La filiale open source de Microsoft un an plus tard : du lard ou du cochon ?

Il y a un an Microsoft annonçait la création de Microsoft Open Technologies, filiale open source du groupe.

Cela avait surpris. Mais il n’y a que les imbéciles (et les non pragmatiques) qui ne changent pas d’avis 😉

Toujours est-il qu’on est encore loin du compte si, telle la conclusion de cet article, on souhaite la libération de Windows et d’Office.

Microsoft + Linux

La division open source de Microsoft a un an, mais qu’est-ce que c’est ?

Microsoft’s Open Source Company Is a Year Old. But What Is It?

Robert McMillan – 17 avril 2013 – Wired.com
(Traduction : Peekmo, aKa, 5h3d0, Brandelune, Moosh, yostral, Gatitac, Sky)

La semaine derniere, Microsoft Open Technologies S.A. a fêté son premier anniversaire, tranquillement, sans fanfare, mais la semaine prochaine, Microsoft prévoit d’organiser une réception sur son campus de la Silicon Valley.

Microsoft Open Technologies est un drôle de canard à trois pattes : une filiale indépendante destinée à soutenir l’effort open source, poussée par l’acteur le plus connu du logiciel propriétaire (NdT : ou privateur/privatif). Quand sa création a été annoncée, la nouvelle en a atterré plus d’un — nous y compris.

Après tout, Microsoft avait déjà mis en place une autre organisation — un organisme indépendant à but non lucratif, la Fondation Outercurve — pour gérer l’effort open source.

La différence réside dans le fait que même si la Fondation Outercurve est financée par Microsoft, elle est régie par ses propres règles. Et si l’on en croit Paula Hunter, directrice exécutive de la Fondation, plus de la moitié des projets d’Outercurve est dirigée par des membres qui ne font pas partie de Microsoft.

Open Technologies est gérée par Microsoft. La société gagne ainsi plus de contrôle — un concept qui ne colle pas vraiment avec la façon de faire de l‘open source — et plus de crédit pour les logiciels libérés.

Microsoft continue à envoyer des projets à la Fondation Outercurve, nous apprend Hunter. Mais ils ont maintenant un autre endroit où déposer le code. « Certaines fois ils veulent maintenir un contrôle plus fort sur le projet et faire en sorte qu’il soit plus proche de la marque Microsoft » ajoute-t-elle. « Quand un projet est plus lié à leurs technologies propriétaires, cela a plus de sens de le déposer au sein d’Open Technologies. »

Ces entités indépendantes sont importantes pour les projets open source — elles donnent aux entreprises une manière de partager leur code source sans se peindre une gigantesque cible à procès pour violation de brevets sur le dos. La fondation ou la société indépendante agissent comme une sorte de bac à sable où les développeurs peuvent partager et distribuer des logiciels, et si quelqu’un dit que ce code viole un brevet, c’est le bac à sable, pas Microsoft, qui est poursuivi.

En février dernier, Gianugo Rabellino de Microsoft nous a dit qu’Open Technologies sert surtout à accélérer le développement open source au sein de l’entreprise. « Nous nous sommes rendus compte qu’avoir une filiale différente serait quelque chose qui fonctionnerait mieux, d’une part en nous assurant que nous soyons agiles, flexibles et plus rapides, et d’autre part en travaillant avec les communautés open source à la vitesse qu’elles requièrent » a ajouté Rabellino, directeur de communauté chez Microsoft Open Technologies.

Jusqu’à aujourd’hui, Open Technologies a hébergé nombre de projets qui aident les gens qui utilisent Windows Azure, le concurrent de Microsoft à Amazon Web Services. Azure est une manière pour les développeurs et les entreprises de construire et faire fonctionner toutes sortes de logiciels, et Microsoft a réalisé que ces personnes se reposent énormément sur les technologies open source.

Mais cela ne signifie pas que Microsoft soit en train de devenir une entreprise open source.

Phil Haack, un ancien de chez Microsoft qui travaille désormais sur l’outil pour développeurs open source fourni par GitHub, dit que la filiale Microsoft n’a pas grande importance à moins de vraiment travailler à rendre les logiciels au cœur du métier de Microsoft open source, ce qui les améliorerait eux-mêmes, et la façon dont ils fonctionnent avec d’autres logiciels.

Il affirme pour conclure qu’Open Technologies sera un succès uniquement si elle aide Microsoft à libérer Windows et Microsoft Office.




Du projet étudiant au navigateur web, la trajectoire d’un développeur open source

Aujourd’hui nous choisissons de mettre en lumière un jeune développeur qui devrait donner des idées à tous les étudiants en informatique qui nous lisent. Comme vous allez le voir, en choisissant la voie de l’open source, les projets qui paraissaient hors d’atteinte sont finalement accessibles. Rien n’est gagné d’avance mais la voie est libre !

De Firefox à Chromium en passant par Midori, ce ne sont pas les navigateurs Web qui manquent. Il y en a pour tous les goûts, des plus complets aux plus légers. Parmi eux se trouve QupZilla, un navigateur lancé en 2010 par son actuel développeur principal, David Rosca. Alliant légèreté et fonctionnalités, il a aussi la particularité d’être développé par un étudiant qui a lancé ce projet à l’âge de 17 ans, alors qu’il était encore lycéen. Il étudie maintenant l’informatique à l’Université technique de Prague, en République Tchèque. Aujourd’hui, il répond à nos questions pour le Framablog.

Contributeurs Framasoft : lamessen, eyome, Asta lyn

David Rosca aka Nowrep, développeur de QupZilla

F : Bonjour David, merci de nous accorder cette interview. Peux-tu nous présenter le projet QupZilla ?

David : QupZilla est un navigateur web multi-plateforme écrit sur l’infrastructure Qt. Il utilise le moteur de rendu Webkit à travers le module Qt. L’utilisation de Qt fait que QupZilla est parfaitement adapté à la plate-forme KDE mais il fonctionne aussi très bien sur les autres environnements. Il fonctionne avec tous les systèmes d’exploitation. La dernière version (1.4.1) est sortie il y a peu de temps.

Il est important de dire que QupZilla est un navigateur web qui a pour objectif de rester léger, ne vous attendez donc pas à ce qu’il devienne aussi énorme que les navigateurs les plus courants.

F : Comment a démarré cette aventure ?

David : Cela ne devrait pas vous surprendre : j’aime coder et créer de nouvelles choses. J’avais déjà quelques expériences dans l’écriture d’applications et j’étais assez confiant sur les langages de script. Mon souhait était de créer une vraie application. L’élément déclencheur a été de passer sous un système d’exploitation Linux, à partir de ce moment, je me suis dit : « Pourquoi pas ? Il n’y a plus rien qui t’arrête maintenant ! ». En fait mon plus gros problème a été de trouver quel type d’application créer. J’avais commencé à suivre quelques tutoriels, je commençais à comprendre les bases de ce type de programmation mais l’ennui serait vite arrivé si je n’avais pas su quelle appli développer. Au cours d’une discussion, un ami m’a suggéré de créer un navigateur, c’était sans doute une plaisanterie mais j’ai vraiment aimé cette idée et j’ai donc commencé à travailler dessus.

F : Une fois que tu as su quoi créer, comment t’es-tu organisé ?

David : J’ai d’abord choisi un langage de programmation. Mon choix s’est porté vers Python, un langage plus facile que le C++. Bizarrement, choisir la facilité a été la cause de mon plus gros problème. Quand vous apprenez un nouveau langage de programmation, vous rencontrez de nombreux problèmes et vous cherchez des solutions sur Internet. Plus votre langage est populaire, plus vous trouverez de réponses. Mais même si PyQt (Python pour Qt) est très populaire, la majorité des tutoriels, exemples, etc. sont pour le C.

J’ai donc essayé de traduire le C++, utilisé dans les tutoriels, en Python. C’était très difficile car je n’avais aucune expérience du C++ et que je commençais à peine à apprendre Python. J’ai donc finalement décidé d’utiliser le C++ et j’ai réécrit tout le code que j’avais. Et ça a vraiment été une bonne chose.

À ce moment-là, je ne pensais pas que mon code puisse être rendu public. Je plaisantais bien sûr sur le fait qu’un jour, j’aurais des centaines de milliers de téléchargements, mais c’était tout. Je ne pouvais même pas imaginer que quelqu’un puisse vouloir participer à mon projet. Ce ne sont donc pas les choses auxquelles vous pensez quand vous êtes en train d’apprendre un nouveau langage et que vous commencez un « projet d’apprentissage ».

F : Tu as choisi de développer ton logiciel sous licence GPLv3. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?

David : Pour être honnête, j’ai choisi la GPLv3 uniquement parce que la majorité des projets open source l’utilisaient (kernel linux inclus, mais en GPL V2). Je ne connaissais pas vraiment les différences entre les licences. Mais maintenant, je suis content de mon choix. Je ne voudrais pas choisir une autre licence pour Qupzilla. Je ne sais pas exactement ce que serait la licence de mes rêves, je ne suis pas un expert en licence. Mais je suis vraiment satisfait avec la GPLv3.

F : Cela fait maintenant plusieurs années que tu travailles sur QupZilla, peux-tu nous dire ce que cela t’a apporté, ce qui a marché et moins bien marché ?

