Le piège JavaScript par Richard Stallman

Wlappe - CC byVu le developpement croissant du cloud computing, il fallait bien que l’on se pose un jour quelques questions.

Le mois dernier Richard Stallman publiait un article autour des applications en ligne en général et du JavaScript en particulier, qui fit couler pas mal de bits dans la blogosphère.

Parce que des logiciels tels que Gmail ou Google Documents exportent non seulement nos données sur les serveurs qui hébergent les applications (ici les serveurs Google) mais exécutent au passage dans nos navigateurs du code qui ne donne pas, loin de là, les signes d’une totale liberté[1].

La débat est donc ouvert, avec en toile de fond la faible représentation actuelle des applications web véritablement libres.

Le piège JavaScript

The JavaScript Trap

Copyright © 2009 Richard Stallman – Licence Creative Commons By-Nd
(Traduction : Cédric Corazza – URL d’origine de la traduction)

Vous exécutez peut-être des programmes non-libres sur votre ordinateur chaque jour sans même vous en apercevoir — par l’intermédiaire de votre navigateur Web.

Dans la communauté du logiciel libre, l’idée que les programmes non-libres maltraitent leurs utilisateurs est familière. Certains d’entre-nous refusent totalement d’installer des logiciels propriétaires, et beaucoup d’autres considèrent que la non-liberté est une attaque contre le programme. Beaucoup d’utilisateurs sont conscients que ce problème s’applique aussi aux plugins que les navigateurs proposent d’installer, car ils peuvent être libres ou non-libres.

Mais les navigateurs exécutent d’autres programmes non-libres pour lesquels ils ne demandent pas votre avis — des programmes que contiennent des pages Web ou vers lesquels elles pointent. Ces programmes sont très souvent écrit en JavaScript, bien que d’autres langages puissent être utilisés.

JavaScript (dont le nom officiel est ECMAscript, mais peu de gens utilisent ce nom) était autrefois utilisé pour faire des effets frivoles, certes jolis mais non-essentiels à la navigation et aux fonctionnalités d’affichage. Il était acceptable de les considérer comme de pures extensions du langage de balises HTML, plutôt que comme de vrais logiciels ; ils ne représentaient pas un problème significatif.

Beaucoup de sites utilisent encore JavaScript de cette façon, mais certains l’utilisent pour des programmes conséquents réalisant des travaux importants. Par exemple, Google Docs télécharge sur votre machine un programme JavaScript qui pèse un demi megaoctet, dans une forme compactée que nous pourrions appeler Obscurscript car il n’y a aucun commentaire et très peu d’espaces, et les noms de méthode ne font qu’une lettre. Le code source d’un programme est la forme préférée pour le modifier ; le code compacté n’est pas du code source, et le vrai code source n’est pas disponible pour l’utilisateur.

Normalement, les navigateurs ne vous disent pas quand ils chargent des programmes JavaScript. La plupart des navigateurs ont un moyen de désactiver JavaScript totalement, mais aucun d’eux ne peut vérifier des programmes JavaScript qui ne sont pas triviaux et non-libres. Même si vous en êtes conscient, cela vous serait difficile d’identifier et bloquer ces programmes. Cependant, même au sein de la communauté du logiciel libre, la plupart des utilisateurs ne sont pas conscients de ce problème ; le silence des navigateurs tend à le dissimuler.

Il est possible de publier un programme JavaScript en tant que logiciel libre, en distribuant le code source sous une licence de logiciel libre. Mais même si le code source du programme est disponible, il n’existe pas de moyen facile d’exécuter votre version modifiée à la place de l’original. Les navigateurs libres actuels ne proposent pas de fonctionnalité permettant d’exécuter votre version modifiée à la place de celle délivrée par la page. L’effet est comparable à la Tivoisation bien que moins difficile à outrepasser.

JavaScript n’est pas le seul langage que les sites Web utilisent pour les programmes envoyés aux utilisateurs. Flash supporte la programmation par l’intermédiaire d’une variante étendue de JavaScript. Nous aurons besoin d’étudier le problème de Flash pour faire des recommandations appropriées. Silverlight semble créer un problème similaire à Flash, excepté qu’il est pire, car Microsoft l’utilise comme plateforme pour des codecs non-libres. Un remplacement libre de Silverlight ne ferait pas l’affaire pour le monde du libre, à moins qu’il ne propose des codecs de remplacement libres.

Les applets Java s’exécutent aussi dans le navigateur et soulèvent des problèmes similaires. En général, toute sorte d’applet système pose ce genre de problème. Avoir un environnement d’exécution libre pour une applet ne fait que repousser d’un cran le problème.

Un fort mouvement s’est développé qui appelle les sites Web à ne communiquer qu’avec des formats et des protocoles libres (certains disent « ouverts ») ; c’est-à-dire, dont la documentation est publiée et que chacun est libre de mettre en œuvre. Avec la présence de programmes dans les pages Web, ce critère est nécessaire mais pas suffisant. JavaScript lui-même, en tant que format, est libre et l’utilisation de JavaScript dans un site Web n’est pas nécessairement mauvaise. Cependant, comme nous l’avons vu plus tôt, ce n’est pas nécessairement bon. Quand le site transmet un programme à l’utilisateur, il n’est pas suffisant pour le programme d’être écrit dans un langage documenté et libre d’entraves ; ce programme doit être libre aussi. « Seule l’utilisation de programmes libres transmis aux utilisateurs » doit faire partie des critères satisfaisants pour un comportement correct des sites Web.

Le chargement et l’exécution silencieux de programmes non-libres est un des nombreux problèmes soulevés par les « applications Web ». Le terme « application Web » a été conçu pour ne pas tenir compte de la distinction fondamentale entre un logiciel délivré aux utilisateurs et un logiciel s’exécutant sur un serveur. Il peut faire référence à un programme client spécialisé qui s’exécute dans un navigateur ; il peut faire référence à un logiciel serveur spécialisé ; il peut faire référence à un programme client spécialisé qui travaille main dans la main avec un logiciel serveur spécialisé. Les côtés client et serveur soulèvent des problèmes éthiques différents, même s’ils sont si intimement intégrés que l’on pourrait dire qu’ils font partie d’un seul programme. Cet article ne traite que du problème logiciel côté client. Nous traiterons le problème du côté serveur séparément.

Pratiquement, comment pouvons-nous traiter le problème des programmes JavaScript non-libres dans les sites Web ? Voici un plan d’action.

D’abord, nous avons besoin d’un critère pratique pour les programmes JavaScript non-triviaux. Puisque « non-trivial » est une question d’interprétation, il s’agit de concevoir un critère simple qui donne de bons résultats, plutôt que de déterminer la réponse correcte.

Notre proposition est de considérer qu’un programme JavaScript est non-trivial s’il définit des méthodes et s’il charge un script externe ou s’il est chargé en tant que script externe, ou encore s’il fait une requête AJAX.

À la fin de cet article, nous proposons une convention par laquelle un programme JavaScript non-trivial dans une page Web, peut déclarer l’URL de l’emplacement de son code source ainsi que sa licence, en utilisant des commentaires stylés.

Enfin, nous avons besoin de modifier les navigateurs libres pour qu’ils supportent la liberté des utilisateurs de pages avec JavaScript. Tout d’abord, les navigateurs doivent être en mesure de prévenir les utilisateurs au sujet des programmes JavaScript non-libres plutôt que de les exécuter. Peut-être que NoScript pourrait être adapté pour faire cela.

Les utilisateurs de navigateur ont aussi besoin d’une fonctionnalité pratique pour indiquer le code JavaScript à utiliser à la place du JavaScript dans une page donnée. (Le code spécifié pourrait être un remplacement total, ou une version modifiée du programme JavaScript libre dans cette page). Greasemonkey est très proche d’arriver à réaliser cela, mais pas tout à fait, car il ne permet pas la modification du code JavaScript dans une page avant que le programme ne s’exécute. Utiliser un proxy local fonctionne, mais c’est trop peu pratique actuellement pour être une réelle solution. Nous avons besoin de construire une solution fiable et pratique, comme les changements dans les sites de partage. Le Projet GNU aimerait recommander les sites dédiés aux changements libres seulement.

Ces fonctionnalités permettront à un programme JavaScript inclus dans une page Web d’être réellement libre. JavaScript ne sera plus un obstacle particulier à notre liberté — pas plus que C et Java ne le sont maintenant. Nous serons capables de rejeter et même de remplacer les programmes JavaScript non-triviaux non-libres, tout comme nous avons rejeté et remplacé les paquetages non-libres pour les installations classiques. Notre campagne pour libérer le code JavaScript des sites Web peut alors commencer.

Merci à Matt Lee et John Resig pour leur aide pour la définition de notre proposition de critère.

Appendice : une convention pour publier des programmes JavaScript libres

Pour des références au code source correspondant, nous recommandons

 // @source: 

suivi de l’URL

Pour indiquer la licence du code JavaScript intégré dans la page, nous recommandons de mettre la notice de licence entre deux notes de cette forme :

 @licstart  The following is the entire license notice for the JavaScript code in this page. ... @licend  The above is the entire license notice for the JavaScript code in this page. Traduction : @licstart  Ce qui suit est la totalité de la notice de licence pour le code JavaScript de cette page. ... @licend  Ce qui précède est la totalité de la notice de licence pour le code JavaScript de cette page. 

