilisateurs à installer seulement des logiciels approuvés par Microsoft.

Et maintenant que fait-on ?

Les expériences sur les plateformes ouvertes sont l’une des sources premières d’innovation dans l’industrie informatique. Il n’y a pas deux manières de voir les choses. Les écosystèmes logiciels ouverts sont ce qui nous a donné la plupart des produits que nous utilisons aujourd’hui, qu’il s’agisse de logiciels d’entreprise tels que les feuilles de calculs, de logiciels de divertissement comme ceux de tir à la première personne, ou les paradigmes révolutionnaires qui changent le monde, comme le World Wide Web. Le monde sera bien meilleur pour tout le monde si ce type d’innovation continue.

Les développeurs, les consommateurs et même Microsoft devraient souhaiter que les vingt prochaines années ressemblent aux vingt dernières : année après année des nouvelles choses auparavant inimaginables, vous ont été apportées par des développeurs motivés et créatifs qui étaient libres d’aller là où leur vision les conduisait, sachant très bien que s’ils produisaient quelque chose de grand, il n’y aurait pas de barrière entre eux et la diffusion de leur création dans la monde entier.

Avec Windows 8, Microsoft est dans une position pivot pour aider à faire de ce futur une réalité. Ils pourraient devenir l’une des principales forces luttant pour permettre le développement pour tablette aussi ouvert que l’était le développement pour ordinateurs de bureau avec le Windows traditionnel. Ils pourraient prendre des parts de marché à l’iPad, complètement fermé (et totalement d hégémonique), et aider à restaurer dans ce domaine la liberté d’innover que les développeurs ont perdue lorsque Apple a imposé ses politiques restrictives.

Ou bien Microsoft peut lancer Windows RT, Windows 8 et Windows 8 Pro avec leur politiques actuellement en place, et se contenter d’être un autre acteur du marché de l’appareil tactile, avec leur propre jeu d’obstacles ridicules qui restreignent considérablement les possibilités de logiciel et font perdre leur temps aux développeurs avec leurs processus mal conçus de certification.

Pourquoi prendre ce risque ? Pourquoi pas ne pas se mettre en quatre pour fournir aux développeurs une plateforme ouverte, afin que tous et chacun d’entre eux ne soient pas seulement des soutiens, mais vraiment des personnes enthousiastes pour aider Windows à débarquer dans le monde des tablettes ?

Le succès de Windows 8 sur le marché des tablettes et des smartphones est loin, très loin d’être garanti. Est-ce que Microsoft veut véritablement se lancer dans la bataille sans l’appui de ses plus importants atouts ? Veulent-ils qu’une entreprise comme Valve, qui contrôle plus de 50% des ventes de jeux pour PC, décide de porter tout son effort vers Linux, compte-tenu que l’écosystème de Windows 8 interdit les plateformes de distribution tierces comme son fleuron Steam ? Veulent-ils vraiment que le lancement de Windows 8 soit pourri par une cascade de déclarations de développeurs de premier plan prenant position contre la nouvelle plateforme ? Et surtout, vont-ils délibérément courir le risque de s’attirer l’hostilité des développeurs au point de les voir promouvoir activement et développer leurs propres plateformes comme leur produit phare, puisque Windows ne leur offrira plus la liberté de développer et distribuer leurs logiciels à leur gré ?

Espérons, dans l’intérêt de tous, qu’ils prendront conscience que la seule réponse sensée à toutes ces questions est « NON ».

Crédit photo : Kiwi Flickr (Creative Commons By)




Pourquoi la distribution Fedora ne distribue pas Chrome et Chromium ?

Fedora, l’une des plus populaires distributions GNU/Linux, ne propose que Firefox et n’inclut pas les navigateurs Chrome et Chromium de Google.

On le comprend bien pour Chrome qui n’est pas libre, mais moins pour l’open source Chromium.

D’où ces quelques explications qui ne proviennent pas officiellement de Fedora mais d’un simple (et passionné) utilisateur de Fedora.

Scott Beamer - CC by-sa

Pourquoi Fedora ne distribue pas Chrome et Chromium ?

Why Fedora doesn’t ship Chrome and Chromium?

Alex Diavatis – 15 octobre 2012 – WorlOfGnome.org
(Traduction : pwetosaurus (@paul_playe), tibs, Sylvain, misc, ehsavoie, Gatitac, L’gugus, Penguin, viking, Nÿco)

Pour Chrome les raisons sont évidentes, Chrome de chez Google est un logiciel privateur, il contient des modules qui ne sont pas open source, donc fin de l’histoire.

Dans le cas de Chromium qui est issu du projet de système d’exploitation Chromium OS, les choses sont plus compliquées et remontent au 19 novembre 2009, quand une discussion débuta pour savoir si oui ou non il fallait pour distribuer Chromium avec Fedora. Presque trois ans plus tard, nous en sommes toujours au point de départ.