David : Tu as raison, ça fait un bon moment que j’ai commencé à coder QupZilla. Même si il y a eu des périodes où je n’avais pas assez de temps pour développer, parfois à cause de l’école ou simplement par manque d’intérêt, je suis toujours revenu vers QupZilla. QupZilla m’a d’abord apporté beaucoup d’expérience, à la fois en codage, en utilisation de nouveaux outils et en gestion d’un projet qui au final n’est pas si petit. J’ai aussi rencontré beaucoup de nouvelles personnes. Pour résumer, j’ai savouré chaque instant. Bien sûr, il y a eu quelques erreurs, petites ou grandes. C’était essentiellement à cause d’un manque de connaissances et d’expérience dans les domaines concernés. Mais j’en ai toujours tiré une leçon. Il y a beaucoup de choses que je ferais différemment si je pouvais revenir en arrière dans le temps. Par exemple, j’aurais commencé à écrire des tests pour les fonctions de base dès le début du projet, pour éviter les régressions (c’est ce que je fais maintenant).

F : Aujourd’hui, QupZilla est un projet bien vivant, apprécié, et qui compte de nombreux contributeurs. Il est intégralement traduit dans plus de 20 langues. Imaginais-tu que ça puisse prendre une telle ampleur alors que le marché des navigateurs est extrêmement concurrentiel ? Comment a-t-il selon toi trouvé son public ?

David : Les navigateurs légers sont très populaires, principalement sur les machines Linux étant donné qu’il est possible de les faire fonctionner sur de très vieux matériels. Du coup, j’ai pensé qu’il y avait peut-être une place pour QupZilla. Maintenant, je peux dire que j’avais raison. Je pense également que « léger » ne veut pas forcément dire « manque de fonctionnalités ». C’est cette optique de développement que suit QupZilla.

F : Tu as choisi d’utiliser de nombreux outils facilitant le travail communautaire autour de ton projet : Qt comme base de travail, Github pour le code, récemment Transifex pour la traduction. Quels étaient tes critères ? Ont-ils été satisfaits ?

David : J’ai choisi Qt parce qu’il est disponible partout. Il convient parfaitement aux applications multi-plateformes. GitHub comme hébergeur pour le dépôt git est aussi le choix n°1. Ils offrent un bon plan pour les projets open source, et avec l’approche « codage social », il est plus facile de trouver de nouveaux contributeurs. Pour moi, GitHub est le meilleur choix pour n’importe quel projet open source.

J’ai récemment déplacé toutes mes traductions vers Transifex. Ça facilite la gestion, et c’est aussi un moyen de trouver de nouveaux traducteurs (ce qui s’est déjà confirmé). Je ne suis toutefois pas satisfait de la vitesse à laquelle ils implémentent les nouveaux éléments (essentiellement les nouvelles langues). Il faut plus d’un an et demi pour une demande de nouvelle langue. Du coup, il y a des soucis, notamment avec les traductions serbes.

F : Comment vois-tu la suite de QupZilla ? Tu as longtemps été le seul développeur. Tu as maintenant quelques contributions au niveau du code. Penses-tu à l’avenir te faire davantage épauler ?

David : Je ne pense pas que ça va changer tant que ça. Ce n’est pas vraiment facile d’attirer de nouveaux contributeurs. La situation actuelle me convient : je suis le développeur principal et d’autres personnes m’envoient des patch (correctifs et contributions) de temps en temps. Mais ça va peut-être changer si QupZilla a de la chance 🙂

F : Nous savons que les projets grandissants ont souvent besoin de trouver de nouveaux contributeurs pour avancer. Peut-être même qu’en ce moment, l’un de tes plus importants contributeurs est en train de lire cette interview. Peux-tu nous dire quels sont tes besoins humains sur le projet ?

David : Il n’y a jamais assez de contributeurs. Non seulement pour coder, mais aussi pour traduire, tester les nouvelles versions, etc. Mais ce qui aiderait vraiment QupZilla, mais aussi tous les autres projets basés sur QtWebKit serait d’insister d’avantage sur la partie en C++ de QtWebKit. Il y a en ce moment une nouvelle version pour Qt 4.8, QtWebKit 2.3. C’est une release vraiment bonne. Cependant, le développement est nécessaire pour garder le projet compétitif. Ce serait donc la meilleure façon d’aider QupZilla.

F : Tu fais maintenant partie de la grande famille du logiciel libre. Es-tu impliqué dans d’autres projets ? Souhaites-tu t’investir sur certains en particulier ?

David : J’ai envoyé de petits correctifs pour de nombreux autres projets, mais je n’ai jamais fait quelque chose de grand. Par exemple, je peux parler du lecteur de musique Tomahawk ou encore QtWebkit (sur lequel QupZilla est basé). J’aimerais contribuer d’avantage à QtWebKit, mais ce n’est pas facile de travailler sur un projet aussi important. J’aimerais aussi participer au Google Summer of Code project pendant les vacances d’été.

F : Tu es pour le moment étudiant, mais la vie professionnelle arrive à grand pas. Comment vois-tu ton avenir ?

David : Tu as raison, j’étudie maintenant à l’université. J’ai choisi une université ouverte sur l’open source, mes expériences ont donc déjà été utiles.

J’espère vraiment réussir à travailler dans une société basée sur des technologies open source. J’aime la communauté open source. Mais qui sait ce qui arrivera ? Quoi qu’il en soit, je n’ai pas l’intention d’arrêter de contribuer à des projets libres et open source.

F : Merci d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Nous te souhaitons une bonne continuation, en espérant voir Qupzilla grandir dans le bon sens.

David : Merci à vous aussi.




La position de Google sur les brevets et l’open source (+ avis de Gibus)

Dans un récent billet traduit ci-dessous, Google nous annonce s’engager à ne pas attaquer en premier un acteur de l’open source avec ses brevets, seule la riposte est envisagée.

Nous avons demandé à Gérald Sédrati-Dinet (Gibus) de l’April, l’un de nos spécialistes sur le sujet, non seulement de relire la traduction mais également de nous donner son éclairant point de vue.

« Mon avis est que c’est un pas dans la bonne direction de la part d’une entreprise informatique influente. Mais cet engagement illustre à merveille l’inadaptabilité intrinsèque du système de brevets aux idées informatiques. À quoi servent ces “brevets logiciels” si leur détenteur s’engage à ne pas les utiliser ? Si Google était cohérent, il compléterait cet Engagement pratique par un engagement politique visant à ce qu’aucun “brevet logiciel” ne puisse s’appliquer aux activités des développeurs et utilisateur informatiques. Une telle exception a été récemment proposée par Richard Stallman, Google irait-il jusqu’à la soutenir ? »

OpenSourceWay - CC by-sa

Prendre position sur l’Open Source et les brevets

Taking a stand on open source and patents

Duane Valz – 28 mars 2013 – Google Blog Open Source
(Traduction : brouberol, Neros, Melchisedech, cherry, gibus + anonymes)

Chez Google, nous pensons que les systèmes ouverts sont meilleurs (NdT : article sous le lien traduit par le Framablog). Les logiciels open source ont été à l’origine de nombreuses innovations dans l’informatique en nuage, le web mobile et l’Internet en général. Et alors que les plateformes ouvertes on été de plus en plus confrontées à des attaques via des brevets, obligeant les entreprises à se défendre en acquérant encore plus de brevets, nous restons attachés à un Internet ouvert — un Internet qui protège l’innovation réelle et continue de fournir des produits et services de qualité.

Aujourd’hui, nous faisons un pas de plus vers ce but en annonçant l’Open Patent Non-Assertion Pledge (Engagement ouvert de non-application des Brevets) : nous nous engageons à ne poursuivre aucun utilisateur, distributeur ou dévelopeur de logiciel open source sur la base des brevets spécifiés, à moins d’avoir d’abord été attaqués.

Nous avons commencé par identifier dix brevets reliés à MapReduce, un modèle de calcul permettant de traiter d’importants jeux de données initialement développé par Google — dont les versions open source sont désormais largement utilisées. Nous avons l’intention d’étendre au fur et à mesure l’ensemble des brevets possédés par Google concernés par cet engagement à d’autres technologies.

Nous espérons que l’Engagement OPN servira de modèle à l’industrie, et nous encourageons les autres détenteurs de brevets à adopter un engagement ou une initiative similaire. Nous pensons que cela a plusieurs avantages :

  • La transparence. Les détenteurs de brevets déterminent précisément sur quels brevets et technologies associées ils souhaitent s’engager, garantissant aux développeurs comme au grand public une gestion transparente des droits des brevets.
  • Étendue. Les protections sous l’Engagement OPN ne sont pas confinées à un projet spécifique ou à une licence open source de droits d’auteur. (Google apporte beaucoup de code sous de telles licences, comme les licences Apache ou GNU GPL, mais les protections qu’elles confèrent contre les brevets sont limitées.) L’Engagement OPN, par contraste, s’applique à n’importe quel logiciel open source – passé, présent ou futur – qui pourrait s’appuyer sur des brevets faisant partie de l’Engagement.
  • Protection défensive. L’Engagement peut être résilié, mais seulement si une des parties a intenté une action en violation de brevet contre des produits ou des services de Google, ou s’il profite directement d’un tel litige.
  • Durabilité. L’Engagement demeure en vigueur pendant toute la durée de vie des brevets, même si nous les transférons.

