Le prix à payer de la gratuité de Facebook ? Notre Internet défiguré par la publicité !

Karrie Nodalo - CC byLes utilisateurs de Facebook veulent le beurre et l’argent du beurre. Non seulement ils exigent la gratuité totale du service mais en plus ils poussent des cris d’orfraie dès que Facebook a l’outrecuidance de lorgner sur leurs données personnelles.

La question de savoir comment un site qui avoisine le milliard d’utilisateurs fait pour se maintenir, se développer et gagner des sous ne les effleure même pas.

Le problème c’est que, là encore, nous ne sommes pas dans le monde des Bisounours. Et la gratuité affichée au grand jour s’accompagne inévitablement, tôt ou tard, par de la publicité.

Une publicité pas toujours assumée qui s’accapare alors plus ou moins pernicieusement nos informations, ce que l’on résume souvent ainsi : « si vous ne payez pas pour le produit, c’est que vous êtes le produit ». Une publicité qui représente la principale source de revenus de ces services gratuits, acquérant par là-même un pouvoir qui tend à dénaturer Internet.

Les idiots utiles que nous sommes n’avons que ce que nous méritons.

Le couple gratuité/publicité, potentiellement mortifère pour le Net, tel est donc le thème de la traduction du jour[1].

La solution prônée par l’auteur de l’article ci-dessous serait de revenir à un système plus sain qui consiste à payer pour le service, sachant qu’avec les effets d’échelle une somme infime serait demandée (pour faire tourner Facebook, rien de plus que le prix d’un café par an). Facebook, Gmail, Twitter… ce serait légitime pourtant vu le temps que nous passons dessus au quotidien.

Raisonnement logique mais complexe voire naïf car la gratuité est devenue plus qu’une (mauvaise) habitude, ce serait presque un dû. Et malheur à la startup qui proposerait dès le départ son service Web payant.

Sauf bien sûr si l’on choisit l’option Libre.

Lorsque Jimmy Wales lance son appel pour la campagne de dons Wkipédia, il insiste justement sur le fait qu’il est important de préserver le site de la publicité.

On notera en passant qu’environ 0,1% des visiteurs de l’encyclopédie la soutiennent financièrement. C’est ridicule et ça en dit long sur la prégnance du gratuit dans les pratiques du Web. Mais cela suffit pourtant pour collecter plusieurs millions d’euros et faire vivre le projet.

Libre ne veut décidément pas dire gratuit…

Le toujours tout gratuit : quand les pubs Facebook nous dévoilent le triste état de l’Internet

Everything for free, always: how Facebook ads show us the sad state of the Internet

Rian van der Merwe – 26 décembre 2011 – Elezea – CC By-Nc-Sa
(Traduction Framalang : Clochix, Goofy, Don Rico et Martin)

Je n’aime pas les sources anonymes, mais ce billet d’« un ancien DSI qui a été informé de la stratégie publicitaire de Facebook » a retenu l’attention de beaucoup de gens la semaine dernière. Ce paragraphe se détache particulièrement :

Ce que la plupart des utilisateurs ignorent, c’est que les nouvelles fonctionnalités introduites ont toutes pour mission d’augmenter la valeur de Facebook pour les annonceurs, au point que des représentants de Facebook ont promu l’idée que la nouvelle Timeline consiste en fait à redéfinir les utilisateurs selon leurs préférences de consommateurs, ou comme ils disent, « les marques constituent maintenant une partie essentielle de l’identité des gens ».

Brent Simmons a émis une réponse lapidaire à cette dernière formule : « À gerber »

Je suis d’accord.

Et John Gruber a mis un lien vers une page créée par Facebook pour expliquer comment ils gagnent de l’argent. Facebook déclare ainsi que faire tourner et maintenir son site coûte désormais plus d’un milliard de dollars par an. Une coquette somme, c’est sûr. Mais c’est vraiment une honte que la publicité soit le seul et unique moyen valable qu’ait trouvé Facebook pour payer l’addition.

Facebook se targue de compter plus de huit cent millions d’utilisateurs actifs, et que « plus de la moitié d’entre eux se connectent sur Facebook chaque jour ». À titre d’exemple, supposons qu’environ cinq cent millions d’utilisateurs consultent Facebook tous les jours. Si chacun d’eux payait Facebook deux dollars par an, le chriffre d’affaires couvrirait le coût de maintenance du site. Si l’on passait à trois dollars par an, soit 25 cents par mois, on atteindrait d’un coup un revenu d’un milliard et demi de dollars par an (soit à peu près cinq cents millions de dollars de bénéfices, selon les estimations que fait Facebook de ses coûts de fonctionnement). Soyons tout à fait clair : il ne s’agit que du prix d’un café par an.

C’est malheureusement un raisonnement naïf, car cela ne se produira jamais. La plupart des utilisateurs ne sont en effet pas disposés à payer pour les services et les contenus d’Internet. Ils veulent, pour ne pas dire exigent, la gratuité tout en demandant aux entreprises et aux Marques™ de se tenir à distance de leur vie privée et de leurs données confidentielles. Ce n’est pas un souhait réaliste : si personne ne veut payer pour quoi que ce soit, il faut bien se rattraper ailleurs. Mais rares sont ceux qui y réfléchissent assez pour en avoir conscience.

Un article publié récement sur le blog Pinboard m’a vraiment interpellé, et vu comme il s’est répandu sur Twitter, je sais qu’il a touché une corde sensible chez beaucoup d’autres. Voici ce que dit cet article, intitulé « Ne soyez pas un utilisateur gratuit » :

Que faire si un site que vous appréciez n’a pas de modèle économique ? Gueulez sur les développeurs ! Expliquez-leur que vous êtes fatigués des bons projets qui ferment, et que vous voulez payer en monnaie sonnante et trébuchante pour éviter que ça arrive à leur site. Pas besoin de facturer un prix prohibitif par utilisateur pour qu’un projet ne soit pas déficitaire. Il suffit d’une somme supérieure à zéro.

Dans le cas de Facebook, cette « somme supérieure à zéro » s’élève à 3$ par an (avais-je précisé que c’était par an ?). Mais les utilisateurs non geeks ne se posent pas ces questions. Ils ne pensent pas aux concepteurs et aux développeurs qui créent les applications et ont besoin d’une rétribution financière pour que le service continue à vivre. Payer 99 cents pour un jeu iPhone, c’est déjà trop . Ils piquent une crise chaque fois que Facebook modifie quelque chose, ignorant toujours totalement qu’ils ne sont pas les clients de Facebook, mais seulement le produit que Facebook vend aux annonceurs. Tout ce qui les intéresse, c’est d’avoir leur Facebook gratuit pour envoyer des messages à leurs amis en vue de préparer la fête du lendemain. « Payer pour ça ? Et puis quoi encore ? Je sais pas comment vous maintenez le site en ligne, et je m’en contrefiche. Ah, au fait. Je vous prierai de respecter ma vie privée, et je ne veux pas voir l’ombre d’une pub. » Tel est leur discours.

C’est à s’arracher les cheveux.

Je crains que nous nous soyons enfermés dans ce modèle gratuit et que le seul moyen d’en sortir soit de vendre nos identités aux Marques™. Steve Jobs y a fait allusion lorsqu’il négociait avec le New York Times et refusait de leur donner accès aux informations des utilisateurs. D’après sa biographie, il aurait déclaré :

Si cela ne vous convient pas, ne passez pas par nous. Ce n’est pas moi qui vous ai mis dans ce pétrin. C’est vous qui avez passé les cinq dernières années à filer votre journal en ligne gratos sans collecter la moindre carte de crédit.