Bien sûr, tout ceci doit être contenu dans un commentaire multiligne.

La GNU GPL, comme beaucoup de licences de logiciels libres, nécessite la distribution d’une copie de la licence avec les formes binaire et source du programme. Cependant, la GNU GPL est longue et l’inclure dans une page avec un programme JavaScript n’est pas pratique. Vous pouvez oublier ce prérequis, pour du code dont vous êtes le détenteur des droits d’auteur, avec une notice de licence comme ceci :

 Copyright (C) YYYY  Developer The JavaScript code in this page is free software: you can redistribute it and/or modify it under the terms of the GNU General Public License (GNU GPL) as published by the Free Software Foundation, either version 3 of the License, or (at your option) any later version.  The code is distributed WITHOUT ANY WARRANTY; without even the implied warranty of MERCHANTABILITY or FITNESS FOR A PARTICULAR PURPOSE.  See the GNU GPL for more details. As additional permission under GNU GPL version 3 section 7, you may distribute non-source (e.g., minimized or compacted) forms of that code without the copy of the GNU GPL normally required by section 4, provided you include this license notice and a URL through which recipients can access the Corresponding Source. Traduction : Copyright (C) YYYY  Développeur Le code JavaScript de cette page est un logiciel libre : vous pouvez le redistribuer et/ou le modifier selon les termes de la licence GNU General Public License (GNU GPL) telle que publiée par la Free Software Foundation, en version 3 de la licence, ou (à votre discrétion) toute version suivante. Le code est distribué SANS AUCUNE GARANTIE ; sans même la garantie implicite de MARCHANDABILITÉ ou d'ADÉQUATION À UN BUT PARTICULIER.  Consulter la GNU GPL pour plus de détails. En tant que permission supplémentaire selon les termes de la GNU GPL version 3 section 7, vous pouvez distribuer des formes « non-source  (par ex., minimisées ou compactées) de ce code sans la copie de la GNU GPL normalement requise par la section 4, attendu que vous incluez cette notice de licence et une URL par laquelle les destinataires peuvent accéder au code source correspondant. 

Notes

[1] Crédit photo : Wlappe (Creative Commons By)




Le YouTube Symphony Orchestra : c’est pas de l’Hadopi, c’est de la musique !

Vincent Boiteau - CC byArrêtons-nous le temps d’une journée de se montrer critique vis-à-vis du YouTube et sa maison-mère Google, pour évoquer, voire célébrer, l’initiative unique au monde que constitue le projet musical du YouTube Symphony Orchestra.

De quoi s’agit-il exactement ?

Il serait carrément abusif d’affirmer que le YouTube Symphony Orchestra est à la musique classique, ce que Linux est à l’informatique, mais il y a un peu de cela dans la mesure où nous avons affaire à un projet collaboratif d’envergure qui n’aurait pu être imaginé avant l’avènement d’Internet.

Petite présentation : « Nous avons contacté des musiciens professionnels, amateurs, de tous âges et tous lieux pour participer au YouTube Symphony Orchestra[1]. Pour auditionner, ils ont envoyé une vidéo dans laquelle ils interprétaient une composition musicale créée spécialement par le célèbre compositeur Tan Dun. Les finalistes sont sélectionnés par un panel composé de représentants des orchestres les plus célèbres au monde et de la communauté YouTube. Les gagnants seront invités à New York en avril 2009 pour participer au sommet du YouTube Symphony Orchestra et jouer au Carnegie Hall sous la direction de Michael Tilson Thomas. »

Nous sommes aujourd’hui à la veille de ce point d’orgue puisque la fameuse représentation aura lieu ce mercredi 15 avril.

Pourquoi avoir choisi d’en parler sur le Framablog, en traduisant ci-dessous un article dédié du Time, alors que certains y voient déjà un projet gadget où l’âme de la musique classique se dissout dans le marketing ?

Parce que comme le dit l’un des protagonistes « le sens de la musique, et peut-être même de la vie, est de créer et de tisser des liens entre les gens ». Nous voici d’un coup d’un seul assez loin du projet de loi Hadopi, non ?

Comment êtes-vous arrivés à Carnegie Hall ?

How Do You Get To Carnegie Hall?

Vivien Schweitzer – 9 avril 2009 – Time
(Traduction Framalang : Balzane)

Hannah Pauline Tarley, violoniste de 17 ans, arbore queue de cheval et sourire face à l’objectif. Elle joue l’ouverture d’un extrait de la Symphonie n°4 de Brahms, dodeline dans une chambre décorée d’autocollants et de posters des Beatles et du San Francisco Symphony Youth Orchestra.

Tarley s’est filmée elle-même dans sa chambre de Cupertino, Californie, à l’aide d’un ordinateur posé en équilibre sur une pile de volumes de l’Encyclopaedia Britannica. Elle est l’une des 3 000 musiciens amateurs et professionnels, originaires de pays allant des Bermudes à l’Azerbaïdjan, qui, en décembre et janvier, ont passé une audition vidéo pour intégrer le YouTube Symphony Orchestra. Cet ensemble singulier, le seul a avoir sélectionné ses membres exclusivement par Internet, fera sa première apparition le 15 avril au Carnegie Hall de New York lors d’un concert dirigé par Michael Tilson Thomas, directeur musical de l’Orchestre symphonique de San Francisco.

Le projet constitue une idée originale de Google. Il ambitionne à la fois d’encourager les communautés en ligne de la musique classique et d’asseoir la réputation de YouTube comme hébergeur de contenus de qualité. Après avoir imaginé le projet fin 2007, Google a contacté des musiciens et des ensembles de premier plan, comme l’Orchestre symphonique de Londres et Tilson Thomas, un pionnier des nouveaux médias dans son travail avec l’Orchestre de San Franscisco et du Nouveau Monde.

« La musique classique est souvent perçue comme un domaine conservateur et parfois même un peu élitiste, » déclare Ed Sanders, directeur marketing chez YouTube. Mais, à l’écouter, la réponse des professionnels du secteur fut résolument positive. Google prend en charge l’ensemble des frais, pour un montant que Sanders ne révèlera pas, y compris les visas et les dépenses de voyage pour les musiciens, originaires de 30 pays.

Les vidéos soumises par les musiciens les montraient en train de jouer des incontournables du répertoire, mais aussi un nouveau morceau composé pour l’occasion : The Internet Symphony No. 1 – « Eroica », de Tan Dun, compositeur de la bande originale du film Tigre et dragon.

Les musiciens des orchestres symphoniques de Londres, Berlin et New-York, entre autres ensembles, ont évalué les clips et sélectionné les 200 finalistes. Les vidéos ont ensuite été diffusées dans une section dédiée de YouTube en février. Les utilisateurs de YouTube pouvaient alors voter pour leurs favoris un peu comme pour la Nouvelle Star. Selon les organisateurs, depuis le lancement de YouTube.com/Symphony en décembre 2008, le site a enregistré selon les organisateurs plus de 14 millions de visites.

Composition d’un orchestre virtuel

Tilson Thomas, qui a validé la sélection finale pour le concert du 15 avril, affirme que le projet est « une façon d’élargir notre propre conception de la musique classique », un point qu’il souligne par un programme éclectique, composé d’œuvres de Bach, Mozart, Brahms, Villa-Lobos, John Cage, Tan Dun et du DJ Mason Bates. Tilson Thomas attend du projet qu’il montre à quel point le classique est essentiel pour des personnes de différents âges, nationalités, expériences et professions. Il espère aussi que les artistes apprendront à utiliser Internet et YouTube pour mieux se mettre en valeur, à l’exemple des écrivains en herbe qui se font connaître par leurs blogs.

Eric Moe, un trompettiste de 35 ans de Spokane dans l’État de Washington, a passé avec succès la sélection. Selon lui, ils est essentiel pour un musicien d’être à l’aise avec la technologie. Moe a filmé son audition dans une église ; il a effectué plusieurs essais avec différents PC portables et webcams avant d’obtenir une vidéo qui le satisfasse. Il compare le processus d’audition de YouTube avec une rencontre en ligne : vous ne savez pas si vous allez effectivement rencontrer la personne, ni comment elle est réellement.

Les gagnants ont déjà eu la chance de faire connaissance… virtuellement ! En plus de son audition, chaque gagnant postait une vidéo de présentation. Vêtue d’un kimono, Maki Takafuji, habitante de Kyoto, joue un court solo de marimba et parle de son éducation musicale. Jim Moffat, joue du cor et travaille en Angleterre dans le marketing technologique ; il se présente sur fond de London Bridge. Nina Perlove, une flûtiste de Cincinnati dans l’Ohio, commence sa vidéo en jouant un « New York, New York » inspiré. David France, violoniste et professeur à l’école de musique des Bermudes, salue ses spectateurs depuis une plage sableuse.

Rachel Hsieh, violoncelliste de 24 ans en master au conservatoire de Peabody, a filmé son audition dans son appartement de Baltimore. Elle considère le YouTube Symphony comme un moyen de toucher une audience plus large que les seuls amateurs de musique : « Beaucoup de personnes visitent YouTube, et ils y vont pour s’amuser. C’est vraiment facile pour eux de cliquer et de voir quelque chose de nouveau ».

