Publicité segmentée : la méthode Cacarico

Aujourd’hui, c’est une interview de Franck Riester sur France Inter (et particulièrement ce passage sur la publicité segmentée) qui a fait réagir notre grisebouilleur Gee…

Publicité segmentée : la méthode Cacarico

La semaine dernière, une séquence issue d’une interview de Franck Riester par Sonia Devillers sur France Inter a retenu l’attention de pas mal d’internautes.

Le Geek demande : « C'est qui lui, déjà ? » La Geekette répond : « Notre Ministre de la Culture. » Le Geek : « Ah. » La Geekette : « Et rapporteur de la loi Hadopi, à l'époque. » Le Geek : « Oula. Mais ils le savaient, ça, au moment de le nommer Ministre ?  Parce que moi, t'as ça sur ton CV? tu gicles direct… »

Le sujet était la publicité segmentée, c’est-à-dire ciblée selon le profil du spectateur ou de la spectatrice

(âge, catégorie sociale, habitudes de consommation, etc.),

déjà largement répandue sur Internet et qui devrait être mise en place pour la télé via une prochaine réforme audiovisuelle.

Les citations sont d'origine. À la radio, Riester explique : « Quand vous allez sur Internet, tous les jours, c'est ce qu'il vous arrive. » Devillers : « Ouais. » Riester : « Et c'est quelque chose qui est demandé, d'ailleurs, la plupart du temps, par les internautes. » Devillers : « Ouais. »

« Ouais » ?

« OUAIS » ?

Comment ça, « ouais » ?!

Pardon, mais la seule réaction appropriée, ça aurait dû être celle-là :

Cette fois les citations ne sont plus d'origine. Devillers éclate de rire et dit : « Hahahahahahahahaha ! “Demandé par les internautes” ! La pub ! Demandée ! Hahahahaha ! Et le flicage aussi ! Hahaha, quel déconneur, ce Francky !  Hahahahaha !  La vache, je la ressortirai aux repas de famille, celle-là ! Vas-y, t'en as pas une autre ? “Demandé !” Hahaha !  Oh le con ! J'ai mal aux côtes, LE CON ! » Elle tape sur la table de rire. Le smiley, souriant : « Ah bah le mec d'Hadopi, il a forcément de l'humour. »

Je m’en veux de péter tes rêves, Francky, mais :

Le Geek lit un journal : « Selon un sondage IFOP de 2013, 47 % des Français pensent que la publicité sur Internet est une assez mauvaise chose, et 17 % que c'est une TRÈS mauvaise chose.  Ça fait quand même quasiment 2 tiers d'opinions défavorables, hein… » La Geekette lit également et poursuit : « J'ai aussi un sondage OpinionWay de 2017 qui dit que 89 % des Français se rendent dans une autre pièce pendant les coupures pub à la télé.  Un amour aussi fou pour la pub, vraiment, c'est émouvant. »

Bref, ce qui est « demandé par les internautes », mon petit lapin de 6 semaines, c’est surtout des bloqueurs de pubs.

Et des chiottes pas trop loin du salon, mais c’est un autre sujet.

Le Geek est allongé par terre, tremblant et transpirant, l'air terrifié. Le Nerd : « Qu'est-ce qu'il lui arrive ? » La Geekette : « Sans faire gaffe, il a navigué sur Internet sans bloqueur de pub… » Le Geek s'exclame : « MAIS Y'A DES GENS QUI SUPPORTENT CETTE HORREUR ?! TOUS LES JOURS ?! »

Passée la tranche de rigolade, le contexte est posé : les géants du web (les GAFAM par chez nous) se torchent tranquillement avec nos vies privées pour nous gaver de publicités ciblées.

Imaginons 5 minutes qu’on soit dans une démocratie saine, avec des ministres qui agiraient dans l’intérêt du peuple. Une réaction raisonnable serait celle-ci :

Un faux ministre à la radio dit : « Par conséquent, on va renforcer la législation sur la protection de la vie privée sur Internet pour contrer le capitalisme de surveillance et empêcher les GAFAM de vendre la vie privée de nos concitoyens et concitoyennes sur l'autel de la sauvagerie publicitaire. » La présentatrice est en larmes : « La vache, c'est beau, c'que vous dites, monsieur l'Ministre. »

Bien sûr, en réalité, voilà ce que notre champion national a déclaré :

