openSUSE, une distribution méconnue

À force de les rencontrer sur des événements libristes comme les RMLL et POSS, nous avons demandé aux ambassadeurs français d’openSUSE de nous parler de leur distribution GNU/Linux.

logo opensuseSalut ! Présentez-vous. Comment justifiez-vous votre existence ?

Nicolas : Je viens d’un monde pur Windows. Un jour j’ai dû monter un petit serveur web où je devais installer une version Linux de mon choix sans rien y connaître. J’ai trouvé un tuto openSUSE 10.3 expliquant comment installer un serveur Apache + PhP en deux clics avec Yast-HTTP et je suis tombé dedans. Ensuite j’ai voulu tester sur mon PC pour virer mon Windows XP LSD (si, si…). J’ai commencé en 2005 avec un dual boot pour terminer exclusivement sous openSUSE depuis 2008. J’ai pris part à la communauté, puis à la création de l’association loi 1901 en 2012 en tant que secrétaire. L’an dernier j’ai repris le flambeau en devenant président.

Formaliser une association pour la promotion d’openSUSE en France était une nécessité pour faciliter la présence des membres et ambassadeurs openSUSE aux salons. Ils étaient reconnus par le programme openSUSE international mais pas forcément légitimes vis-à-vis des organisateurs locaux. On a un système d’adhésion qui couvre le budget hébergement. Quant aux goodies en version française et les clés USB, on vend à prix coûtant pour autofinancer les rééditions. Une année on était en galère mais on a eu la chance d’avoir du sponsoring de SUSE France qui nous soutient quand ils le peuvent, que ce soit financièrement ou matériellement au travers de goodies, etc. C’est appréciable de reproduire dans l’hexagone la synergie entre la communauté opensource et l’entreprise.

Antoine : openSUSE est la première distribution que j’ai utilisée. Je l’ai découverte en 2008, dans un magazine Linux. Des amis à moi utilisaient Ubuntu et m’avait convaincu d’essayer mais je n’avais trouvé que ce magazine, avec un DVD d’openSUSE (10.3) à l’intérieur. J’ai accroché : le changement, le vert, le caméléon comme logo. Bref, je l’ai installée (dual-boot), cassée, réinstallée, recassée, etc. J’ai appris plein de trucs, notamment grâce au forum Alionet. J’ai depuis essayé d’autres distributions, « en dur » mais aussi dans des machines virtuelles. Au final, je reviens toujours vers openSUSE, parce que c’est là où je me sens le mieux.

J’ai commencé à écrire des news sur Alionet en 2014, après la mort de jluce, un des admins du site qui en écrivait plein. Je trouvais dommage de ne pas essayer de continuer ce qu’il avait commencé. J’écris des articles sur openSUSE, pour informer de l’actualité du projet ; parfois des tutos, notamment quand je vois plusieurs personnes ayant une même difficulté sur le forum ; et enfin, sur tout ce qui touche au libre en général.

Qu’est-ce qui différencie openSUSE des autres distros ?

À mon sens, c’est une distribution qui s’adresse aussi bien aux débutants qu’aux utilisateurs avancés (powerusers) avec un certain nombre de qualités :