Des Beethovens invisibles derrière YouTube

Nos musiciens YouTube vont eux aussi voir leur horizon élargi. Ils vont jouer avec des solistes de premier plan, comme le violoniste Gil Shaham. Le violoncelliste Yo-Yo Ma et le pianiste Lang Lang feront une apparition vidéo. Les musiciens vont répéter leur programme lors d’une rencontre de la musique classique à Carnegie Hall du 12 au 15 avril. Ils ont déjà eu la chance d’étudier le répertoire lors de master-classes en ligne organisées par des professionnels. Maxine Kwok-Adams, violoniste de l’orchestre symphonique de Londres, a ainsi donné quelques précieux conseils pour le morceau de Tan Dun.

Toutes les vidéos soumises dans le cadre de ce travail, objet d’un rare engouement des participants, seront assemblées en un montage diffusé le 15 avril, en parallèle avec le concert. Et le public sera autorisé à filmer le concert à Carnegie Hall. Où retrouver ces clips ? Sur YouTube ! Dans une interview sur le site du YouTube Symphony, Tan s’enthousiasme sur les possibilités offertes par Internet. « Il y a tant de Beethovens invisibles derrière YouTube », affirme-t-il.

Moe pense que « les orchestres doivent être attractifs et gagner de nouvelles audiences ». Pour lui, l’aspect le plus fascinant de l’orchestre YouTube est sa vision de la communauté. « Le sens de la musique, et peut-être même de la vie, est de créer et de tisser des liens entre les gens », dit-il. Chacun se demande si cela va marcher musicalement, mais cela constitue sans aucun doute, comme le relève Moe, « une expérience vraiment amusante ». Et pour les artistes, il n’y a rien à perdre. « Je suis content que quelqu’un règle la facture ! », concède Moe.

Pour les autres participants, certains bénéfices vont bien au-delà de la chance de pouvoir augmenter l’audience de la musique classique. Il y a sept ans, Hannah Tarley, l’adolescente californienne, avait demandé à avoir les oreilles percées. Sa mère lui avait répondu qu’elle lui autoriserait un piercing le jour où elle jouerait au Carnegie Hall. Le chemin passait alors par d’innombrables répétitions, mais le monde est un peu différent aujourd’hui. Hannah a joué, puis envoyé sa vidéo… et la voici au Carnegie Hall.

Notes

[1] Crédit photo : Vincent Boiteau (Creative Commons By)




J’ai mal à mon mail lu dans Thunderbird

Pandemia - CC byÀ Framasoft, nous sommes attachés au client de messagerie Thunderbird de la Fondation Mozilla. Ainsi nous lui avons consacré notre tout premier framabook et nous l’avons diffusé par centaine de milliers d’exemplaires via notre projet d’applications portables Framakey.

Mais comme nous l’expose ici Glyn Moody, Thunderbird[1] se trouve aujourd’hui dans la difficulté pour ne pas dire dans la tourmente.

Il y a tout d’abord des facteurs internes : Firefox privilégié par la Fondation, version 3.0 qui tarde à voir le jour (avec non intégration de l’agenda), etc. Il y a également des facteurs externes comme la concurrence des webmails dont en tout premier lieu Gmail. Mais il y a aussi et surtout une situation actuelle de plus en plus défavorable à la messagerie en général, tiraillée d’un côté par le spam et de l’autre par les nouveaux usages symbolisés par Facebook et Twitter. Jusqu’à se demander si le mail n’est pas en train de décliner voire de mourir !

Dans un tel contexte, peut-on encore sauver le soldat Thunderbird ? Telle est la question…

Comment peut-on sauver Thunderbird alors que le courrier électronique se meurt ?

How Can We Save Thunderbird Now Email is Dying?

Glyn Moody – 6 avril 2009 – ComputerWorld
(Traduction Framalang : Xavier, Yonnel et Goofy)

J’aime Thunderbird. Je l’utilise depuis des années, même si je l’utilise dorénavant davantage pour sauvegarder mon compte Gmail que comme client de messagerie principal. Il a toujours été considéré comme le Cendrillon de la famille Mozilla, délaissé par rapport à sa grande sœur beaucoup plus populaire qu’elle, Firefox.

La création de Mozilla Messaging, filiale de la fondation Mozilla signifie que des efforts ont été déjà consentis pour y remédier. Mais Thunderbird doit également faire face à un problème beaucoup plus sérieux.

Afin d’augmenter le nombre d’utilisateurs de Thunderbird à court terme, on peut décider d’un certain nombre de mesures. La plus simple consiste sans doute à encourager et promouvoir les extensions pour Thunderbird. Le système d’extension de Firefox est devenu un des arguments qui fait pencher la balance en sa faveur – et qui permet de ne pas être séduit par des nouveaux joujoux qui brillent comme Chromium/Chrome.

J’entends souvent des gens dire qu’ils ne pourraient pas vivre sans une extension particulière de Firefox mais je n’ai jamais entendu dire la même chose pour Thunderbird. Cela doit changer si le client courriel de Mozilla veut gagner la même place de choix – et la même cote d’amour – que son navigateur.

En outre, il reste beaucoup à faire pour le site SpreadThunderbird, qui est en coma dépassé. Une des principales raisons du succès de Firefox a été l’implication d’une communauté d’utilisateurs enthousiastes pour faciliter l’adoption du logiciel, notamment grâce au site SpreadFirefox.

Simplement, cela ne fonctionne pas avec Thunderbird. Il n’est donc pas étonnant qu’en termes d’adoption, il soit un ton en-dessous. Si l’Open Source nous a appris quelque chose, c’est que la communauté des utilisateurs est incroyablement créative et capable de multiplier les pains.

Il y a des choses relativement faciles à essayer. Cependant, Thunderbird doit faire face à un problème plus grave et pas si facile à résoudre. Le courrier électronique se meurt. Je vois de plus en plus de gens qui abandonnent leur boîte de courrier électronique en se débarrassant simplement de leurs messages.

C’est ce qui a contribué au fléau du spam, qui représente maintenant 94% du total des courriers envoyés, selon Postini, la filiale de Google. Résultat, une véritable « tragédie des biens communs » (NdT : c’est le titre d’un article de Garrett Hardin, paru dans le magazine Science en 1968), où quelques individus égoïstes exploitent et finissent par épuiser une ressource disponible pour tous.

Malheureusement, la bataille contre le spam a l’air d’être perdue ; même si des services comme Gmail offrent selon moi un filtrage extrêmement efficace, ils sont loin de remplacer un service de messagerie qui suppose que vous voulez lire tout ce qui vous est envoyé, parce que seules les personnes qui vous intéressent ont le droit de vous contacter.

Plus Facebook et Twitter seront répandus, plus on se tournera vers ces réseaux sélectifs pour communiquer. La conséquence sera le déclin du courrier électronique, qui deviendra un genre de décharge numérique, peuplée en grande partie par ceux qui sont trop pauvres, trop mal informés ou trop paresseux pour faire le pas, et par les parasites spammeurs qui leur tomberont dessus. Je n’imagine pas que Thunderbird veuille devenir le logiciel favoris des uns ou des autres.

Les gens se tournent de plus en plus vers Twitter, Facebook et LinkedIn pour s’envoyer des courriers électroniques. La raison en est simple. Contrairement au courrier électronique, ce sont des services qui permettent d’être contacté uniquement par les gens que vous choisissez.

Ceci implique que Thunderbird doit passer du client courriel à l’application de messagerie qui inclura ces nouvelles formes de communications sélectives. Il faut trouver un moyen d’intégrer les tweets, les messages Facebook, les flux RSS et tout le reste de ce qui apparaîtra ces quelques prochaines années, dans un flux de messages cohérents et où l’on puisse naviguer.

Je m’attends à ce que cela exige de Thunderbird des capacités considérables, afin d’être capable d’afficher des messages en les hiérarchisant selon leur provenance, par exemple en donnant la priorité aux messages directs de Twitter par rapport aux flux RSS. De même, cette approche suppose à la fois que le client de messagerie interprète les actions quotidiennes de l’utilisateur, et qu’il soit extrêmement modulaire, parce que chacun aura ses préférences et ses besoins dans la gestion du flot de messages qui lui est destiné.

Certains s’attaquent déjà à cette fusion des flux de messages, comme Flock ou TwitterGadget, mais ce ne sont que des esquisses. Mozilla doit consacrer beaucoup d’énergie – et peut-être beaucoup d’argent – à des recherches sur la façon dont les utilisateurs souhaiteront recevoir et transmettre des messages.

Qui plus est, c’est un vrai défi, et pas tant une simple remise à niveau qu’une réinvention complète de la signification de la messagerie, à l’époque de Facebook et Twitter. Et ce ne sera pas une opération unique, mais un processus continu, en fonction des nouveaux services, des nouvelles habitudes – sans parler des nouvelles vulnérabilités que l’on trouvera dans le système, et dont il faudra s’occuper.