Citation originale à nouveau. Riester au micro de la radio : « Il y avait une inéquité de traitement entre les chaînes de télévision et les acteurs de l'Internet, au détriment du financement des chaînes de télévision qui ont un rôle majeur à jouer dans le paysage audiovisuel de nos compatriotes… et notamment qui permet de financer la création française en matière de cinéma et d'audiovisuel. Et donc là on donne simplement la possibilité à la télévision d'avoir les mêmes outils modernes de publicité pour augmenter leur volume de publicité, pour pérenniser leur modèle économique. » La présentatrice, blasée : « Nia vache, chéboskevou dit essie ulmi ns trr rr… »

Comme ça n’est pas la première fois qu’on voit ce genre d’argument, je propose qu’on nomme cette méthode de résolution des problèmes : la méthode Cacarico.

La télévision française est représentée par un panneau « Temps de cerveau disponible pas cher » (bof bof). Les GAFAM sont représentés par un caca. Riester regarde et dit : « Mince, il y a un gros problème ! »

La télévision française est remplacée par un caca avec un drapeau français. Riester, pouce en l'air : « Et voilà, c'est réparé !  La Méthode Cacarico : c'est caca, oui, mais c'est français, monsieur ! »

Quant à « pérenniser leur modèle économique », le problème est le même qu’il s’agisse de la télé, de la presse écrite ou de la presse en ligne : est-ce qu’un modèle économique basé sur l’assujettissement aux intérêts privés des multinationales est un modèle souhaitable et donc un modèle que l’on peut souhaiter pérenniser ?

Question pas du tout orientée, je sais.

Riester s'exclame : « Maaiheuuu, la pub, c'est bien ! Ça permet d'avoir des services gratuits ! » Gee réplique : « C'est pas gratuit : les coûts de la pub sont répercutés sur les prix des produits, c'est pas de l'altruisme de la part des entreprises… En fait c'est comme une grosse TVA mais privatisée et sans décision démocratique sur la façon dont elle est redistribuée.  Le rêve, quoi. »

Pour finir, Franck Riester s’est bien sûr voulu rassurant sur les éventuelles atteintes à la vie privée :

Nouvelle citation originale à la radio de Riester : « C'est tout le travail qui va être conduit avec le CSA, avec les opérateurs de télécommunication… pour arriver à avoir un dispositif qui est protecteur de la vie privée de nos compatriotes. » Devillers : « Dispositif que vous n'avez pas encore. » Riester : « Euuuh, pas en détail. »

Je suis hyper rassuré.

La vie privée est bien sûr au centre des préoccupations des entités qui veulent étendre le domaine d’application de la publicité segmentée.

Un mec en costard avec un médaillon dollar autour du cou et un cigare aux lèvres : « Voilà, donc on va vendre de la cocaïne dans les écoles primaires.  Mais c'est tout le travail qui va être conduit avec l'OMS, avec les parrains de la mafia… pour arriver à avoir un dispositif qui est protecteur de la santé de nos enfants.  Au pire, en cas d'addiction, on leur fera un numéro d'appel, c'est la réponse universelle, en ce moment. »

Quant au fameux « dispositif protecteur de la vie privée », si c’est comme le logiciel de sécurisation qui devait être fourni avec la Hadopi…

Un squelette derrière son ordinateur, avec des toiles d'araignées. Une flèche indique : « Internaute attendant patiemment de pouvoir sécuriser son accès Internet avec le pare-feu OpenOffice » Le smiley ricane : « Aaaah, les blagues de 2009… increvables ! » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 19 février 2020 par Gee.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




D’autres technologies pour répondre à l’urgence de la personne ?

« Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la Big Tech. Nous avons besoin de Small Tech – des outils de tous les jours conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises. »

Ce n’est pas une théorie complotiste : le profilage et la vente de données privées font, depuis des années, partie intégrante du modèle économique de la plupart des entreprises du numérique. Dans cet article traduit par Framalang, Aral Balkan (auquel nous faisons régulièrement écho) suggère qu’il est urgent de s’éloigner de ce modèle qui repose sur les résultats financiers pour gagner en indépendance et explique pourquoi c’est important pour chacun d’entre nous.