  • La distribution répond aussi bien à des besoins de poste de travail, d’ordinateur portable ou encore de serveur (elle partage le même core SUSE Linux Entreprise Server). Je l’utilise sur mes propres serveurs qu’ils soient physiques ou virtualisés, mes stations de travail fixes ou portables. Quelle que soit l’utilisation, ce qu’appréciera l’utilisateur, c’est sa stabilité. D’ailleurs, il existe également des images ARM pour les Raspberry Pi, Pi2 et Pi3.
  • L’ensemble des environnements graphiques proposés ont le même degré de finition et d’intégration dans la distribution que ce soit sur l’ISO de base : KDE (défaut), GNOME (mon bureau par défaut), LXQt, XFCE mais aussi via les dépôts en ligne pour MATE ou Cinnamon ou encore Enlightenment.
  • L’outil d’administration Yast est un atout indéniable pour administrer la machine que ce soit les dépôts en ligne, l’ajout/suppression de logiciel, la gestion des services, des utilisateurs, etc. De nombreux modules sont disponibles et de nouveaux arrivent régulièrement pour suivre les évolutions technologiques comme Snapper pour gérer les instantanés (snapshots) du système de fichiers Btrfs ou encore celui pour gérer des conteneurs Dockers.
  • Pour les utilisateurs débutants il est possible d’installer via Yast un serveur web, FTP ou email en quelques clics. Idéal pour avoir une base fonctionnelle et ensuite « mettre les mains dedans ». D’ailleurs l’édition manuelle, n’invalide pas l’utilisation de YaST dans la majorité des cas.
  • Si l’utilisateur avancé ne veut pas utiliser Yast, il est tout à fait en droit d’éditer les fichiers de configurations manuellement et d’utiliser Zypper pour la gestion des paquets (un équivalent robuste de apt-get des familles DEB). Les administrateurs systèmes apprécieront également le dernier projet né : Machinery, un outil pour GNU/Linux afin d’inspecter les configurations des machines.
  • Ce que j’apprécie justement dans la communauté openSUSE c’est que les outils ne sont pas élitistes et profitent également aux autres distributions. Prenons par exemple l’outil OpenBuildService (OBS) qui est une forge utilisée pour construire des packages. L’instance publique utilisée pour les différentes versions d’openSUSE (et de SLES) est ouverte aux contributions, actuellement l’openSUSE Build Service héberge 47 593 projets, pour un total de 402 280 paquets dans 77 223 dépôts et est utilisée par 45 616 personnes. Il est simple et ouvert à tous de se créer un compte et packager sur cette plate-forme sans pour autant se limiter à *SUSE seulement, ni aux plates-formes Intel. Votre paquet peut-être construit pour toutes les distributions majeures (RHEL, CentOS, Fedora, SLES, openSUSE, Debian, Ubuntu, Mageia, AchLinux, etc) avec le support matériel allant des processeurs ARM jusqu’au mainframe. D’ailleurs le projet VLC utilise sa propre instance de l’OBS pour packager l’ensemble des versions du célèbre logiciel. L’instance privée permettant également la construction de logiciels pour les plateformes Windows.

Pourquoi est-elle moins connue en France qu’en Allemagne ?

Elle n’est pas populaire qu’en Allemagne, de nombreux pays l’utilisent et ce n’est pas pour rien qu’elle est souvent entre la troisième et cinquième place sur DistroWatch.

En revanche, c’est indéniable, elle reste méconnue en France. Je pense qu’il y a plusieurs raisons à cela.

D’une part, c’était une distribution payante à la base, elle n’est devenue gratuite sous l’appellation openSUSE qu’à partir la version 10.

Quand j’ai démarré Linux en 2004, j’ai commencé avec Ubuntu car j’avais des problèmes de reconnaissance de matériel, ce qui s’est clairement amélioré par la suite. À présent, je ne rencontre plus de difficulté de support matériel que ce soit sur de l’assemblé ou du constructeur même si bien évidemment, je me documente avant d’acheter. Un autre manque était le nombre de logiciels disponibles mais là encore la communauté a largement rattrapé son retard.

Ensuite, il y a eu le « scandale » des accords Novell Microsoft alors que Novell possédait SUSE. Paradoxalement, même si tout le monde a crucifié la distribution, c’est cette collaboration qui a permis à l’ensemble des distributions Linux de s’insérer sur un réseau géré en active directory 100% Windows. Comme je me fais souvent troller sur les stands avec cela, je tiens d’ailleurs à préciser que suite au rachat de Novell par Microfocus, SUSE et Novell sont deux entités distinctes et les accords liaient spécifiquement Novell et Microsoft, SUSE n’est donc plus concerné.

Pour toutes ces raisons, je pense que la communauté francophone est en retrait par rapport aux autres mais dès que l’on franchit les frontières de l’Hexagone, ce n’est plus la même répartition. C’est d’autant plus frustrant que lors d’événements du type RMLL, Solutions Linux, Paris OpenSource Summit, Capitole du Libre, des personnes viennent nous revoir d’une année à l’autre en nous disant qu’elles ne regrettent pas d’avoir essayé notre caméléon. Elles n’ont pas eu besoin de venir sur le forum chercher de l’aide. Comme toujours, les personnes qui s’inscrivent ont généralement des problèmes à résoudre, il manque les autres pour qui tout s’est bien passé.

En tout cas c’est moins facile d’avoir de l’aide… Moi aussi, je me suis battu avec une carte réseau récalcitrante et j’ai laissé tomber. Dommage, j’aimais bien. Comment on fait quand on galère ?

La communauté openSUSE francophone est clairement moins importante que celles d’autres distributions. C’est l’histoire de l’œuf ou la poule : est-ce que la communauté est petite à cause de sa popularité dans l’Hexagone ou est-ce l’inverse ?

Il existe néanmoins des moyens de trouver de l’aide sur openSUSE :

  • La mailing liste francophone
  • IRC #openSUSE-fr sur Freenode
  • le forum Alionet.org

Bref, un éventail de plate-formes pour essayer de correspondre à chacun.