C’est nous qui avons créé cette culture. C’est nous qui, au cours de la dernière décennie, avons mis en ligne des tonnes de choses accessibles gratuitement, sans demander à quiconque sa carte de crédit. Nous avons conditionné les utilisateurs au fait que tout devrait toujours être gratuit. Ce qui a donné aux annonceurs la haute main sur toutes les négociations, parce qu’ils savent parfaitement qu’ils sont le seul moyen pour la plupart des sites de gagner de l’argent.

Pourquoi est-ce si important ? De la publicité contextuelle pertinente, ça n’est pas mal, n’est-ce pas ? Pas même avec modération, non (cf The Deck ). Parce que quand la pub devient le seul moyen de s’en sortir et que ce sont les annonceurs qui dictent leur loi, alors ce sont toujours les utilisateurs qui en pâtissent. C’est une question de principe, je crois fermement qu’il vaut mieux payer directement les créateurs plutôt qu’à travers un mécanisme pernicieux alambiqué de publicités.

On ne peut pas vraiment en vouloir à Facebook d’avoir choisi la voie de moindre résistance. C’est celle que nous lui avons ouverte par la culture que nous avons engendrée. Mais je continue d’espérer que les nouveaux services feront payer pour ce qu’ils offrent. Et de commencer alors lentement à définir nos identités sans que les Marques™ essaient de nous dire qui nous sommes.

Notes

[1] Crédit photo : Karrie Nodalo (Creative Commons By)




Facebook et Google nous livrent leur version « malbouffe » de l’information

The Filter Bubble - Eli PariserLes médecins et pouvoirs publics ne cessent de nous interpeller au sujet de notre régime alimentaire : une alimentation variée et équilibrée est in-dis-pen-sable à notre santé, disent-ils en substance.

Et si nous décidions d’accorder la même attention à notre régime informationnel ?

Lorsque nous allons chercher de l’information en ligne, les contenus qui nous sont servis sont-il bien variés et équilibrés, ne contiennent-il pas trop d’informations grasses ou sucrées ?

La question ainsi posée par Eli Pariser dans le texte que nous vous proposons ci-dessous peut paraître étrange au premier abord, mais seulement si l’on ignore comment les grands restaurants d’information du Web que sont Google, Facebook ou Yahoo composent les assiettes qu’ils nous servent.

Imaginez un restaurant qui affinerait en permanence sa carte en fonction de ce que vous avez commandé précédemment et, si vous êtes un habitué, en fonction de ce que vous commandez le plus souvent. Seriez-vous étonné, au final, de ne plus avoir le choix qu’entre un steak-frites, une pizza à la viande hachée et des pâtes à la bolognaise, quand votre voisine de table se voit systématiquement proposer un choix de trois salades composées ? Comment pourrions-nous alors découvrir de nouveaux plats ou tout simplement varier nos menus ?

NB : terminons cette présentation en citant le moteur de recherche DuckDuckGo dont le manifeste exclut toute personnalisation des résultats (ainsi que tout pistage )

Facebook et Google nous livrent de l’information « malbouffe » avertit Eli Pariser

Bianca Bosker – 7 mars 2011 – HuffingtonPost.com
(Traduction Framalang : Antistress et Goofy)

Facebook, Google Giving Us Information Junk Food, Eli Pariser Warns

S’agissant de contenu informationnel, Google et Facebook nous offrent trop de sucreries et pas assez de légumes.

C’est l’avis d’Eli Pariser, activiste politique et précédemment directeur exécutif de MoveOn.org, qui tire la sonnette d’alarme au sujet des modifications du Web opérées par des algorithmes invisibles afin de produire des résultats de recherche personnalisés, des flux d’information et autres contenus taillés sur mesure qui menacent de limiter notre exposition à de nouvelles informations et de restreindre notre champ de vision sur le monde.

Pariser qui se décrit politiquement comme progressiste, racontait à la conférence annuelle TED qu’il avait toujours fait attention à prendre comme amis sur Facebook aussi bien des libéraux que des conservateurs, afin de garder un œil sur les discussions de chaque groupe. Pourtant il constata qu’avec le temps d’étranges choses se produisaient : ses amis conservateurs sur Facebook avaient disparus de son flux d’information. Il réalisa que l’algorithme de Facebook les en avait retirés au motif que Pariser cliquait plus souvent sur les liens de ses amis libéraux que sur ceux de ses amis conservateurs.

Google est également coupable de truquer les résultats affichés en fonction des actions passées de l’internaute. Pariser souligne combien, lors d’une même recherche sur Google, deux utilisateurs peuvent recevoir des résultats complètement différents compte tenu du fait que le moteur de recherche utilise 57 indicateurs propres à l’utilisateur pour modifier et adapter les résultats. « Il n’y a plus de Google générique » relève Pariser.

« Ceci nous conduit très rapidement vers un monde dans lequel Internet nous montre ce qu’il pense que nous voulons voir, mais pas nécessairement ce que nous avons besoin de voir » déclare Pariser au sujet des modifications opérées par la voie des algorithmes.

À cause des algorithmes qui déterminent ce que nous voyons en ligne d’après nos habitudes de navigation, de lecture et les liens sur lesquels nous cliquons, nous risquons d’être confrontés à moins de points de vue, d’être exposé à un champ plus réduit d’opinions et de contenus, ajoute Pariser.

« Si vous prenez tous ces filtres ensemble, si vous prenez tous ces algorithmes, vous obtenez ce que j’appelle une bulle de filtres. Votre bulle de filtres est votre univers d’information unique et personnel dans lequel vous vivez en ligne » déclare t-il. « Ce qui est dans votre bulle de filtres dépend de qui vous êtes et de que vous faites, mais le truc c’est que vous ne décidez pas ce qui entre dedans… Et plus important, vous ne voyez pas ce qui, en fait, s’en trouve rejeté. »

Les entreprises ont présenté la personnalisation de l’information comme une façon de fournir à l’utilisateur des contenus plus pertinents au regard de ses centres d’intérêt. Lorsque Google a lancé la recherche personnalisée auprès de l’ensemble de ses utilisateurs, il a vanté les mérites de cette fonctionnalité en disant qu’elle aiderait les gens à obtenir de meilleurs résultats. Selon le livre The Facebook Effect, Mark Zuckerberg (NdT : le créateur de Facebook) expliquait à son équipe l’utilité du flux d’information de Facebook en ces termes : « Un écureuil mourant dans votre jardin peut être plus pertinent pour vos intérêts du moment que les gens qui meurent en Afrique. ».

Pariser enjoint les responsables techniques d’entreprises comme Facebook et Google représentées à la conférence TED de reconsidérer leur approche afin de créer l’Internet dont nous révons tous, celui qui nous apportera des perspectives nouvelles, alternatives, et qui nous incitera à penser les choses de manière neuve et différente.