Notre engagement s’appuie sur des efforts passés d’entreprises comme IBM et Red Hat et sur le travail de l’Open Invention Network (dont Google est membre). Cela complète également nos efforts en matière de licences coopératives, sur lesquelles nous travaillons avec des entreprises partageant nos idées, afin de développer des accords de brevets qui permettraient de réduire les poursuites judiciaires.

Au delà de ces initiatives pilotées par l’industrie, nous continuons à soutenir les réformes pouvant améliorer la qualité des brevets tout en réduisant le nombre excessif de litiges.

Nous espérons que l’Engagement OPN fournira un exemple pour les entreprises cherchant à mettre leurs propres brevets au service du logiciel open source, qui contribuent à d’incroyables innovations.

Par Duane Valz, conseil en brevets

Crédit photo : OpenSourceWay (Creative Commons By-Sa)




Le juriste et le logiciel libre (Libres conseils 41/42)

Traduction : Framalang d’après une première traduction effectuée par Liu qihao (aka Eastwind) qui remercie François van der Mensbrugghe, Catherine Philippe et Ciarán O’Riordan.

Quelques considérations sur le rôle du juriste dans le domaine du logiciel libre et open source

Till Jaeger

Le docteur Till Jaeger est collaborateur du cabinet d’avocats JBB Rechtsanwaelte depuis 2001. Avocat diplômé et spécialisé dans le domaine du droit d’auteur et du droit des médias, il conseille autant les grandes et moyennes entreprises du secteur des technologies de l’information que les institutions gouvernementales et les développeurs de logiciels sur des sujets impliquant contrats, licences et usage en ligne. Son travail est orienté vers les contentieux relatifs aux logiciels libres et open source. Il est co-fondateur de l’institut pour l’étude juridique du logiciel libre et open source (ifrOSS). En outre, il aide développeurs et éditeurs de logiciels dans le processus de mise en compatibilité et en conformité de leurs licences libres. Till a représenté le projet gpl-violations.org dans plusieurs procès (NdT : devant les juridictions allemandes) dont l’objet portait sur le respect de la GPL. Il a également publié divers articles et livres à propos de questions juridiques sur les logiciels libres et open source. Il a été membre du comité C lors de l’élaboration de la GPLv3.

Pour commencer, clarifions une chose : je ne suis pas un geek. Je ne l’ai jamais été, et je n’ai aucune intention de le devenir. En revanche, je suis juriste. La plupart des lecteurs de ce livre auront probablement tendance à éprouver une plus grande sympathie à l’égard des geeks qu’envers les juristes. Cependant, je ne souhaite pas éluder ce fait : la communauté du logiciel libre et open source n’est pas nécessairement passionnée par les juristes, elle est trop occupée à développer du code. Cela, je le savais déjà au début de l’année 1999, lorsque nos chemins se sont croisés pour la première fois. Néanmoins, d’autres éléments m’étaient, à ce moment-là, encore inconnus. En 1999, tandis que je terminais ma thèse de doctorat portant sur le droit d’auteur classique, j’évaluais l’étendue des droits moraux. Dans ce contexte, j’ai passé un certain temps à réfléchir à la question suivante : comment les droits moraux des développeurs sont-ils protégés par la licence GPL, étant donné que celle-ci confère aux utilisateurs un droit de modification sur leurs logiciels ? C’est ainsi que je suis entré pour la première fois en contact avec le logiciel libre et open source.

À cette époque, les qualificatifs « libre » et « ouvert » avaient évidemment des significations différentes. Mais dans le monde dans lequel je vivais, cette distinction ne méritait pas d’être débattue. Cependant, vu que j’étais libre d’étudier ce qui m’intéressait et ouvert à l’exploration de nouvelles questions sur le droit d’auteur, j’ai rapidement découvert que les deux termes ont quelque chose en commun : bien qu’ils soient effectivement différents, ils sont bien mieux utilisés lorsqu’ils sont ensemble…

Voici trois choses que j’aurais souhaité savoir à l’époque :

Tout d’abord, que mes connaissances techniques, en particulier dans le domaine du logiciel, étaient insuffisantes. Ensuite, que je ne comprenais pas véritablement la communauté et que j’ignorais ce qui importait aux yeux de ses membres. Et cerise sur le gâteau, que je ne connaissais pas grand-chose aux juridictions étrangères, à l’époque. Ces notions m’auraient été précieuses si j’avais pu les aborder dès le départ.

Depuis, j’ai appris suffisamment et, à l’instar de la communauté qui se réjouit de partager ses réalisations, je suis heureux de partager mes leçons (1).

Connaissances techniques

Comment est formée une architecture logicielle ? À quoi ressemble la structure technique d’un logiciel ? Quelles sont les licences compatibles ou incompatibles entre elles ? Comment et pourquoi ? Quelle est la structure du noyau Linux ? Pour citer un exemple, la question essentielle des éléments constitutifs d’une « œuvre dérivée » selon la GPL détermine la manière dont le logiciel pourra être licencié. Tout élément rentrant dans le champ d’une œuvre dérivée d’un logiciel originaire sous licence GPL doit être redistribué selon les termes de cette dernière. Pour évaluer si un programme constitue une « œuvre dérivée » ou pas, il est nécessaire d’avoir au préalable une compréhension technique approfondie. Ainsi, l’interaction des modules de programmes, des liaisons, des IPC (Communications inter-processus), des greffons, des infrastructures technologiques, des fichiers d’en-tête, etc. détermine au niveau formel (parmi d’autres critères) le degré de connexité d’un logiciel par rapport à un autre, ce qui aide à le qualifier ou non d’œuvre dérivée.

Connaissance de l’industrie et de la communauté

Au-delà de ces questions fonctionnelles, l’étendue de mes connaissances des principes régissant le libre était limitée, tant au regard de la motivation des développeurs que des entreprises utilisant du logiciel libre. En outre, je ne connaissais pas son arrière-plan philosophique, et n’étais pas plus familier avec les modalités pratiques d’interactions sociologiques de la communauté. Ainsi, les questions : « Qui est mainteneur ? » ou « Quel est le fonctionnement d’un système de contrôle de version ? » ne trouvaient pas d’écho à mes oreilles. Or, pour servir du mieux possible vos clients, ces questions sont toutes aussi importantes que la maitrise des aspects d’ordre purement technique. Par exemple, nos clients nous demandent de nous occuper du côté juridique des modèles économiques construits sur une double licence de type « open core ». Ceci inclut la gestion des contrats de supports, de services, de développements ainsi que les conventions applicables aux codes sources venant des contributions. Ce faisant, nous guidons entreprises et institutions dans la grande réserve du logiciel libre lors de la mise en place de ces modèles.

D’autre part, nous conseillons aussi les développeurs sur la manière de régler les litiges nés des violations de leur droit d’auteur, notamment via l’élaboration et la négociation de contrats en leur nom et pour leur compte. Ceci étant, pour répondre à tous ces besoins de manière complète, il est fondamental de s’être familiarisé avec cette multiplicité de points de vue.

Connaissances en droit comparé

La troisième chose dont un juriste libriste a besoin, c’est de connaissances à propos des juridictions étrangères, au moins quelques-unes et, plus il en acquiert, mieux il se porte. Pour pouvoir interpréter les différentes licences correctement, il est essentiel de comprendre l’état d’esprit dans lequel s’inscrivaient les personnes qui les ont écrites.

Dans la plupart des cas, le système juridique américain est d’une importance capitale. Par exemple, lors de l’élaboration de la GPL, celle-ci a été écrite avec, à l’esprit, des notions issues de la common law étasunienne. Aux États-Unis le terme « distribution » inclut la distribution en ligne. Or, le système de droit d’auteur allemand établit un distinguo entre la distribution en ligne et hors-ligne. Dès lors,  les licences qui ont été rédigées par des juristes de la common law étasunienne peuvent être interprétées comme incluant la
distribution en ligne. Au cours d’un procès, cet argument peut devenir particulièrement pertinent (2).

Un apprentissage permanent

Au final, toutes ces connaissances sont d’une grande utilité. Aussi, j’espère qu’à l’image du processus d’évolution d’un logiciel, qui apporte son lot de solutions aux besoins de tous les jours, mon esprit continuera à répondre aux défis que la vibrante communauté du logiciel libre et open source pose constamment à l’attention d’un juriste.

(1) L‘Institut für Rechtsfragen der Freien und Open Source Software (institut des questions de droit sur les logiciels libres et open source) propose, entre autres, une collection d’ouvrages et de jurisprudences en lien avec les logiciels libres et open source ; pour plus de détails, voir sur le site http://www.ifross.org/.

(2) Voir : http://www.ifross.org/Fremdartikel/LGMuenchenUrteil.pdf, Cf. Welte v.Skype, 2007




Ouvert et fermé, par Evgeny Morozov

L’écrivain Evgeny Morozov n’aime pas les visions bisounours des nouvelles technologies.

On se souvient qu’il y a deux ans il avait vertement critiqué le soit-disant pouvoir libérateur d’Internet, ce qui lui avait valu réponse de Cory Doctorow traduite par nos soins.