Parmi les autres problèmes qui devront être résolus, on trouve les questions de standards : un tel regroupement de messages amènera sans doute de nouvelles approches techniques qui se cristalliseront bientôt en standards. La Fondation Mozilla a clairement un grand rôle à jouer, pour s’assurer que ces standards soient ouverts, et non confisqués par une entreprise ou un groupe d’entreprises.

C’est maintenant qu’il faut se mettre à prévoir l’évolution, plutôt que d’attendre et ensuite de réagir face aux initiatives des autres, qui ne se soucient peut-être pas autant du bien-être durable des biens communs du Net.

Voilà donc ce que je pense. Et vous, que pensez-vous que Thunderbird doive devenir ? Quelqu’un qui aimerait avoir votre avis, c’est Mark Surman, directeur exécutif de la fondation Mozilla. Il aura bientôt un entretien avec le responsable de Mozilla Messaging, David Ascher, à propos de l’avenir de Thunderbird, et m’a demandé de vous encourager à faire part de vos idées dans les commentaires.

Notes

[1] Crédit photo : Pandemia (Creative Commons By)




GroundOS : et si l’Hadopi faisait émerger le web 3.0 ?

Josef Grunig - CC by-saComme vous le savez, la loi Création et Internet a été votée en catimini par 16 gus dans un hémicycle. Je ne reviens pas sur le fait que cette loi pose de nombreux problèmes (démocratiques) et paradoxes (techniques). D’autres s’en sont déjà chargés.

Parmi les des effets de bord, il parait évident que cette loi va pousser l’internaute moyen vers des solutions de sécurisation de ses communications toujours plus poussées. On va voir se multiplier les réseaux chiffrés (bien), sans compter probablement les mails avec des groooosses pièces jointes (pas bien, mais inévitable).

Reste que tant qu’on reste sur du Minitel 2.0, on participe à un système où l’on ne contrôle pas ses propres données. Si je dépose une video sur Youtube, Youtube saura dire qui l’a déposée (adresse IP, email, date et heure précise). Et si je télécharge une vidéo depuis ce même site, non seulement Youtube, mais aussi mon fournisseur d’accès internet, et bientôt la Haute Autorité bidule[1] pourront me tomber sur le dos : « Ha, mon bon Monsieur, vous avez écouté une reprise de Petit Papa Noël par une enfant de 15 ans, ce qui lui aura couté 300 000€ d’amende. Mais vous, passez directement par la case courrier recommandé[2] avant qu’on ne vous coupe votre accès internet. Cela vous met au chômage technique ? Tant pis, fallait pas encourager la subversion et la contrefaçon. ». Bienvenue en Chine à Pionyang au Brésil.

Par contre, si j’héberge moi-même mes données, et si je les partage en les chiffrant, je reprends le contrôle de mes données.

Le problème, c’est que c’est quand même un « truc d’informaticien » de s’héberger soi-même. Si, si. Moi dont c’est le métier, quand je dis aux gens qui veulent quitter Gmail, Hotmail & co : « Prends-toi donc un hébergement à l’APINC ou chez Gandi, pour 15€ par an, tu seras tranquille ». Ce n’est pas le prix qui les arrête, mais le jargon, le nombre de pages de contrat, le fait de saisir un numéro de CB sur le web, etc.

Mais cela pourrait changer[3].

Prenez le buzz du moment : GroundOS.
Pour le dire rapidement, GroundOS est une application web qui vous permet de partager facilement votre musique, vos films, vos photos, vos documents (déposés dans groundOS ou rédigés directement dans groundOS, sur le principe de Google Docs).
En tant que tel, rien de bien nouveau, si ce n’est que ça a l’air particulièrement bien intégré (alors que pour arriver au même résultat aujourd’hui, il faut de nombreuses applications différentes). Et d’ailleurs, GroundOS n’est peut être qu’un « fake », on sera fixé le premier mai, mais peu importe.

En utilisant GroundOS (ou autre application similaire), j’héberge moi même mes données, je les partage avec qui je veux, et je les chiffre si je veux. Et je souhaite bien du courage à l’Hadopi pour savoir si ce qui transite dans mes tuyaux c’est le dernier album de Johnny, ou la vidéo de l’anniversaire de mon petit neveu.

Maintenant, il reste encore un problème : comment Tata Jeannine va-t-elle pouvoir utiliser GroundOS ? Certes, elle pourrait utiliser la version installée par son entreprise, par l’école de sa fille, ou par l’association du coin. Mais c’est remettre de la centralisation là où l’on veut décentraliser.
Elle pourrait aussi l’utiliser sous forme d’une WebApp ( de préférence made by Framasoft). Mais à l’extinction de son ordinateur, ce serait fermer le partage de données.

Reste une voie intéressante : celle des boxes internet.
Par exemple, on estime le nombre d’abonnés ADSL de Free à 3 500 000. Une grande partie d’entre eux ont une Freebox équipée d’un disque dur (qui sert notamment de magnétoscope). Imaginons que Free livre ses Freebox prééquipées d’un GroundOS (qu’on ne me dise pas qu’installer un serveur web sur des box internet est impossible). Pour le même prix, Tata Jeannine aurait : (Internet+téléphone+TV) + « son petit coin d’internet à elle ». Accessible facilement (tatajeannine.free.fr) 24h/24, 365 jours par an.

Évidemment, cela soulève des questions, notamment en terme de sécurité. Se faire hacker sa connexion internet, ce serait potentiellement donner accès à toute votre vie numérique. En terme technique, le premier geek poilu venu me rétorquera « en terme de QOS on a vu mieux », que le « MTBF des HDD des boxes c’est pas top », que « Free sapusaipalibre », que « le A de ADSL limite les usages », voire qu’il fait ça (de l’autohébergement) « depuis 6 ans avec un vieux 486 sous Debian planqué sous l’évier ».

Mais quand même. Là il s’agit de Tata Jeannine ! Et juste d’activer une fonctionnalité qui lui permettrait de partager facilement ses photos, d’écouter sa musique (achetée légalement) d’où qu’elle soit, de pouvoir blogguer sans pub sans craindre le dépôt de bilan de l’hébergeur, de pouvoir regarder la fin du film qu’elle a enregistré sur sa box à Lyon depuis sa maison de campagne à Sainte-Ménehould, de pouvoir stocker tout ou partie de son courrier sur sa MachinBox internet (plutôt qu’on ne sait où sur le web). Bref, d’avoir un petit bout d’internet comme on a un petit bout de jardin, plutôt que d’aller systématiquement au parc du coin. Et tout ça depuis son Firefox préféré.

Après l’ère de la diffusion de l’information, après celle de la participation, peut être allons nous vers celle de la décentralisation ?

Ou, autrement formulé, « et si on redonnait internet aux internautes ? »

Notes

[1] C’est à dire Vivendi & co – qui nous aura plus ou moins forcé à installer leur logiciel espion puisque si je refuse d’être observé en permanence, c’est donc que je suis coupable !

[2] Ben oui, je ne lis pas les mails de mon FAI.

[3] Crédit photo : Josef Grunig (Creative Commons By-Sa)




Doit-on vendre son âme pour télécharger de la musique ?

Littledan77 - CC byVoilà. Le projet de loi Création et Internet a été adopté hier. Mais c’est une véritable victoire à la Pyrrhus pour le gouvernement et ceux qui l’ont soutenu.

Il existait déjà une fracture numérique sociale, il y aura désormais une fracture numérique « sociétale » profonde et durable entre ceux qui ont soutenu le projet de loi et ceux qui s’y sont opposés[1].

De quel coté se trouve notre ami Cory Doctorow, dont nos vous proposons ci-dessous une nouvelle et intéressante traduction ?

Connaître par avance la réponse ne vous dispense nullement de la lecture 😉

On ne devrait pas être obligé de vendre son âme pour télécharger de la musique

You shouldn’t have to sell your soul just to download some music

Cory Doctorow – 26 février 2009 – The Guardian
(Traduction Framalang : Poupoul2, Yonnel et Don Rico)

Les activités délimitées par les accords de licence de téléchargement vont du ridicule au douteux.

Voici l’accord de licence le plus court, le plus juste et le plus simple qui puisse exister : « N’enfreignez pas le droit d’auteur ». Si cela ne tenait qu’à moi, chaque œuvre numérique proposée au téléchargement, qu’il s’agisse de musique sur iTunes ou sur la plateforme de vente de MP3 d’Amazon, de livres électroniques pour le Kindle et le Reader de Sony, ou encore de jeux pour une console, porterait cette mention – et cette mention seule – en guise d’accord de licence.

« N’enfreignez pas le droit d’auteur » est une mention qui présente de nombreux avantages, mais son meilleur atout, c’est ce qu’elle explique à l’acheteur, à savoir : « On ne va pas vous entuber ».

La guerre du copyright a parfois eu de drôles de conséquences, mais la plus loufoque, à mon sens, a été la campagne menée par l’industrie du disque afin que l’on éduque davantage la population au problème de copyright sous prétexte que les jeunes gens grandissaient sans la sensibilité morale nécessaire pour devenir des citoyens responsables.

Les mêmes entreprises qui depuis des décennies expliquaient aux législateurs qu’ils ne voulaient surtout pas être les gardiens de la morale des jeunes – et qu’on ne pouvait les juger responsables de la culture « sex, drugs & rock’n’roll », du gangsta-rap et des raves où abondait la drogue – ont opéré un virage à 180 degrés et se sont mises à dénoncer à qui mieux mieux l’influence néfaste du téléchargement sur nos chères têtes blondes.