« Nous avons vraiment besoin que vous vous assuriez que ces algorithmes incorporent le sens de la vie publique, de la citoyenneté responsable » déclare Pariser. « Le problème est que les algorithmes n’ont pas encore le genre d’éthique intégrée qu’avaient les éditeurs. Donc si les algorithmes vont inventorier le monde pour nous, s’ils vont décider ce que nous pouvons voir et ce que nous ne pouvons pas voir, alors nous devons nous assurer qu’ils ne se sont pas basés uniquement sur la pertinence. Nous devons nous assurer qu’ils nous montrent aussi des choses qui sont dérangeantes ou stimulantes ou importantes. »

Des algorithmes plus intelligents, plus responsables, sont nécessaires pour garantir un régime d’information équilibré, ajoute Pariser.

« La meilleure des éditions nous donne un peu des deux », déclare t-il. « Il nous donne un petit peu de Justin Bieber et un petit peu d’Afghanistan. Il nous donne de l’information légumes et il nous donne de l’information dessert. »

Sinon, avertit-il, nous risquons de consommer trop d’informations fast food.

« Au lieu d’un régime d’information équilibré, vous pouvez finir entouré d’informations malbouffe » conclut Pariser.




Aussi belles soient vos apps, nous on reste sur le web !

JD Hancock - CC byUne « app », est une application destinée aux smartphones et aux tablettes.

Gratuites ou payantes (et très très rarement libres), elles sont disponibles sur des plateformes qui appartiennent le plus souvent au propriétaire du système d’exploitation de la machine telles que l’App Store d’Apple ou l’Android Market de Google.

C’est beau, c’est propre, ça tourne bien et on peut faire plein de sous avec[1].

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si ces apps ne souffraient entre autres de deux défauts majeurs et rédhibitoires : elles ne se partagent pas et elles ne créent pas de liens.

Il se trouve que ce sont justement deux conditions à notre liberté et à la possibilité de changer un jour ce monde à bout de souffle…

Comme Dave Winer ci-dessous moi je reste sur le web. Et vous ?

Pourquoi les apps ne représentent pas l’avenir

Why apps are not the future

Dave Winer – 13 décembre 2011 – Scripting.com
(Traduction Framalang : kamui57, Pyg, Axx et Rémi)

Je l’entends partout. Le Web est mort, les apps sont l’avenir.

Je l’ai lu la première fois en couverture du magazine Wired en mars 1997 puis encore en août 2010. J’étais tellement impressionné qu’à chaque fois j’ai mis le lien en exergue sur mon blog, histoire de rappeler à mes visiteurs qu’ils étaient en train de parcourir un média sur le point de mourir.

Ce n’était évidemment qu’une boutade. Je vais continuez à m’amuser ici pendant que vous flirtez avec vos apps. Et je serai toujours là quand vous reviendrez. Je sais que cela arrivera. Voici pourquoi.

Créer du lien

Imaginez chacune des apps qu’ils veulent que vous utilisiez sur votre iPad ou votre iPhone comme un très grand et très haut silo. On peut certes avoir l’impression d’avoir du confort et de l’espace à l’intérieur mais rien n’entre ni ne sort qui ne soit parfaitement contrôlé par les gens qui ont créé l’application. Ça craint !

Ce qu’il y a de génial avec le web ce sont les liens. Le web repose sur le lien. Le web a une sale gueule alors que votre application est jolie ? Ça m’est complètement égal : si je ne peux pas ajouter de liens entrant ou sortant, vous êtes bien loin de pouvoir remplacer le web. Ce serait aussi stupide que de dire que vous n’avez pas besoin d’océans parce que vous avez une baignoire, aussi magnifique soit-elle. Essayez de bâtir un continent autour et vous comprendrez ce que je veux dire.

On paye cher des gens pour être des Grands Penseurs à notre place mais, dans l’ensemble, ils ne cherchent qu’à plaire à leurs créditeurs.

Cela convient et rassure les riches de penser que le monde fou, sauvage et non régulé de l’internet ne les menace plus désormais, que les utilisateurs sont heureux de vivre dans un monde balisé et aseptisé à la Disney, sans tout ce désordre que cause la liberté.

Ne vous en déplaise, je vais rester sur le web.

Notes

[1] Crédit photo : JD Hancock (Creative Commons By)




Google Chrome deviendra-t-il un nouvel IE6 ?

Denis Dervisevic - CC byBon ben voilà, c’est fait, le navigateur Google Chrome est passé devant Firefox au niveau mondial la semaine dernière. En France cela résiste plutôt bien, mais pour combien de temps encore ?

Ce qui avait été prédit ici-même il y a deux ans, alors que Chrome n’avait à peine que 6% du marché, s’est malheureusement révélé exact : Google Chrome m’a tuer ou le probable déclin de Firefox si nous n’y faisons rien (avec plus de 200 commentaires à la clé).

Dans cet article on pouvait lire en outre ce passage : « Pour ne rien arranger, rappelons également la situation schizophrénique et paradoxale des ressources de la Mozilla Foundation apportées à plus de 90% par l’accord avec… Google ! Quand vous dépendez financièrement d’un partenaire qui se transforme jour après jour en votre principal concurrent, vous vous sentez légèrement coincé aux entournures ! »

Or justement, nous y sommes, car une grosse inquiétude plane actuellement sur la reconduction du partenariat, rendant plus compliquée encore la situation[1].

Mais il y a pire. Comme relatée dans la traduction ci-dessous, Google, conforté par sa position de plus en plus dominante, commence à tomber dans le côté obscur de la force pour proposer des services « optimisés » pour Chrome (comprendre qui marche mieux ou qui marche tout court dans Chrome et uniquement dans Chrome). Gmail, Google Docs, Google Maps, etc. et si un jour vous vous retrouviez contraint de surfer sous Chrome pour utiliser pleinement ces services ?

Ce serait une belle régression et une belle menace pour un Web libre, neutre et ouvert. Et alors la comparaison avec le tristement célèbre Internet Explorer 6 n’est pas si exagérée que cela !

Pour aller plus loin et continuer à prendre garde, on pourra parcourir les articles du tag Chrome du Framablog.

Google Chrome est-il le nouveau IE6 ?

Is Google Chrome the New IE6?

Michael Muchmore – 2 décembre 2011 – PC Mag
(Traduction Framalang : Poupoul, Goofy, Pandark, Marting, Duthils, Toufalk et Deadalnix)

Laissez moi vous parler d’un navigateur. Un navigateur innovant qui fut le premier à implémenter de nouvelles technologies Web permettant une meilleure interactivité. Un navigateur avec une nouvelle interface étonnante. Chrome ? Non, Internet Explorer 6.

Il y a une raison pour laquelle le navigateur de Microsoft prit 95 pour cent du marché des navigateurs Web à Netscape (l’ancêtre de Firefox) : IE6 pouvait faire des choses dont ses prédécesseurs étaient incapables. Il y avait le HTML dynamique, le langage CSS, et même (oui, oui) de nouvelles fonctionnalités en matière de sécurité.

Mais d’années en années, ces fonctionnalités uniques ont montré un tout autre visage. Tous les principaux sites web ont cherché à s’optimiser pour IE, à tel point que ces sites ne fonctionnaient plus correctement avec d’autres navigateurs.

Avançons rapidement jusqu’en 2011. Le nouveau navigateur à la mode s’appelle Google Chrome, qui, d’après StatCounter, vient juste de dépasser l’ex-favori indépendant Firefox en part de marché globale. Chrome peut faire des choses dont les autres navigateurs sont incapables, et Google ne connaît plus que Chrome, ce qui signifie que certains des sites de Google ne fonctionnent intégralement que dans Chrome. Même aujourd’hui, vous pouvez lire sur le blog de Google qu’il existe de nouveaux niveaux d’Angry Birds qui ne fonctionnent que dans Chrome.