Fedora et l’open source

Fedora a toujours été et sera toujours un défenseur et un distributeur fondamental de l’open source. Un partisan fondamental de l’open source, mais pas un fanatique invétéré du logiciel libre, puisqu’ils fournissent des blobs binaires propriétaires dans leur noyau Linux. On ne peut rien reprocher à Fedora ici puisque cela vient en amont du noyau, le noyau de Torvalds, qui n’est pas totalement libre à cause de pilotes firmwares propriétaires présents principalement pour mieux faire tourner le matériel.

J’aime le nom Fedora et son logo est selon moi l’un des plus beaux qui soient dans le monde des distributions Linux. Le nom Fedora fait référence à un type de chapeau (borsalino) et vient rappeler qu’il provient de Red Hat, la plus grande compagnie open source.

Fedora Logo

Il y a cependant un fait gênant : la police du logo est une police commerciale (très chère qui plus est avec ses 275$ pour l’utiliser).

Dans leur wiki, à propos de leur logo, ils écrivent :

La police utilisée pour le logo est Bryant2. Cette police n’est pas une police libre mais elle a été choisie parce que c’est celle qui s’intègre le mieux dans le design du logo. La licence pour l’utilisation de cette police dans le logo officiel a été payée, ainsi le logo peut être utilisé à chaque fois que la marque déposée et les recommandations d’usage le permettent, sans coût supplémentaire.

Ils auraient quand même pu la partager via un torrent puisque le piratage est une forme de liberté numérique, comme l’anarchie est une forme de liberté sociale… Je plaisante bien sûr. 😉

En tout état de cause, tout cela montre que Fedora n’est pas piloté par une bande d’idéologues passés de mode du logiciel libre. Fedora ne distribue que des logiciels open source pour des raisons bien précises (sur lesquelles je ne m’étendrai pas), mais sûrement pas parce qu’ils « détestent » les logiciels commerciaux.

Fedora et l’environnement de bureau

Certaines personnes disent que Fedora n’est qu’une version de test pour la distribution commerciale Red Hat Enterprise Linux (RHEL) et ne veulent pas être des « bêta-testeurs de Red Hat ». Je pense que, même si c’était peut-être le cas dans le passé, les choses ont évolué. Les deux dernières versions de Fedora (17 et 18) tentent vraiment de proposer un système convivial et de qualité pour un usage bureautique.

Pour être franc, je pense que Canonical nous a quelque part aidé le jour où Ubuntu a décidé de développer Unitypar dessus GNOME, ne faisant plus de ce dernier l’environnement de bureau par défaut. Aujourd’hui, Red Hat et GNOME sont contraints de faire de Fedora une distribution conviviale de qualité car ils ne bénéficient plus comme avant de l’aide d’Ubuntu. Bien sûr, Fedora a beaucoup de travail à accomplir pour rattraper Canonical car Ubuntu est désormais mondialement connu comme étant la distribution de bureau pour le grand public et a réussi à se faire un nom réputé sur le marché.

Fedora et les logiciels

Fedora a une politique stricte qui détermine quel logiciel est autorisé à être inclus dans leurs dépôts officiels et quel logiciel est interdit.

Le Projet Fedora encourage vivement à utiliser des logiciels libres et open source. Fedora possède une ligne de conduite qui impose les obligations suivantes :

  • Si c’est propriétaire, cela ne peut pas être inclus dans Fedora (la seule exception étant donc les firmwares binaires).
  • Si c’est légalement problématique, cela ne peut pas être inclus dans Fedora.
  • Si cela enfreint les lois des États-Unis, cela ne peut pas être inclus dans Fedora.

Vous pouvez trouver plus de détails sur la page du wiki « Fedora Forbidden Items ». Ainsi des logiciels de base comme certains pilotes nVidia et ATi, ceux des cartes Wi-Fi, la version Java d’Oracle, le greffon Flash d’Adobe, etc. ne sont pas inclus. Bien que je sois complètement d’accord avec ce qu’ils font, je ne suis pas toujours d’accord avec la manière dont ils le font.

Et nous en arrivons au sujet initial de ce billet, à savoir : pourquoi Fedora refuse d’incorporer Chromium à leur distribution.

Chromium et Chrome

Pour les gens qui ne connaissent pas la différence, Chromium est le navigateur open source dont Google Chrome tire son code source. Les deux navigateurs (Chrome et Chromium) partagent la majorité du code et des fonctionnalités bien qu’il y ait quelques différences mineures.

Chromium n’intègre pas de fonction de mises à jour automatiques, ni de lecteur PDF ni de lecteur Flash. Chrome est un gratuiciel et ils ne fournissent pas le code source (qui est quasiment identique à Chromium de toute façon), alors que Chromium est, accrochez-vous, sous licences BSD, MIT, LGPL, MS-PL et sous triple licence MPL/GPL/LGPL.