Il s’en prend aujourd’hui à l’usage immodéré de l’expression « open » qui, à force d’être utilisé à tous les sauces, prend le risque d’être vidé de son (noble ?) sens.

Pumpkincat210 - CC by

Ouvert et fermé


Open and Closed

Evgeny Morozov – 17 mars 2013 – NewYorkTimes.com (Opinion)
(Traduction Framalang)


« L’impression 3D peut-elle être subversive ? » demande une voix dans la vidéo la plus terrifiante que vous puissiez trouver sur Internet ce mois-ci. Il s’agit de la bande-annonce pour Defcad.com, un moteur de recherche pour des modèles imprimables en 3D de choses que les « institutions et les industries ont pour intérêt commun de garder loin de nous », incluant des « appareils médicaux, médicaments, biens, pistolets ».

La voix appartient à Cody Wilson, un étudiant en droit du Texas qui a fondé l’année dernière Defense Distributer, une initiative controversée visant à produire une « arme wiki » imprimable. Avec Defcad, il s’étend au-delà des armes, autorisant, par exemple, des passionnés de drones à rechercher des pièces imprimables.


M. Wilson joue la carte de « l’ouverture » de Defcad jusqu’à dire qu’elle est l’opium des masses armées d’iPad. Non seulement le moteur de recherche Defcad sera placé sous le signe de l’« open source » — la bande-annonce le clame à deux reprises — mais également de « l’open data  ». Avec une telle ouverture, Defcad ne peut pas être le Mal, n’est-ce pas ?


Personne n’a besoin de voir des projets tels que Defcad pour constater que « l’ouverture » est devenue un terme dangereusement vague, avec beaucoup de sex-appeal mais peu de contenu un tant soit peu analytique. Certifiées « ouvertes », les idées les plus odieuses et suspectes deviennent soudain acceptables. Même l’Église de Scientologie vante son « engagement envers la communication ouverte ».


L’ouverture est aujourd’hui un culte puissant, une religion avec ses propres dogmes. « Posséder des gazoducs, personnes, produits, ou même la propriété intellectuelle n’est plus la clef du succès. L’ouverture l’est », clame l’éditorialiste Jeff Jarvis.

La fascination pour « l’ouverture » provient principalement du succès des logiciels open source, du code informatique publiquement accessible auquel tout le monde peut contribuer. Mais aujourd’hui ce principe est en train d’être appliqué à tout, de la politique à la philanthropie ; des livres intitulés « The Open-Source Everything Manifesto » (le Manifeste du Tout Open Source) et « Radical Openness » (L’Ouverture Radicale) ont récemment été publiés. Il existe même « OpenCola » — un vrai soda pour le peuple.


Pour de nombreuses institutions, « ouvert » est devenu le nouveau « vert ». Et de la même façon que certaines entreprises « verdissent » (greenwash) leurs initiatives en invoquant une façade écolo pour cacher des pratiques moins recommandables, un nouveau terme vient d’émerger pour décrire ce besoin d’introduire « l’ouverture » dans des situations et environnements où elle existe peu ou pas : « openwashing » (« ouvertisation »).

Hélas, « l’ouvertisation », aussi sympathique que cela puisse sonner, ne questionne pas l’authenticité des initiatives « ouvertes » ; cela ne nous dit pas quels types « d’ouverture » valent le coup, s’il en est. Toutes ces ouvertures, ou prétendues ouvertures, ne se valent pas et nous devons les différentier.


Regardez « l’ouverture » célébrée par le philosophe Karl Popper, qui a défini la « société ouverte » comme l’apothéose des valeurs politiques libérales. Ce n’est pas la même ouverture que celle du monde de l’open source. Alors que celle de Popper concernait principalement la politique et les idées, l’open source concerne avant tout la coopération, l’innovation, et l’efficacité — des résultats utiles, mais pas dans toutes les situations.


Regardez comme George Osborne, le chancelier britannique a défini les « politiques open source » récemment. « Plutôt que de se baser sur le fait que des politiciens » et des « fonctionnaires aient le monopole de la sagesse, vous pouvez vous engager via Internet » avec « l’ensemble du public, ou du moins les personnes intéressées, pour résoudre un problème particulier ».

En tant qu’ajout à la politique déjà en place, c’est merveilleux. En tant que remplacement de la politique en place, en revanche, c’est terrifiant.

Bien sûr, c’est important d’impliquer les citoyens dans la résolution des problèmes. Mais qui décide des « problèmes particuliers » auxquels les citoyens doivent s’attaquer en premier lieu ? Et comment peut-on définir les limites de ce « problème » ? Dans le monde du logiciel open source, de telles décisions sont généralement prises par des décideurs et des clients. Mais en démocratie, les citoyens tiennent la barre (plutôt en délèguent la tenue) et rament simultanément. En politique open source, tout ce qu’ils font, c’est ramer.


De même, un « gouvernement ouvert » — un terme autrefois réservé pour discuter de la responsabilité — est aujourd’hui utilisé plutôt pour décrire à quel point il est facile d’accéder, manipuler, et « remixer » des morceaux d’informations du gouvernement. Ici, « l’ouverture » ne mesure pas si de telles données augmentent la responsabilité, mais seulement combien d’applications peuvent se baser dessus, et si ces applications poursuivent des buts simples. L’ambiguïté de l’ouverture permet au Premier Ministre britannique David Cameron de prôner un gouvernement ouvert, tout en se plaignant que la liberté d’expression « bouche les artères du gouvernement ».


Cette confusion ne se limite pas aux gouvernements. Prenez par exemple cette obsession pour les cours en ligne ouvert et massif (NdT : MOOC). Que signifie le mot ouvert dans ce cas? Eh bien, ils sont disponibles en ligne gratuitement. Mais il serait prématuré de célébrer le triomphe de l’ouverture. Un programme d’ouverture plus ambitieux ne se contenterait pas d’étendre l’accès aux cours mais donnerait aussi aux utilisateurs la possibilité de réutiliser, modifier et d’adapter le contenu. Je pourrais prendre les notes de conférence de quelqu’un, rajouter quelques paragraphes et les faire circuler en tant qu’élément de mon propre cours. Actuellement, la plupart de ces cours n’offrent pas cette possibilité : le plus souvent leurs conditions d’utilisation interdisent l’adaptation des cours.


Est-ce que « l’ouverture » gagnera, comme nous l’assurent ces Pollyanas numériques? Probablement. Mais une victoire pour « l’ouverture » peut aussi marquer la défaite de politiques démocratiques, d’une réforme ambitieuse et de bien d’autres choses. Peut-être faudrait-il mettre en place un moratoire sur le mot « ouvert ». Imaginez les possibilités que cela pourrait ouvrir !

Crédit photo : Pumpkincat210 (Creative Commons By)




Rassembler les gens (Libres conseils 35/42)

Chaque jeudi à 21h, rendez-vous sur le framapad de traduction, le travail collaboratif sera ensuite publié ici même.

Traduction Framalang : Ouve, merlin8282, Julius22, Sphinx, CoudCoud, lum’, goofy, peupleLà, Alpha, Peekmoaudionuma, lamessen

Rassembler les gens

Dave Neary

Dave Neary travaille sur des projets libres et open source depuis qu’il a découvert Linux en 1996. C’est un contributeur de longue date à GNOME et à GIMP. Il travaille à plein temps depuis 2007 pour aider des entreprises à se réconcilier avec les logiciels développés de façon communautaire. Durant cette période, il a travaillé sur divers projets dont OpenWengo, Maemo et Meego, qui étaient liés à de l’événementiel, à des méthodes de travail communautaires, à de la gestion de produits ainsi qu’à de la gestion d’outils d’analyse d’une communauté. Il s’est impliqué, en tant que bénévole, dans l’organisation du GUADEC, du Desktop Summit, du Libre Graphics Meeting, de la GIMP Conference, d’Ignite Lyon, de l’Open World Forum et de la MeeGo Conference.

L’une des choses les plus importantes que vous puissiez faire dans un projet lié au logiciel libre, à part écrire du code, c’est de rassembler les principaux contributeurs aussi souvent que possible. J’ai eu la chance de pouvoir organiser un certain nombre d’événements au cours de ces dix dernières années, mais aussi d’observer les autres et d’apprendre à leur contact pendant ce temps. Voici quelques-unes des leçons que j’ai apprises au cours du temps, grâce à cette expérience.

1. Le lieu

Le point de départ pour la plupart des réunions ou des conférences, c’est le lieu. Si vous réunissez un petit groupe (moins de dix personnes), il suffit bien souvent de choisir une ville et de demander à un ami qui possède une entreprise ou qui est professeur d’université de vous réserver une salle. Vous aurez sans doute besoin d’une organisation plus formelle dès qu’il y aura plus de monde à accueillir.

Si vous ne faites pas attention, le lieu de l’événement sera une grande source de dépenses et il vous faudra trouver l’argent correspondant quelque part. Mais si vous êtes futé, vous pouvez vous débrouiller pour obtenir assez facilement une salle gratuitement.