C’est perturbant, quand on considère tout ce que Google a fait pour l’ouverture du Web ; Google n’existerait pas si de vrais standards ouverts n’existaient pas sur le Web. Mais de plus en plus, Chrome devient un portail vers les services Google, jusqu’à la mise au ban d’autres navigateurs.

Bien sûr, tout le monde peut faire un site web qui fonctionne sous Chrome, donc il est, d’une certaine façon, ouvert. Mais si ces sites fonctionnent uniquement sous Chrome et plus sous les autres navigateurs, nous avons un manque d’ouverture dans l’écosystème du Web. De même, tout le monde pouvait produire un site qui fonctionnait parfaitement avec IE6, mais nous avons aussi le même problème : le site ne fonctionnera pas complètement dans les autres navigateurs.

Des cas de services Google utilisables uniquement avec Chrome sont en train d’apparaitre. Très récemment, avec la sortie de Chrome 15, le leader de la recherche sur Internet a changé juste une petite fonctionnalité de l’interface — la page d’un nouvel onglet. Et il l’a fait de manière à promouvoir le « Chrome Web Store » de l’entreprise. Cet « app » store — les apps étant en fait tout simplement des sites Web — ne fonctionne qu’avec Chrome. Avant ça, la société annonçait enfin la possibilité d’utiliser le service de webmail Gmail hors-ligne. Et devinez quoi ? Ça ne fonctionne que si vous utilisez Chrome.

Ce ne sont pas les seuls exemples de services de Google à ne fonctionner que sous Chrome ; il y a aussi, parmi tant d’autres, Google Instant Page, Google Cloud Print, le glisser-déposer et l’upload de dossiers dans Google Docs, les notifications des évènements du calendrier et des emails de Google Apps.

Un autre « standard », SPDY, pourrait transformer le Web en Google Wide Web (NdT : référence au World Wide Web). SPDY est un remplacement à HTTP qui compresse les données d’en-tête et permet des connexions persistantes entre le serveur et les navigateurs. Il s’avère que certains sites de Google utilisent déjà SPDY lorsque vous naviguez avec Chrome. De même que pour les Instant Pages, la technologie est disponible à l’implémentation pour les éditeurs Web, mais encore une fois, Google lui-même est le seul acteur majeur à le supporter. Un bon truc, des interactions Web plus rapides, mais n’oublions pas qu’un accès universel avec n’importe quel logiciel est la raison première pour laquelle le Web a décollé.

Cette stratégie prend l’exemple de Microsoft pour IE6 et l’étend à une échelle beaucoup plus grande. Le client Web Outlook (premier exemple majeur de site utilisant massivement Ajax, proche d’une app) ne permettait d’utiliser la fonctionnalité de recherche dans votre boîte de réception que si vous utilisiez Internet Explorer. C’est exactement ce que Google a commencé à faire : offrir un service Web qui fonctionne presque dans tous les navigateurs, mais nécessite le navigateur de l’entreprise pour fonctionner complètement. Heureusement, Microsoft a abandonné ces fonctionnalités réservées à IE. Espérons que Google en fera de même.

Lors d’une discussion que j’ai eu récemment avec Hakum Lie, directeur technique du développeur de navigateur Opera Software, le scandinave s’est inquiété de la démarche de Google.

« Il arrive souvent que Google lance des services sans les tester dans tous les navigateurs. On se réveille parfois un matin avec un nouveau service Google dont certains bugs auraient pu être corrigés s’ils avaient travaillé avec nous pendant la phase de developpement » a dit Lie. « Maintenant qu’ils ont leur propre navigateur, ils pensent moins à s’assurer que tout marche pour tout le monde, ce qui est préoccupant parce que Google n’aurait pas existé sans des standards ouverts. Nous serions probablement restés dans le giron de Microsoft ».

Mais Lie reconnaiît que Google a contribué aux standards du Web, « Certaines de ces expériences sont géniales », dit-il. « Nous avons besoin d’expérimentations de ce genre et on ne peut pas exiger que tout fonctionne avec tous les navigateurs. Mais vous devriez tester avec les navigateurs les plus populaires ».

Les Chromebook sont encore plus verrouillés et privateurs de liberté puisque ce ne sont quasiment que des navigateurs dans des boîtes vides. « Ce que nous reprochons au Chromebook c’est qu’il s’agit d’une plateforme très fermée », dit Lie. « Nous avons râlé après Microsoft pendant toutes ces années, mais avec Windows, vous pouviez au moins créer un navigateur concurrent ».

On pourrait dire la même chose pour les machines Apple tournant sous iOS, comme les iPads. Mais bien que les Chromebooks ne soient pas aussi populaires que les iPad, si un jour tous les ordinateurs sont des Chromebooks, le choix du navigateur et l’ouverture seront des concepts appartenant au passé.

Comme toutes les multinationales, Google veut être le premier partout où elle le peut. Elle a déjà réussi dans la recherche en ligne. Ne vous méprenez pas, Google a fait un boulot fantastique. Chrome ne serait pas aussi populaire si ce n’était pas le cas. C’est mon choix en tant qu’éditeur de PCMag parce qu’il est beaucoup plus rapide que ses prédecesseurs. L’arrivée de Chrome sur la scène a obligé tous les autres navigateurs à s’améliorer. J’espère seulement que ces améliorations n’entraveront pas l’ouverture et l’interopérabilité.

Notes

[1] Crédit photo : Denis Dervisevic (Creative Commons By)




Encourager ou criminaliser le jailbreaking ? Un choix de société !

FHKE - CC by-saDrôle de monde que celui dans lequel nous vivons et qui entrave à tous les étages le partage et le bidouillage.

Parce que déverrouiller son iPhone ou son Android n’est pas qu’un jeu gratuit pour hackers malfaisants. Il permet, mais si, mais si, de favoriser l’innovation, d’améliorer la sécurité et d’assurer une meilleure protection de ses données personnelles.

Cela répond également à la légitime curiosité d’aller regarder sous le capot pour comprendre comment les choses fonctionnent[1].

Messieurs les censeurs, écoutez l’appel de l’Electronic Frontier Foundation, et cessez de criminaliser des pratiques utiles à la communauté. Et ne nous y trompons pas, derrière ce petit problème technique se cache (n’ayons pas peur des mots) un véritable choix de société.

Pourquoi Apple, Sony, Amazon, Microsoft et les autres devraient encourager le jailbreaking

Why Apple (and Sony, Amazon, Microsoft etc.) Should Support Jailbreaking

Trevor Timm – 2 décembre 2011 – EFF.org
(Traduction Framalang : Goofy, Clochix et Poupoul2)

Hier l’Electronic Frontier Foundation a demandé à l’administration du Copyright des États-Unis d’accorder une exemption au Digital Millenium Act en faveur du droit de « jailbreaker » les smartphones, les tablettes et les consoles de jeux vidéos. Ces exceptions visent à épargner aux utilisateurs tout souci légal qui pourraient les empêcher de faire tourner des applications et des systèmes d’exploitation qui ne sont pas approuvés par le fabricant de l’appareil. Elles amendent la section 1201 du DMCA qui interdit tout contournement de « mesure technique qui contrôle effectivement l’accès à une œuvre protégée à ce titre ».