 

Article original : In 2020 and beyond, the battle to save personhood and democracy requires a radical overhaul of mainstream technology

Traduction Framalang : FranBAG, goofy, wisi_eu, gangsoleil, Khrys – Mise en forme :

En 2020 et au-delà, la bataille pour sauver l’identité individuelle et la démocratie exigera une révision radicale des technologies dominantes

par Aral Balkan

Un jeune garçon pilotant un canot sur un lac, durant les grands incendies australiens. Crédit photo: Allison Marion.

 

Alors que nous entrons dans une nouvelle décennie, l’humanité est confrontée à plusieurs urgences existentielles :

  1. L’urgence climatique1
  2. L’urgence démocratique
  3. L’urgence de la personne

Grâce à Greta Thunberg, nous parlons sans aucun doute de la première. La question de savoir si nous allons vraiment faire quelque chose à ce sujet, bien sûr, fait l’objet d’un débat.2

De même, grâce à la montée de l’extrême droite dans le monde entier sous la forme de (entre autres) Trump aux États-Unis, Johnson au Royaume-Uni, Bolsonaro au Brésil, Orban en Hongrie et Erdoğan en Turquie, nous parlons également de la seconde, y compris du rôle de la propagande (ou « infox ») et des médias sociaux dans sa propagation.

Celle sur laquelle nous sommes les plus désemparé·e·s et partagé·e·s, c’est la troisième, même si toutes les autres en découlent et en sont les symptômes. C’est l’urgence sans nom. Enfin, jusqu’à présent.

L’urgence de la personne

On ne peut pas comprendre « l’urgence de la personne » sans comprendre le rôle que la technologie de réseau et numérique grand public joue dans sa perpétuation.

Votre télé ne vous regardait pas, YouTube si.

La technologie traditionnelle – non numérique, pas en réseau – était un moyen de diffusion à sens unique. C’est la seule chose qu’un livre imprimé sur la presse Gutenberg et votre téléviseur analogique avaient en commun.

Autrefois, quand vous lisiez un journal, le journal ne vous lisait pas aussi. Lorsque vous regardiez la télévision, votre téléviseur ne vous regardait pas aussi (à moins que vous n’ayez spécifiquement permis à une société de mesure d’audience, comme Nielsen, d’attacher un audimètre à votre téléviseur).

Aujourd’hui, lorsque vous lisez le journal The Guardian en ligne, The Guardian – et plus de deux douzaines d’autres parties tierces, y compris la Nielsen susmentionnée – vous lit également. Quand vous regardez YouTube, YouTube vous regarde aussi.

Il ne s’agit pas d’une théorie de la conspiration farfelue, mais simplement du modèle d’affaires de la technologie actuelle. J’appelle ce modèle d’affaires « l’élevage d’êtres humains ». C’est une partie du système socio-économique, dont nous faisons partie, que Shoshana Zuboff appelle le capitalisme de surveillance.3

Et pis encore : Alphabet Inc, qui possède Google et YouTube, ne se contente pas de vous observer lorsque vous utilisez un de leurs services, mais vous suit également sur le Web lorsque vous allez de site en site. À lui seul, Google a les yeux sur 70 à 80 % du Web.
Mais ils ne s’arrêtent pas là non plus. Les exploitants d’êtres humains achètent également des données auprès de courtiers en données, partagent ces données avec d’autres exploitants et savent même quand vous utilisez votre carte de crédit dans les magasins ayant pignon sur rue. Et ils combinent toutes ces informations pour créer des profils de vous-même, constamment analysés, mis à jour et améliorés.

Nous pouvons considérer ces profils comme des simulations de nous-mêmes. Ils contiennent des aspects de nous-mêmes. Ils peuvent être (et sont) utilisés comme des approximations de nous-mêmes. Ils contiennent des informations extrêmement sensibles et intimes sur nous. Mais nous ne les possédons pas, ce sont les exploitants qui les possèdent.

Il n’est pas exagéré de dire qu’au sein de ce système, nous ne sommes pas en pleine possession de nous-mêmes. Dans un tel système, où même nos pensées risquent d’être lues par des entreprises, notre identité et le concept même d’autodétermination sont mis en danger.

Nous sommes sur le point de régresser du statut d’être humain à celui de propriété, piratés par une porte dérobée numérique et en réseau, dont nous continuons à nier l’existence à nos risques et périls. Les conditions préalables à une société libre sont soumises à notre compréhension de cette réalité fondamentale.
Si nous nous prolongeons en utilisant la technologie, nous devons étendre le champ d’application légal des droits de l’homme pour inclure ce « Moi » prolongé.