Voici quelques-unes des stratégies qu’il serait intéressant d’essayer :

  • Intégrez-vous au sein d’un autre événement : le Linux Foundation Collaboration Summit, OSCON, LinuxTag, GUADEC et beaucoup d’autres conférences accueillent volontiers des ateliers ou des rencontres pour de plus petits groupes. Le GIMP Developers Conference en 2004 a été le premier rassemblement que j’ai organisé, et afin de ne pas avoir à subir les problèmes inhérents au fait de trouver la salle, une date qui convient à tout le monde et ainsi de suite, j’ai demandé à la GNOME Foundation si ça ne les dérangeait pas de nous laisser un peu d’espace lors de la GUADEC — et ils ont accepté. Tirez parti de l’organisation d’une conférence plus grande, et vous pourrez en plus assister à cette grande conférence par la même occasion !
  • Demandez aux universités environnantes si elles n’ont pas des salles disponibles. Ça ne fonctionnera plus une fois que vous aurez dépassé une certaine taille, néanmoins, vous pouvez vous renseigner en particulier dans les universités dont certains chercheurs sont des membres du Linux User Group (LUG) [NdT : groupe d’utilisateurs de Linux] local. Ils peuvent en parler avec leur directeur de département afin de réserver un amphithéâtre et quelques salles de classe pour un week-end. Un grand nombre d’universités vous demanderont de faire un communiqué de presse et d’être mentionnées sur le site Web de la conférence, ce qui est un juste retour des choses. Le premier Libre Graphics Meeting s’est déroulé gratuitement à CPE Lyon et le GNOME Boston Summit a été accueilli gratuitement pendant des années par le MIT.
  • Si le lieu de rendez-vous ne peut pas être gratuit, voyez si quelqu’un d’autre ne peut pas le financer. Lorsque votre conférence commence à accueillir plus de 200 personnes, la plupart des salles seront payantes. Héberger une conférence coûtera beaucoup d’argent à celui qui prête les locaux, et c’est une part importante dans le modèle économique des universités que d’organiser des conférences lorsque les étudiants sont partis. Mais ce n’est pas parce que le centre de conférence ou l’université ne peut pas vous accueillir gratuitement que cela signifie que vous devez être la personne qui paye. Les collectivités territoriales aiment bien être impliquées lorsqu’il s’agit d’organiser des événements importants dans leur région. Le GUADEC à Stuttgart, le Gran Canaria Desktop Summit et le Desktop Summit à Berlin ont tous été financés par la région d’accueil en ce qui concerne la salle. S’associer avec une région présente un avantage supplémentaire : elles ont souvent des liens avec les entreprises et la presse locale, ce qui représente des ressources que vous pouvez utiliser afin d’obtenir de la visibilité et peut-être même des sponsors pour votre conférence.
  • Faites un appel d’offres : en incitant les groupes qui souhaitent héberger la conférence à déposer une offre, vous les incitez aussi à trouver une salle et à discuter avec les partenaires locaux avant de vous décider sur l’endroit où aller. Vous mettez aussi les villes en concurrence, et comme pour les candidatures aux Jeux Olympiques, les villes n’apprécient pas de perdre les compétitions auxquelles elles participent !

2. Le budget

Les conférences coûtent de l’argent. Ce qui peut coûter le plus cher pour une petite rencontre, ce sont les frais de déplacement des participants. Pour une conférence plus importante, les principaux coûts seront l’équipement, le personnel et la salle. Chaque fois que j’ai dû réunir un budget pour une conférence, mon approche globale a été simple :

  • décider de la somme d’argent nécessaire pour réaliser l’événement ;
  • collecter les fonds jusqu’à atteindre ce montant ;
  • arrêter la collecte et passer aux étapes suivantes de l’organisation.

Lever des fonds est une chose difficile. On peut vraiment y passer tout son temps. Au bout du compte, il y a une conférence à préparer, et le montant du budget n’est pas la préoccupation principale de vos participants.

Rappelez-vous que votre objectif principal est de réunir les participants du projet afin de le faire avancer. Alors, obtenir des réponses de participants potentiels, organiser le logement, la salle, les discours, la nourriture et la boisson, les activités sociales et tous les autres aspects de ce à quoi les gens s’attendent lors d’un événement… tout cela est plus important que la levée de fonds.

Bien sûr, de l’argent est nécessaire pour être capable d’organiser tout le reste. Alors, trouver des sponsors, décider de leurs niveaux de participation et vendre la conférence est un mal nécessaire. Mais une fois que vous avez atteint le montant nécessaire pour la conférence, vous avez vraiment mieux à faire.

Il existe quelques sources potentielles de financement pour préparer une conférence — combiner ces sources semble, selon moi, la meilleure des façons pour augmenter vos recettes.

  • les participants : même si c’est un sujet de controverse dans de nombreuses communautés, je crois qu’il est tout à fait justifié de demander aux participants de contribuer en partie aux coûts de la conférence. Les participants profitent des installations ainsi que des événements sociaux et tirent parti de la conférence. Certaines communautés considèrent la participation à leur événement annuel comme une récompense pour services rendus ou comme une incitation à faire du bon travail dans l’année à venir. Mais je ne crois pas que ce soit une façon pérenne de voir les choses. Pour les participants à une conférence, il y a plusieurs façons de financer l’organisation de celle-ci :
    1. les droits d’inscription : c’est la méthode la plus courante pour obtenir de l’argent de la part des participants à la conférence. La plupart des conférences communautaires demandent un montant symbolique. J’ai vu des conférences qui demandaient un droit d’entrée de 20 à 50 euros ; et ça ne posait aucun problème à la plupart des gens de payer cela. Un règlement d’avance a l’avantage supplémentaire de réduire massivement les désistements parmi les gens qui vivent à proximité. Les gens accordent plus d’importance à la participation à un événement leur coûtant dix euros qu’à un autre dont l’entrée est gratuite, même si le contenu est identique,
    2. les dons : ils sont utilisés avec beaucoup de succès par le FOSDEM. Les participants reçoivent un ensemble de petits cadeaux fournis par les sponsors (livres, abonnements à des magazines, T-shirts) en échange d’un don. Mais ceux qui le souhaitent peuvent venir gratuitement,
    3. la vente de produits dérivés : votre communauté serait peut-être plus heureuse d’accueillir une conférence gratuite et de vendre des peluches, des T-shirts, des sweats à capuche, des mugs et d’autres produits dérivés afin de récolter de l’argent.? Attention ! D’après mon expérience, on peut s’attendre à obtenir moins de bénéfices de la vente de produits dérivés qu’on n’en obtiendrait en offrant un T-shirt à chaque participant ayant payé un droit d’inscription,
  • les sponsors : les publications dans les médias accepteront généralement un « partenariat de presse » — en faisant de la publicité pour votre conférence dans leur magazine papier ou sur leur site Web. Si votre conférence est déclarée comme émanant d’une association à but non-lucratif pouvant accepter des dons avec des déductions d’impôts, proposez à vos partenaires dans la presse de vous facturer pour les services et de vous donner ensuite une subvention de partenariat séparée pour couvrir la facture. Le résultat final est identique pour vous. Mais il permettra à la publication de compenser l’espace qu’elle vous vend par des réductions d’impôts. Ce que vous souhaitez vraiment, ce sont des parrainages en liquide. Comme le nombre de projets de logiciels libres et les conférences se sont multipliés ces dernières années, la compétition pour les parrainages en liquide s’est intensifiée. Afin de maximiser vos chances d’atteindre le budget que vous vous êtes fixé, voici les actions que vous pouvez entreprendre :
    1. une brochure de la conférence : pensez à votre conférence comme un produit que vous vendez. Que représente-t-elle, quelle attention attire-t-elle, à quel point est-elle importante pour vous, pour vos membres, pour l’industrie et au-delà ? Qu’est ce qui a de la valeur pour votre sponsor ? Vous pouvez vendre un contrat de parrainage sur trois ou quatre éléments différents : peut-être que les participants à votre conférence constituent une audience cible de grande valeur pour le sponsor, peut-être (en particulier pour les conférences de moindre importance) que les participants ne sont pas ce qui est important mais plutôt la couverture dont bénéficiera la conférence dans la presse internationale ou bien peut-être que vous vendez à l’entreprise le fait que la conférence améliore un élément logiciel dont elle dépend. En fonction du positionnement de la conférence, vous pouvez lister les sponsors potentiels. Vous devriez avoir une brochure de parrainage que vous pourrez leur envoyer. Elle devra contenir une description de la conférence, un argumentaire de vente expliquant pourquoi il est intéressant pour l’entreprise de la parrainer, éventuellement des coupures de presse ou des citations de participants à des éditions antérieures disant à quel point votre conférence est géniale et, finalement, la somme d’argent que vous recherchez,
    2. des niveaux de parrainage : ils devraient être fixés en fonction de la somme que vous voulez lever. Vous devriez attendre de votre sponsor le plus important qu’il vous fournisse entre 30 et 40 % du budget total de la conférence, pour une conférence de moindre importance. Si vous êtes chanceux et que votre conférence attire de nombreux sponsors, cela peut s’élever à seulement 20 %. Pour vos estimations, visez un tiers. Ceci signifie que si vous avez décidé que vous avez besoin de 60 000 euros, vous devriez alors mettre votre niveau de sponsor principal à 20 000 euros et tous les autres niveaux en conséquence (disons 12 000 euros pour le deuxième niveau et 6 000 pour le troisième). Pour les conférences de moindre importance et les rencontres, le processus peut être légèrement plus informel. Mais vous devriez toujours penser au processus entier comme un argumentaire de vente,
    3. un calendrier : la plupart des entreprises ont un cycle budgétaire soit annuel, soit semestriel. Si vous émettez votre demande à la bonne personne au bon moment, vous pourriez alors avoir une discussion bien plus aisée. Le meilleur moment pour soumettre des propositions de parrainage d’une conférence estivale est aux environs d’octobre ou de novembre de l’année précédente, lorsque les entreprises finalisent leur budget annuel. Si vous manquez cette fenêtre, tout n’est pas perdu. Mais tout parrainage que vous obtenez viendra des budgets de fonctionnement qui tendent à être maigres et qui sont gardés précieusement par leurs propriétaires. Sinon, vous pouvez obtenir un engagement de parrainage en mai pour votre conférence de juin, à la fin du processus budgétaire du premier semestre — ce qui est tardif dans la préparation,
    4. approcher les bonnes personnes : je ne vais pas enseigner l’art de la vente à qui que ce soit mais mon secret personnel dans les négociations avec les grandes organisations est de devenir ami avec des personnes à l’intérieur de ces organisations et de me forger une impression sur l’origine potentielle du budget pour mon événement. Votre ami ne sera probablement pas la personne qui contrôle le budget mais l’avoir à vos cotés est une chance d’avoir un allié au sein de l’organisation. Il fera en sorte que votre proposition soit mise devant les yeux de la personne en charge du budget. Les grandes organisations peuvent être aussi dures qu’une noix est dure à craquer, mais les projets de logiciels libres ont souvent des amis dans les hautes sphères. Si vous avez vu le directeur technique ou le PDG d’une entreprise classée au Fortune 500 parler de votre projet dans un article de journal, n’hésitez pas à lui envoyer quelques mots en évoquant le fait que, quand le temps sera venu de financer cette conférence, une note personnelle demandant qui est la meilleure personne à contacter fera des merveilles. Souvenez-vous que votre objectif n’est pas de vendre votre contact personnel mais de le changer en un défenseur de votre cause à l’intérieur de l’organisation et de créer la chance de, plus tard, vendre la conférence à la personne responsable du budget,
  • Souvenez-vous aussi, en vendant des contrats de parrainage, que tout ce qui vous coûte de l’argent pourrait faire partie d’un contrat de parrainage. Certaines entreprises offriront des tours de cou aux participants, la pause café, la glace de l’après-midi ou bien un événement social. Ce sont de bonnes occasions de parrainage et vous devriez exprimer clairement, dans votre brochure, tout ce qui se déroule. Vous devriez aussi définir un budget prévisionnel pour chacun de ces évènements lorsque vous écrivez le brouillon de votre budget.