En 2009, malgré les cris d’orfraie et la vive opposition d’Apple, l’EFF a obtenu du bureau du Copyright le droit pour les utilisateurs de déverrouiller les iPhones et autres smartphones. C’est en partie grâce à cette disposition légale qu’une communauté en ligne très active s’est constituée autour du jailbreaking pour perfectionner à un degré incommensurable l’innovation, la sécurité, la confidentialité sur ces appareils.

Pourquoi donc Apple et les autres fabricants s’opposeraient-ils à ce processus ? Voilà une question intéressante. Quand Apple a combattu la première fois le droit légal de jailbreaker, la firme a prétendu que cela nuirait à son modèle économique en ruinant sa rentabilité. Pourtant les profits d’Apple atteignent des records jamais atteints selon toutes les statistiques fiables.

En réalité, loin de nuire à des entreprises comme Apple, la communauté autour du jailbreaking finit souvent par leur rendre service, dans la mesure où Apple et d’autres fabricants finissent par adopter de nombreuses fonctionnalités qui avaient été exclues dans un premier temps. Faisons une petite rétrospective de tous le bénéfices du jailbreaking à la fois pour les industriels et les utilisateurs de smartphones, et voyons pourquoi cette pratique devrait être étendue aux tablettes et consoles de jeux vidéos comme le PlayStation 3, la Wii de Nintendo et la XBox 360.

Innovation

À tous égards, la communauté du jailbreaking a formidablement amélioré l’ergonomie des smartphones. Ses membres ont par exemple développé des applications, d’abord rejetées par Apple, qui permettait aux anciennes versions de l’iPhone d’enregistrer des vidéos. Les jailbreakers ont également été les premiers à réussir à configurer le clavier pour qu’il se connecte sans fil au smartphone. Apple a par la suite adopté chacune de ces fonctionnalités.

Ce processus d’imitation a été reproduit pour un tas d’autres innovations initiées par la communauté du jailbreaking, depuis la conception de l’interface utilisateur jusqu’à la gestion des applications sur le téléphone. Comme l’a remarqué David Kravets du magazine Wired, « parmi ces bidouillages on trouve les notifications qui se replient, l’accès direct à la caméra depuis l’écran d’accueil verrouillé et la synchronisation sans fil, pour n’en citer que quelques-uns ».

Sécurité

Les améliorations de la sécurité développées par la communauté des jailbreakers protègent les utilisateurs de smartphones quand le fabricant tarde à régler les problèmes de vulnérabilité ou les néglige carrément.

Quand on a découvert une faille de sécurité à l’ouverture d’un fichier PDF par le navigateur de l’iPhone, Apple ne s’est pas pressé pour régler le problème. Les utilisateurs qui ne voulaient pas attendre que le fabricant s’en occupe avaient une meilleure façon de se protéger : débrider leur appareil et installer un correctif « non autorisé » créé par un développeur indépendant.

Mais la débâcle de DigiNotar en 2011 est le meilleur exemple pour expliquer pourquoi il est si vital de pouvoir déverrouiller un téléphone. Jusqu’à une époque récente, DigiNotar était une autorité de certification — une organisation qui émet des certificats numériques utilisés pour authentifier et sécuriser les communications entre différents services en ligne, comme les transactions de cartes de crédit. Mais en septembre, elle a été piratée et a commencé à émettre des certificats frauduleux, qui ont permis à des utilisateurs mal intentionnés de compromettre des terminaux et des services. Les premières versions d’Android ne se mettaient pas à jour automatiquement, ne laissant aux utilisateurs avec d’anciens systèmes d’exploitation d’autre recours que de déverrouiller leur téléphone pour pouvoir se protéger.

Confidentialité

Alors que les préoccupations sur le respect de la vie privée par les terminaux mobiles augmentent, la communauté des « déverrouilleurs de téléphones » a aussi été vitale en rendant le respect de la vie privée plus sécurisé lorsque les fabricants ne s’en souciaient pas.

Les ouvreurs de prisons numériques ont été les premiers à introduire une application non autorisée sur l’iPhone qui masque les messages apparaissant automatiquement sur l’écran pour signaler qui est aux alentours. Les déverrouilleurs ont également créé une modification du logiciel pour empêcher la journalisation d’informations détaillées sur la localisation de l’iPhone à laquelle se livrait Apple sans y avoir été autorisée. De même, sur Android, une application non autorisée appelée LBE Privacy Guard permet aux utilisateurs de chercher et surveiller les données sensibles auxquelles des applications tierces pourraient essayer d’accéder. Mais ces applications protectrices de la vie privée ne sont accessibles qu’aux utilisateurs qui déverrouillent leur terminal.

La popularité des tablettes a explosé au cours des dernières années, et l’EFF veut que les utilisateurs de terminaux comme l’iPad et le Nook bénéficient également de ce dont ont profité les utilisateurs de smartphones au cours des trois dernières années.

Mais ce n’est pas tout, nous réclamons également une exemption pour les consoles de jeu vidéo.

Consoles de jeux vidéo

Les fabricants de consoles de jeu comme la PlayStation 3, la Xbox et la Wii de Nintendo limitent également le système d’exploitation de l’utilisateur, et les options des logiciels, même lorsque rien ne prouve que d’autres programmes violeraient le copyright. L’exception que nous réclamons permettrait aux utilisateurs d’exécuter le système de leur choix sur leurs consoles, aussi bien que des applications « maison » écrites par eux-mêmes.

Les consoles de jeu vidéo ont des processeurs puissants qui peuvent permettre aux gens de les utiliser comme des alternatives peu coûteuses aux PC de bureau. Des chercheurs, et même l’armée des EUA, ont transformé des grappes de PS3 en puissants supercalculateurs, à l’époque où Sony permettait l’installation de systèmes d’exploitation alternatifs. Mais Sony a supprimé cette possibilité avec une mise à jour du firmware en 2010, et les PS3 ne peuvent désormais plus faire tourner Linux sans être déverrouillées. En fait, plus tôt cette année, Sony avait été jusqu’à poursuivre quelques chercheurs qui avaient publié des informations sur des trous de sécurité qui permettraient aux gens d’installer et de faire tourner Linux sur leur PS3 personnelle. Nous espérons que l’exception que nous cherchons à obtenir énoncera clairement que les gens ont le droit de faire tourner le système d’exploitation et les applications de leur choix sur leur machine.

L’EFF adjure Apple, Sony et les autres de soutenir cette demande d’exemption au DMCA pour améliorer l’expérience des utilisateurs et garantir la sécurité et la confidentialité de leurs données personnelles.

Notes

[1] Crédit photo : FHKE (Creative Commons By-Sa)




Android et la liberté des utilisateurs par Richard Stallman

Laihiuyeung Ryanne - CC byAndroid, le système d’exploitation de Google pour la téléphonie mobile, est-il véritablement un logiciel libre ?

C’est la question que s’est posée récemment Richard Stallman dans le colonne du Guardian.

« Presque » pourrait être une réponse optimiste. Mais c’est un presque subtil et complexe qui demande quelques explications et éclaircissements[1].

