21 degrés de liberté – 19

Notre vie privée dans l’intimité familiale est espionnée, comme dans les dystopies des années 50, par des caméras que nous installons nous-mêmes et dont profite la surveillance étatique.

Voici déjà le 19e article de la série écrite par Rick Falkvinge. Le fondateur du Parti Pirate suédois aborde ici l’espionnage à domicile auquel nous consentons.

Le fil directeur de la série de ces 21 articles, comme on peut le voir clairement dans les épisodes précédents que nous vous avons déjà livrés, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Des télécrans dans nos salons

Source : Rick Falkvinge sur privateinternetaccess.com

Traduction Framalang : dodosan, draenog, Susyl, Maestox, redmood, goofy + 1 anonyme

Les récits dystopiques des années 50 racontaient que le gouvernement installerait des caméras dans nos foyers, pour nous observer et nous écouter en permanence. Ces récits étaient tous à côté de la plaque, parce que nous avons installé ces caméras nous-mêmes.

Dans le monde analogique de nos parents, il était considéré comme absolument acquis que le gouvernement ne nous observerait pas dans nos foyers. C’est une idée tellement importante qu’elle est même écrite dans les constitutions d’États partout dans le monde.

Et pourtant, pour nos enfants du numérique, cette règle, ce fondement, ce principe est simplement… ignoré. Au seul motif que leur technologie est numérique et n’est plus la technologie analogique de nos parents.

Il existe de nombreux exemples qui illustrent la manière dont ceci a été mis en place, bien que ce soit absolument interdit. Peut-être que le plus visible est le programme OPTIC NERVE de l’agence de surveillance britannique GCHQ, qui a enregistré des chats vidéo sans que les personnes concernées ne le sachent.

Oui, cela signifie que le gouvernement était effectivement en train de regarder dans les salons des gens à distance. Oui, cela signifie qu’ils ont parfois vu des personnes nues. Beaucoup de « parfois », en fait.

D’après un résumé du Guardian, plus de 10 % des conversations enregistrées auraient été sexuellement explicites, et 7,1 % contenait de la nudité indésirable.

Appréciez ce terme. Prononcez-le à haute voix, pour entendre par vous-même à que point il est oppressif. « Nudité indésirable ». La manière dont vous êtes décrit par le gouvernement, dans un fichier vous concernant, quand ils espionnent votre foyer privé sans votre permission.

Lorsque le gouvernement vous décrit comme ayant une « nudité indésirable » dans votre propre foyer.

Il y a de nombreux autres exemples, comme les écoles publiques qui activent à distance les webcams qu’elles ont installées, ou même le gouvernement US qui admet ouvertement qu’ils utiliseront vos appareils contre vous.

Il est difficile de ne pas penser à la citation de 1984 que voici :

Le télécran recevait et transmettait simultanément. Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas ; de plus, aussi longtemps qu’il restât dans le champ de vision que la plaque de métal commandait, il pourrait être vu aussi bien qu’entendu. Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé.

À quelle fréquence, ou suivant quelle logique la Police de la Pensée se branchait une écoute individuelle était une supposition. Il était même concevable qu’ils observent tout le monde tout le temps. Mais quoi qu’il en soit ils pouvaient se brancher sur votre écoute quand ils le voulaient. On devait vivre – vivait, d’une habitude devenue instinct – avec la supposition que chaque son que vous émettiez était entendu, et que, excepté dans l’obscurité, chaque mouvement était observé.

— extrait de Dix-neuf Cent Quatre-vingt-Quatre, George Orwell

Et bien sûr, ceci est déjà arrivé. Les soi-disant « smart TV » d’LG, Vizio, Samsung, Sony et probablement d’autres ont été surprises à faire exactement ça – espionner leurs propriétaires. Il est contestable que les données récoltées l’aient été par le fabricant de la télévision seulement. Il est tout aussi contestable qu’elles soient récupérées par les officiers de police toquant à la porte de ce fabricant, au motif qu’il n’a pas le droit de garder de telles données pour lui, et que le gouvernement veut en profiter aussi.

Il n’y a absolument aucune raison pour que nos enfants du numérique ne puissent pas jouir des droits à la vie privée équivalents au monde analogique, et d’avoir leur propre maison pour eux-mêmes. Un droit que nos parents analogiques avaient tenu pour acquis.

La vie privée demeure de votre responsabilité.