3. Contenu

Le contenu d’une conférence est son élément le plus important. Des événements différents peuvent traiter différemment d’un même contenu — certains événements invitent une grande partie de leurs intervenants, tandis que d’autres comme GUADEC et OSCON font des appels à propositions et choisissent les interventions qui rempliront les salles.

La stratégie que vous choisirez dépendra beaucoup de la nature de l’événement. Si l’événement existe depuis une dizaine d’années, avec un nombre de participants toujours croissant, faire un appel à articles est une bonne idée. Si vous êtes dans votre première année, et si les personnes ne savent vraiment pas quoi faire de l’événement, alors donnez le ton en invitant de nombreux orateurs, aidant ainsi les gens à comprendre votre objectif.

Pour Ignite Lyon l’an dernier, j’ai invité environ 40 % des orateurs pour le premier soir (et j’ai souvent dû les harceler pour qu’ils me proposent une intervention). Les 60 % restants sont venus via un formulaire de candidature. Pour le premier Libre Graphics Meeting, en dehors des présentations éclairs, je pense avoir d’abord contacté chaque orateur, à l’exception de deux d’entre eux. Maintenant que l’événement en est à sa 6e année, il existe un processus d’appel à contributions qui fonctionne plutôt bien.

4. Le programme

Il est difficile d’éviter de mettre en parallèle des exposés attrayants pour les mêmes personnes. Dans chaque conférence, vous pouvez entendre des personnes qui voulaient assister à des conférences se déroulant en même temps, sur des sujets similaires.

Ma solution pour la programmation des conférences est très simple, mais elle fonctionne dans mon cas. Des post-it de couleur, avec une couleur différente pour chaque thème, et une grille vide. Le tour est joué. Écrivez les titres des exposés (un par post-it), ajoutez les quelques contraintes que vous avez pour l’orateur, puis remplissez la grille.

Mettre le programme en-dehors de l’ordinateur, et dans des objets réels, permet de voir très facilement les conflits, d’échanger les conférences aussi souvent que vous voulez, et de le publier ensuite sur une page Web quand vous en êtes satisfait.

J’ai utilisé cette technique avec succès pour GUADEC 2006 et Ross Burton l’a réutilisée avec succès en 2007

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5. Les fêtes

Les fêtes sont un compromis à trouver. Vous voulez que tout le monde s’amuse, et s’éclater jusqu’au petit matin est une partie très importante quand on participe à une conférence. Mais la fréquentation matinale souffre après une fête. Ayez pitié du pauvre membre de la communauté devant se tirer hors du lit après trois heures de sommeil pour aller parler devant quatre personnes à 9 heures du matin après la fête.

Certaines conférences ont trop de fêtes. C’est super d’avoir la possibilité de se saouler avec des amis chaque nuit. Mais ça n’est pas génial de vraiment le faire chaque nuit. Rappelez-vous du but de la conférence : vous voulez stimuler l’avancement de votre projet.

Je préconise une grande fête, et une plus petite, au cours de la semaine. En-dehors de ça, les personnes seront tout de même ensemble et passeront de bons moments, mais ce sera à leurs frais, ce qui fait que chacun restera raisonnable.

Avec un peu d’imagination, vous pouvez organiser des événements qui n’impliquent pas l’utilisation de musique forte et d’alcool. D’autres genres d’événements sociaux peuvent faire l’affaire, et même être plus amusants.

Au GUADEC, nous organisons un tournoi de football depuis quelques années. Lors du sommet OpenWengo en 2007, nous avions embarqué les personnes pour une balade en bateau sur la Seine puis nous étions ensuite montés sur un manège du XIXe siècle. Faire manger les gens ensemble est un autre moyen de nouer des liens. J’ai de très agréables souvenirs de repas de groupe lors de nombreuses conférences. À la conférence annuelle de KDE, l’Akademy, il y a traditionnellement une grande journée de sortie durant laquelle les personnes vont ensemble à un pique-nique, quelques activités simples de plein air, une promenade en bateau, un peu de tourisme ou quelque chose de similaire.

6. Les coûts supplémentaires

Attention à ces dépenses imprévues ! Une conférence dans laquelle j’étais impliqué, et où le lieu de réunion était « sponsorisé à 100 % » nous a laissé une note de 20 000 euros pour les coûts de main-d’œuvre et d’équipement. Oui, le lieu était sponsorisé, mais la mise en place des tables et des chaises, ainsi que la location des écrans, des vidéoprojecteurs et de tout le reste ne l’était pas. Au bout du compte, j’ai estimé que nous avions utilisé seulement 60 % de l’équipement que nous avions payé.

Tout ce qui est fourni sur place est extrêmement coûteux. Une pause-café peut coûter jusqu’à 8 euros par personne pour un café et quelques biscuits, de l’eau en bouteille pour les conférenciers coûte quatre euros par bouteille, etc. La location d’un rétroprojecteur et de micros pour une salle peut coûter 300 euros ou plus pour une journée, selon que le propriétaire exige ou non que l’équipement audio-vidéo soit manipulé par son propre technicien.

Quand vous traitez avec un lieu commercial, soyez clair dès le départ sur ce pour quoi vous payez.

Les détails sur place

J’aime les conférences attentives aux petits détails. En tant qu’orateur, j’aime quand quelqu’un me contacte avant la conférence pour m’avertir qu’il me présentera. Que souhaiterais-je qu’il dise ? C’est rassurant de savoir que, quand j’arriverai, il y aura un micro sans fil et quelqu’un qui peut aider à l’ajuster.

Faire attention à tous ces détails nécessite de nombreux volontaires, et ça nécessite quelqu’un pour les organiser avant et pendant l’événement. Il faut passer beaucoup de temps à parler à l’équipe sur place, plus particulièrement aux techniciens audio/vidéo.

Lors d’une conférence, le technicien audio-vidéo avait prévu de basculer manuellement l’affichage vers un économiseur d’écran à la fin d’une conférence. Au cours d’une session de mini-conférences, nous nous sommes retrouvés dans une situation burlesque quand, après le premier conférencier, j’ai interverti l’ordre de passage : au moment où la présentation suivante s’affichait sur mon portable, nous avions toujours l’économiseur sur le grand écran. Personne n’avait parlé avec le technicien de la régie pour lui expliquer le format de la présentation ! Et c’est comme ça qu’on a fini par avoir pas moins de quatre spécialistes de Linux à s’occuper de l’ordinateur portable qui vérifiaient les connexions en psalmodiant divers mantras Xrandr, qui s’efforçaient de remettre en marche le rétroprojecteur au-dessus de nos têtes ! Nous avons fini par changer d’ordinateur portable, le technicien de la régie a compris de quel type de session il s’agissait, et ensuite tout s’est fort bien passé — la plupart des gens concernés ont accusé mon portable.