Parce qu’ici comme ailleurs, le diable se cache souvent dans les détails…

Android et la liberté des utilisateurs

Android and Users’ Freedom

Richard Stallman – 19 septembre 2011 – GNU.org
Traduction : Sylvain Le Menn – Creative Commons BY-ND

Dans quelle mesure est-ce qu’Android respecte les libertés de ses utilisateurs ? Pour l’utilisateur d’un ordinateur qui chérit la liberté, c’est la question la plus importante à se poser pour tout logiciel.

Dans le mouvement du logiciel libre, nous concevons des logiciels qui respectent les libertés des utilisateurs de sorte que vous comme moi puissiez échapper à l’emprise de ceux qui les dénient. Cela contraste avec l’idée de l’« open source » qui se concentre sur la façon de concevoir le code ; c’est une réflexion différente qui s’intéresse principalement à la qualité du code plutôt qu’à la liberté. Ainsi, le souci principal n’est pas de savoir si Android est « ouvert », mais s’il permet à celui qui l’utilise d’être libre.

Android est un système d’exploitation orienté principalement vers les téléphones portables. Il est constitué du noyau Linux (le noyau de Torvalds), quelques bibliothèques, une plateforme Java, et quelques applications. Sans parler de Linux, le logiciel d’Android versions 1 et 2 a été concu essentiellement par Google. Google l’a sorti sous la licence Apache 2.0, qui est une licence libre permissive sans copyleft.

La version de Linux incluse dans Android n’est pas un logiciel entièrement libre puisque qu’il contient des morceaux de code non libres (des « binary blobs »), tout comme la version de Torvalds de Linux, dont quelques-uns sont réellement utilisés dans des machines tournant sous Android. Les plateformes Android utilisent des microprogrammes non libres aussi, ainsi que des bibliothèques non libres. À part cela, le code source des versions 1 et 2 d’Android telles que faites par Google sont libres, mais ce code est insuffisant pour faire tourner l’appareil. Quelques applications qui viennent généralement avec Android sont aussi non libres.

Android est très différent du système d’exploitation GNU/Linux, car il contient très peu de GNU. En effet, le seul élément commun entre Android et GNU/Linux se résume à peu près à Linux, le noyau. Les gens qui font l’erreur de croire que « Linux » fait référence à la totalité de l’écosystème GNU/Linux s’emmêlent les pinceaux, et font des affirmations paradoxales telles que « Android contient Linux, mais ce n’est pas Linux ». Si nous évitons cette confusion au départ, la situation est simple : Android contient Linux, mais pas GNU. Ainsi Android et GNU/Linux sont majoritairement différents.

À l’intérieur d’Android, le noyau Linux reste un programme séparé, avec le code source sous licence GNU GPL version 2. Combiner Linux avec le code sous licence Apache 2.0 représenterait une violation du copyright, puisque les licences GPL version 2.0 et Apache 2.0 sont incompatibles. Les rumeurs que Google a d’une manière ou d’une autre fait passer Linux sous licence Apache sont fausses. Google n’a aucun pouvoir pour changer la licence du code de Linux, et n’a pas essayé de le faire. Si les auteurs de Linux autorisaient son usage sous la version 3 de la licence GPL, ensuite ce code pourrait être combiné avec un code sous licence Apache, et la combinaison pourrait être rendue publique sous licence GPL version 3. Mais Linux n’a pas été publié ainsi.

Google a respecté les règles de la licence GPL (General Public License ou Licence publique générale) pour Linux, mais la licence Apache sur le reste d’Android n’oblige pas à montrer le code. Google a dit qu’ils n’allaient jamais publier le code d’Android 3.0 (à part Linux), même si les exécutables ont été rendus disponibles pour le public. Le code source d’Android 3.1 est aussi retenu. Ainsi, Android 3, en dehors de Linux, est purement et simplement du logiciel non libre.

Google a dit qu’ils gardaient le code source de la version 3.0 parce qu’il était bogué, et que les gens devraient attendre la version d’après. Cela pourrait être un bon conseil pour ceux qui veulent juste faire tourner le système Android, mais les utilisateurs devraient être ceux qui prennent ces décisions. Et de toutes façons les développeurs et les bidouilleurs qui voudraient inclure des changements dans leurs propres versions pourraient très bien utiliser ce code.

Le fait de ne pas rendre publique deux versions du code source est source d’inquiétudes dans le sens que Google pourrait vouloir rendre Android propriétaire de manière permanente, que la publication de quelques versions d’Android ait été une stratégie temporaire afin d’obtenir l’aide de la communauté pour améliorer un logiciel propriétaire. Espérons que ce n’est pas le cas.

Dans tous les cas, la plupart du code source de plusieurs versions d’Android ont été publiées en tant que logiciel libre. Est-ce que ça veut dire que des machines qui utilisent ces versions d’Android respectent les libertés de l’utilisateur ? Non, ce n’est pas le cas pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la majorité des versions comprend des applications non libres de Google pour communiquer avec des services tels que Youtube et Google Maps. Celles-ci ne font pas officiellement partie d’Android, mais cela n’en fait pas un bon produit pour autant. Il y a aussi la présence de bibliothèques non libres. Qu’elles fassent partie d’Android ou pas est discutable, ce qui importe c’est que beaucoup de fonctionnalités en dépendent.

Même les exécutables qui font officiellement partie d’Android peuvent ne pas correspondre au code des versions de Google. Les constructeurs peuvent changer le code, et bien souvent ils ne publient pas le code source de leurs versions. La licence GNU GPL les oblige, en théorie, à redistribuer le code de leurs versions de Linux. Le reste du code sous licence Apache ne les oblige pas à publier le code source des versions qu’ils utilisent réellement.

Replicant, une version libre d’Android qui n’est compatible qu’avec quelques modèles de téléphones, a remplacé beaucoup de bibliothèques, et peut fonctionner sans les applications non libres. Mais il y a d’autres problèmes.

Certains modèles sont conçus pour empêcher leur propriétaire d’installer et de modifier le logiciel. Dans cette situation, les exécutables ne sont pas libres, même s’ils sont faits à partir d’une source libre qui est disponible pour vous. Cependant, certains appareils Android peuvent être «?rootés?», ce qui permet aux utilisateurs d’y installer d’autres logiciels.

Les micrologiciels importants et les pilotes sont généralement propriétaires aussi. Ceux-ci gèrent le matériel pour le réseau, la radio, le wifi, le bluetooth, le GPS, l’accélération 3D, l’appareil photo, les hauts-parleurs, et dans certains cas le microphone aussi. Sur certains modèles, quelques-uns de ces pilotes sont libres, et pour certains on peut s’en passer, mais le microphone et l’accès au réseau sont plutôt indispensables.

Le micrologiciel qui gère l’accès au réseau est préinstallé. Si tout ce que le programme se contentait de faire était de tourner dans son coin, on pourrait le considèrer comme un simple circuit. Quand on insiste sur le fait qu’un logiciel dans un ordinateur doit être libre, on peut passer sur un micrologiciel préinstallé qui ne sera jamais mis à jour, car cela ne fait pas de différence pour l’utilisateur que c’est un programme plutôt qu’un circuit.

Malheureusement, dans ce cas ce serait un circuit malveillant. Des fonctions malveillantes sont inacceptables, quelle que soit la manière dont elles sont implémentées.