Bon, ils n’avaient pas tout faux : le fait que les ados – et un paquet d’adultes — ne voient pas de mal à mettre à genoux les maisons de disques est certainement une mauvaise nouvelle pour les maisons de disques. Aux débuts de Napster, voici quel était le sentiment général : les maisons de disques méritaient de crever pour nous avoir imposé leurs boys-bands en boîte, pour avoir cessé de vendre des singles, saccagé le catalogue, s’être entendu sur la fixation du prix des CDs, et enfin pour les contrats notoirement scandaleux qu’ils faisaient signer aux artistes.

Puis vinrent les DRM, les procès (d’abord contre ceux qui fournissaient les outils, tel Napster, puis contre des dizaines de milliers d’amateurs de musique), puis l’utilisation de programmes malveillants pour combattre la copie, le vote de lois inéquitables, la destruction des radios Internet. Petit à petit, les maisons de disque ont rendu légitimes les attaques à leur encontre (les studios de cinéma, les diffuseurs, les éditeurs de livres électroniques et les entreprises de jeux vidéo n’étaient pas en reste). À mesure qu’ils luttaient pour la défense du copyright, démolir l’industrie du divertissement devenait de plus en plus tentant.

Dix ans plus tard, l’industrie du disque a finalement repris la production de singles, et il semblerait qu’on soit revenu à un semblant de concurrence pour les prix (les contrats imposés aux artistes et l’existence de boys-bands figurent toujours dans la colonne des points négatifs, bien sûr). Ils se sont même débarrassés des DRM pour la majorité des ventes de musique, et le catalogue est bien plus fourni qu’à l’époque on l’on achetait sa musique dans un magasin de disques.

Et voilà ce qu’on nous serine, à présent : « Vous avez eu ce que vous vouliez, vous nous avez mis à genoux. Arrêtez donc de nous dépouiller et recommencez à acheter de la musique… c’est un marché équitable ». Mais il suffit d’étudier leur discours de plus près pour se rendre compte de ce qu’il cache : encore un appât pour nous attirer dans un autre piège.

Le piège, c’est cette saleté d’accord utilisateur. Dans les quelques magasins de disques qui restent, il n’y aucun employé posté à côté de la caisse pour déclamer « En achetant ce support musical, vous acceptez les termes et conditions suivantes », avant de déballer une liste interminable de droits auxquels vous renoncez pour avoir eu la témérité de payer la musique que vous écoutez au lieu de la télécharger.

Si leur laïus pour le téléchargement évoque « un accord équitable », alors cet accord doit l’être vraiment. Les activités circonscrites par ces accords de licence vont du ridicule au douteux, alors que toute personne sensée pourrait à mon sens estimer qu’il n’est pas équitable de vendre ou de louer sa collection de musique numérique.

Mais il n’appartient pas à l’industrie du divertissement de me dire ce que sont ou pas des conditions de vente équitables pour mes téléchargements. Si prêter un MP3 devait être illégal, qu’ils fassent voter une loi en ce sens (apparemment, ils sont très doués pour cela – le fait qu’ils n’y soient pas encore parvenu en dit long sur l’aspect aberrant de la proposition). L’accord de licence inéquitable et arbitraire tapi derrière la mention « Cochez cette case pour indiquer que vous avez lu et accepté nos termes de service » représente une vision du processus d’achat d’industriels qui prennent leurs désirs pour des réalités (voire qui se bercent d’illusions).

Si l’on veut nous rebattre les oreilles qu’il s’agit « d’un accord équitable », alors le CLUF devrait être le suivant : « Vous êtes autorisé à faire ce que bon vous semble de ce produit, à la seule condition de ne pas enfreindre la loi ».

Non pas « Toi qui achètes ici, abandonne tout espoir » (NdT : Référence à la Divine comédie de Dante).

Notes

[1] Crédit photo : Littledan77 (Creative Commons By)




Google attendra pour attirer nos enfants dans sa Toile

Kit Pédagogique - Extrait - Google - ChercheNet« On souhaite que les élèves soient initiés à Internet le plus tôt possible pour apprendre la maîtrise de ses risques et de ses dérives (…) Ce travail de sensibilisation est absolument indispensable. »

C’est, d’après l’AFP, ce qu’a déclaré le ministre Xavier Darcos, le 24 mars dernier, en visite au collège Françoise-Giroud de Vincennes lors du lancement officiel du jeu « ChercheNet », destiné aux collégiens français.

Et si les « risques » et les « dérives » se cachaient jusqu’à l’intérieur même de cette initiative censée « apprendre à les maitriser » ?

C’est la question que pose ce billet d’un blog qui critique assez souvent la forte influence de Microsoft à l’Éducation Nationale pour ne pas s’émouvoir ce qui vient de se produire ici avec l’un de ses principaux concurrents, à savoir Google.

Une louable intention

Voici comment le jeu « ChercheNet » est présenté sur le site du ministère :

Afin d’aider les élèves à maîtriser Internet et les outils de communication numérique en toute sécurité, le ministère de l’Éducation nationale soutient le jeu « ChercheNet » initié par Google et mis en œuvre par Calysto, spécialiste de la pédagogie Internet en milieu scolaire. « ChercheNet » est un concours pédagogique proposé aux collégiens de sixième et de cinquième dont le terrain de jeu est l’internet. Tout en résolvant des énigmes autour du thème de l’écologie et du développement durable, les collégiens apprendront les bons usages des outils du web 2.0.

Retenons déjà, la nuance a son importance, que c’est le ministère qui « soutient ce jeu initié par Google » et non l’inverse.

Toujours est-il que l’intention est louable, surtout si l’on s’en réfère au communiqué de presse commun à Google et Calysto :

La recherche d’information et la communication avec les réseaux sociaux sont les deux usages les plus répandus sur Internet. Le développement du « web 2.0 » a permis aux internautes, y compris les plus jeunes, de devenir eux-mêmes des créateurs de contenu. L’usage d’Internet est aujourd’hui généralisé à tous les publics, ce qui implique que nous soyons mieux formés à ses usages.
C’est dans ce but précis que le jeu pédagogique ChercheNet a été conçu : développer par le jeu une vigilance collective (professeurs, parents, élèves) sur tous les usages d’internet pour un développement durable d’Internet.

Le jeu fonctionne sur le principe d’un jeu-concours. Les élèves devront répondre à une série d’énigmes sur le développement durable (biodiversité, eau, énergie, déchets, etc.)

Les différentes étapes du jeu amènent les élèves à développer un comportement « web-citoyen » pour rédiger un blog collectif :
— Préparer un travail, une recherche sur Internet, en respectant les droits de propriété intellectuelle
— Rechercher efficacement en vérifiant les sources d’information
— Apprendre à protéger sa vie privée et celle des autres sur les réseaux sociaux ou les blogs
— Apprendre à s’appliquer, à rédiger, « même sur Internet » et mettre de côté le « langage SMS »

Difficile de ne pas agréer à la démarche. On notera que l’on entrechoque le développement durable en tant que tel avec un « développement durable d’Internet » qui reste à définir.

Sur le jeu proprement dit, je n’ai aucune information à vous apporter puisqu’il faut s’inscrire et que les premières énigmes arriveront courant avril. Il en va autrement pour le « Kit pédagogique » accompagnant ce jeu, mis initialement à disposition sur le site de l’opération par Calysto et… retiré aussitôt après dans la foulée !

Un très éphémère « Kit pédagogique » !

ChercheNet - Copie d'écranPas plus tard qu’il y a deux jours, lorsque vous vous rendiez sur le page « Pour vous aider » du site « Cherchenet », vous aviez la possibilité de télécharger un « Kit pédagogique » ainsi défini (voir la copie d’écran que nous avons conservé en cliquant sur l’image ci-contre) : « Véritable mode d’emploi des outils du numérique, vos élèves en auront besoin pour résoudre les énigmes en respectant les règles et usages liés à l’Internet. »

Aujourd’hui sur la même page, il n’y a plus rien à télécharger directement. Le « Kit pédagogique » a fait place à un « Kit pratique d’outils numériques » et sa formulation est elle aussi sensiblement différente : « Véritable mode d’emploi d’outils du numérique (recherche, géolocalisation,…), vous pourrez l’utiliser afin que vos élèves apprennent quelques astuces pour mieux se servir d’outils du web et pour mieux respecter les règles et usages liés à l’Internet. Le kit pratique est disponible et vous sera envoyé par courriel par simple demande adressée à… »

Il n’est plus question de mise à disposition d’un Kit qui a perdu son qualificatif « pédagogique ». Les élèves n’en ont d’ailleurs plus « besoin », tout au plus son remplaçant pourra leur faire apprendre « quelques astuces »… Une posture plus modeste est soudainement adoptée.

Mais que contenait donc ce « Kit pédagogique » pour mériter une si courte apparition publique ?

« Kit pédagogique » ou « Google everywhere » ?