Gérer une conférence, ou parfois une plus petite rencontre, prend du temps, et nécessite beaucoup d’attention aux détails, qui pour la plupart ne seront jamais remarqués par les participants. Et je n’ai même pas évoqué des choses comme les banderoles et les affiches, la création du graphisme, la gestion de la presse ou d’autres joyeusetés qui vont de pair avec l’organisation d’une conférence.

Le résultat final est en revanche particulièrement gratifiant. Une étude que j’ai menée l’année dernière sur le projet GNOME a montré qu’il y a eu une forte augmentation de la productivité sur tout le projet juste après notre conférence annuelle et un grand nombre de membres de notre communauté mentionnent la conférence comme ayant été, pour eux, le point culminant de l’année.




…et c’est le modèle ouvert qui l’emporte à la fin ? — ça dépend…

Libre ou propriétaire, open source ou sources closes, voilà des lignes de fracture radicales qui sont familières dans le monde du logiciel. Les choses sont moins tranchées peut-être du côté des entreprises qui se définissent non sans arrière-pensées comme plus ou moins « ouvertes ».

Tim Wu nous invite à prendre un peu de recul par rapport à notre conception commune suivant laquelle les modèles ouverts sont destinés à l’emporter. La réussite ou non des grandes entreprises de technologies informatiques ces dernières années montre que la question n’est pas si simple et la partition pas si flagrante.

En adoptant une perspective bien étatsunienne, celle du pragmatisme qui consiste à comparer les résultats, l’auteur tend à évaluer l’ouverture en termes de degrés. À vous de dire si les valeurs du libre ne sont pas écornées au passage.

Une entreprise fermée comme Apple peut-elle réussir sans le talent d’un Steve Jobs ?

par Tim Wu dans cet article du New Yorker

Traduction Framasoft : Texmix, Sphinx, Garburst, Husi10, lamessen, Paul-Arthur, ehsavoie, goofy

On dit depuis un bon moment dans le milieu techno que « le modèle ouvert l’emporte sur le modèle fermé ». En d’autres termes, les systèmes technologiques ouverts, ou bien ceux qui permettent l’interopérabilité, finissent toujours par surpasser leurs concurrents fermés. C’est une véritable profession de foi chez certains ingénieurs. C’est aussi la leçon qu’on peut tirer de l’échec de MacIntosh face à Windows dans les années 90, du triomphe de Google au début des années 2000 et plus largement, de la victoire d’Internet sur ses rivaux au modèle fermé (vous souvenez-vous d’AOL ?). Mais est-ce encore justifié ?

Depuis quelques années, cet adage a été remis en question, principalement à cause d’Apple. Cette entreprise, ignorant les idéaux des ingénieurs et les prêches des experts techno, s’est rapidement cloisonnée dans une une stratégie semi-fermée — ou « intégrée » comme elle aime à le dire — et a défié la règle. Sur le plan structurel, Apple pratique l’intégration bien mieux que ses rivales. Elle possède le matériel, le logiciel et le circuit de distribution. Elle bloque et dessert également beaucoup plus ses concurrents. Eh oui, de cette manière, elle est devenue l’entreprise la plus rentable la planète. Au dernier trimestre, Apple a enregistré plus de bénéfices qu’Amazon n’en a réalisé depuis sa création.

Mais maintenant, depuis les six derniers mois, de manière plus ou moins flagrante, Apple a commencé à trébucher. Vous allez dire que j’exagère, mais je propose une révision du vieil adage « le modèle fermé peut l’emporter, mais vous devez être un génie ». Dans des conditions normales, dans une industrie imprévisible, et étant donné le niveau normal d’erreurs humaines, le libre continue à surpasser le fermé. Pour le dire autrement, une entreprise doit être fermée dans l’exacte proportion de ses talents de visionnaire et de conception.

Pour m’expliquer, je vais d’abord devoir soigneusement exposer ce que j’entends par « ouvert » et « fermé », des mots qui sont largement employés dans le monde de l’informatique, mais avec de multiples sens. La vérité c’est qu’aucune des entreprises n’est complètement ouverte ou fermée ; elles se répartissent sur un spectre, un peu comme celui qu’utilisait Alfred Kinsey pour décrire la sexualité humaine. Pour moi, ici, cela signifie la combinaison de trois éléments.

Tout d’abord, « ouvert » et « fermé » peuvent faire référence à la permissivité de l’entreprise technologique vis-à-vis des partenariats et des interconnexions qu’elle peut créer pour que ses produits arrivent jusqu’aux utilisateurs. Nous disons qu’un système d’exploitation comme GNU/Linux est « ouvert » parce que n’importe qui peut concevoir un produit sur lequel faire tourner GNU/Linux. En revanche, Apple est très exclusif : il ne laissera jamais iOS s’exécuter sur un téléphone Samsung ni vendre des Kindle dans un Apple store.

En second lieu, l’ouverture peut décrire l’impartialité avec laquelle une entreprise technologique traite les autres entreprises par rapport la manière dont elle se traite elle-même. Firefox, le navigateur, traite tous les sites internet de la même manière. En revanche, Apple se traite mieux que les autres (essayez donc de désinstaller iTunes de votre iPhone).

Troisièmement, et pour conclure, cela décrit le niveau de transparence et d’ouverture d’une entreprise selon la manière dont ses produits fonctionnent et peuvent être employés. Les produits open source, ou ceux qui dépendent de standards ouverts, rendent leur code largement accessible. En attendant, une compagnie comme Google peut être ouverte sur bien des points mais garder jalousement le secret sur certaines choses, comme le code de son moteur de recherche. Dans le monde des technologies, la métaphore classique utilisée pour décrire cette dernière différence est la cathédrale contre le bazar.

Aucune entreprise privée n’est entièrement ouverte, bien que quelques fondations à but non-lucratif, comme Mozilla, s’en approchent. De la même manière, aucune entreprise ne peut se permettre d’être entièrement fermée. Un exploitant de plateforme gagne à avoir de bonnes applications disponibles (pensons à ce que serait, hum, l’iPhone sans Google Maps), et trop bloquer détruira ce qui donne sa valeur au produit. Même Apple a besoin d’être assez ouvert pour ne pas trop déranger les consommateurs. Vous ne pouvez pas lancer le Flash d’Adobe sur un IPad, mais vous pouvez brancher presque n’importe quel type d’écouteur dessus.

L’idée que « le modèle ouvert l’emporte sur le modèle fermé » est historiquement assez récente. Dans la majeure partie du XXe siècle, l’intégration était considérée comme la forme d’organisation commerciale supérieure. Les modèles fermés ou intégrés arrivent avec des avantages reconnus depuis longtemps et même proclamés haut et fort par les économistes. La coordination est un avantage-clé : en théorie, avec une entreprise qui coordonne tous les aspects et caractéristiques d’un produit donné, le résultat peut mieux fonctionner que celui d’un rival non-coordonné. L’économiste Joseph Farell a appelé ceci « internalisation des économies complémentaires ». Si cela ne vous dit rien, considérez l’effet Disneyland. Disney contrôle tout avec une poigne de fer ou presque, et le parc d’attractions fonctionne sans anicroches, avec une réussite impressionnante bien supérieure par exemple à une fête foraine classique.

Andrew Carnegie s’est appuyé sur une logique similaire à celle d’Apple lorsqu’il a intégré l’extraction minière avec la production d’acier au sein de U.S. Steel. Les vieux studios Hollywood des années trente et quarante ont intégré le jeu, les scénarios, la production et les cinémas dans une seule et même entreprise. Elle a ainsi chassé tous les autres de son industrie. I.B.M. avait un modèle fermé et le vieux monopole de A.T. & T. était le système fermé par excellence : vous n’aviez pas le droit de posséder votre propre téléphone mais seulement d’en utiliser un produit par quelqu’un d’autre.

La sagesse populaire commença à changer dans les années soixante-dix. Sur le marché des technologies, des années quatre-vingt au milieu des années deux mille, les systèmes ouverts ont vaincu à plusieurs reprises leurs concurrents fermés. Windows de Microsoft a battu ses rivaux en adoptant un modèle plus ouvert. À la différence du système d’exploitation d’Apple qui était supérieur sur le plan technique, Windows fonctionnait sur n’importe quel matériel et faisait marcher presque tous les logiciels. Au même moment, Microsoft surpassa I.B.M. et son modèle intégré verticalement (qui se souvient de Warp O.S. ?), Google était audacieusement ouvert dès sa conception originale et passa devant Yahoo et son système sélectif de publicité au placement. La plupart des vainqueurs, entre quatre-vingt et deux mille, tels que Microsoft, Dell, Palm, Google et Netscape, suivaient un modèle ouvert. Internet même, basé sur un projet financé par le gouvernement, était à la fois incroyablement ouvert et incroyablement réussi. Un mouvement était né et avec lui la règle selon laquelle : « le modèle ouvert l’emporte sur le modèle fermé ».