Sur la plupart des téléphones Android, ce micrologiciel a tellement de contrôle qu’il pourrait transformer le produit en un appareil d’écoute. Sur certains, il peut prendre le contrôle entier de l’ordinateur principal, à travers la mémoire partagée, et peut ainsi supplanter ou remplacer le logiciel libre que vous avez installé. Avec certains modèles, il est possible d’exercer un contrôle à distance sur ce micrologiciel, et ainsi sur le téléphone tout entier, à travers le logiciel permettant l’accès au réseau. Le principe du logiciel libre, c’est d’avoir le contrôle sur la machine, et cet appareil en l’occurence ne remplit pas cette mission. Bien que n’importe quel système informatique puisse avoir des bogues, ces appareils peuvent être des bogues (Craig Murray, dans Meurtre à Samarkand, fait le récit de son rôle dans une opération de renseignement qui convertit un téléphone portable sans Android d’une cible peu suspicieuse en un appareil d’écoute).

En tout cas, le micrologiciel du téléphone permettant l’accès au réseau n’est pas l’équivalent d’un circuit, car le matériel permet l’installation de nouvelles versions, et il fonctionne dans ce but d’ailleurs. Puisque c’est un micrologiciel propriétaire, en pratique seul le fabricant peut faire de nouvelles versions, les utilisateurs ne le peuvent pas.

Pour résumer, on peut tolérer des versions non libres des micrologiciels gérant l’accès au réseau à la condition que des mises à jour ne seront pas téléchargées, elles ne prendront ainsi pas contrôle de l’ordinateur principal, et il peut seulement communiquer quand et si le système d’exploitation libre le permet. En d’autres termes, il doit avoir un fonctionnement équivalent à un circuit, et ce circuit ne doit pas être malveillant. Il n’y a pas d’obstacles à construire un téléphone Android qui a ces caractéristiques, mais nous n’en connaissons aucun.

De récentes couvertures médiatiques se sont intéressées aux guerres de brevets. Pendant les 20 ans de campagne qui ont été consacrés à l’abolition des brevets logiciels, nous avons prévenu que de telles guerres pouvaient arriver. Les brevets logiciels pourraient contraindre à la disparition de fonctions dans Android, ou même le rendre indisponible (consultez endsoftpatents.org pour plus d’informations sur les raisons nécessitant l’abolition des brevets logiciels).

Pourtant, les attaques sur les brevets, et les réponses de Google, n’ont pas de lien direct avec le sujet de cet article : comment les produits Android sont proches d’un système de distribution éthique, et comment ils échouent de peu. Ce problème mérite l’attention de la presse aussi.

Android représente une étape majeure vers un téléphone portable libre qui soit contrôlé par l’utilisateur, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Les hackers travaillent sur Replicant, mais c’est un gros travail de rendre un nouveau modèle compatible, et il reste encore le problème du micrologiciel. Même si les téléphones Android d’aujourd’hui sont considérablement moins mauvais que les smartphones d’Apple ou de Windows, on ne peut pas dire qu’ils respectent vos libertés.

Notes

[1] Crédit photo : Laihiuyeung Ryanne (Creative Commons By)




20 ans que sans concurrence Microsoft équipe l’Europe !

Sébastien Bertrand - CC byLes institutions européennes, toujours promptes à donner la leçon, ont peut-être d’autres chats à fouetter actuellement mais il nous semble bon de leur rappeler un passé peu glorieux et un présent scandaleux[1].

Cela fait en effet près de 20 ans que l’on déroule le tapis rouge à la société non européenne Microsoft sans jamais prendre la peine d’évaluer les autres solutions, parmi lesquelles, évidemment, figure le logiciel libre.

Peut-être qu’en 1992, il était hasardeux de choisir autre chose que Windows pour ses postes clients. Mais pourquoi avoir systématiquement reconduit cette forme de partenariat exclusif jusqu’à aujourd’hui alors que parallèlement de réelles et crédibles alternatives voyaient le jour ?

Il est grand temps d’opposer au lobbying un certain bon sens citoyen. Je le dirai à mon député européen la prochaine fois que je le croiserai 🙂

Depuis 20 ans la Commission européenne achète du Microsoft sans concurrence

European Commission buys Microsoft for 20 years without competition

Mark Ballard – 15 août 2011 – ComputerWeekly.com
(Traduction Framalang : Goofy, ZeHiro, Pandark, Lolo le 13)

La Commission européenne achète des produits Microsoft depuis 1993 sans appel d’offre ouvert à la concurrence qui aurait pu proposer des alternatives, selon des documents transmis au magazine Computer Weekly.

Ces documents transmis au magazine Computer Weekly soulevent des questions quant à une politique d’achat qui a permis à un fournisseur unique de régner en maître pendant si longtemps en s’appuyant sur des exceptions législatives habituellement réservées à des circonstances extraordinaires.

Ils soulevent aussi des interrogations quant à la validité des explications officielles fournies par la Commission pour sécuriser ses accords commerciaux avec Microsoft, appelés « procédures négociées ». Le dernier en date, concerne l’acquisition pour environ 50 millions d’euros de licences logicielles pour les 36 000 PC et les infrastructures associées que comptent les 42 institutions européennes, y compris le Parlement Européen et la Cour de Justice.

Karsten Gerloff, président de la Free Software Foundation Europe, a dit que l’accord en cours avec Microsoft était une « honte » pour la Commission Européenne. « Il est effarant de constater que tous les accords passés entre la Commission et Microsoft depuis 1993 ont été conclus sans aucun appel d’offre public » a-t-il déclaré. « Il en résulte que la Commission Européenne est totalement dépendante d’un seul et unique fournisseur de logiciels pour ses outils de bureautique. Il est clair que les lois régulant les procédures d’achat de l’Europe doivent être rapidement mises à jour. Actuellement, celles-ci laissent bien trop de place aux accords négociés et anticoncurrentiels. »

« Ceci montre bien que le marché n’est ni juste ni égal », renchérit Paul Holt, directeur des ventes chez Canonical (NdT : Ceux qui distribuent Ubuntu). Il a ajouté que les accords que Microsoft a signé avec les institutions européennes empêchent celles-ci d’utiliser des standards ouverts qui permettraient de promouvoir la concurrence. Ainsi, Microsoft a pu imposer aux institutions européennes ses propres spécificités techniques.

Un porte-parole de Microsoft a affirmé que l’entreprise ne ferait pas de commentaires. « La Commission est le contractant et eux seuls décident de leur procédure d’achat » a-t-il dit.

Computer Weekly comprend toutefois que Microsoft s’appuie sur la ligne adoptée par le Directoire pour l’Informatique de la Commission Européenne (DIGIT) en réponse aux récentes questions des députés européens à propos de leurs contrats.

Maroš Šef?ovi?, le vice-président de la Commission et commissaire pour l’administration et les relations inter-institutionnelles, qui mène une réforme majeure des Technologies de l’Information et de la Communication dans la Commission Européenne, a déclaré aux députés européens que la Commission s’engageait dans la « promotion de l’interopérabilité » en utilisant des standards. Mais il a indiqué que ces standards pouvaient inclure ceux implémentés par les vendeurs de logiciels commerciaux. Il a démenti que la Commission ait été contrainte de se procurer des produits chez un unique fournisseur.

Le DIGIT affirma en 1992 qu’il était obligé de signer un arrangement privé avec Microsoft parce qu’aucune autre entreprise ne pouvait fournir le logiciel adéquat. Mais la justification officielle de la Commission pour cet arrangement demeure vague. Des procédures similairesen 1996 et 1999 confirment la position de Microsoft comme étant le seul fournisseur de systèmes d’exploitation et d’applications de bureautique pour la Commission.