Kit Pédagogique - Sommaire - Google - ChercheNetNous avons juste eu le temps de conserver une copie du fameux document. Et nous vous invitons à en parcourir sa dizaine de pages pour… tout de suite comprendre où le bât blesse !

Le sommaire nous avait prévenu (image ci-contre cliquable), mais moteur de recherche (simple ou avancé), moteur d’images, Google Maps, Google Earth, Picasa, Google Traduction, Google Document, Google Agenda, Blogger… n’en jetez plus. C’est pas compliqué, il n’y en a que pour Google dont quasiment toute la panoplie est passée en revue !

À la trappe les réseaux sociaux web 2.0 de type Facebook, les blogs a la sauce Skyblog, les outils de travail en ligne comme tels ceux de Windows Live, sans oublier ce drôle de site souvent utile en situation de recherche qu’est Wikipédia. Et pour l’anecdote, toutes les copies d’écran ont été réalisées sous Mac OS X.

Il y a bien sûr de pertinents et bienvenus conseils qui parsèment le Kit (avec mention, page 7, des licences Creative Commons et Art Libre) mais impossible de se décoller de l’impression générale tenace d’avoir à faire à une sorte de publi-information de Google.

Et mis à part le moteur de recherche, que faut-il faire pour bénéficier de tous ces merveilleux services ? Je vous le donne en mille, il faut posséder un compte Google, ce qui est bien spécifié en page 8 du kit :

Google ce n’est pas seulement un moteur de recherche, tu peux accéder aussi à pleins de services gratuits : tu peux localiser un lieu sur une carte, retoucher des photos, envoyer des mails, gérer ton emploi du temps… Si tu veux utiliser ces outils, c’est gratuit, simple et rapide ! Un seul compte te permettra d’accéder à tous les outils Google. Tu dois remplir le formulaire en suivant les instructions et cliquer sur le bouton « j’accepte créer un compte ».

Un mail te sera envoyé à l’adresse spécifiée lors de la création de ton compte. Pour valider ton inscription, tu devras cliquer sur le lien présent dans ce mail.

Rappelons-nous le libellé initial du Kit sur le site ChercheNet : « Véritable mode d’emploi des outils du numérique, vos élèves en auront besoin pour résoudre les énigmes en respectant les règles et usages liés à l’Internet. » Je me demande si il n’aurait pas été plus sincère de dire « Véritable mode d’emploi des outils Google, vos élèves auront besoin d’un compte Google pour résoudre les énigmes en respectant les règles et usages liés à l’Internet. ». C’eut été plus sincère mais plus problématique et surtout moins… pédagogique !

Et le problème c’est que l’emprise de Google sur le réseau est telle que l’entreprise est parfois surnommée le « Big Brother d’Internet », en référence au fait qu’elle possède de très nombreuses informations personnelles sur nos comportements numériques, informations décuplées à partir du moment où vous prenez un compte chez eux justement.

Du coup il y a un léger paradoxe à vouloir sensibiliser nos jeunes à « développer une vigilance collective » et « apprendre à protéger sa vie privée » (via un jeu « web-citoyen » soutenu par le ministère), tout en incitant plus que fortement à se créer un compte chez Google !

Google s’en défend ainsi dans les colonnes du Monde : « C’est le constat d’une réalité : nos outils sont les plus utilisés. Nous prenons nos responsabilités pour que leur usage soit sans risque et responsable. Si nous ne faisions rien à ce propos, on nous critiquerait. » Ce n’est pas autrement que s’exprimerait un Thierry de Vulpillières pour justifier de l‘activisme de Microsoft à l’école.

Et pour ce qui concerne Calysto, dans les mêmes colonnes : « Les outils sont libres, Google n’est qu’un simple sponsor. » Ben dites-moi… curieux de savoir ce que cela aurait bien pu donner si Google avait été plus qu’un « simple sponsor » ! On dirait le Café Pédagogique nous expliquant d’aplomb que Microsoft n’est qu’un simple sponsor de leur Forum des enseignants innovants.

Quant aux outils qui seraient « libres », c’est justement l’objet du prochain paragraphe.

Et le logiciel libre dans tout ça ?

Kit Pédagogique - Picasa - Google - ChercheNetJe ne sais pas très bien ce que Calysto entend par « outils libres » mais je n’ai pas été tout à fait honnête lorsque j’ai pu dire plus haut qu’il n’y en avait que pour Google.

En effet, on trouve trace du logiciel libre dans le « Kit pédagogique ». Mais réelle volonté de le promouvoir au sein de l’Éducation Nationale ou alibi pratique pour faire passer la pilule ? Les deux mon Capitaine. Un peu comme, chose curieuse, la politique globale et générale de Google vis-à-vis de « l’Open Source »…

Les premières (et sibyllines) références arrivent page 12/13 et 18/19. La page 12/13 est complètement dédiée au logiciel de retouche d’image Picasa. Mais tout en bas, on peut lire (avec la loupe qui nous accompagne dans tout le Kit) la chose suivante : « Logiciels libres : Gimb, Artweaver ». Et… c’est tout ! Aucune explication, aucun lien cliquable, bref cela arrive comme un cheveu sur la soupe. Et puis, pour votre gouverne, on ne dit pas « Gimb » mais GIMP, tandis que Artweaver est sûrement un bon logiciel mais il n’est tout simplement pas libre.

Kit Pédagogique - Logiciel Libre - Google - ChercheNetRebelote en page 18/19 entièrement consacrée au moteur de blog Blogger, avec un « Logiciels libres : Dot clear, WordPress… ». C’est mieux cette fois-ci mais on n’arrive toujours pas à atteindre la perfection puisqu’on écrit Dotclear et non « Dot clear » 😉

Dans le même style minimaliste, on aurait pu s’attendre à ce que la suite bureautique libre OpenOffice.org soit évoquée en bas de l’article sur Google Document (page 15/16). Une autre fois sans doute.

Mais il y a surtout la totalité de la page 20 titrée « Qu’est-ce qu’un logiciel libre ? ». Il s’agit certes de la dernière page du Kit mais il y a de quoi se réjouir a priori. Sauf que la teneur de l’exposé m’a laissé parfois un peu perplexe, quand bien même nous connaissons tous la difficulté à vulgariser la notion de logiciel libre.

Pour comprendre ce qu’est un logiciel libre, il te faut avant tout connaître la signification du terme logiciel ; il s’agit d’un ensemble de programmes qui permet d’effectuer une tache particulière (par exemple le traitement de texte, la retouche de photo, …). Les logiciels sont soumis à des licences d’utilisation, qu’il faut très souvent acheter.

L’expression « logiciel libre », traduite de l’anglais free software, fait référence à la « liberté d’expression » et non pas au prix. C’est pourquoi ils sont souvent téléchargeables gratuitement sur l’Internet et peuvent être copiés légalement par tous.
Le logiciel libre s’oppose au logiciel dit propriétaire, qui ne fournit pas les éléments pour le modiier et ne permet pas de le partager. En revanche, le logiciel libre garantit un certain nombre de libertés à ses utilisateurs : la liberté de l’utiliser pour quelque usage que ce soit, celle d’en redistribuer des copies et enfin la liberté de le modifier et de rendre publiques les modifications.

Soit. C’est un peu emberlificoté tout ça (et c’est plutôt dommage de passer sous silence l’aspect mouvement social du logiciel libre, cher à Richard Stallman) mais ça se termine plutôt bien. Quant à la suite, attention, c’est un beau nid de trolls :

Quels sont les autres avantages d’un logiciel libre ?

Il est plus fiable car moins vulnérable aux virus et aux failles de sécurité. En effet, comme beaucoup de monde a accès à ce type de logiciel, les erreurs sont corrigées plus vite ! De plus ils produisent des fichiers dans des formats dits ouverts, utilisables plus longtemps qu’avec des formats fermés, et sont moins gourmands en énergie et en ressources pour ton ordinateur que leurs équivalents propriétaires.

Je suis bien entendu plutôt d’accord mais comme dirait Wikipédia : « référence demandées ». C’est un peu brutal et péremptoire de présenter les choses ainsi. Les défenseurs du logiciel propriétaire apprécieront !

Et puis, si ces logiciels libres ont tant de vertus, pourquoi Google ne s’est-il pas donné la peine de « libérer » Picasa et Blogger au moment de leur rachat ?

On notera que ce texte porte en quelque sorte la « caution » de Frédéric Couchet de l’April puisqu’on le remercie personnellement en bas de page (je l’attends dans les commentaires !). On notera enfin que Framasoft est également cité, avec là encore une URL explicite mais non cliquable.

Où les trouver ?

Tu peux télécharger de nombreux logiciels libres sur www.framasoft.net, un des annuaires les plus complets de logiciels compatibles avec les PC. Mais tu peux aussi les acheter dans certains grands magasins !

Vous nous voyez fiers et honorés, mais j’ai un peu de mal à m’imaginer un élève de sixième cinquième se rendre sur Framasoft à la suite de la lecture de ce Kit. Tout comme j’ai du mal à m’imaginer ce que l’élève et son professeur pourront bien retenir du logiciel libre au sortir du Kit.