Vous avez tout le temps plein de goodies. Il y a des sous dans openSUSE ? Quel est le modèle économique ?

openSUSE est financée en majeure partie par SUSE, qui a lancé la distribution. L’entreprise encourage ses ingénieurs à participer à openSUSE. Du coup ils peuvent bosser sur la distribution sur une partie de leur temps de travail. Il y a aussi d’autres entreprises qui font des dons de matériel (notamment les machines pour l’openSUSE Build Service).

Concernant les goodies, lorsqu’on est ambassadeur openSUSE, il est possible via le wiki + email de prétendre à un kit stand. Il faut indiquer l’événement, le volume de personnes attendues, etc. openSUSE envoie alors un kit stand que nous devons redistribuer gratuitement. (nappe, 2 t-shirts, flyers en anglais).

En parallèle l’association Alionet a pris plusieurs initiatives :

  • Prendre contact avec SUSE France avec qui nous avons d’excellents contacts pour quelques goodies supplémentaires.
  • Éditer sur le budget de l’association propre des t-shirts et clés USB car nous n’en avions pas de la part de nos partenaires.
  • Nous prenons en charge l’impression de documents en français puisque openSUSE ne fournit que des informations en anglais.

Pourquoi est-elle passée en rolling release ?

En fait, elle n’est pas passée en rolling release. 😉

Le projet propose maintenant deux distributions : une « classique », openSUSE Leap, la distribution principale, l’héritière de l’openSUSE que l’on connaissait jusqu’à l’an dernier. La dénomination Leap souligne le fait qu’il y a eu un changement dans la façon de construire la distribution, en faisant une base commune avec SUSE Linux Enterprise (SLE) la distribution commerciale de SUSE. Un « saut » qui s’est traduit également dans le numéro de version : 13.2 -> 42.1.

Une en rolling release effectivement : openSUSE Tumbleweed (« virevoltant » en anglais). Elle, c’est l’héritière de « Factory », une base de code instable qui servait aux contributeurs du projet à mettre au point openSUSE ancienne formule (avant Leap). Cette base de code a évolué, s’est dotée de nouveaux outils pour finalement être considérée comme « stable » – dans le sens où ça ne casse pas, mais bien sûr ça bouge vite – et être appelée Tumbleweed.

Pourquoi faire ça ? Pour mieux répondre aux besoins de chacun : ceux qui ont besoin d’une grande stabilité ou ne veulent pas beaucoup de changements sur leur système peuvent utiliser Leap, ceux qui veulent des logiciels toujours plus récents (mais stables ; pas des préversions ou très peu) peuvent utiliser Tumbleweed.

Quoi de neuf dans la nouvelle version, justement ?

Une des nouvelles les plus intéressantes est l’arrivée de Plasma 5.8.1, la toute dernière version du bureau KDE. C’est une version estampillée LTS, c’est-à-dire que KDE va se focaliser sur la stabilité et la durée pour cette version, ce qui colle avec les objectifs de Leap. Pour la petite histoire, openSUSE et KDE se sont mis d’accord pour que leurs calendriers respectifs collent et que Leap 42.2 puisse intégrer dans de bonnes conditions cette nouvelle version de Plasma. Et pour la deuxième petite histoire : KDE chez openSUSE, c’est entièrement géré par la communauté (ça ne vient pas de SLE).

Pour les amateurs de cartes et d’embarqué, de nouveaux portages pour ARM sont disponibles.

Pour les amateurs de nouveaux systèmes de fichiers : Snapper peut utiliser les quotas Btrfs pour gérer le nettoyage des snapshots.

Vous trouverez plus d’infos dans l’annonce de version.

La communauté Fedora se rend compte d’un déclin de l’intérêt des gens pour les principales distributions. Est-ce aussi un constat sur openSUSE ?

Pas à ma connaissance. Il y a peut être eu des signes en amont qui expliqueraient pourquoi openSUSE a revu son mode de fonctionnement en proposant deux versions : Leap et son rapprochement avec la version SUSE Linux Entreprise et la rolling release Tumbleweed face à la popularité d’Archlinux par exemple.

Ce que je constate en revanche, c’est le déclin de communauté d’entraide en général. La montée des réseaux sociaux a tué les bons vieux forums d’entraide et les mentalités ont changé. On peine à recruter des bonnes volontés mais ce n’est pas un problème exclusif à Alionet.

Comment peut-on aider au développement d’openSUSE ?

Une petite liste non-exhaustive de choses que l’on peut faire pour participer :

Le mot de la fin est pour vous

openSUSE est un projet global vraiment passionnant avec une communauté internationale très ouverte. Sa communauté francophone bien que peu nombreuse n’en est pas moins réactive et les personnes ont toujours trouvé des réponses à leurs questions.

N’hésitez pas à tester cette distribution et à venir à notre rencontre. 🙂

 

 

Pour aller plus loin :