Pourquoi Fedora ne distribue pas Chromium


Chromium est en théorie un logiciel instable (mais en pratique stable) et ils ne distribuent pas de versions stables. C’est la première raison pour laquelle Fedora ne le distribue pas. Cependant, Chromium maintient de nombreux « forks » stables parmi les créations (ou builds) de la communauté et qui portent le même nom : « Chromium ». Ce n’est donc pas le principal problème aujourd’hui.

Le vrai problème, c’est la politique d’empaquetage de Fedora et la politique d’empaquetage de Chromium. Chromium est constitué de nombreux composants open source, mais concrètement il a tendance à les forker puis les empaqueter pour les intégrer.

Par exemple (cas d’école) Chromium utilise OpenSSL. Mais l’équipe de Chromium n’est pas vraiment satisfaite de son fonctionnement et elle veut y apporter des modifications. Ils font alors un fork et ils l’incluent dans le paquet de Chromium. Ils maintiennent cependant une documentation sur les modifications qu’ils apportent à ces paquets. Mais donc maintenant Chromium se retrouve avec son propre OpenSSL, qui n’a pas été testé avec le système et cela rend l’empaquetage difficile pour tous les contributeurs de distributions Linux.

Un rapport de bug a été ouvert à ce sujet en novembre 2009 : bug de suivi sur la création d’une vraie version pour les distributions Linux #28287

Bien que nous fournissions le code source, il y a quelques étapes nécessaires avant que cela soit utilisable en amont par les distributions Linux. Ce bug de suivi sert à en suivre l’avancement.

…mais encore aujourd’hui, il faut toujours un dépôt supplémentaire pour installer Chromium.

Tom Callaway

Tom Callaway est manager de l’équipe d’ingénierie Fedora chez Red Hat et travaille conjointement avec Google pour corriger les problèmes de Chromium dans le but de l’incorporer au dépôt officiel. Il maintient également ses propres paquets de test de Chromium.

Callaway décrit le problème :

« Google forke des bits de code libre pour Chromium comme un lapin fait des petits : avec régularité et sans trop y penser. Plutôt que de tirer parti des API existantes des projets upstream comme ICU, libjingle et SQLite (pour ne nommer qu’eux), ils préfèrent forker ce code à l’instant t et modifier à mort leurs propres API pour être utilisées dans Chromium.

Ce qui ressemble beaucoup à de la méthodologie Java, que je pourrais résumer ainsi : « j’ai envie d’utiliser ce code tiers mais mon application est trop spéciale pour l’utiliser tel quel, donc j’ai rajouté des jantes et pare-chocs en alu et un éclairage néon pour éclairer le dessous, puis j’ai fourré ma copie bling-bling dans mon application ». Une grande partie des développeurs upstream de Chromium semble avoir un passé de codeurs Java ce qui pourrait être une explication mais qui n’excuse rien. Cette façon de faire devrait être un dernier recours, pas la norme.

Voici ce qui devrait plutôt arriver dans l’absolu (en prenant SQLite comme exemple) :

  • google Hé, ça serait sympa si nous pouvions utiliser SQLite dans Chromium pour nos besoins de bases de données locales.
  • google Hum, l’API SQLite ne cadre pas à 100% avec la manière dont j’aimerais que Chromium l’utilise.
  • google Salut l’équipe SQLite, il y a quelques endroits où nous aimerions voir des améliorations de l’API pour que Chromium en tire profit dans notre cas d’utilisation.
  • sqlite_upstream Salut Google, c’est tellement cool que vous vouliez utiliser notre code.
  • sqlite_upstream regarde les changements proposés par Google à SQLite.
  • sqlite_upstream Intéressant, vous pourriez essayer d’utiliser la fonction X pour mieux répondre à vos besoins mais le reste des changements semble OK.
  • sqlite_upstream valide les changements dans le code source dans la révision 12345.
  • sqlite_upstream Notre prochaine version va les inclure.
  • google Ouais ! Nous allons dire aux gens d’appliquer notre patch ou d’utiliser la révision 12345 ou plus récente. »

Vous trouverez plus d’informations sur la page consacrée à Chromium dans le Wiki Fedora.

Finalement

Au final, il y a deux bons navigateurs open source, Firefox et Chromium, mais Fedora persiste à n’en fournir qu’un seul et, malheureusement pour moi, ce n’est pas celui que je préfère 🙂

L’ironie du sort, c’est que si vous recherchez « Fedora Chrome/Chromium » dans Google, il y a de fortes chances pour que vous vous retrouviez sur une page qui vous propose le téléchargement de Chrome, puisque Google fournit un dépôt officiel Chrome pour Fedora !

Et l’on se retrouva en fin de compte avec un Google Chrome et son Flash intégré 🙂

Crédit photo : Scott Beamer (Creative Commons By-Sa)