Et plus généralement j’ai un peu de mal à faire la corrélation directe entre le contenu du Kit et sa présentation (que je rappelle une dernière fois) : « Véritable mode d’emploi des outils du numérique, vos élèves en auront besoin pour résoudre les énigmes en respectant les règles et usages liés à l’Internet. »

Quelles que soient les qualités des services de la société américaine (j’en consomme abondamment), c’est bien plus d’un « Kit Google » que d’un « Kit pédagogique » dont il s’agit ici.

Voilà une étonnante maladresse de la part d’un Calysto (qui se targue d’être un « spécialiste de la pédagogie Internet en milieu scolaire ») mais surtout d’un Google qui nous avait habitué à un marketing moins trivial. Ont-ils vraiment pensé que ce Kit allait tranquillement passer comme une lettre à la poste ? Bien que ce ne fut heureusement pas le cas ici, cela en dit long sur l’état actuel de notre passivité vis-à-vis de la marchandisation de l’école.

Un ministère embarrassé (mais réactif)

On comprendra alors fort bien que lorsque le ministère s’est penché sur ce Kit (aidé en cela par les premiers articles parus dans la presse comme celui du Monde) il ait vraisemblablement un peu « tiqué », quand bien même au départ il affirmait serein que « s’il était obligatoire d’utiliser Google, il n’aurait pas autorisé l’opération » (même source). Soutien à un projet pour « apprendre à maîtriser Internet et les outils du numérique », oui. Soutien aux services Google aboutissant à la création de comptes Google en masse chez les 11/12 ans, non. D’autant plus que Xavier Darcos en personne s’est déplacé pour inaugurer le projet !

Premier petit aparté.
Il faut dire aussi que si le ministère avait été réellement capable de nous offrir des ENT cohérents et mutualisés dignes de ce nom, les élèves auraient certainement moins « besoin » d’utiliser les services Google (à commencer par le très riche Google Apps Education).
Fin du premier petit aparté.

Second petit aparté.
Et si le ministère faisait confiance aux enseignants pour produire ce genre de supports plutôt que confier cela à une société commerciale « spécialiste de la pédagogie Internet en milieu scolaire » ? On mesure ici le haut degré de confiance accordé à son personnel dont c’est pourtant le métier !
Fin du second petit aparté.

Toujours est-il que Calysto et Google France ont dû se faire gentiment tirer les oreilles, avec pour conséquence la réactualisation de notre article du Monde :

Le mardi 23 mars, le ministère de l’Éducation a demandé à son partenaire de retirer le kit pédagogique du jeu ChercheNet. Le ministère a expliqué "ne pas souhaiter que Google soit aussi fortement mis en avant sur ce document destiné aux professeurs et aux élèves". Un nouveau livret sera mis en ligne prochainement.

Prière de revoir sa copie donc, ce qui apparaît être une sage décision.

Nous attendons avec impatience la deuxième version revue et corrigée, et Framasoft se tient à l’entière disposition de Calysto et Google France si jamais ils souhaitent nous impliquer dans cette nouvelle mouture (pourquoi pas, après tout, puisque nous y sommes nous aussi dans ce premier Kit).

Money, money, money !

Sage décision donc, mais qui ne doit pas occulter le rôle et la responsabilité du ministère dans toute cette petite affaire (source ReadWriteWeb) :

Éduquer au plus vite au « réflexe » Google, c’est pouvoir être sûr de garder 70% de part de marché mondiales et donc continuer à faire tourner à fond la machine AdWords et AdSense. Tout cela parait de bonne guerre, mais pose question quand à la présente aussi forte d’une marque dans un programme pédagogique soutenu par l’Éducation Nationale.

Et surtout, interroge quant à la capacité de cette dernière à fournir des programmes sensibilisant aux nouvelles technologies en adéquation avec les besoins et savoirs des élèves. La vénérable institution serait-elle aussi dépassée sur ce point, quitte à devoir se raccrocher officiellement à une initiative extérieure ?

Un ministère qu’on aimerait voir faire preuve de la même promptitude vis-à-vis de l’entrisme de Microsoft à l’école (abondamment développé sur ce blog). Parce que c’est exactement la même logique qui opère lorsque sous couvert « d’accompagner l’initiation de vos élèves ou de vos enfants au B2i », on propose, sur un site du service public, des vidéos qui sont à la limite de la publicité déguisée pour la suite bureautique MS Office de Microsoft.

Hier Microsoft, aujourd’hui Google avec ce vrai faux « Kit pédagogique »… nous n’avons décidément pas fini de relater les relations complexes entre l’école et ces multinationales qui ne souhaitent que le bien de nos enfants (quand bien même il y ait étrangement à chaque fois des effets collatéraux bénéficiant au généreux sponsor).

Quant au logiciel libre, il n’est que trop rarement convié à la fête. Il faut dire que tant que l’époque privilégiera les fêtes privées et payantes, et ce jusqu’à l’intérieur même du sanctuaire scolaire, la situation n’aura guère de chance d’évoluer…




Framakey WebApps : du nouveau dans les applications portables

Framakey 1.9 - InterfaceIl y a un mois presque jour pour jour, je me mettais la pression vous annonçait quel devraient être les prochaines étapes pour la Framakey en 2009. Faisons donc un rapide bilan.

Le portail d’applications portables est bien plus à jour (sauf la partie jeux). Certes, certaines applications ne sont pas disponibles dans leurs toutes dernières versions, mais normalement aucune version majeure ou corrigeant des failles de sécurité n’a été oubliée. Pour les accrocs aux toutes dernières versions, je vous renvoie plutôt vers nos amis de PortableApps.com, dont la communauté (anglophone) est bien plus importante, et par conséquent plus réactive.

La Framakey 1.9 est bien sortie (et dans les temps, s’il vous plait !). Une version 1.10 est d’ailleurs en préparation, corrigeant quelques bugs mineurs. La nouvelle interface (cliquez sur l’image ci-dessus), inspirée de la Xandros équipant les eeePC, semble plaire à beaucoup d’entre vous (rappelons au passage qu’elle tourne simplement avec du Firefox+Jquery+HTML+CSS).

N’ayant pas trouvé d’équivalent libre, j’ai développé (très rapidement, en utilisant une méthode de développement agile intitulée La Rache) un petit outil pour tester la rapidité en écriture des clés USB sous Windows. En effet, les taux constructeurs sont des moyennes, or la vitesse des clés USB est extrêmement variable suivant la taille des fichiers. Ainsi, la même clé peut faire du 2Mo/s sur des fichiers de 10Mo, et un pitoyable 2Kos pour des fichiers de 1Ko. Framakey Drive Benchmark vous permet donc de tester votre clé suivant la taille des fichiers, et vous fournit même un temps approximatif d’installation de la Framakey (25mn pour certaines clés, et 6H pour d’autres…). Alors toi aussi vient jouer à qui à la plus rapide en testant (Licence GPL, version bêta, toussa) Framakey Drive Benchmark.

Mais surtout, une bonne partie de ce rafraichissant mois de mars aura été consacré au développement d’un nouveau type d’applications portables : les WebApps.

Is it a plane? Is it a bird? No! It’s a WebApp!

Vous je ne sais pas, mais moi ça m’arrive souvent : un ami (souvent une amie, d’ailleurs, sans faire dans le sexisme ou la misogynie), sachant que vous vous y connaissez en « tous ces trucs d’internet » vous appelle (de préférence à un moment ou vous étiez hyper concentré dans une partie de Frozen Bubble) pour vous dire « Dis, il y a quelques jours, tu m’as parlé des Wikis. Là je viens d’en télécharger un pour voir à quoi ça ressemblait, mais il se passe rien quand je double-clique sur index.php. C’est nul, tes trucs-libres-qui-marchent-pas ! ».

Vous êtes alors devant un choix cornélien : prendre une voix de répondeur et dire que vous êtes parti pour 15 jours en vacances et que vous rappellerez dès que possible. Ou partir dans 2 heures d’explications techniques sur les technologies clients-serveurs et faire par téléphone du support technique sur l’installation d’EasyPHP (ou WAMP, ou XAMP, ou …). Et pas question de vous en tirer avec un « T’as qu’à cocher Apache PHP et MySQL et PHP dans Synaptic » puisqu’il parait que ça n’existe pas encore sous Windows (mais je vous assure qu’à Framasoft, on y travaille…).

Bref, installer une application web comme SPIP, Drupal, Joomla, Dotclear, WordPress, MediaWiki, Alfresco, ou que sais-je encore, c’était quand même plus compliqué que de double cliquer sur setup.exe…

C’était ? Et oui !
A force de travailler sur le concept d’applications portables, on se dit qu’on devrait pouvoir faire la même chose avec les applications web : on télécharge, on dézippe, ça marche.

« No hassle », comme disent nos amis américains (faut juste faire gaffe à la prononciation).
Grâce à toutes les briques libres existantes, notamment le trop méconnu ZazouMiniWebServeur (développé par un très sympathique frenchy, qui plus est), il est possible de remixer PHP, MySQL, ZMWS et l’application dans un seul fichier zip.

Une petite vidéo (5mn) sera plus parlante qu’un long discours.