Si nous ne pouvons définir correctement les limites d’une personne, comment pouvons-nous espérer protéger les personnes ou l’identité d’une personne à l’ère des réseaux numériques ?

Aujourd’hui, nous sommes des êtres fragmentés. Les limites de notre être ne s’arrêtent pas à nos frontières biologiques. Certains aspects de notre être vivent sur des morceaux de silicium qui peuvent se trouver à des milliers de kilomètres de nous.

Il est impératif que nous reconnaissions que les limites du moi à l’ère des réseaux numériques ont transcendé les limites biologiques de nos corps physiques et que cette nouvelle limite – le « Moi » prolongé ; la totalité fragmentée du moi – constitue notre nouvelle peau numérique et que son intégrité doit être protégée par les droits de l’homme.

Si nous ne faisons pas cela, nous sommes condamné·e·s à nous agiter à la surface du problème, en apportant ce qui n’est rien d’autre que des changements cosmétiques à un système qui évolue rapidement vers un nouveau type d’esclavage.

C’est l’urgence de la personne.

Un remaniement radical de la technologie grand public

Si nous voulons nous attaquer à l’urgence de la personne, il ne faudra rien de moins qu’un remaniement radical des technologies grand public.

Nous devons d’abord comprendre que si réglementer les exploitants d’humains et les capitalistes de la surveillance est important pour réduire leurs préjudices, cette réglementation constitue une lutte difficile contre la corruption institutionnelle et n’entraînera pas, par elle-même, l’émergence miraculeuse d’une infrastructure technologique radicalement différente. Et cette dernière est la seule chose qui puisse s’attaquer à l’urgence de l’identité humaine.

Imaginez un monde différent.

Faites-moi le plaisir d’imaginer ceci une seconde : disons que votre nom est Jane Smith et que je veux vous parler. Je vais sur jane.smith.net.eu et je demande à vous suivre. Qui suis-je ? Je suis aral.balkan.net.eu. Vous me permettez de vous suivre et nous commençons à discuter… en privé.

Imaginez encore que nous puissions créer des groupes – peut-être pour l’école où vont nos enfants ou pour notre quartier. Dans un tel système, nous possédons et contrôlons tou·te·s notre propre espace sur Internet. Nous pouvons faire toutes les choses que vous pouvez faire sur Facebook aujourd’hui, tout aussi facilement, mais sans Facebook au milieu pour nous surveiller et nous exploiter.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un système en pair à pair qui établisse une passerelle avec le réseau mondial existant.

Ce dont nous avons besoin, c’est le contraire de la « Big Tech » (industrie des technologies). Nous avons besoin de « Small Tech » (technologie à petite échelle) – des outils de tous les jours pour les gens ordinaires, conçus pour augmenter le bien-être humain, et non les profits des entreprises.

Étapes concrètes

À la Small Technology Foundation, Laura et moi avons déjà commencé à construire certains des éléments fondamentaux d’un pont possible entre le capitalisme de surveillance et un avenir radicalement démocratique, entre pairs. Et nous continuerons à travailler sur les autres composantes cette année et au-delà. Mais il y a des mesures pratiques que nous pouvons tou·te·s prendre pour aider à faire avancer les choses dans cette direction.

Voici quelques suggestions pratiques pour différents groupes :

Les gens ordinaires

1. Ne vous culpabilisez pas, vous êtes les victimes. Quand 99,99999 % de tous les investissements technologiques vont aux « exploitants d’humains », ne laissez personne vous dire que vous devriez vous sentir mal d’avoir été obligé·e·s d’utiliser leurs services par manque d’alternatives.

2. Cela dit, il existe des alternatives. Cherchez-les. Utilisez-les. Soutenez les gens qui les fabriquent.

3. Prenez conscience que ce problème existe. Appelez des responsables et défendez ceux qui le font. À tout le moins, n’écartez pas les préoccupations et les efforts de ceux et celles d’entre nous qui tentent de faire quelque chose à ce sujet.

Les développeurs

1. Cessez d’intégrer les dispositifs de surveillance d’entreprises comme Google et Facebook dans vos sites Web et vos applications. Cessez d’exposer les gens qui utilisent vos services au capitalisme de surveillance.

2. Commencez à rechercher d’autres moyens de financer et de construire des technologies qui ne suivent pas le modèle toxique de la Silicon Valley.