Depuis 2003 cependant, la justification officielle de la Commission a évolué. La raison invoquée ici est qu’un logiciel alternatif impliquerait une incompatibilité technique et des migrations trop lourdes. Aiinsi il n’y a pas d’autre choix que de continuer à acheter du Microsoft.

La Commission a utilisé la même excuse d’incompatibilité pour justifier des achats sans concurrence avec Microsoft en 2007 et 2011. La justification contredit apparemment le discours de Šef?ovi? qui prétend que la Commission n’est pas pieds et poings liés à Microsoft, et qu’elle s’était engagée résolument dans la voie des standards interopérables.

Un porte-parole du DIGIT a déclaré que les directives concernant les achats de l’Union Européenne avaient changé plusieurs fois ces vingt dernières années, mais que les fournisseurs ont été choisis après une analyse approfondie du marché, des besoins des utilisateurs et du coût des achats.

« Il existe un grand nombre de procédures pour l’achat de biens et de services et tout choix particulier est dûment motivé et explicité. Il résulte d’une analyse poussée de la situation du marché, des besoins des utilisateurs et du coût total de l’acquisition. L’ensemble est mené dans un cadre qui a fait ses preuves, celui de la procédure Gestion des Technologies », a-t-il indiqué dans une déclaration écrite. Les décisions prises ont été soumises à un contrôle interne et sont conformes à la législation européenne.

Il a affirmé avec insistance que la Commission n’était pas contrainte à acheter des produits Microsoft : « Nous avons toujours dit clairement que ce n’était pas le cas, et que nous analysons en permanence les options offertes par le marché ».

Le dernier accord conclu en mai a assuré l’achat de licences pour que l’administration européenne puisse continuer à utiliser une gamme complète de logiciels Microsoft. Elle comprend les systèmes d’exploitation, la suite Office, le logiciel de gestion de base de données SQL Server Entreprise, des outils pour collaborer et gérer des projets ainsi qu’un volet sur la sécurité et le courrier électronique.

Mais Šef?ovi? a créé plusieurs comités de gestion des TIC qui n’ont toujours pas décidé si la Commission devait continuer à utiliser exclusivement des logiciels Microsoft. Ainsi on attend toujours la décision à prendre concernant la mise à niveau vers le système d’exploitation Windows 7, et ce neuf mois après avoir été soumise aux équipes dirigeantes.

Graham Taylor, directeur général d’Open Forum Europe, un groupe de pression activé par Google, IBM, Oracle et Red Hat, a déclaré qu’ils avaient abordé la procédure négociée avec « la plus extrême prudence », sans comprendre pourquoi la Commission l’avait utilisée pour empêcher la concurrence sur le marché du logiciel pour ordinateur de bureau.

Notes

[1] Crédit photo : Sébastien Bertrand (Creative Commons By)




Les brevets logiciels : une histoire de fous !

Kalidoskopika - CC by-sa« Les entreprises trouvent plus intéressant de gagner de l’argent en se faisant mutuellement des procès qu’en créant vraiment des produits. » Tel est le cinglant résumé de ce récent éditorial du Guardian qui prend appui sur l’actualité, dont le fameux rachat de Motorola par Google, pour nous livrer un constat aussi amer qu’objectif[1].

« Les brevets étaient censés protéger l’innovation. Maintenant ils menacent de l’étouffer. » Voilà où nous en sommes clairement maintenant.

Un nouvel exemple d’un monde qui ne tourne pas rond. Un nouvel exemple où le logiciel libre pourrait aider à améliorer grandement la situation si le paradigme et les mentalités voulaient bien évoluer.

Brevets logiciels : une histoire de fous

Software patents: foolish business

Éditorial du Guardian – 21 aout 2011 (Traduction Framalang : Goofy et Pandark)

Les entreprises trouvent plus intéressant de gagner de l’argent en se faisant mutuellement des procès qu’en créant vraiment des produits.

La plupart des gens comprennent les raisons et les arguments en faveur des brevets industriels. Ces derniers fournissent à un laboratoire pharmaceutique — qui a investi une fortune dans le développement d’un nouveau médicament — une sorte d’opportunité pour, pendant une période limitée, rentabiliser sa mise initiale avant que le reste du monde ne puisse en faire des versions moins chères. Mais les brevets logiciels, bien que semblables au plan juridique, sont très différents sur le plan pratique. Quand Google a racheté la division téléphone mobile de Motorola pour 12, 5 milliards de dollars la semaine dernière, l’événement a fait des vagues dans le commerce comme dans l’industrie, parce qu’il ne s’agissait pas d’acheter les mobiles de Motorola mais son portefeuille de plus de 17000 brevets logiciels, denrée devenue la poudre d’or de l’âge numérique.

Les brevets constituent une industrie qui brasse plusieurs milliards, et les entreprises trouvent plus intéressant de gagner de l’argent en se faisant des procès qu’en créant un produit. Jusqu’au milieu des années 90 l’industrie informatique — Microsoft compris — étaient opposée à cet abus de licences. essentiellement parce que l’industrie était suffisamment innovatrice pour pouvoir se passer de la protection des brevets, qui de toutes façons incluaient des avancées technologiques relativement ordinaires, considérées comme la routine du travail d’ingénieur.

Puis, la tentation entra en scène. Les juristes des entreprises prirent conscience qu’ils pouvaient poursuivre les autres pour infraction aux brevets souvent achetés par lots. Ils furent rejoints par des entreprises « troll », constituées dans l’unique but d’acheter des brevets et de faire des procès aux autres entreprises et aux développeurs, sachant pertinemment que la plupart accepteraient une transaction à l’amiable plutôt que d’affronter les coûts prohibitifs de leur défense juridique. Les entreprise qui étaient précédemment opposées aux brevets logiciels se sont aujourd’hui lancées dans la course à l’armement. Microsoft a accumulé un gigantesque arsenal de brevets et peut taxer un fabricant comme HTC à raison de 5 dollars par téléphone portable vendu — même si le système d’exploitation Android (développé par Google) utilisé sur les téléphones HTC est « open source » et supposé disponible pour tous. Avec des centaines, si ce n’est des milliers de brevets maintenant en jeu dans un téléphone mobile, il est pratiquement impossible de ne pas enfreindre un brevet d’une manière ou d’une autre. Dans le même temps Google, confronté au puissant aspirateur à brevet de ses rivaux, a été contraint de s’acheter son propre portefeuille en réaction d’auto-défense.

Les brevets étaient censés protéger l’innovation. Maintenant ils menacent de l’étouffer. De telles acquisitions peuvent entraîner les entreprises de technologies de l’information bien loin de leur cœur de métier. Une recherche universitaire menée par le Berkman Center for Internet and Society a montré que les brevets logiciels n’ont procuré aucun bénéfice à l’industrie du logiciel, et encore moins à la société dans son ensemble. C’est dramatique, car un grand nombre d’entreprises qui étaient auparavant opposées aux brevets logiciels se sont ralliées à ce système, rendant plus difficile de trouver une solution efficace. Une fois de plus les consommateurs sont vent debout contre les entreprises. Où sont les forces régulatrices quand on en a besoin ?

Notes

[1] Crédit photo : Kalidoskopika (Creative Commons By-Sa)