—> La vidéo au format webm

En fait, il y a déjà une société qui proposait ce type d’applications web. En effet, Bitnami propose depuis plusieurs mois des Bitnami Stacks, qui fonctionnent sensiblement sur le même principe. Cependant, les serveurs (Apache et MySQL) tournent en « service Windows », rendant tres « centralisé » l’utilisation de ses applications : pas de possibilité de les copier sur clé USB ou CD, lancement automatique des services au démarrage de la machine, etc. Et j’ai moi-même expérimenté quelques déconvenues avec Bitnami en installant, puis désinstallant des stacks : perte de la base de données, fichiers communs qui disparaissent…
De plus, les applications sont anglophones (là le WebApp Manager est multilingue).

Enfin et surtout, les Bitnami Stacks, utilisent l’installateur BitRock qui, si j’ai bien lu les conditions, n’est pas libre mais « gratuit pour les projets libres » (rien que pour ça, ça m’a donné envie de voir si on pouvait proposer une alternative vraiment libre[1]). On ne prétend pas avoir en moins de 15 jours fait mieux que Bitnami, mais au moins on a fait un pas de plus vers du 100% libre, puisque chacun peut tenter de se faire sa WebApp (je ne prétends pas que ça soit simple, mais c’est accessible et au moins partiellement documenté).

Avec les WebApps, pas de problème pour lancer plusieurs applications en même temps : chacune tourne indépendamment dans son dossier, qu’on peut sans problème copier sur clé USB par exemple pour faire une démo à un client ou pour bloguer déconnecté.

La preuve en images (animées).

—> La vidéo au format webm

Évidemment, pour les habitués du web, cela peut paraitre peu intéressant : « Autant faire une installation en ligne, l’application sera disponible 24H/24. Là, si j’éteind l’ordinateur, la WebApp n’est plus accessible ! ». Certes, mais le public des WebApps n’est pas le même, elles visent plutôt :

  • L’hyper-débutant qui ne sait pas ce qu’est un serveur web
  • Le débutant qui ne sait pas faire la différence entre un fichier interprété (.php par exemple) et un fichier exécutable (.exe)
  • Les personnes ne sachant pas ou ne voulant pas faire d’installation d’application web (« heu… c’est quoi mon hôte MySQL ? »)
  • Les personnes souhaitant faire une démo de leur application web sur un salon, sans connexion internet, depuis une clé USB
  • Les entreprises souhaitant envoyer un site dynamique sur CD à leurs clients
  • Les personnes souhaitant s’installer localement et facilement un wiki pour faire de la prise de notes en local
  • Les personnes souhaitant tester plusieurs CMS avant de faire leur choix
  • etc..

Je rappelle au passage que les WebApps sont en version bêta, et donc susceptibles d’importants changements au cours des prochaines semaines.

Reprenons notre casquette de militant du logiciel libre

Si on se place dans la perspective ou de plus en plus d’applications sont dans les nuages, que beaucoup de ces applications sont libres, mais qu’il y a là aussi une forte résistance des applications propriétaires (de Facebook aux Google Apps, en passant par Basecamp), il faut peut être s’interroger sur :

  • Comment faciliter l’accès aux applications web au grand public ?
  • Comment leur donner de meilleures chances face aux gros services marketing de sociétés privées ?
  • Comment éviter la frustration de l’utilisateur lambda, qui veut voir plus qu’une capture écran, mais pas forcément prendre un hébergement en ligne ?
  • Comment éviter le phénomène Minitel 2.0, dont nous sommes – nous, développeurs – en partie responsable en mettant une barrière à l’entrée parfois trop haute pour le citoyen numérique lambda ?

Un exemple : toutes les personnes que je connais qui ont tenté d’installer Mediawiki ou Drupal, pourtant tous deux extrêmement reconnus dans leurs domaines, ont reconnu que « les premières heures de prises en main ont été laborieuses ». Comment, dans ces conditions, espérer que Tata Jeannine installe sa propre application web ? Elle fera comme les autres, elle finira chez Blogger (bof bof) ou WordPress.com (mieux).

Bref, comment faciliter la transition entre le tout local que l’informatique à connu pendant des dizaines d’années, vers le tout dans Firefox en ligne vers lequel il semblerait que l’on se dirige à la vitesse d’un photon dans une fibre optique ?

Le logiciel libre à un véritable intérêt stratégique à promouvoir le libre dans le web, car c’est sur la toile que nous passons de plus en plus de temps. C’est là qu’est notre vie numérique. « C’est là que nous avons notre tête », pour reprendre les propos de Michel Serres.

Or, si ces applications foisonnent et s’émulsionnent dans les milieux autorisés (celui du développement web, des hébergeurs, de ceux qui savent…), il faut bien avouer qu’il n’y a pas beaucoup d’initiatives pour les rendre plus « populaires » au sens premier du terme.

Évidemment, les WebApps ne sont pas la solution, mais nous espérons qu’elles pourront être une piste intéressante, reprise et remixée par d’autres (notamment les éditeurs d’applications web libres) afin de rendre plus accessibles leur travail auprès d’un plus large public.

We need you!

Ceux qui sont encore là ont sans doute remarqué que l’offre de WebApps est relativement pauvre : 4 ou 5 applications web prêtes à l’emploi, alors qu’ils en existe des dizaines, voir des centaines d’intéressantes.

En effet, nous sommes déjà passablement occupés avec Framasoft, Framakey, Framabook, et j’en passe. Maintenir un portail de 20 ou 30 WebApps nous prendrait bien trop de temps.

S’il y a parmi vous des volontaires pour maintenir des WebApps (Joomla Portable ? Dotclear Portable ? Mediawiki portable ?) qu’ils n’hésitent pas à lire Comment créer ma WebApp ? puis à nous contacter. Les prérequis sont vraiment accessibles (savoir installer l’application, savoir la mettre à jour, disposer d’un système Windows).
De même, de futurs développements du WebApp Manager sont envisagés. Par exemple pour publier facilement sa WebApp en ligne, ou pour synchroniser des bases locales et distantes. Là aussi, n’hésitez pas à prendre contact si vous voulez contribuer au code.

N.B. : Une démo des WebApps (et de la FramaGnu !) sera probablement faite au salon Solutions Linux la semaine prochaine. Si vous souhaitez en discuter, demandez le stand Framasoft (on squattera très probablement le stand d’une association amie).

Notes

[1] En fait, le WebApp Manager est développé en AutoIt, langage freeware non libre. Mais les sources du WebAppManager sont, elles, bien libres. Il ne tient qu’à vous de le redévelopper dans n’importe quel autre langage disposant d’un compilateur libre




Cent millions de photos sous licence Creative Commons sur Flickr

Joi - CC byCertains lecteurs me demandent parfois comment je m’y prends pour sélectionner les photographies illustrant les billets du Framablog. Il n’y a pas de secret. Je les sélectionne généralement à partir de cette page du site Flickr en restreignant la recherche aux licences Creative Commons (avec « autorisation d’utilisation commerciale » et « autorisation de modifier, adapter ou développer le contenu »). Exemple avec les tags sky, africa et sad.

Étant un adepte de Flickr depuis quelques années maintenant, j’ai pu observer la qualité croissante des photographies sous licence Creative Commons de l’annuaire, qualité qui allait de pair avec la quantité. Aujourd’hui le blog des Creative Commons est fier de nous annoncer que l’on a dépassé le cap symbolique des cent millions d’images, en offrant à quelques généreux donateurs le très beau livre de portraits de Joi Ito, photographe et accessoirement président actuel de Creative Commons[1].

Fêtons les 100 millions de photos sous Creative Commons de Flickr avec le livre Free Souls de Joi Ito

Celebrate 100 Million CC Photos on Flickr with Joi Ito’s Free Souls

Fred Benenson – 23 mars 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Poupoul2)

Durant les dernières semaines, nous avons gardé un oeil attentif sur le nombre de photos de Flickr placées sous licence Creative Commons. Nos calculs nous montrent que Flickr a dépassé le cap des 100 millions de photos sous licences CC quelque part pendant la journée du samedi 21 mars 2009. A la date de lundi (NdT : 23 mars 2009), 100 191 085 photos sous licence CC étaient recensées.

Ces photos ont été utilisées dans des centaines de milliers d’articles de Wikipédia, de messages postés sur des blogs, et même dans des articles de presse traditionnelle; autant d’exemples de créations nouvelles qui n’auraient autrement pas vu le jour sans nos licences publiques standardisées. L’intégration des licences CC dans Flickr est à la fois l’une des premières et l’une des meilleures, non seulement elle permet aux utilisateurs d’associer chaque photo à une licence différente, mais Flickr propose une incroyable page de découverte par licence CC, qui répartit les recherches de matériel licencié CC par licence. Vous pourrez par exemple visualiser toutes les photos de New York sous licence CC Paternité, triées par niveau d’intérêt.

Afin de fêter dignement ce jalon historique de Flickr, nous offrons à douze de nos donateurs à 100$ une copie du livre Free Souls de Joi Ito (président de Creative Commons). Toutes les photos de Joi ne sont pas placées sous la plus permissive de nos licences, Paternité, mais elles sont également disponibles au téléchargement sur Flickr. En donnant à Creative Commons aujourd’hui, vous apportez votre support au travail que nous réalisons et vous recevrez l’une des 1024 copies du livre de Joi en édition limitée.

Notes

[1] Crédit Photo : Joi Ito (Creative Commons By)