Le triomphe des systèmes ouverts a révélé un défaut majeur dans les conceptions fermées. Selon la théorie économique, dans un état d’information parfaite, un concepteur central devrait être capable de produire un meilleur produit. Mais c’est seulement vrai si le futur est prévisible, et si on ignore la tendance des êtres humains à commettre des erreurs bêtes. Dans un système fermé, avec un seul décideur, les erreurs coûtent très cher. Les décisions stupides, ou qui compromettent le produit pour des profits à court terme, ne vont pas rendre les produits seulement un peu moins bons mais vraiment pires que ceux du concurrent direct. Par exemple, la politique de chasse gardée d’AOL des années 90 consistait à essayer de deviner ce que les utilisateurs allaient vouloir, mais AOL a fait un tas d’erreurs, et finalement ça ne correspondait pas à un Web ouvert.

En revanche, un produit ouvert est mieux protégé des erreurs humaines car ce n’est pas une unique entité qui prend une décision susceptible de détruire le produit. Les économistes Tim Bresnahan et Shane Greenstein, dans les années 90, ont décrit ce phénomène sous le terme « direction technique partagée », et ils lui donnaient un sens mélioratif. Le produit est le résultat collectif de plusieurs, voire parfois de milliers de décideurs. Un produit ouvert peut aussi profiter des contributions volontaires et collectives des masses, un point mis en avant par Yochai Benkler. Ainsi, une entrée sur Wikipédia peut être vague et contenir des erreurs, mais le corpus dans son ensemble restera impressionnant. Au milieu des années 90, Windows n’était pas aussi intuitif que Macintosh, mais tous les accessoires et les applications en firent collectivement un produit supérieur.

Ce qui nous amène aux années 2000 et au magnifique parcours d’Apple. Pendant presque douze années, Apple a battu la mesure avec succès. Mais c’est parce qu’il avait le meilleur des systèmes possibles, à savoir, un dictateur disposant d’un contrôle absolu, qui était aussi un génie. Steve Jobs était la version entreprise de l’idéal de Platon : le roi-philosophe nettement plus efficace que toute forme de démocratie. L’entreprise dépendait d’un unique esprit central, mais il a fait très peu d’erreurs. Dans un monde sans erreurs, le fermé bat l’ouvert. En conséquence, pour un temps, Apple triompha de ses rivaux.

Alors que doit faire une entreprise technologique ?

Chacun est confronté à cette question du modèle ouvert ou fermé, et voici comment y répondre. Premièrement, il existera toujours un compromis difficile entre systèmes ouverts et fermés, et il est donc inutile de trop s’enfermer dans l’une ou l’autre des options. Il est facile de sous-estimer les projets ouverts (personne ne pensait que Wikipédia fonctionnerait), mais même les projets ouverts ont besoin de contrôle à certains niveaux. Finalement, plus votre vision et vos compétences de créateur sont bonnes, plus vous pouvez essayer d’être fermé. Si vous pensez que vos concepteurs de produits peuvent égaler le quasi sans-faute de Jobs ces vingt dernières années, allez-y. Mais si de simples mortels font tourner votre entreprise, ou si vous êtes face à un futur très imprévisible, les analyses économiques suggèrent qu’un système ouvert est plus sûr. Vous pourriez peut-être vous fier à ce test : en vous levant le matin, regardez dans le miroir et demandez-vous : suis-je Steve Jobs ?

Crédit image : the opensourceway CC-BY-SA




10 propositions pour débuter dans le Libre (sans avoir rien à coder)

Il fut un temps ou débuter dans « le Libre » se résumait avant tout à coder ou plus modestement installer une distribution GNU/Linux. Aujourd’hui les choses ont bien changé et il existe de multiples autres façons d’y entrer. Framasoft est d’ailleurs là pour en témoigner 😉

Une invitation à venir nous rejoindre en somme…

Remarque : Il s’agit d’une traduction et donc les liens renvoient vers des ressources anglophones. Si vous avez des liens plus locaux à proposer, surtout ne pas hésiter.

Open Here - The Open Source Way - CC by-sa

10 façons de commencer dans l‘open source

10 ways to get started with open source

Jason Hibbets – 29 janvier 2013 – OpenSource.com
(Traduction : goofy, Tibo_R, XeO2, Steph, Alpha, Sylvie, jtanguy, aKa, Liaz, Norore + anonymes)

Par expérience, je sais qu’un grand nombre de personnes veulent découvrir et participer à l‘open source, mais ne savent pas par où commencer ; et l’idée que l’on est obligé d’écrire du code pour contribuer à un projet open source constitue une véritable barrière. J’ai donc esquissé 10 façons de commencer avec l‘open source et ce sans jamais écrire une seule ligne de code.

Je suis ouvert à toutes idées et ajouts ; il y a sans doute beaucoup plus que 10 façons de contribuer.

10 façons de commencer à utiliser l‘open source

1. Utiliser de l‘open source dans votre travail quotidien. Téléchargez et installez un navigateur web, un client de messagerie, ou une suite bureautique libres — peu importe le système que vous utilisez. C’est l’une des façons les plus simples de commencer à utiliser des logiciels libres. Je conseillerai Firefox pour la navigation internet et Thunderbird pour les emails. Utilisez LibreOffice pour votre traitement de texte, vos tableurs et vos diaporamas, vous aurez un équivalent de Microsoft Office gratuit ! J’appelle ces logiciels des applications porte d’entrée, parce qu’une fois que vous commencez à les utiliser, vous allez découvrir d’autres outils open source (et vous n’aurez pas envie de revenir en arrière !)

2. Rejoindre un projet open source. Je sais que rejoindre un projet open source peut faire peur, mais les contributeurs de tous niveaux sont les bienvenus. Les communautés open source utilisent des chefs de projets, des graphistes, des communicants, des commerciaux et beaucoup d’autres compétences dans leurs travaux. Si vous souhaitez présenter l’open source aux étudiants, voilà une très bonne façon de commencer. On ne sait jamais, s’impliquer et participer activement à un projet open source peut améliorer un CV et mener à un emploi.

3. Lire un livre à propos de l‘open source. Voici un choix de quelques titres auxquels vous pouvez jeter un coup d’oeil : Open Advice (NdT : que nous sommes en train de traduire), Coding Freedom, The Power of Open, ou l’un de nos livres numériques. (NdT : En français il y a évidemment tous les titres de la collection Framabook)

4. Apprendre à créer et nourrir des communautés de contributeurs. Parcourez le livre en ligne The Open Source Way, et partagez vos nouvelles connaissances en créant une communauté ou en en rejoignant une existante.

5. Commencer à utiliser les licences Creative Commons. Avant de créer votre nouvelle œuvre d’art, photographie, écrit ou musique, utilisez un copyleft au lieu d’un copyright. En utilisant des licences Creative Commons, vous pouvez partager votre travail avec le monde entier. Vous devrez d’abord choisir celle qui vous correspond, vous pourrez ensuite trouver intéressant de découvrir comment les Creative Commons sont utilisées dans des environnements aussi variés que les gouvernements, les entreprises ou le journalisme. (NdT : Voir aussi L’éducation utilise une licence Creative Commons défectueuse, par R. Stallman sur le Framablog)

6. Commencer l’exploration. Regardez le projet OpenROV et explorez l’océan ou un lac local. Si vous ne voulez pas être mouillé, enfilez une combinaison spatiale et regardez ce que ça fait d’explorer Mars.

7. Bricoler par soi-même et créer quelque chose. Les petites cartes Linux, comme la Raspberry Pi, font des choses incroyables. Découvrez les autres cartes électroniques de création comme les « Makey Makey » (cf cette vidéo) ou une variété de produits électroniques de « SparkFUN ». Si vous êtes dans l’impression 3D, assurez-vous de savoir comment vous pourriez utiliser Inkscape.

8. Devenir créatif. Remplacez Photoshop par GNU Image Manipulation Program (GIMP), InDesign par Scribus, ou utilisez d’autres outils comme MyPaint, Inskape, Audacity et Blender. Si cela vous intéresse, regardez notre présentation en 7 minutes des outils créatifs open source. Puis découvrez l’étendue des outils de design en 2012. Assurez-vous d’avoir pris connaissance de nos autres outils tels que Dream Studio, TuxPaint et KDEnlive pour vos besoins créatifs.

9. Apprendre la programmation. Remarquez que je n’ai pas dit « Apprendre à coder ». Différents outils sont pré-installés sur certains Raspberry Pi et sont utilisés pour apprendre aux enfants à programmer. J’aurais aimé avoir ce genre de choses quand j’ai appris la programmation au lycée.

10. Suivre un cours en ligne. Le mouvement OpenCourseWare, mené par MITOCW, est en train de changer notre mode d’apprentissage. Commencez par regarder ce Webcast sur le MIT OpenCourseWare. Il y a tellement d’événements open source dans le champ éducatif: « Moodle » et « School management software for teachers and students » sont deux de ces nombreuses ressources fantastiques. (NdT : Exemple en France la présentation du MOOC ITyPA)

Le fait est qu’il y a énormément de manières de commencer dans l‘open source. Vous souvenez-vous de la façon dont vous avez débuté ? Partagez l’histoire de votre première expérience avec l‘open source ou comment vous l’avez présentée à quelqu’un d’autre.