3. Laissez tomber la « croissance » comme mesure de votre succès. Construisez des outils que les individus possèdent et contrôlent, et non votre entreprise ou organisation. Créez des applications Web pour utilisateur unique (dont chaque personne sera l’unique propriétaire). Soutenez des plateformes libres (comme dans liberté) et décentralisées (sans nager dans les eaux troubles de la blockchain).

L’Union Européenne

1. Cessez d’investir dans les start-ups et d’agir comme un Département de recherche et développement officieux de la Silicon Valley et investissez plutôt dans les « stayups » (entreprises durables, PME ou micro-entreprises matures).

2. Créez un domaine de premier niveau (DPN) non commercial ouvert à tous, où chacun peut enregistrer un nom de domaine (avec un certificat Let’s Encrypt automatique) pour un coût nul avec un seul « appel API ».

3. Appuyez-vous sur l’étape précédente pour offrir à chaque citoyen·ne de l’Union Européenne, payé par l’argent du contribuable européen, un serveur privé virtuel de base, doté de ressources de base pour héberger un nœud actif 24h/24 dans un système pair-à-pair qui le détacherait des Google et des Facebook du monde entier et créerait de nouvelles possibilités pour les gens de communiquer en privé ainsi que d’exprimer leur volonté politique de manière décentralisée.

Et, généralement, il est alors temps pour chacun·e d’entre nous de choisir un camp.

Le camp que vous choisissez décidera si nous vivons en tant que personnes ou en tant que produits. Le côté que vous choisissez décidera si nous vivons dans une démocratie ou sous le capitalisme.

Démocratie ou capitalisme ? Choisissez.

Si, comme moi, vous avez grandi dans les années 80, vous avez probablement accepté sans réfléchir la maxime néolibérale selon laquelle la démocratie et le capitalisme vont de pair. C’est l’un des plus grands mensonges jamais propagés. La démocratie et le capitalisme sont diamétralement opposés.

Vous ne pouvez pas avoir une démocratie fonctionnelle et des milliardaires et des intérêts corporatifs de billions de dollars et la machinerie de désinformation et d’exploitation des Big Tech de la Silicon Valley. Ce que nous voyons, c’est le choc du capitalisme et de la démocratie, et le capitalisme est en train de gagner.

Avons-nous déjà passé ce tournant ? Je ne sais pas. Peut-être. Mais on ne peut pas penser comme ça.

Personnellement, je vais continuer à travailler pour apporter des changements là où je pense pouvoir être efficace : en créant une infrastructure technologique alternative pour soutenir les libertés individuelles et la démocratie.

L’humanité a déjà mis en place l’infrastructure du techno-fascisme. Nous avons déjà créé (et nous sommes toujours en train de créer) des éléments panoptiques. Tout ce que les fascistes ont à faire, c’est d’emménager et de prendre les commandes. Et ils le feront démocratiquement, avant de détruire la démocratie, tout comme Hitler l’a fait.

Et si vous pensez que «les années 30 et 40 c’était quelque chose», rappelez-vous que les outils les plus avancés pour amplifier les idéologies destructrices de l’époque étaient moins puissants que les ordinateurs que vous avez dans vos poches aujourd’hui. Aujourd’hui, nous avons le « Machine Learning » (Apprentissage machine) et sommes sur le point de débloquer l’informatique quantique.

Nous devons nous assurer que les années 2030 ne reproduisent pas les années 1930. Car nos systèmes centralisés avancés de saisie, de classification et de prévision des données, plus une centaine d’années d’augmentation exponentielle de la puissance de traitement (notez que je n’utilise pas le mot « progrès »), signifient que les années 2030 seront exponentiellement pires.

Qui que vous soyez, où que vous soyez, nous avons un ennemi commun : l’Internationale nationaliste. Les problèmes de notre temps dépassent les frontières nationales. Les solutions le doivent également. Les systèmes que nous construisons doivent être à la fois locaux et mondiaux. Le réseau que nous devons construire est un réseau de solidarité.

Nous avons créé le présent. Nous allons créer le futur. Travaillons ensemble pour faire en sorte que cet avenir soit celui dans lequel nous voulons vivre nous-mêmes.


Discours d’Aral Balkan au Parlement européen, fin 2019, lors de la rencontre sur l’avenir de la réglementation de l’Internet.  Merci à la Quadrature du Net et à sa chaîne PeerTube.

 





Geektionnerd : Internet européen

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Sources sur Numerama :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)